:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter du projet de loi . Je suis accompagné de Mme Kosseim. Comme vous le savez peut-être, il y a un an, nous avons comparu devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale, connu sous l'acronyme SECU, au sujet d'un projet de loi d'initiative parlementaire similaire, soit le projet de loi . Je tiens d'emblée à préciser que le Commissariat comprend parfaitement la gravité, l'incidence sociale et les dangers évidents de la conduite avec facultés affaiblies. Pour les gouvernements et les organismes d'application de la loi, mettre fin à la conduite avec facultés affaiblies constitue clairement un objectif impérieux de l'État, compte tenu des répercussions tragiques que ce comportement a sur les Canadiens chaque année.
En septembre dernier, lors de notre comparution devant le comité SECU sur l'autre projet de loi, nous avons reconnu la nature urgente de l'objectif de l'État, mais avons posé trois questions à ce dernier au sujet des critères de nécessité et de proportionnalité des nouvelles dispositions. Ces questions incluaient la considération de l'aspect potentiellement intrusif de ce nouveau pouvoir, la mesure dans laquelle il faut s'éloigner de la norme du soupçon, et l'existence de preuves concrètes indiquant dans quelle mesure les changements proposés seraient efficaces.
Dans l'intervalle, depuis notre dernière comparution et le dépôt de ce projet de loi, le gouvernement a publié un énoncé concernant la Charte et un document d'information législatif dans le but de répondre à ces questions. Bien que nous puissions être en désaccord avec certains points précis, en ce qui concerne notamment les attentes raisonnables en matière de vie privée des personnes qui seraient soumises à un nouveau contrôle routier obligatoire, dans l’ensemble, nous estimons que ces réponses sont satisfaisantes.
Par exemple, les documents énumérés plus tôt renferment de l'information sur les limites du système en place au Canada. On y explique aussi la façon dont plusieurs autres modèles adoptés ailleurs dans le monde sont parvenus à réduire le nombre d'accidents mortels causés par la conduite avec facultés affaiblies. Dans l'ensemble, nous considérons que les réponses du gouvernement à nos questions sur la nécessité et la proportionnalité sont, à défaut d'être parfaites, en grande partie adéquates.
[Français]
Cela dit, j'aimerais toutefois soulever d'autres questions importantes liées à la protection de la vie privée, entre autres l'élargissement des fins auxquelles les résultats des tests et des analyses de substances corporelles peuvent être communiqués et la façon dont ces données sensibles seraient traitées.
L'article 15 du projet de loi, qui ajouterait un paragraphe 320.36(2) au Code criminel, autoriserait la communication des résultats de toute évaluation, épreuve de coordination des mouvements ou analyse de substances corporelles en vue de l'exécution ou du contrôle d'application d'une loi fédérale ou provinciale.
À l'heure actuelle, l'utilisation et la communication de ce genre de renseignements ne sont autorisées que dans le cas d'infractions précises au Code criminel, à la Loi sur l'aéronautique et à la Loi sur la sécurité ferroviaire, ou de l'exécution ou du contrôle d'application d'une loi provinciale.
En conséquence, le projet de loi élargirait les utilisations possibles ou les fins auxquelles ces résultats pourraient être utilisés par les autorités.
La sécurité routière est certainement un objectif impérieux de l'État, mais nous ne voyons pas en quoi les nombreux autres objectifs d'ordre administratif justifieraient la communication des résultats de ces tests.
Dans le cadre de votre étude, nous vous recommandons d'examiner de quelles lois il s'agit exactement et d'envisager de limiter la communication à l'exécution de lois ayant des objectifs d'État suffisamment impérieux pour justifier la communication d'information sensible obtenue à l'origine sans motifs.
À défaut d'être convaincus, vous pourriez limiter la divulgation sous le régime du paragraphe en question aux seules lois fédérales ou provinciales relatives à la sécurité des transports.
Il faudrait aussi se demander si les résultats de tests sont conservés lorsqu'il a été déterminé que les personnes n'ont pas enfreint les limites réglementaires.
La conservation pour un temps indéfini des résultats de test négatifs ou de faux positifs représenterait un risque pour la vie privée. Il faut établir dès le départ des règles de base claires sur leur description obligatoire.
Je vous remercie de l'invitation. Cela me fera plaisir de répondre à vos questions.
Laissez-moi d'abord vous remercier, vous, les coprésidents et les membres du Comité, de cette invitation à présenter les plus récentes statistiques concernant la conduite avec facultés affaiblies au Canada.
Aujourd'hui, je vais vous présenter un aperçu des principaux indicateurs les plus récents provenant de différentes sources de données sur la question.
[Traduction]
Permettez-moi d'abord d'énumérer certains des principaux constats effectués quant à la conduite avec facultés affaiblies au Canada.
Si une très petite proportion de personnes conduisent avec les facultés affaiblies, la majorité d'entre elles sont des récidivistes. Ce sont également elles qui adoptent souvent des comportements à risque, comme être le passager d'un conducteur avec les facultés affaiblies, conduire à une grande vitesse et de manière agressive, ne pas boucler sa ceinture de sécurité et utiliser un téléphone cellulaire sans dispositif mains libres au volant. Selon la police, les statistiques révèlent une diminution marquée de la conduite avec facultés affaiblies au cours des 30 dernières années, les diminutions récentes étant plus prononcées dans les catégories souvent ciblées par les campagnes et les politiques, comme les jeunes conducteurs, les hommes et la conduite nocturne.
Enfin, les incidents attribuables à la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue sont moins susceptibles d'entraîner des mises en accusation, il faut plus du double du temps pour que ces causes soient entendues par les tribunaux que les affaires de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool et ces incidents sont moins susceptibles de se solder par un verdict de culpabilité.
[Français]
Je vais d'abord parler des données autodéclarées provenant d'un échantillon de près de 32 000 Canadiens lors d'une enquête par échantillonnage.
Les données autodéclarées sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue sont, pour le moment, très limitées. C'est pourquoi je vais m'en tenir ici aux résultats liés essentiellement aux facultés affaiblies par l'alcool.
Le graphique de l'acétate 3 montre la proportion de conducteurs ayant dit avoir conduit après avoir consommé deux boissons alcoolisées dans la dernière heure, au moins une fois pendant les 12 derniers mois.
Dans l'ensemble, un peu plus de 4 % des conducteurs canadiens ont déclaré avoir conduit après avoir consommé deux boissons alcoolisées dans l'heure ayant précédé la prise du volant. Cette proportion monte à 5 % si l'on tient compte des embarcations à moteur, des VTT ou d'autres véhicules récréatifs.
À titre indicatif, en 2015 — ce n'est pas sur le graphique —, près de 3 % des conducteurs de l'Alberta, le seul endroit où l'on dispose de ce type de données, ont déclaré avoir conduit après avoir consommé de la drogue, et 9 % ont déclaré l'avoir fait après avoir consommé de l'alcool. Autrement dit, en Alberta, la drogue était à l'origine d'environ le quart des cas de conduite avec facultés affaiblies autodéclarées par cette enquête. Cela pourrait indiquer que les données policières actuelles sous-estiment grandement la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, puisqu'elle ne représente que 4 % des cas recensés par les services policiers.
[Traduction]
À la diapositive 4, vous pouvez voir le nombre de fois que les conducteurs avec facultés affaiblies déclarent avoir conduit avec les facultés affaiblies au cours des 12 mois précédant le sondage. Une proportion relativement faible de conducteurs a indiqué qu'ils avaient conduit avec les facultés affaiblies au cours des 12 derniers mois, mais parmi ceux-ci, la vaste majorité l'avait fait plus d'une fois. En moyenne, les conducteurs avec les facultés affaiblies ont révélé avoir conduit six fois avec les facultés affaiblies au cours des 12 derniers mois. Les données des tribunaux montrent en outre que des proportions élevées de contrevenants avaient déjà été accusés; c'était d'autant plus le cas pour ceux qui avaient commis les infractions les plus graves.
