JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la justice et des droits de la personne
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 7 mai 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour, mesdames et messieurs, et bienvenue au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, tandis que nous reprenons notre étude sur la criminalisation de la non-divulgation de la séropositivité.
Nous recevons aujourd'hui quatre groupes de témoins distingués.
Tout d'abord, nous recevons dans la salle M. Khaled Salam, directeur exécutif du Comité du sida d'Ottawa, ainsi que Mme Robin Montgomery, directrice exécutive de la Coalition interagence sida et développement.
Depuis Toronto, nous accueillons M. Andrew Brett, directeur, Communications, et M. Sean Hosein, rédacteur scientifique et médical, pour CATIE. Nous accueillons encore une fois Mme Karen Segal, avocate-conseil à l'interne du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes.
Nous semblons éprouver quelques difficultés techniques du côté des gens à Toronto. Essayons une fois de plus.
Nous vous entendons maintenant parfaitement bien. Merci.
Mesdames et messieurs, parce que nous ne voulons jamais perdre les gens que nous entendons par vidéoconférence, en cas de difficultés techniques, nous allons commencer par les deux groupes à Toronto.
Vous avez chacun huit minutes. CATIE, vous êtes le premier groupe, avec huit minutes, puis nous passerons au Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes.
MM. Brett et Hosein, allez-y.
Bonjour et merci au président et aux membres du Comité de nous avoir invités à faire part de notre expertise sur la transmission du VIH et la santé du public. Nous espérons que nos commentaires ce matin contribueront à vos délibérations sur cet enjeu très important.
Je m'appelle Andrew Brett et je suis directeur, Communications, à CATIE. Je suis accompagné aujourd'hui de Sean Hosein, qui a cofondé l'organisation en 1990 et qui demeure à ce jour notre rédacteur scientifique et médical.
Nous sommes la voix du Canada pour des renseignements sur le VIH et l'hépatite C. Nous sommes financés par l'Agence de la santé publique du Canada afin d'agir comme courtier du savoir pancanadien pour les gens et les organisations qui travaillent à la prévention, au dépistage, au traitement et aux soins du VIH et de l'hépatite C. Nous nous targuons d'être une source fiable de renseignements exacts et objectifs au sujet du VIH et de l'hépatite C.
Nous comparaissons ici aujourd'hui à votre invitation, mais aussi, car nous croyons qu'il s'agit d'un domaine du droit pénal canadien qui souffre malheureusement d'une compréhension mauvaise et dépassée au sujet des connaissances scientifiques sur le VIH. Nos commentaires aujourd'hui se limiteront à notre domaine d'expertise, c'est-à-dire les connaissances scientifiques sur la prévention et le traitement du VIH.
Pour d'autres questions, comme le mécanisme juridique approprié permettant de contrer l'utilisation inappropriée du droit pénal dans des cas de non-divulgation du VIH, nous nous en remettrions à d'autres personnes possédant une plus grande expertise dans le droit pénal, comme le Réseau juridique canadien VIH/sida.
Bonjour et merci de nous avoir demandé de comparaître devant le Comité aujourd'hui.
Je m'appelle Sean Hosein et je suis le rédacteur scientifique et médical de CATIE. Pendant plus de 30 ans, j'ai étudié les recherches sur la prévention et le traitement du VIH et j'ai communiqué ces nouvelles en langage clair à des gens vivant avec le VIH, à leurs fournisseurs de soins de santé et au vaste éventail de fournisseurs de services œuvrant dans la lutte contre le VIH-sida.
Un des progrès les plus intéressants dans le domaine de la recherche sur le VIH auquel j'ai assisté dans ma carrière a été l'évolution de nos connaissances sur les conséquences que la charge virale du VIH peut avoir sur la possibilité de transmission. Entre 2011 et 2018, quatre grands essais cliniques ont permis de confirmer que les gens vivant avec le VIH qui ont une charge virale supprimée ne transmettent pas le virus à leurs partenaires sexuels.
Lorsque les personnes vivant avec le VIH prennent leurs médicaments de la façon prescrite, cela peut réduire la quantité du virus présent dans leur corps à des niveaux si faibles qu'ils ne peuvent être décelés au moyen d'analyses sanguines courantes. Nous appelons cela une « charge virale indétectable » ou une « suppression virale ». D'après les plus récentes estimations de l'Agence de la santé publique du Canada, 91 % des Canadiens séropositifs recevant un traitement ont atteint le niveau de suppression virale, et cette proportion pourrait être supérieure s'ils bénéficiaient d'un meilleur accès au traitement et aux soins. Au Royaume-Uni, la proportion équivalente est de 97 %.
Dans les quatre grands essais cliniques que j'ai déjà mentionnés, sur plus de 100 000 cas de relations sexuelles sans condom avec un partenaire séropositif, il n'y a eu aucun cas confirmé de transmission du VIH lorsque le partenaire séropositif avait une charge virale supprimée. Aux fins de ces études, cela signifiait qu'ils détenaient moins de 200 copies de VIH par millilitre de sang.
D'après un éditorial publié dans l'éminent journal médical The Lancet en 2017, les données probantes qui soutiennent l'efficacité de la suppression virale pour bloquer la transmission sont claires. Elles sont moins claires en ce qui concerne la probabilité de transmission en l'absence de suppression virale. Il est difficile de le quantifier, étant donné les difficultés liées à la réalisation d'une étude robuste qui fait le suivi du nombre d'expositions possibles au VIH dans un couple au fil du temps, le type de relations sexuelles qu'il a eues, s'il a utilisé ou non des outils de prévention et tout facteur biologique.
En dépit de ces difficultés, on a fait des tentatives pour calculer la possibilité de transmission moyenne du VIH. Il n'est pas possible qu'un séronégatif pour le VIH contracte le VIH lorsqu'une personne séropositive avec ou sans suppression virale a une relation sexuelle orale avec lui. Il y a une possibilité théorique de transmission du VIH si on a une relation sexuelle orale avec un homme séropositif lorsqu'il y a éjaculation, même si peu de données probantes le confirment. Si une telle transmission était possible, le risque serait négligeable, tout au plus.
Lorsqu'un condom est utilisé systématiquement et correctement, la transmission du VIH n'est pas possible avec ou sans suppression virale. Les tests de laboratoire ont confirmé que les condoms sont imperméables au VIH, y compris ceux faits de latex, de polyuréthane, de nitrile ou de polyisoprène. Ces estimations sont résumées dans la déclaration de consensus d'experts sur la connaissance scientifique relative au VIH dans le contexte du droit pénal publiée en 2018 par 20 des principaux chercheurs du monde.
Une bonne partie des éléments de la ligne directrice du gouvernement fédéral concernant les poursuites supposant des cas de non-divulgation de la séropositivité, qui a été publiée en décembre 2018, constituaient de bonnes nouvelles pour ceux d'entre nous qui aiment les politiques fondées sur des données probantes. Par exemple, la ligne directrice qui suppose qu'on n'intente pas de poursuite lorsque la personne vivant avec le VIH a maintenu une charge virale supprimée est conforme aux données probantes sur la transmission du VIH. Toutefois, il convient de noter que les poursuites criminelles en cas de non-divulgation du VIH en général, sans égard à la charge virale, contribuent à un climat de peur et de stigmatisation pour les gens vivant avec le VIH, ce qui entrave l'accès aux services relatifs au VIH, comme les recherches nous l'ont révélé. De plus, ironiquement, cela décourage en fait les gens de divulguer leur séropositivité par crainte de représailles juridiques.
Pour vous donner un exemple pratique et récent, je travaille actuellement sur une vidéo éducative sur le VIH qui jouit du soutien de l'Agence de la santé publique du Canada. Dans cette vidéo, nous interviewons à la caméra des gens qui vivent avec le VIH afin de dissiper les mythes entourant le VIH et la façon dont le virus est transmis. Un des participants du projet m'a confié se soucier du fait que la divulgation de sa séropositivité à la caméra pourrait entraîner des répercussions, pas juste sur le plan de la stigmatisation ou de la discrimination, mais parce qu'un partenaire sexuel pourrait formuler une plainte criminelle s'il apprenait qu'il était séropositif, même si sa charge virale est indétectable et qu'il n'y a aucune possibilité de transmission du VIH.
C'est une préoccupation très bien fondée parmi les gens vivant avec le VIH, c'est-à-dire qu'ils pourraient s'exposer à une accusation criminelle très grave portée par des gens qui utilisent mal le droit relatif aux agressions sexuelles; par conséquent, ils dissimulent leur séropositivité afin de se protéger. Si notre objectif est d'encourager les gens à divulguer leur séropositivité à leurs partenaires sexuels, l'utilisation du droit relatif aux agressions sexuelles pourrait en fait se révéler contre-productive.
Il convient aussi de noter qu'il est plus probable que le VIH soit transmis lorsqu'une personne ne sait pas qu'elle a le virus, particulièrement si elle vient juste d'être infectée. Une nouvelle analyse effectuée par les Centers for Disease Control des États-Unis a révélé qu'une personne infectée récemment était 92 % plus susceptible de transmettre le virus qu'une personne qui n'avait pas été infectée récemment. C'est conforme à nos connaissances selon lesquelles il est plus probable que le VIH soit transmis durant la phase aiguë de l'infection, lorsque le virus circule dans le corps à ses niveaux les plus élevés. La même analyse des CDC a démontré que les gens qui sont au courant de leur séropositivité sont moins susceptibles de transmettre le virus, en raison de changements comportementaux qui se produisent une fois que la personne reçoit le diagnostic.
En résumé, les gens qui sont au courant de leur séropositivité sont les moins susceptibles de transmettre le virus, et les personnes séropositives ayant une charge virale supprimée ne peuvent pas le faire.
Ayant à notre disposition ces connaissances, il est clair que notre approche ne devrait pas consister à cibler les gens qui vivent avec le VIH au moyen de sanctions pénales. Nos efforts pour contrer la propagation du VIH devraient plutôt reposer sur l'augmentation de la sensibilisation — augmenter l'accès au dépistage, au traitement et aux soins.
Nous espérons que ces renseignements ont été utiles pour vous et nous vous invitons à poser des questions.
Merci beaucoup. C'était très utile.
Passons maintenant au Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes.
Madame Segal, la parole est à vous.
Je m'appelle Karen Segal. Je travaille au Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, connu également sous le nom de FAEJ. Je me joins à vous depuis le bureau national du FAEJ à Toronto. Merci beaucoup de me recevoir de nouveau et d'avoir invité le FAEJ à s'exprimer sur cette question devant le Comité.
Le FAEJ est un organisme national à but non lucratif qui fait avancer les droits à l'égalité des femmes. Au cours des 35 dernières années, le FAEJ a joué un rôle essentiel pour faire avancer les droits des femmes au moyen de poursuites judiciaires, de réforme du droit et d'éducation juridique publique. Le droit relatif aux agressions sexuelles et l'évolution de ce droit à travers une optique féministe est un élément fondamental du travail du FAEJ en raison de son étroite proximité avec les droits à l'égalité des femmes.
Comme la présente étude examine le droit relatif aux agressions sexuelles et les questions touchant les relations sexuelles et le consentement, il s'agit d'une étude particulièrement pertinente au mandat du FAEJ. Je sais bien que le Comité a entendu de nombreux défenseurs de la lutte contre le VIH-sida qui cherchent à mettre fin à la criminalisation sévère des personnes qui vivent avec le VIH. Le FAEJ soutient cet objectif important, mais pour aider davantage le Comité, je vais focaliser mes observations sur les répercussions de ce domaine du droit sur les droits à l'égalité des femmes.
En tant qu'organisation qui fait la promotion des droits à l'égalité des femmes et des filles, nous souhaitons examiner trois principaux aspects du droit lié à la non-divulgation du VIH. D'abord, les poursuites dans les cas de non-divulgation du VIH ont entraîné une augmentation du nombre de femmes accusées d'agression sexuelle grave. Cela a eu des répercussions particulières sur les femmes issues de communautés marginalisées. Près de 80 % des femmes vivant avec le VIH sont autochtones ou racialisées, un groupe qui fait déjà face à une grave surcriminalisation au Canada. Cette surcriminalisation est un produit de la discrimination systémique fondée sur la race et le sexe qui sera exacerbée par la criminalisation sévère du VIH.
En outre, les poursuites dans les cas de non-divulgation du VIH peuvent rendre les femmes plus vulnérables à la violence conjugale. Par exemple, dans l'arrêt Regina c. D.C., un des cas fondamentaux de la Cour suprême du Canada dans ce domaine, le plaignant était un conjoint violent qui avait porté ses allégations de non-divulgation du VIH contre son ancienne épouse après qu'elle avait soulevé des allégations de violence conjugale contre lui. Il a attendu jusqu'à ce moment-là, même s'il était au courant de sa séropositivité depuis de nombreuses années, ce qui est un exemple de la façon dont les poursuites pour séropositivité peuvent être utilisées par des hommes violents comme outil de leur violence.
Par ailleurs, malgré le fait que la plupart des cas de transmission du VIH se produisent entre des hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes, la majorité des poursuites pour non-divulgation de la séropositivité ont lieu dans le contexte de relations hétérosexuelles où des femmes présentent des plaintes d'agression sexuelle contre des hommes. La sécurité et l'autonomie corporelle de ce groupe de femmes comme plaignantes étayent aussi la réponse proposée par le FAEJ à l'égard de la non-divulgation du VIH.
Enfin, l'évolution du droit lié à la non-divulgation du VIH a modifié le droit relatif aux agressions sexuelles au détriment des droits à l'égalité des femmes. Le FAEJ a un intérêt particulier dans le droit relatif aux agressions sexuelles, parce que les agressions sexuelles sont un crime sexospécifique qui touche de façon disproportionnée les femmes. Étant donné que la non-divulgation du VIH est traitée conformément au droit relatif aux agressions sexuelles, les défenseurs dans ce domaine ont cherché à limiter la portée du comportement interdit en vertu des droits relatifs aux agressions sexuelles, en raison de la préoccupation selon laquelle l'élargissement de ce type de comportement considéré comme une agression sexuelle criminaliserait davantage les personnes atteintes du VIH.
Malheureusement, les changements que de nombreux défenseurs ont préconisés s'appliquent à tous les procès pour agression sexuelle, pas juste ceux qui supposent la non-divulgation du VIH. La réussite de la lutte visant à limiter l'application du droit relatif aux agressions sexuelles risque de diminuer les mesures de protection offertes aux femmes contre la violence sexuelle. De cette façon, la limite du droit visant à faire avancer l'égalité des personnes vivant avec le VIH a en fait ébranlé les protections importantes pour les droits à l'égalité des femmes.
