Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 59e réunion du Comité permanent des anciens combattants.
[Traduction]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 6 mars 2023, le Comité entreprend son étude des arriérés au Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre collègue, M. Eric Melillo, qui remplace M. Fraser Tolmie.
Honorables députés et témoins, j'aimerais vous rappeler que même si cette salle est dotée d'un système audio puissant, des retours de son peuvent se produire. Ces phénomènes peuvent être extrêmement dommageables pour les interprètes et causer des blessures graves.
Les retours de son sont le plus souvent causés par une trop grande proximité entre un écouteur et un microphone. Nous demandons donc à tous les participants de faire très attention lorsqu'ils manipulent les écouteurs, surtout lorsque leur microphone ou celui de leur voisin est activé.
Afin de prévenir les incidents et de protéger la santé auditive de nos interprètes, j'invite les participants et les témoins à s'assurer de parler dans le microphone dans lequel leur casque d'écoute est branché et à éviter de manipuler les écouteurs en les plaçant sur la table loin du microphone lorsqu'ils ne sont pas utilisés.
[Français]
Je vous rappelle aussi que toutes les interventions des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Compte tenu de l'heure, je demande le consentement unanime des membres du Comité pour continuer la réunion jusqu'à 18 heures ou 18 h 15, à condition que nos témoins puissent rester jusqu'à ce moment-là. Y a-t-il consentement unanime pour prolonger la réunion jusqu'à 18 h 15? Je vois que oui, et je vous remercie.
(1710)
[Traduction]
Chers collègues, mettons-nous au travail.
Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
[Français]
Du ministère des Anciens Combattants, nous recevons M. Steven Woodman, directeur principal par intérim, Opérations juridiques, Bureau de services juridiques des pensions. Du Tribunal des anciens combattants — révision et appel, nous avons M. Christopher J. McNeil, président, et M. Jacques A. Bouchard, vice-président.
Messieurs, nous vous cédons la parole pour votre discours d'introduction. Vous avez cinq minutes pour vous adresser aux membres du Comité.
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître de nouveau devant vous.
Comme d'habitude, je suis accompagné de mon collègue, le vice-président Jacques Bouchard, lieutenant-colonel à la retraite.
M. Bouchard et moi travaillons au Tribunal après avoir servi en uniforme. Ce qui nous motive tous les jours dans notre travail, c'est d'avoir servi auprès de ceux qui ont souffert. Nous sommes très fiers du travail que nous faisons et des membres et du personnel de l'Île‑du‑Prince‑Édouard qui servent les anciens combattants au quotidien.
Comme vous le savez, le rôle du Tribunal consiste essentiellement à donner aux anciens combattants la possibilité de porter en appel les décisions d'Anciens Combattants Canada, ou ACC, à l'égard des demandes de prestations d'invalidité lorsqu'ils n'en sont pas satisfaits. Ainsi, la charge de travail du Tribunal est directement liée à celle d’ACC.
En général, le Tribunal doit examiner environ 10 % des décisions d'ACC. Ce pourcentage fluctue d'une année à l'autre. Si ACC a des arriérés, ces derniers finiront par être transférés au Tribunal à un moment donné. En raison de l'augmentation importante du nombre de décisions rendues par ACC au cours des dernières années, le Tribunal a constaté une augmentation d'environ 30 % du nombre de demandes qu'il reçoit.
L'augmentation de la charge de travail au cours des dernières années a nui à notre capacité de fournir aux anciens combattants des audiences en temps opportun. En 2018‑2019, il y avait à peu près 1 500 dossiers en attente. Maintenant, en 2022‑2023, il y en a 6 100, et ce, en dépit du fait que nous avons presque triplé le nombre d'audiences que nous avons tenues au cours de la même période. En 2018‑2019, nous avons entendu environ 2 000 causes par année. L'année dernière, nous en avons entendu 5 200. Cette année, nous allons probablement en entendre 6 000.
Par conséquent, les anciens combattants doivent attendre plus longtemps avant que leurs décisions ne soient rendues. Ils attendent jusqu'à près d'un an — environ 400 jours.
Nous sommes heureux que le ministre ait appuyé la demande de financement supplémentaire du Tribunal afin de s'attaquer à ces arriérés croissants. Le Tribunal a ainsi reçu un financement temporaire de 6,2 millions de dollars pour deux ans dans le budget de 2022. Cette somme peut sembler modeste, mais il faut tenir compte du fait que nous fonctionnons avec un budget de fonctionnement de 11 millions de dollars; il s'agit donc d'un investissement substantiel dans notre service. En outre, le gouvernement du Canada s'est engagé à fournir au Tribunal des fonds supplémentaires à l'appui d'une stratégie à long terme visant à réduire les délais d'attente.
Grâce à ces ressources, nous avons embauché du personnel supplémentaire et nous sommes en train d'engager des membres additionnels pour tenir plus d'audiences. Nous croyons que ces mesures nous donneront une excellente occasion de réduire ces arriérés. Cependant, nous pensons qu'en l'absence de changements procéduraux importants, ces ressources supplémentaires ne suffiront pas à régler le problème des arriérés.
À cet égard, je demanderais au vice-président Jacques Bouchard de décrire brièvement les mesures que nous avons prises pour accroître l'accès des anciens combattants aux audiences et réduire le fardeau administratif.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour.
Comme M. McNeil l'a mentionné, nous voulons prendre un moment pour décrire quelques-unes des mesures que nous avons prises pour offrir un accès amélioré aux anciens combattants.
En premier lieu, nous avons élargi le modèle d'audience simplifié du Tribunal, ce qui nous a permis d'accroître le nombre d'audiences et de rendre des décisions plus rapidement. Surtout, cette mesure réduit le fardeau pour les anciens combattants et leur famille qui font une demande.
En partenariat avec le Bureau de services juridiques des pensions, nous avons participé à l'initiative ÉquipeEV avec un processus simplifié, surtout pour les cas d'hypoacousie et d'acouphène. Le Tribunal a ainsi pu rendre quelque 2 500 décisions pour ces deux problèmes de santé au cours des deux dernières années, dont 1 000 dans une période de quatre mois.
Toujours en partenariat avec le Bureau, nous menons en ce moment un projet pilote de modèle de règlement rapide des dossiers où la question en cause est très précise. L'objectif est de les régler rapidement et d'éviter qu'ils passent par le processus d'appel officiel. Le Bureau et le Tribunal estiment que ce processus offre une excellente occasion de s'attaquer à l'arriéré et de réduire le fardeau sur les anciens combattants et leur famille.
En conclusion, tous les jours, nous nous efforçons de faire que le Tribunal soit en mesure de répondre aux besoins présents et futurs des anciens combattants canadiens.
Merci, monsieur le président.