[Français]
La diapositive no 5 montre, par groupe d'âge, la proportion de conducteurs ayant déclaré avoir conduit avec les facultés affaiblies. On voit que les jeunes adultes de 25 à 34 ans sont les plus susceptibles de conduire avec les facultés affaiblies.
La conduite avec les facultés affaiblies n'est pas un comportement isolé, mais elle fait souvent partie d'un ensemble de comportements à risque: les conducteurs qui disent conduire plus vite et plus agressivement, qui n'attachent pas toujours leur ceinture ou qui utilisent un téléphone cellulaire sans la fonction « mains libres », et surtout, ceux disant avoir déjà été le passager d'un autre conducteur aux facultés affaiblies, ont déclaré avoir conduit avec les facultés affaiblies dans des proportions nettement supérieures aux autres.
Par ailleurs, d'autres recherches ont aussi démontré que le risque d'accident est amplifié lorsque des passagers intoxiqués sont présents à bord. Ainsi, il convient de cibler les autres comportements routiers à risque en premier lieu, et le fait d'être le passager d'un conducteur aux facultés affaiblies pourrait être un moyen efficace de cibler la conduite avec facultés affaiblies.
La diapositive no 6 concerne les données déclarées par la police. Ce graphique montre l'évolution du taux de conduite avec facultés affaiblies depuis le milieu des années 1980. Comme on l'a déjà mentionné, on constate clairement que le taux de conduite avec facultés affaiblies a fortement fléchi au cours de cette période.
[Traduction]
En 2016, les forces de police ont signalé environ 67 000 affaires de conduite avec facultés affaiblies. Cela correspond à un taux de 186 incidents par 100 000 personnes, soit un taux trois fois moins élevé qu'il y a 30 ans. Par contre, la conduite avec facultés affaiblies par la drogue est en hausse, bien que cette infraction ne constitue encore qu'une faible proportion des incidents de conduite avec facultés affaiblies signalés par la police. Même si la conduite avec facultés affaiblies a considérablement diminué au cours des 30 dernières années, ce comportement reste une des infractions criminelles les plus souvent rapportées par la police. En fait, quand on tient compte des crimes dont la police n'a pas vent, la conduite avec facultés affaiblies constitue probablement le crime le plus fréquent. Il s'agit d'une des principales causes criminelles de décès.
À la diapositive 7 figure un graphique sur les taux d'incidents de conduite avec facultés affaiblies signalés par la police par province et par territoire. Comme c'est le cas pour la criminalité en général, nous observons des disparités substantielles au pays, les taux les plus faibles étant enregistrés en Ontario et au Québec, et les plus élevés l'étant dans les territoires et en Saskatchewan. En ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies par la drogue signalée par la police, les disparités sont relativement semblables, les taux les plus élevés étant observés dans la région atlantique.
La diapositive 8 comprend un graphique sur les taux de conduite avec facultés affaiblies par âge de conducteur avec permis de 2009 à 2016. Vous constaterez que ces taux ont diminué parmi tous les groupes d'âge, mais que les taux de conduite avec facultés affaiblies par la drogue ont au contraire augmenté pour tous les groupes d'âge. Les diminutions les plus marquées pour l'ensemble des taux figurent parmi le groupe le plus jeune. Je ferais ici remarquer que certaines provinces ont adopté récemment la tolérance zéro à l'égard des jeunes conducteurs. Or, c'est dans ces provinces que les diminutions les plus importantes ont été observées.
Une autre diminution substantielle a été observée la nuit. Même si presque la moitié des affaires de conduite avec facultés affaiblies se produisent entre 23 et 4 heures, c'est au cours de cette période qu'environ 70 % de la diminution observée quant à la conduite avec facultés affaiblies a été notée au cours des six ou sept dernières années. On sait que le fait de cibler la période de pointe constitue une des manières les plus efficaces de lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. Sachez toutefois que nos données montrent que la conduite avec facultés affaiblies par la drogue ne connaît pas de fortes périodes de pointe. Il se produit autant d'incidents de conduite avec facultés affaiblies par la drogue en début de soirée que pendant la nuit. Voilà qui pourrait poser un défi potentiel quand on veut lutter contre ce comportement.
À la diapositive 9, vous pouvez voir un graphique sur les taux de mises en accusation par type de substance affaiblissant les facultés. Comme vous pouvez le voir, les personnes ayant conduit avec les facultés affaiblies par l'alcool sont plus susceptibles d'être accusées que celles ayant conduit avec les facultés affaiblies par la drogue. Cependant, il est intéressant de constater que l'écart entre les deux a décru, particulièrement depuis l'arrivée d'experts en reconnaissance de drogue en 2008.
[Français]
Nous passons maintenant à la diapositive no 10. J'aimerais attirer votre attention sur les cas de facultés affaiblies traités devant les tribunaux. Ces cas représentent une part importante de la charge de travail des tribunaux. On parlait en effet d'environ une cause sur dix en 2014-2015, ce qui en fait l'une des infractions les plus fréquemment traitées par les tribunaux.
À la diapositive no 11, on peut voir que, selon le type de cause entendue, le temps de traitement médian varie énormément. On constate ici que le temps de traitement médian pour les causes de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool est de 114 jours. À ce sujet, je vous renvoie à la ligne tracée en bleu pâle. Un niveau similaire à celui des autres infractions est indiqué par la ligne rouge pointillée. En revanche, il faut un temps médian de 245 jours, soit plus du double, pour régler une cause de conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Je vous renvoie ici à la ligne bleu foncé.
[Traduction]
À la diapositive 12, vous pouvez voir qu'en plus de prendre plus de temps à traiter, les causes de conduite avec facultés affaiblies par la drogue sont moins susceptibles d'aboutir à un verdict de culpabilité. À l'échelle nationale, 60 % des personnes ayant conduit avec les facultés affaiblies par la drogue ont été déclarées coupables, alors que ce pourcentage est de 80 % pour celles qui ont conduit avec les facultés affaiblies par l'alcool.
[Français]
Nos données démontrent qu'une faible proportion des conducteurs conduisent avec des facultés affaiblies de façon répétée. La conduite avec facultés affaiblies est associée à d'autres comportements à risque sur la route, par exemple le fait d'être à d'autres occasions le passager d'un autre conducteur dont les facultés sont affaiblies.
Bien qu'on note une baisse importante de la conduite avec facultés affaiblies dans les statistiques policières, elle demeure l'une des infractions les plus fréquentes et la deuxième cause de décès d'origine criminelle. Les baisses les plus importantes ont été notées du côté des jeunes conducteurs, une catégorie souvent visée par les campagnes de prévention. La conduite avec facultés affaiblies par la drogue pourrait être plus difficile à combattre, étant donné qu'on ne note pas dans la journée une période de pointe qui puisse être facilement ciblée. En outre, ces causes mènent moins souvent à un verdict de culpabilité et mettent plus de temps à être traitées par les tribunaux.
C'est ce qui conclut cette présentation.
Je vous remercie.
:
J'aimerais commencer par une vidéo. On dit souvent qu'une image vaut mille mots.
[Présentation audiovisuelle]
Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à vous parler d'une décision qui, à mon avis, est l'une des plus importantes que le gouvernement peut prendre. Je m'adresse à vous aujourd'hui non pas en tant que spécialiste juridique ou au nom d'un organisme disposant de vastes ressources, mais comme une citoyenne ordinaire, une victime réelle et une mère.
Merci beaucoup d'avoir regardé la vidéo. Elle me tient à coeur. Elle va avec mon exposé. Ce n'est pas seulement mon histoire déchirante, mais aussi l'illustration de ce que vivent quatre familles chaque jour au Canada.