En réponse à ces préoccupations complexes, le FAEJ s'est lancé dans une consultation pluriannuelle auprès d'experts féministes de tout le pays, y compris des chercheurs et des juristes, ce qui a donné lieu à la position sur la réforme du droit que nous vous avons fournie.
Je vais maintenant vous donner un aperçu de cette position.
D'abord, il est impératif que la non-divulgation du VIH soit retirée du droit relatif aux agressions sexuelles. Les agressions sexuelles touchent une femme canadienne sur trois, et, en 2014, moins de 1 % des agressions sexuelles se sont soldées par une accusation. L'impunité pour la violence sexuelle est une crise des droits de la personne au Canada, et le fait de limiter davantage la protection du droit dans ce domaine va nuire aux femmes. Par ailleurs, le fait de criminaliser davantage les gens atteints du VIH va nuire aux droits à l'égalité au Canada.
La réponse appropriée consiste à retirer complètement la non-divulgation du VIH du droit relatif aux agressions sexuelles. Le FAEJ propose que la non-divulgation du VIH fasse l'objet de poursuites en vertu de dispositions pénales qui ne portent pas sur les agressions sexuelles, et uniquement lorsque l'accusé a été irresponsable et que la transmission s'est réellement produite.
Cela vise trois objectifs. D'abord, cela limite la surcriminalisation punitive des gens vivant avec le VIH.
L'exigence de la transmission agirait essentiellement comme indicateur des facteurs recensés dans la récente ligne directrice fédérale sur les poursuites qui décrit quels cas de non-divulgation du VIH devraient faire l'objet de poursuites, et particulièrement qu'ils devraient faire l'objet de poursuites uniquement lorsque la personne n'a pas utilisé de condom ou n'a pas utilisé correctement des médicaments antirétroviraux. Comme j'ai entendu mes amis du groupe de témoins le dire, les études révèlent que ces méthodes ont une efficacité d'environ 100 % pour ce qui est de prévenir la transmission; la transmission agirait donc comme indicateur du fait qu'une personne n'a pas pris une de ces deux mesures.
Même si l'exigence relative à l'irresponsabilité laisse ouverte la possibilité que, dans certains cas, la transmission ne soit pas criminelle, selon les mesures prises par l'accusé pour prévenir la transmission, cela viendrait réduire la surcriminalisation des femmes les plus marginalisées au Canada.
La deuxième raison pour laquelle nous proposons cela, c'est que le fait de laisser une certaine marge au droit pénal dans des cas de transmission irresponsable du VIH offre une certaine protection pour les femmes qui ont contracté le VIH auprès d'un conjoint qui a agi de façon irresponsable et n'a pris aucune mesure pour prévenir la transmission du virus.
Enfin, cette proposition protégerait l'échelle robuste et vaste du consentement qui est fondamentale aux droits à l'égalité des femmes et au droit à l'autonomie corporelle. Cela empêcherait les tribunaux de devoir contourner le droit relatif aux agressions sexuelles pour s'adapter au contexte de la non-divulgation du VIH, qui est un ensemble des circonstances très différent de celles que l'on voit habituellement dans les poursuites pour agression sexuelle.
Comme je l'ai décrit dans le mémoire écrit que nous vous avons présenté, nous pressons le Comité de profiter de cette occasion pour signaler clairement que les principes décrits dans les arrêts fondamentaux concernant des agressions sexuelles, comme R. c. Ewanchuk, qui donnent aux femmes le droit de décider qui touche leur corps et comment, et indiquent clairement que le consentement volontaire est exigé pour tout contact sexuel, demeurent les principes fondamentaux du droit relatif aux agressions sexuelles et continuent de lier les tribunaux futurs.
Enfin, nous ferions valoir que la ligne directrice en matière de poursuites pour non-divulgation du VIH est nécessaire pour que l'on s'assure que les femmes marginalisées sont protégées contre la violence. Dans notre mémoire, nous avons fait valoir que la transmission irresponsable de la divulgation du VIH devrait faire l'objet de poursuites en vertu des dispositions non liées aux agressions sexuelles du Code criminel. Nous ferions en outre valoir que la transmission ne devrait pas être une infraction lorsque l'accusé craignait que la divulgation de sa séropositivité ou que le fait d'insister pour porter un condom entraînerait de la violence.
Comme nous le savons, le port d'un condom est un besoin lié au genre, et les femmes n'ont pas toujours autant de contrôle sur l'utilisation d'un condom que leur partenaire si elles ont des relations sexuelles sous la contrainte, ont été forcées d'avoir des relations sexuelles ou que les relations sexuelles se sont produites sans le consentement de l'accusée.
En bref, pour mieux protéger les droits à l'égalité des gens vivant avec le VIH et pour protéger les femmes contre la violence sexuelle, nous proposons de retirer la non-divulgation du VIH du droit relatif aux agressions sexuelles et d'intenter des poursuites en vertu des dispositions pénales contre la transmission irresponsable du VIH qui ne concernent pas les agressions sexuelles, avec des lignes directrices claires en matière de poursuites, qui font en sorte que les femmes ne sont pas criminalisées pour la violence commise à leur endroit.
Merci beaucoup d'avoir entendu le FAEJ.
Je m'appelle Khaled Salam et je suis le directeur exécutif du Comité du sida d'Ottawa. Le CSO est une organisation de justice sociale qui fournit de l'éducation, du soutien, des activités de sensibilisation et des services de défense à des gens qui vivent avec le VIH-sida à Ottawa, qui sont touchés par le VIH-sida ou qui sont à risque de le contracter. Le CSO sert la collectivité d'Ottawa depuis près de 35 ans.
La criminalisation de la non-divulgation du VIH s'est posée comme un obstacle à la santé publique, à l'éducation et à la prévention en matière de VIH-sida. Cela a ajouté encore plus d'huile sur le feu en ce qui concerne la stigmatisation, la désinformation et la peur. Le VIH est un problème de santé, pas un problème juridique ou criminel. Il devrait être examiné dans une optique scientifique qui repose sur des données probantes, particulièrement lorsqu'il s'agit des facteurs de risque et des méthodes de transmission, et non pas à la lumière de préjugés, de jugement et de phobie du VIH.
Les gens qui vivent avec le VIH ont besoin de services de santé et de mesures de soutien sociales, plutôt que de s'exposer à des menaces d'accusations criminelles et d'emprisonnement. La criminalisation de la non-divulgation du VIH mine le travail d'organisations comme le CSO, et cela alimente un climat de peur et de récriminations. Nous comprenons que le sujet de la criminalisation de la non-divulgation du VIH génère des points de vue, des opinions, des réflexions, des expériences et des sentiments différents. Le fait d'avoir ces conversations — même si elles sont parfois difficiles — est essentiel pour réagir de façon efficace aux conséquences de la criminalisation de la non-divulgation du VIH dans nos collectivités.
La divulgation de la séropositivité est un enjeu social complexe. Nos collectivités et notre société dans son ensemble n'offrent pas toujours des milieux sécuritaires et favorables à l'appui de la divulgation volontaire de la séropositivité. Souvent, lorsque les gens qui vivent avec le VIH divulguent leur séropositivité, ils sont rejetés et ostracisés, parfois même par les personnes les plus proches d'eux. Les gens peuvent craindre le rejet, la violence ou la discrimination ou ils peuvent s'inquiéter que leur statut puisse ne pas être tenu confidentiel par la personne à qui ils le divulguent.
Dans de nombreuses collectivités, le sujet de la sexualité et du VIH est tabou. Le racisme, le colonialisme, l'homophobie, la phobie des drogues, les normes sexospécifiques, les conditions économiques et les barrières culturelles et linguistiques sont tous des facteurs qui peuvent influencer la capacité d'une personne de divulguer son statut.
Dans l'écrasante majorité des cas, la très vaste application du droit pénal à l'exposition au VIH — qui prévoit souvent des peines draconiennes — fait beaucoup plus de mal que de bien. Plutôt que d'utiliser le droit pénal pour répondre à des cas d'exposition au VIH ou de transmission du VIH, notre société dans son ensemble devrait se diriger vers la réforme des droits et des politiques qui font obstacle à la prévention, au soutien et aux efforts de traitement du VIH fondés sur des données probantes. Collectivement, nous devons travailler à la promotion d'un environnement social et juridique qui appuie la divulgation volontaire et est sécuritaire à cet égard.
Lors de la Journée mondiale du sida, le 1er décembre, durant notre événement commémoratif annuel sur la Colline du Parlement, la ministre fédérale de la Santé, l'honorable Ginette Petitpas Taylor, a officiellement appuyé, au nom du gouvernement canadien, la stratégie « I=I » — indétectable équivaut à intransmissible — et a signé la déclaration de consensus d'experts. Les mots ne peuvent exprimer nos sentiments ni réellement transmettre nos émotions entourant l'occasion capitale lors de laquelle nous, en tant qu'organisation, ville, pays, et fait encore plus important encore, communauté du VIH, avons écrit l'histoire ensemble. Collectivement, nos cœurs étaient remplis de fierté, et les larmes coulaient sur nos joues. En même temps, nos mains étaient levées au ciel ou faisaient résonner un tonnerre d'applaudissements, tandis que le Canada est devenu le premier pays du monde à appuyer la stratégie I=I. Cela voulait dire que notre gouvernement déclarait fièrement qu'une personne vivant avec le VIH qui recevait un traitement et avait une charge virale supprimée ne pouvait pas transmettre sexuellement le virus à une autre personne. Il s'agit d'un exemple éclatant de collaboration entre le gouvernement et la communauté pour éradiquer la stigmatisation entourant le VIH-sida.
Le même jour que cette adoption, le gouvernement fédéral a annoncé une nouvelle ligne directrice pour aider à limiter les poursuites injustes contre des gens vivant avec le VIH au Canada. Cette nouvelle ligne directrice arrive après plusieurs années d'activités de défense des intérêts menées par des réseaux juridiques, de nombreux partenaires communautaires et gens vivant avec le VIH au Canada. Au CSO, nous estimons qu'il s'agit d'une mesure bienvenue et positive à l'égard des efforts continus pour mettre fin à la criminalisation du VIH. Nous reconnaissons que cela coïncide davantage avec les plus récentes données scientifiques concernant le VIH et sa transmission.
L'an dernier, la Coalition canadienne pour réformer la criminalisation du VIH — la CCRCV — a publié sa déclaration de consensus communautaire. Nous l'avons immédiatement signée, tout comme 160 autres organisations de partout au Canada.
Cette déclaration invitait le gouvernement fédéral à agir par rapport à ses préoccupations affirmées au sujet de la surcriminalisation du VIH et des conclusions d'un rapport de Justice Canada publié en 2017.
En tant qu'organisation locale à la défense de la communauté du VIH au Canada, nous sommes heureux que le gouvernement ait écouté notre voix collective en publiant cette nouvelle ligne directrice. Il s'agit d'un pas important dans la bonne direction. Le fait que la nouvelle directive énonce qu'il ne devrait pas y avoir de poursuites lorsqu'une personne vivant avec le VIH a maintenu une charge virale supprimée est un grand pas en avant, et cela concorde avec l'adoption déjà mentionnée par le gouvernement de la notion « indétectable équivaut à intransmissible ».
Cela dit, il importe de reconnaître que, depuis toujours, le Canada détient un des taux les plus élevés de criminalisation du VIH dans le monde, avec plus de 200 cas documentés à ce jour. Même si cette nouvelle ligne directrice représente un pas important pour réduire la stigmatisation des Canadiens qui vivent avec le VIH, beaucoup plus de travail doit être fait. Nous demandons au gouvernement fédéral de réformer le Code criminel du Canada pour faire en sorte que les poursuites liées au VIH soient exclues du droit relatif aux agressions sexuelles et ne soient appliquées qu'à la transmission intentionnelle.
En plus, la ligne directrice fédérale ne s'applique qu'au Nunavut, aux Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, puisqu'ils relèvent tous de la compétence fédérale. La majorité des gens qui vivent avec le VIH résident dans les 10 autres provinces. Nous continuons de demander aux gouvernements provinciaux d'adopter la ligne directrice fédérale et de mettre à jour leur orientation en matière de poursuites concernant les poursuites liées au VIH. Nous aimerions voir notre gouvernement fédéral travailler en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux pour s'assurer que la ligne directrice est normalisée et conforme partout au pays.
Pour terminer, nous aimerions féliciter le gouvernement fédéral d'avoir agi, et nous pressons l'Ontario et les autres provinces de faire aussi un pas en avant.
Merci de m'avoir fourni le temps de vous parler aujourd'hui.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à la Coalition interagence sida et développement.
Madame Montgomery, la parole est à vous.
Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs, de m'avoir fourni l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. La question de la criminalisation et de la non-divulgation du VIH est importante, et je suis ravie que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne étudie la question.
Je m'appelle Robin Montgomery et je suis directrice exécutive de la Coalition interagence sida et développement. Je n'ai pas de diplôme de droit ou de médecine. Toutefois, je suis une militante des droits de la personne et défenseure dans le domaine de la santé publique sur des questions liées au VIH ici, au Canada, et au sein de la communauté mondiale. Mes commentaires d'aujourd'hui seront fondés sur ce point de vue.
Dans notre travail à la Coalition interagence sida et développement, une coalition canadienne qui fait le pont entre les réponses nationales et mondiales et unit les mondes du VIH et du développement international, nous continuons d'observer les répercussions négatives de la criminalisation du VIH sur les personnes, les collectivités, les pays et les régions du Canada et dans le monde. Nous voyons les conséquences négatives pour les femmes, les communautés LGBT2QI et les collectivités noires et autochtones, pour n'en nommer que quelques-unes.
Nous constatons aussi ses conséquences nuisibles pour nos progrès collectifs visant à mettre fin au VIH en tant que menace de santé publique mondiale dans le cadre de notre programme de 2030 pour le développement durable, un engagement international dont le Canada est un signataire enthousiaste.
Nous savons que le VIH ne fait aucune discrimination. Il est ancré dans des questions sociales et structurelles complexes. En grande partie, c'est une cause et une conséquence de la pauvreté, où l'isolement, la marginalisation, la vulnérabilité, la stigmatisation et la discrimination sont ses amis les plus proches.