Je passe maintenant la parole à mon collègue Steven Woodman, du Bureau de services juridiques des pensions.
Bonjour et merci, monsieur le président et distingués membres du Comité, de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Steven Woodman et je suis directeur principal par intérim des opérations juridiques au Bureau de services juridiques des pensions, ou BSJP. Je suis ravi d'être ici pour vous parler du Bureau. Le Bureau existe depuis plus de 90 ans, sous une forme ou une autre, et il est le seul service de ce genre au monde.
Le mandat du BSJP est énoncé dans la Loi sur le ministère des Anciens Combattants, laquelle prévoit un service juridique gratuit pour les anciens combattants. Ce mandat consiste notamment à aider les demandeurs et les pensionnés à préparer les révisions ou les appels en vertu de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et à organiser la représentation de nos avocats lors de ces audiences.
La Loi stipule que la relation entre le Bureau et la personne qui demande de l'aide est celle d'un avocat et d'un client, ce qui veut dire que l'échange d'information avec nos clients est confidentiel.
Le Bureau de services juridiques des pensions évalue que le nombre de demandes reçues correspond à environ 20 % de la production du ministère. Cela signifie qu'à mesure que les arriérés diminuent et qu'un plus grand nombre de décisions sont prises à Anciens Combattants Canada, le travail du BSJP et, subséquemment, du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), ou TACRA, augmente.
L'an dernier, au cours de l'exercice 2022‑2023, le BSJP a reçu 16 818 dossiers. La moyenne pour les cinq années précédentes était de 13 303. À l'exception de la première année de la pandémie, le nombre de demandes a augmenté chaque année. Vu cette augmentation du nombre de demandes, nous travaillons en étroite collaboration avec le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) pour mettre en œuvre des stratégies qui permettent de mieux répondre aux demandes des anciens combattants.
Comme vous l'a indiqué M. Bouchard, ces initiatives comprennent la collaboration avec le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) afin d'établir un processus simplifié de règlement de certains dossiers et créer ce que nous appelons les équipes d'excellence pour les anciens combattants, composées d'avocats débutants qui s'occupent de questions moins complexes afin d'aider à les résoudre en dehors de notre processus habituel et d'instaurer un processus de règlement rapide.
[Français]
Environ un tiers des demandes d'assistance reçues par le Bureau de services juridiques des pensions nécessiteront une audience devant le Tribunal des anciens combattants. En définitive, le Bureau représente les vétérans dans plus de 95 % des causes entendues par le Tribunal.
En plus de représenter les vétérans devant le Tribunal, le Bureau soumet chaque année entre 2 000 et 3 000 dossiers à Anciens Combattants Canada pour révision ministérielle. Une demande de révision ministérielle constitue essentiellement une demande au ministère de réviser sa propre décision à la lumière d'une nouvelle preuve ou d'une clarification de la preuve qui était déjà disponible au moment de la décision initiale.
Dans les dernières années, le ministère s'est vu attribuer du financement supplémentaire afin d'augmenter temporairement ses capacités. Ce financement a permis au Bureau de s'attaquer à son propre arriéré. Dans le budget de 2023, le gouvernement a annoncé un nouveau financement visant à aider le Bureau à continuer de réduire son arriéré et à maintenir les services offerts aux anciens combattants. Il s'agit évidemment d'une aide précieuse, mais nous continuons de travailler à une solution à long terme concernant ces défis.
Je vous remercie tous de votre présence aujourd'hui et de vos témoignages.
Je vais commencer par vous, monsieur Woodman.
Au Bureau de services juridiques des pensions, que faites-vous pour obtenir les commentaires des anciens combattants? Que faites-vous pour leur demander s'ils sont satisfaits du travail que vous faites en leur nom ou s'il y a des moyens de vous améliorer?
Nous faisons des entrevues de bilan après toutes les audiences. Nous sommes enchantés de vous dire que notre taux de satisfaction de la part des anciens combattants que nous représentons est probablement de plus de 90 %. C'est le cas depuis pratiquement le tout début du Bureau.
Bien entendu, nous avons des contacts personnels et téléphoniques quotidiens avec les anciens combattants. Nous sommes ouverts à eux. C'est notre travail, notre raison d'être, alors nous les entendons tout le temps, et nous nous efforçons réellement d'écouter leurs préoccupations, d'en faire part à ACC et d'en discuter avec nos clients.
En parcourant le plan ministériel d'ACC pour l'année à venir, j'ai remarqué que le Bureau de services juridiques des pensions y est mentionné à deux reprises.
Dans un des cas, il est question d'un des plans ministériels. Le rapport indique que le ministère examinera la question pour voir si de nouvelles technologies, comme l'intelligence artificielle, pourraient accroître l'efficacité. Cela concerne votre travail au Bureau de services juridiques des pensions.
Pouvez-vous me dire ce que cela signifie exactement? Quelles sont les intentions derrière l'utilisation de l'intelligence artificielle dans votre travail?
Je crains de ne pas savoir dans quelles intentions le ministère entend utiliser l'intelligence artificielle dans le cadre de notre travail.
Manifestement, il y a la question des décisions de premier niveau, qui doivent être communiquées avec une certaine efficacité. Cependant, dans notre travail proprement dit, je n'entrevois pas d'application nécessaire et immédiate à l'intelligence artificielle.
Oui. Cette proposition m'a certainement inquiété. Quand je pense aux cas des anciens combattants, il s'agit souvent de dossiers très complexes et nuancés. Je pense qu'ils exigent beaucoup de compréhension humaine et d'empathie. Cela me fait peur de penser que l’on considère qu'un algorithme ou qu'un robot pourrait accomplir une partie de ce travail. Franchement, cela m'effraie au plus haut point. C'est beaucoup trop impersonnel pour ce qu'il faut faire afin de servir nos anciens combattants.
Je vous demanderais d'effectuer des vérifications pour voir ce que vous pouvez découvrir sur ce que cela signifie réellement et de fournir des renseignements à ce sujet au Comité. Cela me préoccupe certainement. Je comprends que vous ne connaissiez pas les intentions, mais si vous pouviez voir ce que vous pouvez découvrir et faire part de ces intentions au Comité, ce serait certainement une bonne chose à savoir.
J'en resterai là pour l'instant.
Je vais maintenant m'adresser à M. McNeil ou à quiconque souhaite répondre au nom du Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
J'ai récemment reçu une lettre d'un ancien combattant. Je vais en citer un passage, car elle contient une observation intéressante. Cet ancien combattant indique qu'il semble qu'ACC rejette systématiquement les demandes et oblige les gens à interjeter appel, et il aimerait savoir pourquoi. Il considère que tous les anciens combattants méritent de savoir pourquoi. ACC n'est pas censé être géré comme une compagnie d'assurances, et il devrait toujours accorder le bénéfice du doute à l'ancien combattant. Il poursuit en disant pouvoir affirmer avec certitude que des gens qui satisfont aux critères sont régulièrement déboutés et forcés de recourir au processus d'appel.
