JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 22 septembre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour, mesdames et messieurs.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
[Traduction]
Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 21 avril 2016, nous sommes saisis du projet de loi C-242, Loi modifiant le Code criminel (recours à la torture).
Je tiens à profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à certains députés qui sont ici en remplacement ce matin et qui n'ont jamais participé aux travaux du Comité. Mme Stubb est là, tout comme M. McCauley, Mme Hardcastle et M. Rusnak. Je suis content de vous voir parmi nous. Je suis sûr que vous allez beaucoup aimer notre témoin, M. Fragiskatos.
Monsieur Fragiskatos, c'est aussi un plaisir de vous avoir parmi nous, même si vous avez déjà effectué des remplacements au sein du Comité. Nous avons très hâte de vous entendre parler de votre projet de loi. Je vous invite donc à présenter votre déclaration préliminaire.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, chers collègues.
Je suis très heureux de comparaître devant vous aujourd'hui pour parler officiellement de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-242, Loi modifiant le Code criminel (recours à la torture).
Il est encourageant de voir le projet de loi rendu à l'étape de l'examen par le Comité, et je tiens à dire dès le départ que je suis tout à fait prêt à participer à un dialogue afin de renforcer le projet de loi et à le rendre plus conforme d'un point de vue juridique à vos yeux. Comme je l'ai déclaré à la Chambre des communes plus tôt ce printemps, je suis ouvert à toute une gamme d'amendements et j'encourage les membres du Comité à formuler toutes les suggestions qui, selon eux, permettront d'améliorer le projet de loi.
Si vous avez besoin de précisions quant à savoir pourquoi j'ai opté pour une certaine orientation, n'hésitez pas à me poser des questions après ma déclaration.
Je ne suis pas un législateur expert. Cependant, j'ai fait beaucoup de recherches et mené beaucoup de consultations avant de déposer le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui. J'ai aussi enseigné les politiques en matière de droits de la personne à l'Université Western Ontario avant de devenir député. C'est à cette époque que j'ai été confronté pour la première fois à ces genres d'enjeux, et c'est ce qui a inspiré la rédaction du projet de loi. Ma thèse de doctorat portait aussi en partie sur les enjeux liés à la torture, d'où mon intérêt pour cette question.
Cela dit, après avoir tiré le numéro neuf du tirage au sort sur les projets de loi d'initiative parlementaire, j'ai ressenti la responsabilité de tirer profit de cet heureux coup du sort en présentant une réforme sérieuse. J'aurais pu essayer de trouver une cause précise pouvant bénéficier d'une reconnaissance spéciale ou faire en sorte qu'un événement historique oublié soit commémoré. De telles initiatives ont assurément leur place, mais j'ai eu l'impression que je devais aller dans une autre direction.
L'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme porte que:
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Heureusement, le droit canadien ne fait pas fi de ce principe. Il existe une infraction liée à la torture à l'article 269.1 de notre Code criminel.
Cependant, le problème, c'est que l'article 269.1 s'applique seulement aux représentants de l'État, par exemple du personnel des services de police ou du personnel militaire qui infligerait des douleurs aiguës à répétition et sur une période prolongée à une personne afin de l'intimider, de la forcer à fournir de l'information ou à une autre fin. Cependant, quand les mêmes gestes sont posés par des particuliers sans aucun lien avec l'État, cette infraction est habituellement appelée voies de fait graves. Comme bon nombre d'entre vous le savent déjà, de tels gestes sont aussi parfois associés à des chefs d'accusation d'enlèvement, d'agression armée ou de séquestration. Ce sont d'autres possibilités.
Certains détracteurs estiment que ces chefs d'accusation sont adéquats. Ils croient que, même si des cas de torture sont possibles dans le domaine privé, l'ampleur du problème est, en fait, exagérée.
J'aimerais répondre à ces critiques en leur disant d'aller raconter cela aux victimes de torture. Je vais vous fournir quelques exemples. Il y a en a eu beaucoup d'autres au cours des dernières années. Les détails de ces affaires, même s'ils sont difficiles à entendre, sont extrêmement importants.
En 2006, on a obligé un homme de Calgary à enlever ses vêtements. Ensuite, ses mains et pieds ont été attachés avec des câbles. Ses tortionnaires l'ont ensuite attaché au plafond par les pieds avant de le frapper, le couper et le fouetter avec une ceinture avant de l'asperger de butane. Ces sévices se sont poursuivis pendant plusieurs jours. Deux personnes ont été reconnues responsables: la première était un jeune qui n'a pas pu être condamné devant un tribunal pour adultes, et le deuxième a plaidé coupable à un chef d'agression armée, et il a reçu une peine de deux ans pour ce qui constitue un exemple de torture.
En 2008, un homme a coupé l'orteil d'un homme de Brampton, l'a battu avec un bâton de baseball, l'a coupé à de multiples reprises et a frotté du sel dans ses blessures en plus de lui mettre un sac de plastique sur la tête. Tout cela a duré plusieurs heures, et il semblerait que l'objectif était d'obtenir des renseignements au sujet d'un vol. Le tortionnaire en question a été trouvé coupable de voies de fait graves et de séquestration et il a reçu une peine de moins de 10 ans. Un meilleur choix de mots aurait été « torture », parce que c'est exactement ce qui est arrivé. En fait, le juge a utilisé le mot « torture » pour décrire l'expérience de la victime.
En 2010, Dustin Paxton a battu et brûlé sa victime, l'a privée de nourriture et lui a coupé la lèvre et une partie de la langue dans un dossier bien connu en Alberta. La victime semble avoir subi ce traitement pendant peut-être jusqu'à deux ans. Même si les tribunaux ont attribué à Paxton une désignation de délinquant dangereux, ce dernier a été accusé de voies de fait graves et d'agression sexuelle, même si la notion de « torture » décrit mieux ce qui s'est produit.
Le besoin d'appeler les crimes par leur nom n'est pas seulement une question universitaire. Pour que les victimes puissent s'en remettre, il faut reconnaître leurs souffrances. C'est un principe de longue date lié aux droits de la personne. En effet, cette leçon sous-tend le processus de la Commission de vérité et de réconciliation sur les pensionnats. L'utilisation de termes comme voies de fait graves ne reflète pas adéquatement les graves violations des droits de la personne qui ont été commises.
Enfin, certaines personnes critiquent le projet de loi parce qu'il exige des peines pouvant atteindre l'emprisonnement à perpétuité, alors que la loi actuelle sur la torture mandatée par l'État impose seulement une peine maximale de 14 ans. Il est vrai qu'il y a un écart entre cette loi et ce que je propose et je crois fermement que les actes de torture mandatés par l'État doivent être assortis de peines beaucoup plus sévères. Cependant, je suis aussi extrêmement ouvert aux suggestions et amendements liés à la peine précise et qui permettraient de rendre le projet de loi plus responsable d'un point de vue juridique à vos yeux. Par conséquent, au lieu d'essayer de tout faire et de finir par ne rien faire, j'ai mis l'accent sur une lacune dont les législateurs canadiens n'avaient presque pas tenu compte jusqu'à maintenant. J'ai pris cette décision après avoir consulté les victimes, les membres de leur famille et des organisations de la société civile. J'ai aussi rédigé plusieurs ébauches et j'ai consulté continuellement des représentants du ministère de la Justice.
Le projet de loi a été rédigé par des bureaucrates experts qui ont suivi une formation juridique. J'apprécie le soutien qu'ils m'ont fourni et l'enthousiasme avec lequel ils font leur travail chaque jour. Notre monde est fait de teintes de gris, et c'est aussi le cas de la plupart des textes législatifs. Entre faire fi d'un statu quo injuste et tenter de changer la situation, même de façon imparfaite, j'ai opté pour la deuxième solution. Les tortionnaires visent à retirer aux victimes leur dignité. Ils le font en leur infligeant à répétition et intentionnellement et pendant de longues périodes d'atroces douleurs, souffrances et humiliations dans le but d'intimider ou d'exercer des pressions. Ces actes n'ont pas leur place dans une société libre, ouverte et démocratique comme le Canada.
En outre, il est vrai que, du point de vue du droit international, la torture a traditionnellement été considérée comme un crime perpétré par l'État. Je respecte ce point de vue, mais je souhaite préciser, et c'est très important, que la définition de la torture a changé. Par exemple, le comité contre la torture, qui est chargé de surveiller l'application de la Convention contre la torture de l'ONU, a affirmé qu'il existe des actes de torture qui sont commis par des particuliers. Ce point de vue a été accepté par d'autres États. La mesure législative proposée a beaucoup de points en commun avec les lois relatives à la torture qui existent en Australie et en France. Ces deux pays sont de très importants alliés du Canada et ils disposent de lois rigoureuses en matière de torture qui s'appliquent tant aux États qu'à des particuliers. Le Canada devrait leur emboîter le pas. Le fait de reconnaître un tel changement permettrait de reconnaître l'épreuve subie par les victimes de torture et de punir en conséquence les tortionnaires. Des cas de violence extrême et de conduite inhumaine se sont déjà produits au Canada et pourraient se produire à nouveau. Le temps est venu d'agir et d'améliorer les choses.
Cela dit, en plus d'avoir reçu le soutien d'un très grand nombre de particuliers, de collègues et de diverses parties et divers groupes partout au Canada, je tiens à souligner quelques appuis nationaux vraiment importants que le projet de loi C-242 a reçus.
L'Association des femmes autochtones du Canada, qui représente les femmes et les filles autochtones partout au pays, appuie sans réserve le projet de loi. Amnistie internationale a fourni son soutien en principe à l'égard de ce que le projet de loi C-242 tente de réaliser. L'organisation a aussi fermement condamné la torture dans le domaine privé.
L'Association des infirmières et infirmiers du Canada a appuyé le projet de loi. L'AIIC est l'organisation professionnelle nationale qui représente près de 139 000 infirmières et infirmiers autorisés partout au Canada. La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, une organisation non partisane et autofinancée qui fait la promotion de l'égalité et qui réunit près de 9 000 femmes dans 112 groupes partout au Canada s'est engagée à défendre avec ferveur le projet de loi. Des représentantes de cette organisation sont ici aujourd'hui.
Je tiens aussi à remercier les résidents de ma circonscription de London—Centre—Nord pour leur soutien qui ne se dément jamais. J'ai écouté mes électeurs et reconnu leur désir de voir le projet de loi être adopté. Le soutien du centre pour femmes maltraitées de London et de sa directrice, Megan Walker, a aussi été extrêmement et sincèrement apprécié, tout comme le soutien du chef des services de police de London, John Pare. Je les remercie beaucoup tous les deux.
Voilà, je tiens aussi à saluer Linda MacDonald et Jeanne Sarson, de la Nouvelle-Écosse, qui comparaîtront sous peu devant vous. Ces deux femmes sont d'ardentes défenseures de l'inclusion de la torture dans la sphère privée dans le Code criminel. Elles travaillent depuis plus de deux décennies pour promouvoir cette cause importante, pas seulement au Canada, soit dit en passant, mais à l'échelle internationale aussi.
Encore une fois, le projet de loi n'est pas parfait, mais je crois qu'aucun texte législatif ne l'est jamais vraiment. Cependant, je suis ouvert à toutes les suggestions d'amendements proposées par le Comité, y compris la réduction de la durée de la peine.
Ce serait vraiment dommage que cet important projet de loi soit défait en raison de préoccupations liées à des détails techniques qu'on pourrait facilement modifier. Je demande donc à mes collègues ici présents aujourd'hui de se poser les questions suivantes lorsqu'ils examineront le projet de loi: croyez-vous que les droits de la personne sont importants? Croyez-vous que la torture a sa place dans notre société, vu qu'elle enlève aux victimes leur humanité et leur dignité? Croyez-vous que la façon d'améliorer la sécurité publique, c'est non pas en construisant plus de prisons ou grâce à des politiques fondées sur la division et la peur, mais en intégrant les principes des droits de la personne dans la loi et dans notre Code criminel?
