Cette semaine a été dure pour plusieurs d'entre nous. Nous avons des amis, des parents et des connaissances à Fort McMurray, et Fort McMurray passe de très mauvais moments. Toutes nos pensées les accompagnent. Nous espérons que tout se déroulera pour le mieux pour eux dans les circonstances.
Nous poursuivons notre étude du Partenariat transpacifique. Notre comité a été très occupé depuis le début de cette législature. Nous avons vu l'accord de libre-échange avec l'Union européenne, dont nous finissons l'examen. Nous avons examiné le bois d'oeuvre résineux et d'autres questions encore, mais le PTP est notre sujet principal. Ce comité tend la main aux intervenants et aux collectivités en général pour déterminer l'ampleur des retombées de cet accord commercial, non seulement sur les affaires et les sociétés, mais sur les Canadiens. Cet accord touchera tout le monde, d'une façon ou d'une autre. C'est ce que nous sommes en train de faire.
Nous avons eu de nombreuses réunions ici à Ottawa, mais nous sommes aussi allés dans l'Ouest. Nous avons visité quatre provinces. La semaine prochaine, nous visiterons deux villes du Québec et deux de l'Ontario; ensuite nous irons dans les provinces atlantiques puis dans les territoires.
Ceci étant dit, nous accueillons ce matin des témoins qui nous présenteront leurs points de vue, puis les députés auront la possibilité de poser des questions et de poursuivre le dialogue.
Nous accueillons ce matin à titre personnel Jim Balsillie, PDG de Research in Motion. Nous aimons tous nos BlackBerry.
C'est un plaisir de vous voir ici, monsieur.
Nous avons aussi Michael Geist, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique et professeur de droit à l'Université d'Ottawa.
Bienvenue messieurs. Je vous prie d'essayer de vous en tenir à cinq minutes chacun, si possible, ce qui nous laissera beaucoup de temps pour l'interrogatoire — ce n'est pas vraiment cela, mais c'est ce que les députés font.
Allez-y, monsieur.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie aussi les vice-présidents, les membres du Comité et mes compatriotes. Bonjour, je vous suis reconnaissant de l'invitation à rencontrer le Comité et à présenter mon opinion du Partenariat transpacifique. C'est un honneur et un plaisir que d'être ici.
Je suis un capitaliste artisan de sa propre réussite, et je crois au libre-échange et aux marchés libres. J'ai commercialisé une propriété intellectuelle canadienne dans 135 pays à un degré jamais atteint auparavant, ni depuis. Mon expérience des affaires mondiales est unique au Canada.
J'aimerais faire écho à Jared Bernstein, ancien économiste en chef auprès du vice-président Biden, qui a fait appel à une troisième catégorie de critiques commerciaux: des gens qui croient au libre-échange et à la mondialisation, mais qui n'aiment pas ce que le PTP fait à nos pays, à nos classes ouvrières et à notre environnement.
Le PTP n'est pas un accord de libre-échange conventionnel. Il est délibérément appelé un partenariat parce qu'il décrit un cadre économique pour la prospérité au XXIe siècle. Le PTP ne porte pas principalement sur la réduction des tarifs à nos frontières, mais plutôt sur les règles qui gouvernent la façon dont nous gérons notre économie souveraine actuelle, et la façon dont ces nouvelles règles de partenariat sont appliquées. Au XXIe siècle, la fabrication et l'exportation de matières tangibles ont cédé la place à une économie mondiale où la richesse vient de la conception et de l'exportation de produits immatériels: la propriété intellectuelle.
Le graphique que vous voyez à l'arrière des documents représente bien ceci. En 1975, les biens immatériels représentaient le sixième de la valeur des sociétés évaluées selon l'indice S&P 500, contre cinq sixièmes en 2015.
Contrairement au commerce conventionnel, l'économie des biens immatériels est régie par des règles et des restrictions sur les titres de propriété intellectuelle. L'économie des biens immatériels est le contraire du libre-échange. Elle est fondée sur des règles et des restrictions qui ont pour effet d'accorder un monopole temporaire aux détenteurs des titres de propriété intellectuelle de grande valeur. Lorsqu'un pays ratifie un accord bilatéral ou multilatéral qui régit la propriété intellectuelle, il s'engage à appliquer ces règles dans son marché intérieur. Il s'agit d'engagements très différents de ceux qui ont été pris dans le cadre d'accords commerciaux conventionnels antérieurs, car de tels accords définissent désormais nos engagements à l'égard d'autres pays et la façon dont sera régie l'économie canadienne.
Le Canada n'est pas un grand exportateur de propriété intellectuelle, donc nous en importons une quantité démesurée. Le Canada détient et exporte très peu de titres de propriété intellectuelle, parce qu'il n'a jamais eu de stratégie nationale en matière d'innovation.
L'autre partie que vous verrez ici illustre le fait que notre croissance de l'innovation est nulle depuis plus de 30 ans. Le Canada n'a jamais mis en place les capacités nécessaires pour évoluer dans l'économie mondiale du XXIe siècle, dans laquelle la richesse découle de la commercialisation de la propriété intellectuelle.
Les études de modélisation les plus récentes au sujet du PTP démontrent que l'accord n'entraînerait que des résultats négligeables sur le plan du libre-échange conventionnel. Un aspect encore plus important est que toutes les études de modélisation du PTP ne tiennent pas compte des deux plus importants éléments: la propriété intellectuelle et le règlement des différends entre un investisseur et un État. Ce mécanisme de règlement est un tribunal qui supplante les lois de l'État dans un système qui n'offre aucune possibilité d'appel.
En dessous des graphiques, vous pouvez voir quelques citations importantes du plus intelligent économiste du commerce que j'ai rencontré au Canada, Dan Ciuriak. Ne pas calculer les retombées économiques de la propriété intellectuelle et des différends entre un investisseur et un État est un peu comme établir un budget familial pour lequel on ne tient pas compte du loyer ou des frais de nourriture.
Comme l'a souligné M. Paul Krugman, prix Nobel d'économie et spécialiste du commerce, la plupart des biens tangibles sont déjà exempts de droits. Il en va de même pour les biens immatériels. En effet, 97 % du commerce mondial des produits des technologies de l'information se fait déjà en franchise de droits, aux termes de l'accord sur les technologies de l'information de l'OMC.
Sur quoi donc porte le PTP, s'il n'est pas lié au libre-échange? Le PTP vise à accroître la liberté d'action des chefs de file de l'économie de l'innovation et à imposer des restrictions à cet égard aux autres. La liberté d'action est, pour les entreprises de l'économie du savoir, un facteur fondamental de gestion stratégique et de gestion du risque. Les entreprises de pointe de ce secteur utilisent des stratégies de liberté d'action, du lancement de leurs activités de R-D jusqu'aux cycles de commercialisation et de distribution.