Le 26 novembre 2011, mon jeune fils Brad et ses deux bons amis ont été violemment tués par un conducteur ivre. Son aile a percuté la voiture de mon fils par-derrière à une vitesse dépassant 200 kilomètres à l'heure dans une zone où la limite était de 70 kilomètres à l'heure. Il a fracassé la petite voiture de Bradley. Il ne restait plus rien de mon fils. On a dû l'identifier à l'aide de sa fiche dentaire.
Le conducteur aux facultés affaiblies a été inculpé de trois chefs d'accusation de conduite avec facultés affaiblies causant la mort, de trois chefs d'accusation de conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08 et de trois chefs d'accusation d'homicide involontaire, pour un total de neuf accusations. Il a été reconnu coupable et condamné sous les neuf chefs d'accusation. Sa sentence, une peine d'emprisonnement de huit ans, a été prononcée en août 2014.
Il est extrêmement rare que ce crime donne lieu à une accusation d'homicide involontaire. Le cas de mon fils était seulement la 13e fois au Canada. Le délinquant était admissible à la libération conditionnelle le 28 octobre 2016 et à la libération conditionnelle totale en avril 2017, ce qui représente une faible fraction de sa peine de huit ans.
La population canadienne sait que les peines sont déjà extrêmement légères pour les crimes liés à la conduite avec facultés affaiblies causant la mort, et je suis convaincue que nous trompons les Canadiens en écourtant ainsi les peines. Une peine de 8 ans équivaut à 2,2 ans, ce qui est une très faible fraction lorsqu'on considère la gravité du crime qui a entraîné l'effroyable mort de trois jeunes hommes innocents. La plupart des Canadiens ne sont pas au courant. Ils croient ce qu'ils lisent dans les journaux ou ce qu'ils voient à la télévision: qu'il a fait huit ans de prison. Cela ne devrait pas se passer ainsi.
J'ai beaucoup de mal à parler de mon fils Bradley ou à écrire à son sujet. Le pire cauchemar de tout parent est le coup frappé à la porte par un étranger en uniforme, le chapeau à la main.
Je présume que vous avez lu dans mon mémoire la description de ma « nouvelle normalité ». Je suis la mère d'un enfant assassiné et ma vie n'a plus rien de normal. Perdre son enfant sans qu'il ait quoi que ce soit à se reprocher est difficile en soi, mais perdre son jeune fils d'une manière aussi horrible est indescriptible.
La souffrance que j'ai ressentie après la mort de mon fils était très grande, et il y a eu presque 3 ans et 31 comparutions en cour entre la date de la tragédie et le jour où la peine a été prononcée. Je savais que je ne pouvais rien faire pour ramener mon fils, mais je pensais pouvoir poser un geste positif pour empêcher que d'autres mères soient frappées par une telle tragédie.
J'espère que tout le monde pourra lire mon mémoire. J'y explique en grand détail mes arguments solides concernant les peines minimales obligatoires et la dissuasion. Ma préoccupation première, ce sont les conducteurs aux facultés affaiblies qui causent la mort.
La réalité actuelle est qu'il y a quatre à cinq décès par jour. Nous connaissons tous ces données. Nous savons tous que près de 200 personnes sont blessées chaque jour. J'essaie de comprendre pourquoi. À mon avis, ceux qui savent qu'ils ne devraient pas conduire se disent qu'ils arriveront chez eux, et la réalité, c'est que la plupart du temps, c'est vrai qu'ils arrivent à la maison, ce qui ne fait que renforcer ce comportement.
Le risque d'être pris en flagrant délit est très faible, et les peines sont très clémentes pour les personnes qui se font prendre. C'est pour cette raison que ceux qui conduisent avec les facultés affaiblies considèrent que le risque en vaut la peine.
Le taux de probabilité qu'un conducteur ayant causé la mort soit accusé est seulement de 22 %, et parmi les 22 % des conducteurs aux facultés affaiblies ayant causé la mort, seulement 11 % sont reconnus coupables. Mon cas fait partie de ce taux de 11 %. On dit que je suis chanceuse, mais honnêtement, je ne me sens pas tellement chanceuse. Soixante-dix-huit pour cent des conducteurs aux facultés affaiblies ayant causé la mort ne sont jamais inculpés. Des échappatoires garantissent leur liberté. Le tribunal rejette l'affaire au bout de cinq minutes. En moyenne, les peines sont de deux à trois ans.
Notre système de justice semble considérer ces tragédies comme n'étant rien d'autre, justement, que de tristes tragédies ou des accidents. Comparez cela aux autres crimes qui causent la mort et vous constaterez comme moi que c'est insensé. Vous auriez de la difficulté à trouver un Canadien qui croit que les peines infligées aux conducteurs aux facultés affaiblies ayant causé la mort sont même près d'être justes.
Selon moi, c'est très simple. La peine ne correspond pas à la gravité du crime. Lorsqu'un crime aussi grave est commis, lorsqu'une vie est perdue, la personne responsable devrait avoir à répondre de ses actes d'une façon quelconque, et ce, non seulement pour la victime, mais aussi pour la population générale.
Je vais maintenant parler du projet de loi et des lacunes que j'y vois. Ce qui me frappe par-dessus tout, c'est que le projet de loi C-46 contient la majorité des dispositions des anciens projets de loi et . On a comblé certaines lacunes, mais on a retiré complètement les peines plus sévères infligées aux conducteurs aux facultés affaiblies ayant causé la mort. En outre, les peines prévues pour les premières, deuxièmes et troisièmes infractions, ainsi que pour les infractions subséquentes ont été considérablement réduites comparativement à celles proposées dans les anciens projets de loi. De nos jours, une amende de 1 000 $ est payable par carte de crédit, et le projet de loi ne va pas plus loin que cela.
En Alberta, si vous attrapez un poisson de plus que la limite autorisée ou si vous pêchez sans permis, la peine minimale obligatoire est une amende de 1 000 $. La peine est la même pour les conducteurs aux facultés affaiblies.
Au chapitre de la conduite avec facultés affaiblies causant la mort, la mesure reflète en grande partie la loi actuelle, le projet de loi C-13, qui a été adopté en 2008. La peine infligée lors de la première infraction ne devrait-elle pas être assez sévère pour qu'il n'y ait pas de deuxième, de troisième et de quatrième infractions; pour que l'on ne se rende pas jusqu'à un décès?
Il est vrai que le projet de loi C-46 prévoit une petite augmentation en fonction du taux d'alcoolémie, par tranches de 500 $, et qu'on a ajouté des contrôles aléatoires de l'alcoolémie. Pour ce qui touche les contrôles aléatoires, je reconnais que MADD et M. Solomon rapportent une réduction de 20 % des décès dans d'autres pays, mais c'est sur une très longue période, sur 10 à 20 ans. D'après moi, cette réduction n'est pas due uniquement aux contrôles aléatoires de l'alcoolémie. Il s'agit d'un dossier complexe, et sur une aussi longue période, nombre d'autres variables ont dû être incluses et ont dû avoir une incidence.
J'aimerais savoir quelles peines sont infligées aux conducteurs aux facultés affaiblies qui causent la mort dans les pays en question. Je suis convaincue que sur une aussi longue période, d'autres variables ont également une incidence, par exemple, un changement de culture. Avec la légalisation de la marijuana, le gouvernement est-il prêt à fournir aux services de police les ressources dont ils ont besoin? Quelle sera l'incidence sur les libertés civiles et sur les tribunaux déjà débordés? Ce sont les questions que je me pose.
Je peux vous dire que les contrôles aléatoires de l'alcoolémie n'auraient rien changé dans de nombreux cas que je connais. Ils n'auraient aucune incidence, selon moi, sur les buveurs invétérés. Le délinquant qui a tué mon fils et ses deux amis a avoué, durant son audience de libération conditionnelle, qu'il avait conduit en état d'ébriété au-delà de 300 fois sur une période de 5 ans. Il le faisait une ou deux fois par semaine. Lorsqu'il a tué mon fils et ses deux amis, il était considéré comme un délinquant primaire. C'était plutôt la première fois qu'il se faisait prendre, et la plupart des buveurs invétérés sont comme lui.
Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les contrôles aléatoires de l'alcoolémie règlent tout. Nous ne pouvons pas penser que les policiers attraperont tout le monde. En 2012, seulement 5 % des conducteurs aux facultés affaiblies qui se sont fait prendre avaient un taux d'alcoolémie de 0,08, mais 64 % d'entre eux excédaient le double ou plus de la limite, et ce sont eux qui tuent. Le projet de loi n'est ni assez précis ni assez sévère pour reconnaître la perte de vie ou pour avoir un effet dissuasif.
Dans l'ensemble, le projet de loi ne contient pas les mesures nécessaires pour modifier les comportements des buveurs invétérés qui ont l'habitude de conduire en état d'ébriété. Il ne réduira pas considérablement les décès, du moins pas avant qu'il y ait un changement de culture, ce qui pourrait prendre plusieurs décennies. Le projet de loi ne reconnaît pas que causer un ou plusieurs décès est un crime grave.
Je sais qu'il ne me reste presque plus de temps; je vais donc parler brièvement des peines minimales obligatoires.
Une peine minimale obligatoire de cinq ans renforcerait sensiblement l'objectif de dissuasion de la détermination de la peine. Elle uniformiserait les règles du jeu pour les juges, les procureurs de la Couronne et les avocats de la défense, tout en maintenant la marge de manoeuvre considérable entre la peine minimale et la peine maximale qui permet de prendre en considération les facteurs atténuants et aggravants, la réadaptation, etc. Une peine minimale obligatoire de cinq ans ne serait pas considérée comme excessive ou cruelle, compte tenu des dates de libération conditionnelle et de libération d'office. Les peines pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort seraient alors proportionnelles à celles imposées pour d'autres crimes graves; ce crime ne serait donc plus considéré comme un accident ou une triste tragédie.
Par rapport à la dissuasion, la peine minimale obligatoire de cinq ans pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort est nécessaire, d'après moi, parce qu'elle envoie le message dissuasif clair à la population que sauver la vie de nos êtres chers est important. La précision et la sévérité de la peine représentent des moyens efficaces de prévenir le crime. L'effet dissuasif est essentiel.
Enfin, nous savons tous que la conduite avec facultés affaiblies est la première cause criminelle de décès au Canada: il y en a quatre par jour. Les voitures sont des armes mortelles. La sécurité transcende les allégeances politiques, et la protection des Canadiens devrait être la priorité du gouvernement.
Le 16 juin 2015, le jour où le projet de loi a été déposé, l'ancien ministre de la Justice, l'honorable Peter MacKay, m'a rencontré dans un bureau privé, ici à Ottawa; il m'a regardé dans les yeux; il m'a assuré qu'il ne s'attendait pas à ce qu'il y ait beaucoup d'opposition au projet de loi, peu importe qui formerait le gouvernement à l'automne; et il m'a dit: « C'est un bon projet de loi, Sheri. »
J'étais très optimiste quand le nouveau gouvernement a été formé en 2015. En janvier 2016, j'ai envoyé un courriel aux 184 députés libéraux et j'ai livré une lettre en main propre. J'ai même parlé de mon optimisme sur mon site Web. J'ai une copie de la lettre et de mon site Web à vous remettre. J'ai reçu six réponses. Honnêtement, ce seul fait m'a brisé le coeur.
Je trouve inconcevable que les peines ne soient pas plus graves pour la conduite avec facultés affaiblies causant la mort. Je vous demande de garder l'esprit ouvert et de réexaminer le projet de loi en accordant une attention particulière aux conséquences: aux décès, aux blessures, aux répercussions sur la victime et aux coûts pour la société. Les Canadiens demandent sans équivoque des peines plus sévères, et je vous prie de les écouter. Je recommande aussi fortement au Comité d'amender le projet de loi afin de réintroduire la peine minimale obligatoire pour les conducteurs aux facultés affaiblies qui causent la mort, comme le prévoyaient les projets de loi et . N'importe qui pourrait être la prochaine victime, y compris nous, nos enfants et nos amis. Nous pourrions tous être la prochaine personne à souffrir une mort horrible aux mains d'un conducteur aux facultés affaiblies. Nous sommes en 2017, et c'est un choix. En fait, c'est un acte intentionnel.
Malheureusement, je sens que je n'ai aucune importance. Chaque matin, je me réveille et je me rappelle que mon fils est mort et que les victimes ne comptent pas. Il n'y a pas d'obligation de répondre de ses actes, pas de justice et pas de dissuasion.
Je vais conclure en espérant que vous accorderez une attention particulière aux paroles de , député regretté de Scarborough—Agincourt, qui a déclaré que tous les députés devraient mettre de côté leurs idéologies et travailler ensemble dans l'intérêt des Canadiens.
Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous, honorables députés. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui, au nom de l'Association des courtiers d'assurances du Canada, ou l'ACAC, pour contribuer à alimenter le débat public au sujet du projet de loi . En tant qu'ancien député de la Chambre des communes, je suis très heureux d'être ici, bien que je trouve étrange de me trouver de ce côté-ci de la table. Permettez-moi de vous remercier pour ce que vous accomplissez.
L'ACAC est la voie nationale des courtiers en assurance de dommages et le défenseur des consommateurs d'assurance. Elle regroupe 11 associations membres et représente plus de 36 000 courtiers qui sont des propriétaires de petites entreprises et des bâtisseurs dans pratiquement toutes les collectivités du pays. Son rôle consiste également à défendre les dossiers de politique publique qui touchent les courtiers d'assurances et les consommateurs, et c'est sous cet angle que nous comparaissons devant vous aujourd'hui.
Je tiens à dire d'emblée que l'ACAC appuie fortement les objectifs de ce projet de loi, c'est-à-dire réduire la conduite avec facultés affaiblies et accroître la sécurité routière. Tous les jours, les courtiers d'assurances doivent composer avec les répercussions des accidents mettant en cause la conduite avec facultés affaiblies et peuvent témoigner des effets dévastateurs sur les plans physique, émotif et financier qui en découlent. Mme Arsenault vient d'ailleurs tout juste de nous raconter son histoire très émouvante.
Nous avons bon espoir que les mesures prévues dans le projet de loi permettront d'améliorer la sécurité routière. Le projet de loi C-46, comme vous le savez, propose le dépistage obligatoire de l'alcool, qui s'est révélé très efficace dans plusieurs pays, par exemple, en Australie, où on a mis en place le contrôle aléatoire de l'alcoolémie il y a plus de 30 ans. Les résultats sont éloquents. Seulement dans l'État de Victoria, la proportion des accidents mortels liés à la conduite avec facultés affaiblies est passée de 49 % en 1977 à 15 % en 2014.
Nous sommes également en faveur des mesures destinées à éliminer les échappatoires qui permettent aux conducteurs ivres de s'en tirer à bon compte en évitant les peines, y compris l'imposition de peines sévères qui auront un effet plus dissuasif. La légalisation de la marijuana soulève évidemment plusieurs préoccupations en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Beaucoup de gens s'attendent à ce que la consommation du cannabis devienne plus fréquente et socialement acceptable, ce qui pourrait mener à une augmentation du nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
De nombreuses questions subsistent concernant l'incidence de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue sur le secteur de l'assurance. Plus précisément, nous espérons qu'on mènera davantage de recherches et d'essais afin de mettre au point des outils de dépistage fiables. À mesure que le paysage politique sera plus clair, l'industrie de l'assurance fera les ajustements nécessaires.
