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Bonjour à tous et bienvenue au Comité permanent du commerce international. Nous sommes un comité très actif et avons été fort occupés depuis le début de la législature. Nous avons étudié les questions liées au bois d'oeuvre et le parachèvement de l'accord commercial avec l'Europe. Nous entreprenons maintenant un processus très ambitieux de consultation auprès des Canadiens au sujet du PTP. Nous nous sommes rendus dans les provinces de l'Ouest, en Ontario et au Québec. Nous avons recueilli les témoignages de diverses organisations et de particuliers. Nous recevons également de nombreux courriels de la part des Canadiens. Après ce mois-ci, nous les compilerons pour notre rapport. De plus, les députés organiseront probablement des assemblées publiques dont le contenu nous sera transmis. Et nous devons encore nous rendre dans les provinces de l'Atlantique et dans les territoires.
Nous avons aujourd'hui un programme très chargé et le plaisir d'accueillir d'excellents témoins, dont certains se joindront à nous par vidéoconférence.
Nous recevons aujourd'hui la Société canadienne du cancer, le Conseil canadien du porc, Médecins sans frontières, l'International Union of Operating Engineers, le Conseil des Canadiens et la Banque Scotia. Ce mois-ci, au lieu de diviser les témoins en deux groupes, nous allons commencer par les présentations, étant donné qu'il y a souvent des imprévus sur la Colline au mois de juin. Chaque présentateur disposera de cinq minutes, puis il y aura une période de dialogue avec les députés.
Nous allons d'abord écouter Rob Cunningham de la Société canadienne du cancer.
Allez-y, monsieur. Vous avez cinq minutes.
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Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de m'offrir l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je m'appelle Rob Cunningham. Je suis avocat et analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer.
Mon témoignage portera sur le texte qui vous a été distribué — l'article 29.5 —, qui prévoit une exception pour les produits du tabac dans le chapitre sur l'investissement. Nous sommes pour cette disposition et sommes ravis qu'elle figure dans le PTP. Si elle s'y trouve, c'est en partie grâce à l'instauration réussie de l'emballage neutre en Australie. Dans le contexte canadien, cette mesure fait partie de la lettre de mandat que le premier ministre a adressée à la ministre de la Santé. La semaine dernière, le 31 mai, la ministre de la Santé a annoncé la tenue de consultations en vue d'instaurer l'emballage neutre au Canada.
Qu'est-ce que l'emballage neutre? Que fait au juste l'Australie? Voici un paquet de la marque emblématique Marlboro avant et après l'emballage neutre. Avec l'emballage neutre, le paquet n'a plus aucune fonction publicitaire. Les couleurs, les logos et le design associés à la marque sont absents. Sur tous les paquets de cigarettes, il y a une mise en garde sanitaire et le nom de la marque est inscrit sur un fond brun terne. On le voit très bien sur les trois paquets ici. Il y a sur chacun une mise en garde sanitaire, puis le nom de la compagnie: Dunhill, Marlboro et Benson & Hedges. Chaque paquet a comme couleur de fond le même brun terne sur lequel la marque est indiquée en blanc.
Le gouvernement de l'Australie a mené des recherches afin de déterminer la couleur qui plaît le moins aux gens. Il a conclu que c'était le brun olive. C'est ainsi qu'ils ont nommé la couleur, mais l'industrie de l'olive n'était pas enchantée.
Des voix : Oh, oh!
M. Rob Cunningham: Elle ne voulait pas être associée à l'industrie du tabac.
Alors c'est ce qu'ils ont fait. Depuis le 20 mai, cette mesure est en vigueur au Royaume-Uni et en France également, et est sur le point de l'être en Irlande. La Norvège déposera un projet de loi au début du mois de juin. La Nouvelle-Zélande a annoncé la semaine dernière que des consultations auraient lieu relativement à un règlement.
En quoi cela est-il important pour le PTP? L'industrie du tabac est dépourvue de scrupules. Elle cherche à utiliser les accords internationaux sur le commerce et l'investissement pour passer outre les mesures de santé publique prises de bonne foi pour lutter contre le tabac et qui visent les compagnies canadiennes et étrangères. Dans les années 1980, l'industrie du tabac a essayé d'invalider l'interdiction de la publicité sur le tabac en Thaïlande, un pays en développement. C'était une mesure semblable à celle adoptée par la suite au Canada. En Australie, le tribunal d'instance supérieure a statué que la loi sur l'emballage neutre n'était pas contraire à la constitution du pays.
Après que le gouvernement de l'Australie a annoncé son intention d'instaurer l'emballage neutre, Phillip Morris a déménagé sa société mère. Ils avaient une société fictive à Hong Kong et, en se fondant sur un accord bilatéral d'investissement entre l'Australie et Hong Kong, ils ont tenté de faire valoir que l'Australie ne pouvait pas prendre une telle mesure sans les indemniser. L'Australie a déclaré la réclamation non fondée de prime abord, décision qui a ensuite été confirmée. Les compagnies ne peuvent pas jouer à cache-cache avec les règles.
Philip Morris International a depuis intenté une poursuite en vertu d'un accord bilatéral d'investissement entre la Suisse et l'Uruguay au motif que la mise en garde sanitaire exigée par l'Uruguay, qui doit couvrir 85 % du paquet — au Canada, c'est 75 % — constitue une expropriation. Un groupe d'arbitrage a été saisi de l'affaire, dont nous connaîtrons peut-être l'issue en 2016. L'Uruguay a aussi adopté une règle selon laquelle il ne peut y avoir qu'un seul produit par marque, ce qui est injuste. Avec une telle disposition, les gouvernements n'auraient même pas la possibilité de différer leurs mesures tellement l'intimidation de l'industrie du tabac serait forte. Toutes ces poursuites judiciaires à cause d'une simple exemption.
L'un des avantages des paquets neutres est qu'il empêche la vente de paquets amincis ciblant les femmes, qui plaisent également aux jeunes filles et qui associent le tabagisme à la minceur, au prestige et à la sophistication. Certains de ces paquets recouverts de satin sont très sophistiqués et attrayants.
C'est une mesure semblable de santé publique qui fait l'objet de consultations au Canada, et nous l'appuyons. Il y a d'autres exemples de poursuites intentées par l'industrie du tabac, au Royaume-Uni. L'une d'elles a été rejetée, mais fait l'objet d'un appel.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, c'est une question cruciale de santé publique. Je crois que tous les partis s'entendent pour le dire.
Merci de nous avoir donné l'occasion de faire valoir notre point de vue aujourd'hui.
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Je m'appelle John Ross et je suis le directeur général du Conseil canadien du porc. Je suis heureux de parler au nom des producteurs de porc du Canada, qui créent 31 000 emplois dans nos fermes.