Cela s'apparente‑t‑il à quelque chose que vous avez entendu de la part d'anciens combattants? Pensez-vous que les observations que cet ancien combattant m'a transmises sont exactes?
Les anciens combattants nous font certainement part de leur mécontentement, mais je ne peux que dire... Nous nous occupons de 10 % ou moins des décisions d'ACC. Nous présumons qu'il y a un plus grand nombre de personnes qui sont satisfaites des décisions ou qui poursuivent... Nous nous occupons de 10 % des cas et constatons que les décisions que nous examinons se classent dans deux ou trois catégories. Il y a d'abord le cas de la simple erreur humaine, puisque c'est une activité dans le cadre de laquelle des gens prennent des décisions. La deuxième catégorie est celle de la modification du consensus médical. Dans le troisième cas, les anciens combattants ont un avocat et ont maintenant des éléments de preuve. Ils avaient besoin de nouvelles preuves. C'est généralement la nature du travail que nous faisons.
Nous voyons des anciens combattants pour la première fois, et ceux que nous rencontrons sont évidemment mécontents. Je peux seulement vous donner les chiffres. Nous traitons 10 % des cas, et c'est un maximum. Certaines années, nous en faisons moins.
Quelles sont, selon vous, les erreurs les plus flagrantes ou les décisions les plus révoltantes que vous ayez vues et que vous avez dû contester au cours des dernières années? Pourriez-vous nous donner quelques exemples sans divulguer de renseignements personnels?
Je ne peux pas dire que je vois d'erreurs flagrantes... Nous voyons des erreurs. Parfois, elles sont évidentes, mais parfois, les gens ne comprennent tout simplement pas les critères pour telle ou telle chose. Je ne peux personnellement pas dire que j'ai observé un effort concerté, et je ne pense pas que M. Bouchard pourrait le dire non plus. C'est surtout un problème de manque de preuve.
Que pensez-vous de l'attitude générale des anciens combattants à l'égard d'ACC quand vous les entendez lors des audiences? Quel serait le sentiment général des anciens combattants qui s'adressent à vous à l'égard d'ACC?
Comme je l'ai déjà indiqué, je ne pense pas que les anciens combattants qui viennent nous voir fassent de distinction. Comme je l'ai dit à mes employés, ils ne disent pas qu'ACC a fait un très mauvais travail. Ils disent que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et le BSJP effectuent un excellent travail. Ils sont en colère contre la GRC, l'armée et ACC. Ils sont fâchés contre nous. Ils sont mécontents du système, car ils voient qu'il les a laissés tomber.
Oui, nous avons un rôle à jouer et nous faisons un travail différent, mais le système ne peut être plus solide que son maillon le plus faible. D'après mon expérience, les anciens combattants sont simplement mécontents du système. Ils ne disent pas « Oui, ACC... » Bien entendu, lorsqu'ils sont devant nous, ils peuvent vilipender ACC, mais ils sont tout aussi mécontents des Forces armées canadiennes.
Je pense que le président me signale que mon temps de parole est écoulé. Je pourrai peut-être y revenir plus tard et nous pourrons examiner un peu plus en détail ce que nous pouvons faire pour améliorer le système.
Notre comité a passé beaucoup de temps avec des fonctionnaires du ministère des Anciens Combattants en raison des arriérés dans le traitement des demandes de prestations d'invalidité. D'après ce que je comprends, vous dites qu'une partie des dossiers se rendent jusqu'à vous, mais pas tous.
Les fonctionnaires ont été en mesure de nous fournir d'assez bonnes données sur la composition de ces demandes, comme le temps d'attente moyen pour un francophone par rapport à un anglophone ou pour une femme par rapport à un homme. Pouvez-vous nous fournir de telles données?
Il n'y a pas d'énorme différence entre les sexes. À l'heure actuelle, il y a un retard d'environ deux semaines pour les femmes, et je ne peux pas vous dire pourquoi. Les dossiers arrivent de la même manière et sont traités de la même façon, alors je ne peux pas vous expliquer cette différence. C'est peut-être la nature des cas. Je ne sais pas.
Dans le cas des anciens combattants francophones, c'est un peu différent. Je vais céder la parole à M. Bouchard, qui passe le plus clair de son temps à essayer de régler ce problème. Nous avons constaté un recul par rapport à l'année dernière à cet égard, mais je laisserai M. Bouchard en parler.
Malheureusement, nous sommes à côté d'un éléphant. Nous sommes un tout petit tribunal à côté d'une très grosse organisation qui engage des francophones. Pour nous, retenir les francophones est donc très difficile, ce qui fait que durant les deux dernières années, en particulier la dernière, nous avons malheureusement vu une augmentation du nombre de semaines qu'il nous faut pour rendre des décisions en français.
Nous sommes chanceux, parce que, comme M. McNeil l'a mentionné plus tôt, le gouvernement et le ministre des Anciens Combattants ont reconnu que nous avions besoin de plus d'effectifs, et nous avons reçu une augmentation considérable de financement, 6,2 millions de dollars, pour les deux prochaines années. D'ailleurs, nous avons déjà commencé à engager des francophones ou au moins des gens bilingues pour pouvoir rendre des décisions un peu plus rapidement.
Je peux fournir des statistiques au Comité. Actuellement, en 2022‑2023, nous en sommes à une période d'attente moyenne de 57,1 semaines pour les demandes en français, soit 400 jours justement, alors qu'elle est de 49,3 semaines pour les demandes en anglais. En 2021‑2022, nous en étions à 44,5 semaines pour les demandes en français et à 42,7 semaines pour les demandes en anglais. J'espère que cela répond à votre question.
Vu l'augmentation et la taille considérables des arriérés, pourriez-vous me donner votre appréciation du moral à l'heure actuelle, monsieur McNeil?
La dernière fois que nous avons effectué une étude assez approfondie du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), il y a 10 ou 11 ans environ, le Comité a présenté un rapport où il proposait des améliorations. C'était à l'époque de John Larlee et de Harold Leduc. Je suis certain que ces noms résonnent encore dans les couloirs là‑bas.
Pouvez-nous nous parler du moral à l'heure actuelle? Je sais que la COVID a également eu une incidence, mais je m'interroge à propos de la culture.
Eh bien, nous sommes très fiers de notre culture. Nous y avons travaillé.