Une stratégie mondiale importante pour atteindre nos cibles et nos objectifs de 2030, en ne laissant personne derrière, est l'Initiative Accélérer, avec ses cibles 90-90-90, présentée par ONUSIDA et appuyée par le Canada. Cette stratégie repose sur des cibles de prévention et de traitement du VIH: si nous pouvons atteindre l'objectif selon lequel 90 % des gens qui vivent avec le VIH connaissent leur statut, 90 % des gens qui connaissent leur statut reçoivent un traitement antirétroviral et 90 % des gens qui reçoivent un traitement antirétroviral ont une charge virale supprimée, alors nous pourrons effectivement réussir à ne voir aucune nouvelle infection, aucun nouveau décès lié au sida et aucune stigmatisation et discrimination.
L'isolement du VIH au moyen de lois ou de poursuites particulières va directement à l'encontre de cette stratégie de santé publique mondiale dirigée par l'ONU. Aucune preuve n'indique que la criminalisation de la non-divulgation de l'exposition au VIH ou de sa transmission présente un avantage pour la santé du public. Toutefois, comme nous l'avons entendu aujourd'hui, un corpus de recherches croissant illustre comment de telles poursuites minent les interventions et les messages de santé publique en stigmatisant davantage les gens qui vivent avec le VIH ou qui sont à risque de le contracter, les exposant à un risque de violence et les éloignant davantage de la possibilité de découvrir leur statut et d'accéder à des services et à un traitement essentiels et qui peuvent sauver la vie. Comme nous le savons, la stigmatisation liée au VIH est le plus grand obstacle au dépistage, au recours à des traitements et à l'accès opportun à des services de prévention, de traitement, de soins et de soutien.
Comme nous l'avons entendu aujourd'hui, les épidémies de VIH sont alimentées par des infections non diagnostiquées du VIH, pas par des gens qui connaissent leur séropositivité. Il est maintenant bien établi que la possibilité de transmission du VIH par une personne séropositive ayant une charge virale indétectable comme résultat d'un traitement précoce et efficace est nulle. Les personnes séropositives ayant une charge virale supprimée ne peuvent pas transmettre le virus. Je vais vous renvoyer à la « déclaration de consensus d'experts sur la connaissance scientifique relative au VIH dans le contexte du droit pénal », une déclaration qui a été diffusée en juillet 2018 par 20 des principaux chercheurs mondiaux sur le VIH. J'ai des copies ici pour vous aujourd'hui, mais seulement en anglais. Je ferai le suivi au moyen d'une copie papier à la suite de la séance d'aujourd'hui.
La Déclaration d'Oslo sur la criminalisation du VIH de 2012, qui est le deuxième document que je vous ai distribué aujourd'hui, montre le corpus de recherches croissant qui illustre comment la criminalisation de la non-divulgation du VIH fait en réalité plus de mal que de bien pour ce qui est de ses répercussions sur la santé publique et les droits de la personne. Étant donné le nombre élevé d'infections non diagnostiquées, le fait de miser sur la divulgation pour se protéger et d'intenter des poursuites envers des personnes pour non-divulgation peut entraîner et entraîne effectivement un faux sentiment de sécurité.
Comme nos chers collègues de CATIE nous l'ont dit aujourd'hui, si notre objectif est d'encourager des gens à divulguer leur séropositivité à des partenaires et d'accéder rapidement à des services, l'utilisation de l'outil brutal du droit relatif aux agressions sexuelles pour y parvenir est contre-productif. Plutôt, une solution de rechange fondée sur des données probantes et des droits comprend des mesures qui créent un environnement permettant aux gens de rechercher et de réaliser les avantages du dépistage, du soutien et d'un traitement opportun, et de divulguer en toute sécurité leur séropositivité.
Même s'il y a peut-être un rôle limité au droit pénal dans de rares cas où des gens transmettent le VIH en toute connaissance de cause et avec une intention malveillante, nous nous faisons l'écho des experts, des défenseurs et des dirigeants à la Commission mondiale sur le VIH et le droit, d'ONUSIDA, du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé, de l'Organisation mondiale de la Santé et de la Coalition canadienne pour réformer la criminalisation du VIH. Nous préférons voir des gens qui vivent avec le VIH et qui sont à risque de le contracter soutenus et habilités depuis le moment du diagnostic, de sorte que même ces rares cas puissent être prévenus. Cela nécessite l'adoption d'une approche de prévention du VIH non punitive et non criminelle qui est centrée sur les collectivités où l'on trouve la meilleure expertise et compréhension au sujet des questions liées au VIH.
Que faisons-nous à partir de là? Nous sommes très encouragés par la ligne directrice fédérale en matière de poursuites de 2018 comme première étape solide, mais on doit faire davantage. L'accélération du travail auprès des procureurs généraux des provinces pour qu'ils appuient et suivent la ligne directrice du gouvernement fédéral est absolument essentielle. Des réformes du Code criminel sont aussi justifiées pour limiter davantage la vaste portée actuelle de la criminalisation du VIH au Canada.
Ces réformes devraient permettre d'atteindre deux objectifs: d'abord, mettre fin à l'utilisation du droit relatif aux agressions sexuelles comme moyen de criminaliser la non-divulgation du VIH; et ensuite, limiter toute utilisation du Code criminel à des cas de transmission intentionnelle et réelle du VIH à une autre personne.
Pour contribuer à faire avancer ce travail important qui a déjà été entrepris avec la ligne directrice fédérale, de vastes consultations multilatérales et une coopération entre les secteurs seront essentielles pour faire en sorte que les réformes juridiques soient ancrées dans les données scientifiques et médicales principales les plus à jour et que toutes les parties prenantes concernées participent de façon utile. Cela comprend des experts en droits de la personne et en droit; des experts en santé publique, et des experts médicaux et scientifiques; des experts de la société civile et de la communauté; et d'abord et avant tout, des experts ayant une expérience directe vécue — des gens qui vivent avec le VIH.
Le Canada a démontré un leadership mondial et une volonté politique extraordinaires pour réagir aux questions liées au VIH, aux droits de la personne, à la diversité des genres et à l'égalité des sexes. C'est malheureux, en plus d'être très incohérent et déroutant, que l'on se distingue aussi comme étant l'un des pays les plus agressifs au monde en ce qui a trait à la criminalisation de la non-divulgation du VIH. Nous arrivons au quatrième rang, uniquement derrière la Russie, les États-Unis et la Biélorussie.
Le leadership du Canada ici est absolument essentiel. Il enverra un signal important à d'autres pays qui procèdent à une réforme juridique ou qui doivent encore la commencer. Le fait d'éliminer entièrement les poursuites pour non-divulgation du VIH de la portée des lois relatives aux agressions sexuelles servira de catalyseur, dans un premier temps, pour ce qui est de la capacité du Canada d'atteindre ses propres cibles de 90-90-90, et dans un deuxième temps, de son engagement envers l'objectif de développement durable de ne laisser personne derrière. Dans un troisième temps, cela va s'harmoniser avec l'engagement du Canada à l'égard des droits de la personne et des approches en matière de santé publique fondées sur des données probantes.
Merci.
Merci, monsieur le président. Je vais d'abord adresser mes premières questions aux représentants de CATIE.
Vous avez parlé du très faible risque de transmission quand il y a une faible charge virale, lorsqu'un condom est utilisé correctement et dans le cas de relations sexuelles orales. Permettez-moi juste de dire que je soutiens la ligne directrice fédérale qui a été publiée, dans la mesure où je crois qu'elle établit un juste équilibre pour ce qui est de reconnaître l'autonomie individuelle sans surcriminaliser indûment ce qui, au bout du compte et dans l'ensemble, n'est pas un comportement nuisible et répréhensible.
Quel est le risque de transmission dans le cas où la charge virale n'est pas faible et qu'on n'utilise pas de condom?
C'est une très bonne question. Ces études sont difficiles à quantifier. On doit se fier aux déclarations de ce que des gens pourraient avoir fait ou non dans une certaine situation. On ne peut pas les observer dans une expérience en bonne et due forme, donc c'est incertain.
Ce qu'on peut dire, c'est que pour les relations sexuelles protégées avec un condom avec ou sans suppression virale, il n'y a pas de possibilité si le condom est utilisé constamment et correctement. Dans le contexte de relations sexuelles orales également, il n'y a pas de cas confirmé de transmission du VIH. Les données probantes sont très limitées, mais il y a une possibilité théorique si une personne a des relations sexuelles orales avec une personne séropositive et qu'il y a éjaculation. Toutefois, il n'y a pas de cas confirmé dans une étude scientifique.
Diriez-vous que même si le VIH n'est plus une maladie mortelle, il demeure clairement incurable et a de graves conséquences pour la santé d'une personne? Vous seriez d'accord avec cela.
Oui, mais pour être clair, une personne qui reçoit le diagnostic aujourd'hui et qui commence immédiatement un traitement a une espérance de vie près de la normale. Les études canadiennes l'ont démontré. Donc oui, ce n'est plus une maladie mortelle, mais les gens ont une espérance de vie près de la normale s'ils suivent un traitement.
Même les médicaments antirétroviraux, pour certaines personnes, ne fonctionnent pas toujours bien. J'ai vu quelques données probantes indiquant que des personnes qui utilisent des médicaments antirétroviraux ont des taux plus élevés de certaines maladies, y compris les maladies cardiovasculaires, le diabète et ainsi de suite. Pourriez-vous vous prononcer à ce sujet?
Le traitement du VIH a évolué au fil du temps. Au début, il n'était pas très efficace. Les traitements les plus récents sont assez simples. On peut les prendre une fois par jour. Fait encore plus important, ils comportent très peu d'effets secondaires. Ce que nous voyons maintenant dans les études qui examinent des personnes vieillissantes, c'est que les séropositifs ont les mêmes maladies que d'autres personnes. Dans certains cas, comme vous l'avez signalé, le risque cardiovasculaire a été associé au fait que le taux de tabagisme est le double ou le triple chez les personnes séropositives de ce qu'il est chez les personnes séronégatives pour le VIH.
Ce ne sont pas les médicaments qui sont en cause. Ce sont d'autres facteurs.
Merci.
Madame Montgomery, vous avez dit que vous êtes d'avis que, dans le domaine du droit criminel, on devrait prévoir dans le Code criminel des sanctions pour les personnes qui transmettent intentionnellement le VIH. Que diriez-vous dans le cas de l'irresponsabilité? Pourquoi cela ne devrait-il pas être visé par le domaine criminel? Encore une fois, lorsque le risque est beaucoup plus que négligeable... Je suis assurément d'accord pour dire que lorsque le risque de transmission est négligeable, qu'il soit intentionnel ou non, cela ne devrait pas être visé par le droit pénal, mais si le risque est supérieur au risque négligeable et que la conduite était non pas intentionnelle, mais irresponsable, n'y a-t-il pas de place pour le droit pénal à cet égard? Sinon, pourquoi pas?
Merci beaucoup de poser cette question très importante. Je vais demander à mes collègues de CATIE, du CSO et du FAEJ d'intervenir également.
Pour répondre à cette question, je vous demanderais d'abord de définir un comportement « irresponsable » et de dire envers qui. Les relations de pouvoir jouent un rôle important dans toutes les négociations sexuelles. Quand nous examinons les conséquences de la transmission du VIH et des poursuites contre les femmes en particulier, ainsi que les communautés marginalisées, de façon beaucoup plus importante, dans l'ensemble, elles viennent souvent d'un lieu de marginalisation, où les relations de pouvoir ne sont certainement pas à leur avantage.
Je crois qu'il est très difficile de définir un comportement irresponsable, parce que l'éventail des données probantes pour réellement prouver, à ce moment, si l'acte est irresponsable ou non est très limité.
Histoire d'alimenter la question de M. Cooper pour le groupe de témoins, ou pour des questions futures, disons qu'une personne est atteinte du sarcome de Kaposi, par exemple, qu'elle a des signes réels du sida et qu'elle ne subit pas de dépistage, ou disons qu'une personne se fait dire par son partenaire précédent: « J'ai reçu un diagnostic de VIH, donc tu devrais subir un dépistage » et qu'elle ne le fait pas. Il y a d'autres éléments d'irresponsabilité, mis à part l'absence de pouvoir, que vous voudriez peut-être examiner.
Monsieur Ehsassi, allez-y.
Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Brett et à M. Hosein.
J'ai examiné votre plan stratégique pour 2019-2020. Dans ce plan, vous signalez qu'il y a un certain nombre de lacunes stratégiques qui empêchent la réduction du VIH dans les communautés marginalisées. Pourriez-vous parler de ces lacunes?
Il y en a beaucoup. En fait, pour un pays à revenu élevé ayant un système de soins de santé solide, le Canada se classe surprenamment en mauvaise position pour ce qui est de l'accès au dépistage, au traitement et aux soins. Juste à titre de comparaison, Mme Montgomery a dit plus tôt que nous nous sommes engagés à l'égard de la stratégie mondiale consistant à atteindre 90 % de dépistage, 90 % de traitement et 90 % de suppression virale. Au Canada, dans l'ensemble, seuls 63 % des personnes vivant avec le VIH ont une charge virale supprimée, et c'est attribuable au manque d'accès au dépistage et au traitement. À titre de comparaison, aux États-Unis, 97 % des gens qui vivent avec le VIH et reçoivent un traitement ont une charge virale supprimée; au Canada, ce ne sont que 91 %.
Nous avons un système de soins de santé publique, donc cela ne devrait pas être un problème au Canada. Vraiment, cela revient à l'accès au traitement et aux soins. Par exemple, si vous regardez l'accès au dépistage et au traitement sur les réserves dans les collectivités autochtones, pour certaines d'entre elles, ce n'est pas possible de voir un spécialiste du VIH. Ce sont les types d'obstacles que nous observons partout au pays.
Merci.
Une autre chose sur laquelle je suis tombé dans votre publication concernait les autres questions touchant les politiques et les ressources qui devaient être abordées. Vous avez recensé un certain nombre d'enjeux. Vous avez parlé de l'accès inadéquat à des services de réduction des méfaits, à un manque de places dans les services de lutte contre la toxicomanie et à une éducation inadéquate en matière de santé sexuelle.
Une chose qui a attiré mon attention en particulier, c'est lorsque vous avez parlé des réformes carcérales régressives qui nuisent à notre capacité de composer avec ce problème. Pourriez-vous expliquer quelles seraient les réformes carcérales régressives?
C'est difficile d'en parler, parce que je n'ai pas le document complet sous les yeux. Toutefois, au moment où le document a été rédigé, par exemple, les sites d'injection supervisée n'étaient pas offerts dans les établissements carcéraux. Ces établissements sont le lieu où la transmission du VIH et de l'hépatite C atteint certains des plus hauts niveaux au Canada.
Il y a maintenant un processus en cours pour ce qui est de piloter un nouveau projet. Je ne sais pas si c'est à cet exemple que vous faites allusion. Ce serait un exemple où nous pourrions faire mieux au chapitre du VIH et de l'hépatite C dans les établissements carcéraux.