J’aimerais d’abord remercier le Comité de son invitation à venir discuter de l’accord de Partenariat transpacifique. Le conseil canadien du porc, ou CCP, a toujours soutenu avec ferveur la participation du Canada aux négociations. Aussi, nous sommes heureux d'annoncer aujourd'hui que nous sommes très favorables à la ratification de l’accord par le Canada.
Notre secteur est tributaire du commerce. Plus des deux tiers des porcs élevés au Canada sont exportés, soit sur pied ou sous forme de produits du porc. Au cours des cinq dernières années, le porc canadien a été exporté dans plus de 125 pays. En 2015, ces exportations se chiffraient à 3,4 milliards de dollars.
Le CCP estime que le PTP comporte d'importants avantages pour le secteur du porc. Selon une analyse que nous avons commandée, la mise en oeuvre complète du PTP représenterait pour le secteur canadien du porc une augmentation de 300 millions de dollars en exportations et 4 000 nouveaux emplois.
Cette croissance s’explique par l'accès privilégié qu'aurait le Canada aux autres pays membres du PTP par rapport à nos concurrents qui n’en font pas partie. Cela est particulièrement important dans des marchés de grande valeur à croissance rapide comme le Japon et le Vietnam.
Le PTP permet également au Canada de conserver son accès au Japon, un marché de 950 millions de dollars pour le porc canadien, à des conditions équivalentes à celles d’autres exportateurs de porc du PTP. Le porc canadien perdra le marché japonais et notre industrie subira de graves dommages si le Canada est exclu du PTP.
Dans le cadre de sa stratégie mondiale, le secteur canadien du porc compte sur le gouvernement du Canada pour lui assurer une égalité d’accès aux marchés mondiaux à l’instar de ce que font les gouvernements de nos concurrents.
Chaque fois que le Canada prend du retard par rapport aux autres pays, il devient plus difficile de justifier la production et la transformation du bétail au Canada et de maintenir les emplois et l’activité économique qui en découlent.
L’expérience du Canada avec la Corée du Sud en est un exemple concret. Nous étions déçus lorsque les négociations commerciales entre le Canada et la Corée semblaient dans une impasse en 2007. Nos inquiétudes quant à l'absence d'un accord avec la Corée se sont intensifiées en 2011 lorsque presque tous nos concurrents ont commencé à conclure des accords de libre-échange avec la Corée du Sud. Compte tenu des tarifs douaniers largement supérieurs à 20 % dans l’industrie alimentaire, les exportateurs canadiens se sont rapidement retrouvés incapables de rivaliser en raison des importants avantages tarifaires obtenus par leurs concurrents.
En 2011, l’année précédant l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange entre la Corée et les États-Unis, le Canada était le principal fournisseur de porc de la Corée du Sud. En l’espace de deux ans, nos exportations de porc vers ce marché ont chuté des trois quarts, passant de près d’un quart de milliard de dollars à tout juste 76 millions de dollars.
Nous sommes heureux que le Canada ait pu conclure son propre accord bilatéral avec la Corée du Sud trois ans plus tard, mais nous continuerons d’être désavantagés par rapport aux exportateurs de porc des États-Unis, de l’Europe et du Chili.
Dans le cas du PTP, nous devons éviter de répéter l'expérience que nous avons connue avec la Corée du Sud. Le Canada doit jouer un rôle de chef de file en contribuant à la ratification du PTP. II serait risqué pour le Canada de simplement attendre les résultats des discussions aux États-Unis et au Japon. L’attente risque d’éroder certains des avantages conférés par le PTP si des pays non membres du PTP négocient leurs propres accords préférentiels.
Pour pallier les retards injustifiés qui pourraient survenir dans la mise en oeuvre du PTP, nous recommandons fortement au gouvernement canadien d’entreprendre une stratégie vigoureuse de négociations commerciales bilatérales ou régionales dans des marchés hautement prioritaires comme le Japon et le Vietnam.
Il est évident qu'un meilleur accès aux marchés est à l'avantage des producteurs et transformateurs de porc, mais il est également à l'avantage des Canadiens. Un récent sondage a démontré que les principales sources de préoccupation des consommateurs canadiens sont la hausse du coût des aliments et le coût abordable des aliments sains. Si le secteur canadien du porc est concurrentiel à l’échelle internationale, les Canadiens pourront se procurer du porc et des produits du porc locaux de grande qualité à des prix compétitifs. Toutefois, nous ne pouvons y arriver si nous sommes prisonniers du marché intérieur.
Pour conclure, nous croyons qu’il est dans l’intérêt du Canada, en tant que l’un des membres fondateurs du Partenariat transpacifique, de ratifier l'accord dès que possible.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci de nous donner l'occasion de prendre la parole devant votre Comité au sujet de cette importante question.
Je suis conseiller aux affaires humanitaires à Médecins Sans frontières. Je suis ici pour présenter notre point de vue sur l'impact négatif qu'aura l'accord de Partenariat transpacifique, ou PTP, sur l'accès à des médicaments abordables.
Je suis accompagné aujourd'hui par ma collègue à New York, Judit Rius Sanjuan, qui suit de près les négociations du PTP depuis plusieurs années.
Médecins Sans frontières, ou MSF, est une organisation humanitaire internationale qui fournit un secours médical neutre dans près de 70 pays. Depuis plus de 40 ans, nous offrons une assistance médicale à des populations victimes de conflits armés, de catastrophes naturelles, d'épidémies, de famines et d'autres types de situations d'urgence. En 2014 seulement, nous avons traité plus de huit millions de patients externes, vacciné plus d'un million et demi de personnes lors d'épidémies de rougeole et avons répondu à une foule d'autres urgences médicales de l'épidémie d'Ebola en Afrique occidentale à la crise des réfugiés en Europe, et bien d'autres.
Comme nous comptons sur l'accès abordable aux technologies et à l'innovation médicales pour fournir nos soins, nous connaissons bien la relation entre le commerce, la propriété intellectuelle et la santé, de même que le rôle joué par la concurrence pour permettre à des millions de personnes d'obtenir des soins médicaux.
Les médicaments doivent être abordables pour que nos patients et les millions d'autres qui attendent d'être traités puissent obtenir les médicaments dont ils ont besoin. D'après notre expérience, la concurrence générique dans la production et la distribution des technologies de la santé sauve des vies en réduisant les prix et en augmentant l'accès. Les pays et les fournisseurs de traitements médicaux comme MSF comptent sur des médicaments génériques abordables et de qualité pour traiter de nombreuses maladies délétères comme la tuberculose, la malaria, le VIH/sida et d'autres infections qui affligent les populations les plus pauvres et les plus vulnérables.
Notre analyse du texte de l'accord de PTP a révélé qu'il représente un risque majeur pour la santé publique. Nous allons vous remettre un mémoire contenant plus de renseignements sur cette analyse, mais certaines de nos inquiétudes se rapportent aux dispositions dont je vais maintenant parler.