À titre de PDG d'une entreprise canadienne du secteur de la technologie qui a émergé d'une simple idée pour atteindre une valeur de 20 milliards de dollars, ma principale préoccupation pendant deux décennies était d'accroître notre liberté d'action et de restreindre celle de nos concurrents. J'évalue les incidences du PTP sur la croissance des entreprises canadiennes de ce point de vue unique.
Le Canada s'est lancé dans les négociations du PTP sans avoir consulté un seul innovateur canadien et sans une quelconque stratégie quant à cet aspect fondamental de l'économie de l'innovation. Actuellement, au Canada, on ne retrouve aucun élément d'une stratégie efficace en matière de liberté d'action. Nous n'avons pas un bureau de l'innovation, pas de bibliothèque de documents portant sur les techniques antérieures, de communauté de brevet indépendante, d'expertise en matière de négociations bilatérales et multilatérales, de stratégie judiciaire à l'échelle provinciale, fédérale ou mondiale, de stratégie avancée en matière de normes ou de réglementation ni de cadre de collaboration visant à favoriser la commercialisation des idées canadiennes à l'échelle mondiale. C'est inexcusable.
Nous n'aurions pas pu négocier pour garantir notre prospérité, parce qu'il est impossible de négocier une stratégie commerciale sans une stratégie d'innovation, et encore moins sans parler aux entreprises mêmes que de tels accords sont censés aider à croître. Si le Canada veut mettre en place des capacités adaptées à l'économie mondiale du XXIe siècle, il aura besoin de toutes ses capacités évoluées.
Ce dont nous avons besoin au Canada, et ce que j'espère que ce comité favorisera en bout de compte, c'est un discours plus évolué sur le commerce et la prospérité. Débiter des vieilles théories de libéralisation du commerce ne suffit pas, quand nos propres meilleurs économistes du commerce nous ont dit que nous ne disposons même pas d'études de modélisation permettant de prendre en compte les aspects les plus percutants du commerce du XXIe siècle. Il ne suffit pas de faire examiner le PTP par des avocats à travers la loupe des formulations élégantes. Comme tout autre PDG de société de technologie mondiale, j'ai recruté et renvoyé des dizaines d'avocats en propriété intellectuelle dans le monde entier, et laissez-moi vous dire, ce ne sont pas les avocats qui commercialisent les idées. Ils traduisent les instructions de leurs clients en des termes juridiques.
En conclusion, j'aimerais dire que j'apprécie partager cette session avec le professeur Geist, non seulement parce qu'il fait un excellent travail de sensibilisation du public au sujet du PTP, mais parce que dans son récent blogue, il a mis en relief le facteur le plus important peut-être que les Canadiens doivent prendre en considération, soit le fait que nos propres fonctionnaires savent que le PTP va à l'encontre de nos stratégies nationales premières. Un exposé élaboré à l'intention de la ministre Freeland, que vous lirez tous j'espère, établit clairement que nos fonctionnaires comprennent que le Canada préfère créer sa propre politique de PI dans le cadre de forums multilatéraux plutôt que de se voir imposer par les gros détenteurs de PI une série de nouvelles règles rigides.
Après avoir lu le document publié par le professeur Geist, je qualifierais de palliative notre approche à ces accords commerciaux. Nous savons que nous allons perdre, donc, nous nous attachons à ralentir l'érosion inévitable.
Permettez-moi de résumer ainsi mes préoccupations à l'égard du PTP. Nous avons signé un accord que nos fonctionnaires ont dit au ministre qui va à l'encontre des intérêts canadiens, après avoir procédé à des négociations en secret sans avoir consulté un seul innovateur canadien. Maintenant que l'accord est conclu, nous procédons à une étude économique d'évaluation de ces avantages, qui ne couvre pas les retombées les plus importantes sur la prospérité nationale. Ensuite, nous entreprenons des consultations auprès des intervenants pour en obtenir le point de vue. Nous suivons cela par la création d'une stratégie d'innovation qui est en retard de dizaines d'années. Tout ceci est à l'envers. C'est exactement le contraire de la façon dont un accord commercial devrait être conclu.
Merci.
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Je ferai de mon mieux. Merci, monsieur le président.
Bonjour. Comme vous l'avez entendu, je m'appelle Michael Geist. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, où je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je comparais aujourd'hui à titre personnel pour présenter mon propre point de vue.
Il y a beaucoup de choses à dire au sujet du PTP. J'ai écrit des dizaines d'articles et de blogues sur cet accord, et je suis en train d'écrire un livre sur le sujet, mais j'ai peu de temps, comme vous l'avez entendu; je me concentrerai donc sur quatre enjeux.
Il y a d'abord le prix que le Canada a dû payer pour participer et la faiblesse du pays pendant les négociations. Vous n'êtes pas sans savoir que le Canada n'était pas un des participants initiaux aux négociations du PTP. Des groupes de pression des États-Unis ont exhorté le gouvernement américain à tenir le Canada à l'écart jusqu'à ce que nous ayons adopté une loi sur le droit d'auteur conforme à leurs demandes. Les demandes des États-Unis ont eu une incidence considérable sur la Loi sur le droit d'auteur adoptée par le Canada en 2012, surtout en ce qui concerne les règles restrictives de serrures numériques qui étaient au sommet de la liste des priorités politiques des États-Unis.
Après avoir obtenu la certitude que le Canada satisferait à leurs demandes en matière de PI et de contrefaçon, les États-Unis ont imposé des conditions supplémentaires, y compris un engagement selon lequel le Canada ne retarderait pas les négociations pour un chapitre quelconque s'il était le seul opposant. Cette concession est devenue importante au chapitre de la PI, quand il y a eu certains problèmes au sujet desquels le Canada était le seul opposant et pour lesquels il a été forcé de céder.
Au moment où les négociations étaient presque terminées, les hauts fonctionnaires du Canada ont été informés que le Canada était désavantagé en raison d'un manque de coordination et de transparence entre les négociateurs du gouvernement et les parties intéressées. Nous sommes tout de même allés de l'avant et avons conclu l'accord.
Deuxièmement, qu'avons-nous accepté?