Nous n'avons pas de données récentes. Nous attendons que le Service correctionnel du Canada fournisse cette mise à jour.
D'accord. Je vous remercie.
Madame Montgomery, vous avez parlé de certains changements catalyseurs. En particulier, vous avez mentionné la ligne directrice de 2018 et l'importance d'accélérer les efforts pour rallier les provinces.
Croyez-vous qu'il est important que le gouvernement fédéral s'assure d'aborder cette question au cours des prochaines réunions fédérales-provinciales-territoriales? Cela aiderait-il?
Oui, je crois que cela servirait de point de départ, puis j'espère que cela supposerait une coordination et une coopération plus étroites avec des représentants de la santé publique et des groupes de la société civile, et plus particulièrement des communautés touchées par le VIH. Le fait de rassembler tout le monde serait le moyen le plus positif, holistique et global de tenir compte de ces réformes.
Toutefois, oui, je crois que c'est un pas dans la bonne direction.
Je suis d'accord avec tout ce que Mme Montgomery a dit. Comme je l'ai également mentionné, nous nous félicitons évidemment de la nouvelle directive et pensons que c'est un énorme pas en avant pour aborder enfin ce sujet très important. Cependant, pour qu'elle soit pleinement efficace, et particulièrement auprès de populations prioritaires, les personnes vivant avec le VIH, en matière de données épidémiologiques et ce genre de choses, elle devrait se répercuter sur les provinces.
L'Ontario, où nous sommes tous, est l'une des provinces où le taux de personnes vivant avec le VIH est le plus élevé. Je sais que l'Ontario a commencé à travailler sur cette question en particulier, mais malheureusement, elle semble être en suspens pour le moment, et la province n'a pas donné suite autant que la directive fédérale. À moins d'une directive normalisée et uniforme partout au Canada, nous ne verrons pas toutes les répercussions de l'élimination, espérons-le, de la criminalisation de la non-divulgation de la séropositivité.
Pouvez-vous définir ce que vous entendez par irresponsabilité?
C'est l'une des choses dont nous n'avons pas parlé. Il semble que la responsabilité de la divulgation — le fait de ne pas être irresponsable —, de tout faire selon les règles, incombe toujours à la personne vivant avec le VIH.
Lorsque deux personnes s'engagent dans une relation... nous sommes tous responsables de notre propre santé. Je n'avais que huit minutes aujourd'hui pour prendre la parole, je n'ai donc pas mis l'accent sur cet aspect. Il faut détourner le fardeau, qui doit incomber non plus à la personne vivant avec le VIH, mais à tout le monde. Lorsque nous nous engageons dans une relation, nous ne devrions pas présumer que le droit pénal remplace l'utilisation d'un préservatif ni penser à ce que tout le monde pourrait nous dire. Nous avons cette responsabilité quant à la façon dont nous gérons notre propre santé.
Lorsque vous parlez de comportement irresponsable, je ne suis pas sûr de la définition du comportement irresponsable. Je pense que personne dans cette salle ne peut affirmer n'avoir jamais eu de comportement irresponsable lorsqu'il s'agit de s'engager dans une relation avec quelqu'un d'autre. Si vous pouviez clarifier cela, il serait plus facile de répondre à la question.
Nous avons épuisé le temps de M. Ehsassi. Nous sommes arrivés au temps de parole alloué à M. Garrison.
Encore une fois, je pense que la définition d'irresponsabilité existe en droit pénal. Je vous conseillerais donc de l'examiner.
Nous allons passer à M. Garrison.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je dois commencer comme je le fais toujours, en tant qu'homosexuel qui a passé la plus grande partie de sa vie à être impatient avec la façon dont le gouvernement aborde les problèmes liés au VIH.
Je tiens à remercier Mme Montgomery d'avoir mentionné la Déclaration d'Oslo sur la criminalisation du VIH, datée de février 2012.
Nous sommes dans une situation où nous avons une directive positive d'application limitée, et ces audiences, sont, bien entendu, très utiles. Toutefois, elles se produisent à un moment de la présente législature où rien d'essentiel n'est susceptible de se produire. Alors, j'essaie d'être à nouveau optimiste. Cela signifie que nous avons le temps de bien faire les choses.
Ma question concerne d'autres aspects du Code criminel.
CATIE nous a donné des raisons scientifiques irréfutables pour ne pas criminaliser la non-divulgation de la séropositivité, et je pense que ce point de vue a été maintes fois présenté. À mon avis, le Code criminel contient d'autres éléments qui ont une incidence sur l'accès au dépistage et au traitement, et je me demande si le Comité ne devrait pas se pencher sur d'autres éléments.
Je vais peut-être commencer par M. Salam, puisqu'il a été interrompu la dernière fois.
Désolé, quelle était votre question? Quelles sont les choses que nous devrions envisager quant à la façon...?
En plus de la décriminalisation de la non-divulgation, le Code criminel comporte d'autres aspects qui ont une incidence sur l'accès au dépistage et au traitement.
Je pense que cette nouvelle directive constitue un élément important à cet égard.
Une des choses dont je peux vous faire part quant à ce que nous avons remarqué est probablement la plus puissante.
Très rapidement, l'année dernière à Ottawa, c'était notre année I=I. Nous avons beaucoup travaillé avec nos partenaires communautaires autour des mots « indétectable et intransmissible ». Depuis que les messages ont été diffusés et que le gouvernement canadien a officiellement approuvé la démarche, le changement observé chez les personnes vivant avec le VIH, ainsi que chez celles à risque qui ne connaissent pas leur statut, a été énorme et important. Nous avons réalisé des projets artistiques autour de cela, relativement à l'incidence sur les vies. Nous avons parlé à des personnes à risque afin de savoir si elles étaient plus à l'aise de subir un test de dépistage du VIH maintenant ou si elles estimaient que cela avait changé les choses. La réponse a été un oui retentissant.
Maintenant, je sais que, si je subis un test de dépistage, que je suis séropositif, que j'ai la possibilité de suivre un traitement et d'être indétectable, je ne suis plus un vecteur de transmission. Il y a beaucoup moins de risque d'être criminalisé pour ce qui est de la transmission du virus à quelqu'un d'autre. Cela a fait une énorme différence, de cette manière.
En ce qui concerne les autres aspects du Code criminel, je ne suis pas avocat. Je pense que les gens de CATIE ont mentionné que les experts en la matière sont HALCO, la clinique d'aide juridique sur le VIH et le sida en Ontario, par exemple, et le Réseau juridique canadien VIH-sida. Ils seraient beaucoup mieux à même de répondre à cette question.
Ce que je peux vous dire, c'est que le droit relatif aux agressions sexuelles doit être complètement supprimé de toute affaire impliquant la non-divulgation de la séropositivité.
Dans votre travail, pensez-vous que la criminalisation de l'usage de drogue et du commerce du sexe empêche l'accès au traitement?
Je pourrais peut-être demander à nos amis de Toronto, le FAEJ, le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, ou CATIE, s'ils souhaitent réagir aux répercussions de la criminalisation du travail du sexe et de la consommation de drogue sur l'accès au traitement et au dépistage.
Merci de soulever cette question.
Je ne voulais pas trop m'éloigner du sujet dont il est question ici, mais CATIE considère absolument de la même manière que la criminalisation — notre politique en matière de drogue et en ce qui concerne le travail du sexe — a une incidence sur l'accès aux services liés au VIH dans le continuum de soins, depuis le dépistage jusqu'au traitement et aux soins.
J'ajouterai simplement que nous savons que les femmes qui travaillent dans cette industrie, que vous l'appeliez travail ou autre, sont particulièrement vulnérables à la violence et peuvent se trouver dans une situation particulièrement difficile en ce qui concerne la divulgation de leur séropositivité. Dans certains cas, des femmes ont subi une violence importante après la divulgation de leur séropositivité, allant jusqu'au meurtre.
Encore une fois, en ce qui a trait à la nécessité d'utiliser un préservatif, nous savons que les femmes qui échangent des faveurs sexuelles contre de l'argent n'ont pas toujours le contrôle sur l'utilisation du préservatif par leur partenaire ou peuvent être payées afin de ne pas l'utiliser. Ces femmes sont particulièrement vulnérables à la criminalisation excessive en vertu de la norme et quant aux types de violence pouvant découler de la non-divulgation de la séropositivité ou de l'obligation d'utiliser cette protection. Cela peut rendre impossible le respect des normes juridiques requises pour elles.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
Madame Montgomery, vous avez parlé de la stratégie 90-90-90 et du fait que le Canada a pris beaucoup de retard dans la mise en œuvre de cette stratégie. Pouvez-vous nous donner des exemples d'endroits un peu partout dans le monde où cette stratégie a été mise en œuvre et préciser quelles sont les lois pénales de ces pays en ce qui concerne la non-divulgation de la séropositivité?
Bien sûr, merci beaucoup.
Tout d'abord, il serait très utile que je puisse donner des renseignements plus détaillés après la séance d'aujourd'hui, car je n'ai pas toute l'information à portée de main. Cependant, je peux dire que, selon l'ONUSIDA — et je ferai moi-même référence à quelques renseignements de base ici, simplement parce que ma mémoire à court terme n'est pas excellente —, dans le monde entier, pour ce qui est de savoir où nous en sommes dans l'atteinte de nos cibles 90-90-90, nous ne sommes pas sur la bonne voie. Tandis que nous assistons à une prévention générale ou à une baisse des nouvelles infections, les chiffres augmentent encore dans de nombreuses régions du monde.
En 2017 — il s'agit de statistiques provenant de la Journée mondiale du sida, le 1er décembre 2018 —, si nous examinons la cascade 90-90-90 du traitement, trois personnes sur quatre vivant avec le VIH connaissaient leur état sérologique VIH; en d'autres termes, environ 75 % des personnes connaissaient leur séropositivité dans le monde. Parmi celles qui connaissaient leur état, environ quatre sur cinq avaient accès à un traitement, soit environ 79 %. Encore une fois, nous sommes loin de la cible des 90. Parmi les personnes ayant accès à un traitement, quatre personnes sur cinq avaient une charge virale supprimée, ou 81 %, et 47 % des personnes vivant avec le VIH dans le monde sont considérées comme ayant une charge virale supprimée. Nous avons beaucoup de chemin à faire.
Cette stratégie a été largement approuvée par tous les États membres des Nations Unies. C'est la principale stratégie mondiale de santé publique mise en œuvre pour atteindre les objectifs à l'horizon 2030. Nous observons cependant un ralentissement des progrès qui est attribuable en grande partie à la baisse du financement des activités de prévention du VIH, en particulier au sein de la collectivité, ainsi qu'à un essoufflement de la volonté politique, où l'enjeu est considéré non plus comme une priorité par les gouvernements et les décideurs, mais plutôt comme ne faisant même plus partie du programme.
Cependant, il s'agit d'un problème extrêmement critique, et si nous voulons atteindre la cible de 90-90-90 dans les pays du monde entier, nous devons vraiment intensifier la lutte, ce qui signifie également plus de ressources et une plus grande volonté politique.
Merci beaucoup.
Je vais donner la parole à M. Salam, si vous le permettez.
Vous avez parlé un peu de la non-divulgation et de la négligence intentionnelle par rapport à la négligence involontaire — et s'agit-il de négligence ou est-ce irresponsable ou dangereux à cet égard — en ce qui concerne la structure actuelle de nos lois pénales. Nous constatons que les dispositions relatives à la non-divulgation de la séropositivité relèvent d'une affaire d'agression sexuelle. Si nous devions retirer cet aspect, où retrouverait-on une telle exposition intentionnelle au VIH?
J'aimerais pouvoir répondre à la question. Hier soir, j'ai sincèrement pensé que cette question reviendrait à l'un de nous. Il est dommage de ne pas avoir aujourd'hui de représentants du Réseau juridique canadien VIH-sida ou de HALCO pour aborder cette question, car ce sont eux qui possèdent ces connaissances. Je n'ai aucune formation juridique. J'aimerais pouvoir répondre à la question en ce qui concerne l'endroit où cet aspect se retrouverait lorsqu'il y a une transmission intentionnelle prouvée du VIH.
En ce qui concerne ma propre expérience de travail avec une multitude de personnes vivant avec le VIH, je peux vous dire que j'ai fait beaucoup de travail de soutien auprès d'un grand nombre de personnes différentes, et que je n'ai jamais rencontré une seule fois — ou par l'entremise de mes collègues ou d'autres sources — quiconque vivant avec le VIH qui n’avait jamais tenté de transmettre le virus à quelqu'un d'autre. Je peux vous dire que les personnes vivant avec le VIH sont, de fait, les plus prudentes et les plus préoccupées par la santé de leur entourage, y compris leurs partenaires sexuels potentiels. Je n'ai jamais rencontré des membres d'une collectivité plus soucieux et plus prudents que les personnes vivant avec le VIH en ce qui concerne la protection de la santé des autres. Quand vous parlez de transmission intentionnelle, il est rarissime que cela se produise. Il faudrait certainement aussi prouver à 100 % qu'il y avait une intention délibérée, ce qui n'arrive pas tout le temps. Je pense que plusieurs des cas que nous avons vus ont été motivés et alimentés par la stigmatisation du VIH plus que toute autre chose lorsqu'il est question de poursuites.
Malheureusement, comme je l'ai dit, je ne suis pas avocat, et je ne peux donc pas répondre à votre question quant à l'endroit où devrait figurer une telle mesure. Cependant, c'est une excellente question, et espérons que le Comité pourra faire un suivi auprès des sources juridiques afin d'obtenir cette réponse.
Je suis entièrement d'accord avec M. Salam. Je pense que c'est une question qui mérite vraiment un examen très minutieux, y compris un examen de ce qu'ont fait d'autres pays du monde, d'autres administrations. J'ai quelques exemples ici: l'Australie, le Kenya, la Suisse. En 2016, la Suisse a tenu un référendum sur une nouvelle loi limitant la criminalisation de la transmission intentionnelle du VIH. Il existe beaucoup de bonnes pratiques. La meilleure réponse à votre question serait d'effectuer un examen exhaustif de ce qui a fonctionné dans d'autres pays et de ce qui pourrait s'appliquer à notre contexte canadien.
Je vous remercie.
Si vous le permettez, je vais les prendre. J'aimerais poser une question à Mme Segal.
Madame Segal, je suis tout à fait d'accord pour dire que cela ne devrait pas relever du droit relatif aux agressions sexuelles. Je suis tout à fait d'accord pour dire que nous devons changer radicalement la manière dont nous encadrons cela. Là où j'ai de la difficulté... Pratiquement toutes les personnes qui ont comparu devant le Comité ont dit qu'il fallait à la fois transmettre le virus et avoir l'intention de le transmettre.