Premièrement, le PTP exige des pays qu'ils prolongent de 20 ans les brevets pour la modification de médicaments existants en vue de nouvelles utilisations, les modes d'utilisation ou les nouveaux procédés relatifs à des produits connus. Cela abaisse la norme de brevetabilité et crée de nouveaux monopoles pour des médicaments existants.
Deuxièmement, le PTP oblige les pays à protéger les données d'essais cliniques en prolongeant les périodes d'exclusivité. Une telle mesure réduira l'accès aux médicaments, même à ceux dont le brevet est expiré ou qui n'ont jamais été brevetés, car elle donnera aux compagnies un autre moyen de maintenir les prix élevés pendant plus longtemps, à l'abri de toute concurrence. Ce sera le cas notamment de la classe de médicaments dits « biologiques », qui comprend de nombreux traitements nouveaux pour le cancer, des vaccins et des traitements potentiels pour l'Ebola, par exemple.
Troisièmement, le PTP oblige les pays à prolonger les brevets au-delà de la période initiale de 20 ans pour les compagnies qui se plaindront de retards lors du processus réglementaire ou du processus d'octroi du brevet.
Ces dispositions auront pour effet de maintenir les prix des médicaments élevés pendant plus longtemps en différant la concurrence, qui fait baisser les prix. Mais ce ne sont pas les seules dispositions qui perpétuent un déséquilibre entre les intérêts commerciaux et ceux de la santé publique et qui limitent encore davantage la capacité des gouvernements à réduire le coût élevé des soins de santé et à réglementer le prix des médicaments.
Si le texte actuel est adopté, le PTP deviendra l'accord commercial le plus néfaste de l'histoire en matière d'accès aux médicaments pour les pays en développement. Cela revêt une importance vitale pour le Canada, car il a fait de nombreuses contributions notables à la santé dans le monde. Par exemple, le Canada est l'un des principaux donateurs à Gavi, l'alliance du vaccin, où il a contribué plus de 1 milliard de dollars afin d'améliorer l'accès à des vaccins abordables dans les pays en développement. Plus récemment, il s'est engagé à verser 785 millions de dollars au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria.
Les dispositions du PTP minent ces investissements et réduisent l'efficacité de chaque dollar versé en faisant inutilement monter le prix des médicaments, ce qui signifie qu'au lieu de servir à fournir des services médicaux nécessaires, cet argent finira dans les poches de sociétés pharmaceutiques déjà rentables.
Au lieu de se servir d'accords comme le PTP pour élargir les monopoles des sociétés pharmaceutiques, le Canada devrait chercher à rehausser les normes mondiales afin de réparer les lacunes du système de recherche et de développement.
La dépendance unique sur le prix élevé des médicaments perpétué par des exclusivités et des monopoles est un paradigme erroné pour financer l'innovation. Cela fait grimper les prix trop haut et ne stimule pas l'innovation pour les maladies qui touchent des gens disposant d'un pouvoir d'achat limité, comme les maladies tropicales négligées ou dans les cas, par exemple, où les antibiotiques doivent être utilisés avec parcimonie.
Il n'est pas trop tard pour empêcher que l'accès à des médicaments abordables ne devienne encore plus difficile. MSF exhorte le Canada à protéger le droit à la santé des millions de personnes qui subiront l'impact négatif du PTP s'il est adopté tel quel.
Le PTP doit être modifié ou rejeté. Au lieu de mettre en oeuvre des mesures qui vont fixer les prix à des niveaux élevés, le Canada devrait militer pour l'amélioration du système mondial de recherche et de développement afin que les innovations biomédicales puissent répondre à des besoins pertinents en matière de santé publique et qu'elles soient accessibles et abordables pour tous ceux qui en ont besoin.
Judit et moi serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
Merci.
:
Au nom de l'International Union of Operating Engineers, j'aimerais remercier le Comité de me permettre de parler de nos préoccupations liées au PTP, surtout en ce qui concerne le chapitre 12, c'est-à-dire le chapitre sur l'admission temporaire des gens d'affaires, et les effets négatifs potentiels qu'il pourrait entraîner sur le secteur de la construction au Canada, un secteur qui représente régulièrement près de 10 % de notre PIB total et environ 256 milliards de dollars en travaux au Canada.
Dans notre secteur, la sécurité passe avant tout. Nos membres sont très bien formés et compétents. Ils utilisent des grues ou de la machinerie lourde. Ils sont mécaniciens et arpenteurs sur les chantiers de construction. Ils travaillent pour les entrepreneurs de génie civil lourd et les entrepreneurs industriels, et ils oeuvrent dans plusieurs volets du secteur des ressources naturelles du Canada. Ils travaillent dans toutes les régions du pays, et ils construisent et définissent le paysage urbain du Canada. Ils connaissent très bien le domaine de la construction.
Le secteur de la construction se distingue des autres secteurs du Canada et il fait face à de nombreux défis. En effet, chaque année, et même chaque jour, des gens travaillent illégalement dans notre secteur. C'est une économie clandestine qui nous cause de grandes difficultés. Les entreprises continuent d'abuser des programmes de travailleurs étrangers temporaires actuels et de les utiliser à mauvais escient. À moins qu'on modifie radicalement les règlements canadiens et les procédures d’application de la loi pour qu'ils ciblent ces problèmes, cette utilisation abusive se poursuivra et s'élargira probablement de façon exponentielle dans le cadre du PTP.
Comme l'a dit le témoin précédent, le PTP sera le premier accord commercial national à viser les travailleurs de la construction du Canada. Malheureusement, on n'a pas consulté les travailleurs de la construction avant de les inclure dans cet accord. Si on l'avait fait, il aurait été possible d'aborder certaines de nos préoccupations, par exemple l'exécution de la loi, à ce moment-là.
Nous croyons que le chapitre 12, tel que libellé, n'offre aucun avantage réel au Canada. En fait, nous croyons que c'est le contraire. Nous savons que très peu de travailleurs de la construction canadiens iront travailler dans les autres pays signataires du PTP. Ce n'est pas seulement en raison des problèmes de langue; en effet, les normes de sécurité et de travail sont beaucoup moins élevées dans la plupart de ces pays, et les salaires sont beaucoup plus bas que ceux gagnés par les travailleurs de la construction au Canada. Pourquoi, dans ce cas, nos gens souhaiteraient-ils travailler dans ces pays? Toutefois, les travailleurs des pays moins développés viendront au Canada. Ils chercheront de meilleures occasions, de meilleurs emplois et un meilleur salaire, même si ce salaire est moins élevé que celui prescrit par les normes de travail canadiennes.