Si vous avez répondu « oui » à ces questions, alors nous devons travailler ensemble pour nous assurer que le projet de loi C-242 est renforcé et renvoyé à la Chambre aux fins d'un examen plus poussé.
En conclusion, ce projet de loi n'a rien à voir avec moi et n'a jamais rien eu à voir avec moi. Je l'ai dédié à toutes les victimes de torture lorsque je l'ai présenté pour la première fois, et rien n'a changé. Je leur dis que leur voix compte. Je les ai entendues et je travaille et je suis prêt à faire tout ce qu'il faut pour m'assurer que le projet de loi suit son cours.
Merci beaucoup, chers collègues.
Merci beaucoup, monsieur Fragiskatos, de vos remarques passionnées et cohérentes.
Nous allons maintenant passer aux questions. Il y aura deux séries de questions. La première commencera par M. Falk.
Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Fragiskatos, de vous être présenté devant le Comité et de tout le travail que vous avez fait pour préparer et présenter le projet de loi. Je crois que vous avez mis le doigt sur un enjeu très important, et nous sommes nombreux à penser comme vous.
Je regarde le projet de loi, et j'ai beaucoup de questions, et je ne sais pas si vous allez pouvoir répondre à toutes durant ma première intervention. Pour commencer, avez-vous été personnellement victime de torture?
Non, je n'en ai pas été victime. Comme je l'ai mentionné dès le départ, j'ai constaté cette lacune du Code criminel, le fait que les actes de torture posés dans la sphère privée ne sont pas reconnus comme étant de la torture dans nos lois, lorsque j'enseignais les politiques en matière de droits de la personne.
J'ai évidemment consulté des victimes à ce sujet. Vous vous demandez peut-être pourquoi les victimes ne parlent pas. Je crois que l'une des raisons pour lesquelles les victimes ont de la difficulté à en parler, c'est la nature de l'expérience. C'est une expérience très traumatisante, comme vous pouvez l'imaginer. C'est traumatisant, et cela laisse des traces. Les victimes ont eu beaucoup de difficultés à en parler. Je crois que, lorsque Jeanne et Linda parleront, elles vous le confirmeront.
L'autre chose qui suscite un peu ma curiosité concerne les exemples que vous avez cités, des situations où des Canadiens ont été victimes de tortures commises par des particuliers. Les tortionnaires ont été accusés au titre du Code criminel actuel.
Si votre projet de loi avait été adopté, quelle différence cela aurait-il faite au moment du prononcé de la sentence d'après vous? Est-ce que cela aurait fait une différence? La peine aurait-elle été la même ou est-ce que le projet de loi aurait changé la donne? Je ne vois nulle part dans votre projet de loi des propositions quant aux peines minimales, mais, en fait, en ce moment, vous suggérez une peine minimale de prison à perpétuité. Vous avez déjà précisé que vous êtes prêt à revoir cette peine aussi.
D'après vous, qu'est-ce que cela aurait changé dans les cas que vous avez cités?
Je m'inspire des victimes. Je m'inspire de leur expérience. Tout est une question de perspective ici. En fait, je crois qu'on peut dire sans se tromper que le droit est une question de point de vue; en tout cas, c'est le cas lorsqu'on aborde de telles questions difficiles. Le point de vue que je propose, ce n'est pas celui d'une personne qui a enseigné les politiques en matière de droits de la personne. Ce n'est pas nécessairement le point de vue d'un député. C'est le point de vue de quelqu'un qui a très à coeur l'expérience des victimes.
Le philosophe, Theodor Adorno, a dit que le besoin de faire exprimer la souffrance est condition de toute vérité. Lorsque vous me demandez en quoi cela aurait changé les choses, je crois — et je le sais parce que j'ai parlé à tellement de victimes — que cela aurait fait une très grande différence pour elles.
Lorsqu'on utilise le terme « voies de fait graves », on décrit leur expérience, mais le même terme peut être utilisé pour décrire une bagarre. Ce n'est pas approprié. Ce que ces gens ont enduré dans les exemples que j'ai fournis, Ted, et dans beaucoup d'autres exemples, c'est de la torture. Il faut donner aux crimes leurs vrais noms. Il faut reconnaître l'expérience. Lorsque nous le faisons, le processus de guérison peut commencer.
En fait, je voulais en venir à la question suivante: « Qu'est-ce que cela changerait pour les victimes »?
J'aimerais revenir à la question que j'ai posée. Lorsqu'il est question du prononcé de la sentence, qu'est-ce qui serait différent? Je comprends ce que vous dites: du point de vue de la victime, le fait de reconnaître ce qui s'est produit est important. Je comprends, et je crois que vous avez raison. Cependant, j'aimerais savoir en quoi votre projet de loi changerait les choses du point de vue du prononcé de la sentence.
Comme je l'ai dit, ces crimes vont bien au-delà des voies de fait graves et méritent une peine d'emprisonnement à perpétuité. Cependant, en raison de ramifications juridiques qui découleraient d'une telle initiative, le Comité jugera peut-être une telle suggestion problématique. Si la durée de la peine changeait, si on la réduisait beaucoup — disons, pour l'établir à 14 ans —, c'est une proposition que j'accepterais parce que, au moins, on reconnaîtrait l'expérience de la victime. Cet aspect est absolument crucial.
Les peines ne jouent pas uniquement un rôle punitif. Elles visent aussi à aider les victimes à surmonter ce qu'elles ont vécu, à dépasser l'expérience, l'épreuve, à travers laquelle elles sont passées. Selon moi, ne serait-ce que pour ça, nous devons reconnaître la souffrance qui a été vécue et accepter exactement ce qu'Adorno a dit: qu'il faut laisser parler la souffrance pour arriver à la vérité.
C'est la raison pour laquelle j'accorde beaucoup d'importance à ce projet de loi. Je crois que c'est une façon d'enfin permettre aux victimes de torture de faire reconnaître leurs souffrances, que ces souffrances soient reconnues publiquement par le pouvoir politique.
Je crois que c'était un compliment. Laissez-moi proposer que, peu importe le parti auquel on appartient, ce n'est ni un compliment ni un défaut. Tout est bon.
Je pense à la Charte des droits des victimes que notre gouvernement a adoptée durant la dernière session. D'après ce que vous décrivez, c'est exactement l'objectif du projet de loi.
Eh bien, Ted, la Charte des droits des victimes ne dit rien sur la reconnaissance de la torture commise par des particuliers.
Je comprends, parce que ce que vous faites, c'est d'adopter le point de vue de la victime, vous regardez les choses à travers les yeux de la victime, pour vous assurer que le sort de la victime est prioritaire au sein du système de justice. C'est quelque chose que je peux comprendre et je vous en félicite.
Selon moi, et je l'ai déjà dit, il s'agit d'un projet de loi lié aux droits de la personne dont l'intention est d'apporter un changement qui permettra de reconnaître la souffrance des victimes, mais qui le fait d'une façon qui rappelle que la punition fait assurément partie de la réaction au crime, mais que la façon de créer une société juste, ce n'est pas en construisant plus de prisons, pas en rappelant à tout bout de champ qu'il faut plus de lois et plus de maintien de l'ordre. Bien sûr, la loi et l'ordre sont des choses importantes. Mais comment peut-on promouvoir la loi et l'ordre au pays, et dans toute société démocratique? Les codes criminels sont absolument centraux pour y arriver, mais lorsque nous enchâssons les principes liés aux droits de la personne dans ces codes, alors nous obtenons un résultat plus juste.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Peter, merci beaucoup d'être là. Vous avez fourni un excellent témoignage au nom des victimes de torture.
Pour commencer, je vais vous permettre de préciser un point, si vous le voulez, lié à notre passage à l'école des aspirants. Je sais que vous êtes un libéral très convaincu et...
Je crois à la Charte des droits de la personne. Je crois à la vision qu'avait Lester B. Pearson du Canada. Ted m'a posé des questions très gentilles. Peut-être que, maintenant, il ne me regarde pas avec autant d'affection, mais poursuivez.
Merci.
Vous avez abordé la question, mais je voulais vous donner une autre occasion de décrire pourquoi c'est important d'utiliser le terme « torture » pour décrire le genre de crime dont vous avez parlé.
Comme je l'ai dit, je crois que c'est absolument crucial de reconnaître ce qui s'est produit. Dans l'exemple que j'ai déjà fourni, lorsque j'ai dit que le terme « voies de fait graves », qui peut être utilisé et est utilisé pour décrire des actes de torture, peut aussi être appliqué à des crimes plus banals comme des bagarres... eh bien, ce n'était pas mon exemple. C'est un exemple qui m'a été fourni par une victime. C'est ce qu'elle m'a dit, et cela m'a beaucoup touché. Lorsqu'une personne est victime de tortures, il faut le reconnaître, que ce soit un militaire qui a agi de la sorte, ou un citoyen privé. Ces crimes se sont produits, et il faut le reconnaître, mais il faut appeler les crimes par leur nom, principalement pour que le processus de guérison puisse se produire, comme je l'ai déjà dit.
Y a-t-il des préoccupations concernant le fait que vous réclamiez l'emprisonnement à vie ne mette la torture commise par des particuliers sur un pied d'égalité avec le meurtre, qui est aussi assorti d'une peine d'emprisonnement à perpétuité? Est-ce votre intention?
Je crois que je peux répondre à votre question du point de vue des principes. Je crois que, d'un point de vue philosophique, on pourrait dire que, lorsqu'une personne est torturée, ce crime est sur un pied d'égalité avec le meurtre, parce qu'on nie l'humanité de la victime. D'une certaine façon, c'est un meurtre, mais d'un type particulier. J'admets votre argument selon lequel la torture est sur un pied d'égalité avec le meurtre parce que j'ai demandé une peine d'emprisonnement à perpétuité, mais d'un point de vue juridique, il y a d'autres crimes dans le Code qui sont assortis d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. Les agressions sexuelles graves à l'article 273 tombent dans cette catégorie. Dans le cas de la trahison, au paragraphe 47(1), c'est une peine d'emprisonnement à perpétuité qui est exigée.
Ce n'est pas très incohérent de ce point de vue. Cependant, il faut parfois mettre de l'eau dans son vin. En tant que législateurs, je crois que nous le savons et que nous le reconnaissons tous, et, pour cette raison, si le Comité croit qu'il faut réduire de beaucoup la peine, même la ramener à 14 ans, alors je ne serais pas contre.
Vous avez parlé rapidement de la France et de l'Australie, et je crois qu'il y a certains États aux États-Unis qui ont le même type de lois. Y a-t-il d'autres exemples? Je sais que certains de vos détracteurs ont aussi dit craindre que le projet de loi proposé ne respecte pas les engagements internationaux. Pouvez-vous aussi nous parler du fait que la France et l'Australie se sont dotées d'une telle loi — c'est peut-être aussi le cas de certains États américains — tout en respectant ce cadre juridique?
Dans l'Observation générale no 2, le Comité contre la torture — et, en passant, cela remonte à il y a près de 10 ans —, a reconnu que la torture commise par des particuliers pouvait être qualifiée de torture. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, le Comité contre la torture est responsable de contrôler l'application de la Convention contre la torture de l'ONU. C'est de ce point de vue que j'envisage la situation. Si la torture commise par des particuliers est reconnue comme étant de la torture par le Comité contre la torture, alors, de toute évidence, le point de vue du droit international a changé dans ce dossier.