Nous croyons que nous avons une culture émergente et que nous sommes en train d'établir une organisation où les gens veulent venir travailler parce que nous pouvons leur offrir notre mantra: nous voulons qu'ils réussissent dans leur vie professionnelle et personnelle, peu importe ce que cela signifie pour eux. Notre personnel est très jeune. Le Tribunal existe depuis 25 ans, alors la première cohorte, cette version du Tribunal, est également là et prend maintenant sa retraite.
Notre personnel est très jeune, et nous avons la chance d'avoir une toute nouvelle installation moderne, neuve et dynamique à l'Île‑du‑Prince‑Édouard, sur le chemin St. Peters. Je viens de recevoir les résultats du plus récent sondage, et le Tribunal a généralement obtenu une note plus élevée que d'autres organisations de même taille dans la fonction publique. Nous en sommes très fiers.
Comme M. Bouchard l'a indiqué, nous sommes une fourmi à côté d'un éléphant. Il y a toujours plus de possibilités à ACC que nous ne pouvons en offrir, alors nous tentons de dire aux gens qu'ils peuvent venir ici et bénéficier d'un équilibre travail-famille, et cela porte fruit pour nous.
La majorité de nos dossiers sont des révisions, et ces affaires sont examinées par un groupe de deux personnes. C'est la majorité des cas. Les appels ont considérablement diminué au cours des trois dernières années pour de nombreuses raisons, mais la majorité de notre travail se fait en équipe de deux personnes.
Je dois dire qu'après la COVID, les anciens combattants ont l'avantage d'avoir le choix, alors nous tenons beaucoup plus d'audiences virtuelles. Nous tenons moins d'audiences en personne depuis la COVID. Nous ne savons pas quel sera le chiffre quand les choses reviendront à la normale, mais les choses sont en train de se stabiliser.
Nous avions recommandé, dans le rapport de décembre 2012, de faire en sorte que les vétérans qui décident d'aller devant la Cour d'appel fédérale pour un appel judiciaire soient représentés par le Bureau.
Le problème majeur, à ce stade‑ci, est le suivant: peu de cas se rendent devant la Cour fédérale. Cela s'explique en partie par le changement d'approche du Tribunal par rapport à bon nombre d'enjeux qui, dans les années passées, se seraient autrement retrouvés devant la Cour fédérale. La plupart des cas qui s'y rendent sont presque toujours représentés par des avocats qui travaillent pro bono. Cette méthode a assez bien réussi à régler certains des problèmes qui ont surgi.
Monsieur Bouchard, votre président a mentionné qu'en l'absence de véritables changements dans la procédure, ces ressources additionnelles — j'imagine qu'il parlait des 6 millions de dollars — ne permettront pas à elles seules d'éliminer l'arriéré. Je me demande donc toujours quelle est la solution, mais je me demande aussi s'il y a toujours eu un arriéré.
Lors de mon premier mandat, j'ai assisté à trois ou quatre audiences du Tribunal. Je trouve cela très pénible pour ces gens-là. Je ne pense pas que ce soit de votre faute, mais c'est assez difficile sur le plan humain. Les gens ont parfois de la difficulté à s'exprimer, ce sont des gens démunis et qui ont peut-être des difficultés sur le plan psychologique. Il est triste de constater que ces gens ne sont pas outillés.
C'est peut-être un hasard, mais aucun des quatre cas auxquels j'ai assisté n'a été entendu et n'a mené à une décision. Dans chaque cas, le dossier a été renvoyé au requérant pour motif qu'un document ou une photocopie était illisible, qu'on devait reprendre un examen, ou pour une autre raison du même genre.
Je vais revenir à ma question. Vous avez parlé des six millions de dollars, mais vous sembliez vouloir mettre en place des changements sur le plan de la procédure. Je ne sais pas si je me trompe, mais c'est ce que j'ai compris. Pouvez-vous nous parler un peu de ce que peuvent vouloir dire ces changements sur le plan de la procédure?
Comme je l'ai mentionné, nous avons simplifié certaines démarches depuis trois ans. Nous sommes maintenant en train de mettre à l'essai un nouveau processus de règlement rapide des dossiers visant des cas assez précis. Nous allons définir ce à quoi cela ressemblera d'ici les prochaines semaines. Nous avons mené un projet pilote à cet égard, avec cinq cas, et nous en ferons un autre au mois d'août avec cinq autres cas. Nous devrions être en mesure de vous donner plus d'information par la suite.
Quand vous parliez de procédure, vous parliez d'une façon plus efficace de répondre à la demande. J'imagine qu'il doit y avoir d'autres cas de parachutistes qui se brisent les genoux ou de personnes ayant des problèmes auditifs. J'ai l'impression que cela devient pratiquement un automatisme, après un certain nombre d'années. Il doit y avoir d'autres cas identifiés ou identifiables pour lesquels on pourrait instaurer un traitement plus rapide.
On pourrait faire une étude de probabilités pour affirmer que, dans certains types de cas, certains facteurs s'appliquent. Les cas les plus fréquents sont ceux de perte auditive et d'acouphènes. J'ai déjà abordé devant le Comité le fait que je crois que cela crée la meilleure voie pour un processus plus court en première ligne. Nous interprétons plus favorablement les politiques et les lignes directrices d'Anciens Combattants Canada, ce qui fait que nous avons un processus très court, comme l'a dit M. Bouchard. L'année dernière, nous avons traité environ 1 000 cas en trois mois.
Notre erreur, par le passé — si je peux parler des erreurs —, a été de créer des processus qui nous permettaient d'entendre plus de cas. Nous avons amélioré le processus d'audience, mais nous n'avons pas réduit le temps de travail du personnel en début de processus ni le temps en fin de processus. Nous tentons à présent de rendre le tout... de réduire la quantité de travail et de réduire la quantité en fin de processus, ce qui, en fin de compte, allège le fardeau des vétérans.
Monsieur Woodman, vous avez fait allusion, tantôt, au fait que le Canada — c'est toujours drôle de dire cela — est un des seuls endroits au monde où existe un tel tribunal. Est-ce bien ce que vous avez dit?
Le problème qu'on constate encore aujourd'hui, c'est qu'on ne réussit pas à respecter les délais qu'on se fixe pour les demandes d'indemnité, que ce soit au Tribunal des anciens combattants, à Anciens Combattants Canada ou n'importe où ailleurs.
Vous êtes-vous fiés à des études probantes qui ont été réalisées ailleurs par des pays qui sont peut-être arrivés à de meilleurs résultats que nous? J'imagine que vous allez répondre oui.
De notre côté, non. Évidemment, notre travail, ou notre lot, si vous voulez, est de représenter les anciens combattants et d'être leur porte-parole. Au Bureau de services juridiques des pensions, nous devons savoir comment faire notre travail comme il faut. Si le gouvernement changeait d'approche, nous changerions évidemment notre travail, mais, pour le moment, c'est ce que nous faisons comme travail.
