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Bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité du commerce.
Tout d'abord, sachez que le Comité a du pain sur la planche. Nous sommes saisis de nombreux dossiers. Nous nous penchons sur l'accord commercial entre le Canada et l'Europe, qu'on est sur le point de conclure, et sur le PTP, mais visiblement, le bois d'oeuvre résineux demeure un enjeu important partout au pays. Il touche les diverses régions du pays très différemment, en particulier en raison de ce qui se passe aux États-Unis.
Cela dit, nous avons prévu deux séances sur le bois d'oeuvre. La séance d'aujourd'hui sera consacrée à l'Ontario et à l'Est du Canada, et nous tiendrons une autre réunion à laquelle prendront part des témoins de la Colombie-Britannique.
Pour commencer, nous allons entendre trois exposés, un de l'Ontario, un du Québec et un des Maritimes. Je vais donc céder la parole à M. Richard Garneau, de Produits forestiers Résolu. Vous disposez de cinq minutes.
Nous vous demandons d'essayer de vous en tenir à cinq minutes, mais si vous dépassez un peu le temps alloué, nous sommes assez flexibles.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner cette occasion de discuter de l'avenir du bois d'oeuvre au Canada.
Ma compagnie, Produits forestiers Résolu, est le plus important producteur de bois d'oeuvre à l'est des Rocheuses. Nous sommes aussi l'un des plus importants producteurs de papier journal et de papiers spéciaux au monde et un producteur important de pâtes commerciales avec des produits provenant de plus de 40 usines au Canada, aux États-Unis et en Corée du Sud. Notre siège social est à Montréal et nous employons environ 7 700 personnes.
J'ai pris connaissance des commentaires à l'effet que l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux de 2006 fut bénéfique pour le pays. Mme Hillman, du ministère des Affaires globales, a déclaré devant ce comité que cet accord avait été « un succès ». Ceux qui partagent cette opinion ajoutent que l'accord nous a procuré de la prévisibilité et de la stabilité. Malheureusement, ce ne fut absolument pas le cas. Le commerce administré est presque toujours plus instable lorsqu'il est inséré dans les forces du marché.
Comme vous le savez, la construction domiciliaire, la principale source de demande de bois d'oeuvre, n'était pas administrée, pas plus d'ailleurs que les marchés financiers. J'ai un graphique montrant à quel point le commerce du bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis fut imprévisible et instable pendant l'accord de 2006. Durant cette période, les producteurs de bois d'oeuvre de l'Ouest canadien ont bénéficié de la croissance extraordinaire de la Chine. Cependant, logistiquement, la Chine est hors de portée pour les producteurs du centre du Canada.
Par ailleurs, les producteurs de l'Ouest canadien ont acheté une quarantaine de scieries aux États-Unis avec une capacité de production de quelque 5 milliards de pieds mesure de planche, ce qui les protège en bonne partie de futures restrictions. Pour mettre cette capacité de production dans le contexte, elle représente plus de 150 % du total de la capacité de production installée dans les scieries de l'Ontario et c'est à peu près la capacité de production au Québec.
La demande canadienne n'est tout simplement pas suffisante pour nos scieries au centre du Canada. Nous avons absolument besoin d'un accès libre au marché américain. Cette réalité est à l'origine même de l'ALENA, et pratiquement chaque industrie jouit du libre-échange en Amérique du Nord, à l'exception du bois d'oeuvre.
Devant ce comité, en février dernier, le député Dhaliwal a demandé aux fonctionnaires si un accord commercial pouvait affecter plus durement une province ou une autre. Mme Hillman a répondu que l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux, qui s'est terminé récemment, avait été le meilleur accord pour le pays tout entier. Malheureusement, les faits ne supportent pas cette conclusion. L'Accord a frappé dramatiquement plus durement certaines régions du pays.
