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Bonjour à tous et bon retour à Ottawa. Comme tous ceux qui sont assis à cette table le savent, nos projets ont changé. Nous espérions nous trouver au Mexique ce matin, mais à cause des graves difficultés que connaît ce pays en ce moment, nous avons changé d'idée. Ce désastre nous offre cependant une possibilité fort intéressante, celle de recevoir aujourd'hui un représentant de la U.S. Chamber of Commerce.
De nombreux membres du Comité et de nombreux députés ont eu la chance de se rendre aux États-Unis ces derniers mois et nous avons toujours constaté que la Chambre de commerce nous avait toujours bien reçus, monsieur Murphy. Nous avons passé une excellente soirée avec des représentants de cet organisme à Washington. Nous avons également eu une bonne expérience en Californie avec des représentants de votre chambre de commerce. Nous avons déjeuné avec eux. Je vous remercie de vous présenter devant notre comité.
Vous êtes venu à Ottawa accompagné d'un groupe de collaborateurs très distingués. Il comprend plus de 37 membres des plus grandes sociétés et fabricants des États-Unis. Nous nous trouvons à un moment très important, comme vous le savez, pour nos deux pays, en particulier dans les prochains jours, de sorte que nous sommes très heureux de voir tous ces gens-là ici.
Il y a certainement quelques différences entre la façon dont nous menons nos comités, et la façon dont cela se fait aux États-Unis. Premièrement, il n'est pas permis de prendre des photos ici parce que nous sommes réunis dans un cadre officiel.
Nous allons diviser cette séance. Nous allons faire les choses un peu différemment, monsieur Murphy. Nous allons vous inviter à présenter un exposé, bien entendu. Ces exposés prennent environ cinq minutes, mais vous pouvez prendre le temps que vous souhaitez. Nous aurons ensuite un dialogue avec les députés.
Nous allons siéger de cette façon pendant environ une heure et nous siégerons ensuite de façon moins officielle. Encore une fois, il n'y aura pas d'appareil photo. Au cours de la première heure, si certains membres de votre délégation souhaitent siéger à la table, ils peuvent bien sûr le faire. Vous pouvez leur demander de prendre place maintenant. S'il y a un membre de votre délégation qui souhaite aborder un sujet particulier, disons le lait ou autre chose, et que vous souhaitez qu'il s'asseye avec vous, invitez-le à le faire. Il n'y a pas de structure formelle. Vous pouvez inviter les personnes que vous voulez à prendre place à vos côtés pour vous aider à répondre aux questions ou pour nous fournir des renseignements.
Comme vous le savez, notre pays est bilingue, de sorte que, si vous avez besoin d'interprétation, vous avez des écouteurs. Il y a trois chaînes. L'anglais est la première, et le français la deuxième.
Sans plus tarder, je vous donne donc la parole, monsieur, et nous passerons ensuite à une discussion avec les députés.
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Je remercie le président du Comité, M. Eyking et les vice-présidents, MM. Allison et Ramsey, pour cet accueil très chaleureux.
C'est un honneur de comparaître aujourd'hui devant le Parlement du Canada, et d'y représenter la U.S. Chamber of Commerce.
La U.S. Chamber of Commerce est l'organisme commercial le plus important des États-Unis. Nous représentons les intérêts de plus de trois millions de sociétés de toutes tailles, dans tous les secteurs et dans tous les États — de grosses sociétés, de petites sociétés, des manufacturiers, des fournisseurs de services, des entreprises agricoles. Nous représentons également plus de 2 000 chambres de commerce locales et étatiques, près de 1 000 associations sectorielles et un réseau de chambres de commerce américaines à l'étranger, y compris celle qui existe au Canada. Je devrais également ajouter que nous comptons parmi nos membres les filiales américaines d'un certain nombre de sociétés canadiennes.
Le sujet du jour est l'Accord de libre-échange nord-américain. Comme nous le disons depuis le début de l'année, nous sommes favorables à l'idée de moderniser cet Accord, pour prendre en compte les changements économiques, technologiques et autres qu'ont connus l'économie nord-américaine tout comme l'économie mondiale, ces dernières années. Mais à notre avis, depuis l'entrée en vigueur de l'Accord en 1994, l'ALENA a été une grande réussite pour les trois pays membres, les États-Unis, le Canada et le Mexique. Nous avons connu une augmentation importante des échanges commerciaux dans le continent ainsi que celle des investissements transfrontaliers. Cet accord a stimulé la croissance économique. Il a fait progresser les niveaux de vie et amélioré la compétitivité mondiale de nos trois économies. Vous connaissez fort bien les chiffres. Chaque jour, les échanges commerciaux représentent plus de 3 milliards de dollars. Aux États-Unis, comme mon chef Tom Donohue, le président et premier dirigeant de la U.S. Chamber of Commerce le dit souvent, les échanges commerciaux avec le Canada et le Mexique représentent 14 millions d'emploi pour les Américains. Je pense que ce chiffre se répartit entre neuf millions pour nos échanges avec le Canada et cinq millions avec le Mexique. Nous constatons donc tous les jours les répercussions positives de cet accord. Une bonne partie de ce commerce dépend de l'ALENA, même si les raisons qui l'expliquent ne sont pas très bien connues; les négociations qui sont en cours aujourd'hui devraient, à notre avis, être menées de façon à ne pas compromettre nos relations commerciales actuelles. Nous pensons qu'il est tout à fait possible d'atteindre ce but.