On pourrait aussi dire « si le gouvernement change », tout court.
En terminant, j'aimerais simplement dire que j'ai fait appel il y a quelques mois aux services de M. Bouchard pour avoir des chiffres. J'ai reçu une réponse très rapidement et les chiffres étaient d'une clarté déséquilibrante.
Je vous suis également reconnaissant de répondre tous les trois aux questions. Il est toujours difficile d'avoir des réponses au Comité permanent des anciens combattants.
Je remercie nos témoins d'être présents aujourd'hui. Je suis toujours ravie de recevoir vos commentaires.
M. Casey vous a posé une question au sujet des statistiques et des chiffres. Pourriez-vous faire un envoi officiel au Comité? Je vous en serais très reconnaissante.
Ma première question est pour M. McNeil.
J'essaie de comprendre le processus. Quand le Tribunal rend des décisions différentes de celles du ministère, quel est le processus pour interpréter ou changer la politique?
Je précise. D'après ce que je comprends, le Tribunal rend des décisions plus favorables — je crois que c'est ce que vous avez dit — que le ministère sur des demandes relatives à des acouphènes. Cette situation peut ne pas sembler juste pour tous les vétérans. Je me demande comment vous travaillez avec le ministère pour équilibrer la situation. Est‑ce que vous le faites?
Le Tribunal et le ministère ne travaillent pas ensemble concrètement pour parler de leurs politiques, parce que nous devons porter un jugement sur les politiques du ministère. Je présume que le ministère a un processus interne pour étudier nos décisions au fil du temps.
J'ai eu l'avantage de me réunir régulièrement avec le sous-ministre pour discuter de cas. Par exemple, nous avons eu quelques réunions sur la perte auditive et les acouphènes. Le Tribunal interprète la politique du ministère de manière bien plus généreuse que le ministère, alors nous constatons un afflux de ce type de cas. Évidemment, nous communiquons avec le ministère pour tenter d'arrimer nos efforts et trouver une solution.
La Cour fédérale rend une décision et le Tribunal doit réfléchir à ce qu'il fera en conséquence. Nous sommes le Tribunal, et je présume que le ministère a un processus pour rester au courant de ces décisions.
Vous avez également mentionné, dans le cadre de notre discussion — corrigez-moi si je me trompe —, que vous avez constaté une augmentation de 30 % des cas présentés au Tribunal. Je me demande si vous observez une tendance particulière dans cette augmentation.
Deux tendances se dégagent de cette augmentation. D'abord, nous avons de nombreux cas de perte auditive et d'acouphènes. C'est pourquoi nous avons agi ainsi.
De plus, il y a la question des arriérés, qui ont deux effets sur le Tribunal. D'abord, quand on s'attaque à l'arriéré, certains cas ont une incidence sur les autres. L'initiative d'adopter une politique plus favorable d'admissibilité partielle ou celle relative aux traumatismes sexuels militaires... Ces cas ont un effet boomerang. Les personnes dont la demande avait été refusée en vertu de l'ancienne politique reviennent et veulent maintenant être traitées, alors ces cas reviennent.
Voilà deux facteurs importants. Nous nous attendons à ce que la bulle d'arriérés disparaisse à un certain moment. Nous composerons avec la bulle, puis nous retournerons à des chiffres normaux, ceux que nous avons habituellement. Toutefois, ces cas sont principalement... Cinquante pour cent de nos cas... Je crois que, l'année dernière, 40 % des cas concernaient une perte auditive ou des acouphènes.
C'est une proportion énorme. Je reviens en arrière. Notre comité mène actuellement — mais pas aujourd'hui — une étude sur les vétéranes. Vous avez dit qu'il semblait y avoir une attente plus longue pour les vétéranes, pour des motifs qui ne sont pas clairs. Je me demande si vous avez une idée du nombre de dossiers de vétéranes que vous avez. Y a‑t‑il une tendance précise chez les femmes?
Environ 16 % de nos dossiers concernent des femmes. Il faut composer en partie avec le fait que les femmes ont longtemps été désavantagées. Avec le recul, et il faut en prendre la responsabilité, nous constatons que les demandes des femmes ont obtenu de plus hauts taux de refus. Les dossiers ont été retenus. Les femmes ont de plus hauts taux d'admissibilité partielle. Par exemple, d'après mon expérience, la grossesse peut être un facteur de risque pour environ la moitié des affections. Il est arrivé souvent qu'une femme enceinte n'ait pas été jugée entièrement admissible, même si, d'un point de vue objectif, les éléments de preuve ne suggèrent pas nécessairement... Le fardeau des femmes a été plus lourd. Elles nous disent — et c'est vrai — qu'elles interagissent avec un système médical taillé essentiellement pour les hommes. Voilà le défi. Je ne crois pas qu'il y ait des différences fondamentales dans le contenu des demandes. Elles présentent des demandes pour des blessures au dos, au cou, aux jambes et pour le syndrome de stress post-traumatique. Les dossiers sont semblables. Le problème vient de leurs interactions avec le système et de la façon dont elles ont été traitées dans ces dossiers. Par exemple, elles n'ont pas nécessairement été considérées comme ayant été au combat, alors qu'elles l'ont été.
Voilà qui est intéressant. La semaine dernière, une vétérane nous a dit qu'il serait bien de reconnaître cet état de fait dans les demandes des femmes. Il s'agit de comprendre ce qu'ont vécu les femmes de service et de modifier le processus, de manière à ce que le vécu des femmes soit reconnu. Il semble que vous constatiez la même chose et que les décisions que vous prenez en soient la preuve.
Nous tentons de comprendre leur vécu et d'ajuster notre approche en fonction de cela. Nous reconnaissons que le système n'est pas nécessairement le même.
Nous avons des statistiques sur les francophones principalement parce que nos audiences se tiennent en français ou en anglais. Nous avons toujours recueilli des données sur le sexe, mais nous ne le faisons pas toujours. Je suis certain que, si l'on creusait suffisamment certains dossiers, l'on saurait si ces personnes se sont identifiées. Notre organisme est de petite taille et nous obtenons généralement nos statistiques du ministère. Si ces données existent, vous pourriez probablement les obtenir, mais nous ne les avons pas.
Merci, monsieur le président. Je suis ravie d'être ici.
Je prends un moment, très rapidement, pour présenter un avis de motion pour que vous soyez au courant. La voici:
Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent des anciens combattants entreprenne une étude de pas moins de 8 réunions sur le médicament contre le paludisme, connu sous le nom de méfloquine et de marques déposées comme Mefliam et Lariam; que l’étude couvre tout l’historique du médicament distribué aux membres des Forces armées canadiennes, ou FAC, de sa première distribution jusqu’à aujourd’hui; que l’étude examine tous les aspects de l’utilisation de la méfloquine et d’autres médicaments contre le paludisme par les FAC, y compris la distribution, l’établissement du prix, les essais cliniques, le dosage, le suivi, les effets indésirables, un examen des dernières études, une comparaison avec l’expérience des alliés du Canada et d’autres sujets connexes; que le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre.