Encore une fois, nous appuyons les initiatives qui permettront de réduire le nombre de décès et de blessures causés par la conduite avec facultés affaiblies et nous estimons que les mesures suivantes sont essentielles: premièrement, renforcer les peines et éliminer les échappatoires du côté de la défense; deuxièmement, poursuivre les recherches sur le dépistage lors de contrôles routiers; et troisièmement, mener des campagnes de sensibilisation. Grâce à des lois et à des règlements plus rigoureux, nous sommes convaincus que nous pourrons réaliser de véritables progrès.
Je vous remercie de votre temps et de votre attention. C'est maintenant avec plaisir que je cède la parole à M. Scott Treasure, le président désigné de l'ACAC.
Tout d'abord, je tiens à remercier Sheri de nous avoir raconté son histoire émouvante dans le cadre de cette étude. Cela situe mon propre témoignage dans sa juste perspective, étant donné toutes les difficultés auxquelles elle est confrontée au quotidien.
Je comparais devant vous aujourd'hui en tant que président désigné de l'ACAC. Je suis un courtier d'assurances et un membre actif de mon association professionnelle de l'Alberta depuis de nombreuses années. Nos membres sont témoins de ce que vivent nos clients dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. C'est pourquoi il est important de mettre l'accent sur la sécurité routière et la responsabilité des conducteurs dans le cadre de notre travail.
Les courtiers de l'Alberta et de partout au pays participent à diverses initiatives visant à lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. Par exemple, de nombreux courtiers sont bénévoles pour Opération Nez Rouge durant la période des Fêtes, en veillant à ce que les conducteurs rentrent à la maison en toute sécurité. Depuis sa création en 1984, Opération Nez Rouge est devenue la campagne de sécurité routière la plus importante contre la conduite avec facultés affaiblies au Canada.
En Ontario, les courtiers appuient la campagne de l'Association des chefs de police de l'Ontario visant à sensibiliser la population aux dangers de la conduite avec facultés affaiblies et de la distraction au volant. Outre les blessures graves, les décès et les peines criminelles sévères, ces comportements dangereux ont des conséquences importantes sur le plan des finances et des assurances, ce qui constitue des mesures dissuasives additionnelles.
Même si les couvertures d'assurance varient d'une province à l'autre, si vous conduisez un véhicule illégalement, par exemple en état d'ébriété, toutes les politiques limitent l'obligation au minimum prévu par la loi de même que les prestations que vous recevrez en cas d'accident. Un tel comportement entraînera une hausse importante de vos primes d'assurance et, dans le cas de récidivistes, il pourrait même être difficile de trouver une assurance.
Il est important d'avoir des preuves à l'appui lorsqu'on refuse d'assurer quelqu'un. Il est relativement facile de mesurer, au moyen d'un alcootest, l'affaiblissement des facultés par l'alcool. La conduite avec facultés affaiblies par la drogue est plus subjective. Rien n'indique que les tests actuels sont précis et fiables, alors jusqu'à ce que la science évolue et que des précédents soient établis, il pourrait y avoir une période d'incertitude dans le monde de l'assurance.
Je pourrais vous donner quelques exemples. Évidemment, on sait qu'il y a d'autres pays qui ont légalisé le cannabis et qui ont procédé un peu différemment lorsqu'il s'agit de la concentration de THC dans le sang. Dans ces cas, je pense que l'on craint qu'il y ait des contestations judiciaires. Dans l'Oregon, si je ne me trompe pas, on ne procède pas du tout de cette façon. On n'utilise pas la concentration de THC dans le sang. Je crois que le Colorado adopte davantage des mesures de sécurité routière.
Compte tenu de l'incertitude statistique, il est important de recueillir des données précises dans les pays où la marijuana a été légalisée. Lorsque la marijuana est en cause dans des décès ou des accidents, dans mon industrie, le plus important est de déterminer qui est le responsable. C'est l'aspect le plus important dont il faut tenir compte.
En même temps, l'éducation est essentielle, et j'encourage le gouvernement à y investir le plus de ressources possible. Je sais que les courtiers continueront de sensibiliser activement la population aux dangers de la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool et la drogue. Comme tout le monde, nous voulons débarrasser les routes de ces conducteurs, et mieux encore, nous voulons les empêcher de prendre le volant. Nous sommes d'avis que les mesures prévues dans le projet de loi contribueront à l'atteinte de cet objectif.
Enfin, quel que soit le projet de loi qui sera adopté, notre industrie et les milliers de courtiers de partout au Canada seront outillés pour aider les Canadiens à composer avec ces changements.
Nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré. Nous serions heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, messieurs les vice-présidents et membres du Comité, bonjour.
Le Barreau du Québec vous remercie de l'avoir convié aujourd'hui à échanger avec vous sur le projet de loi .
Je me nomme Ana Victoria Aguerre, je suis avocate et secrétaire au Comité en droit criminel du Barreau du Québec. Je suis aujourd'hui accompagnée de Me Pascal Lévesque, président du Comité en droit criminel, et de Me Benoît Gariépy, membre du Comité en droit criminel, mais aussi avocat spécialisé dans les dossiers de conduite avec les facultés affaiblies.
Comme vous le savez, le projet de loi présente une série de modifications importantes au Code criminel, notamment en proposant une nouvelle infraction de faculté de conduite affaiblie, de nouveaux pouvoirs accordés aux policiers pour dépister celle-ci et de nouvelles règles d'administration et de recevabilité de la preuve en cette matière.
D'entrée de jeu, nous tenons à souligner que le Barreau du Québec soutient l'intention du législateur menant au dépôt du projet de loi . La conduite avec facultés affaiblies est un enjeu de sécurité publique important auquel il faut évidemment s'attaquer. Néanmoins, les solutions proposées à cet égard par le projet de loi C-46 nous apparaissent problématiques dans leur mise en oeuvre et, à notre avis, vont bien au-delà de ce qui est raisonnable, eu égard aux droits fondamentaux des justiciables.
Compte tenu du délai de présentation qui nous est imparti, nous entrerons directement dans le vif du sujet.
Le Barreau du Québec s'oppose à plusieurs modifications proposées par le projet de loi et s'inquiète que certains de ses amendements soient contestés devant les tribunaux. Nous sommes inquiets de l'impact que pourraient avoir ces modifications, dont la plupart sont disproportionnées eu égard aux objectifs de dissuasion et de sensibilisation poursuivis par le projet de loi, notamment sur le droit fondamental à la présomption d'innocence et le droit à la défense pleine et entière dont jouit toute personne.
Je cède maintenant la parole à Me Lévesque pour la suite.
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Dans notre analyse du projet de loi , qui porte sur la partie 2, nous dégageons deux thèmes. J'aborderai le premier thème et M
e Gariépy va aborder le deuxième thème.
Le thème dont je vais traiter porte sur la fiabilité et l'exactitude des résultats des appareils de détection approuvés et sur les questions relatives à la preuve et à la défense recevables en cette matière.
De prime abord, nous comprenons l'intention du législateur visant à clarifier l'état du droit à la lumière de l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire St-Onge Lamoureux. Néanmoins, la mise en oeuvre de cette intention est problématique: elle pourrait avoir pour effet de limiter déraisonnablement la défense relative à la fiabilité des résultats des appareils et, ultimement, le droit à la présomption d'innocence.
Le projet de loi établit comme prémisse que, lorsque certaines conditions sont remplies, les résultats des analyses des échantillons font foi de façon concluante de l'alcoolémie de la personne au moment des analyses. Le projet de loi n'oblige le poursuivant qu'à divulguer les renseignements liés à ces conditions. Pour obtenir d'autres renseignements, les personnes accusées devraient s'adresser au tribunal et faire la démonstration de la pertinence vraisemblable de ce qu'elles désirent obtenir.