Je trouve cela très difficile. Vous êtes le premier témoin à avoir parlé d'irresponsabilité. Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'irresponsabilité ou d'aveuglement volontaire, mais il doit y avoir quelque chose au-delà de l'intention de transmettre. Un exemple serait dans le cas de deux partenaires où l'un d'eux demande spécifiquement à l'autre: « As-tu des MTS? », et l'autre personne ment. Pour moi, la norme est que, s'il y a transmission, il devrait y avoir des conséquences juridiques, même si l'intention n'était pas de transmettre le virus.
Pouvez-vous nous dire quelle est la position du FAEJ face à l'irresponsabilité et pourquoi vous avez choisi l'irresponsabilité comme étant la norme?
Merci beaucoup de me poser cette question. J'ai écouté cette discussion dans l'espoir de pouvoir intervenir.
En ce qui concerne l'intention, tout d'abord, il est presque impossible de la prouver. Prouver l'intention, c'est prouver l'état d'esprit subjectif de la personne à l'époque. Si l'exigence est de prouver l'intention, nous pourrions aussi bien décriminaliser complètement la non-divulgation de la séropositivité, car il sera presque impossible pour la Couronne de prouver une transmission intentionnelle.
De même, vous avez donné un excellent exemple de la raison pour laquelle l'intention seule n'est pas une norme suffisante. Dans ce cas où quelqu'un dit: « Non, je n'ai pas le VIH, merci de demander » et a ensuite des relations sexuelles sans protection, cette personne peut ne pas vouloir transmettre le virus, mais elle est indifférente quant à savoir si elle transmet le virus. Nous pensons qu'il est possible de protéger les personnes qui ont subi des lésions corporelles, une atteinte à leur intégrité corporelle en raison de l'indifférence de leur partenaire sexuel à l'égard de leur propre santé physique.
Pour ce qui est de l'exigence concernant la transmission, je pense que c'est un bon moyen d'équilibrer les préoccupations relatives à ce qu'est l'irresponsabilité et ce qui sera défini comme irresponsabilité. Vous l'avez mentionné, l'irresponsabilité est définie en droit pénal, et ce serait une question de fait qui serait tranchée par chaque juge. La directive fédérale en matière de poursuites éclairerait cette décision. Les données scientifiques les plus récentes, les plus à jour, éclaireraient cette décision. L'exigence concernant la transmission permettrait aussi indirectement d'établir que certaines mesures ont été prises. Cela réduirait les préoccupations liées à toute la question de la criminalisation excessive tout en offrant également une certaine protection aux personnes qui se voient refuser la possibilité de choisir en toute connaissance de cause au sujet de leur propre santé et de leur propre intégrité physique.
Étant donné que j'ai la parole, j'aborderai rapidement de la question de savoir où cet élément devrait figurer dans le droit pénal. Je pense que c'est une question que le Comité doit sérieusement examiner; il doit tenir compte de ce qui existe dans le droit pénal canadien et réfléchir soigneusement à l'endroit où cet élément peut être placé. Certains ont laissé entendre que la négligence criminelle causant des lésions corporelles pourrait constituer une norme. Selon le FAEJ, l'accent devrait être mis sur la transmission avec une certaine réserve pour l'irresponsabilité dans les cas où la transmission a effectivement eu lieu, mais que l'accusé a pris des mesures raisonnables pour l'empêcher.
Merci beaucoup.
Si vous voulez regarder ce que la Californie vient de faire et si vous avez des idées à ce sujet, veuillez envoyer un courriel au Comité. Ce serait intéressant. Un projet de loi du Sénat californien traite le VIH comme toutes les maladies transmissibles et considère sa transmission intentionnelle comme la transmission réelle d'une maladie transmissible.
J'apprécie vraiment l'aide de tout le monde aujourd'hui. Vos exposés ont tous été très stimulants.
J'aimerais demander au deuxième groupe de témoins de bien vouloir s'avancer. Je sais que les deux personnes du deuxième groupe sont ici.
Merci à tous les témoins du groupe actuel. Nous allons faire une brève pause pendant que nous changeons de groupe.
Nous reprenons nos travaux avec notre deuxième groupe de témoins sur la criminalisation de la non-divulgation de la séropositivité. Je suis ravi d'accueillir ici M. Kristopher Wells, de l'Université MacEwan. Nous accueillons Mme Shelley Williams, la directive exécutive de HIV Edmonton. Par vidéoconférence, nous entendrons Mark Tyndall, chef de la recherche et de l'évaluation du BC Center for Disease Control.
Bienvenue.
Monsieur Tyndall, nous avons tendance à commencer par les vidéoconférences, car nous ne voulons pas perdre la communication. Je vais donc vous demander de commencer. Vous disposez de huit minutes pour présenter votre exposé au Comité.
Bonjour, de Vancouver.
C'est un plaisir d'être invité à prendre la parole devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne à propos de la criminalisation de la non-divulgation de la séropositivité.
Il s'agit d'une question très importante dont les répercussions sur la santé publique vont bien au-delà des accusés. J'aimerais me concentrer sur ces conséquences imprévues.
Je suis spécialiste des maladies infectieuses et épidémiologiste. J'étais récemment directeur du BC Centre for Disease Control et médecin hygiéniste provincial adjoint de la Colombie-Britannique. Je travaille dans le domaine de la prévention depuis plus de 30 ans. J'ai commencé mes études de médecine en 1982, année où cette nouvelle maladie, appelée plus tard sida, a été décrite chez des homosexuels à New York et à San Francisco. J'ai travaillé dans des cliniques et mené des recherches avec des hémophiles, des homosexuels, des peuples autochtones, des travailleurs du sexe et, plus récemment, des toxicomanes. J'ai passé quatre ans au Kenya à travailler sur la prévention du VIH en l'absence de traitement. J'ai eu l'occasion de travailler et de collaborer avec des chefs de file mondiaux en matière de prévention du VIH et j'ai présenté des exposés à des centaines de conférences et de réunions sur le dépistage, le traitement et la prévention du VIH.
Je peux affirmer avec insistance ne pas me souvenir d'avoir parlé à quelqu'un dans le domaine du VIH qui pensait que le fait de criminaliser des personnes pour la transmission du VIH était un moyen de dissuasion utile pour prévenir la transmission. En outre, je ne me souviens pas d'avoir parlé à quelqu'un qui pensait que porter des accusations en vertu du Code criminel, notamment d'agression sexuelle grave, s'apparentait à une forme d'équité, même s'il s'agissait de transmission du VIH.
J'ai participé à trois affaires en tant que témoin expert. Dans aucun de ces cas, le VIH n'a été transmis, et, dans tous les cas, l'accusé a pris des mesures considérables pour réduire le risque de transmission en utilisant des préservatifs et/ou des médicaments antirétroviraux. J'ai été étonné de voir à quel point les avocats de la Couronne étaient tellement préoccupés par la différence entre « aucun risque » et « risque négligeable » de transmission. C'est fondamentalement la même chose, en fait. Parmi les quelque 60 millions d'infections au VIH survenues dans le monde, il est très probable qu'une personne ait été infectée même si le préservatif a été utilisé correctement ou que la transmission a eu lieu lors de relations sexuelles orales, mais les probabilités sont les mêmes que le fait de gagner ou, dans ce cas, de perdre à la loterie. Il est clair que bon nombre des expositions potentielles envisagées dans les procédures pénales au Canada ne posent aucun risque pratique de transmission du VIH.
En santé publique, il est toujours préférable de mobiliser, d'informer, d'éduquer et de créer des environnements où les gens se sentent à l'aise pour discuter de leurs préoccupations. Les actions punitives et les sanctions, en particulier à l'extrémité du système de justice pénale, sont vouées à l'échec. Pousser les gens dans l'ombre en misant sur la peur est toujours contre-productif. Pensez à la criminalisation des drogues.
Toutefois, ce sont les conséquences imprévues et non mesurables de ces lois qui les rendent particulièrement dommageables pour la prévention du VIH en général. Les données probantes à l'appui de cette affirmation sont clairement décrites dans deux documents de consensus soumis dans le cadre de la présente procédure. Il s'agit de la déclaration consensuelle d'experts sur la science du VIH dans le contexte du droit criminel, de 2018, et de la déclaration de consensus canadien sur le VIH et sa transmission dans le contexte du droit pénal, publiée en 2014, dont je suis le coauteur principal.
Comme bon nombre de sujets, dans le cas du VIH, l'idéologie et la peur sont au coeur du débat et non pas tant la science et les données probantes. Si cela avait été fondé sur la science et les données probantes, il n'aurait jamais été envisagé de criminaliser la non-divulgation de la séropositivité en premier lieu. Vous entendrez peut-être d'autres témoins experts dire que la science a changé et que les lois doivent changer aussi, mais je ne pense pas que ces lois relatives à la non-divulgation étaient justifiées il y a 30 ans lorsque nous entendions parler de la transmission du VIH.
Même si l'on a découvert que la transmission du VIH était toujours possible pendant le traitement antirétroviral ou que les préservatifs n'étaient pas aussi efficaces qu'on le croyait pour prévenir la transmission du VIH, les lois étaient toujours injustifiées du point de vue de la santé publique. Rien dans la santé publique ne justifie des sanctions pénales pour des comportements sexuels. Les responsables de la santé publique disposent déjà de suffisamment d'outils pour identifier toute personne susceptible d'en venir à la situation rare de tenter d'infecter d'autres personnes.
La criminalisation de la non-divulgation comporte trois conséquences principales pour la santé publique. Il est difficile de mesurer de manière empirique l'ampleur réelle de ces conséquences pour la santé publique, mais elles sont essentielles à ce débat.
La première conséquence est l'incidence sur le dépistage du VIH. L'extension et la normalisation du dépistage du VIH constitue une priorité dans la prévention du VIH. On estime que 20 % des Canadiens séropositifs ne connaissent pas leur état. Toute politique décourageant le dépistage du VIH doit être éliminée, et la menace de criminalisation pour non-divulgation figure en tête de liste des priorités. Pourquoi les gens se soumettraient-ils au dépistage sachant le risque auquel ils sont exposés? Je peux franchement dire que je réfléchirais à deux fois en sachant quelles seraient les répercussions.
Nous voulons encourager les personnes susceptibles d'être infectées par le VIH à subir régulièrement des tests de dépistage. Cela devrait être comme le dépistage du diabète ou de l'hypercholestérolémie. Vous passez un test, vous obtenez un diagnostic et vous recevez un traitement et de l'information.
La deuxième répercussion est l'incidence sur la divulgation elle-même. Bien que nous puissions tous convenir que les personnes devraient divulguer leur séropositivité à un partenaire sexuel, ces lois découragent paradoxalement les personnes de divulger leur état. Si les gens comprenaient les très petites probabilités de transmission, même lors de relations sexuelles sans aucune protection, ils prendraient probablement le risque. Pourquoi compliquer la relation en sachant quelles sont les implications potentielles? De nombreuses affaires pénales avaient trait à des relations qui ont mal tourné, et les procédures pénales sont utilisées comme un moyen de se venger d'une personne en particulier, souvent longtemps après la rencontre.
La troisième répercussion est que la peine pénale dépasse de loin le crime. Même si le VIH a été transmis lors d'une exposition sexuelle n'incluant pas la divulgation de la séropositivité, une déclaration de culpabilité pour agression sexuelle l'emporte de loin sur les conséquences réelles de la séropositivité. L'espérance de vie d'une personne séropositive sous traitement antirétroviral est maintenant égale à celle d'une personne séronégative. Le traitement est à ce point efficace.
Il est certes vrai que le fait de vivre avec le VIH pose d'autres défis émotionnels et psychologiques, mais c'est en grande partie à cause de la stigmatisation qui entoure toujours le VIH au Canada. En outre, les personnes qui sont accusées sont souvent elles-mêmes des victimes. La seule façon dont ces cas viennent à l'attention des responsables de l'application de la loi, c'est lorsqu'une personne s'est mise en colère, nourrissait une rancune personnelle ou si l'on a affaire à une autre situation inhabituelle.
La loi n'est pas appliquée de manière uniforme, et seule une proportion relativement faible de personnes sont touchées. Si nous pensions réellement que la non-divulgation devrait être un outil essentiel pour réduire la transmission du VIH, alors chaque nouvelle infection à VIH serait signalée à la police, qui mènerait alors une enquête approfondie sur les circonstances de cette transmission. Nous constaterions que la plupart des nouvelles infections se produisent lorsque des personnes se retrouvent dans des situations où elles ne savent pas ou ne demandent pas quel est l'état sérologique VIH de leur partenaire. À l'évidence, ce serait une politique désastreuse.
Les lois sur la non-divulgation du VIH étaient une erreur dès le départ. Maintenant, des décennies plus tard, nous débattons de quelque chose qui n'aurait jamais dû être promulgué. Bien que la criminalisation puisse sembler dissuasive, nous savons que ce n'est pas le cas. Je suis fermement convaincu qu'il est temps de modifier le Code criminel sur la non-divulgation du VIH, car cela cause de graves injustices aux personnes accusées et a des conséquences négatives imprévues sur la lutte contre la transmission du VIH au Canada.
Je vous remercie.
Bonjour. Je m'appelle Kristopher Wells et je suis professeur agrégé à la faculté des études sanitaires et communautaires de l'Université MacEwan, à Edmonton.
Mes études, mon enseignement et ma mission professorale sont surtout axés sur les minorités sexuelles et de genre — c'est-à-dire la communauté LGBTQ2 —, en particulier en ce qui concerne les jeunes, l'éducation, la santé, le sport et la culture. Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à la séance de ce matin de votre comité.
Dans le cadre des conférences Massey, en 2013, M. Lawrence Hill, l'auteur canadien de renom, a donné un exposé intitulé « Blood: The Stuff of Life », soit « le sang, source de la vie ». Dans son exposé, il pose la question suivante: « De quelle façon le sang nous unit-il et nous sépare-t-il? »
C'est un questionnement important, compte tenu de l'histoire du VIH et du sida et de la façon dont ils ont à jamais changé notre monde, les pays et les lois. Au lieu d'accorder une si grande importance au sang de certaines personnes, je crois que nous devrions accorder de l'importance à la vie de ces personnes. Les lois et les politiques en vigueur au Canada semblent laisser entendre que le sang de certaines personnes est plus dangereux que le sang des autres, et qu'il doit par conséquent être réglementé et contrôlé.