Je commencerai par les changements à la loi sur la propriété intellectuelle. Un des exemples les plus connus est la durée du droit d'auteur. À l'heure actuelle, au Canada, cette durée correspond à la vie de l'auteur plus 50 ans, ce qui est conforme à la norme internationale établie par la Convention de Berne. C'est également la norme qui est adoptée dans la moitié de l'accord du PTP, y compris pour les pays comme le Japon, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, Brunei et le Vietnam. Le PTP exige que le Canada prolonge cette durée de 20 ans, ce qui représente d'importantes retombées pour les États-Unis et une perte nette considérable pour le Canada.
De fait, le gouvernement néo-zélandais — pays qui fait face à une exigence semblable — a mené une étude sur le coût du prolongement de la durée et estime que ce prolongement fera perdre à lui seul 55 millions de dollars par année à la Nouvelle-Zélande. D'aucuns ont contesté les résultats de cette étude, mais la semaine dernière, une ébauche de rapport de la commission australienne sur la productivité a estimé que le prolongement de la durée, qui a eu lieu il y a plusieurs années, coûtera 88 millions de dollars australiens par année à l'Australie. Pour le Canada, le coût pourrait être encore plus élevé.
Ce ne sont pas les seuls changements en matière de PI. Le PTP comprend des changements aux règles de verrouillage numérique, un prolongement de la période de protection des brevets, la criminalisation du droit en matière de secret commercial, des modifications au droit des marques, de nouvelles mesures frontalières et une exigence selon laquelle tous les pays doivent ratifier ou accepter jusqu'à neuf traités sur la PI.
Troisièmement, ce n'est pas seulement une question de propriété intellectuelle. De fait, le PTP va bien au-delà de ça. Il touche aussi, par exemple, la culture, restreignant la capacité du Canada de prolonger la durée des politiques sur la contribution au contenu canadien. Cela signifie que, dans les faits, en dépit de la promesse récente de la ministre du Patrimoine canadien, Mme , de réexaminer les politiques culturelles, les contributions visant à favoriser la création de contenu canadien sont bloquées au niveau actuel, le PTP empêchant les nouvelles politiques visant les nouveaux services et les nouvelles technologies.
L'accord entraîne également, pour les industries des services, l'adoption d'un ensemble complexe de règlements qui aura presque certainement des conséquences inattendues. Les dossiers chauds comme la réglementation des sites de jeux de hasard en ligne ou des services de covoiturage comme Uber, dans les médias justement hier et aujourd'hui, pourront être réglés par le PTP et non pas par le gouvernement canadien, que ce soit à l'échelon municipal ou provincial.
En ce qui concerne Internet, il inverse l'approche de laissez-faire que nous avons adoptée depuis longtemps pour la gouvernance d'Internet, et il est loin d'atteindre nos normes sur des questions comme la neutralité du Net. Il touche même aux questions liées à la protection des renseignements personnels en limitant la capacité des gouvernements d'imposer des restrictions sur le transfert des données ou d'exiger la localisation des données. Il établit un seuil très bas en matière de protection des renseignements personnels ou de règles antipourriel. Le Canada pourrait se trouver entre le marteau et l'enclume sur la question de la protection des renseignements personnels, coincé d'un côté par les exigences de l'Europe et, de l'autre, par celles du PTP.
L'accord touche aussi le secteur de la santé et aura probablement pour effet de faire augmenter le prix des médicaments et de fixer la durée de la protection pour les produits pharmaceutiques de la prochaine génération, voire de déterminer les modalités d'un éventuel régime national d'assurance-médicaments.
Quatrièmement, les risques et les coûts éventuels que représente la possibilité de se tromper dans la mise en oeuvre sont énormes. Le PTP a été négocié en coulisses, et présenté au public comme une chose à prendre ou à laisser.
J'ai lu que certains députés affirmaient que le Canada avait déjà mené des consultations au sujet de l'accord, mais je connais peu ou pas d'experts qui ont été consultés durant les négociations. En fait, quand j'ai comparu devant ce comité en juin 2013, les députés du gouvernement de l'époque m'ont dit que toute préoccupation concernant le PTP était prématurée et que je devais, comme les autres, attendre la fin des négociations.
Maintenant qu'elles sont terminées, j'entends dire que nous avons eu suffisamment de consultations, mais que nous devrons accepter le fait que le risque de se tromper dans la mise en oeuvre est énorme. Le mécanisme du PTP pour le règlement des différends entre un investisseur et un État peut exposer un pays à des risques considérables de réclamations de sociétés.
La a déclaré que le mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État décrit dans l'accord commercial Canada-Union européenne est l'étalon, mais que le PTP ne satisfait pas à cette norme. De plus, même si nous élaborons nos propres règles dans le PTP, cela pourrait être futile puisque les États-Unis maintiennent qu'ils ont le droit de décider comment le Canada ratifiera l'accord par le truchement de son processus de certification. Pour résumer, le Canada était nettement désavantagé dans les négociations du PTP, et cela paraît, avec des pertes majeures au niveau de la propriété intellectuelle, des politiques sur les technologies numériques et sur la culture, ainsi que la perspective d'obligations de réparer considérables dans le cadre du règlement des différends entre un investisseur et un État, et les États-Unis pouvant décider comment nous mettons l'accord en oeuvre. La question n'est pas de décider si on est pour ou contre le libre-échange. À mon avis, tout se résume au fait que c'est un mauvais accord qui devrait être renégocié ou rejeté, et que d'autres possibilités devraient être étudiées.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Je ne sais pas pourquoi, mais les gens pensent que le PTP et l'ALENA sont pareils. Ils sont radicalement différents. Assurément, du point de vue de la portée, le PTP porte sur une plus vaste gamme de sujets que l'ALENA.
Mais au-delà de cela, le PTP aborde les services d'un point de vue très différent de celui de nos accords commerciaux conventionnels. Pour de nombreux accords commerciaux, on prend les services, on identifie les domaines de service précis que l'on veut libéraliser ou ouvrir. Le PTP inverse complètement cela en disant que nous allons ouvrir tout, puis chercher à déterminer quelles sont les choses que nous devons exclure.
Les négociateurs, aussi intelligents soient-ils, ne pouvaient certainement pas identifier chaque type de service que nous devrions exclure du processus, surtout quand de nouveaux services voient le jour constamment. Dans le contexte des services de covoiturage comme Uber, nous avons des règles en place qui verrouillent efficacement la façon dont ils sont régis maintenant, au niveau municipal ou au niveau provincial, de sorte qu'ils sont exempts à compter de maintenant, mais pas à l'avenir.
La Colombie-Britannique a de fait une loi sur le covoiturage, ce qui est inhabituel au pays. En général, le règlement est au niveau municipal. Mais dans ce cas, la réglementation est à la fois provinciale et municipale. Une fois le PTP instauré, il deviendra plus difficile pour ces administrations de changer leurs règles et leurs cadres.