Cette mécanique nous préoccupe. D'abord, cela témoigne d'une lecture fragmentaire des enseignements de la Cour suprême dans l'arrêt St-Onge Lamoureux. Bien sûr, les renseignements liés à l'entretien et à la manipulation des appareils au moment des tests sont pertinents et doivent être divulgués, mais il y a aussi les renseignements sur l'entretien et l'utilisation passés de ces mêmes appareils, qui peuvent aussi soulever un doute raisonnable quant à la fiabilité de leurs résultats.
En faisant reposer sur les épaules des justiciables le fardeau de démontrer à un juge la pertinence vraisemblable d'autres renseignements, on risque d'imposer une preuve d'expert pour obtenir la communication de la preuve, un principe de justice fondamentale reconnu par la Charte. Déjà, dans l'état actuel du droit, des juges ont exigé une preuve d'expertise pour obtenir cette communication. Le projet de loi risque d'exacerber cette tendance. Cela risque d'entraîner une justice criminelle à deux vitesses: des justiciables qui peuvent payer pour une expertise, et les autres. Au bout du compte, les résultats seraient si difficilement contestables qu'il y aurait risque de se retrouver, en pratique, devant une présomption à caractère irréfragable.
Pour vous entretenir du deuxième thème, je cède la parole à Me Gariépy.
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Le deuxième thème est relié à l'infraction modifiée de capacité de conduire affaiblie à un quelconque degré, au nouveau pouvoir de dépistage obligatoire accordé aux policiers et au nouveau pouvoir leur permettant de prélever des échantillons de substances corporelles fondé sur de simples soupçons.
Selon le Barreau du Québec, l'infraction modifiée de capacité de conduire affaiblie à un quelconque degré est, à toute fin pratique, une règle de type tolérance zéro déguisée. La notion d'affaiblissement à un quelconque degré revient à dire que, à défaut d'être sobre au moment où elle conduit un véhicule moteur, une personne pourra facilement être accusée de conduire avec capacités affaiblies. Dès que cette personne aura consommé ne serait-ce qu'un verre de vin ou une seule bière, un policier pourra l'arrêter et porter des accusations contre elle s'il a noté une conduite qui, selon sa perception, s'écarte de la perfection. Ce critère est donc beaucoup trop large et a une portée nettement excessive, selon nous, eu égard aux objectifs de sécurité publique et de dissuasion poursuivis. Il laisse beaucoup trop de place à l'appréciation subjective de ce que peut constituer un affaiblissement de la capacité à conduire un véhicule moteur.
À cet égard, je me permets de vous faire part de deux précisions émises par la Cour d'appel du Québec. D'abord, la Cour est d'avis que:
[...] un mauvais jugement de la part d'un conducteur automobile ne dénote pas nécessairement une capacité de conduire affectée par l'alcool [...]
Ensuite, la Cour affirme que:
Le comportement qui est criminalisé n'est pas de conduire alors que ses capacités sont affaiblies — et elles peuvent l'être à cause de fatigue, de stress, d'un handicap physique ou mental, etc. —, mais bien de conduire alors que ses capacités sont affaiblies par l'absorption de drogue et d'alcool.
Par l'entremise de son comité en droit criminel, le Barreau du Québec, qui, faut-il le rappeler, est composé d'avocats de la défense mais aussi de procureurs de la Couronne, se montre donc inquiet quant à la possibilité que, en raison d'un critère aussi large et subjectif, un citoyen se retrouve avec un dossier judiciaire et toutes les conséquences néfastes qui affecteraient alors sa vie.
Toujours au sujet de l'article 320.14 proposé, le Barreau du Québec émet des réserves sur la modification quant à la durée pour laquelle une personne pourra être accusée de cette infraction. Le Barreau spécifie en outre que la conduite affaiblie par la drogue ou par l'alcool peut s'apprécier jusqu'à deux heures suivant la conduite elle-même. Encore une fois, nous nous interrogeons sur la proportionnalité de cet ajout eu égard notamment à la présomption d'innocence puisqu'un renversement important du fardeau de la preuve est prévu au paragraphe 320.14(5).
De plus, à ce nouveau régime de tolérance zéro s'ajoute un régime de dépistage et de prélèvement tout aussi inquiétant du point de vue des droits des justiciables. Le projet de loi accorde en effet aux policiers des pouvoirs de dépistage obligatoire dans l'exercice de leur pouvoir d'intercepter un véhicule. En clair, le policier pourra demander à tout conducteur, de manière tout à fait discrétionnaire, de lui fournir un échantillon d'haleine.
Le Barreau du Québec est très préoccupé, encore une fois, par l'importance du pouvoir discrétionnaire qu'auraient les policiers en vertu de cette nouvelle règle. Certes, nous tenons pour acquis que les policiers reçoivent et recevront la formation nécessaire pour gérer cet énorme pouvoir discrétionnaire, mais il n'en demeure pas moins qu'il existe des risques réels que se dessine un certain profilage, qu'il soit racial ou démographique, basé par exemple sur les habitudes de vie et de consommation d'une certaine partie de la population.
Pour bien exprimer notre inquiétude, nous faisons nôtres les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Bain de 1992. On y dit ce qui suit:
Malheureusement, il semblerait que, chaque fois que le ministère public se voit accorder par la loi un pouvoir qui peut être utilisé de façon abusive, il le sera en effet à l'occasion. La protection des droits fondamentaux ne devrait pas être fondée sur la confiance à l'égard du comportement exemplaire permanent du ministère public, chose qu'il n'est pas possible de surveiller ni de maîtriser.
Si cet engagement est bon pour le ministère public, il est à notre avis tout aussi juste, sinon plus, envers les policiers sur le terrain.
Finalement, en sus de ce pouvoir, les policiers pourront également exiger un échantillon de sang dès que des motifs raisonnables de croire que la capacité de conduite du conducteur est affaiblie à quelconque degré par l'effet d'une drogue, donc même lorsque le conducteur frise, sans toutefois l'atteindre, la sobriété.
Encore une fois, nous sommes inquiets des conséquences possibles découlant de l'exercice de tels pouvoirs, mais aussi des conséquences découlant de l'appréciation qu'auront les forces de l'ordre de cette nouvelle modification. En clair, toute conduite qui dérogera minimalement à ce qui sera, selon le policier, une conduite normale pourra être considérée comme infractionnelle et ouvrira la porte à l'exercice d'importants pouvoirs de prélèvement, très intrusifs, de la part des policiers ainsi que, ultimement, à la mise en accusation de personnes pour des comportements qui se concilient mal avec l'idée que l'on se fait d'une infraction criminelle.
Nous vous remercions encore une fois de nous permettre de vous faire part de nos réflexions sur le projet de loi , et nous espérons que celles-ci seront à leur tour utiles à la vôtre.
Nous sommes évidemment à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Monsieur le président, chers membres du Comité, je vous remercie de l’occasion qui m’est donnée de m’adresser à vous aujourd’hui.
Je m’appelle Doug Beirness. Je suis associé de recherche principal et expert en matière de conduite avec facultés affaiblies au Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, connu sous le nom de CCDUS. Le CCDUS a été créé par le Parlement en tant qu’organisme non gouvernemental chargé d’assurer un leadership national, de procéder à une analyse fondée sur des données probantes et de donner des conseils pour lutter contre l’usage de substances au Canada. Je suis également membre du Drugs and Driving Committee, ou le DDC, de la Société canadienne des sciences judiciaires. Le DDC fera un exposé distinct au Comité la semaine prochaine.
