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Merci, monsieur le président.
Bien sûr, je remercie tous les membres du Comité de me donner l'occasion de parler d'un projet de loi extrêmement important, le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.
Je suis vraiment très fière du travail qu'a fait notre gouvernement pour améliorer la vie des Canadiens qui vivent la séparation et le divorce, particulièrement les enfants. Le projet de loi est la pierre angulaire de ces travaux.
Les lois fédérales sur le droit de la famille n'ont pas fait l'objet de mises à jour approfondies depuis plus de 20 ans. Au cours des deux dernières décennies, les familles ont considérablement changé, tout comme notre système de justice. Le gouvernement comprend qu'il y a beaucoup à faire pour améliorer les lois fédérales en matière de droit de la famille ainsi que les tribunaux de la famille afin de mieux répondre aux besoins de tous les Canadiens.
La séparation et le divorce peuvent être des épreuves extrêmement difficiles pour les familles, particulièrement les enfants. Pour la majorité des Canadiens, leur seule interaction avec le système judiciaire se fera dans le cas de l'éclatement de la famille. Deux millions d'enfants au pays sont touchés par la séparation et le divorce. À l'aide de ce projet de loi, nous prenons des mesures concrètes pour aider les parents à régler leurs conflits en temps opportun et de manière durable, en nous concentrant principalement sur l'intérêt supérieur de leurs enfants.
Le projet de loi favorise l'atteinte de quatre objectifs essentiels: faire valoir l'intérêt supérieur de l'enfant, remédier à la violence familiale, réduire la pauvreté chez les enfants et améliorer l'efficacité et l'accessibilité des tribunaux de la famille.
Je vais aborder ces objectifs un à un.
Faire valoir l'intérêt supérieur de l'enfant est un thème commun, qui regroupe toutes les initiatives stratégiques reflétées dans ce projet de loi. La primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant est un principe fondamental du droit de la famille au Canada. Le projet de loi renforcera et soutiendra davantage ce principe.
Le projet de loi inclut une liste non exhaustive de critères dont les tribunaux doivent tenir compte pour déterminer l'intérêt supérieur de l'enfant, y compris des éléments comme les besoins de l'enfant, en fonction de son âge et de son stade de développement, la relation de l'enfant avec les personnes dans sa vie, surtout avec ses parents, mais également avec d'autres personnes comme ses grands-parents, ainsi que la culture et le patrimoine de l'enfant, notamment le patrimoine autochtone.
Le projet de loi propose également une considération première. Tout projet concernant la garde de l'enfant, toute répartition du temps ou des responsabilités et toute imposition de conditions dans une ordonnance parentale doit tenir compte de la sécurité et du bien-être physiques, psychologiques et affectifs de l'enfant avant tout autre critère.
Le projet de loi élimine aussi la terminologie archaïque relative à la garde et à l'accès que la Loi sur le divorce applique actuellement aux relations parents-enfants. La Cour d'appel de l'Ontario et plusieurs associations de professionnels en droit de la famille ont souligné que ces termes insistent plus sur la victoire et la défaite des parents que sur l'intérêt supérieur de l'enfant.
Au lieu de cela, le projet de loi adhère au principe selon lequel les enfants sont des personnes ayant leurs propres besoins et droits et, par conséquent, il propose des définitions claires des termes « temps parental » et « responsabilités décisionnelles ». Les organismes de défense des droits de l'enfant sont particulièrement favorables à ce changement proposé.
Le projet de loi ne contient aucune présomption du rôle parental, comme celle du partage égal du rôle parental. Il privilégie plutôt ce qui est le mieux pour chaque enfant. Une présomption forcerait les tribunaux à imposer une entente parentale particulière à chaque famille sauf si une partie arrive à convaincre le tribunal du contraire. Cela voudrait dire que les juges devraient participer activement à plus d'affaires pour entendre la preuve visant à renverser la présomption, ce qui pourrait aggraver le conflit entre les parties et imposer une pression supplémentaire et inutile aux tribunaux de la famille qui sont déjà submergés.