Au cours des derniers mois, nous avons présenté les principes généraux suivants dont pourrait s'inspirer la modernisation de l'ALENA.
Premièrement, ne pas nuire. Interrompre des échanges transfrontaliers annuels de 1,3 billion de dollars ou revenir aux droits de douane élevés qui étaient applicables avant l'entente, pourrait mettre en danger des millions d'emplois qui dépendent de ces échanges dans nos trois pays.
Deuxièmement, il faut que cet accord demeure trilatéral. Il est essentiel de conserver le format trilatéral de l'ALENA parce que le passage à de nouvelles ententes bilatérales risquerait grandement de bouleverser nos échanges. Une telle transition pourrait également donner naissance à des règles divergentes, puisqu'il y aurait un ensemble de règles pour le commerce entre les États-Unis et le Canada, un autre pour les États-Unis et le Mexique et un pour le commerce entre le Canada et le Mexique, ce qui augmenterait les coûts assumés par les industries dans un certain nombre de secteurs.
Troisièmement, il faut que cette transition s'effectue de façon harmonieuse. Le président du Comité des voies et moyens de la Chambre, M. Kevin Brady, que vous avez, je crois, déjà rencontré, a insisté à plusieurs reprises sur cet aspect: il est important que le passage entre l'Accord qui est en vigueur actuellement et celui que nous adopterons à l'avenir n'entraîne aucune rupture brutale des échanges commerciaux.
Enfin, je dois mentionner que certains ont menacé, au cours de ce processus de modernisation, de se retirer de l'Accord. Nous prenons ces menaces très au sérieux. Du point de vue de la U.S. Chamber of Commerce, la décision de se retirer de l'ALENA serait un désastre économique, politique ainsi que sur le plan de la sécurité nationale pour les États-Unis. Mon chef, Tom Donohue, a écrit aujourd'hui une chronique à ce sujet dans le quotidien The Wall Street Journal, que certains d'entre vous ont peut-être vu, et je vous en cite un bref passage.
Il a écrit:
Affaiblir l'ALENA serait une erreur grave et coûteuse qui nuirait aux agriculteurs, aux fabricants, aux travailleurs et aux familles que la Maison-Blanche affirme vouloir protéger. Les Américains devraient faire tout ce qui est nécessaire pour éviter de s'infliger à eux-mêmes une blessure aussi grave.
Comment pourrait se produire un tel retrait? Pour le moment, nous pensons que le risque que ce retrait s'effectue brusquement, à la suite d'une décision unilatérale, est quelque peu diminué. Nous constatons, à l'heure actuelle, qu'un certain nombre de sociétés membres de notre organisation s'inquiètent de la direction que prennent les négociations dans un certain nombre de secteurs, notamment à cause des propositions présentées par l'administration des États-Unis concernant la protection des investissements, des règles strictes en matière de contenu national ou une disposition prévoyant une date d'expiration de l'Accord. Tous ces aspects soulèvent de grandes inquiétudes. La crainte est que de telles propositions hétérodoxes, qui n'ont jamais été faites dans le cadre d'accords antérieurs, pourraient entraîner la rupture des négociations et le retrait de certaines parties.
Nous intervenons auprès des négociateurs des États-Unis, et nous leur demandons de ne pas oublier que chaque jour, il y a 14 millions d'emplois américains qui dépendent du Canada et du Mexique, sans compter les millions d'emplois qui se trouvent au Canada et au Mexique.
Nous pensons que nous pouvons améliorer et moderniser cet accord et l'adapter à l'économie du XXIe siècle et nous souhaitons travailler avec vous en ce sens.
Je vous remercie. J'ai hâte de commencer notre discussion.
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Merci, monsieur Murphy.
Avant d'aller plus loin, je vais vous présenter à mes collègues. Nous avons trois des principaux partis de notre Parlement: le NPD est représenté par Mme Ramsey; le Parti conservateur par M. Freeshen, M. Carrie et M. Allison et le Parti libéral par M. Fonseca, Mme Ludwig, Mme Lapointe, M. Peterson et M. Dhaliwal. Ils représentent différents partis, et proviennent de toutes les régions du pays, de la Colombie-Britannique jusqu'à la côte de l'Atlantique, de sorte que notre comité est très représentatif du pays.