Le PTP n'a pas prévu de dispositions préférentielles à l'égard du Canada, et nous craignons donc que des entreprises établies au Mexique, par exemple, ne viennent au Canada en amenant des travailleurs étrangers originaires d'une région où le taux de chômage est très élevé. Un projet de construction pourrait être réalisé par une entreprise étrangère embauchant des travailleurs étrangers, et les Canadiens ou le gouvernement fédéral ne pourraient rien faire à cet égard. Les travailleurs étrangers et les sociétés étrangères pourront profiter directement des emplois liés à l'infrastructure au Canada, alors que nos travailleurs et notre économie en souffriront. Tous les avantages offerts aux travailleurs de la classe moyenne du Canada dans le cadre de la promesse du Parti libéral d'investir 240 milliards de dollars dans l'infrastructure pourraient être menacés.
Comme vous le savez, les Américains ont exempté leur pays du chapitre 12. En vertu de ce chapitre, les pays signataires du PTP concluent des accords parallèles individuels les uns avec les autres. Le Canada a conclu sept accords parallèles, alors que les États-Unis n'en ont signé aucun. Si notre partenaire commercial le plus important refuse de signer le chapitre 12, pourquoi le ferions-nous?
Il aurait été plus logique que le Canada et les États-Unis s'entendent sur la mobilité des travailleurs de la construction dans le cadre du PTP. Notre formation, nos antécédents et notre expérience sont généralement interchangeables. Toutefois, des travailleurs moins compétents qui ne satisfont à aucune de nos normes provinciales auront maintenant le droit d'entrer au Canada. En vertu du chapitre 12, les titres de compétences des travailleurs étrangers seront seulement vérifiés par des fonctionnaires assis à un bureau par l'entremise d'un ordinateur. Ils consulteront les curriculum vitae et accepteront les qualifications sans discuter. Une fois les travailleurs entrés au Canada, il n'y aura aucune façon d'assurer un suivi et de garantir qu'ils répondent à nos normes en matière de sécurité ou de certification professionnelle, et il n'y aura aucun moyen de veiller à ce qu'ils effectuent seulement le travail qu'on leur a assigné. Ces abus se produisent déjà dans le cadre du programme des TÉT.
Nous sommes également préoccupés au sujet des catégories de professions prévues dans le chapitre 12 — dans notre cas, il s'agit des entrepreneurs qui embauchent des équipes de conducteurs d'équipement lourd. Nous avons examiné le Code national des professions, qui guide le chapitre 12, afin de trouver la définition des professions. Nous craignons que les catégories ne soient trop étendues. Nous croyons qu'un entrepreneur pourrait être autorisé à mener des travaux liés à l'équipement lourd, ce qui signifie qu'on pourrait se retrouver avec des opérateurs de grue mal formés et sous-qualifiés dans notre pays. Vous sentiriez-vous en sécurité près de l'édifice de l'Ouest, où se trouvent présentement des grues, si vous saviez que l'opérateur de grue n'a peut-être pas les compétences nécessaires pour l'opérer de façon sécuritaire? Mais encore une fois, comment sauriez-vous que cette personne est qualifiée? Par exemple, en Ontario, il faut accumuler au minimum 3 000 heures d'expérience pour devenir un ouvrier qualifié.
J'aimerais aborder un autre point lié à la sécurité. Dans le cadre du PTP, rien n'oblige un travailleur de la construction potentiel à parler anglais ou français. Imaginez un chantier de construction sur lequel les travailleurs ne sont pas en mesure de communiquer et de se comprendre entre eux pendant qu'ils déplacent de lourdes charges et opèrent de l'équipement lourd. Un problème de langue existe actuellement dans le cadre du programme des TÉT, et cela a causé des blessures graves, et même des décès, sur les chantiers.
Actuellement, nous croyons que le chapitre 12, tel que libellé, contient de nombreuses zones grises qui peuvent être — et seront — exploitées par les entreprises de construction étrangères, et même par celles du pays, aux dépens des travailleurs canadiens et de notre économie.
Nous continuons de collaborer avec les représentants d'Affaires mondiales afin qu'ils tiennent compte de nos préoccupations, et nous insisterons pour qu'ils exigent une certaine forme d'épreuve de compétence avant d'autoriser l'admission au pays. À notre avis, c'est la seule façon de garantir que nous faisons venir des travailleurs spécialisés au Canada. À défaut d'obtenir certains de ces changements, nous ne pouvons pas appuyer le PTP, dans sa forme actuelle.
Je serai heureux d'apporter des précisions et de répondre à vos questions.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis Jean-François Perrault, économiste en chef et premier vice-président à la Banque Scotia.
[Traduction]
Bonjour. Je suis heureux d'être ici pour parler du Partenariat transpacifique, ou PTP.
En tant que banque canadienne internationale, la Banque Scotia exerce des activités dans 9 des 12 pays du PTP, ainsi que dans 46 autres pays. Nous appuyons fermement le PTP.
Selon la Banque Scotia, le libre-échange est essentiel au mieux-être économique du Canada. Nous sommes une nation commerçante. Nos perspectives économiques dépendent étroitement de la vigueur économique de nos principaux partenaires commerciaux, ainsi que de l'accès qu'ils nous donnent à leurs marchés. À l'heure actuelle, environ 75 % de nos exportations sont destinées aux États-Unis. Il va de soi que même si ce chiffre révèle la forte intégration de l'économie nord-américaine, il signifie par contre que les exportations, en étant si massivement concentrées dans un seul pays, comportent nécessairement certains risques, ce qui freine les perspectives économiques.
À notre avis, le PTP accroît considérablement les perspectives commerciales offertes aux entreprises canadiennes. Il leur donne un accès privilégié à des marchés représentant 800 millions de personnes. S'ils étaient mis en oeuvre, le PTP et l'AECG, soit l'Accord économique et commercial global, feraient du Canada l'économie développée qui aurait le plus vaste accès privilégié à ces marchés, ce qui est exceptionnel, ne serait-ce qu'en raison des perspectives commerciales ainsi offertes à nos entreprises; or, il s'agit aussi d'un puissant facteur d'attraction pour l'investissement étranger.
Il y a quelques semaines, en Corée, j'ai pris la parole devant des investisseurs coréens. Ils ont tous été impressionnés quand je leur ai expliqué ces atouts. En s'installant au Canada, les entreprises de la Corée et de n'importe quel autre pays auraient un accès privilégié aux marchés nord-américains, asiatiques et européens si le PTP et l'AECG étaient mis en oeuvre.
En plus de notre main-d'oeuvre hautement qualifiée et de la facilité avec laquelle on peut faire affaire au Canada par rapport à nos principaux concurrents, notre pays est, grâce à ces pactes commerciaux, beaucoup plus attrayant pour les investisseurs étrangers qui veulent y lancer et développer des entreprises.