Cela s'applique à Uber, mais plus fondamentalement encore — et cela renvoie aux préoccupations de M. Balsillie au sujet de l'innovation —, au fur et à mesure que de nouveaux innovateurs entrent dans d'autres secteurs, on se heurtera à des règles qui sont déjà verrouillées en raison du PTP.
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Merci beaucoup pour vos exposés.
Il a été souligné maintes fois à ce comité que cet accord va au-delà du commerce uniquement dans le sens conventionnel où on l'entend. Il est clair, je crois, que seuls certains groupes ont été inclus dans les consultations menées par le gouvernement précédent.
Bien respectueusement, je ne suis pas d'accord avec mon collègue, parce que ces négociations ont débuté en 2008. Nous avions amplement le temps de nous préparer avant de nous trouver devant un fait accompli et de devoir, à ce stade, décider si oui ou non nous ratifions.
Monsieur Balsillie, je crois que vous gagnerez en effet de l'argent sous le régime du PTP, mais vous reconnaissez qu'il est si défectueux fondamentalement qu'il ne serait pas bon ni pour les Canadiens ni pour notre souveraineté.
Pouvez-vous commenter spécifiquement le renvoi que vous avez fait à l'étude de Dan Ciuriak de l'Institut C.D. Howe, essentiellement au sujet de l'impact sur le PIB... qu'il serait négligeable si on ne ratifie pas le PTP. Je crois que d'aucuns pensent que si nous ne signons pas, nous allons être perdants.
Affaires mondiales n'a pas d'études sur les répercussions économiques. Nous savons cela. Les études que nous avons vues de l'Université Tufts et du Peterson Institute aux États-Unis indiquent une plage de croissance de 0,2 % à 0 % d'ici 2030. Il n'y a pas de modélisation des retombées économiques qui soient favorables à notre engagement dans le PTP.
Pouvez-vous nous parler de cela?
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J'ai une série de réseaux très avancés dans le monde et au Canada, et des gens très intelligents à mon bureau qui m'appuient dans ce que je fais. J'ai six lauréats du Prix Nobel avec qui je travaille à l'Institute for New Economic Thinking que j'ai fondé avec George Soros.
Le Canada tient le discours le plus superficiel sur l'innovation que j'ai vu dans le monde. Nous acceptons comme credo qu'une protection plus rigide de la propriété intellectuelle est bonne. Nous avons ces faux mythes et fausses orthodoxies que nous acceptons, sans les contester.
Pour répondre à la question sur Dan Ciuriak, franchement, les avantages du commerce sous le régime du PTP — modélisés, jugés par les pairs, que personne n'a contestés — sont une erreur d'arrondi. Ce que cela coûte de ne pas faire partie du PTP est une erreur d'arrondi.
Il a aussi dit, et vous pouvez le lire dans les notes que j'ai ajoutées, que les deux aspects les plus importants n'ont même pas fait l'objet de modélisation. C'est comme si on achète une maison, on achète une entreprise ou on contracte un mariage sans aucun renseignement sur ce que l'on entreprend, étant donné que les maisons sont une bonne chose, les entreprises sont une bonne chose et le mariage est une bonne chose. Non, ce n'est pas toujours une bonne chose, n'importe quand et n'importe comment. Il s'agit de comprendre ce que la personne recherche et de s'assurer que ça fonctionne.
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Bien sûr. Le document dont il a été question, et M. Balsillie l'a mentionné également, se trouve parmi les documents obtenus au titre de la Loi sur l'accès à l'information, dans les notes d'information fournies à la .
Il s'agit, je pense, du fait que le Canada a reconnu depuis longtemps — et c'est encore le cas aujourd'hui — que nous sommes le plus efficaces quand nous élaborons des règles sur les politiques en matière de technologies numériques et sur les politiques en matière de propriété intellectuelle dans le cadre des forums internationaux. Notre contribution est considérable à ce niveau. Nous l'avons fait, par exemple, dans le cas du traité de Marrakech, et on vient de voir déposer un projet de loi visant à mettre en oeuvre cela, et les conservateurs ont tenté de faire la même chose. Le Canada a eu un rôle intégral à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle dans le cadre de laquelle il a collaboré avec d'autres pays dans de nombreux forums multilatéraux ouverts.
Dans le contexte d'un PTP, les choses sont complètement différentes, surtout quand on négocie à grande échelle certains des enjeux directement avec les États-Unis. Ils n'hésitent pas à présenter des demandes qui sont dans leur propre intérêt, et M. Balsillie nous a déjà expliqué pourquoi. En leur qualité d'exportateur important, leurs intérêts — qu'il s'agisse des intérêts d'Hollywood ou d'autres intérêts de PI ou de pharmaceutiques — ne s'harmonisent pas nécessairement avec les nôtres.
Je crois que ce qui a été dit au ministre, ce que le gouvernement et, à dire franchement, ce que la plupart des experts savaient bien, est que pour le Canada, l'obtention d'une solution faite au Canada, ou tout du moins d'une solution qui tienne compte le mieux de nos intérêts nationaux, se produit dans le cadre de forums internationaux. Ce n'est pas ce qui se produit avec le PTP, surtout dans des négociations en coulisses, comme celles-ci.
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Je vous remercie, messieurs, d'avoir répondu à notre invitation. Nous avons écouté, avec beaucoup d'intérêt, vos exposés et je vous félicite du travail qu'ils représentent.
D'abord, monsieur Balsillie, il y a, très rapidement, une ou deux questions que je souhaiterais vous poser.
Je suis plutôt de votre avis et que personne n'envisagerait en effet d'acheter une maison ou de s'associer en affaires, sans se livrer au préalable à une analyse économique de la situation et d'en étudier les divers facteurs. Je suis moins sûr, par contre, qu'il faille procéder à ce genre d'analyse avant de se marier, mais là, c'est à chacun d'en décider. Selon vous, les analyses qui ont été faites de cet accord n'ont peut-être pas tenu compte des questions que soulèvent la propriété intellectuelle et le règlement des différends entre les investisseurs et les États.
Comment effectuer une telle analyse? Avez-vous, vous-même, effectué des analyses qui intègrent ces facteurs et, dans ce cas, à quels résultats êtes-vous parvenus?
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Il y a eu bon nombre de dossiers sur lesquels nous avons dû nous battre et on ne sait cela qu'en raison des documents qui ont fuité. Tous les chapitres n'ont pas fuité, mais dans le domaine de la propriété intellectuelle, le Canada a défendu aussi longtemps que possible sa législation interne. Dans ce type de négociation, notre objectif est souvent d'obtenir que l'on prenne en compte les règles applicables chez nous. Je précise que c'est ce que font la plupart des pays. Ils souhaitent voir leurs règles reprises afin de faciliter l'action de leurs entreprises à l'étranger.