Notre comité a également été actif ces dernières années. Bien sûr, comme vous le savez tous fort bien, nous venons de conclure un accord avec l'Europe. Il est en vigueur depuis quelques jours. Cet accord est une grande réussite pour nous.
Nous avons également beaucoup travaillé sur le PTP, qui a été abandonné, mais nous l'avons beaucoup étudié, ce qui, bien sûr, a suscité beaucoup de discussions avec nos homologues américains.
Notre comité est très actif. Nous sommes une nation commerçante et nous sommes heureux que vous soyez ici.
Nous allons poursuivre. Habituellement, un député dispose de cinq minutes pour poser des questions et entendre les réponses et nous donnons la parole à chacun son tour.
Sans plus tarder, nous allons donner la parole aux conservateurs. Monsieur Allison, vous êtes le premier à intervenir.
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Je vous remercie. Je remercie également M. Murphy. Je sais que les chambres des deux côtés de la frontière sont des organismes très utiles et nous sommes donc heureux que vous soyez ici pour nous parler au nom de la U.S. Chamber of Commerce.
Nous lisons bien sûr les journaux, comme vous, pour savoir ce qui se passe ou ce qui va se passer et je sais que les affaires sont toujours mentionnées. Nous avons entendu un nombre incalculable de témoins qui nous ont tous dit en commençant « Ne pas nuire ». C'était également votre première remarque.
Quand vous regardez dans votre boule de cristal, pour voir ce que pensent les autres, qu'est-ce qui serait une solution gagnante d'après vous? Nous reconnaissons tous que la modernisation du traité a une certaine importance. Il nous faut un chapitre sur le numérique. Il y a un certain nombre de sujets qui n'étaient pas traités par l'Accord original.
Bien évidemment, nous aimerions que cela se fasse rapidement, mais cela prend toujours un peu de temps. À votre avis, que pensez-vous que l'administration souhaiterait obtenir? Serait-ce une révision complète, un changement total ou simplement la modification de certains aspects mineurs? Une telle issue serait-elle considérée comme une réussite pour l'administration des États-Unis.
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Premièrement, je vais vous dire rapidement ce qui serait un succès pour le monde des affaires et je reviendrai ensuite à votre question.
Nous souhaitons moderniser une entente commerciale qui a 23 ans et l'adapter au XXIe siècle en ajoutant des dispositions qui traitent, par exemple, du commerce numérique. L'ALENA a été négocié la même année où a été inventé le Web mondial, je crois. De sorte que le commerce électronique, la possibilité de faire des affaires en ligne, pas simplement acheter un paquet qui sera ensuite expédié chez vous, mais le fait d'effectuer en ligne vos opérations bancaires, de vendre de l'assurance à l'étranger électroniquement, de télécharger des logiciels de l'étranger, sont toutes là des activités qui montrent qu'aujourd'hui il ne s'agit pas simplement d'échanger des biens et des services, mais également des données numériques.
Nous savons comment le faire. Le PTP contenait ce genre de formulation. Il y a également d'autres domaines, par exemple, celui des normes sanitaires et phytosanitaires, dans lequel les accords plus récents réussissent mieux que l'ALENA à faire en sorte que les règlements, qui pourraient être adoptés à l'étranger et gêner le commerce international, soient fondés sur de solides données scientifiques et ne reflètent pas tout simplement le souci de renforcer indirectement le protectionnisme.
Ce sont là des exemples du genre de modernisation que nous souhaitons. L'administration Trump a mentionné un certain nombre de questions de ce genre à titre d'objectifs. Certains autres ont soulevé quelques questions. Par exemple, l'objectif qui figure en premier dans leur document officiel concerne le déficit commercial bilatéral des États-Unis. La U.S. Chamber of Commerce ne pense pas que le déficit commercial, la balance commerciale soit un instrument approprié pour mesurer si un accord commercial ou une relation commerciale bilatérale fonctionne bien. Ces données reflètent plutôt des réalités macro-économiques. Elles n'ont pas plus d'importance que le fait que la famille Murphy ait un déficit commercial avec son épicerie, son coiffeur ou les autres magasins de détail que je fréquente, et un surplus commercial avec mon employeur. Pratiquement tous les économistes au monde s'entendent là-dessus. Il s'agit donc de savoir exactement quelles sont les répercussions de cette situation sur nos politiques commerciales.
Il faut féliciter l'administration des États-Unis d'avoir déclaré qu'elle souhaitait augmenter les échanges commerciaux, mais ce n'est pas en réduisant les importations qu'elle pourra atteindre cet objectif. Nous attendons toutefois des détails sur cette question.