Voici un fait choquant: le taux de poursuites pour non-divulgation alléguée de la séropositivité au Canada est parmi les plus élevés au monde et il y a plus de 200 cas documentés. L'approche que le Canada a récemment adoptée à l'égard de la criminalisation de la non-divulgation de la séropositivité a été décrite comme étant « exceptionnellement punitive » et une possible atteinte aux droits de la personne des gens atteints du VIH.
Voici la question à laquelle on devrait réfléchir: Pourquoi les mesures prises à l'égard du VIH sont-elles si contraignantes et si disproportionnées? Par exemple, il y a eu très peu de poursuites concernant les autres maladies transmissibles comme le VPH et les hépatites B ou C. Peut-être que cette approche distincte pour le VIH reflète, dans les faits, ce qui se passe dans la société; à savoir que de fausses informations circulent et se répandent toujours, et que les gens atteints du VIH sont toujours stigmatisés, en particulier dans le système de justice pénale.
Selon de nombreuses études, les personnes marginalisées ou vulnérables, y compris les personnes racialisées, autochtones, bispirituelles ou qui appartiennent à une minorité sexuelle ou de genre, craignent de façon disproportionnée d'être visées par des poursuites injustes. La criminalisation constitue également un obstacle important à l'accès au test de dépistage du VIH et au traitement, comme on vous l'a déjà dit.
La criminalisation actuelle de la non-divulgation de la séropositivité ne cadre plus avec l'évolution de nos connaissances scientifiques, les progrès au chapitre des traitements médicaux et le consensus international selon lequel « indétectable égal intransmissible », ce qui veut dire que le risque de transmission du VIH est effectivement nul si la charge virale de la personne atteinte est indétectable. Le VIH n'est pas un virus qui se transmet facilement. Nous connaissons bien ses modes et ses types de transmission.
Selon l'article intitulé « Expert consensus statement on the science of HIV in the context of criminal law » — titre que l'on pourrait traduire par consensus des experts sur la science du VIH dans le contexte du droit criminel —, publié en juin 2018, il y a des lois criminalisant la non-divulgation de la séropositivité, l'exposition au virus ou sa transmission dans 68 pays. La plupart des poursuites, y compris celles qui ont lieu au Canada, sont davantage axées sur le risque perçu que sur le risque réel de contracter le VIH.
Bon nombre de ces lois et de ces poursuites ne tiennent pas compte des données scientifiques et médicales qui existent; elles ne reflètent pas les percées dans le traitement et la prise en charge du VIH. Par contre, elles sont nettement influencées par les fausses informations, la stigmatisation sociale, la peur et ce que certaines personnes qualifient d'hystérie face au VIH. Par exemple, nous savons que le VIH ne peut pas être transmis par contact avec de la nourriture, du liquide, des objets inanimés comme une chaise ou un siège de toilette. Le virus ne peut pas non plus être transmis pendant un câlin ou un baiser à une personne infectée. Le virus ne peut pas être transmis par crachat ou par morsure non plus, et pourtant, presque tout le monde a cru à un moment donné que le VIH pouvait se transmettre ainsi. D'ailleurs, jusqu'à récemment, il y avait encore beaucoup d'écoles publiques et catholiques dont les politiques interdisaient aux élèves séropositifs de venir en classe ou de dîner avec les autres.
Le Code criminel est un instrument souvent lourd et peu subtil. Il devrait seulement être appliqué dans les cas où il y a un risque de préjudice intentionnel, véritable ou important. Nous devrions plutôt cibler en priorité l'éducation, les traitements et la prévention. Par exemple, les efforts en matière d'éducation devraient être axés sur les données scientifiques. Il faudrait donner, d'un bout à l'autre du Canada et de la maternelle à la fin du secondaire des cours objectifs sur la santé sexuelle, qui soient appropriés à l'âge des élèves.
Nous devons donner à nos jeunes les moyens d'accroître leurs connaissances en santé sexuelle afin de réduire la stigmatisation. Les études montrent qu'une grande majorité de jeunes veulent des cours sur la santé sexuelle à l'école, donnés par des enseignants en qui ils ont confiance. Ils savent que les enseignants vont leur donner de l'information juste et éclairée. Malgré tout, il suffit de lire les grands titres dans les médias du Canada pour se rendre compte que la prestation de cours inclusifs et rigoureux sur la santé sexuelle n'est toujours pas la norme. Ces cours sont fréquemment mal interprétés et certains les contestent activement.
Le Canada est un chef de file mondial dans le domaine de la recherche sur le VIH. Nous avons fait des découvertes scientifiques majeures qui appuient aujourd'hui les efforts de première ligne en matière de prévention et de traitement du VIH dans le monde. Récemment, plusieurs provinces ont commencé à fournir gratuitement la prophylaxie préexposition, ou PrEP, aux populations vulnérables.
La PrEP est un médicament anti-VIH. Selon les études scientifiques, elle prévient dans plus de 95 % des cas l'infection par le VIH. La PrEP est un outil de plus en plus utilisé, et il est extrêmement prometteur pour la lutte contre le VIH. Le gouvernement du Canada devrait prendre des mesures afin d'améliorer l'accès à la PrEP d'un bout à l'autre du pays, puisqu'il s'agit d'un des outils de prévention les plus efficaces et efficients actuellement.
Il serait également nécessaire d'augmenter le financement afin d'améliorer l'accès aux cliniques de dépistage des ITS et d'accroître les options de dépistage, en offrant par exemple le dépistage rapide et d'autres méthodes qui permettent aux gens de s'occuper de leur propre santé sexuelle.
D'abord et avant tout, le VIH devrait être vu comme un important enjeu de santé publique, non pas comme une infraction. Les plus récentes études médicales montrent clairement que les lois pénales ou le Code criminel ne devraient pas s'appliquer aux personnes atteintes du VIH qui ont eu des rapports sexuels sans divulguer leur état, si elles ont maintenu une charge virale supprimée.
Les lignes directrices en matière de poursuites publiées par la procureure générale du Canada en novembre 2018 constituent un important premier pas vers l'avant. Cependant, nous devons déployer davantage d'efforts afin de réduire la stigmatisation, les préjudices ainsi que les répercussions disproportionnées de nos lois sur les personnes autochtones, racialisées ou appartenant à une minorité sexuelle ou de genre. Nous devons une fois pour toutes mettre fin aux poursuites pénales injustes visant les personnes atteintes du VIH si nous voulons respecter l'engagement du Canada, qui est de faire en sorte que le VIH ne soit plus une menace pour la santé publique d'ici 2030.
Nous n'avons toujours pas atteint la cible de 90-90-90 que nous nous étions fixée pour 2020, c'est-à-dire que 90 % des personnes atteintes du VIH soient au courant de leur état, que 90 % des personnes qui ont reçu le diagnostic reçoivent un traitement antirétroviral et que la charge virale soit supprimée chez 90 % des personnes traitées. En éliminant la crainte des poursuites injustes, on pourrait contribuer à l'atteinte de ces cibles importantes. Nombreux sont ceux qui croient qu'il serait vraiment possible d'enrayer le VIH si nous déployons des efforts concertés et augmentons le financement pour améliorer l'accès aux tests de dépistage et aux traitements.
Pour toutes ces raisons, je recommande vivement au comité d'examiner avec attention l'appel à l'action lancé dans la Déclaration de consensus communautaire intitulée « End Unjust HIV Criminalization » — soit Mettre fin aux poursuites criminelles injustes —, appel qui a été approuvé par plus de 170 organismes de la société civile canadienne. Il est nécessaire d'élaborer des lignes directrices claires en matière de poursuites, et elles doivent être fondées sur les études scientifiques. Le Code criminel du Canada devrait être modifié, et tous les ordres de gouvernement et organismes de santé publique devraient travailler ensemble pour fournir de l'éducation et de la formation et ainsi mettre fin à la peur, aux fausses informations et à la stigmatisation qui surgissent toujours lorsqu'il est question de VIH.
Le 29 novembre 2017, j'ai eu l'incroyable privilège de venir ici, à la Chambre des communes, et d'assister aux excuses historiques que le premier ministre a présentées aux Canadiens LGTBQ2. C'était un moment absolument incroyable, un moment que beaucoup d'entre nous n'osaient espérer vivre un jour. Les excuses du premier ministre — donc, les excuses du Canada — ne devraient pas rester un geste isolé, mais plutôt s'inscrire dans un engagement permanent à mettre un terme à la discrimination et aux lois et aux pratiques injustes qui continuent de cibler les gens appartenant à des minorités sexuelles et de genre.
Il reste encore beaucoup de travail à faire, en particulier en ce qui concerne les politiques discriminatoires encadrant les dons de sang et d'organes ainsi que la levée de boucliers que nous observons de plus en plus souvent contre l'égalité pour les personnes LGBTQ2 dans les écoles du pays. Pendant trop longtemps, le Code criminel et les tribunaux ont été des instruments qui ont perpétué injustement les préjudices, la violence et la discrimination à l'égard de gens qui sont ou qui sont perçus comme étant différents dans notre société. La criminalisation du VIH n'en est qu'un exemple récent et tragique.
Voici une parole éloquente que M. Lawrence Hill a dite dans le cadre des conférences Massey:
Le sang révèle qui nous sommes et nous protège [...] le sang [...] détermine qui nous sommes: nos émotions, notre rang social, notre innocence ou [...] notre culpabilité et, surtout, nos relations avec les autres.
Le droit ne devrait pas être un moyen de poursuivre injustement les gens atteints du VIH. Plutôt, nos lois devraient servir à nous protéger contre ceux qui voudraient nous discriminer et nous persécuter à cause de qui nous sommes et de qui nous aimons. Notre sang, peu importe ce qu'il contient, ne devrait pas être un facteur.
Merci.
Merci beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage.
La parole va maintenant à Mme Williams, de HIV Edmonton.
Au nom du réseau HIV Network of Edmonton Society — ou HIV Edmonton —, j'aimerais remercier le Comité de m'avoir invitée à témoigner. Je vous suis très reconnaissante de pouvoir participer à cette discussion très importante sur la criminalisation de la non-divulgation de la séropositivité. Je travaille pour HIV Edmonton depuis 2011. Cela fait 37 ans que j'oeuvre dans le domaine des services communautaires; j'ai également travaillé sur des questions relatives aux personnes ayant des déficiences et sur des dossiers concernant les femmes, par exemple la violence contre les femmes, la pauvreté et l'itinérance.
J'ai aussi été la présidente d'une coalition vouée à l'accroissement de l'accès à des services de consommation supervisés à Edmonton — un autre dossier important touchant la justice et les droits de la personne —; et nous avons accompli notre mission. Je respecte énormément le travail du Comité et votre désir d'entendre le témoignage d'un grand éventail de personnes, y compris des gens atteints du VIH ainsi que d'autres personnes pouvant apporter leur expertise et leurs points de vue. J'ai lu quelques-uns des exposés qui ont été présentés au Comité jusqu'ici, et ma propre déclaration appuie ce que vous avez entendu.
Malgré sa petite taille, HIV Edmonton est un organisme de bienfaisance communautaire robuste, dont l'objectif est qu'il n'y ait plus aucun nouveau cas d'infection au VIH, plus aucune stigmatisation et discrimination et plus aucun décès lié au VIH. Notre vision s'inspire de la stratégie que l'ONUSIDA a adoptée en 2011-2015, intitulée « Objectif zéro ». Selon nous, la cible de 90-90-90 n'est pas suffisante, même si nous croyons que c'est une cible importante à moyen terme. Il est maintenant possible d'atteindre cet objectif zéro, mais il faut pour cela que la société adopte elle aussi cette vision et déploie des efforts pour modifier les lois et les politiques afin d'y arriver. Trois décennies de travail acharné nous ont conduits où nous sommes présentement. Il est temps de tirer parti de ce qui a été fait et de passer à la prochaine étape.
La directive constitue indéniablement un pas vers l'acceptation du fait que le VIH est une question de santé publique et que le droit a ciblé de façon disproportionnée les personnes marginalisées et stigmatisées. La directive reconnaît que, étant donné l'évolution des traitements médicaux du VIH, le maintien d'une charge virale supprimée élimine concrètement la possibilité d'une infection.
Malgré tous ces pas dans la bonne direction, HIV Edmonton a signé en 2017 la déclaration de consensus communautaire, et nous croyons qu'il reste encore du travail à faire, à l'échelon fédéral en particulier, entre autres pour modifier le Code criminel, ce pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. La directive du 30 novembre 2018 n'est pas applicable dans la plupart des régions administratives du pays. Elle est trop vague et risque d'être appliquée de façon non uniforme.
La non-divulgation de la séropositivité ne devrait pas être considérée comme une agression sexuelle, et l'application du Code criminel devrait se limiter aux situations où il a été prouvé que la personne avait l'intention de nuire et où il y a véritablement eu transmission du VIH.
Le VIH est une question de santé publique et non une infraction. Puisque la directive n'est pas assez exhaustive, la marginalisation dont elle reconnaît l'existence va se poursuivre.
Les déterminants sociaux de la santé et l'équité en matière de santé sont des facteurs importants à prendre en considération si on veut s'assurer que la loi n'a pas de répercussions négatives sur la capacité des gens à accéder à des services de santé ou à du soutien dans la collectivité. Selon Santé Canada, le large éventail de facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux sont déterminants pour la santé des personnes et de la population. Si nous voulons réduire l'iniquité en matière de santé, nous devrons donner à tous les mêmes chances d'être en santé, peu importe l'identité ou le milieu de vie.
Énormément de personnes utilisent les services qu'offre HIV Edmonton en matière d'éducation, de prévention et de soutien. Je pourrais vous raconter toutes sortes d'histoires qui mettent en relief les éléments clés dont je viens de parler et qui prouvent l'importance du travail qui attend votre comité.
Il est arrivé plus d'une fois, à Edmonton, qu'une personne voie sa photo en première page des journaux avec la révélation de sa séropositivité alléguée. On demandait aux gens de la collectivité de communiquer avec les autorités s'ils avaient été en contact avec cette personne ou s'ils la connaissaient. Ce sont des êtres humains. L'une de ces personnes avait seulement 16 ans. Cette jeune femme était une tutrice de la province, était considérée comme extrêmement dangereuse, comme une criminelle, parce qu'elle était séropositive. Une personne m'a téléphoné pour me dire que tout se passait comme si cette jeune femme avait pris un fusil d'assaut et ouvert le feu dans un centre commercial. L'ignorance et le sensationnalisme sont propices à la stigmatisation et à la discrimination et perpétuent les fausses informations qui courent depuis longtemps dans la société à propos du VIH. Tous les ordres de gouvernement doivent déployer des efforts concertés afin de déboulonner tous ces mythes et de faire en sorte que le public accepte les gens atteints du VIH.