En réponse à une autre question du député Dhaliwal, Mme Hillman a répété que l'Accord est une alternative à l'approche juridique et qu'un accord serait nécessairement meilleur que l'approche juridique. Une alternative à l'approche juridique n'est pas une politique commerciale. Les élus libéraux le savaient et c'est pourquoi ils ont sagement décidé, en 2006, de voter contre le projet de loi . Je conseille vivement au gouvernement de se rappeler de cet accord et que celui-ci ne fut pas bon pour tout le pays. Dans les faits, il fut incroyablement destructeur pour le centre du Canada.
Le but d'un accord est d'assurer la justice et l'équité des échanges commerciaux. Abandonner le libre-échange pour éviter les recours devant les tribunaux équivaut à donner votre lunch à la brute dans la cour d'école parce qu'il vous intimide. Demain ou les jours suivants, il ne se contentera pas de votre lunch. Nos négociateurs, nos gladiateurs, doivent être préoccupés par le fait de ne pas avoir juste une entente, mais ils doivent pouvoir vivre avec cette entente.
On sait, par expérience, que les États-Unis n'obéissent pas toujours aux règles et qu'ils en inventent de nouvelles pour protéger leur industrie. Ces comportements répétés des 30 dernières années ont découragé notre industrie. Les Américains trouvent toujours une façon de l'emporter même lorsqu'ils perdent, et nos droits internationaux et nos accords commerciaux avec les États-Unis ne sont pas toujours respectés. Les États-Unis croient en un juste libre-échange pour eux. S'ils l'obtiennent pour rien, c'est juste.
L'incontournable vérité est que les Canadiens ont remporté chacune des disputes juridiques avec les États-Unis sur le bois d'oeuvre. Nous avons joué selon les règles, mais le dernier gouvernement a décidé de ne pas soutenir son industrie et a capitulé. Le gouvernement de M. Harper a laissé aller un milliard de dollars américains appartenant à l'industrie canadienne pour payer une rançon à nos compétiteurs, même si le Canada avait démontré juridiquement que son industrie n'était pas subventionnée et ne causait pas de préjudice.
Les producteurs de bois du Québec et de l'Ontario ont besoin du libre-échange. Les producteurs de l'Ouest canadien sont peut-être à l'aise avec un autre accord de commerce administré à cause de leur accès facile au marché asiatique et leurs achats de scieries aux États-Unis. Ce n'est pas notre cas.
Le gouvernement fédéral est le gouvernement du Canada tout entier et il doit défendre les intérêts du centre du Canada avec la même détermination qu'il défend ceux de la Colombie-Britannique et ceux des Maritimes.
Le gouvernement du Québec a instauré en 2013 un système de droits de coupe basé sur le marché. C'est une copie du système du U. S. Forest Service et des États qui possèdent des terrains forestiers.
L'industrie du Québec doit bénéficier du libre-échange, parce que le régime forestier du Québec est basé sur le marché. Le Québec a un régime forestier qui respecte en tous points les demandes des Américains.
Le système ontarien, d'autre part, est basé sur la valeur résiduelle et ce système a été validé par un groupe spécial de l'ALENA en 2005, une année complète avant la capitulation et le paiement de la rançon. Le groupe spécial a déterminé que les compagnies produisant du bois d'oeuvre en Ontario n'étaient pas subventionnées et devaient donc être exclues des droits compensatoires et bénéficier du libre-échange. Ce sont des arguments forts qui ont encore leur place aujourd'hui.
S'il devait y avoir un nouvel accord, il doit être basé sur un principe clair: il faut que l'industrie canadienne du bois d'oeuvre puisse rivaliser avec sa concurrente américaine sur une base équitable et qui reconnaisse que nos régimes forestiers sont basés sur le marché. Le gouvernement du Canada ne doit pas conclure un accord qui ne reconnaisse pas pleinement le droit du centre du Canada au libre-échange. Le dernier gouvernement n'en a pas tenu compte. Le gouvernement actuel doit reconnaître les changements basés sur les marchés et négocier une entente conséquente à cet égard. L'ALENA doit aussi s'appliquer pour le bois de sciage.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, ainsi que tous les députés qui siègent à ce comité. Je suis à votre disposition pour répondre aux questions.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de venir vous entretenir d'un secteur économique important pour l'économie québécoise, mais qui a une grande vulnérabilité en raison des contraintes commerciales qui pourraient limiter l'accès de nos produits au marché américain.