Un autre objectif a été mis de l'avant par cette administration, à savoir renforcer les règles d'origine de l'ALENA. Nous n'avons pas encore vu de texte précis à ce sujet qu'aurait présenté l'administration des États-Unis. Cela nous inquiète un peu parce que l'ALENA contient déjà des règles d'origine qui sont plus strictes que celles que l'on retrouve dans les accords de libre-échange. Si vous prenez le secteur de l'automobile, qui est bien souvent en première ligne dans ce domaine, le pourcentage de 62,5 % est supérieur à celui que prévoit n'importe quel autre accord commercial. Le problème est que si ce niveau est relevé de façon importante, cela n'obligera aucunement cette industrie à augmenter le contenu nord-américain. De toute façon, le tarif extérieur américain accordé à la NPF sur les automobiles est de 2,5 %.
S'il est trop complexe et trop coûteux de se conformer à ce qu'exige la bureaucratie et de respecter les règles en matière d'origine, alors les sociétés vont simplement décider de payer ce que prévoit le tarif. Il y a un certain nombre d'exemples concrets que nous donnons à nos négociateurs pour les amener à prendre des mesures positives.
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Merci d'avoir posé cette question.
Le litige sur le bois d'oeuvre dure depuis des dizaines d'années et il y a pas mal d'avocats d'affaires qui ont payé les études de leurs enfants grâce aux différents avatars de ces règles. Du point de vue du monde des affaires des États-Unis, de la U.S. Chamber of Commerce plus précisément, c'est un litige que nous avons eu parfois du mal à trancher, parce que dans ce domaine, les intérêts des producteurs s'opposent à ceux des consommateurs.
Cela fait environ 18 ans que je travaille pour la U.S. Chamber of Commerce et j'ai toujours espéré que progressivement, nos économies s'intégreraient davantage et que les litiges portant sur cet aspect de notre relation diminueraient. C'est quelque chose que nous pouvons dire, par exemple, pour le secteur de l'acier. Les sociétés exerçaient davantage de recours commerciaux dans le domaine de l'acier il y a 20 ans qu'aujourd'hui. De nos jours, les aciéries de l'Amérique du Nord sont intégrées très étroitement, ce qui réduit beaucoup ce genre de tension.
Nous n'en sommes encore pas là. Nous espérons que les négociateurs trouveront le moyen de régler cette question et de le faire rapidement. Je pense que les intéressés sont nombreux à espérer que cette question se règle à court terme et cela renforcerait la confiance dans les négociations au sujet de l'ALENA.
J'aimerais ajouter à vos commentaires, monsieur Murphy, au sujet de l'intégration des chaînes d'approvisionnement que, si nous prenons l'exemple du bois d'oeuvre, il y a au Nouveau-Brunswick une usine qui est située en partie du côté américain et l'autre moitié, l'usine de pâte à papier, du côté canadien, ou le contraire. C'est l'usine de Twin Rivers. C'est un excellent exemple d'intégration.
Je me demande si les Américains sont très conscients, légèrement ou quelque peu conscients du risque que le bouleversement des échanges commerciaux entraîne des pertes d'emploi du côté américain comme du côté canadien.
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Je pense que les événements de l'année dernière ont permis aux décideurs du Congrès d'apprendre certaines choses au sujet des avantages qu'offre l'ALENA aujourd'hui et de la relation commerciale que nous avons avec le Canada et le Mexique.
La semaine dernière, j'ai fait un voyage de quatre jours dans sept États du Midwest. Ils ont tous en commun le fait d'avoir voté très majoritairement pour Donald Trump. Un autre aspect qu'ils ont en commun est que ces États dépendent énormément du commerce, en particulier du commerce avec le Canada et le Mexique. Au cours de mon voyage dans cette région, j'ai visité plusieurs fabricants — une grande société de camionnage, une société de technologie, un fabricant de ballons — et j'ai parlé à des représentants des chambres de commerce locales et étatiques; je n'ai pas senti beaucoup d'intérêt pour l'idée d'abandonner l'ALENA.
En fait, au cours de la première réunion à laquelle j'ai assisté, le membre du Congrès pour le Dakota du Nord, Kevin Cramer, m'a dit qu'il ne connaissait pas une seule circonscription du nord du Dakota dont les électeurs souhaitaient le retrait de l'ALENA. Le Dakota du Nord est peut-être l'État le plus rouge de l'union, comme nous disons. C'est un des États où le président Trump l'a emporté par une très forte marge.
À la fin de mon voyage, je me suis rendu au Kansas et le sénateur Pat Roberts assistait à une réunion tenue dans cet État. Il est le président du comité de l'agriculture. C'est peut-être pour l'agriculture que les avantages de ce traité sont le plus frappants; ce n'est pas seulement le cas pour les fabricants. Le Canada et le Mexique achètent plus de produits manufacturés américains que les 10 marchés d'exportation suivants.