En outre, dans les affaires de violence familiale, les époux victimes de violence n'ont peut-être pas les ressources financières ou émotionnelles nécessaires pour prouver à un juge que la présomption ne servirait pas l'intérêt supérieur de l'enfant. Fondamentalement, une présomption détournerait l'attention de l'intérêt supérieur de chaque enfant, l'objectif que le projet de loi vise à promouvoir.
Nous savons que la situation de chaque enfant et de chaque famille diffère, et les enfants méritent qu'on se penche sur leurs besoins et leurs réalités uniques. C'est pourquoi nous avons adopté cette approche.
Le projet de loi continuera de préserver le principe du maximum de communication, selon lequel un enfant devrait passer avec chacun de ses parents autant de temps que ce qui correspond à son intérêt supérieur. Toutefois, il ne s'agirait pas d'une présomption du rôle parental, et ce principe serait assujetti à la considération première de la sécurité et du bien-être physiques psychologiques et affectifs de l'enfant.
Pour la toute première fois, nous définissons la violence familiale dans la Loi sur le divorce. Dans le projet de loi , nous avons introduit une définition de la violence familiale fondée sur des données probantes; cette définition prévoit une liste non exhaustive de différentes formes de violence familiale et est conçue pour évoluer au fil du temps de manière à englober d'autres comportements et habitudes à mesure que nous comprenons mieux la violence familiale.
La définition mentionne explicitement le comportement « coercitif et dominant », qui, selon des spécialistes en sciences sociales, est la forme de violence familiale la plus dangereuse. Encore une fois, la définition est destinée à évoluer au fil du temps pour illustrer d'autres comportements et tendances à mesure que nous comprenons mieux la violence familiale.
Le projet de loi propose également des critères fondés sur l'intérêt supérieur de l'enfant pour aider les tribunaux à rendre des ordonnances parentales dans les cas de violence familiale. Ces critères doivent également tenir compte de la considération première selon laquelle la sécurité et le bien-être physiques, psychologiques et affectifs de l'enfant l'emportent sur tout.
Le projet de loi introduit d'autres mesures pour assurer la sécurité des membres de la famille, particulièrement les enfants. Les dispositions de non-retrait aideront à prévenir l'enlèvement d'enfants dans des cas appropriés. Une autre disposition rappellera aux tribunaux qu'ils ont la possibilité d'ordonner la supervision du temps parental pour promouvoir la sécurité et réduire l'exposition des enfants aux conflits.
Notre gouvernement s'est engagé à sortir les Canadiens de la pauvreté. En plus de mettre en place des initiatives comme l'Allocation canadienne pour enfants, nous soutenons les familles de la classe moyenne en nous assurant que les familles qui vivent une séparation et un divorce obtiennent les pensions alimentaires auxquelles elles ont droit. Nous savons que les familles sont particulièrement vulnérables sur le plan financier dans ces circonstances.
Les familles monoparentales ont une valeur nette médiane considérablement plus faible que celle des couples ayant des enfants et ont tendance à afficher des niveaux d'emploi plus bas. Nous savons aussi que les familles monoparentales sont, de manière disproportionnée, plus souvent menées par des femmes, donc ces pressions financières contribuent à la féminisation de la pauvreté. Un montant de pension alimentaire pour les enfants et le conjoint juste et exact peut contribuer à empêcher ces familles de vivre dans la pauvreté. En nous attaquant à la pauvreté des familles, nous pouvons cibler la pauvreté chez les enfants, laquelle peut engendrer des répercussions à long terme. Par conséquent, le projet de loi propose plusieurs changements importants pour qu'il soit plus facile pour les familles de recevoir le soutien auquel elles ont droit.
L'un des obstacles majeurs qui empêchent les familles de recevoir les pensions alimentaires auxquelles elles ont droit est le défaut des parties de divulguer leurs revenus, malgré leur obligation de le faire. Le projet de loi modifiera la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales pour permettre au gouvernement fédéral de fournir des renseignements concernant la déclaration de revenus d'une partie à un tribunal ainsi qu'à d'autres services provinciaux comme les services d'exécution des ordonnances alimentaires et les services provinciaux des aliments pour enfants.