Je m'appelle André Tremblay et je suis le président du Conseil de l'industrie forestière du Québec, un organisme qui représente plus de 90 % de la production de bois d'oeuvre au Québec.
Pour bien démontrer l'importance de notre secteur, soulignons qu'il fournit près de 60 000 emplois directs répartis dans l'ensemble des régions et également à Montréal. Ces travailleurs se partagent une enveloppe de plus de 3 milliards de dollars. En incluant les secteurs de la deuxième et de la troisième transformation, l'industrie forestière de la province possède un chiffre d'affaires d'environ 15 milliards de dollars et affiche une balance commerciale de plus de 7 milliards de dollars.
L'industrie du sciage résineux se retrouve à nouveau en situation précaire en raison des menaces qui pèsent sur son accès au marché américain. Avec des exportations de plus de 3,2 milliards de dollars sur une production de 5,5 milliards de dollars, ce qui représente près de 60 % de notre production, le marché américain constitue un marché crucial pour la survie des scieries du Québec.
En 2006, malgré les victoires répétées du Canada lors des quatre litiges et comme le soulignait M. Garneau tout à l'heure, le gouvernement canadien décidait de renoncer au libre-échange en faveur d'un accord visant à offrir la paix commerciale et la prévisibilité. Avec le recul, on peut affirmer que cette alternative à l'approche juridique s'est avérée coûteuse pour l'industrie du Québec.
D'un autre côté, de façon proactive et afin de permettre aux producteurs québécois d'être exempts des contraintes à l'exportation dans le futur — et c'est l'un des piliers fondamentaux de notre nouveau régime —, le gouvernement du Québec optait pour une autre alternative. II décidait, peu de temps après l'entrée en vigueur de l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux, ou l'ABR, d'attaquer le problème à sa source et de doter le Québec d'un régime forestier moderne dont le système de tarification serait basé sur des règles de libre marché se comparant avantageusement à celles qui ont cours dans des systèmes semblables à travers l'Amérique du Nord, y compris, bien sûr, aux États-Unis.
Depuis 2013, le Québec a mis en place un régime forestier à l'intérieur duquel tous les volumes de bois en provenance de la forêt publique se transigent directement au moyen d'enchères ou par une transposition des informations financières découlant de ces ventes.
Le nouveau régime forestier a entraîné des hausses substantielles de la valeur des bois allant de 7 $ à 10 $ du mètre cube, faisant du bois québécois l'un des plus chers en Amérique du Nord. C'est un paradoxe, car les arbres du Québec sont les plus petits sur le continent et ils devraient donc se vendre moins cher.
Vous comprendrez qu'en raison des bases du nouveau régime qui sont des règles de libre marché, les producteurs québécois demandent d'avoir un libre accès au marché américain. lls ont fait les changements exigés par les Américains, et ils en assument les conséquences financières depuis 2013. Il faut donc maintenant que cette situation soit reconnue.
Le système québécois est entré en vigueur bien avant la fin de l'ABR de 2006, qui s'est terminé en 2015. Or cet accord contenait une disposition claire visant à évaluer les modifications apportées aux régimes forestiers des provinces concernées. En dépit des nombreuses demandes de l'industrie québécoise au gouvernement canadien à compter de 2013, les gouvernements n'ont jamais manifesté quelque intérêt à se pencher sur la situation du Québec.
Comme je le mentionnais précédemment, le Québec ne peut se permettre d'entrer dans un nouvel accord qui restreindra en aval son accès au marché américain, tout en contraignant en amont son approvisionnement en fibres par une majoration substantielle de ses coûts d'approvisionnement.