Au Congrès, je constate que le message a été compris. Je sais que les gouverneurs le comprennent. Je dois mentionner que, d'après moi, la diplomatie canadienne a joué un rôle positif dans ce domaine. Non seulement le gouvernement, mais nos excellents amis de la Chambre de commerce canadienne ont déployé beaucoup d'efforts pour expliquer la situation; ils se sont rendus, comme vous l'avez tous fait, dans de nombreux endroits.
L'ALENA a été très critiqué dans le passé, mais je crois que l'opinion actuelle est quelque peu différente. Les sondages le confirment. L'ALENA est vu de façon plus favorable actuellement que dans le passé.
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Je vous remercie d'être venus.
Ma mère est une Murphy, nous avons donc beaucoup de Murphy des deux côtés de la frontière.
J'aimerais approfondir un peu un point que vous avez abordé avec mon collègue, et c'est l'idée générale qu'on se fait au sujet des échanges commerciaux entre les États-Unis et le Canada ainsi que les fausses informations.
Nous avons vu ce qui s'était passé avec ce qu'a dit Wilbur Ross la semaine dernière au sujet des règles d'origine dans le secteur automobile. Ses affirmations ont été rapidement réfutées par les dirigeants des sociétés de construction automobile canadiennes, et bien sûr, par les représentants du gouvernement. La question des règles d'origine nous préoccupe beaucoup, notamment parce que certains semblent penser que le Canada et le Mexique utilisent des pratiques déloyales dans ce domaine.
Vous avez fait allusion au fait que ces règles n'avaient pas encore été déposées. Nous trouvons cette question très préoccupante. Je représente une circonscription du sud de l'Ontario, située à la frontière, et on y trouve de nombreuses sociétés du secteur automobile. Avez-vous une idée du moment où cette importante discussion va démarrer? Quelle est la position de la Chambre de commerce?
Comme je vous le disais plus tôt, ma circonscription est située au nord de Montréal, en banlieue. Beaucoup de composantes aéronautiques de la chaîne d'approvisionnement y sont fabriquées.
Comment devrait-on aborder la mobilité de la main-d'oeuvre dans le cadre de l'ALENA mis à niveau?
Devrait-on s'inspirer du Partenariat transpacifique ou de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne?
En matière de mobilité de la main-d'oeuvre, y a-t-il des dispositions que vous souhaiteriez voir incluses dans l'Accord?
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Merci, monsieur Murphy. J'aime beaucoup entendre vos commentaires et votre point de vue.
Les membres de notre comité ont voyagé d'une côte à l'autre des États-Unis, et nous avons visité plusieurs villes. En fait, nous sommes allés au Colorado, près de votre alma mater à Boulder, ainsi qu'à Denver. On nous a expliqué que le secteur bovin était très intégré, la reproduction, l'élevage, la transformation, etc., par exemple et que les produits traversaient la frontière plusieurs fois avant de se retrouver dans l'assiette des consommateurs.
Nous avons entendu des représentants des nombreuses chambres de commerce, et il semblait tous penser que nous voulions moderniser l'ALENA, que nous voulions faire de l'ALENA un accord plus efficace et utile, mais si nous examinons ce que pense la population et revenons aux élections présidentielles aux États-Unis ou à aujourd'hui, ou même au cours de nos élections de 2015, et maintenant, avec les élections qui s'en viennent au Mexique... Nous allions pouvoir le faire cette semaine... Malheureusement, à cause du tremblement de terre catastrophique qui a frappé Mexico, nous avons dû changer nos plans. J'aimerais bien entendre ce qu'ont à dire nos homologues mexicains, ainsi que leur chambre de commerce.
Je sais que vous avez beaucoup travaillé sur l'Amérique latine, et j'aimerais savoir comment, d'après vous, cela va se passer avec les élections mexicaines. Je suis sûr qu'ils en parlent déjà, de l'ALENA et de cet accord commercial. Que se passe-t-il en ce moment?
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Eh bien, c'est une bonne question et j'ai mon avis là-dessus, mais je suis certain que, dans le cadre du processus actuel, vous allez entendre ce qu'ont à dire les représentants de l'industrie mexicaine et les autres parties prenantes mexicaines.
Les développements politiques récents aux États-Unis ont compliqué les relations entre les États-Unis et le Mexique sur plusieurs plans. Je n'ai pas à mentionner au comité les déclarations qui ont été faites au cours de la campagne électorale, ni même les débats qui ont lieu actuellement au sujet des expulsions et du report des mesures concernant l'arrivée des enfants, le DACA, ou même le projet de mur à la frontière. D'après les sondages de l'opinion publique qui ont été faits au Mexique, il est incontestable que toutes ces propositions ont eu un effet sur les attitudes, mais nous ne savons pas encore très bien comment cela va influencer les élections qui vont avoir lieu en juillet prochain.