Bien sûr, à une époque, la torture a été considérée comme un crime d'État, mais les choses ont changé. C'est très certainement ce qu'on voit dans les endroits comme l'Australie et la France où la torture est reconnue dans la loi. Il y a aussi des États américains qui ont pris des mesures. Je pourrais citer en exemple le Michigan et la Californie. Au niveau international, l'Australie et la France sont des chefs de file dans ce dossier. Du point de vue législatif, je ne réinvente pas la roue. Il y a un précédent juridique.
Dans le cas de l'Australie, c'était il y a environ 15 ans. Dans le cas de la France, il faut remonter à environ 20 ans, si je ne m'abuse.
Y a-t-il eu des conséquences dont vous avez eu vent au sein de la communauté internationale à la suite de l'adoption de ces lois?
Non. D'après ce que j'en sais, le ciel ne s'est pas effondré. Les ramifications de ces lois n'ont pas compromis les obligations internationales de l'Australie ni de la France, par ailleurs, sur la question de la torture.
Merci beaucoup de tous les travaux contextuels que vous avez réalisés concernant la capacité d'un particulier de pratiquer la torture, et pour l'autre personne, de l'avoir subie.
Je crois que cela m'amène à parler de notre rôle et de notre responsabilité à l'échelle internationale. J'aimerais que vous nous parliez un peu plus du protocole optionnel sur la torture. Les Nations unies nous demandent de l'enchâsser dans le Code criminel. Croyez-vous que c'est une percée, un pas en avant pour nous dans le scénario?
Je pense que, chaque fois qu'il est question de punir la torture, c'est quelque chose dont nous pouvons tous être fiers. La torture va à l'encontre des principes démocratiques de base, des principes de base relatifs aux droits de la personne. Qu'il s'agisse du Protocole facultatif ou d'une mesure comme celle-ci, un projet de loi d'initiative parlementaire qui vise à apporter une modification au Code criminel, je pense qu'il s'agit d'une étape importante pour le Canada.
Certaines des personnes ou des organisations qui ont exprimé leurs points de vue sont des groupes de femmes.
À la lumière des recherches que vous avez effectuées dans le cadre de la préparation du projet de loi, pourquoi pensez-vous que nous n'avons pas encore utilisé de terme comme « torture » dans le Code criminel? Après tout ce temps — et, comme mon honorable collègue l'a mentionné relativement à la Charte des droits des victimes —, pourquoi cette question n'a-t-elle pas été réglée dans notre histoire législative?
Dans la définition du terme, il a été reconnu que la torture était un crime perpétré par l'État. Il a été interprété ainsi pendant des décennies, dès le départ, quand des normes juridiques internationales relatives à la torture ont été établies. Comme je l'ai dit, la définition a changé. Je pense que la plupart d'entre vous êtes des avocats, alors je n'ai pas à vous le dire. Il faut parfois un certain temps avant que la loi rattrape le retard qu'elle accuse. Voilà pourquoi je pense que nous n'avons pas de crime correspondant à celui que je demande qu'on intègre dans le Code criminel. Je n'ai rien d'autre à dire, à part cela.
Peut-être que j'aurais quelque chose à dire. Il s'agit de permettre aux victimes de s'exprimer. Il s'agit de les écouter. Il s'agit d'un problème de droit. La perspective compte, mais nous devons parfois changer de perspective et écouter les personnes qui ont enduré la souffrance. De cette façon, peut-être que la loi peut changer.
Merci, monsieur le président.
Je voudrais poursuivre la discussion au sujet des conséquences internationales.
L'une des préoccupations du gouvernement au sujet du projet de loi, c'est que la création de l'infraction que constituerait la torture par un particulier pourrait affaiblir gravement la contribution du Canada à l'effort mondial visant à prévenir la torture sous le régime de la Convention contre la torture. Cette préoccupation semble découler de la création au titre du projet de loi de deux catégories de torture: celle commise par l'État et celle commise par des particuliers. Voudriez-vous formuler un commentaire à ce sujet? En outre, pourquoi le projet de loi établit-il deux types de torture? Pourquoi ne pouvons-nous pas simplement les englober dans une seule catégorie?
La façon dont je répondrais à cette question, Ron, c'est en disant que, si le Canada contrevenait à ses obligations juridiques internationales, alors, ce serait aussi le cas de l'Australie et de la France.
En ce qui concerne le deuxième volet de votre question — pourquoi nous avons deux accusations, et pourquoi nous ne pouvons pas simplement les fusionner —, il s'agit peut-être d'une question sur laquelle le Comité pourrait se pencher. Nous avons établi à l'article 269.1 une disposition qui porte sur les infractions perpétrées par l'État. Toutefois, il y a un autre aspect. La torture peut aussi avoir lieu dans le domaine privé. Dans cette optique, je pense qu'il est logique d'étudier cette question d'une façon plus complexe. Comme je l'ai déjà dit, notre monde est fait de teintes de gris. La torture peut être un crime perpétré par l'État, ou bien elle peut avoir lieu dans le domaine privé. Cette possibilité doit être reconnue, d'où le point de vue selon lequel nous devrions établir deux interprétations. Si vous vouliez les fusionner, il s'agit peut-être d'une possibilité dont le Comité pourrait discuter.
Selon moi, ce qui est inquiétant, c'est la possibilité que les deux définitions de ce terme nous causent des problèmes à l'échelon international.
Non, avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord avec vous.
Une seule définition de la torture est appliquée en Australie, et, je devrais le clarifier, c'est l'État du Queensland qui l'a enchâssée dans sa loi. En ce qui concerne la France, elle est établie dans son code criminel, et elle est fusionnée. Encore une fois, ces pays ne contreviennent pas à leurs obligations juridiques internationales. Personne ne l'a jamais laissé entendre.
Je ne veux pas dire cela non plus, mais je suppose que le gouvernement est d'avis que, si nous établissons deux versions de la torture, nous courons le risque de contrevenir à nos obligations juridiques internationales.
Je ne pense pas. Il faudrait que vous consultiez le rapport intitulé Observation générale no 2 du Comité contre la torture, où les actes de torture dans le domaine privé sont reconnus comme des crimes. Le comité n'a jamais laissé entendre que, s'il y avait deux lois, cela compromettrait d'une manière ou d'une autre les obligations d'un État.
Je peux bien admettre que les actes de torture commis par des particuliers devraient être reconnus comme étant de la torture, mais les définitions du terme sont différentes dans ces cas-là. Il semblerait que la définition de la torture perpétrée par un particulier soit plus limitée, plus étroite.
Je suis ravi que vous ayez posé cette question. J'ai apporté des copies que je serais heureux de distribuer à la conclusion de ma déclaration.
Il s'agit d'une suggestion de changement qui harmoniserait les définitions. La seule différence serait le suivant: l'article 269.1 contient une mention du terme « fonctionnaire », qui reconnaît manifestement l'élément étatique. Le projet de loi que je propose retirerait simplement ce terme et il le généraliserait, de sorte que les particuliers seraient passibles d'une peine s'ils commettaient des actes de torture dans le domaine privé.
Merci.
Le projet de loi contient également une disposition relative à l'exterritorialité. Je me demande pourquoi vous l'avez incluse et si elle est importante. Je me demande également si une personne jugée dans un pays étranger pour une infraction pourrait aussi être jugée au Canada pour la même infraction et si le double péril s'appliquerait dans un cas comme celui-là.
Non, si vous examinez le projet de loi, vous verrez qu'il ne s'écarte pas de l'article 269.1. J'ai consulté des experts en droit et un conseil parlementaire. Il s'agit d'un projet de loi qui s'appliquerait au Canada, et, s'il y a d'autres préoccupations à cet égard, il appartient au Comité d'étudier respectueusement la question et d'apporter les modifications suggérées.
Merci beaucoup, monsieur McKinnon.
Avant que nous passions à la deuxième série d'interventions, si mes collègues me le permettent, je voudrais tenter de régler une question que M. Falk a posée, selon moi, et qui a été soulevée deux ou trois fois.
Monsieur Fragiskatos, en ce qui concerne l'ajout de cette disposition au Code criminel, y a-t-il une catégorie de personnes qui, à votre avis, pourraient être jugées sous le régime de la disposition relative à la torture que vous proposez d'ajouter, qui, autrement, ne pourraient pas être jugées au titre d'une disposition existante du Code criminel? Pourrait-il y avoir quelqu'un que nous ne pouvons actuellement pas poursuivre pour ses actes de torture, mais qui, en conséquence de l'ajout de cette disposition, pourrait être poursuivie?
Ensuite, je comprends toute la question des victimes que vous avez soulevée — et les sentiments des victimes —, mais, comme la torture est une infraction plus difficile à prouver que les voies de fait, croyez-vous que les procureurs utiliseraient vraiment l'infraction de la torture?
Je sais qu'ils l'utiliseraient, car j'ai discuté avec des procureurs de la Couronne qui étaient tout à fait d'accord avec cette suggestion de changement. Je ne vois aucune difficulté à cet égard.
Y aurait-il qui que ce soit qui pourrait être poursuivi au titre de cette infraction qui ne pourrait autrement pas l'être au titre d'une infraction existante?
Eh bien, ces personnes pourraient être poursuivies au titre des voies de fait graves ou de l'enlèvement, mais, comme je l'ai déjà dit, ces infractions ne correspondent pas à l'expérience vécue par les personnes qui ont enduré la violence.
Je comprends.
Nous allons maintenant passer à la deuxième série d'interventions, et nous allons commencer par M. Fraser.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Fragiskatos, je vous remercie du témoignage que vous avez présenté aujourd'hui et de votre excellent exposé. J'apprécie vraiment le travail que vous avez investi dans ce projet de loi et votre rigueur.
Je veux revenir sur un élément dont vous venez tout juste de discuter avec le président. Ma question concerne les voies de fait graves. Compte tenu de la structure actuelle du Code criminel, il semble que la torture pourrait être un seuil plus élevé à atteindre que l'infraction existante des voies de fait graves, d'après ce que vous dites.
Considéreriez-vous que les voies de fait graves seraient une infraction incluse dans celle de la torture? Diriez-vous qu'une personne pourrait être accusée de torture — selon votre définition — dans le domaine privé ainsi que de voies de fait graves pour la même transgression?
Les gens sont accusés de multiples façons. C'est fréquent. Toutefois, la torture est un seuil de violence plus élevé. Il est question d'un crime très précis. Il s'agit, heureusement, et je l'admets, d'une occurrence relativement rare, mais, lorsqu'elle se produit, nous devons reconnaître que c'est cela qui a eu lieu.
Pensez-vous qu'une personne pourrait être accusée sous le régime de l'article 268 et du nouvel article 268.1 proposé?
Je ne suis pas un avocat spécialisé en droit criminel; toutefois, des personnes sont accusées de multiples infractions régulièrement, alors, oui, elles pourraient être accusées des deux. À tout le moins, c'est ce que je crois savoir. Il s'agit de mon interprétation de la loi. Cependant, il ne s'agit pas de voies de fait graves. Ce que les victimes ont traversé, ce n'est pas des voies de fait graves, c'est de la torture.
Je m'inspire de l'expérience qu'ont connue les victimes. Je pense que nous devons appeler les crimes par leur nom. Je sais qu'il y a des préoccupations. M. McKinnon en a aussi soulevé certaines au sujet de nos obligations juridiques internationales.
Des désaccords respectueux, cela arrive tout le temps entre parlementaires. Certains de mes collègues et des gens ici présents pourraient avoir des réserves à l'égard du projet de loi. Il appartient au Comité de l'examiner de bonne foi, et je sais qu'il le fera. J'ai présenté mon point de vue à ce sujet.
Pour revenir sur ce que vous disiez, monsieur Fraser, je pense que la torture commise dans le domaine privé est une infraction relativement rare qui pourrait être appliquée et qui refléterait la situation d'une manière beaucoup plus juste, d'un point de vue juridique.