La mise en oeuvre des accords de libre-échange permet aussi de diversifier nos marchés exportateurs. Comme je l'ai indiqué, nos exportations sont massivement concentrées aux États-Unis, ce qui est normal, compte tenu de nos frontières géographiques, de nos similitudes culturelles et de l'Accord de libre-échange nord-américain. Toutefois, s'en remettre aussi massivement à un seul partenaire est un peu risqué. Nous devenons ainsi, dans une certaine mesure, captifs de l'évolution de l'économie américaine. Cette affirmation, bien qu'elle se vérifie pour la plupart des pays, est encore plus vraie pour le Canada.
Il nous faut donc absolument diversifier nos marchés d'exportation pour réduire notre dépendance à l'endroit d'un même pays, mais aussi nous assurer que nous avons accès aux pays qui se développent plus rapidement que les États-Unis, ce qui est le cas de la quasi-totalité des marchés émergents visés par le PTP.
Enfin — et il s'agit de l'aspect de la libéralisation des échanges commerciaux contre lequel certains s'insurgent —, cela accroît la pression concurrentielle qui pèse sur nos entreprises canadiennes, ce qui est fondamentalement sain. Les entreprises canadiennes se sont déjà adaptées à la pression concurrentielle et elles continuent de le faire. C'est notre ADN comme nation commerçante.
Le Forum économique mondial considère que le Canada est l'une des économies les plus concurrentielles dans le monde. Selon une étude récente de KPMG, les coûts de la main-d'oeuvre au Canada sont les plus faibles de toutes les économies du G7. Toujours selon le Forum économique mondial, le Canada est bon premier du G7 pour la qualité de l'éducation, en plus de posséder le système financier le plus sain dans le monde. Tous ces faits laissent entendre que les entreprises canadiennes sont en mesure de s'adapter aux nouvelles pressions concurrentielles et surtout, de conquérir une part des nouveaux marchés, à mesure que le PTP et l'AECG entreront en vigueur.
Il va de soi que plus la pression concurrentielle est forte, plus il faut innover et être productif. Ces deux éléments sont essentiels à la vigueur à long terme de notre économie et à la hausse de notre qualité de vie.
Du point de vue de la Banque Scotia, cet accord place toutes les entreprises de services financiers sur un pied d'égalité dans les pays membres du PTP. Autrement dit, les marchés des pays signataires du PTP seront aussi accessibles aux banques canadiennes qu'aux autres banques étrangères. C'est important pour nous, puisque cela nous permettrait d'aider notre clientèle canadienne et internationale à profiter pleinement des perspectives offertes par le PTP.
Permettez-moi d'insister pour dire que les raisons pour lesquelles nous sommes favorables au PTP ne se résument pas à de simples motifs d'intérêt pour nous. La capacité de répondre aux besoins de nos clients est, bien entendu, importante à nos yeux. Or, les intérêts économiques de notre pays sont prépondérants. Grâce au PTP et à l'AECG, l'accessibilité des marchés s'accroît nettement pour les entreprises canadiennes et le Canada devient une destination plus attrayante pour les investisseurs. Nous en récolterons les fruits à long terme, même si certains sous-secteurs de notre économie auront sans doute du mal à s'adapter à la pression concurrentielle plus forte. Il existe des estimations des retombées du PTP sur notre économie. Ces retombées sont généralement modestes. Nous n'avons pas les modèles permettant d'en calculer les effets à la Banque Scotia, mais il semble que leur évaluation soit vraisemblable.
Il faut signaler que, financièrement, nous regretterons de ne pas participer à ce pacte. Ces inconvénients sont modestes, eux aussi, mais les avantages militent fortement en faveur de la participation au PTP. On s'attend aussi à ce que le PTP s'étende progressivement à d'autres pays, ce qui rehausserait les aspects avantageux de ce pacte.
Il faut dire que les estimations des retombées du PTP ne tiennent pas compte de la possibilité que des entreprises veuillent installer au Canada leur base de production, en raison de notre situation géographique et de notre accès privilégié aux marchés. Nous n'avons aucune estimation de ce que cela pourrait représenter, mais il va sans dire que ces retombées ne devraient pas être négligeables. Les estimations modélisées des retombées du PTP ne tiennent pas compte non plus des incidences potentielles de l'intensification de la concurrence sur l'accroissement de la productivité au Canada. Il s'agit également d'un facteur qui pourrait améliorer notre qualité de vie à plus long terme.
Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions tout à l'heure.
:
Bonjour et merci, monsieur le président.
Je suis Sujata Dey, responsable de la campagne sur le commerce international au Conseil des Canadiens.
Je vais m'adresser à vous en anglais.
[Traduction]
Je suis accompagnée de Steven Shrybman, un des membres de notre conseil d'administration, qui pratique le droit commercial international et le droit d'intérêt public. Il est associé au sein du cabinet Goldblatt Partners LLP.
Le Conseil des Canadiens est le plus grand groupe citoyen indépendant du Canada, comptant plus de 100 000 membres. Notre groupe joue un rôle de premier plan pour ce qui est de promouvoir une approche citoyenne dans le cadre des accords commerciaux, et ce, depuis 1985, avec l'adoption de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis.
Le PTP nous préoccupe à maints égards. Selon nous, ce n'est pas un accord commercial proprement dit, mais un pacte qui aide à établir des règles pour les investisseurs; en fait, il n'a pratiquement rien à voir avec le commerce. Ni le PTP ni l'AECG n'ont fait l'objet d'une analyse économique indépendante et rigoureuse. Voilà pourquoi nous avons demandé, en collaboration avec le Réseau pour le commerce juste, que le directeur parlementaire du budget analyse les deux accords de façon indépendante. D'ailleurs, plusieurs économistes affirment, preuves à l'appui, que la multitude d'accords commerciaux n'ont pas empêché le déficit commercial canadien d'augmenter. En effet, notre commerce demeure très concentré aux États-Unis, qui représentent 75 % de nos échanges commerciaux.
Récemment, l'Association des manufacturiers a déclaré que, selon elle, malgré le déferlement d'accords commerciaux qui ont été conclus, l'ALENA est le seul accord commercial dont nous avons réellement bénéficié. Bien entendu, nous pensons différemment. En fait, la recherche effectuée par Jim Stanford révèle qu'il y a eu une croissance plus importante de nos exportations à destination de pays avec lesquels nous n'avons conclu aucun accord de libre-échange.
Une grande partie de l'accord du PTP — soit 24 des 30 chapitres — n'a rien à voir avec les barrières commerciales traditionnelles. Il s'agit plutôt d'un ensemble de règles, qui n'ont pas été décidées par nos démocraties. Ces règles sont le fruit d'un processus auquel ont participé 600 lobbyistes américains; les parlementaires n'y ont eu aucun accès. Ce qui nous inquiète en particulier, c'est la façon dont le PTP met en péril la solidité de nos démocraties et notre capacité d'adopter des politiques d'intérêt public.