Je pense que certains secteurs de l'administration Trump sont sensibles à ces réalités politiques. Je pense que progressivement, ces personnes vont constater que ces négociations ne concernent pas seulement un partenaire dans une affaire immobilière, mais des États-nations qui ont chacun une situation politique différente. Pour l'avenir, il sera de plus en plus important d'en tenir compte et de ne pas prendre des mesures qui pourraient avoir des conséquences imprévues, pour ce qui est de leur effet durable sur les relations bilatérales entre les États-Unis et le Mexique.
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Monsieur Murphy, je vous remercie d'être venu.
J'ai parlé la semaine dernière avec Karen Harbert, la représentante du Global Energy Institute, qui a abordé certaines questions touchant l'énergie. Je viens de l'Alberta, et je sais que c'est un aspect tout à fait essentiel; nous pensons à certains problèmes que nous avons connus dernièrement. Nous sommes bien évidemment satisfaits de voir que le pipeline Keystone va finalement aller de l'avant.
Bien sûr, la Chambre de commerce... c'est un actif certainement très utile. Nous avons eu des discussions au sujet du caractère équitable de la fiscalité des petites entreprises, et nous nous en remettons à nos chambres de commerce pour faire connaître la situation. Cela est important pour vos activités et le fait de venir ici pour nous en parler est également très important.
Vous avez mentionné les questions reliées au chapitre 19 et vous avez déclaré qu'il y avait certains groupes du secteur de l'agriculture à qui cela faisait problème. De quels groupes s'agit-il?
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Monsieur Murphy, je vous souhaite la bienvenue, à vous et à votre équipe.
Vous étiez en train de mentionner cet aspect et j'ajouterais qu'au cours de notre voyage aux États-Unis, nous n'avons rencontré personne qui s'opposait à l'ALENA. Les membres de ces trois nations sont disposés à travailler ensemble. Vous avez également mentionné que, dans l'un des États, le Dakota du Nord, dans lequel le président a été élu par une très forte majorité, la population était très favorable à l'ALENA.
La U.S. Chamber of Commerce, les gouvernements locaux, les organismes commerciaux, les entreprises privées, toutes ces entités veulent aller de l'avant. Qu'est-ce qui ralentit les choses, du point de vue des États-Unis?
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Comment expliquer cela, c'est ce que vous vous demandez, si en fait, le monde de l'agriculture et des affaires n'a pas vraiment d'inquiétudes au sujet de l'ALENA?
Comme je l'ai mentionné, il est possible de soutenir qu'il faut moderniser différents aspects de l'Accord, et cet intérêt est sincère et important. La U.S. Chamber of Commerce a participé au processus formel mis sur pied par le gouvernement du Canada pour obtenir des commentaires. Nous avons transmis un document qui décrivait un certain nombre d'aspects de ces questions, mais pour le reste, le président Trump a réussi comme candidat et a été élu président en tenant compte de différentes préoccupations, en particulier dans les États du Midwest américain, qui semblent être reliées aux changements économiques et sociaux survenus dans cette région.
Dans une certaine mesure, la préoccupation concernait l'immigration, mais également, la perte d'emplois dans le secteur manufacturier, ce qui a été reproché à l'ALENA. Cela fait longtemps que l'on dit que les avantages des échanges commerciaux sont diffus, mais que les coûts sont assumés par un petit nombre d'entités. Cela s'est avéré pour les échanges commerciaux, et aussi dans la mesure où il y a eu des pertes d'emplois dans le secteur manufacturier des États-Unis, mais l'emploi dans ce secteur avait atteint un sommet en 1979. Le nombre des emplois a chuté depuis, même si la production américaine dans ce secteur a doublé et même triplé depuis 1979. Les fabricants des États-Unis sont plus efficaces qu'ils ne l'ont jamais été. Ils produisent de plus en plus de choses en utilisant de moins en moins de travailleurs.
Je crois que nous vivons à une époque où les candidats peuvent s'appuyer sur ces préoccupations légitimes. Je crois que le monde des affaires doit trouver le moyen de canaliser ces préoccupations pour qu'elles débouchent sur des solutions pratiques et concrètes, comme l'apprentissage, l'orientation des jeunes vers des formations qui leur permettront d'obtenir de bons emplois dans le secteur privé.
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Est-ce que je pense qu'il existe une solution permanente?
M. Sukh Dhaliwal: Oui.
M. John Murphy: Eh bien, ce n'est pas une solution que les décideurs peuvent imposer, mais je pense qu'avec le temps, ce secteur va s'intégrer davantage, ce qui rendra moins probables ces litiges commerciaux.