D'accord. Pour revenir là-dessus, si on regarde les cas passés, par exemple, ces gens ont été accusés de voies de fait graves, dans les exemples que vous avez donnés, je suppose.
Une accusation de voies de fait graves a été appliquée. Je pourrais passer en revue les exemples de nouveau.
Non, vous n'avez pas besoin de le faire, mais vous avez mentionné l'aspect prolongé et le fait que les juges mentionnaient la torture, mais qu'ils ne pouvaient pas l'appliquer.
Non, et je ne pense pas que quiconque le serait s'il croit... Je pense que les peines imposées n'étaient pas assez longues. Les juges qui voulaient appliquer le terme « torture » et qui l'ont fait dans leurs motifs ne pouvaient pas le faire officiellement parce que le Code criminel ne contenait pas d'infraction qui leur aurait permis de le faire.
Je veux passer à ce dont il a été question plus tôt, concernant l'expérience d'autres pays. Je suis conscient du fait qu'en Australie, dans l'État du Queensland, une disposition relative à la torture a été établie.
Je présume qu'il s'agit d'une accusation rare et qu'il s'agirait d'une occurrence assez rare. Avez-vous des détails quant à la façon dont cette disposition fonctionne, là-bas, le nombre de personnes qui ont été accusées de torture, ou quel est le taux de condamnation, par exemple?
Pour ce qui est des taux de condamnation, non, je ne peux pas vous les donner. J'ai consulté à ce sujet des universitaires australiens qui ont affirmé que ce changement n'avait pas compromis les obligations juridiques internationales de l'Australie. La disposition a été appliquée. L'infraction a été utilisée. Elle a aidé à reconnaître la souffrance de personnes qui ont enduré une violence inouïe. Il en va de même pour l'exemple de la France.
En ce qui concerne les victimes, dans certaines de ces circonstances, j'imagine que la torture aurait lieu dans le cadre de la violence familiale. Pourriez-vous nous expliquer un peu comment, à vos yeux, le projet de loi permettrait de s'attaquer à des problèmes liés à la violence familiale et ce que vous pensez qu'il fera pour aider la perception du public à l'égard de la prévention de cette forme de violence?
Dans mes commentaires, j'ai mentionné Megan Walker. Cette femme lutte sans relâche pour les droits des femmes dans ma collectivité de London, en Ontario, et partout au pays.
Quand j'ai tenu des consultations sur le projet de loi, elle a mentionné la violence familiale. Dans ses 30 années d'expérience — je crois — en tant que défenseur des droits des femmes, elle a vu un très grand nombre de cas divers, où les voies de fait graves ont été appliquées, ou bien des accusations de ce genre, alors que la torture était en fait ce qui s'était produit. S'il est question de créer une société juste — notre société est juste, mais s'il est question de créer une société même un peu plus juste —, nous devons reconnaître que la torture a bel et bien lieu en milieu familial et que les femmes sont les victimes d'un grand nombre de ces cas.
J'ai déjà mentionné les diverses organisations qui se sont prononcées en faveur du projet de loi. Bon nombre sont des organisations de femmes. La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités et l'Association des femmes autochtones du Canada ne sont que deux exemples. À l'échelon de ma circonscription, le London Abused Women's Centre appuie fortement le projet de loi.
Je suis très heureux que vous ayez posé une question au sujet de la violence familiale, car je pense que le projet de loi nous aiderait à reconnaître adéquatement une partie de la souffrance que les femmes du pays endurent.
Merci beaucoup. Je vais partager mon temps de parole avec M. Nicholson.
Vous avez effectué un travail magnifique, et vous l'avez fait avec beaucoup de rigueur. J'espère que vous ne permettrez pas qu'il soit dilué.
Tout d'abord, je veux simplement dire que je trouve qu'il est absolument ironique que nous discutions de votre projet de loi aujourd'hui, vu que nous discutons en même temps d'un traité d'extradition vers un pays qui semble ouvertement prendre plaisir à torturer et à exécuter ses citoyens.
Cela dit, je pense que M. Falk a soulevé la question: avez-vous réfléchi à la détermination d'une peine minimale relativement à votre projet de loi, ou bien seulement à la peine maximale?
J'ai déjà expliqué pourquoi j'ai fait la suggestion d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. Toutefois, bien des avocats ici présents pourraient étudier la question et penser à une peine appropriée. Je dirais même — et je répète ce point parce que je pense qu'il est important — que, si vous la réduisiez à 14 ans et que, par conséquent, vous permettiez au projet de loi d'être plus légalement acceptable, je penserais encore qu'il s'agit d'une modification juste, puisqu'elle reconnaît la violation des droits de la personne qui a été subie.
Je souscris à votre opinion à cet égard. Je dirais simplement que j'espère que le projet de loi ne sera pas dilué à ce point.
Je crois en beaucoup des choses que vous affirmez. Surtout en ce qui concerne les groupes œuvrant pour les droits des victimes: c'est très important. Je suis très satisfait de la peine d'emprisonnement à perpétuité. Je sais que vous avez investi beaucoup de travail dans le projet de loi et que vous avez beaucoup d'excellentes réponses. Avez-vous envisagé l'établissement d'une peine minimale?
Désolé, monsieur Fragiskatos. Il vous pose une question au sujet d'une peine minimale obligatoire. Les 14 ans sont une peine maximale, ou l'emprisonnement à perpétuité est une peine maximale. Il vous demande si vous avez envisagé un minimum obligatoire.
Non. Si vous remarquez que j'élude des questions, c'est parce que j'essaie d'être poli. Je ne crois pas aux peines minimales obligatoires.
Voilà une réponse.
Une voix: Oh, nous y voilà. Vous n'avez qu'à le dire.
Le président: Nous aimons la franchise au sein du Comité. Nous ne tournons pas autour du pot, ici.
Quand on présente un projet de loi d'initiative parlementaire, on essaie d'être diplomate, mais je ne crois pas aux peines minimales obligatoires.
Voilà, vous avez votre réponse, Kelly.
J'en déduis que vous n'étiez pas en faveur du projet de loi sur les peines de prison à vie purgées en entier, hier.
J'en déduis que la réponse est « non ». Vous ne l'avez pas appuyée.
Encore une fois, c'est une journée marquée par l'ironie.
Merci beaucoup.
Je m'excuse de ne pas avoir été présent au début de la séance, mais MM. Cooper et Rankin, du NPD, et moi-même étions tous à la Chambre, aujourd'hui, pour la motion présentée au Parlement relativement aux juges du Canada atlantique siégeant à la Cour suprême.
Je n'ai pas entendu ce que vous avez dit, mais je pense que vous avez abordé ce à quoi j'avais pensé, alors je m'excuse si vous devez le répéter encore. Notre système judiciaire comprend une notion selon laquelle plus le crime est grave, plus la peine est sévère. Certaines discussions ont été tenues concernant le fait que, si on impose une peine d'emprisonnement à perpétuité pour torture... si terrible que puisse être la torture, en général, dans notre système de droit, le fait d'assassiner une personne est encore pire.
Envisageriez-vous de réduire la peine à moins que l'emprisonnement à perpétuité?
Je l'envisagerais. Bien entendu, il appartient au Comité d'en discuter, mais je serais ouvert à cette possibilité, oui.
J'ai donné d'autres exemples expliquant pourquoi j'ai fait la suggestion de la peine d'emprisonnement à perpétuité comme châtiment. C'était peut-être un message, et je suis fier de l'avoir fait passer. Dans notre Code criminel, la peine pour meurtre, c'est l'emprisonnement à perpétuité, mais la même s'applique à la haute trahison, au paragraphe 47(1). Une discussion complexe doit être tenue à ce sujet, mais je pense que le message que je faisais passer, c'était qu'il faut vraiment condamner les violations des droits de la personne qui ont été perpétrées.
Vous avez raison. J'ai expliqué mon raisonnement. Je suis disposé à réduire la peine.
Voilà d'excellentes nouvelles.
Je pense que vous avez abordé cette question tout juste au moment où j'entrais dans la pièce. Nous employons parfois des termes qui rendent nos lois uniformes, avec celles d'autres pays avec lesquels nous traitons ou avec des traités que nous signons. Je vais vous donner un exemple. Quand j'étais ministre de la Justice, des personnes ont proposé que nous changions le terme « pornographie infantile » pour « agression sexuelle contre un nourrisson ».
Une partie du problème que posait ce changement, à mes yeux, c'était qu'il y avait un certain nombre de pays qui utilisaient tous le même terme. En ce qui concerne l'échange de renseignements, que nous communiquions avec la Grande-Bretagne, l'Europe, les États-Unis ou l'Australie, quant à cela, ils utiliseront tous le terme « pornographie infantile ». Comme vous le savez, à notre époque, la coopération nous est nécessaire, de même que l'échange de renseignements, alors, si nous donnons au crime un nom légèrement différent, cela pourrait soulever un autre problème devant les tribunaux. Nous obtenons des renseignements sur une chose... alors, nous n'avons pas changé le nom, et le crime continue de s'appeler « pornographie infantile ».
J'ai pensé à cela quand j'ai lu pour la première fois votre projet de loi relatif à la torture. Il y a les Nations Unies, bien sûr, et il y a une certaine définition du terme « torture ». Le projet de loi tend à l'élargir. Nous sommes tous d'accord sur le fait que vous avez décrit d'horribles situations, et le projet de loi vise certainement à s'y attaquer, mais j'étais intéressé par vos commentaires. Je pense que l'Australie utilise maintenant le terme « torture » et que les Australiens n'utilisent plus seulement la définition des Nations unies concernant l'infliction de torture sous l'égide de l'État.
Selon moi, monsieur le président, il serait intéressant de voir s'il y a en Australie des lois et/ou des cas où une autre définition est utilisée. Y avait-il d'autres pays? Avez-vous dit que la France emploie le terme « torture » en dehors de la définition traditionnelle?
Pour être tout à fait clair, c'est l'État du Queensland, en Australie, qui utilise cette autre définition. C'est tout de même important, et la France est un autre exemple.
Oui, effectivement, et je veux remercier la Bibliothèque du Parlement de m'avoir aidé à effectuer cette recherche.
En ce qui concerne la proposition de M. Nicholson, quand le sous-comité s'est réuni aux fins de notre prochain groupe de témoins, nous avons cherché à trouver un professeur de droit comparé qui nous parlerait également d'autres États qui utilisent le terme « torture » pour désigner des actes commis par des particuliers au pays. Nous effectuons des recherches qui portent exactement sur cette question. Certains États américains le font. Il y a le Queensland, il y a la France, ainsi que deux ou trois autres États. Nous cherchons à découvrir lesquels.
Merci beaucoup, et, encore une fois, je m'excuse de ne pas avoir été présent pour entendre vos commentaires précédents.
Je suis ravie que les droits des femmes et la violence qu'elles subissent aient été soulevés plus tôt par mes collègues ici présents.
Vous avez mentionné d'emblée que vous étiez très passionné au sujet du projet de loi en raison des conséquences sur les victimes et que vous voulez que le crime soit nommé pour ce qu'il est. S'il s'agissait de torture, alors, cela devrait s'appeler de la torture.
Je remarque que le libellé actuel du projet de loi impose un plus grand fardeau aux procureurs, qui devront prouver aux tribunaux que la torture a eu lieu. Nous reconnaissons déjà que, dans le système judiciaire, les femmes, en particulier, et les personnes vulnérables subissent beaucoup de stress, surtout lorsqu'elles tentent d'obtenir une condamnation. Je pense que les victimes souffrent beaucoup dans le cadre des procès. Selon vous, quelle sera l'incidence de cet élément supplémentaire — relatif au fait de prouver que la torture a eu lieu — sur les victimes, et comment ce résultat se compare-t-il à celui que vous vouliez que donne le projet de loi?