Les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, ou RDIE, nous exposeraient à des poursuites intentées par d'autres pays membres du PTP. Le Canada est déjà le pays le plus poursuivi dans le monde développé. Nous avons perdu 200 millions de dollars en procès. Il s'ensuit un gel réglementaire, qui entrave la capacité des législateurs d'établir des politiques. D'ailleurs, les rapporteurs de l'ONU sur les droits de la personne et les peuples autochtones se sont prononcés contre le RDIE et le PTP.
Toutefois, le RDIE n'est pas le seul problème. Il y a aussi la certification. Aux termes de la loi américaine sur la procédure accélérée, les États-Unis ont le droit de déterminer et même d'aider à rédiger les lois de mise en oeuvre d'autres pays avant que leurs propres obligations prennent effet. C'est ce que les États-Unis ont fait dans le cadre des accords de libre-échange avec l'Australie et le Pérou. De nombreux politiciens en ont déjà parlé, notamment l'ancien premier ministre japonais Yukio Hatoyama et d'autres parlementaires des pays membres du PTP, surtout des pays autres que les États-Unis.
Il ne nous reste pas beaucoup de temps. Nous vous remettrons également un mémoire, mais nous estimons qu'il faut un débat ouvert et une analyse sérieuse non seulement des aspects économiques de cet accord, mais aussi de sa dimension politique et de ses répercussions sur les droits de la personne et l'environnement. Nous venons de signer une déclaration sur les droits des peuples autochtones. Nous avons également signé une déclaration lors de la Conférence de Paris sur les changements climatiques. Ce sont des engagements très importants qu'il faut protéger, et il est essentiel de pouvoir continuer à les protéger dans le cadre du PTP. À cette fin, nous devons mener des consultations non seulement sur le PTP, mais aussi sur l'AECG, qui semble avoir été adopté sans aucune concertation.
Le gouvernement actuel n'est pas comme son prédécesseur: il peut et doit agir différemment. Je vous remercie.
Je cède maintenant la parole à Steven Shrybman.
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Je prendrai la minute qui me reste pour ajouter quelques observations sur les chapitres 12 et 19 du PTP, ce dernier ayant pour thème le travail.
En ce qui concerne le chapitre 12, j'aimerais renchérir sur les arguments invoqués par le témoin précédent. Le titre du chapitre, « Admission temporaire des hommes et des femmes d’affaires », ne convient guère — c'est le moins qu'on puisse dire —, parce que les dispositions en question visent tout ressortissant d'un pays avec lequel nous avons conclu un accord de réciprocité en vertu de ce chapitre. Il n'y a donc pas de limite quant aux titres de compétence des personnes qui pourraient entrer au Canada aux termes de ces règles.
Le mot « temporaire » est également une façon intéressante de décrire l'admission au Canada, car, selon la catégorie à laquelle ils appartiennent, ces gens pourraient avoir droit à un séjour de trois ans, avec possibilité de prolongation. Ils pourraient aussi amener leur conjoint avec eux. D'ailleurs, les conjoints n'ont pas besoin d'avoir une qualification particulière pour travailler au Canada; ainsi, ils ont le droit de chercher du travail et d'occuper un emploi ici pendant leur séjour.
Les principales dispositions du chapitre empêchent le Canada de réglementer le nombre de travailleurs étrangers qui entrent au pays, parce que le Canada n'a plus le droit d'appliquer son processus d'étude d'impact sur le marché du travail. Cela porte foncièrement atteinte à notre capacité réglementaire de contrôler les marchés du travail. De plus, le Canada ne peut plus entreprendre des validations de l'offre d'emploi comme condition préalable à l'autorisation d'admission ou à l'octroi d'un permis de travail. Ce sont là des aspects profondément inquiétants d'un régime qui obligera désormais les travailleurs canadiens, qu'ils soient employés ou non, à rivaliser avec des travailleurs étrangers pour des emplois au pays.
L'autre chapitre de l'accord dont je veux parler brièvement, c'est le chapitre 19, qui porte sur les droits des travailleurs. À première vue, on serait porté à dire qu'il s'agit d'une initiative progressiste destinée à intégrer, dans un accord commercial international, certaines mesures de protection des normes de travail fondamentales. En vertu de l'accord, les pays sont obligés de mettre en place des lois et des règlements qui donnent effet à certaines normes de travail fondamentales établies dans la déclaration de l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Ces normes concernent le droit de s'organiser, le droit à la négociation collective ainsi que les règles relatives au travail des enfants et au travail forcé. Voilà pour l'aspect positif.
L'ennui, c'est que la déclaration de l'OIT...
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J'aimerais m'intéresser d'un peu plus près au chapitre 19. La raison en est que, la semaine dernière, nous avons entendu la Fraternité internationale des ouvriers en électricité et des représentants des métiers de la construction. Ils nous ont dit que s'il s'était agi des accords commerciaux précédents, ils n'auraient même pas été assis là, car ces consultations n'ont jamais fait partie d'une négociation commerciale.
Nous savons que le Programme des travailleurs étrangers temporaires a donné lieu à de nombreux abus, et que le programme est en très mauvais état. En fait, un autre comité parlementaire est actuellement en train d'en faire l'étude. Selon toute vraisemblance, dans ce chapitre, il est question d'un programme des travailleurs étrangers temporaires totalement dépourvu de règles, d'un programme aux limites « à fond perdu », si vous permettez cette image. Nous savons que le Partenariat transpacifique entraînera la perte de 58 000 emplois au Canada. Et ce chiffre ne tient pas compte des travailleurs qui vont s'ajouter en raison des dispositions du chapitre sur la mobilité de la main-d'oeuvre.
Je souhaite offrir le temps qui m'est alloué à M. Shrybman.
Plus tôt cette année, par l'intermédiaire de l'Alberta Federation of Labour, vous nous avez soumis un rapport qui nous a vraiment ouvert les yeux au sujet du chapitre sur la mobilité de la main-d'oeuvre. Alors, j'aimerais vous donner la chance de continuer ce que vous étiez en train de nous dire au sujet des chapitres 12 et 19. Qu'avez-vous à ajouter à ce propos?
Je n'avais pas dit tout ce que je voulais dire sur le chapitre 19, alors je vais reprendre à partir de là.
Je disais qu'il y aurait un avantage modeste à tirer des exigences du chapitre 19. Il faudrait pour cela que les parties mettent en place des règles qui donneraient corps à la déclaration de l'Organisation internationale du travail. Le problème est de savoir ce qu'il faudra pour faire appliquer les principes généraux de cette déclaration. L'un de ces principes est qu'il doit y avoir un lien avec les conventions, car cela permettra de donner du mordant à la protection des travailleurs en leur donnant le droit de se regrouper et de négocier collectivement, tout en leur garantissant qu'ils n'auront pas à concurrencer le travail d'enfants ou de prisonniers.
Les parties ont refusé que le texte contienne quoi que ce soit en référence à ces conventions, alors bien que les principes généraux soient là, le Partenariat transpacifique n'oblige personne à les appliquer en établissant des règles concrètes pour leur donner force de loi et les rendre exécutoires.