Le Comité, à l'époque, avait mené une brève étude sur le sujet. Nous sommes très en retard sur le reste du monde quant à la reconnaissance des préjudices causés par ce médicament dans nos forces armées. Je crois que ce serait bien d'en faire une étude. Je donne avis de cette motion, si vous me permettez.
Nous avons reçu un groupe de femmes, jeudi dernier, je crois. Il s'agit, selon moi, du meilleur témoignage que nous avons reçu jusqu'à maintenant et du témoignage le plus difficile à écouter. Il a soulevé des questions.
Je vous lis une citation de l'une des témoins, la capitaine Louise Siew. Elle est de mon époque; peut-être est‑ce pourquoi je comprends vraiment ce qu'elle dit. Elle a du vécu. Je lis ce qu'elle a affirmé aux fins du compte rendu:
Ayant été enrôlée en 1975, je peux affirmer que, dans l’ensemble, les responsables de l’armée, contraints d’opérer ce changement dans les années 1970, ont agi à contrecoeur, sans volonté d’accommoder les femmes, et que cette position a été maintenue aussi longtemps que cela a été possible. Ils ont, de façon proactive, rejeté, maltraité, humilié et même blessé plusieurs femmes.
Les obstacles politiques et culturels ont créé des conditions propices aux mauvais traitements et au harcèlement physique, mental et sexuel et nous ont empêchées de faire entendre notre voix.
Elle a poursuivi:
Les Forces canadiennes doivent tenir compte des conditions de service que les femmes ont endurées dans le passé et des effets sur leur santé et leur bien-être qui en ont résulté.
Voilà pour les Forces armées canadiennes. Elle a poursuivi:
En outre, Anciens Combattants Canada doit reconnaître les répercussions de ce passé dans son processus de règlement des demandes d’invalidité et dans son offre de programmes et services pour répondre aux besoins de toutes les anciennes combattantes.
Vous parlez de la dynamique, qui est différente quand il y a des femmes. Je crois qu'il s'agit là d'un bon résumé de la question. Toutes ces femmes ont fait face à des degrés divers d'abus sexuel pendant leur service militaire, lorsqu'elles se sont efforcées, je crois, comme elle l'affirme, de dissuader d'autres femmes de s'enrôler dans les forces armées.
On parle du bénéfice du doute. Vous avez parlé du manque de preuves et des critères qui sont vraiment à la source de vos responsabilités dans votre traitement des appels.
Dans le cas juridique présent, on tient pour acquis ce que disent les femmes qui font partie de ce programme par rapport à ce qu'elles ont vécu, car les événements ne sont pas documentés. Si Anciens Combattants Canada allait de l'avant avec cette approche, quelle incidence cela aurait‑il sur les renseignements qui vous parviennent relativement aux appels?
Jugeriez-vous que, aujourd'hui encore, il y a des circonstances où vous tentez de régler un dossier, mais qu'il n'y a pas de preuves disponibles sur la question?
Non. Je ne le crois pas. Je ne dirai pas qu'il s'agit d'une connaissance d'office, mais notre pays a versé des sommes importantes en vertu de règlements reconnaissant que les femmes ont subi des violences sexuelles dans la GRC et dans les forces armées. La question n'est même plus débattue devant notre Tribunal. Il s'agit d'un fait. Alors, quand les femmes nous racontent leur histoire, cet aspect est établi.
De notre point de vue... En toute franchise, je dois dire que le Tribunal a participé à une étude du professeur Eichler, de l'Université Mount Saint Vincent, qui s'est penchée sur nos décisions. Nous sommes à l'image du reste de la société. Nos décisions ont vraiment pâti de la violence sexuelle non reconnue... aucune corroboration, aucun rapport, aucun...
Depuis l'affaire Heyder et Beattie, Anciens Combattants Canada a établi un certain nombre d'éléments relatifs à la preuve — aucune corroboration requise, un regard plus large sur ce qui concerne le domaine militaire, les vétérans... Nous avons vu probablement une centaine de cas... Dans certains cas, nous avons infirmé des décisions en nous fondant sur la même preuve que celle qui avait justifié le rejet de la demande antérieure.
Dans ces circonstances, en ce qui concerne le traumatisme sexuel militaire, je vous serais reconnaissante si vous faisiez l'effort d'écouter la séance de jeudi dernier pour écouter le témoignage de ces femmes. Elles semblaient faire face à des difficultés incroyables pour obtenir le traitement de demandes liées en partie aux difficultés d'ordre émotionnel et mental qu'elles affrontent, car ces problèmes sont très difficiles à prouver.
Je me soucie de faire tout ce que nous pouvons faire en la matière. S'il y a un domaine où le bénéfice du doute doit être considéré, ce doit être celui‑là.
À mes yeux, quand vous parlez du manque de preuve et des critères dans le traitement... Je ne veux pas vous enlever du travail, mais pourquoi est‑ce que ces éléments ne sont pas traités d'office au moment de la présentation de la demande?
Si un document est illisible, pourquoi la demande doit-elle faire l'objet d'un appel? Pourquoi ne pas régler la question directement, de manière à faire progresser le dossier sans cette étape supplémentaire?
Ce n'est pas ce que je constate. Dans les cas que je vois, les documents n'existent pas.
Par exemple, quand les vétérans font une demande au ministère, ils n'ont pas d'accès. Quand ils s'adressent au Bureau de services juridiques des pensions, on leur dit qu'ils ont besoin de ceci ou de cela. Ils obtiennent ces documents en première ligne, mais ceux‑ci ne sont pas au dossier au bon moment. Je ne peux pas parler de la première ligne. Peut-être que la sensibilisation permettrait de régler cette question.
Essentiellement, les cas sont entendus une fois et on commence à en voir les faiblesses. Au moment où le dossier arrive à nous, il devient plus ciblé. Certains dossiers ne peuvent pas faire l'objet d'une décision. Il manque un élément de preuve. Voilà l'avantage du Bureau de services juridiques des pensions au Canada. Contrairement à ailleurs dans le monde, nous avons des conseils juridiques gratuits.
Je remercie tous les témoins pour leur présence aujourd'hui. J'aimerais vous remercier pour votre patience lorsque vous nous avez attendus au moment du vote.