Il me paraît intéressant que nous ayons cette conversation en ce moment, peu après les ouragans qui ont dévasté le Texas et la Floride. Il y aura beaucoup de reconstruction à faire, et on a calculé que les tarifs douaniers élevés imposés sur le bois d'oeuvre vont certainement avoir pour effet d'augmenter sensiblement le coût des maisons neuves. C'est un aspect intéressant qui est signalé, j'en suis certain, aux décideurs des États-Unis.
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Monsieur Murphy, vous avez parlé des échanges commerciaux, des avantages économiques qu'on en retire et de la façon dont ils se font sentir et je crois que vous parlez à un converti ici. Nous sommes un organisme non partisan, et lorsque nous nous déplaçons, nous sommes tous de cet avis.
L'autre aspect que nous avons constaté, en particulier lorsque nous sommes allés aux États-Unis, c'est l'importance des liens que l'on construit avec différentes personnes, les liens qui s'établissent lorsque vous faites du commerce. Les gens se parlent. Je crois que cela augure très bien pour la façon dont nous allons collaborer à un moment où nos pays sont en conflit avec d'autres. Je pense que le commerce est un aspect vraiment essentiel.
J'étais, il y a quelques années, en Égypte, qui était en train de signer un accord avec la Jordanie et Israël, je crois. À l'époque, c'était des pays ennemis et quelqu'un a dit qu'ils ne feraient pas beaucoup de commerce entre eux, mais qu'ils allaient au moins se parler davantage. Il me paraît très important de comprendre que le commerce n'a pas uniquement une composante économique, mais qu'il forge des liens entre les pays, entre les populations et entre les individus. Il y a même les liens du mariage qui unissent parfois nos deux pays, nous nous échangeons aussi des joueurs de hockey. Il se fait tant de choses. Parfois, lorsque nous nous trouvons dans une situation comme celle-ci, lorsque tout est sur la table, nous comprenons mieux tout ce que nous avons en commun.
C'est davantage une déclaration. Vous pouvez la commenter si vous le souhaitez.
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C'est, d'après moi, une excellente remarque.
C'est tellement évident pour ce qui est des États-Unis et du Canada. Nous connaissons tous des familles unies par l'ALENA. En fait, mon deuxième prénom me vient d'un ancêtre canadien français, de sorte que cela est très fréquent.
Un exemple qui serait peut-être meilleur encore est celui des progrès qu'a réalisés le Mexique depuis quelques dizaines d'années. J'étudiais au Mexique pendant les années 1980. Les jeunes d'aujourd'hui ne s'en souviennent pas, mais les États-Unis, et encore davantage le Canada, étaient très loin du Mexique à cette époque. Il y avait un seul McDonald à Mexico. Les familles de la classe moyenne y allaient avec leurs enfants la fin de semaine, et c'était quelque chose d'exotique. On ne parlait anglais nulle part et l'Amérique semblait bien loin. Pensez à l'évolution qu'a connue le Mexique depuis cette époque, il s'est joint au GATT en 1986. Il ne faisait même pas partie du GATT; il avait des droits de douane très élevés. Quelques années plus tard, avec l'ALENA, le Mexique est devenu une vraie démocratie. De nos jours, il y a, au Mexique, une classe moyenne dynamique et ce pays est devenu un élément important de l'économie mondiale. À cette époque, le Mexique exportait du pétrole et aujourd'hui, il exporte des produits manufacturés. Ses perspectives économiques sont beaucoup plus solides.
Oui, effectivement, le commerce modifie profondément les sociétés.
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Les États-Unis se sont retirés des négociations du PTP et n'y participeront pas. Lorsque nous parlons de cette question avec l'administration des États-Unis, nous disons habituellement à ce moment-là: « Eh bien, je comprends, mais quelle est la stratégie à adopter alors? » D'ici 2022, les deux tiers de tous les consommateurs mondiaux appartenant à la classe moyenne se trouveront en Asie. Leur pouvoir d'achat augmente constamment, et ils adorent les produits américains, et pourtant, il y a de grands obstacles. Si le PTP n'est pas la stratégie choisie pour avoir accès à ces marchés, quel sera l'accord qui le permettra?
Quant au Canada et à la question de savoir si ce qu'on appelait le PTP devrait aller de l'avant, vous savez, je félicite, en tant qu'Américain, le Canada d'agir en fonction de ses intérêts économiques. À notre avis, et nous le disons clairement depuis longtemps, le PTP, comme nous l'avons préconisé, est un bon accord. Peut-il être amélioré? Oui. Il y a certains secteurs de l'économie des États-Unis qui auraient aimé que certains aspects soient améliorés, mais nous sommes convaincus que les Japonais, par exemple, souhaitent toujours conclure un PTP à long terme. Ils aimeraient que cet accord progresse un jour, avec les États-Unis. Cela me paraît intéressant. Mais pour le moment, les États-Unis ne participeront pas à ces discussions.