Le protectionnisme américain ne peut résister à une logique qui répond et qui se conforme entièrement aux exigences les plus sévères: les exportateurs étrangers doivent être soumis aux mêmes règles de libre concurrence que les compagnies américaines lorsqu'ils se présentent sur leurs marchés. Notre régime forestier a été mis sur pied pour répondre à cette logique. Comme je le soulignais tout à l'heure, nous nous sommes dotés d'un mode de mise en marché basé sur des règles dépassant celles en vigueur et observables aux États-Unis.
Les industriels du Québec suivent avec beaucoup d'attention, mais aussi avec beaucoup d'appréhension, l'évolution des discussions entre le gouvernement du Canada et celui des États-Unis. Jusqu'à présent, ces discussions ont surtout porté sur la recherche d'une solution mettant au second plan la situation particulière du Québec.
C'est pourquoi nous réitérons devant ce comité l'exigence fondamentale du Québec selon laquelle notre régime forestier, qui répond plus que favorablement aux exigences les plus strictes en matière de libre marché et de saine compétition, doit permettre aux producteurs québécois d'être exemptés des contraintes à l'exportation de leurs produits. Pour y arriver, il est essentiel que le régime forestier soit étudié avec toute la rigueur scientifique qu'il mérite. Cela doit faire partie des demandes canadiennes et constituer une condition sine qua non à la poursuite du dialogue entre les deux pays.
En terminant, j'aimerais souligner une autre particularité du Québec.
Un certain nombre d'entreprises frontalières s'approvisionnent traditionnellement sur le territoire américain et, dans de telles conditions, elles ne devraient pas faire partie des discussions destinées à restreindre le commerce vers les États-Unis. Elles bénéficient déjà d'une exclusion qui se doit d'être considérée.
En conclusion, les industriels du Québec demeurent confiants que le gouvernement du Canada — et particulièrement Mme Freeland et son équipe, avec qui nous maintenons des communications constantes et qui saisissent bien les particularités de notre système — arrivera à conclure une entente avec les États-Unis qui nous permettra d'être exempts des contraintes à l'exportation.
Je vous remercie de votre attention. Nous somme prêts à répondre à vos questions.
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Monsieur le président, membres du comité,
[Traduction]
Mon nom est Gaston Poitras, et je suis ici à titre de président d'Atlantic Lumber Producers.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler d'un enjeu qui revêt une importance cruciale pour les producteurs de bois d'oeuvre de la région canadienne de l'Atlantique et les milliers d'employés des collectivités rurales qui dépendent de nos scieries.
Tout d'abord, j'aimerais vous présenter notre groupe, Atlantic Lumber Producers ou ALP. À la suite de la décision des gouvernements de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick de retirer le dossier des mains du Bureau du bois de sciage des Maritimes, notre groupe a été mis sur pied pour que nous puissions nous pencher sur la question du commerce du bois d'oeuvre. Nos membres produisent 95 % du bois d'oeuvre produit dans le Canada atlantique. Depuis sa création à l'été 2015, notre groupe collabore très étroitement avec les quatre gouvernements des provinces atlantiques dans ce dossier.
Il convient de souligner que trois accords canado-américains font mention d'une exclusion des Maritimes. Cependant, l'exclusion s'applique aux quatre provinces de l'Atlantique. Tout au long de mon exposé, je continuerai de parler des Maritimes.
Pour vous donner un aperçu de l'industrie forestière des Maritimes, sachez que notre région a produit seulement 2,5 % de la consommation de bois d'oeuvre en 2015. Malgré le fait que le bois d'oeuvre de notre région ait été exempté des mesures relatives à l'exportation en vertu de l'accord sur le bois d'oeuvre résineux de 2000, le volume de nos exportations de bois d'oeuvre vers les États-Unis est passé de 1,5 milliard de pieds-planches en 2006 à environ 1,1 milliard de pieds-planches entre 2010 et 2015. Même si l'industrie des produits forestiers est petite si on la compare avec celle des États-Unis, elle offre néanmoins près de 12 000 emplois directs, principalement dans les collectivités rurales des Maritimes.