On y oblige aussi les pays à adopter des dispositions en matière de travail, c'est-à-dire en ce qui concerne le salaire minimum, le chômage et d'autres questions semblables, mais il n'y a pas de plancher. Alors, un pays peut bien avoir une loi sur le salaire minimum, mais ce salaire ne permet peut-être pas d'avoir un niveau de vie acceptable, même selon les standards nationaux.
Ce que le chapitre sur le travail contient, c'est la promesse d'une certaine protection à l'égard des travailleurs et de leurs droits fondamentaux, afin que leur soient garanties certaines conditions de travail de base, mais rien qui puisse rendre ces protections exécutoires, concrètes et tangibles. C'est un pas en avant, mais il s'agit davantage d'une prétention de préoccupation que d'une préoccupation réelle susceptible de déboucher sur une application efficace des principes énoncés.
En ce qui concerne la mobilité de la main-d'oeuvre, je crois que le retrait de toute disposition obligeant les employeurs qui voudraient faire venir des travailleurs étrangers à faire d'abord la preuve qu'il n'y a pas de Canadiens prêts, disposés et aptes à exercer les emplois à pourvoir, je crois que ce retrait est tout simplement scandaleux. En situation de libre-échange, les travailleurs doivent concurrencer avec les travailleurs d'autres États où la main-d'oeuvre ne jouit d'aucune protection et où les salaires ne ressemblent à rien de raisonnable. Dorénavant, les travailleurs canadiens devront concurrencer ces travailleurs étrangers pour des emplois en sol canadien, et leur droit à des emplois équitables avec des salaires décents sera exposé à la même corrosion que dans ces pays.
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Il y a deux ou trois choses.
Premièrement, j'aimerais être bien clair: nous ne nous opposons pas à l'entrée de travailleurs étrangers au Canada. Par exemple, il y a quelques années, nous avons fait venir 150 opérateurs de grues de Chicago par le truchement du Programme de travailleurs étrangers temporaires pour travailler en Alberta. En cas de pénurie, nous comprendrions qu'on ait besoin de travailleurs étrangers, mais pendant un certain temps, je ne crois pas que ce soit le cas, car nous avons de plus en plus de chômage dans le secteur de la construction, malheureusement, avec le prix du pétrole à la baisse.
Ils doivent modifier les critères des personnes qui peuvent entrer au Canada. À titre d'exemple, ils ont une catégorie qui exige un diplôme technique, des études postsecondaires et quatre années d'expérience rémunérée. Sans vouloir les offenser, les travailleurs mexicains n'ont pas les qualifications nécessaires pour répondre aux normes canadiennes. Je ne crois pas qu'un collège technique ou une université au Mexique aura les compétences ou les ressources nécessaires afin d'offrir la formation adéquate pour répondre aux normes ontariennes.
Une chose que j'aimerais voir — et nous en avons parlé aux fonctionnaires — est une preuve de compétences. Peut-être que si une personne de métier veut venir travailler au Canada, elle doit montrer qu'elle sait opérer une grue selon les normes de l'Ontario. Nous pourrions le faire au Mexique. Nous pourrions le faire en Ontario.
L'Ordre des métiers de l’Ontario le fait à l'heure actuelle. Il a une longue liste de ce qu'il faut faire. Il faut passer l'examen. Il faut montrer que l'on comprend les signaux manuels et ensuite démontrer ses compétences. Si une personne prouve qu'elle peut le faire et qu'elle est qualifiée pour travailler en Ontario, elle peut entrer. Plus on est de fous, plus on rit si on a les qualifications voulues.
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Merci de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité.
Nous sommes fortement en désaccord avec toute évaluation ou déclaration concernant l'incidence d'une protection renforcée de la propriété intellectuelle sur le prix des médicaments. Les preuves ne sont plus à faire. Nous livrerons un témoignage écrit dans lequel nous jetterons l'éclairage sur des données produites au cours des 15 dernières années qui montrent comment les mesures de protection de la propriété intellectuelle qui débordent le cadre des accords internationaux, comme l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ont une incidence négative sur le prix des médicaments.
Il y a amplement de preuves de l'incidence de ces dispositions sur le système de santé canadien. Nous avons d'autres preuves provenant du système de santé étatsunien. Si le système des États-Unis paie actuellement les prix les plus élevés au monde pour les médicaments et les technologies, c'est qu'il prolonge les périodes de protection du monopole des entreprises pharmaceutiques.
Nous serons ravis de vous fournir des données qui expliquent le lien entre la propriété intellectuelle et les prix élevés. L'Organisation mondiale de la santé, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et l'Organisation mondiale du commerce l'ont aussi bien démontré. Les trois organisations investies d'un mandat concernant la propriété intellectuelle et la santé ont toutes publié différentes études et analyses qui montrent ce lien. Nous nous ferons un plaisir de vous fournir cette information.
Quand vous prenez l'incidence du PTP au Canada, il est important de tenir compte non seulement de nos intérêts nationaux découlant de l'incidence du PTP sur le système de santé canadien, mais aussi dans le monde entier. Nous vous fournirons des données qui montrent que ce n'est pas dans l'intérêt national du Canada de promouvoir un accord commercial qui ne favorisera pas beaucoup l'innovation et qui exacerbera la hausse des prix critique à l'échelle internationale. Ce n'est pas problématique que pour les pays en développement; ce l'est aussi pour le reste du monde.
J'aimerais avoir une réponse courte, car je souhaite aussi m'adresser à M. Perreault.
Monsieur Nickerson et madame Sanjuan, merci de ce que vous faites. Vous avez une mission incroyable.
J'aimerais faire une suggestion. Je ne veux pas que vous me donniez vraiment de réponse détaillée, mais seulement sur ce point. S'il est possible de faire un profit sur les médicaments, n'y a-t-il pas lieu de penser que les entreprises auraient plus d'argent à investir, et certaines découvertes ne sont-elles pas?... Je pense, par exemple, à quelque chose comme l'hépatite C qui, par le passé, aurait mené à une greffe du foie. Si on trouvait un médicament qui permettrait de régler le problème, n'est-ce pas aussi un argument que si nous nuisons trop?... Je crois savoir que vous ne cherchez pas à réaliser de profit, mais plutôt à offrir un service. Cette possibilité n'existe-t-elle pas elle aussi?
Pourriez-vous me donner une réponse très brève?
Effectivement, la majorité des agriculteurs canadiens en général dépendent totalement du marché de l'exportation, qui est le moteur de leur entreprise. Nous sommes un petit pays, mais nous avons un formidable potentiel de production de produits haut de gamme pour le marché mondial.