À l'heure actuelle, des milliards de dollars en pensions alimentaires pour des enfants sont impayés au Canada, et la vaste majorité de cet argent doit être versé à des femmes. Avec ce projet de loi, nous offrons plus d'outils aux provinces, aux territoires et aux personnes pour qu'ils puissent veiller à ce que les pensions soient versées. Le projet de loi prévoit de rigoureuses mesures de protection de la vie privée pour soutenir ce changement. Si des renseignements de ce genre étaient divulgués à un tribunal, ils devraient être scellés et demeurer inaccessibles au public.
La quatrième priorité du projet de loi est d'améliorer l'efficacité du système de justice et de le rendre plus accessible. Le projet de loi offrira plus de solutions aux parents pour résoudre leurs différends en droit de la famille. Même si les tribunaux sont peut-être la meilleure avenue pour certaines familles, d'autres peuvent bénéficier d'un processus de règlement extrajudiciaire des différends, qui est une option moins conflictuelle, plus rapide et moins coûteuse. Cela permet aux parents de jouer un rôle actif en élaborant leurs propres ententes, ce qui accroît la conformité et donne lieu à de meilleures ententes qui sont adaptées à la situation de chaque famille.
Toutefois, les mécanismes de règlement des différends familiaux ne sont pas obligatoires dans le projet de loi . Dans les cas de violence familiale ou de déséquilibre des pouvoirs, certains processus de médiation ou de règlement des différends peuvent être inappropriés. Le projet de loi C-78 oblige les avocats à informer leurs clients de toutes leurs options, tant judiciaires qu'extrajudiciaires, de sorte que les familles soient suffisamment informées de toutes les possibilités qui s'offrent à elles.
Pour conclure, le projet de loi inclut un certain nombre d'autres changements importants dont je serais heureuse de vous parler plus longuement, mais pour le moment, je tiens à remercier tous les membres du Comité de l'important travail que vous faites en étudiant le projet de loi et de votre dévouement continu pour rendre les lois canadiennes aussi solides que possible.
Grâce au projet de loi , nous avons une importante occasion d'améliorer la vie des enfants et des familles du Canada. La séparation et le divorce font partie des événements les plus éprouvants d'une vie, et je suis fière que le projet de loi propose des manières concrètes de faciliter ces processus pour toutes les personnes concernées.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président, et merci, madame la ministre, de vous être libérée pour cet important projet de loi.
J'aimerais dire aux membres du Comité que j'ai deux avis de motion, et je vais les lire à l'instant. Nous n'en débattrons pas maintenant, d'après ce que je crois comprendre. Je ne veux pas empiéter sur le temps de la ministre, mais je voulais que les membres soient au courant de ces avis de motion.
Le premier est ainsi libellé:
Que le Comité invite la ministre de la Justice et procureure générale du Canada à comparaître pour répondre aux questions ayant trait à toute règle, à tout précédent ou à toute procédure liés à l’invocation du secret du Cabinet pour empêcher la divulgation d'informations demandées par l'avocat dans un procès.
Cela se rapporte manifestement à l'affaire Norman.
Mon deuxième avis de motion est le suivant:
Que, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 24 octobre 2018, le Comité étudie le Budget supplémentaire des dépenses (A) avant l'échéance de rapport précisée dans l’article 81(5) du Règlement; et que le Comité invite la ministre de la Justice et procureure générale du Canada à témoigner en prévision de cette étude.
Je veux que ce soit consigné au compte rendu, et j'aimerais poser quelques questions si vous le voulez bien, madame la ministre.
Avant tout, je remarque qu'il y a une nette augmentation du nombre de plaideurs non représentés dans le système judiciaire. C'est le cas pour de nombreux tribunaux, pas seulement le tribunal de la famille, bien entendu. Le projet de loi est maintenant quatre fois plus long que la loi précédente, et les non-juristes auront de la difficulté à assimiler toute l'information si je puis dire, et à la comprendre.