Aujourd’hui, je m’adresserai à vous en ma qualité de membre du CCDUS et en me reposant sur mes nombreuses années d’expérience de recherche dans le domaine de la conduite avec facultés affaiblies. Au lieu de me concentrer sur les statistiques, permettez-moi simplement de dire qu’au cours de mes 35 années de recherches dans le domaine, j’ai été témoin d’une énorme réduction du nombre de Canadiens tués annuellement dans des accidents de voiture mettant en cause un conducteur en état d’ébriété. Malgré cela, un tiers des décès qui surviennent sur les routes canadiennes sont liés à l’alcool. De plus, comme nous avons développé les outils et les moyens nécessaires pour enquêter de manière appropriée, nous avons appris beaucoup de choses au sujet des dangers associés à l’usage de drogues par les conducteurs. Aujourd’hui, l’usage de drogues rivalise avec l’alcool en tant que facteur qui contribue grandement aux graves accidents de la route au Canada.
Pendant le temps qui m’est imparti aujourd’hui, j’aimerais aborder plusieurs enjeux qui sont mentionnés dans le projet de loi . Je vais commencer par le dépistage obligatoire d’alcool.
Il y a 40 ans, le Parlement a accordé aux agents de police le pouvoir d’arrêter des véhicules et de soumettre les conducteurs à des contrôles de leur alcoolémie. Cependant, avant de se prévaloir de ce pouvoir, l’agent de police devait avoir des motifs raisonnables de soupçonner que le conducteur avait consommé de l’alcool.
Si les conditions constituant un motif raisonnable de soupçonner la présence d’alcool ne sont pas très exigeantes, il a été démontré que la capacité des agents de police de détecter l’odeur de l’alcool ou des symptômes liés à sa consommation varie considérablement. Je ne dis pas cela pour discréditer le travail de nos agents de police. Je soulève la question pour illustrer le fait que la détection d’alcool peut être difficile, en particulier au cours d’un bref contrôle sur le bord de la route. Si un conducteur échappe à la vigilance des policiers, cela renforce son comportement et augmente la probabilité de récidive.
Comme vous l’avez entendu plus tôt aujourd’hui, les Australiens ont lancé le concept de contrôle aléatoire de l’alcoolémie dans le cadre d’un effort à grande échelle pour réduire l’alcool au volant qui comprenait la mise en oeuvre à longueur d’année d’un programme très intense de points de contrôle routiers, au cours duquel pratiquement chaque conducteur faisait l’objet d’un contrôle de son alcoolémie. Le programme avait et a toujours pour objet de soumettre chaque conducteur d’un État à au moins un contrôle par année.
La stratégie a fonctionné. Lorsqu’ils sont utilisés de cette manière, les contrôles obligatoires de l’alcoolémie augmentent le taux de détection des conducteurs en état d’ébriété et accroissent la probabilité perçue et réelle d’arrestation, deux résultats qui constituent des facteurs clés de dissuasion générale.
Dans le passé, chaque fois qu’on suggérait des contrôles aléatoires ou obligatoires de l’alcoolémie, cette suggestion était rejetée rapidement en tant que violation de nos droits. Il est peut-être temps de réexaminer cette position. Réfléchissez pendant un moment aux étapes que nous franchissons simplement pour monter à bord d’un avion. En comparaison, le fait de fournir un simple échantillon d’haleine sur le bord de la route représente un léger sacrifice pour aider à assurer la sécurité de tous les usagers de la route. Les besoins sont grands, les avantages, substantiels, et le sacrifice, vraiment minime. Les données montrent clairement que nous devons permettre aux agents de police de contrôler en tout temps l’alcoolémie des conducteurs, que des soupçons pèsent sur eux ou non.
Le dépistage de drogue par voie orale est le prochain sujet que j’aimerais aborder. Des appareils approuvés de dépistage de l’alcool, c’est-à-dire des éthylomètres portatifs, sont utilisés couramment partout au Canada depuis les années 1970 afin d’évaluer rapidement et correctement les conducteurs qui ont consommé de l’alcool. Au cours des dernières années, on a observé une augmentation du nombre de personnes qui demandent la création d’un appareil semblable qui pourrait être utilisé sur le bord de la route pour évaluer de manière rapide et fiable la consommation de drogues des conducteurs, le cas échéant.
Cet appareil n’existe simplement pas. Le dépistage par voie orale n’offre qu’une solution partielle. Un petit échantillon de liquide buccal peut-être prélevé en quelques secondes afin d’indiquer si un conducteur a ingéré une substance qui pourrait affaiblir ses facultés. Le Drugs and Driving Committee de la Société canadienne des sciences judiciaires a mis à l’essai trois de ces appareils et a déterminé qu’ils étaient en mesure de détecter le cannabis, la cocaïne et la méthamphétamine avec un grand degré de précision.
Les appareils de dépistage de drogue par voie orale pourraient être des outils précieux pour les agents de police qui appliquent les dispositions de la loi relative à la conduite avec facultés affaiblies, mais ils ne règlent pas le problème.
Bien que le dépistage par voie orale puisse détecter de façon fiable trois des substances consommées le plus fréquemment par les conducteurs, il est incapable de détecter de nombreuses autres substances, comme les opioïdes et les benzodiazépines. Mais ce qui est plus important encore, c’est que les appareils indiquent seulement la présence de drogues sans mesurer leur concentration ou donner une indication de la mesure dans laquelle les facultés du conducteur sont affaiblies.
En outre, comme c’est le cas pour l’alcool, l’agent devra avoir un motif raisonnable de soupçonner que le conducteur a consommé des drogues avant de pouvoir lui demander de se soumettre à un dépistage par voie orale. Or, il est beaucoup plus difficile de trouver un motif de soupçonner l’utilisation de drogues que de détecter la présence d’alcool. Il faut donc que les agents reçoivent une formation visant à leur permettre de reconnaître les symptômes associés à la consommation de diverses drogues.
Leur cours de formation actuel sur l’administration de tests de sobriété normalisés devrait être élargi afin de leur apprendre comment reconnaître les symptômes de consommation de drogues et comment utiliser les appareils de dépistage de drogue par voie orale. Ces programmes de formation doivent être élaborés et mis en oeuvre dès que possible afin de garantir que nos policiers sont prêts pour la légalisation du cannabis.
L’utilisation d’appareils de dépistage de drogue par voie orale n’éliminera pas la nécessité de mettre en oeuvre un programme d’évaluation et de classification des drogues ou ECD. En fait, en fournissant aux agents des appareils de dépistage de drogue par voie orale et en leur permettant d’acquérir de meilleures compétences en matière de reconnaissance des symptômes de drogues, on pourrait accroître la nécessité d’exécuter un programme d’ECD.
L’argument important que je souhaiterais faire valoir, c’est qu’un solide programme d’ECD est essentiel à l’application des dispositions de lois en matière de conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Un plus grand nombre d’agents de police seront nécessaires pour veiller à ce que tous les conducteurs soupçonnés de conduire avec des facultés affaiblies par la drogue puissent être évalués dans un délai raisonnable suivant leur arrestation.
Le projet de loi réaffirme également la décision rendue récemment par la Cour suprême à propos de l’admissibilité de preuves fournies par un expert en reconnaissance de drogues relativement à l’affaiblissement des facultés par type de drogues, sans qu’il soit nécessaire de conférer à l’agent de police des compétences d’expert. Cela renforce la valeur du programme d’ECD et la nécessité de maintenir ses normes élevées établies par l’Association internationale des chefs de police.
Nous croyons que le programme d’ECD est un élément important de l’application des dispositions des lois canadiennes en matière de conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Nous avons besoin d’un leadership national fort pour assurer la fidélité du programme, pour coordonner la formation avec les services de police provinciaux et municipaux et faciliter cette formation, pour mettre l’information en commun, pour surveiller les progrès accomplis et pour veiller à la continuité de l’éducation et de la formation.
Essentiellement, les limites « per se », comme 80 milligrammes par décilitre pour l’alcool, sont des raccourcis juridiques. En théorie, elles éliminent la nécessité de prouver que les facultés du conducteur étaient affaiblies. Il suffit habituellement de démontrer que la concentration d’alcool ou de drogues dans le sang du conducteur dépassait la limite prescrite par les lois. Ces lois reposent sur des données scientifiques probantes qui démontrent la relation entre la concentration d’alcool ou de drogue dans le sang du conducteur et l'affaiblissement de ses capacités ou le risque qu’il ait un accident.