Au cours des dernières années, d'après ce que je comprends, le Tribunal de révision et d'appel des anciens combattants a reçu du financement, dont les 6,2 millions de dollars que vous avez mentionnés dans votre allocution. De plus, le budget de 2023 inclut une proposition de 156,7 millions de dollars pour les cinq prochaines années.
Que planifiez-vous faire de ce financement? Ces fonds sont-ils utiles dans vos efforts d'aider les vétérans et de réduire les arriérés?
D'abord, le ministre a le pouvoir de nommer au Tribunal ce qu'on appelle des membres temporaires. Nous en sommes donc à nommer, pour la première fois dans l'histoire du Tribunal, des membres temporaires. Au cours de ma présidence... C'est la première fois en 20 ans que nous avons 25 membres au Tribunal. Nous l'avons fait fonctionner avec environ 20 membres et nous sommes en train d'en remplacer trois. Il est question des membres, mais aussi du personnel dans ce plan quinquennal: se saisir de ces cas, les traiter, éliminer l'arriéré, puis réduire le nombre de cas.
Le Tribunal n'a pas connu de hausse de son financement de base pendant plus de 20 ans. Il a souffert d'un certain déficit structurel. Voilà ce que représente ce financement. L'objectif est de créer un personnel permanent pour que le Tribunal traite les cas à l'avenir.
Il s'agit d'une question pour le ministère, car lorsque le cas arrive au Tribunal...
Je peux vous dire que nous ne recevons pas beaucoup de demandes d'admissibilité en lien avec la santé mentale. Nous voyons des arguments liés au degré d'invalidité. Le ministère accorde l'admissibilité en première ligne, mais dira que l'invalidité est de 40 %. Les vétérans s'adressent à nous pour ce genre de situations.
Messieurs les témoins, merci à vous trois d'être des nôtres aujourd'hui, et merci de votre service.
Monsieur Bouchard, je vais saisir l'occasion pour discuter davantage du projet pilote de règlement rapide des dossiers que votre équipe a lancé. Vous pensez que cela pourrait contribuer à résoudre des cas moins problématiques. Pourriez-vous nous en dire plus?
Je vais plutôt demander à mon collègue M. McNeil de le faire parce que c'est vraiment son projet et son initiative. Il a supervisé les cinq premières années du projet, et je suis en train de réaliser la deuxième phase. Je vais donc lui demander de répondre si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Dans le cadre de ce projet, on se concentre vraiment sur le cas.
Je vous raconte l'histoire d'un frère qui est un vétéran. Sa demande a récemment fait l'objet d'une révision ministérielle. Ce n'est pas un secret. Il s'est presque noyé pendant sa formation de base, ce qui a mené à une demande. Le cas a fini par se régler grâce à un rapport psychologique détaillé.
Voici ce que nous cherchons à accomplir. Un élément de preuve est produit. Afin de ne pas le faire cheminer dans le système et de ne pas recourir à la première ligne, nous voulons nous servir de l'élément de preuve en question pour approuver le cas et rédiger une décision. On peut ainsi réduire le temps accordé en arrière-plan et consacrer ce temps épargné à d'autres cas qui nécessitent plus de travail.
Le processus se fonde sur les enjeux. Ce peut-être quelque chose de très simple. Ce peut être un témoignage ou une situation où quelqu'un peut faire une déclaration pour éclaircir une situation. Le projet dépend beaucoup des avocats de M. Woodman, car ils connaissent très bien leurs cas. Ils tenteront de régler les cas rapidement.
À mon avis, si nous continuons de faire la même chose, encore et encore, nous pouvons nous attendre à obtenir le même résultat. Les vétérans réagissent à ce genre d'initiative, qui réduit leur fardeau.
Voici ce que j'ai appris: c'est l'attente qui continue de nous préoccuper. Les vétérans ont besoin de prestations. Il ne me revient pas de décider s'ils en ont besoin la semaine prochaine ou le mois prochain. Ils en ont besoin. Nous tentons de les leur obtenir plus rapidement.
Monsieur Bouchard, le ministère des Anciens Combattants a affecté un groupe de francophones au traitement des dossiers des francophones pour y répondre plus rapidement. Avec le financement supplémentaire qui est prévu, serait-il possible de mettre sur pied au Tribunal une unité réservée aux dossiers des francophones, comme l'a fait le ministère?
En ce moment, la moitié de nos membres sont bilingues et nous comptons sur plusieurs francophones, ce qui nous aide déjà beaucoup.
Cependant, avec les processus que nous avons l'intention de mettre en place, notre but est d'engager beaucoup plus de membres francophones pour pouvoir nous attaquer à tous les cas que nous avons. Je ne veux pas faire de suppositions sur le financement futur, mais celui que nous avons reçu pour les deux prochaines années nous a déjà permis d'embaucher 40 personnes, dont beaucoup sont bilingues, pour nous aider à rendre des décisions un peu plus rapidement. Notre intention est de continuer à embaucher des gens bilingues pour nous aider à rendre des décisions plus rapidement.
Monsieur Bouchard, plus tôt, vous nous avez donné des statistiques montrant la différence de délai de traitement de dossiers francophones et anglophones, entre le dépôt d'une demande et la tenue de l'audience. Pourriez-vous me parler de la différence de délai entre la tenue de l'audience et la décision?
Le délai entre l'audience et la décision est vraiment dû au fait que nous avons perdu plusieurs employés francophones ou bilingues capables de préparer les décisions dans notre équipe du contrôle de la qualité. Cependant, nous avons récemment été capables d'engager des gens bilingues.
Nous venons tout juste de terminer un projet, qui s'est tenu de novembre dernier au mois d'avril cette année. Nous avions 1 200 dossiers dans le système, et nous les avons maintenant tous traités. De ce nombre, approximativement 272 dossiers étaient en français et nous sommes en train de les finir.
Je ne pourrais pas vous le dire exactement. Je peux juste vous donner les délais entre le dépôt d'une demande et la tenue de l'audience, qui sont de 57,1 semaines pour les dossiers francophones et de 49,3 semaines pour les dossiers anglophones.
Plus tôt, on a parlé du délai entre la demande et l'audience, qui était de 400 jours, si je ne me trompe pas. Existe-t-il une norme de service que vous vous êtes donnée à ce sujet, et qui ne doit pas être de 400 jours?
Revenons aux francophones. Comment expliquez-vous qu'il soit si difficile d'embaucher des francophones? Il y a des gens bilingues, ce qui est correct, mais une personne bilingue ne répond pas nécessairement de façon totalement pertinente aux demandes d'un francophone. Pourquoi est-ce si difficile?
Je ne peux pas vraiment expliquer la raison pour laquelle il est difficile de trouver des francophones, mais je peux certainement dire que nous faisons beaucoup d'efforts pour attirer des francophones. D'ailleurs, le processus que nous allons annoncer très bientôt, je l'espère, avec l'appui du ministre des Anciens Combattants a pour intention d'embaucher beaucoup plus de membres francophones bilingues.