Permettez-moi maintenant de vous parler de l'histoire de l'accord sur le bois d'oeuvre résineux. Les États-Unis ont porté quatre litiges distincts devant des tribunaux au cours des 35 dernières années, période au cours de laquelle les provinces maritimes ont été exemptées de droits de douane ou d'autres restrictions commerciales. En fait, les représentants commerciaux, ni le département du Commerce américain, n'ont jamais affirmé que la production de bois d'oeuvre dans les Maritimes était subventionnée. La U.S. Lumber Coalition a plutôt fait valoir que le prix que demandaient les provinces canadiennes aux producteurs pour avoir le droit de récolter le bois sur les terres publiques — prix qu'on appelle le droit de coupe — était si bas qu'il équivalait à une subvention aux producteurs canadiens.
Si les provinces maritimes ont été exemptées, c'est en grande partie parce qu'elles possèdent une part importante de terres privées. Plus de 50 % du bois provient de terres privées. Les droits de coupe à payer par l'industrie pour la récolte sur les terres publiques dans les Maritimes sont établis en fonction de la valeur marchande du bois récolté. Ces droits de coupe sont et continuent d'être les plus élevés au Canada. D'ailleurs, lors du dernier litige, les représentants commerciaux des États-Unis ont reconnu que les Maritimes constituaient un point de référence pour la reddition de comptes en ce qui a trait aux droits de coupe.
Afin d'en arriver à une évaluation juste, nos gouvernements provinciaux ont procédé à des enquêtes indépendantes et ont établi les droits de coupe en fonction de la valeur marchande du bois récolté sur les terres privées. Mis à part de petits ajustements, ce même système était en place avant la tenue des quatre enquêtes relatives aux droits compensateurs. Les Maritimes continuent d'améliorer leurs méthodes d'enquête pour s'assurer que la valeur des droits de coupe repose sur les données les plus exactes et à jour possible relativement au prix imposé par les propriétaires fonciers privés. Par exemple, le Nouveau-Brunswick est en train d'établir une base de données exhaustive des transactions forestières, à la lumière des données obtenues auprès des sept offices de commercialisation des produits forestiers et d'autres droits de coupe sur des terres privées.
Cela nous permettra de recueillir des données plus exactes en temps voulu, et ainsi de calculer annuellement les droits de coupe à partir d'une vaste série de données. Il s'agira d'une amélioration par rapport aux enquêtes antérieures, qui se fondaient sur un échantillon et qui avaient lieu tous les trois ans seulement, avec indexation pour les années intermédiaires. Pour garantir l'exactitude et la crédibilité de cette approche, le Nouveau-Brunswick a fait appel aux services d'une firme indépendante, PricewaterhouseCoopers, afin de vérifier les données relatives aux droits de coupe et les rapports des analystes sur la juste valeur du marché.
La volonté de notre région de toujours vouloir améliorer l'exactitude et la transparence de son système d'établissement des droits de coupe continue de justifier l'exclusion des Maritimes. Afin de réduire les risques de contournement, compte tenu de notre processus, de notre situation géographique et d'une exigence de notre dernier Accord sur le bois d'oeuvre résineux, nous avons établi des mécanismes anti-contournement pour les autres provinces qui exportent aux États-Unis. Plus précisément, au cours des 15 dernières années, les producteurs de bois d'oeuvre des Maritimes ont maintenu un programme de certificat d'origine qui assure que le bois d'oeuvre exporté aux États-Unis, ou transformé dans une autre province puis acheminé aux États-Unis, est produit à partir de grumes qui proviennent de la région de l'Atlantique. Même si le certificat d'origine n'est plus requis, étant donné que l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux est arrivé à échéance en octobre dernier, les producteurs de bois d'oeuvre des Maritimes maintiennent volontairement le programme, qui a continué d'être administré par le Bureau du bois de sciage des Maritimes.
Pour conclure, en janvier dernier, les provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve ont fait parvenir une lettre à la ministre du Commerce international, Mme Freeland, appuyant le consensus de l'industrie canadienne selon lequel un nouvel accord sur le bois d'oeuvre fournira la prévisibilité et la stabilité nécessaires pour se protéger contre les batailles juridiques interminables entre les États-Unis et le Canada, et veillera à ce que les mesures frontalières ne s'appliquent pas à nos exportations de bois d'oeuvre vers les États-Unis. En outre, j'en profite pour dire que nous aimerions que les négociations du Canada aboutissent à un accord équitable pour notre pays, mais qui reconnaît les circonstances uniques des Maritimes. Le fait que, pour des raisons historiques, la majorité de nos terres est de propriété privée continue de justifier l'exclusion des Maritimes, et c'est sans compter notre processus rigoureux et reconnu d'établissement des droits de coupe en fonction du marché.
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Du gouvernement canadien. En fait, il s'agit des deux, mais lorsque nous tenons des discussions, c'est avec le gouvernement du Canada; nous ne discutons pas avec les États-Unis.
Quant au papier satiné, vous soulevez une question très intéressante, car il est clair que lorsque le département du Commerce des États-Unis a vérifié l'information, les résultats de la première vérification étaient insignifiants. Je pense que les vérificateurs renverront probablement le dossier, avec instruction de trouver quelque chose.
Il y a un nouvel instrument juridique que vous connaissez sans doute aux États-Unis, qu'ils appellent « les défavorables disponibles ». Le département américain du Commerce et les vérificateurs ont un pouvoir discrétionnaire illimité d'imposer des sanctions. Ils ont choisi deux programmes, et on constate qu'ils n'avaient rien à voir avec le papier satiné. Normalement, lorsqu'on se penche sur une enquête en matière de droits compensateurs, c'est toujours lié au produit qui est fabriqué, mais dans ce cas-ci, il n'y avait aucun lien avec le papier satiné ou ses subventions. Cela était tout à fait inapproprié. Selon moi, il s'agit d'un autre cas de violation des obligations internationales des États-Unis. Ils doivent respecter les lois et les règlements.
J'espère que le Canada continuera de défendre son industrie et qu'il n'acceptera pas ce type d'intimidation. J'ai l'impression que les États-Unis confondent le gouvernement du Canada avec le gouvernement de la Chine. Le Canada a des lois et des règlements à respecter et, chose certaine, il a toujours joué selon les règles.
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Je vais répondre rapidement.
J'ai eu la possibilité de travailler au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, et je crois que ces trois provinces ont des intérêts identiques.
Vous savez que la Colombie-Britannique a acheté 40 scieries aux États-Unis — une capacité de 5 milliards de pieds-planches. C'est pratiquement la capacité du Québec. Je pense que tout accord qui limiterait le commerce dans le centre du Canada protégerait la Colombie-Britannique. Cette province a accès au marché asiatique, et comme je l'ai dit dans mon exposé, le volume de ses exportations a augmenté considérablement. Nous n'avons pas ce luxe dans le centre du Canada. Même avec le système dont bénéficie la Colombie-Britannique, il existe des restrictions sur les exportations de grumes, qui sont un irritant majeur même pour le Japon et aux États-Unis.
Je crois que c'est quelque chose qui doit absolument être pris en considération. Éliminons cet irritant, et peut-être qu'à ce moment-là, le Québec et l'Ontario pourront bénéficier du libre-échange.
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Bonjour, et merci pour vos excellents exposés. Je représente Nouveau-Brunwick—Sud-Ouest, alors je vais adresser quelques questions à mon collègue des Maritimes.
Monsieur Poitras, vous avez parlé de 12 000 emplois directs. Cela n'inclut pas tous les emplois indirects. Dans des régions comme les provinces atlantiques, où l'on retrouve un vaste territoire et beaucoup d'arbres, mais une petite population, cela représente un grand nombre d'emplois, alors je vous remercie de l'avoir souligné.
L'industrie canadienne s'efforce d'être innovante. Comme l'a mentionné M. Garneau, on a acheté une quarantaine de scieries aux États-Unis, alors on essaie de trouver de nouveaux moyens d’être flexibles. Dans quelle mesure le marché canadien, particulièrement le marché des Maritimes est-il prêt à pénétrer le marché asiatique et à produire des produits à valeur ajoutée?
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J'ajouterai simplement que je travaille à ce dossier depuis plus de 25 ans. D'après ce qu'on peut en lire, la coalition américaine et le département américain du commerce ne sont pas près de disparaître.
La meilleure chose à faire pour le Canada est de tenter de négocier une entente, parce qu'autrement, cela signifie qu'on est face à un litige, et nous savons tous combien cela va coûter. Selon moi, si c'est ce qui doit arriver, les seuls à faire de l'argent avec l'industrie du bois d'oeuvre, ce seront les avocats. Sans vouloir offenser les avocats dans la salle, bien sûr.
Des voix: Oh, oh!
M. Gaston Poitras: Au bout du compte, notre position dans les Maritimes est que nous devrions négocier. Nous devrions essayer d'arriver à une entente, et à la meilleure entente pour le Canada. Soyons clairs là-dessus.
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Messieurs, merci beaucoup pour vos commentaires aujourd'hui.
Je suis tout à fait d'accord avec vous concernant les mécanismes de règlement des différends. Il faut les employer rapidement et il doit s'agir de mesures exécutoires. Nous avons pu le constater avec la mention du pays d'origine sur les étiquettes aux États-Unis. C'est un cas de David contre Goliath, mais nous ne pouvons pas nous y soustraire.
Vous avez parfaitement raison, monsieur Poitras. Nous ne voulons pas d'une situation litigieuse, car personne n'y gagnerait au change. On perdrait nos avantages commerciaux et notre capacité de faire des affaires, simplement parce que les États-Unis ont décidé de se renfrogner et d'intenter des poursuites judiciaires.
Monsieur Tremblay, vous avez indiqué plus tôt que les provinces pouvaient y aller pour l'option A ou l'option B, et qu'une fois que leur choix était fait, elles devaient s'en tenir à cela pour le reste de la période visée. La prochaine fois, devrait-on négocier une certaine marge de manoeuvre, de façon à vous permettre d'apporter quelques correctifs aux droits de coupe et autres et de choisir l'option A ou l'option B?
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J'aurais un commentaire à formuler concernant les coûts. Si on compare les coûts à ce qu'il faudrait débourser pour des procédures judiciaires, je pense que l'industrie a payé 2,3 milliards de dollars en taxes d'exportation, en plus de 1,4 milliard de dollars canadiens. D'accord?
Aussi, pour ce qui est de la perte d'emplois, prenons l'exemple de l'Ontario. Elle a perdu 50 % de sa production, et la province se trouve au beau milieu du pays, ayant pour seul marché celui des États-Unis. Quand on est privé d'un accord de libre-échange et d'un accès au marché, et qu'on est frappé en plus d'une taxe et d'un contingent, on ne fait pas d'investissement.
Alors oui, en cinq, dix ou quinze ans, la coalition arrivera essentiellement à faire disparaître l'industrie au Canada. On sait ce qui arrive quand il n'y a pas d'investissement. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous insistons... Un accord, c'est toujours bon, mais je pense que nous avons avec l'ALENA l'outil dont nous avons besoin pour accéder à ce marché, tant que le commerce est équitable. C'est le cas au Canada, et nous devons le faire reconnaître par nos voisins du sud.