Madame la ministre, j'aimerais que vous me disiez comment cela améliorera la gestion des cas sans embourber davantage les tribunaux de la famille, qui, je pense que vous serez d'accord, sont quelque peu submergés à l'heure actuelle.
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame la ministre, d'être ici.
D'abord, il est encourageant de voir que l'intérêt supérieur de l'enfant est la pierre angulaire du projet de loi . L'intérêt supérieur de l'enfant est bien établi dans le droit de la famille canadien. L'article 16 proposé du projet de loi prévoit que le tribunal doit prendre en considération uniquement l'intérêt de l'enfant en ce qui concerne les ordonnances applicables aux enfants dans des situations familiales.
Même si c'est encourageant, j'aimerais poursuivre les questions de M. Clement. Cela concerne la façon de faire concorder le projet de loi d'un côté, qui place l'intérêt supérieur de l'enfant au premier plan, avec le projet de loi de l'autre, qui érige en infractions mixtes un certain nombre d'actes criminels graves passibles d'un emprisonnement, y compris des crimes commis contre des enfants.
M. Clement a parlé de l'enlèvement d'une personne âgée de moins de 16 ans de même que l'enlèvement d'une personne âgée de moins de 14 ans. Je veux parler du fait d'ériger en infractions mixtes les délits commis par des individus qui violent des ordonnances de surveillance de longue durée. Ces gens ont reçu des peines de plus de deux ans. On estime qu'ils présentent un risque important de récidive. Les infractions pour lesquelles ils ont été condamnés supposent un éventail d'infractions sexuelles, souvent contre des enfants. Il s'agit d'individus qui présentent un risque tellement élevé de récidive qu'ils peuvent être passibles de peines pouvant aller jusqu'à 10 ans et d'une ordonnance qui impose toute une série de conditions très strictes. Nous parlons vraiment, madame la ministre, des pires individus lorsqu'il s'agit de délinquants qui présentent un risque de récidive, souvent à l'endroit d'enfants.
Comment cela concorde-t-il avec le fait de placer l'intérêt supérieur de l'enfant au premier plan en érigeant en infractions mixtes les délits liés à ces manquements, qui sont souvent le premier signe que ces mauvais joueurs retournent à leurs antécédents violents et commettent des crimes de plus en plus graves? C'est une préoccupation importante en matière de sécurité publique.
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Certainement, et je vous remercie de vos commentaires au sujet des modifications apportées à la terminologie.
Les modifications apportées à la terminologie par des intervenants, des personnes à qui nous avons parlé, représentent un changement important dans notre façon de procéder. De nombreuses provinces nous ont fait part, ainsi qu'à d'autres administrations, de leurs modifications de terminologie et, comme vous l'avez dit, sont passées de la situation du gagnant ou du perdant à un environnement qui met l'accent sur la responsabilité des parents et les ordonnances parentales, la prise de décisions et le temps parental. Cela va en effet au-delà de la prémisse que les enfants sont des biens et qu'ils devraient être au centre de la séparation et du divorce ainsi que des considérations qui s'y rattachent.
C'est pourquoi nous avons pensé, comme vous l'avez dit, à mettre en place des critères ou des facteurs indiquant ce qui est dans l'intérêt supérieur de l'enfant ou ce qui devrait être pris en considération. J'ai été heureuse de pouvoir inclure le patrimoine et l'éducation culturels, linguistiques, religieux et spirituels de l'enfant, notamment s'ils sont autochtones, comme l'un des facteurs à prendre en considération pour déterminer l'intérêt supérieur de l'enfant.
Comme nous l'avons dit, les enfants sont différents. Les enfants ont des identités différentes et s'identifient à des groupes, des parents et des religions précis. Nous voulons nous assurer que, lors de la rupture d'un mariage ou lors d'un divorce, cette identité représentant ce que l'enfant ressent et l'endroit où il est lié soit prise en compte. C'est l'un des facteurs à prendre en considération, mais c'est un facteur extrêmement important. Je soupçonne que de nombreuses personnes à cette table, moi y compris, qui m'identifie de très près à un patrimoine autochtone, considèrent qu'il est extrêmement important de préserver le bien-être de l'enfant.