La raison pour laquelle les définitions ne correspondent pas complètement découle des consultations. L'idée était que, comme le Canada comptait déjà une loi portant sur la torture perpétrée par l'État, ma proposition devait différer de cette loi de façon importante et significative. Si elle a créé un plus grand fardeau, c'est manifestement problématique. Il appartiendra au Comité — je l'espère — d'envisager de rectifier le tir.
Comme je l'ai déjà mentionné, je vais distribuer une proposition de changement qui, selon moi, réglera ce problème.
Laissez-moi lire le paragraphe 269.1(1) de notre Code criminel, afin que nous soyons tous sur la même longueur d'onde. Ensuite, je lirai l'amendement proposé relativement à l'infraction de la « torture ».
La disposition législative actuelle concernant la torture est ainsi libellée:
Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans le fonctionnaire qui — ou la personne qui, avec le consentement exprès ou tacite d’un fonctionnaire ou à sa demande — torture une autre personne.
Voilà comment la loi actuelle est formulée. Je suis heureux que vous ayez posé la question, car je n'étais pas certain si nous allions aborder ma proposition de changement, alors je vous remercie.
Simplement pour clarifier: ma question portait précisément sur la distinction entre les voies de fait graves et le fait de prouver qu'il s'agissait de cette infraction et le fait de prouver qu'il s'agissait de torture, sous le régime du changement que vous proposez.
Il s'agit d'une infraction plus précise, mais elle reconnaît le fait — car c'est un fait — qu'il y a eu torture. C'est heureusement relativement rare.
Arrêtons-nous sur la façon dont nous comprenons normalement la torture, en tant qu'acte consistant à infliger des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à un autre être humain. Lorsque cela se produit, il faut que ce soit reconnu. De plus, lorsque cela s'est produit, ce sera à l'État de recueillir les éléments de preuve nécessaires pour entamer des poursuites contre les auteurs de l'infraction.
En ce qui a trait au fardeau de la preuve, vous avez attiré notre attention sur un problème potentiel touchant la façon dont le projet de loi était au départ rédigé. J'ai apporté une correction. Si vous comparez les pages 1 et 2, vous verrez que j'ai supprimé les mots « agent de l'État »; c'est principalement dans le but de faire de la torture une infraction générale qui s'applique à tout un chacun.
Vous dites, donc, dans le cas d’une personne qui a été victime de voies de fait graves, qui a, disons, reçu quelques coups de poing violents… que son agresseur pourrait maintenant être accusé de torture, selon la définition élargie que vous proposez à titre de modification dans votre projet de loi.
Non. Prenez la page 3; il est clairement précisé que la torture a pour but d'obtenir des renseignements d'une personne, de l'intimider ou de faire pression sur elle, et elle est clairement présentée comme le fait d'infliger une douleur ou des souffrances aiguës à un autre être humain. Cela correspond mot pour mot à la façon dont la torture est présentée au paragraphe 269.1(1).
J'aimerais préciser quelque chose au profit des membres du Comité, maintenant, puisque nous avons en main votre proposition de modification.
Monsieur Fragiskatos, est-ce que je comprends bien? Vous proposez une solution de rechange au projet de loi que nous avons sous les yeux et qui consisterait tout simplement à modifier le paragraphe 269.1(1) du Code criminel en supprimant l'exigence que l'infraction soit commise par un agent de l'État ou une personne agissant en tant que représentant d'un agent de l'État, de façon que partout, dans le Code criminel, la définition de la torture soit la même, qu'il s'agisse d'actes commis publiquement ou en privé, ce qui nous permettrait de nous acquitter de nos obligations internationales et de répondre à la supposée objection à une définition fondée sur cette différence? Est-ce bien ce que vous êtes en train de proposer au Comité?
C'est au Comité de décider. Ce pourrait être l'avenue à prendre. Toutefois, si le Comité est d'avis que cette façon de faire soulèverait des préoccupations touchant nos obligations internationales, je proposerais un nouveau paragraphe 269.2 qui prévoirait une infraction de torture s'appliquant au domaine privé. Le libellé serait presque le même, sauf pour le premier paragraphe de l'amendement...
Si j'ai bien compris, vous faites cette proposition afin de pallier aux prétendues objections à des définitions fondées sur une différence et aux obligations internationales.
Préféreriez-vous que ce soit la décision du Comité ou penchez-vous pour le projet de loi original, que nous étions en train d'étudier?
Oui, en effet. Je m'excuse si j'ai manqué de clarté. J'ai distribué le document en disant qu'il s'agissait de « la proposition d'amendement ». Mais il est certain que c'est ce que je préfère.
Nous nous entendrons donc sur le fait que c'est ce que vous proposez maintenant. C'est essentiellement identique à la définition du paragraphe 269.1; la phrase est identique, sauf pour le fait qu'il n'y est pas question que cet acte soit commis par un agent de l'État ou sur l'ordre d'un agent de l'État.
D'accord.
C'est maintenant au tour des conservateurs de poser leurs questions; M. Cooper ou M. Falk ont peut-être quelque chose à dire.
Monsieur Cooper.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Fragiskatos.
Malheureusement, j'avais affaire à la Chambre et je n'ai pas pu entendre votre exposé; je n'ai pas entendu non plus les questions posées jusqu'ici, et j'espère ne pas vous sembler trop répétitif.
Il va sans dire que, même si aucune disposition spécifique du Code criminel autre que l'article 269.1 ne porte expressément sur la torture, cette infraction est visée par toute une gamme d'autres articles du Code criminel, en fonction de sa portée et de sa nature, qu'il s'agisse de séquestration, d'enlèvement ou de voies de fait graves. Ces divers articles sont régulièrement appliqués. Les critères sont clairs. La jurisprudence est volumineuse.
Vous pourriez peut-être nous expliquer quel est le vide, dans le Code criminel, que vous cherchez à combler par ce projet de loi d'initiative parlementaire.
Bien sûr, cela ne me pose aucun problème; et vous aviez tout à fait le droit de vous trouver à la Chambre. Vous aviez un travail à faire.
Vous posez une très bonne question. Si vous prenez connaissance du compte rendu, après aujourd'hui, vous verrez quelle réponse a été donnée exactement à cette question qui avait été posée dès le début. Je crois que c'est M. Falk qui a été le premier à me poser la question.
J'ai cité Theodor Adorno, le philosophe, qui disait que le besoin de faire s'exprimer la souffrance est condition de toute vérité. Quand nous utilisons une expression comme « voies de fait graves », nous empêchons la souffrance de s'exprimer. S'il y a eu torture, nous devons parler de torture, car c'est ce mot qui reflète l'expérience de la victime. Quand c'est possible, un important processus de guérison peut commencer. Voilà comment j'avais répondu à cette question.
J'aimerais aussi savoir, mais vous avez peut-être déjà répondu à la question, étant donné que, je le répète, je n'ai pas eu l'occasion de prendre connaissance de votre proposition d'amendement...
J'avais une autre préoccupation, que j'ai soulevée quand je me suis adressé à la Chambre au sujet de votre projet de loi d'initiative parlementaire, et elle concerne la différence des sanctions prévues par le projet de loi C-242 et l'article 269.1 du Code criminel. Selon cet article, la peine maximale est de 14 années d'emprisonnement; selon votre projet de loi, le projet de loi C-242, la peine maximale serait l'emprisonnement à perpétuité.
On pourrait donc dire que vous créez deux sortes de critères, de normes et de peines selon que l'infraction serait commise ou non par un agent de l'État. Avez-vous réussi à régler cette question?
Michael, lorsque vous aurez le temps, vous prendrez connaissance de la modification que je propose et vous verrez que je suis d'accord avec une peine de 14 années.
En ce qui concerne la proposition d'emprisonnement à perpétuité, certaines personnes m'ont demandé si j'essayais de faire comprendre quelque chose, par cela. J'imagine que c'est peut-être le cas, mais je crois quand même que ce type d'infraction... je dirais la même chose au sujet de la torture par un agent de l'État. La torture, que l'auteur soit un agent de l'État ou qu'elle se fasse dans le domaine privé, mérite à mon avis que l'on réfléchisse à la peine à infliger, et je crois que l'emprisonnement à perpétuité est justifié.
Toutefois, quant à certaines des préoccupations qui se présentent du point de vue juridique, j'accepterais une proposition de modification visant à ramener cette peine à 14 ans.
Eh bien, j'ai une petite question, mais c'est quand même une question générale qui porte sur la certitude.
Je crois que le caractère incertain du critère soulève quelques préoccupations. Il s'agit d'un nouveau critère, dans votre projet de loi d'initiative parlementaire, et vous pourriez peut-être commenter cette préoccupation relative à l'incertitude associée à l'application de ce nouvel article.
Bien sûr.
Quant à l'incertitude, je dirais que ce sera aux tribunaux de trancher. Si une infraction répond à la définition proposée, c'est que le critère aura été respecté. Je ne sais pas vraiment quoi dire d'autre à ce sujet. Si un acte de torture a été commis, si on peut déterminer qu'un délinquant a perpétré un crime qui correspond à la définition proposée, il devrait être possible de le prouver devant les tribunaux. Je ne crois pas qu'il y ait quelque conséquence négative que ce soit du point de vue juridique. Je ne crois pas du tout que cela représente un fardeau de plus.
Chers collègues, c'était là mon humble point de vue. J'ai bien apprécié les échanges — vraiment. C'était mon humble point de vue, et vous pouvez en discuter entre vous à votre aise.
Merci beaucoup.
Madame Hardcastle, avez-vous quelque chose à ajouter?
C'est votre tour, et ce sera le dernier pour M. Fragiskatos.
Rapidement, en ce qui concerne cette modification — et je suis heureuse que vous vous en soyez tous occupés, puisque je n'ai pas pu assister aux réunions précédentes —, j'aimerais prendre une minute de plus.
Quelle est la différence entre dire que nous allons élargir la définition de la torture et dire que nous ajoutons cette définition au Code criminel. Nous ajoutons la notion de torture du domaine privé. Est-ce essentiellement la même chose, ou est-ce qu'il existe une nuance que vous essayez de...
J'ai proposé un amendement, l'article 269.2, étant donné qu'il pourrait y avoir des préoccupations touchant les obligations juridiques internationales du Canada. Si les deux choses étaient fusionnées, il se peut que cela crée quelques problèmes; cependant, la France l'a fait, et il ne semble pas qu'il y ait eu un problème.
C'est au Comité de se pencher sur la question. C'est mon humble suggestion. J'ai proposé cette modification en toute bonne foi, en toute bienveillance. Si les membres du Comité sont d'avis qu'il faudrait ajouter à l'article 269.1 une définition plus générale, cela correspondrait à ce qui existe en France et aussi dans l'État du Queensland. Je vous accorde qu'il s'agit d'un simple État, mais il a lui aussi des obligations internationales à respecter, et cela crée de toute évidence un précédent. Je ne crois pas que le Canada se condamnerait lui-même d'une façon ou d'une autre, mais il s'agit là de mon humble point de vue; je le répète, vous avez le droit d'en discuter.
J'essaie de faire preuve de toute la prudence possible quand il s'agit de cette préoccupation touchant nos obligations juridiques internationales.
Madame Hardcastle, pour plus de clarté, j'aimerais préciser que nous avions proposé d'ajouter un nouvel article qui aurait été le paragraphe 268.1(1). Cette disposition introduisait quelques subtiles différences entre la définition de la torture et le libellé du paragraphe 269.1(1) actuel touchant les agents de l'État et les personnes agissant sur leurs ordres.
M. Fragiskatos propose aujourd'hui de reprendre, tout simplement, le libellé du paragraphe 269.1(1) pour créer encore une fois un nouvel article sur les actes commis dans le domaine privé. Toutefois, il n'y aurait aucune autre différence dans le libellé; nous nous contenterions de supprimer l'exigence que ces actes soient commis par un agent de l'État.