La publication de photos et la divulgation de la séropositivité alléguée d'une personne ne fait rien pour encourager les gens à demander un test de dépistage. Nous savons que le dépistage est la clé pour qui veut obtenir un diagnostic et être traité. La majorité des gens qui obtiennent un diagnostic de VIH sont traités et continuent de suivre leur traitement. La loi ne devrait pas nuire à une stratégie que nous savons cruciale pour la préservation de la santé. Les personnes séropositives qui ont de la difficulté à obtenir ou à suivre un traitement ont besoin de tout un éventail de soins de santé et de services sociaux adaptés à leurs circonstances et à leurs besoins précis.
HIV Edmonton offre un programme de soutien par les pairs aux personnes séropositives qui ont peu de soutiens sociaux ou économiques. Ces personnes disent que c'est le seul endroit où elles peuvent être elles-mêmes, où elles sont à l'aise de parler des médicaments qu'elles prennent, de leurs traitements contre le VIH et d'autres aspects de leur vie. Pourquoi? Parce que, si elles discutaient de ces choses à d'autres endroits, elles seraient exposées à un risque de discrimination et de violence. Pour les personnes atteintes du VIH, le déséquilibre des forces est absolument évident. Pour bon nombre d'entre elles, leur état de santé nuit à leurs relations personnelles, familiales et communautaires, et il peut leur être plus difficile d'obtenir du soutien juridique, communautaire ou en matière de santé, puisque cela dépend des connaissances et de la compréhension des gens qui offrent ce soutien.
Les lois du gouvernement, les politiques publiques et le Code criminel doivent être cohérents et en harmonie pour soutenir le premier et le troisième énoncés de la directive, où on reconnaît que le VIH est une question de santé publique et que les personnes marginalisées subissent des répercussions disproportionnées. Il faut accroître les efforts touchant l'accès à la prévention, à l'éducation, aux tests de dépistage et aux services de soutien. Il faut en particulier que les besoins de chaque personne soient pris en considération, et que les politiques générales et les services de soutien, dans le cadre des programmes, tiennent compte de diverses questions comme le racisme, la violence, la violence conjugale, la toxicomanie et la pauvreté, y compris le revenu de subsistance et le logement abordable.
Votre comité a entendu toutes sortes de témoins se prononcer sur la directive. Je vous implore de poursuivre vos consultations auprès des personnes séropositives et des experts des domaines juridiques, sociaux et scientifiques afin de recueillir leurs opinions et de cerner ensemble les modifications qui pourraient faire en sorte que les dispositions relatives aux agressions sexuelles ne soient plus utilisées pour criminaliser la non-divulgation de la séropositivité. Le Code criminel doit s'appliquer uniquement aux cas où une personne avait l'intention de nuire et qu'il y a eu véritablement transmission du VIH.
Cet enjeu est lié à la justice et aux droits de la personne. J'espère que votre comité poursuivra ses travaux et comprendra que cela constituera un énorme pas vers notre objectif, qui est d'éliminer complètement les nouveaux cas de transmission du VIH ainsi que la stigmatisation et la discrimination des personnes atteintes du VIH ou du sida.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Ma première question s'adresse à Mme Williams. Vous avez dit que la directive de la procureure générale est, selon vous, trop vague à certains égards. Pouvez-vous préciser à quels égards la directive est trop vague?
Je veux préciser que je ne suis pas avocate. Par exemple, au troisième énoncé, on parle de « niveaux moindres de culpabilité ». Je trouve que c'est vraiment difficile à comprendre. J'y vois une difficulté, mais je ne suis pas avocate, alors je ne peux pas formuler des commentaires à ce titre.
Comme chacun d'entre nous l'a mentionné, je crois que la directive représente un premier pas important vers l'avant, mais nous devons faire plus. Je crois qu'il serait très important, comme cela a été dit, que nous consultions directement les communautés touchées, c'est-à-dire les gens atteints du VIH.
Par rapport à cette directive, je crois que nous devons veiller à ce qu'elle soit mise en oeuvre uniformément dans l'ensemble des provinces. Il faut éviter que quelques provinces seulement l'appliquent. Cela créerait non seulement de l'iniquité dans l'ensemble du pays, mais aussi de l'incertitude dans l'esprit des gens, qui ne seraient plus certains des pratiques en vigueur ni de ce qui est prescrit par la loi. Cela contribuerait à perpétuer la peur, les fausses informations et la stigmatisation.
S'il y a une chose que nous devons faire au Canada, c'est travailler à enrayer la stigmatisation. Si nous dirigeons nos efforts sur ce but, je crois que les autres changements dont nous avons besoin commenceront peu à peu à apparaître.
Si le gouvernement fédéral décidait de prendre les choses en main et de travailler avec les provinces afin d'établir une norme cohérente en matière de poursuites, pensez-vous que cette norme sera harmonisée avec la directive fédérale?
Je crois que la directive fédérale, comme d'autres l'ont dit, mérite d'être encore améliorée. Elle doit être clarifiée à certains égards. Je crois que c'est surtout de ce côté-là que vous devriez consulter les experts juridiques, comme ceux du Réseau juridique canadien VIH-sida, qui ont quelques recommandations très précises à présenter. Principalement, comme cela a déjà été dit, je pense par exemple que les dispositions relatives aux agressions sexuelles ne sont pas appropriées dans ce genre de cas.
J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées. À propos des dispositions relatives aux agressions sexuelles et de leur application, vous avez mentionné des modifications que vous aimeriez voir apportées dans le Code criminel. Peut-être pourriez-vous fournir plus de détails? Je tiens pour acquis que ces modifications suivent ce que vous venez de dire.
Oui... Encore une fois, il faudrait consulter les communautés touchées et les experts juridiques, en particulier ceux qui s'occupent de non-divulgation de la séropositivité. Il y a d'autres outils en particulier que nous voulons examiner. Je ne vais pas faire ces recommandations moi-même, parce que ce n'est pas mon domaine d'expertise. Je n'ai pas eu une formation de législateur.
Je suis convaincu que nous devons aller plus loin que le domaine juridique. Comme je l'ai dit, l'école et l'éducation jouent un rôle très important. Présentement, le fait est que les jeunes ne reçoivent même pas une bonne éducation fondée sur des études scientifiques; on ne leur montre pas comment se protéger ni à comprendre tout ce qui concerne le consentement. Le consentement est au centre de la majorité de nos discussions.
Je veux poser ma question au Dr Tyndall.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de la gravité du risque de transmission. Selon les observations, le taux de nouvelles infections est plutôt stable, mais il y a quand même eu une augmentation du nombre d'infections. Seriez-vous d'accord pour dire, dans les faits, que les personnes séropositives qui ne dévoilent pas à leurs partenaires qu'elles sont atteintes du VIH représentent un risque pour la santé publique?
Le VIH est transmis quand une personne expose son partenaire au virus. Pour réduire les risques, nous devons éduquer les gens. Nous devons encourager les gens à subir un test de dépistage et à être honnêtes avec leurs partenaires.
J'ai dû annoncer à des centaines de personnes, probablement, que leur test du VIH était positif. Entre autres choses, nous discutons de la façon dont elles peuvent éviter d'exposer d'autres personnes au virus. Dans 99 % des cas, les gens sont très ouverts à ce genre d'éducation. Ce n'est pas une discussion facile, mais avec le soutien approprié, presque tout le monde l'accepte.
Ce que je veux dire, c'est que la menace de la criminalisation ne fait rien d'autre que de décourager les gens de faire ce choix et d'en discuter avec leurs partenaires. C'est surtout chez les hommes homosexuels qu'on observe un taux stable de nouvelles infections au Canada. Dans pratiquement tous les cas, ils n'avaient pas subi de test de dépistage et ne savaient pas qu'ils étaient séropositifs. Certains avaient décidé de garder le secret et de ne pas suivre une thérapie antirétrovirale. Ces décisions sont d'une certaine façon influencées par les risques auxquels ils pensent s'exposer s'ils subissent un test de dépistage et qu'ils divulguent leur séropositivité.
La directive fédérale va entraîner des changements relativement aux poursuites. S'il y avait une harmonisation au niveau des provinces, diriez-vous que cela aurait une incidence sur la stabilité du taux de nouvelles infections au Canada?
Je crois que cela aurait une incidence. Encore une fois, il est très difficile de mesurer de façon empirique les décisions des gens à ce sujet ainsi que la façon dont ils internalisent et comprennent le risque pénal auquel ils s'exposent. Je crois qu'il serait extrêmement important de faire passer aux gens le message selon lequel indétectable veut dire intransmissible. Il y a aussi le fait que, dans une poursuite pénale, on pourrait essayer de prouver que la personne ne prenait pas ses médicaments quand elle a exposé son partenaire au VIH.
Les gens doivent comprendre que même si nous avons réussi jusqu'à un certain point à convaincre les gens de suivre assidûment leur traitement, de jour en jour et de mois en mois, il y a environ 20 %, au moins, de gens dont la charge virale, à un moment ou à un autre, n'est pas indétectable. Nous leur demandons de prendre chaque jour des médicaments, pour le reste de leur vie, et nous savons que cela est difficile pour beaucoup d'entre eux. Dans une poursuite pénale, et je l'ai vu directement, il est très difficile de prouver, sur le plan technique, que la charge virale d'une personne était indétectable quand elle a exposé son partenaire au VIH, surtout si son dernier test remonte à quelques mois.
Ce serait un excellent message à diffuser, et je crois que cela pourrait beaucoup aider. Cependant, je pense que devant les tribunaux, les gens risquent toujours d'être accusés de ne pas avoir pris leurs médicaments deux ou trois semaines avant d'avoir exposé leur partenaire au VIH.
On ne mentionne pas non plus les condoms ou l'utilisation de condoms, dans la déclaration. Nous savons que c'est essentiellement un moyen infaillible de prévenir la transmission du VIH, et je crois que cela devrait être reflété dans le Code criminel. Si vous utilisez un préservatif, il n'y a pas de problème. On mentionne bien les relations buccogénitales, et pourtant, aucune étude ne montre qu'on peut transmettre le VIH par ce genre d'activité. La directive devrait mentionner ces deux moyens d'éviter de transmettre le VIH.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins.
Cela fait un bon moment que nous n'avons pas accueilli des témoins venus exclusivement de l'Ouest du Canada. Je crois que cela remonte à nos déplacements dans le cadre de notre étude sur la traite de personnes. Je vous remercie tous d'être ici. Nous avons deux témoins d'Edmonton, et un de la Colombie-Britannique. C'est fantastique.
Docteur Wells, j'ai aussi assisté aux excuses du premier ministre, et je vais m'en souvenir pour le restant de mes jours.
Je dispose de six minutes, moins les 15 secondes que j'ai prises pour le préambule, alors je vais vous poser des questions en rafale. Je vous demanderais à chacun de répondre par oui ou par non, pour commencer.
Madame Williams, est-il vrai que la criminalisation du VIH au Canada a entraîné une augmentation de la stigmatisation des personnes atteintes du VIH? Oui ou non?
Est-il vrai qu'il y a des gens au Canada qui ne veulent pas connaître leur état sérologique vis-à-vis du VIH ou subir un test de dépistage parce qu'ils craignent que leur séropositivité les expose à des risques en vertu de la loi?
Êtes-vous d'accord pour dire que, si nous modifions le Code criminel afin d'éliminer ces dispositions, les gens hésiteraient moins à s'informer de leur état sérologique vis-à-vis du VIH?
Est-il vrai que, si davantage de personnes étaient au courant de leur état sérologique, nous pourrions fournir à plus de personnes séropositives les traitements dont elles ont besoin et ainsi réduire le risque pour la santé publique?
Docteur Tyndall, d'après votre expérience, pourquoi criminalise-t-on le VIH, mais pas l'hépatite B, l'hépatite C ou l'herpès?
C'est à cause de la peur et de la stigmatisation. Le VIH est toujours largement stigmatisé. Je dis toujours qu'il est impossible de réduire la stigmatisation d'une chose criminalisée, que ce soit la drogue ou n'importe quel autre problème. Nous sommes entre deux extrêmes: si notre but est de réduire la stigmatisation des personnes séropositives, comment pouvons-nous y arriver si c'est encore une infraction criminelle dans notre société?
Oui, je pense que cela remonte en grande partie aux origines, à l'époque où les gens pensaient que cette maladie touchait les hommes gais. Je pense que nous faisons encore en grande partie face à la stigmatisation de cet enjeu, et que nous devons nous pencher sur le rôle de l'homophobie, devant les tribunaux, en nous appuyant sur le Code criminel. Cela doit tout simplement cesser. Nous sommes en 2019. Notre pays défend les droits de la personne et les questions liées aux LGBTQ dans le monde entier, et nous devons donner l'exemple. Actuellement, dans ce dossier, nous ne donnons pas l'exemple.
La moitié de mon temps est écoulé.
Docteur Tyndall, pourriez-vous me communiquer des études qui corroborent ce que vous avez dit, à savoir que les nouvelles infections touchent principalement les communautés qui ne connaissent pas leur statut, et que le virus y est transmis? Ce serait très utile, car cela nous permettrait de savoir d'où viennent les nouvelles infections.
Monsieur Wells, un sous-ministre du Service des poursuites de la Couronne de l'Alberta a indiqué en janvier que dans la province, on respecte l'arrêt Mabior de la Cour suprême du Canada et la directive fédérale. Aucune autre politique n'a été mise en place avant les élections provinciales.
Je dis les choses comme elles sont: je suis préoccupé par ce que le nouveau gouvernement peut faire aux alliances gais-hétéros. Madame Williams, vous avez dit quelque chose sur le fait qu'on ne veuille pas sortir du placard les élèves qui cherchent à déterminer leur identité, pourtant, on sort du placard des personnes, des jeunes, en raison de leur séropositivité; dans les deux cas, c'est injuste et dangereux.
Monsieur Wells, que pourrions-nous faire de plus, en Alberta, en ce qui concerne les poursuites, l'application de la loi et la formation policière, pour que les gens ne soient pas accusés et poursuivis injustement?
D'abord, dans l'exemple de l'Alberta, le solliciteur général devrait faire une déclaration publique réitérant son appui aux engagements de la procureure générale relatifs aux poursuites contre des personnes vivant avec le VIH sans le divulguer.