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On ne me met pas souvent au bâton pour vider les buts. Habituellement, je suis plutôt le frappeur numéro huit ou neuf. J'apprécie donc votre invitation, monsieur le président.
Monsieur Murphy, je vous remercie d'être venu. Il me semble approprié de nous trouver aujourd'hui au Parlement pour cette audience du Comité. Bien avant que l'ALENA n'existe, je crois que c'était en 1961, le président Kennedy a pris la parole devant la Chambre des communes du Canada, à quelques centaines de pieds d'ici, et il a déclaré ce qui suit:
La géographie a fait de nous des voisins; l'histoire a fait de nous des amis; l’économie a fait de nous des partenaires; et la nécessité a fait de nous des alliés.
Bien entendu, cette déclaration est bien antérieure à l'ALENA et même à l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, mais je crois que ces sentiments sont toujours vivaces. Je pense que votre témoignage fait ressortir certains aspects de notre partenariat que nous aimerions conserver au-delà de la renégociation de l'ALENA.
« L’économie a fait de nous des partenaires »: je pense que c'est l'aspect clé de nos discussions d'aujourd'hui. Cela explique en partie pourquoi l'ALENA est un accord aussi important. Je pense que le président Kennedy faisait allusion au partenariat entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, en tant que pays, mais aussi en tant que partenaires au niveau local, et bien évidemment, également dans le domaine commercial. Il y a des filiales de sociétés mères des deux côtés de la frontière. Ce partenariat économique ne fait pas qu'unir deux nations et deux pays. Il me paraît essentiel de ne pas l'oublier. Il est important de rappeler cela. Je viens d'une région du pays qui dépend énormément de la production automobile. Le siège social de Magna International se trouve dans ma circonscription et c'est là que cette société exerce la plupart de ses activités. J'ai des milliers d'électeurs dont l'emploi dépend de l'existence d'un centre industriel dynamique. Cette société est florissante et obtient d'excellents résultats et bien entendu, nous aimerions que cela se poursuive, et c'est pourquoi j'apprécie que vous soyez venu aujourd'hui.
Je crois savoir que vous avez participé à de nombreuses négociations commerciales au cours de votre carrière. Je me demande simplement si vous pourriez nous dire quelques mots, dans les minutes qui nous restent, des caractéristiques des accords commerciaux qui vous ont paru une réussite. Je conviens avec vous que la balance commerciale ou le déficit commercial n'est pas le meilleur baromètre. Quelle sorte d'indicateur devrions-nous utiliser? Quelles sont les caractéristiques des accords commerciaux qui vous ont paru fructueux dont nous devrions nous inspirer si nous voulons améliorer cet accord commercial?
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Merci. C'est une question intéressante.
D'une certaine façon, la modernisation de l'ALENA est une opération bien différente des autres négociations commerciales. Elle est premièrement différente parce que nous avons déjà un accord et je pense que je dois dire que c'est en fait un accord très bien conçu. On dit souvent qu'il faut le moderniser, qu'il est ancien, mais j'ai été impressionné par le fait qu'à la suite des controverses qui ont été soulevées l'année dernière, certains secteurs et certaines sociétés sont venus nous dire qu'ils ne le connaissaient pas, mais qu'ils utilisaient l'ALENA pour faire certaines choses et qu'ils avaient constaté par la suite que cet accord était très important pour eux. La négociation est particulière à cause de cela.
Il y a un certain nombre de domaines où nous pouvons améliorer l'accès au marché des autres parties, par les négociations, mais cet aspect est relativement limité parce que l'ALENA offre déjà la plupart de ces choses. C'est ce qui le rend différent.
Je pense aux accords de libre-échange qui ont été conclus entre les États-Unis et des pays latino-américains. Il y avait toujours l'avantage que représentait l'accès à des marchés, et pour le pays latino-américain, la promesse d'un accès permanent au marché géant que sont les États-Unis. C'est ce qui a permis, sur le plan politique, d'aller au-delà de l'accès au marché, mais d'adopter des règles dans l'accord de libre-échange, qu'il s'agisse de protection de la propriété intellectuelle, des règles en matière d'acquisition, de l'ouverture du marché des services, et pour un gouvernement qui souhaite apporter des réformes, de l'accès au marché et ce genre de choses; cela leur permettait d'introduire une série de réformes économiques qu'il leur aurait été peut-être difficile d'adopter dans d'autres circonstances. C'est ce qui rend les choses aujourd'hui un peu différentes. Je crois que nous devons constamment nous rappeler ce que nous avons déjà. Comme George Orwell l'a déclaré: « Il n'est vraiment pas facile de toujours voir ce qui est devant notre nez. » Je pense que cela s'applique très bien à l'ALENA.