Monsieur Fragiskatos, j'aimerais vous remercier d'avoir joué le rôle du cobaye. Vous êtes le premier des députés à s'être présenté à titre privé pour présenter un projet de loi d'initiative parlementaire; nous avons tous pratiqué grâce à vous.
Je crois que les questions étaient excellentes. J'ai bien apprécié mon passage ici. C'est vraiment un honneur de discuter avec des collègues.
Nous avons tous apprécié vos explications très détaillées et bien raisonnées. Je tiens à vous remercier à la fois d'avoir présenté ce projet de loi et d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Encore une fois, merci, monsieur Fragiskatos.
Nous allons maintenant prendre une courte pause pour laisser à notre prochain groupe de témoins le temps de s'installer. Madame MacDonald et Madame Sarson, ce serait bien que vous vous installiez.
Nous serons de retour dans deux minutes.
Messieurs, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne reprend ses travaux, l'étude du projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-242.
C'est un honneur pour nous de recevoir deux des plus importants auteurs d'articles sur ce sujet au Canada. J'ai le plaisir d'accueillir Linda MacDonald et Jeanne Sarson, qui sont ici à titre de témoin.
Bienvenue, mesdames. C'est à votre tour de faire vos déclarations préliminaires.
En premier lieu, je tiens à dire que Jeanne et moi-même sommes tout à fait en faveur de ce projet de loi, et nous remercions Peter de l'avoir présenté. Il s'agit d'un document important.
Il y a trois recommandations dans le mémoire que nous avons présentées au Comité. Nous sommes d'accord avec une peine d'emprisonnement de 14 ans. Nous pensons que le mot « torture » est essentiel et qu'il faut le conserver. Ce projet de loi n'a rien de symbolique. Cette loi offrirait à coup sûr un exemple concret de la manière dont notre pays soutient les droits de la personne et les droits conférés par les lois. Enfin, l'incapacité intellectuelle n'est pas toujours le résultat d'une torture non étatique.
Jeanne et moi-même sommes ici aujourd'hui pour faire entendre la voix de nombreuses personnes invisibles, dans notre pays, des personnes qui ont été victimes de torture non étatique, de torture dans la sphère privée ou le domaine privé. Notre témoignage se fonde sur tout ce que ces personnes courageuses nous ont dit et nous ont appris. Cela fait 23 ans que nous défendons les droits fondamentaux et les droits juridiques de ces personnes. Nous sommes infirmières en santé communautaire, conseillères renseignées sur la torture non étatique, confidentes des victimes des atrocités de la torture non étatique; nous défendons les droits de la personne, nous donnons des conférences partout dans le monde, nous enseignons, nous écrivons, nous sommes membres de l'ONG Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, mères et grand-mères, nous sommes féministes et fières de l'être.
Jeanne et moi-même vivons en Nouvelle-Écosse. Nous avons mis sur pied en 1993 une petite clinique privée de soins infirmiers. Au mois d'août de la même année, nous avons rencontré la première femme qui avait survécu à des actes de torture non étatique. Depuis, nous avons fourni un soutien complexe à 34 personnes, principalement des femmes. Nous avons soutenu plus de 1 000 Canadiens qui ont été victimes d'une torture non étatique et environ 4 000 étrangers, des gens des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Europe de l'Ouest, des Philippines, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, et nous avons recueilli leurs commentaires.
Les personnes que nous avons soutenues, au Canada, étaient nées au Canada. Dans la plupart des cas, elles avaient été victimes d'actes de torture non étatique depuis leur tendre enfance. Cela avait commencé lorsqu'elles n'étaient que des bébés. Certaines de ces victimes ont épousé leurs tortionnaires; d'autres ont partagé leur logement avec eux. Dans la majorité des cas, elles étaient louées ou vendues et obligées de participer à des films pornographiques, à se prostituer, ce qui équivaut à une torture non étatique. La torture non étatique est le fait de gens comme tout le monde, des parents, des membres de la famille élargie, des amis de la famille, des tuteurs, des époux, ou encore des étrangers, des trafiquants d'être humains, des pornographes, des proxénètes et des clients de prostituées.
Les enfants sont conditionnés à endurer la torture; leur tortionnaire les paie, sachant qu'il peut leur faire mal s'ils résistent à la torture non étatique. Mgr Raymond Lahey, de la Nouvelle-Écosse, a été emprisonné pour possession de pornographie juvénile; on a trouvé dans son ordinateur un dossier intitulé « torture d'enfants ».
Les Nations unies utilisent l'expression « acteurs non étatiques »; les acteurs non étatiques infligent la torture dans la sphère privée. Les éléments clés de la définition de la torture sont que celle-ci est intentionnelle, qu'elle inflige une douleur ou des souffrances aiguës et que son objectif final est de faire voler en éclats toute la conscience de soi qu'une personne peut avoir.
Pour vous donner une meilleure idée de ce que nous voulons dire par « torture non étatique » et de la brutalité, de la gravité du préjudice, je vais vous faire la lecture du témoignage de Lynne. Cette femme est née en Nouvelle-Écosse, et Jeanne et moi lui avons offert notre soutien. Malheureusement, elle est aujourd'hui décédée. Son histoire a été publiée dans le journal du Centre canadien pour victimes de torture.
Je me suis fait traiter de chienne, de salope, de putain et de « pièce de viande ». Je me suis fait déshabiller et violer — « dresser » — par trois brutes, qui, avec mon mari, me gardaient en captivité dans une chambre sans fenêtre, menottée à un radiateur. Leurs rires m'humiliaient lorsqu'ils m'attachaient, jambes et bras écartés, pour vendre mon corps à des hommes. J'ai été violée, torturée et étouffée par leur pénis et leur sperme. J'ai été étranglée et je me suis presque noyée lorsqu'ils m'ont tenue sous l'eau en menaçant de m'électrocuter dans le bain. Ils ont utilisé des pinces pour me tordre les mamelons, m'ont fouettée avec l'extrémité courbée de cintres, des cordes et des fils électriques. J'ai été droguée, je me suis fait tirer par les cheveux et j'ai été forcée de me couper avec des lames de rasoir pour le plaisir sadique des hommes. Ils ont mis ma vie en danger lorsqu'ils jouaient à la roulette russe avec moi. J'ai été privée de nourriture, battue avec un bâton de baseball, j'ai reçu des coups de pied et j'ai été abandonnée dans le froid et la saleté. Je suis tombée enceinte à cinq reprises et j'ai été victime d'avortements forcés après avoir été battue violemment. Ils me donnaient des coups sur la plante des pieds, et lorsque je tentais de me masser pour atténuer la douleur, ils me battaient encore plus. J'ai fait une hémorragie après que mon mari s'est amusé à me sodomiser avec une bouteille de vin Hermit 827. J'ai vu mon sang partout lorsque j'ai subi un viol collectif avec un couteau. Chaque fois qu'il voyait la terreur dans mes yeux en raison de ses actes de torture, il me disait: « Regarde-moi, chienne; j'aime voir la terreur dans tes yeux. » J'avais toujours peur de mourir. Je me suis échappée, ou peut-être m'ont-ils laissée m'échapper en croyant que j'allais mourir anonymement en cette froide nuit de novembre.
Sur le même sujet, je peux vous remettre le questionnaire que nous donnons aux personnes qui veulent communiquer avec nous. N'oubliez pas que ces préjudices ne sont pas subis isolément, puisque les femmes sont nombreuses à nous dire qu'elles subissent toutes ces agressions en même temps, au même moment. Nous envoyons ce questionnaire aux personnes qui communiquent avec nous pour les aider à savoir si elles ne seraient pas des survivantes de la torture non étatique.
Il y est question, entre autres, des actes suivants: les victimes sont privées de nourriture ou de boisson; enchaînées ou menottées à un objet immobile; sauvagement et fréquemment battues avec un objet ou à coups de pied, suspendues par les membres; elles sont brûlées, coupées, fouettées; on leur tord les doigts, les orteils ou les membres; on les attache, nues, pendant de longues périodes; on les force à se coucher nues sur le sol; on les enferme dans un lieu étroit et sombre, dans une cage ou une boîte; on leur administre des chocs électriques; provoque des fausses couches; on les oblige à manger leur vomi ou leurs fèces; elles sont victimes de viol par une personne ou par toute une famille; elles sont violées par une arme comme un revolver; elles sont violées par des animaux; on les empêche de se soulager; on les recouvre d'urine, de fèces ou de sang; elles sont laissées dans l'eau froide ou dans de l'eau bouillante; elles sont mises dans un congélateur; on leur fait craindre la mort par noyade en les tenant sous l'eau, dans une baignoire; elles sont intoxiquées à l'aide d'alcool, de pilules ou de drogues injectables; elles sont étranglées; on prend des photos d'elles dans des postures pornographiques; on les force à faire du mal à d'autres personnes; on les force à regarder des animaux domestiques qui sont battus ou tués; on les menace de leur faire la même chose si elles ouvrent la bouche; on les injurie.
Dans la plupart des cas, la majorité des victimes déclarent qu'on leur a fait subir la plupart de ces sévices. C'est une mesure élevée de l'intention de faire du mal.
Les preuves des actes de torture non étatiques commis au Canada ne sont pas nouvelles. Le gouvernement a déjà produit des rapports, dès 1979, faisant état des actes de torture que les femmes ont subis ici. Dans le rapport que nous avons envoyé au ministre de la Justice, nous avons documenté tous les rapports gouvernementaux qui remontent à 1979 et qui indiquent que les femmes sont soumises à des actes de torture.
Le premier rapport s'intitulait Pornography and its effects: A survey of recent literature. En 1985, il y a eu un rapport écrit du Comité spécial d'étude de la pornographie et de la prostitution. Il y est question de torture. En 1987, le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme a publié une brochure où il était question de la torture et de la mutilation des femmes. En 1991 était publié le premier rapport du Comité permanent de la santé et du bien-être social, des affaires sociales, du troisième âge et de la condition féminine, intitulé La guerre contre les femmes. Il y était question d'un époux qui avait torturé son épouse. En 1993 il était question de la torture dans le rapport Un nouvel horizon: éliminer la violence, atteindre l'égalité. Nous avons parlé de personnes dont il était question dans ce rapport, et ce dernier faisait lui-même état des actes de torture commis dans toutes les régions du Canada.
Le rapport de 2010 de M. Oppal Forsaken:The Report of the Missing Women Commission of Inquiry, parlait du droit à ne pas être victime de la torture. En 2010 toujours, le document Missing Women: Investigation Review racontait l'enquête menée par Donald Bakker au sujet de la torture des femmes dans le milieu de la prostitution. En 2013, le rapport de la GRC intitulé La traite interne de personnes à des fins d'exploitation sexuelle au Canada parlait des victimes qui faisaient en outre état des tactiques de torture. Le rapport de 2014 publié par l'Association des femmes autochtones du Canada mentionne la torture à de nombreuses reprises en disant que la torture, c'est la torture.
Voilà ce que nous savons, en tant que pays, sur la situation de la torture et des femmes au Canada.
Un point fondamental à l'appui du projet de loi C-242, c'est qu'il existe à l'heure actuelle un fossé patriarcal qui crée une discrimination entre les personnes victimes de torture étatique et les personnes victimes de torture non étatique. Le supplice de la torture est le même, et pourtant l'article 269.1 du Code criminel ne mentionne que la torture étatique, ce qui fait que la torture non étatique n'a pas de nom et est ramenée à de simples voies de fait à l'article 268.
Jeanne et moi-même avons évalué qu'une femme, que nous appellerons Sarah, qui a été victime de torture et de viol depuis sa tendre enfance, avait subi quelque 24 000 viols. Cela, sans compter les viols par des objets, les viols collectifs et les actes de bestialité auxquels elle a été soumise. Sa souffrance n'était pas liée à des agressions. Le nom exact du supplice que Sarah a été forcée d'endurer, c'est la torture non étatique, car en réalité, la souffrance n'est pas symbolique.