Ensuite, je pense qu'il faut mettre en place des formations, pas seulement pour la Couronne, mais pour nos services de police. Cette formation doit être faite en partenariat avec des organismes comme VIH, où les personnes qui sont directement touchées parlent de leurs expériences. C'est ce processus d'humanisation qui, souvent, change le comportement des gens. C'est un processus qui change nos lois. Il change réellement notre perception des choses dans la société.
Il s'agit d'une question de clarté, de cohérence, d'éducation et de formation.
Nous venons d'assister aux excuses historiques faites par les services de police d'Edmonton aux communautés LGBTQ2. Ce n'était pas la fin, mais le début d'une nouvelle relation.
Je sais que vous siégez à un comité consultatif de la Gendarmerie royale du Canada dans notre région. À votre connaissance, y a-t-il une quelconque formation ou un quelconque travail, dans ce domaine?
Merci.
J'aimerais poser une question à vous deux.
Pensez-vous qu'il serait logique pour nous d'avoir un groupe de travail constitué de fonctionnaires du ministère de la Justice, peut-être aussi de parlementaires et de membres de la société civile, pour aborder la question des changements à apporter au Code criminel?
Je pense que ce serait fabuleux, pas seulement aux échelons fédéral et provincial, mais également à l'échelon municipal. Nous parlons des services de police, à l'échelon municipal, qui travaillent pour accroître la sensibilisation et la compréhension pour élaborer des stratégies appropriées à utiliser pour aider à atténuer toutes les conséquences de façons malencontreuses de procéder.
Monsieur Wells, serait-il sage de tenir une réunion des ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux de la Justice? Serait-il plus utile d'avoir davantage d'uniformité et d'applicabilité dans tout le pays? Serait-ce utile pour cette question?
Madame Williams, j'aimerais poser rapidement une question, car il me reste environ 30 secondes.
En ce qui concerne l'intersectionnalité, un aspect que vous observez tous les jours — les Autochtones, les queers, les personnes de couleur, les femmes, les travailleurs du sexe dans la rue —; comment cet aspect affecte-t-il les personnes à multiples intersectionnalités?
Cela revient vraiment aux premiers déterminants de la santé que j'ai mentionnés dans mon exposé, et au racisme et à tous les autres aspects liés aux écarts de pouvoir.
Ce qui est réellement important, c'est que notre loi envisage d'apporter des changements qui auront une incidence sur les iniquités sur le plan de la santé, de façon que les tests et les traitements, ainsi que l'éducation et la prévention, soient accessibles peu importe l'endroit.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins, qui ont offert un bel exemple de coalition ayant permis de réaliser des progrès dans la lutte contre le VIH-sida. Ils sont travailleurs de première ligne, universitaires ou chercheurs dans le domaine de la médecine. C'est un bon groupe de témoins, bien équilibré pour notre étude.
Nous avons entendu beaucoup de témoignages, et je pense que les gens sont unanimes pour dire que la criminalisation du VIH par association aux agressions sexuelles doit cesser. Toutefois, il y a certaines autres choses que j'aurais voulu examiner quand nous parlions de la réforme du Code criminel. Il s'agit des répercussions des autres parties du Code criminel sur la non-divulgation de la séropositivité et sur les obstacles au dépistage, c'est-à-dire la criminalisation de l'usage des drogues et la criminalisation du travail du sexe.
Pour ces questions, je vais m'adresser d'abord à Mme Williams.
Pensez-vous que ces aspects du droit pénal ont des répercussions ici?
Absolument, à la fois sur l'aspect des travailleurs du sexe et sur l'aspect des politiques sur les drogues; il faut travailler avec des services de consommation supervisés. Le dépistage est essentiel. Il s'agit d'un élément absolument nécessaire qu'il faut autoriser, dans ces sites, et pour assurer le traitement.
Toutefois, le traitement devient difficile... Et c'est pourquoi je propose également que, quand un diagnostic de VIH est posé, il est important de s'occuper de la personne, et de répondre à ses besoins particuliers. Nous ne lui disons pas simplement de prendre un comprimé, mais nous l'aidons à prendre ses médicaments.
Monsieur Tyndall, sur la même question, au sujet des autres éléments du Code criminel qui empêcheraient l'accès au dépistage et au traitement...?
Si vous consommez des drogues, la question de la non-divulgation se trouve en bas de votre liste des priorités.
Nous essayons de faire comprendre aux gens que c'est réellement dangereux. On ne devrait pas exposer les gens au risque de contracter le VIH, à cause de la criminalisation. Je veux parler des gens qui ont été criminalisés à plusieurs reprises pour des situations dont ils ne sont pas responsables. Je pense que tout est étroitement lié.
Je suis parmi les premiers à vouloir la légalisation des drogues. Nous devons réformer les lois sur le travail du sexe. Nous causons énormément de préjudices aux gens, ce qui est déjà terrible pour eux individuellement, mais cela a également d'énormes répercussions sur la société en général.
Je pense que tous ces éléments sont assez bien liés, et la non-divulgation de la séropositivité ne figure pas très haut sur la liste des priorités, pour une bonne partie d'entre eux.
Je suis d'accord. Le fil conducteur, c'est qu'il faut voir tout cela comme des questions et des préoccupations de santé publique et mettre en oeuvre une stratégie à plusieurs volets qui fera réellement sortir cela de l'ombre, à savoir la honte et la stigmatisation, et qui réunirait tous les éléments afin de faire comprendre qu'il faut aider les gens vulnérables à avoir accès à l'éducation, à un traitement et à du soutien, pas seulement parce qu'ils en ont besoin, mais parce qu'ils le méritent, en tant que citoyens canadiens.
Merci à tous d'être venus aujourd'hui.
Madame Williams, vous avez dit que la directive ne va pas suffisamment loin. Je comprends, bien sûr, que cette directive s'applique seulement dans certaines administrations. Je ne veux pas parler des administrations où elle ne s'applique pas, mais, en ce qui concerne la directive en elle-même, pourriez-vous nous donner plus de détails? Je sais que nous en avons parlé tout à l'heure, mais vous pourriez peut-être approfondir la question.
Encore une fois, je pense que la directive est sans aucun doute un pas en avant; et elle est très bien accueillie et positive. Ce qui est problématique, c'est qu'on n'a rien modifié pour que ce soit supprimé de la loi et des articles de la loi relatifs aux agressions sexuelles; le problème tient aussi au fait que l'infraction n'est pas fondée sur la transmission.
Parce que la directive ne va pas suffisamment loin et qu'il y a des éléments vagues, nous, HIV Edmonton, pensons qu'elle doit être renforcée.
Merci.
J'ai une autre question ici de la part de M. Boissonnault. Je vais la poser rapidement.
Il ne reste plus de temps au Parlement pour changer la loi, mais il lui reste peut-être assez de temps pour changer la directive sur le VIH. Si vous aviez certaines modifications spécifiques à recommander, nous pourrions peut-être agir de manière plus proactive. Pourriez-vous répondre sur ce point, ou quelqu'un d'autre pourrait le faire?
Encore une fois, nous parlons de ce qui a été mentionné par tous les intervenants, à savoir les modes de transmission. Nous savons très bien, par exemple, que l'utilisation de préservatifs empêche pratiquement toute transmission. Nous avons également entendu parler des relations buccogénitales. Je pense que ce sont des choses que nous pouvons tout de suite cibler. Nous devons nous appuyer sur les dernières données scientifiques suivant, par exemple, le consensus scientifique international de juin 2018, en ce qui concerne la criminalisation. Je pense que c'est un bon point de départ si nous voulons que ces lignes directrices respectent le consensus international des experts scientifiques.
Voulez-vous dire le dépistage hors laboratoire? Il ne se fait pas assez. En tout cas, je ne pense pas que ce soit uniforme dans tout le pays. Il faut que ces tests soient absolument accessibles à tout le monde, de sorte que les personnes qui veulent subir le test sur-le-champ peuvent le subir et connaître les résultats rapidement.
Il n'y a pas de trousses disponibles, pas pour les tests de dépistage à faire chez soi. Certains secteurs de la santé envisagent la possibilité de préparer des trousses que les gens pourraient passer prendre, pour faire le test et ensuite les remettre la trousse au laboratoire; mais ces trousses ne sont toujours pas accessibles partout et ce ne sont pas des trousses de dépistage à emporter chez soi. Je pense qu'elles devraient toutes être disponibles, car cela nous aidera à avancer plus rapidement.
Je peux vous donner un exemple. Aux États-Unis, à Fort Lauderdale, si vous vous rendez dans un quartier fréquenté par la communauté LGBT et que vous sortez dans un bar, vous avez la possibilité d'entrer dans une camionnette et d'en ressortir de l'autre côté en connaissant votre statut avant d'aller dans une boîte de nuit. Voilà un dépistage immédiat et rapide.
Je crois qu'il est extrêmement important que ces options soient disponibles parce que, comme nous l'avons entendu dire, le fait de connaître sa séropositivité constitue un des moyens essentiels de régler ce problème, afin de ne pas nous retrouver dans une situation de criminalisation. Cela permet aussi de soutenir des gens quant à la divulgation de leur statut.
Je conviens que nous devons accroître l'accès au dépistage, mais une partie de la volonté d'avoir accès à des tests de dépistage rapides et anonymes tient à la stigmatisation et à la criminalisation qui sont rattachées au VIH. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, il devrait s'agir d'un test comme ceux pour le diabète ou le cholestérol. Nous ne blâmons personne. Les gens doivent connaître leur séropositivité. Ils doivent recevoir des soins. Nous souhaitons que le dépistage soit vraiment lié étroitement au traitement, donc nous voulons vraiment inciter un grand nombre de personnes qui connaissent leur séropositivité à recevoir des soins et à suivre un traitement.
Je suis tout à fait favorable à ce qu'on offre plus de possibilités permettant au public d'avoir accès facilement à des épreuves de dépistage, mais nous voulons aussi essayer, autant que possible, de diriger les gens vers le traitement dont ils ont besoin. Je crois que cela doit faire partie de l'ensemble de notre approche à l'égard des personnes qui risquent d'être atteintes du VIH.
Je crois que certains d'entre vous ont mentionné qu'il s'agit de la seule maladie transmissible qui est criminalisée de la sorte. Bien entendu, nous reconnaissons le problème que pose cette situation. Je m'interroge à propos d'autres maladies transmissibles. Y a-t-il des situations où des personnes pourraient faire l'objet de poursuites sous le régime pénal?
Du point de vue de la santé publique, les responsables de ce secteur dans chaque province et territoire disposent d'une réglementation importante leur permettant d'imposer des sanctions à des personnes qui transmettent en connaissance de cause une maladie contagieuse. Des cas de tuberculose reviennent probablement le plus souvent. En effet, cela existe. Il y a deux ou trois personnes actuellement en Colombie-Britannique qui se sont vu imposer des sanctions parce qu'elles sont atteintes de tuberculose évolutive et qu'elles ne suivent pas de traitement. Du point de vue de la santé publique, il existe des moyens de les cibler et de s'assurer qu'elles font l'objet d'un suivi étroit et qu'on les oblige à suivre un traitement. De tels outils sont à la disposition des responsables de la santé publique. Il est rarement nécessaire de les utiliser, mais un cas de tuberculose serait un exemple pour lequel nous n'avons pas besoin d'avoir recours à la criminalisation. Nous n'avons pas besoin de faire appel à la police et d'essayer de trouver toutes les personnes qui ont été en contact avec le malade. Nous avons seulement à travailler avec ces personnes et à les placer dans une situation qui leur permet de prendre leurs médicaments de façon régulière.
Merci, monsieur McKinnon.
Je tiens à répéter, pour qu'on le note dans le compte rendu, que le VIH n'est pas la seule maladie qui est criminalisée. Je veux simplement continuer à le faire noter dans le compte rendu. Des personnes ont été poursuivies pour avoir transmis la syphilis et l'hépatite C ou pour avoir eu un comportement irresponsable qui aurait pu entraîner la transmission de ces maladies. Le VIH a tout simplement fait l'objet d'un nombre disproportionné de poursuites, et c'est ce qui en est clairement ressorti. Encore une fois, je partage les préoccupations de tous à propos des règles liées aux agressions sexuelles et au VIH ainsi que de la criminalisation excessive.
Je tiens à remercier tous les témoins. Comme M. Boissonnault l'a souligné, il s'agit du premier groupe de témoins que nous avons reçu dans lequel tout le monde vient de l'Ouest du Canada. Nous remercions les participants de ce coin du pays de leur participation à nos délibérations.
Je tiens à dire aux membres du comité qu'ils ont reçu deux documents hier. L'un est le calendrier des réunions pour le reste de l'année, c'est-à-dire jusqu'en juin. Si vous avez des questions concernant ce document, veuillez en faire part au greffier et à moi-même, aujourd'hui ou demain, soit avant la réunion de jeudi.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais soulever un point qui a été abordé au comité de la procédure. Nos députés ont présenté une demande, qui a été appuyée par le NPD, pour faire comparaître le commissaire aux élections fédérales. Les députés libéraux membres de ce comité se sont opposés à cette comparution simplement parce que, dans le budget des dépenses, ce point figure sous la rubrique du directeur des poursuites pénales et que, en conséquence, il relève du comité de la justice.
Ainsi, pour cette raison, je demande que nous prévoyions du temps pour entendre le témoignage du commissaire aux élections fédérales en raison de la position du parti libéral.
Vu que je ne suis pas au courant de cette situation, pourriez-vous nous envoyer un courriel aujourd'hui? Je le communiquerai aux membres du Comité, donc il n'est pas nécessaire de le faire traduire, si vous n'avez pas le temps de le faire, mais si c'est possible, ce serait excellent. Expliquez simplement de quoi il s'agit, et nous en parlerons jeudi, parce que je ne suis pas au courant.
À part cela, pourriez-vous tous jeter un coup d'œil au calendrier que nous vous avons fourni? Il y a quelques jours où, parce que nous rédigerons des rapports et que les analystes ont vraiment besoin de recevoir rapidement des instructions, vu que nous approchons la fin de la session, nous avons prévu entendre des témoins et ensuite tenir une séance d'information avec les analystes relativement aux rapports. Il y a quatre jours où nous prévoyons tenir des réunions d'une durée de plus de deux heures. Nous serions très reconnaissants si vous pouviez tous examiner le calendrier.
Par ailleurs, nous vous avons aussi distribué les lettres proposées à l'intention des dirigeants de Facebook, Google, Reddit et Twitter pour les inviter à participer à notre étude sur la haine en ligne. Si quelqu'un souhaite formuler des commentaires sur ces lettres, veuillez s'il vous plaît nous les envoyer aujourd'hui. Sinon, nous demanderons au président et aux vice-présidents de les signer demain.
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