Or, sur ce point, nous avons souvent perdu. Nous avons perdu, par exemple, sur la prolongation de la période de protection des droits, sur la question des droits numériques en ce qui concerne l'information sur le régime des droits, questions que, là encore, nous étions les seuls à défendre.
Il y a eu plusieurs autres questions que, parfois, nous défendions avec deux ou trois autres pays, mais d'autres où nous étions seuls. Mais si vous pouviez suivre comment le texte a évolué, ce qui n'est pas facile, car ce que nous en savons se fonde entièrement sur les parties qui ont fuité, vous verriez qu'en fin de compte nous avons fini par devoir céder.
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En ce qui concerne la supériorité du modèle AECG, j'estime que cet accord est effectivement supérieur à certains égards, en raison notamment de meilleures dispositions en matière de règlement des différends entre les investisseurs et les États, et du fait que l'accord nous permet d'accéder à un marché avec qui nous n'avons actuellement pas signé d'accords de commerce aussi complets que ceux que nous avons conclus avec certains autres pays.
Une des raisons pour lesquelles, selon certaines analyses économiques, nous ne tirerons pas grand-chose du PTP, c'est qu'avec la moitié des États en cause, nous avons déjà conclu des accords de commerce. Nous avons, en effet, déjà signé des accords de libre-échange avec les États-Unis, avec le Mexique ainsi qu'avec certains autres pays.
Je suis, en fait, porté à penser qu'en matière d'accord commercial, le modèle à retenir n'est pas l'AECG, mais l'accord de commerce conclu avec la Corée du Sud, ce qui montre bien que nous pourrions, afin de nous placer sur les marchés asiatiques, envisager une autre stratégie commerciale basée, cette fois, sur ce qui se fait dans les économies asiatiques les plus innovatrices. Notre accord avec la Corée du Sud montre bien que nous pourrions en faire autant avec ces divers pays, mais il faut aussi reconnaître que les négociations que nous avons menées, et les résultats que nous avons obtenus font l'impasse sur certains des domaines abordés par le PTP. Là, nous tentons de voir où se situent nos intérêts respectifs afin de parvenir à un accord.
Il y a donc un certain nombre de choses que nous pourrions faire, même en restant en dehors du PTP. Nous pourrions, ainsi que le Canada se propose de le faire, parvenir à nous implanter sur le marché chinois. Nous pourrions aussi ranimer les négociations commerciales avec le Japon. Nous pourrions poursuivre nos efforts en direction de l'Inde et finir par mettre en place dans la région un dispositif commercial plus stratégique et plus efficace nous permettant d'étoffer nos relations avec les économies les plus importantes, celles qui ont le taux de croissance le plus élevé, cela nous avantagerait même par rapport à certains pays du PTP.
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Les entreprises se décident en fonction de la fiscalité, de la solidité du système bancaire, enfin de choses comme celles-là. Il est clair que certains facteurs interviennent dans leurs décisions d'investir, dans le cadre de leur stratégie de « création d'emplois ».
Mais, lorsqu'il s'agit d'attirer les investissements nécessaires au développement de conceptions d'origine canadienne, on parle plutôt de « résultats de l'innovation ». Il y a une grande différence entre les résultats de l'innovation et la stratégie de création d'emplois.
Lorsqu'une entreprise multinationale décide d'investir au Canada, elle s'intéresse à la productivité des travailleurs. Songez au tableau que je vous ai montré à l'arrière de la salle — il s'agit de quelque chose d'extrêmement important — vous voyez que la productivité des travailleurs canadiens a, tout au long des 30 dernières années, dépassé celle des travailleurs américains. La productivité du capital canadien a également été plus grande que celle des États-Unis. Or, au cours des 35 dernières années, les États-Unis ont enregistré, au niveau de la productivité multifactorielle en matière d'innovation, une croissance annuelle de 1 % alors que la nôtre n'a pas augmenté.
Cela explique tous nos écarts de productivité par rapport aux États-Unis. Je n'ai pas le moindre doute que nous parviendrons à attirer les investissements qu'exigent la création d'emplois et divers autres aspects de notre économie, car le Canada a de très grands atouts. Mais cela va-t-il assurer aux idées canadiennes les résultats de l'innovation nécessaire pour accroître la richesse de notre pays? Or, cet écart revêt une grande importance pour la prospérité du Canada.
Je ne dis pas que, dans l'accord envisagé, tout est mauvais. Mais je dis que cet accord est étonnamment mauvais au plan des résultats de l'innovation. Cela n'a absolument rien à voir avec la décision d'installer une usine au Canada, car une telle décision relève d'une stratégie de l'emploi.
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Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.
Nous sommes loin d'avoir le temps nécessaire, car vous soulevez de très nombreuses questions. Il existe, cependant, des zones d'ombre. Je ne sais pas trop bien comment formuler ma question, mais le temps m'est compté et je vais essayer de vous la poser de manière aussi précise que possible.
Il va y avoir, dans tout cela, des gagnants et des perdants. Nous allons, dans certains domaines de l'économie où nous sommes en bonne posture, avoir l'occasion de nous développer encore plus. Vous y avez d'ailleurs fait allusion. Je sais que, depuis des années, les États-Unis le reconnaissent également. Vous avez parfaitement raison; ils concentrent leur activité sur ces domaines de haute technologie.
Le fait que la période de protection des produits pharmaceutiques, actuellement de 12 ans, soit ramenée à 7 ans, ne retire-t-il pas beaucoup de force à vos arguments, Michael, en ce qui concerne les Américains? Cette mesure ne les désavantage-t-elle pas? Ne souhaiteraient-ils pas, au contraire, que la période de protection soit prolongée?
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L'accord ne choisit pas entre une période de 12 ans et une période de 7 ans, mais opte pour une protection de 8 ans, soit 5 ans et 3 ans de plus.
Les États-Unis, ou du moins le gouvernement Obama, ont reconnu qu'ils s'étaient trompés. C'est du moins ce que je pense, étant donné que les Américains avaient souhaité voir réduire la durée de la protection.
Ce n'est pas tant que cela les désavantage. D'après des études menées aux États-Unis, par le gouvernement, les produits biologiques n'ont pas besoin d'une protection renforcée, car le marché, dans son état actuel, incite déjà à la création. Il est en outre tellement difficile de développer, pour les produits biologiques, des équivalents génériques — ce qu'on appelle les biogénériques — que les produits biologiques bénéficient déjà, de ce simple fait, de mesures de protection efficaces. Il ne sera donc peut-être pas nécessaire d'augmenter la période de protection.