En 2012, Jeanne et moi-même, en tant que membres de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, avons témoigné à titre d'experts de la torture non étatique devant le Comité sur la torture, à Genève. Ce comité était d'accord avec les recommandations présentées par notre Fédération visant à modifier le Code criminel du Canada pour y inclure la torture non étatique, c'est-à-dire les actes de torture commis par des acteurs qui ne représentent aucunement un État; je vais lire un court extrait de ce rapport:
Le comité est d'avis que l'intégration de la Convention dans le droit canadien ne serait pas uniquement de nature symbolique; elle renforcerait la protection des personnes en leur permettant d'invoquer les dispositions de la Convention directement devant les tribunaux.
Voilà ce qu'en dit le Comité sur la torture lui-même.
En 2017, le Canada fera de nouveau l'objet d'un examen par le Comité sur la torture. Nous avons présenté au ministère du Patrimoine canadien un mémoire où nous recommandions la même chose, la révision du Code criminel. Si le projet de loi C-242 était adopté, nous pourrions nous présenter de nouveau devant le comité et déclarer, non sans fierté, que le Canada a fait preuve d'un très grand leadership dans le domaine des droits de la personne en intégrant la torture non étatique à son Code criminel. Toute autre solution serait inadmissible.
Madame MacDonald, vous avez épuisé tout le temps que je vous avais réservé à toutes les deux; madame Sarson, ce serait bien que vous restiez brève.
J'avais compris que vous aviez droit à 10 minutes toutes les deux. Si vous êtes ici à titre individuel, c'est parfait, mais cela veut dire que nous allons devoir raccourcir la période de questions.
Allez-y, faites votre déclaration. Nous n'aurons qu'à raccourcir la période de questions.
D'accord.
Pour revenir au sujet de nommer les actes de torture, je veux dire que la victimisation commise au moyen de la torture par des acteurs non étatiques entraîne une déshumanisation extrême. Il y a des femmes qui ont dit qu'elles ne savaient pas qu'elles étaient humaines. Certaines ne savaient pas qu'elles avaient un corps physique ou de la peau, ou qu'il était anormal pour leur anus de sortir de leur corps. Voilà les impacts des actes de torture répétés commis par des acteurs non étatiques, y compris la torture sexuelle, laquelle affecte la victime pour toute sa vie.
À cause des flashbacks qui remontent à la surface, les femmes subissent de manière répétée la douleur intense de la torture non étatique dont elles ont été victimes. Les flashbacks les forcent à souffrir une nouvelle fois ce qu'elles ont enduré quand elles ont été torturées. Elles peuvent ressentir encore les brûlures et les coupures, les douleurs à la mâchoire, ou le goût associé à la torture par viol oral. Elles doivent essayer de ne pas paniquer quand elles ont l'impression de ne plus pouvoir respirer. Elles peuvent ressentir les convulsions qu'elles ont eues quand elles ont été torturées par choc électrique et revivre la terreur et l'horreur qu'elles ont vécues, par exemple, quand elles avaient deux ans.
Je peux résumer mon propos en disant que Sara, la femme que Linda a mentionnée, est âgée de 30 ans et possède un diplôme de maîtrise. Quand ses souvenirs ont refait surface, elle a pu raconter ce qui lui est arrivé quand elle avait deux ans. Elle nous a raconté son expérience avec des phrases comme « Ça ne peut pas rentrer dans la petite porte » — son vagin —, « le monstre » — le pénis —, « c'est trop gros » et « l'eau devient rouge », voulant dire qu'elle souffrait d'hémorragie, « comme les crayons de mon livre à colorier ».
Nous avons découvert que les souvenirs des femmes qui essaient de guérir remontent à la surface, et elles retombent à l'âge auquel elles ont été victimes.
Il peut parfois arriver, aussi, que les femmes qui ont été torturées par noyade, par exemple, aient de la difficulté à respirer et commencent à paniquer. Il semble qu'il existe une terminologie universelle; elles disent: « Tout devient noir », ce qui veut dire qu'elles ont perdu conscience. Même dans ce cas, leur souffrance n'est pas considérée comme résultant de voies de fait graves.
En ce qui a trait à l'« interprétation », j'aimerais vous donner un exemple pour vous expliquer pourquoi Linda et moi-même disons que vous devriez prendre en considération le fait que la torture non étatique n'entraîne pas toujours un changement important des facultés intellectuelles. Je vais vous donner un autre exemple. La plus jeune personne qui est venue nous voir était vers la fin de son adolescence. Personne ne la croyait; on l'accusait de mentir. Elle résistait difficilement à la tentation de se suicider, ce qui est une réaction courante dans les cas de souffrance psychologique.
Nous l'avons aidée pendant deux ou trois années, puis elle a disparu. Sept ans plus tard, nous avons reçu de but en blanc un courriel d'une connaissance, qui nous disait: « Vous vous souvenez certainement de Sophie... Elle va recevoir son diplôme de maîtrise d'une école de sciences infirmières avec une moyenne pondérée cumulative de 3,9. Elle est heureuse et vit sa vie avec enthousiasme... L'autre jour, elle m'a dit qu'elle n'avait pas songé au suicide depuis longtemps. Votre gentillesse et votre aide l'ont sûrement aidée. Je me suis dit que vous aimeriez le savoir. »
Voilà un exemple qui illustre pourquoi nous devons examiner la situation réelle.
Pour répondre à certaines des questions posées par Peter à propos de l'importance de nommer la torture au niveau juridique, je crois qu'il s'agit d'une intervention nationale très peu coûteuse. Alex nous a écrit pour nous dire: « lorsque la société minimise la torture commise par des acteurs non étatiques, cela est assimilable à une attaque personnelle, et j'ai l'impression qu'on me méprise... Cela intensifie le sentiment que j'avais de n'avoir aucune valeur lorsque j'ai été victime de torture... Le fait que les lois ne pouvaient pas m'aider renforçait ce que mes bourreaux disaient, que personne ne va me croire. Pourquoi est-ce que je pense que je suis spéciale, que quelqu'un voudrait me sauver ou même se soucier de moi? »
Voilà pourquoi il s'agit d'un sujet si important, selon elle.
Un autre avantage de nommer la torture est le fait que cela réduit l'isolement social. Un grand nombre de femmes nous ont dit qu'elles avaient l'impression d'être des monstres, parce que personne ne savait ce qu'elles avaient enduré. Donc, voilà un autre avantage de nommer adéquatement la torture.
À propos du besoin de renforcer les lois et d'examiner la torture commise par des acteurs non étatiques afin d'assurer la sécurité des survivantes et des enfants, je vais vous renvoyer à la lettre de mandat que Justin Trudeau a envoyée à Jody Wilson-Raybould et à Mme Hajdu. Il leur a demandé de se pencher sur ces questions.
Le fait de nommer la torture non étatique donne une voix aux enfants en bas âge, aux enfants qui ne savent pas encore parler ainsi qu'aux enfants plus vieux qui ne sont pas ici; aux tout-petits enfants et aux enfants de moins de huit ans qui sont victimes d'actes de victimisation pornographique, de torture sexuelle et de ligotage sur Internet. Leur nombre augmente. Les auteurs de ces actes de torture sont principalement leurs parents et des amis de ceux-ci. Le Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants, une partie des Services nationaux de police et Sécurité publique Canada ont de la documentation à ce sujet. J'ai également certaines données dans ma déclaration.
Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que nous avons appris que les personnes responsables de la sécurité des enfants... Elles doivent savoir, par exemple, que la traque et le harcèlement par un membre de la famille peuvent commencer à l'âge de cinq ans, dès que les parents deviennent bénévoles dans le cadre d'activités scolaires. Des femmes nous ont parlé de cette tactique qui les rend muettes et prisonnières psychologiquement.
Aussi, à propos de la police — Linda et moi avons parlé aux membres de services policiers dernièrement —, ils ont probablement été choqués par ce que nous leur avons dit, parce que, selon ce qu'ils disent, ils n'ont rien entendu de tel auparavant. Il faut sensibiliser les policiers, il faut qu'ils sachent que la torture non étatique existe et ils doivent savoir quels outils sont utilisés. Par exemple, ils ont été stupéfaits d'apprendre que des femmes avaient été torturées sexuellement avec une ampoule encore chaude, qui avait été insérée dans leur vagin pendant qu'elles étaient jeunes.
À propos du droit qui peut servir à éclairer les séances d'éducation, un enseignant de 12e année nous a demandé, à Linda et à moi, de présenter à des élèves qui étudiaient les sciences politiques un plaidoyer politique à propos du projet de loi C-242. Dans le scénario que nous avons présenté aux élèves, nous leur avons demandé d'imaginer qu'ils étaient des députés qui devaient étudier le projet de loi C-242 et s'informer à propos de la torture non étatique. Ils ont commencé par remplir un questionnaire où ils devaient décrire quelle était, selon eux, la différence entre la torture et des voies de fait. Laissez-moi vous dire que, selon eux, les voies de fait représentaient un crime moins important que la torture. Après notre exposé, les élèves ont dû décider s'ils allaient voter pour ou contre le projet de loi C-242. C'est ce qui est arrivé, et ils ont été consternés d'apprendre qu'il n'y avait aucune loi au Canada contre la torture non étatique. Ils estimaient que ce genre de loi n'était pas qu'une loi symbolique, et ils ont voté pour modifier le Code criminel.
Selon moi, ce que Peter a dit à propos de l'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme... Nous sommes partis de là en 1993; nous étions choqués d'apprendre que la torture non étatique n'était pas un crime reconnu au Canada. Je crois que la société canadienne doit être honnête envers elle-même et doit admettre ce qui arrive aux enfants de tout âge — et aux adultes — dans ce pays.
J'espère avoir fait vite.
À dire vrai, vous avez pris pratiquement tout le temps. Je suis content que vous ayez raccourci votre exposé, sinon je crois que vous auriez dépassé vos 10 minutes.
Merci beaucoup, mesdames.
Malheureusement, le Comité des transports a mis un peu de temps à sortir de la salle, et maintenant nous sommes un peu en retard. Je vais laisser quatre minutes pour la période de questions au lieu de six, afin que nous puissions sortir de la salle à 13 heures et respecter l'horaire.
Monsieur Cooper.
Madame Sarson, madame MacDonald, je vous remercie de votre témoignage. Votre témoignage était certainement très cru, mais il a démontré avec force la nature profondément sordide, si quelqu'un en a jamais douté, de la torture.
Vous avez effleuré le sujet dans vos deux exposés, alors je vais vous demander d'approfondir un peu. Dans le Code criminel; il y a différents articles qui pourraient s'appliquer à différents actes de torture, selon la nature et l'importance de l'infraction, qu'on parle d'enlèvement, de voies de fait graves ou de séquestration. Selon vous, où se trouve la réelle lacune dans le Code criminel actuel?
Selon moi, d'après toutes les histoires des femmes que j'ai entendues, le problème est lié au fait de nommer. Si la chose n'est pas nommée, on nous dit encore et encore qu'il y a un vide. Il faut lui donner le nom de torture par des acteurs particuliers ou non étatiques.
Des victimes nous ont dit que, pendant l'instruction de leur affaire, le nom de la torture dont elles avaient été victimes avait été caviardé dans leur déclaration de la victime. Elles n'avaient pas le droit d'utiliser ce mot devant le tribunal. La recherche a démontré que l'utilisation d'un mot change la façon dont le cerveau fonctionne. Alors, si vous êtes victime de torture et que vous devez utiliser un autre mot pour la décrire, votre cerveau ressent l'incohérence ou le mal. C'est en nommant les choses par leur vrai nom que l'on peut favoriser la guérison du cerveau.