Nous avons vu ce qui se passe quand on perd l'accès au marché pour une raison ou une autre, comme pour le porc, et nous faisons des pieds et des mains pour retrouver l'accès aux marchés pour nos produits. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est si important pour nous de faire partie de cet accord. Si nous perdons un marché, mais que nous ne pouvons accéder à aucun autre, où pourrons-nous vendre nos produits? Ce ne sont pas des produits qui se gardent et s'entreposent longtemps. On ne peut pas arrêter la production. Si nous cessons d'exploiter l'infrastructure existante, elle disparaîtra et ne reviendra pas. Pour ces raisons, c'est extrêmement important pour nous.
De plus, si l'on pense à l'économie rurale, aux emplois dans les régions rurales, si nous voulons que les gens puissent vivre et gagner leur vie dans le Canada rural, c'est ce qui leur permettra de le faire. Il faut miser sur l'agriculture et notre aptitude à vendre nos produits sur le marché mondial.
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Je vous remercie de me fournir l'occasion d'en parler un peu plus.
Le monde reconnaît actuellement que le régime actuel de recherche et de développement qui permet d'imposer des prix élevés pour absorber les coûts de recherche et de développement s'effondre de bien des façons. J'ai assisté à l'Assemblée mondiale de la Santé il y a deux semaines, où le Canada et tous les États membres ont adopté une série de résolutions afin d'essayer de régler le problème.
Premièrement, le système actuel d'innovation ne permet pas de répondre à beaucoup de besoins médicaux non comblés. Aujourd'hui, à New York, nous nous réunissons de nouveau pour parler de l'échec du système actuel d'innovation afin de répondre aux besoins médicaux non comblés, particulièrement à la résistance aux antibiotiques. Il y a peu d'innovation pour contrer la résistance aux antibiotiques, en raison du système qui favorise la recherche et le développement en fonction de monopoles et de prix élevés, puis une surutilisation des antibiotiques et des problèmes de consommation. Bien sûr, il y a aussi tous les problèmes d'abordabilité des nouveaux outils médicaux. L'innovation inabordable ne sert pas à grand-chose.
Je vais reprendre l'exemple de l'hépatite C, qui en est un parfait exemple. Jeffrey Sachs estime que le premier investissement privé en recherche et développement sur le bocéprévir, le premier traitement contre l'hépatite C, a été de 300 millions de dollars. Ces coûts, ou cet investissement en recherche et développement, a été récupéré 34 fois pendant la première année de vente du sofosbuvir seulement. L'entreprise en question, Gilead, a fait plus de 10 milliards de dollars dans sa première année de vente du sofosbuvir. À lui seul, le PDG de Gilead a obtenu, en boni, plus de 600 millions de dollars la première année où le produit a été mis en marché, soit le double de l'investissement en recherche et développement.
D'une certaine façon, le PTP est une occasion ratée de corriger les failles du système actuel de R-D et va à l'encontre des efforts déployés à l'Assemblée mondiale de la Santé et ici, à New York, y compris par un groupe de haut niveau de l'ONU sur l'accès aux médicaments, qui a été créé par le secrétaire général Ban Ki-Moon, qui cherche actuellement à trouver des solutions afin de rompre le lien entre les coûts de recherche et développement, les investissements et les prix élevés des médicaments. Nous serons ravis de vous faire parvenir de plus amples renseignements à ce sujet.
Merci.
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Oui, sans aucun doute. Je pense qu'il faut voir la chose sous trois angles différents. Il y a d'abord la perspective que nous ne signions pas l'accord et que nous soyons confrontés à toutes les limites économiques qui en découleraient. Il y a différentes façons de le voir, mais comme nous jugeons cet accord positif, nous considérons qu'il serait négatif de ne pas le signer. Nous nous trouverions alors à perdre beaucoup d'occasions sur lesquelles nous pourrons capitaliser sinon, en tant que banque ou qu'économie en général, et évidemment, tout le système financier y participerait.
Il y a ensuite la perspective des débouchés qui accompagneraient le PTP à court terme, en raison de l'ouverture des marchés. Les entreprises canadiennes pourront en profiter et bien sûr, le secteur financier offrira ses services aux entreprises qui en profiteront, il y a donc là un avantage.
Je pense que le troisième aspect à prendre en considération, qui vise le long terme mais pourrait même être le plus bénéfique, c'est celui de la pression concurrentielle. Il y a de la littérature très bien établie sur le sujet, selon laquelle l'ouverture des marchés fait augmenter la pression concurrentielle, la pression concurrentielle fait augmenter la productivité, et la productivité est le critère de base de toute augmentation du niveau de vie. Dans une perspective à long terme, plus nous ouvrons de marchés, plus nous nous développons et devenons concurrentiels, plus notre niveau de vie augmente. C'est bon pour tous les Canadiens et bien sûr, c'est bon pour le secteur financier aussi, parce que nous offrons des services financiers aux Canadiens.
Je l'analyserais donc de ces trois perspectives différentes.
En fait, beaucoup de nos membres — de partout au pays — sont déçus du processus de consultation à ce moment-ci, particulièrement avec le ministre. Vos consultations initiales regroupaient des intervenants et on les appelait des consultations ouvertes, mais souvent nous recevions le communiqué de presse qui nous en informait seulement 24 heures à l'avance.
Le Comité offre un meilleur processus de consultation, dans le sens où il regroupe des gens ayant des opinions diverses et venant de partout au pays. Je vous en félicite. Cependant, sur le même point, les consultations ne sont pas toujours bien annoncées. Souvent, il y a des gens qui sont frustrés, car ils n'ont pas nécessairement l'occasion de parler. De plus, nous pensons qu'un processus de consultation ne devrait pas se limiter à présenter un document de 6 000 pages et à dire: « Voici un document. Analysez-le comme bon vous semble. » Dans d'autres pays, comme l'Australie, par exemple, il y a un commissaire à la productivité qui a effectivement fait une analyse.
Lorsque je parle d'analyse, je veux dire une analyse indépendante, pas une analyse qui fait la promotion de l'accord. C'est pour faire connaître aux Canadiens les avantages et les inconvénients et pour leur donner des renseignements qui les aideront à prendre position. De plus, pour nous, il est très important que le gouvernement ait pris des engagements envers les Premières Nations. Elles sont souvent aux premières lignes pour ce qui est des ressources. Il est également possible que des cas de RDIE aient des répercussions sur eux. Par exemple, il y a une société du nom de Petronas originaire de Malaisie, sur l'île Lelu. Dans le cadre de consultations approfondies, on se penche sur tous les éléments et non seulement sur les intérêts économiques. On examine donc aussi les incidences du projet sur les droits de la personne et la société en général, ce qui fait qu'on a le genre de consultations que les gens vont accepter.
Nous sommes coincés dans une situation où nous avons négocié une entente au cours de la dernière élection fédérale alors que les parlementaires n'étaient pas tous présents autour de la table. Je pense que c'est une belle occasion d'aborder la question.