En ce qui concerne le personnel, 40 % de notre effectif est bilingue, et nous avons maintenant commencé à élargir la portée de nos efforts pour trouver plus de francophones qui souhaiteraient se joindre à nous.
Je suis consciente que certains d'entre vous ont un avion à prendre, alors je m'en tiendrai à deux minutes et demie.
J'essaie de comprendre la manière dont le ministère et le Tribunal sont liés. Le Comité a beaucoup discuté de la table des invalidités et des lignes directrices en matière d'admissibilité. Je me demande si vous en discutez lorsque vous travaillez sur les cas et si le ministère se sert de ces renseignements. Le ministère demande-t‑il des renseignements, de façon à ce que, lorsqu'il examine cette table, par exemple, il puisse la modifier en prenant en compte les décisions que vous avez rendues?
Certainement, nous commentons le travail du ministère. La situation est un peu problématique pour nous. Le Tribunal n'avalise pas le travail du ministère parce que nous interprétons le résultat de son travail, et notre interprétation ne correspond peut-être pas à son intention. Évidemment, il y a un aspect involontaire... Mais oui, nous commentons son travail. Le Bureau des services juridiques des pensions participe davantage à l'interprétation du ministère. Mais ces discussions sont très utiles pour nous.
Évidemment, il y a un processus interne à Anciens Combattants, et nous en faisons partie. Nous relayons des commentaires et des préoccupations, pour ainsi dire, en ce qui concerne la table des invalidités et l'examen des lignes directrices sur l'admissibilité au droit à pension et, de façon générale, certains des changements que nous avons constatés dans les décisions au cours des dernières années. Il s'agit davantage d'une conversation et d'une occasion de relayer nos commentaires, mais je suis convaincu que le ministère nous écoute.
J'espère toujours que le ministère nous écoute aussi, alors j'ai de l'espoir pour vous.
Ma dernière question porte sur la formation relative à l'analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS+. J'ai vu que c'est quelque chose qui est encouragé. Je me demande s'il y a des discussions à ce sujet.
Nous avons certainement offert cette formation à l'ensemble des membres de notre tribunal et de notre personnel, et ce, dans le cadre d'un effort plus vaste pour réagir de façon plus empathique, plus... « sensible » n'est pas le mot juste, mais il s'agit essentiellement de nous assurer de répondre aux besoins des vétérans qui s'adressent à nous. Nous avons donc offert cette formation, en plus d'une formation considérable sur les traumatismes sexuels en milieu militaire, sur les questions raciales et sur la façon dont les gens vivent le service dans de tels contextes.
Monsieur McNeil, reprenons notre discussion d'il y a environ une demi-heure.
Lorsque je vous ai interrogé au sujet des vétérans et de leur sentiment général à l'égard d'ACC quand ils se présentent devant votre tribunal, vous avez expliqué qu'ils ont l'impression que c'est davantage le système qui les a laissés tomber — à défaut d'une meilleure façon de le dire, je crois que c'est peut-être ainsi que vous l'avez exprimé. J'en déduis qu'il faut, de toute évidence, apporter des changements à la façon de faire les choses pour que les vétérans obtiennent les résultats auxquels ils s'attendent et qu'ils méritent, au lieu de finir par avoir l'impression que le système les laisse tomber.
Je me demande si vous avez des suggestions à nous faire quant aux améliorations qui pourraient s'imposer. En particulier, y a‑t‑il des mesures qu'ACC peut prendre dans le cadre de ses processus décisionnels afin que moins de vétérans aient l'impression d'avoir été laissés pour compte et que moins d'entre eux sentent le besoin d'interjeter appel de ces décisions?
Oui. Je viens du système de justice pénale, où il y a toutes sortes d'éléments distincts. Chaque organisme a sa propre indépendance, mais le système doit unir ses efforts et discuter de ces questions dans le cadre des rôles propres à chacun pour rendre le tout transparent. C'est ce que nous essayons de faire au Tribunal, en tant que partenaire, en tant que partie intégrante du système. Je pense que le système essaie d'évoluer. Je ne m'occupe que d'un petit volet. Mon champ d'action est très restreint. Je n'ai pas d'influence sur ce qui se fait au début. C'est pourquoi nous travaillons à présent en étroite collaboration avec le BSJP pour améliorer notre façon de travailler, et nous espérons que les vétérans en verront les effets.
Avant que les dossiers ne se rendent à vous, y a‑t‑il quelque chose qui, selon vous, améliorerait le résultat? Je comprends qu'il y aura toujours des appels, mais y a‑t‑il quelque chose qui pourrait améliorer les résultats au début?
Encore une fois, j'aborde ce travail du point de vue des principes de la réparation. Souvent, tout commence par la façon dont la personne est accueillie à la porte, son premier contact; c'est ce qui permet de rétablir sa confiance. On parle ici de gens qui ont servi leur pays. Ils ont une confiance très profonde. À mon avis, ce genre de principes, c'est‑à‑dire le fait de se rencontrer dès le premier contact et de demander ce que nous pouvons faire, comment nous pouvons faciliter les choses, comment nous pouvons les aider... Je crois que tout repose sur les relations. Instaurer ce genre de principes de justice réparatrice pourrait aider dans une certaine mesure, mais cela vient de quelqu'un qui parle avec beaucoup de recul.
Je ne saurais trop le dire. Il s'agit d'un très gros système. Nous représentons un petit système. Nous pouvons apporter des changements sans tarder. Lorsque nous siégeons au Tribunal, nous pouvons réagir rapidement en fonction de ce que nous observons. Je ne peux pas parler pour ACC, mais je suis persuadé que le plus tôt nous rencontrerons les vétérans pour leur expliquer ce que nous tentons d'accomplir, le mieux ce sera pour nous tous.
Au nom de tous les membres du Comité, moi y compris, j'aimerais remercier les témoins de la discussion de cet après-midi.
Nous venons d'étudier les arriérés au Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Nous avons entendu, du ministère des Anciens Combattants, Steven Woodman, directeur principal par intérim, Opérations juridiques, Bureau de services juridiques des pensions. Nous avions également parmi nous deux représentants du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), soit Christopher J. McNeil, président, et Jacques A. Bouchard, vice-président.
Je vous remercie infiniment.
[Français]
Plaît-il aux membres du Comité d'ajourner la réunion?
Des voix: D'accord.
Le président: Je ne sais pas s'il est trop tôt pour vous souhaiter à tous un bon été. Quoi qu'il en soit, je veux remercier nos interprètes, l'analyste, les greffiers et toute l'équipe technique de nous avoir accompagnés.