D"après moi, nous aurions tort de penser que ce qui impulse l'innovation de pointe, ce sont les lobbys ou les politiques gouvernementales. On ne peut pas, en ce domaine, se laisser imposer des solutions immuables. C'est d'ailleurs ce que l'on peut constater même aux États-Unis. C'est également le cas de l'Australie. Une des questions les plus débattues est justement celle-ci, car on s'est déjà penché sur le rapport direct entre la durée de protection prévue et les conséquences que cela entraîne pour les dépenses publiques en matière de santé.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant ce comité aujourd'hui.
[Traduction]
C'est un plaisir d'être ici pour vous présenter mon point de vue sur le TPT.
Je suis avocat. Je m'occupe de politique et de commerce international. J'ai été, il y a bien des années, au cours des années 1970, un diplomate canadien. J'ai représenté le Canada auprès de nombreuses organisations et dans de nombreuses négociations internationales, notamment auprès du GATT, de l'OCDE et à la Conférence des Nations unies sur le droit de la mer, à l'OCDE, à l'OMCI, et je pourrais continuer longtemps. Pendant des années, après mon départ du gouvernement, j'ai pratiqué les politiques et le commerce international, c'est là que m'ont amené mes travaux.
Permettez-moi de parler des points essentiels de mes commentaires introductifs et je me ferai ensuite un plaisir de répondre à vos questions. Je devrais dire que le véritable spécialiste qui est ici ce matin, certainement en ce qui concerne la PI, est Barry Sookman, un des grands experts canadiens dans ce domaine.
Le PTP s'inscrit dans l'évolution des règles du commerce international dont l'origine est l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et qui s'est poursuivie avec l'Organisation mondiale du commerce. Il fait partie d'une élaboration progressive des règles juridiques qui unissent les différents pays. Le PTP découle de l'ALENA et de toute une série d'autres accords commerciaux, multilatéraux et autres, auxquels le Canada est partie. Il est absolument nécessaire d'examiner le PTP dans ce contexte. Les principes de base du PTP découlent du système multilatéral que garantit l'accord sur l'OMC.
Tout ceci est excellent. Lorsque je faisais partie du gouvernement, nous essayions d'élaborer des règles de droit international pour que le Canada, un État de puissance moyenne, puisse connaître au départ les règles du jeu — les règles juridiques — et pour qu'il ne soit pas écrasé dans les jeux de pouvoir que jouent les grandes nations. Il est bon d'avoir des règles. C'est là le but primordial de la politique canadienne en matière d'échanges et d'affaires extérieures: l'élaboration de règles. Il faut que ces règles soient bien conçues, il faut que ces règles respectent les intérêts canadiens, mais la tendance générale dans le domaine de la diplomatie commerciale internationale est la recherche de règles qui lient les États.
Sur le plan interne, il y a eu des commentaires négatifs au sujet du PTP. Nous les avons entendus il y a quelque temps. Je n'ai pas l'intention de critiquer ces commentaires, mais j'aimerais vous fournir un point de vue plus général et, je crois, plus équilibré.
Le Comité est chargé d'examiner le PTP et d'en arriver à une conclusion générale équilibrée. Il convient de l'évaluer sur le plan de l'équilibre qu'instaure cet accord. Cet accord ne se limite pas à la propriété intellectuelle. Bien sûr la PI en fait partie, c'est une partie importante, mais cela n'est qu'une partie. Pour bien évaluer le PTP, il faut tenir compte de nombreux autres aspects.
Je dirais que, selon une tradition bien canadienne, nous examinons les accords commerciaux internationaux d'un point de vue défensif; nous regardons ce à quoi nous devons renoncer ou les compromis que nous devons effectuer pour en arriver à un résultat négocié. Ce que nous ne faisons pas suffisamment, c'est d'expliquer nos points positifs, les gains que nous obtenons en adoptant des règles qui avantagent les fournisseurs canadiens de biens, de services et de capitaux sur les marchés étrangers. L'effet réel du PTP est en bref d'apporter une certitude aux sociétés canadiennes qui veulent exporter leur propriété intellectuelle, leurs biens, leurs services et leurs capitaux sur les marchés étrangers.
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Merci, monsieur le président.
Je suis un associé principal du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault et l'ancien président de son groupe sur la propriété intellectuelle. Je suis professeur auxiliaire de droit de la propriété intellectuelle à la Osgoode Hall Law School, où j'enseigne la PI.
Je suis ici en ma capacité personnelle et je ne représente aucun client.
On a décrit le PTP comme étant le premier accord commercial du XXIe siècle. À mon avis, je peux dire que les chapitres qui touchent le commerce électronique et la PI justifient une telle affirmation.
Le chapitre sur le commerce électronique est vraiment novateur dans la mesure qu'il réduit les barrières non tarifaires à l'utilisation de l'Internet et d'autres réseaux pour commercer. Cela donne aux entreprises canadiennes la possibilité de faire des affaires dans les 11 autres pays du PTP à partir du Canada et de préserver des emplois ici au Canada.
Voici donc les points saillants du chapitre sur le commerce électronique:
Il n'y a pas de droits de douane sur les opérations électroniques, même s'il est toujours possible de les taxer.
Il y a des dispositions qui suppriment les obstacles à la reconnaissance des signatures et des documents électroniques, règles que le Canada a déjà adoptées. C'est un aspect très important pour les entreprises canadiennes qui veulent faire des opérations électroniques à l'étranger à partir du Canada.
Il y a des dispositions qui interdisent de bloquer l'accès à un marché pour ce qui est des flux de données transfrontaliers, un aspect qui est, à mon avis, encore une fois très important.
Ces dispositions, dont certaines touchent la vie privée, ont fait l'objet de critiques. À mon avis, le PTP est suffisamment souple pour permettre de préserver des objectifs de politique publique légitimes. Les exceptions qu'autorisait le GATT ont été préservées dans le PTP. Les parties sont tenues d'adopter des normes minimales en matière de protection des renseignements personnels et de lutte contre les pourriels. Certains ont prétendu que le traité n'allait pas suffisamment loin, mais ce n'est pas un traité sur la protection de la vie privée, ni un traité contre les pourriels, de sorte que les résultats obtenus sont ceux auxquels on pouvait s'attendre dans un traité de ce genre.
Il contient des dispositions solides destinées à protéger la culture canadienne dans le cadre de l'exemption culturelle, contrairement à ce qu'a affirmé M. Geist.
Le PTP prévoit des normes minimales pour la protection de la propriété intellectuelle. Le Canada a joué un rôle actif dans ces négociations.
Le chapitre sur la PI a fait l'objet, comme vous l'avez entendu dire aujourd'hui, de nombreuses critiques. On reproche au PTP d'exiger que l'on apporte des changements importants au droit canadien, et que l'on emprisonne le Canada dans un carcan de PI très contraignant.
Lorsque le Comité va évaluer ces affirmations, j'estime qu'il devrait tenir compte de ce qui suit:
Le traité n'exige en fait que des modifications très mineures au droit canadien.
Les répercussions qui ont été publiquement mentionnées ne sont pas, prises dans leur ensemble, très graves, en particulier par rapport au contexte général du traité et si l'on prend en considération les ententes que nous avons conclues avec l'AECG.
Le Canada s'est déjà engagé à respecter la plupart des conditions du PTP en matière de PI, notamment, parce qu'il a conclu d'autres accords internationaux. Il semble peu probable que le Canada décide de répudier ou de se libérer de ses obligations ou qu'il soit obligé de changer de façon importante leur mise en application ici. Il semble également peu probable qu'un changement particulier que nous souhaiterions apporter justifie que le Canada rejette les obligations qu'il assume en vertu de traités existants ou justifierait qu'il n'adhère pas au PTP.
Les règles en matière de propriété intellectuelle favorisent l'innovation et la commercialisation des produits de PI. Le XXIe siècle, et la quatrième révolution industrielle, dans laquelle nous devons nous engager, reposent sur la protection de la propriété intellectuelle dans le but d'obtenir des capitaux et de favoriser l'innovation et la commercialisation.
Le marché canadien est bien trop étroit pour que les entreprises canadiennes puissent vraiment s'y épanouir. Il faut que les entreprises canadiennes puissent compétitionner sur la scène internationale, y compris avec nos principaux partenaires commerciaux, le Japon et les États-Unis. Les entreprises canadiennes doivent donc compétitionner sur les marchés étrangers en respectant les régimes de PI existants dans ces marchés étrangers, et ce, que le Canada décide d'adhérer ou non au PTP et que l'entreprise canadienne concernée déménage ou non aux États-Unis; c'est le régime à l'intérieur duquel elles doivent exercer leurs activités pour réussir.
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C'est une bonne remarque.
Les accords comme le PTP portent tous sur des questions de préférence. Le PTP a pour effet d'accorder aux Canadiens un traitement préférentiel dans les marchés des autres pays du PTP. Voilà ce dont il s'agit vraiment. Il s'agit de traitement préférentiel, d'un traitement plus favorable que celui qui est accordé sur ces marchés aux pays qui ne sont pas membres du PTP.
Si nous adhérons au PTP, nous bénéficierions d'un traitement préférentiel sur le marché des États-Unis, plus favorable que celui que nous obtenons avec l'ALENA. Ce sera un traitement préférentiel qui nous sera accordé aux États-Unis — et je vais vous en donner quelques exemples dans un instant — par rapport à celui qu'obtiennent les pays qui ne sont pas partie au PTP, parce qu'il s'agit, dans tous les cas, de préférences.
Si nous n'étions pas partie au PTP et qu'il entrait en vigueur, nous conserverions bien sûr les préférences prévues par l'ALENA. Nous bénéficierions toujours d'un traitement préférentiel sur le marché américain, plus favorable que celui qui est accordé à tous les autres pays qui ne font pas partie de l'ALENA, mais nous n'aurions pas accès à une préférence aussi favorable que celle dont bénéficieraient les autres pays du PTP.
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Je me limitais à cet aspect; je suis désolé de ne pas avoir été suffisamment clair sur ce point.
Lorsqu'on examine la situation du Canadien moyen, on constate que c'est une question assez compliquée, parce que le Canadien moyen veut avoir du travail, il veut avoir accès à de nombreuses possibilités et il souhaite pouvoir obtenir des biens et des services à des prix compétitifs. Il est évident qu'un certain nombre d'aspects du PTP le touchent, tant au niveau micro que macro-économique.
Au niveau macro, ce qui est important, du moins pour ce qui est des dispositions en matière de PI, c'est d'avoir un cadre solide qui favorise l'innovation et les investissements, parce que cela crée des emplois bien rémunérés ainsi que des biens et des services compétitifs. À mon avis, si cela permet aux entreprises de réussir, je dirais que cela permet également aux Canadiens qui travaillent dans ces entreprises et également aux Canadiens consommateurs, de réussir.
Je ne suis pas un spécialiste du secteur pharmaceutique. Il y a eu récemment une étude des répercussions sur le prix des médicaments des accords de libre-échange. Elle a examiné leur effet sur le prix des médicaments dans les pays avec lesquels les États-Unis ont conclu des ALE, et on a en fait constaté qu'il n'y avait pas eu d'augmentation sensible des prix. L'autre aspect que j'aimerais signaler, c'est que dans d'autres pays, comme en Europe, la protection des brevets est plus solide et pourtant, leurs prix sont inférieurs à ceux du Canada; il n'existe donc pas une relation directe entre ces aspects.
Pour ce qui est du rétablissement des brevets, un changement majeur auquel nous avons déjà adhéré avec l'AECG — cela existe donc déjà —, on peut s'interroger sur la mesure dans laquelle on risque de constater une augmentation du prix des médicaments. La raison en est que cette disposition vise les délais nécessaires pour obtenir l'approbation des médicaments qui découlent du processus de réglementation, et qui ne sont pas causés...
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Il y a certains éléments du PTP qui constituent une amélioration par rapport à l'ALENA. Les dispositions en matière de RDEI de l'ALENA ont été interprétées par des tribunaux d'arbitrage d'une façon qui a grandement favorisé les lois et les règlements canadiens. Nous avons gagné de nombreux litiges importants avec l'ALENA.
Le PTP définit, de façon plus précise, la notion fondamentale de traitement équitable. Aux termes du PTP, tout comme avec l'ALENA, les pays sont tenus d'accorder un traitement juste et équitable à tous les investisseurs. Le PTP restreint cette notion très importante et énonce que ce doit être une notion précise, reconnue par le droit international, et non pas une notion vague et imprécise que les arbitres peuvent appliquer.
Il prévoit également que les changements dans la réglementation ne sont pas, par nature, contraires au traité. Autrement dit, un investisseur ne peut prétendre, pour la seule raison qu'il y a eu un changement réglementaire qui risque d'avoir des répercussions sur son investissement, qu'il a le droit de présenter une demande. Il y a également un certain nombre d'exclusions concernant les politiques publiques touchant l'environnement, la sécurité publique, la santé publique et d'autres aspects.
Le PTP a pour effet de réduire sensiblement la portée du mécanisme de RDEI.
Merci d'avoir posé cette question et merci d'avoir bien démarré les choses chez Tétrault. Cela a bien tourné pour nous.
Il y a des changements dans le domaine du droit d'auteur et plusieurs dans celui des brevets. Pour ce qui est du droit d'auteur, le principal changement est l'obligation de modifier la durée du droit d'auteur qui passe de 50 à 70 ans pendant la vie de l'auteur. Dans ce contexte, il y a déjà près de 90 pays au monde qui accordent une protection d'au moins 70 ans, de sorte que ce n'est pas un changement radical qui refléterait la situation unique des États-Unis. Cette durée est en fait en train de devenir la norme internationale.
Pour ce qui est du coût de ce changement, auquel M. Geist faisait référence — ce montant de 55 millions de dollars — MM. Barker et Liebowitz viennent de publier une étude qui examinait l'étude néo-zélandaise qu'il a citée et ils en sont arrivés à la conclusion qu'elle était gravement viciée. En fait, lorsqu'il a examiné les coûts et les avantages, il a conclu que la Nouvelle-Zélande en retirerait quelques avantages. Il y aurait donc un changement.
Il y a de nombreuses raisons de politique générale, que je ne vais pas aborder à cause des contraintes de temps — vous n'avez que cinq minutes — qui favorisent la prolongation de la durée. J'ai traité de cette question dans un blogue assez long.
Il y a une autre modification qu'il faudrait apporter au droit relatif à la gestion de l'information. On a exagéré l'ampleur de cette modification. C'est en fait une modification très étroite qui érigerait en infraction pénale le fait de supprimer les droits de gestion de l'information dans un but lucratif, autrement dit, une entité commerciale qui faciliterait la piraterie. Il est difficile d'imaginer que cette modification puisse poser problème, du point de vue des politiques publiques.
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Merci d'avoir posé cette question. Veuillez m'excuser de répondre en anglais. J'ai grandi à Montréal, mais mon français est tellement rouillé que je ne voudrais pas communiquer le tétanos aux personnes présentes et je vais donc vous répondre en anglais.
Les dispositions relatives au commerce électronique sont un aspect tout à fait novateur du traité. Il n'y en a pas dans l'AECG; il n'y en a pas dans l'ALENA; il n'y en a pas dans le GATT. L'accord reconnaît qu'au XXIe siècle, le commerce s'effectue différemment. Il y a aujourd'hui des géants dans la Silicon Valley — les Google, Facebook et autres — que nous espérons voir se développer au Canada. Ces entreprises sont très solidement établies dans les pays étrangers. Elles ont constaté que, dans certains pays, les gouvernements essayaient de leur bloquer l'accès à leur marché. Le but du chapitre relatif au commerce électronique était d'adopter le cadre du GATT, qui traite non seulement des barrières tarifaires, mais avait également commencé à traiter des barrières non tarifaires et d'examiner quelles seraient les barrières au XXIe siècle pour ensuite essayer de les atténuer, tout comme le GATT et d'autres traités l'ont fait avec d'autres barrières non tarifaires. De sorte que, lorsque l'on pense au commerce électronique, on constate que certaines barrières qui touchaient la reconnaissance des signatures et des documents, sont supprimées et que cela a été fait de façon très élégante en faisant référence à deux documents internationaux. Le PTP contient toute une série de règles dans une disposition, mais celle-ci a des répercussions et des avantages très importants pour les entreprises canadiennes.
Elle a également des avantages pour ce qui est des flux de données transfrontaliers. Si vous pensez au Canada, vous savez que nous avons un secteur des TI qui est très sophistiqué et qui est spécialisé dans les réseaux. Il y a la possibilité d'utiliser ces technologies pour faire des affaires dans d'autres pays. En fait, en réalité, quelques-unes de nos grandes institutions financières exploitent des filiales à l'étranger à partir du Canada, de façon que nous voulons faire en sorte qu'elles puissent continuer à le faire.
Le chapitre sur le commerce prévoit certaines exemptions pour les IF, mais d'une façon générale, il limite les barrières non tarifaires qui sont directement reliées au commerce électronique.
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Pour ce qui est du secteur automobile, si nous ne faisons pas partie du PTP, nous allons nous trouver en concurrence sur le marché des États-Unis avec des fournisseurs à bas coût comme les Mexicains. Les usines et les investissements vont se déplacer au Mexique, parce que le Mexique pourra facilement faire entrer sans droits de douane leurs automobiles sur le marché américain, ou du moins à un coût inférieur, par rapport à ceux que nous devons assumer. Nous serons limités par les conditions qu'impose l'ALENA, à savoir un contenu de 62,5 % dans l'ALENA, dans le PTP. Si nous ne sommes pas là, les Mexicains auront moins de difficultés. Ils auront accès à des intrants à faible coût et pourrons nous concurrencer avec les automobiles à faible coût qu'ils fabriquent en concurrence avec nos producteurs canadiens, sur le marché des États-Unis.
Je ne vois pas pourquoi une entreprise automobile ne voudrait pas que le Canada fasse partie du PTP. Voudra-t-elle subir la concurrence de produits plus coûteux que l'on trouve sur le marché américain? Nous vendons la plupart de nos automobiles sur le marché américain. Cela ne me paraît pas logique. Il ne faut pas non plus oublier les fournisseurs de pièces automobiles, comme Linamar et Linda Hasenfratz, par exemple, qui ont déclaré qu'ils admettaient que le PTP serait très avantageux pour les fournisseurs de pièces canadiens.
Pour ces deux motifs, je pense que le PTP est avantageux pour nous et que nous devons penser aux inconvénients qu'il y aurait à ne pas en faire partie.
Pour ce qui est de la mobilité des travailleurs, le PTP — et je ne sais pas si cela répond à toutes vos questions, monsieur Van Kesteren — vise à favoriser cette mobilité pour que les sociétés canadiennes puissent envoyer des spécialistes, des travailleurs et des techniciens à l'étranger pour exécuter des contrats de service sur des marchés étrangers. Le volet mobilité des travailleurs du PTP est très important. Il n'interdit pas au Canada de préserver certaines normes sur la mobilité des travailleurs, mais il permet à nos sociétés de transférer à l'étranger des techniciens, des employés, des spécialistes, ce qu'elles ne peuvent pas faire à l'heure actuelle. Cela me paraît tout à fait avantageux pour les employés canadiens et un gros avantage pour les emplois canadiens; j'espère que le Comité en tiendra compte.