Toutefois, la valeur des lois prévoyant des limites d’alcool « per se » dépasse les avantages apparents liés à la prononciation de jugements. Il a été démontré que les lois « per se » ont également un effet dissuasif général qui réduit la probabilité que les gens conduisent un véhicule après avoir consommé trop d’alcool. Il n’y a aucune raison de croire que des lois « per se » relatives aux drogues n’auraient pas aussi un effet dissuasif général.
Malheureusement, les recherches sur lesquelles pourraient reposer des lois « per se » relatives aux drogues ne sont pas aussi catégoriques que celles portant sur l’alcool. Les effets des drogues peuvent varier grandement. Les études qui évaluent les risques d’accidents routiers produisent également des résultats variables.
En ce moment, nous concentrons notre attention sur le cannabis. Cette substance est aussi celle sur laquelle il est le plus difficile de se prononcer catégoriquement quant à la relation entre sa concentration, des risques d’accidents routiers et des facultés affaiblies.
Si le prélèvement d’échantillons d’haleine est devenu la norme pour évaluer la concentration d’alcool dans le sang des conducteurs, il est nécessaire de prélever des échantillons de sang pour mesurer la concentration de drogues. En outre, comme la concentration de certaines drogues, dont le cannabis, diminue rapidement, il est essentiel que les échantillons sanguins soient prélevés aussi vite que possible après l’infraction.
À l’heure actuelle, les prélèvements d’échantillons sanguins dans les services d’urgence des hôpitaux doivent être supervisés par des médecins autorisés. De plus, dans ces services, il est possible qu’on accorde une faible priorité au prélèvement d’échantillons de sang provenant de conducteurs soupçonnés d’avoir conduit avec des facultés affaiblies, ce qui pourrait entraîner des délais substantiels. En permettant à des techniciens autorisés de prélever les échantillons sanguins, on donnera aux policiers la chance d’obtenir rapidement des échantillons. Nous appuyons l’ajout des techniciens qualifiés aux personnes autorisées à prélever des échantillons de sang à des fins d’analyse.
En ce qui concerne les antidémarreurs avec éthylomètre, il y a 10 ans, dans un rapport préparé pour Transports Canada et le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, il était recommandé que les personnes déclarées coupables de conduite avec capacités affaiblies aient l’occasion de participer à un programme d’utilisation d’antidémarreurs dès que possible, en particulier immédiatement après avoir été condamnées. La recommandation reposait sur la preuve que les personnes reconnues coupables continuaient souvent de conduire pendant que cela leur était interdit et souvent en état d’ébriété. En permettant aux délinquants de participer aussitôt que possible à un programme d’utilisation d’antidémarreurs, on leur donnerait la chance de conduire légalement et d’être couverts par une assurance automobile, tout en donnant au public l’assurance que ces personnes seront incapables de conduire après avoir consommé de l’alcool.
Pour résumer, au fil des ans, nous avons appris beaucoup de choses au sujet de la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool. Malgré cela, nous continuons de lutter contre ce problème complexe. La légalisation du cannabis présente des défis supplémentaires. Même si un grand nombre des leçons que nous avons tirées de notre lutte contre l’alcool au volant peuvent guider l’approche que nous adopterons à l’égard des drogues au volant, nous devons reconnaître que les problèmes liés aux drogues au volant diffèrent à de nombreux égards de ceux liés à l’alcool au volant et tenir compte de ce fait.
Nous aurons besoin de nouvelles tactiques et stratégies. Premièrement, le public doit être informé des dangers. Les agents de police auront besoin de recevoir une nouvelle formation et de nouveaux outils. Même si les mesures prévues dans le projet de loi aident à gérer le problème, elles ne constituent pas une solution, mais plutôt un début de solution. Dans ce contexte, nous aurons besoin de recueillir les données qui s’imposent pour surveiller et évaluer les divers aspects de la mesure législative afin de permettre la prise de décisions fondées sur des données probantes en ce qui concerne l’incidence que cette mesure législative a sur le système conçu pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies et, finalement, les répercussions qu'elle a sur la sécurité routière. Ces données accroîtront grandement la valeur de la base de données et permettront de mener des enquêtes sur le rôle que le cannabis et d’autres drogues ont joué dans tous les décès, à condition que les données toxicologiques soient mises à notre disposition.
Pour conclure, nous aimerions renforcer l’énoncé de la mesure législative qui reconnaît que la conduite est un privilège et non un droit et qu'en conséquence, elle est assujettie à des règlements, des obligations et des responsabilités. Le public s’attend à ce que le système routier soit sécuritaire, efficace et exempt des risques présentés par les conducteurs qui consomment des substances affaiblissant leurs facultés. Le projet de loi prend les prochaines mesures nécessaires pour répondre à ces attentes.
Merci.
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La question comporte de nombreux volets.
À l'époque où la limite de 80 milligrammes a été introduite, il y avait des preuves très claires et très cohérentes entre les études. Lorsqu'on examinait les études expérimentales sur l'état d'ébriété, il était pratiquement incontestable que les personnes qui dépassaient ce seuil de 80 avaient les facultés affaiblies. Il était possible d'en faire la preuve pour à peu près n'importe quelle tâche.
L'autre volet de la question se rapporte aux publications dans le domaine de l'épidémiologie, qui démontraient qu'à 80 milligrammes, le risque de collision augmentait de façon exponentielle. C'était très clair, et cette conclusion a été démontrée à maintes reprises au fil des ans. La limite de consommation d'alcool ne fait donc aucun doute. Nous pouvons jouer quelque peu avec les chiffres, mais les preuves à l'appui ne font aucun doute.
Dans le cas des autres drogues, et en particulier du cannabis, c'est un peu plus complexe. Nous pouvons réaliser des études où nous donnons du cannabis aux gens et surveillons leur comportement, mais la première chose à admettre, c'est que les facultés affaiblies par le cannabis n'ont pas les mêmes caractéristiques que dans le cas de l'alcool. Le comportement peut être fort différent. Plus particulièrement, le cannabis entraîne de nombreux effets cognitifs très difficiles à observer. Dans ce contexte, nous devons vérifier des choses comme la prise de décisions, la prise de risques, les fonctions exécutives, la mémoire et la concentration. Les consommateurs de cannabis disent souvent qu'ils se concentrent mieux lorsqu'ils consomment. Ils pensent peut-être que c'est vrai, mais ils se concentrent sur une seule chose. Or, la conduite est une tâche multimodale qui exige de porter attention à de nombreuses choses en même temps. Il faut être attentif, mais les gens qui ont consommé sont incapables de le faire très bien. Les signes de facultés affaiblies ne sont toutefois pas les mêmes que dans le cas de l'alcool. À un moment donné, des altérations physiques sont observées, comme la perte de l'équilibre, l'incapacité de toucher son nez, la motricité fine et ce genre de choses, mais nous devons admettre que c'est très différent.
L'autre problème qui se pose, c'est que les publications dans le domaine de l'épidémiologie sont quelque peu contradictoires au sujet de la concentration à laquelle la consommation de cannabis augmente les risques de collision. À vrai dire, nous n'avons vraiment aucune donnée là-dessus. Ce que nous avons, c'est plutôt un certain nombre d'études sur la différence entre les conducteurs qui n'ont pas consommé de cannabis et ceux qui en ont consommé. La réponse est donc soit positive, soit négative. La plupart de ces études, mais pas toutes, montrent une augmentation du risque associé à la consommation de cannabis en situation de conduite.
Les deux situations sont fort différentes. Il y a beaucoup de travail à faire pour raffiner les données scientifiques au cours des prochaines années.