Merci.
Dans ce cas, seriez-vous d'accord pour dire que le problème n'est pas que les bourreaux qui sont traduits en justice aux termes du Code criminel réussissent à s'en tirer; c'est plutôt que, pour s'assurer que la justice soit faite envers les victimes et leur famille, la torture doit être proprement nommée. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous venez de dire?
Oui, mais j'ajouterais que si la torture non étatique était un crime devant la cour pénale, il y aurait probablement davantage de personnes qui révéleraient leur histoire. J'ai déjà eu connaissance d'une femme qui parlait avec son avocat à propos de ce qu'elle avait subi, et, d'après la plupart des choses que j'ai lues, son avocat lui a dit: « Si vous mentionnez ces choses devant le tribunal, du sang va être versé: le vôtre. Ce ne serait pas bon pour vous de mentionner ces choses. » Cela s'est passé il y a un grand nombre d'années. La situation a évolué, et je crois sincèrement que nous sommes maintenant plus ouverts à l'égard des atrocités qui peuvent se produire dans les familles canadiennes.
J'appliquerais cela également à la société. Vous avez parlé de la victime, mais je crois que tous les habitants de notre pays doivent le comprendre également. Ce sont les lois qui établissent les noms. Cela nous aide à comprendre la culture dans laquelle nous vivons et la société qui évolue avec nous. Je crois que cela concerne le contexte en général. La loi nous informe de façon différente.
Merci beaucoup.
Je vais donner une partie de mon temps à Bill Casey.
Merci beaucoup d'être venues ici aujourd'hui et de nous avoir présenté vos exposés. Merci d'avoir milité depuis 23 ans pour les droits de la personne. C'est un plaisir de faire votre connaissance. Je vous suis très reconnaissant d'être venues ici aujourd'hui.
À propos du fait d'intégrer la torture non étatique dans la loi, vous avez mentionné que l'un des avantages pour les victimes serait le sentiment de reconnaissance associé au fait de nommer ce qu'elles ont subi. Je voulais savoir s'il y avait d'autres avantages connexes; je pensais surtout à l'effet dissuasif. Croyez-vous qu'il y aurait un effet dissuasif si davantage de personnes se manifestaient ou si la probabilité d'être condamné au criminel pour une infraction différente augmentait?
Je crois que la prévention est une possibilité. Les groupes que nous connaissons semblent très persistants pour ce qui est de torturer leurs victimes. Si nous pouvons accéder aux enfants dans ces familles et les sauver plus rapidement, les traumatismes qu'ils ont eus à endurer seront beaucoup moins importants. Si des gens se manifestent plus tôt, si des fournisseurs de soins de santé ou des premiers répondants savent reconnaître les signes de torture non étatique plus tôt dans la vie des enfants, et si nous pouvons traduire tout cela en justice, alors nous serons plus en mesure de protéger les enfants et de prévenir les traumatismes à long terme.
Merci. C'est un plaisir d'être ici.
Je tiens à dire que Jeanne et Linda font partie de ma circonscription; je les connais depuis plus de 20 ans. Je ne connais aucune autre personne aussi dévouée envers les droits de la personne dans ma circonscription, peut-être dans le monde entier. Elles ont soutenu cette cause de manière résolue, et ce n'est même pas leur véritable emploi. Le jour, elles travaillent à aider les personnes malades ou handicapées de Colchester County, en Nouvelle-Écosse. Il s'agit de leur... Je ne veux pas dire leur emploi secondaire, parce que ce n'est pas seulement ça. D'innombrables façons, elles fournissent un énorme service à Colchester County. Je veux qu'il soit clair à quel point elles sont précieuses dans notre collectivité, et nous sommes très reconnaissants du travail qu'elles font.
J'ai une seule question. Si le projet de loi est adopté, quel en sera l'impact sur notre société? Comment les choses vont-elles changer?
Je crois que la société va changer d'un grand nombre de façons, parce que nommer un crime, c'est aussi lui donner une visibilité aux yeux de notre pays. On commence par recueillir des données sur le crime, on détermine sa prévalence. On présente les statistiques. Ensuite, les interventions policières et le système judiciaire changent, tout comme les interventions menées par les premiers répondants. Ils pourront comprendre la souffrance dont ils sont témoins et la percevoir différemment. Nous allons éduquer les enfants pour qu'ils sachent que la torture non étatique existe bel et bien dans notre pays. Par exemple, Lynne avait pour but d'éduquer les jeunes femmes. Elle n'a jamais pensé un seul moment qu'elle avait épousé un homme qui allait la torturer. Les jeunes doivent comprendre qu'il s'agit d'une réalité et que cela peut survenir dans n'importe quelle relation.
Je crois que nous pourrons nous améliorer en tant que société, évoluer. Nous allons suivre les recommandations du Comité contre la torture et agirons comme phare pour la collectivité du monde.
Même si nous avons beaucoup parlé, vous et moi, au cours des années — plus de 20 ans —, c'est difficile de vous écouter aujourd'hui. Votre exposé d'aujourd'hui était dur à écouter.
Je suis convaincu qu'il vous a été difficile, dans certains cas, de convaincre les gens de l'importance de cette question, la torture.
Pouvez-vous vous exprimer à propos de cela? Les mots que vous avez utilisés aujourd'hui n'ont jamais été entendus par bon nombre de Canadiens.
Je crois, Bill, qu'il faut mettre l'accent sur nos activités positives.
Je suis surprise du grand nombre de personnes au Canada qui ne savent pas que la Déclaration universelle des droits de l'homme existe relativement à ce contexte. Nous la présentons dans des écoles. Quand nous faisons des exposés dans les écoles, nous leur présentons la Déclaration universelle des droits de l'homme. Nous voulons que les enfants comprennent le principe de l'égalité.
On l'affiche en gros et on montre l'article 5: « Nul ne sera soumis à la torture », puis on ajoute que seules les victimes de la torture étatique ont ce droit. Alors, les élèves nous fixent et nous demandent de leur expliquer.
Nous nous adressons à différents groupes d'âge: à partir de l'école secondaire, il y en a qui embrassent la Déclaration universelle parce qu'ils trouvent que c'est vraiment quelque chose d'important. Ils remettent en question l'inégalité qui existe vu le fait que l'article 5 ne s'applique pas à tous dans notre pays, peu importe de qui il s'agit. Je dirais que c'est une façon très importante dont nous changeons la société, nos jeunes enfants.
C'est toujours bon de se rappeler que John Humphrey, un Canadien, est l'auteur de la Déclaration universelle.
Merci.
Il y a tellement de choses auxquelles le Comité doit réfléchir attentivement.
Je sais que vous étiez ici plus tôt. J'aimerais vous donner l'occasion de réagir à l'un des commentaires concernant le fait que l'auteur d'actes de torture devrait être puni par une peine d'emprisonnement à perpétuité. J'espère que vous comprenez où je veux en venir sans que j'aie à préciser.
Quelqu'un a mentionné plus tôt que la peine est un reflet de la gravité du crime. Je sais que le Comité aura à pousser plus loin sa réflexion, mais puisque l'idée a été avancée que la torture est égale à un meurtre à petit feu — ou peu importe la façon dont vous voulez présenter la chose —, j'aimerais que vous nous expliquiez un peu comment on peut à la fois nommer la torture et continuer de l'associer simplement à la définition de voies de fait graves. Vous n'avez fait que changer le nom. Trouvez-vous que c'est un problème? Selon moi, c'est une question importante, et le Comité devra se pencher là-dessus.
Vous avez pu écouter certains des commentaires d'aujourd'hui. J'aimerais entendre votre réaction.
Oui, à propos des peines. On ne parle pas de meurtre, alors pourquoi la peine devrait-elle être l'emprisonnement à perpétuité?
Selon moi, le projet de loi est si important que je serais prête à céder du terrain si les députés de la Chambre sont préoccupés par l'incohérence entre les peines pour la torture étatique et la torture non étatique. Je crois qu'il serait juste d'être cohérent. À mon avis, on ne peut avoir une peine plus sévère pour la torture non étatique que pour la torture étatique. Je crois que les deux peines devraient être de 30 ans, mais je m'éloigne du sujet.
Je crois qu'il est très important d'adopter ce projet de loi. Si ce point est un problème, je serais d'accord pour que la peine soit de 14 ans pour les deux. Voilà ma réponse.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie beaucoup du témoignage très émouvant que vous avez présenté aujourd'hui. Souvent, nous ne sommes pas conscients des impacts de la violence, et je suis reconnaissante du travail que vous accomplissez à cet égard.
Ma question porte sur le travail que vous faites auprès des victimes. Les personnes auprès desquelles vous intervenez sont-elles passées par le système judiciaire? Leurs bourreaux ont-ils été condamnés pour une infraction quelconque?
Non, et pour plusieurs raisons.
D'abord, il n'y a pas de loi, et s'il n'y a pas de loi, les victimes ne peuvent pas se manifester et dire qu'elles ont été torturées. Comme Linda l'a mentionné, leurs déclarations sont caviardées même lorsqu'elles essaient de dire quelque chose.
Les femmes avec qui nous avons travaillé ne savent même plus qu'elles sont humaines; elles ne connaissent ni leurs droits en vertu de la loi ni les droits de la personne. Tout cela leur est étranger. Beaucoup d'entre elles ne seraient pas en mesure d'endurer tout ce que leur ferait subir le système judiciaire; c'est pourquoi la société doit être davantage compréhensive en ce qui concerne la brutalité qui peut exister dans une relation. Toutes ces victimes ne se sont pas manifestées pour ces raisons: il n'y a pas de loi, pas de soutien et pas de prise de conscience sociale liée à ce qu'elles ont enduré et aux impacts de la torture non étatique.
La personne qui a parrainé le projet de loi a mentionné que certaines personnes ont été condamnées pour voies de fait graves.
Les victimes sont très fragiles et ont été handicapées par ce qu'elles ont vécu. Quel impact croyez-vous qu'il y aura sur les victimes qui doivent passer par le système judiciaire, où elles devront s'acquitter du fardeau de la preuve très lourd qui est associé à cette infraction?
Les femmes nous disent qu'elles veulent que ce projet de loi soit adopté. Elles ont besoin de ce projet de loi parce qu'elles veulent être comprises et pouvoir commencer à parler ouvertement des atrocités qu'elles ont vécues. Je leur ai demandé leur avis, et je sais qu'elles veulent essayer. Si nous habilitons le système judiciaire à se pencher sur la torture non étatique en général et si nous y sensibilisons les avocats, les juges, la police ainsi que le reste de la société, alors nous ferons un pas vers l'avant. Ce sera impossible s'il n'y a pas de loi. Je crois qu'elles sont prêtes.
Je veux m'exprimer à propos du fardeau de la preuve.
Selon moi, nous devons commencer quelque part. Actuellement, il est prouvé que des nouveau-nés et des enfants en bas âge sont torturés à des fins pornographiques. En partant de là, nous pourrons informer la société que ces atrocités sont réelles. Le Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants dispose déjà de ces données. Il s'agit de données visuelles, de données que la police et notre pays ont à leur disposition. On peut utiliser ces données pour mettre en accusation les familles — les bourreaux dans la plupart des cas — ou les amis de la famille lorsque c'est le cas. On peut commencer par les accuser de torture, à la suite de quoi la preuve sera plus facile à construire.
Merci beaucoup, madame MacDonald et madame Sarson, d'être venues ici pour nous présenter vos témoignages. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence. Nous avons écouté attentivement ce que vous aviez à dire, tout comme nous avons écouté la personne qui a parrainé le projet de loi, M. Fragiskatos. Nous sommes impatients de poursuivre nos délibérations sur le projet de loi à la prochaine séance du Comité.
La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication