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Merci beaucoup, monsieur le président et membres du Comité.
Comme je sais que je dispose de très peu de temps, je vais parler rapidement, en prenant à peine le temps de respirer.
Je voudrais aborder trois aspects de la question dont vous êtes saisis. Le premier est l'importance que la jurisprudence a eue, jusqu'ici, pour notre communauté. Le deuxième est l'avenir que j'entrevois en ce qui concerne les besoins. En troisième lieu, je mentionnerai certains éléments qui devraient, selon moi, faire partie d'un programme renouvelé ou remis sur pied.
Très rapidement — et je me ferai un plaisir d'en parler davantage en répondant aux questions — un certain nombre de causes ont vraiment eu une incidence marquante sur notre communauté.
Il s'agit de l’affaire Blaikie et du Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba en 1979 et 1984. La Cour suprême a alors confirmé la disposition de notre constitution visant les tribunaux et les assemblées législatives bilingues et rejeté les tribunaux et les dispositions législatives unilingues au Manitoba et au Québec. C'était d'une importance cruciale pour nous étant donné que les tribunaux et les assemblées législatives jouent un rôle fondamental dans notre système démocratique.
En 1984, la cause de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, qui a été jugée par la Cour suprême, a élargi l'accès aux écoles anglaises par rapport à la loi 101 qui stipulait que seuls les enfants des anglophones instruits en anglais au Québec pouvaient fréquenter l'école anglaise. Ce droit a été étendu aux enfants des citoyens canadiens instruits en anglais au Canada.
La communauté ne peut pas survivre si elle ne peut pas se revitaliser et si elle ne peut pas se montrer accueillante. La situation actuelle est loin d'être idéale, mais cette cause a largement contribué à stabiliser notre communauté et à éviter son effondrement.
En 1984 et 1990, il y a eu le renvoi ontarien sur l'éducation et la cause Mahé. Je pense que le Comité doit absolument lire le jugement Mahé. Il est brillant. Il confirme que l'article 23 relatif au droit à l'instruction dans la langue de la minorité confère à la minorité linguistique un droit de gestion et de contrôle. Cela a d'ailleurs ouvert la voie, en 1997, à une modification constitutionnelle qui nous a permis, au Québec, de passer d'un système scolaire confessionnel à un système scolaire linguistique grâce à la garantie constitutionnelle que nous avons obtenue pour le système linguistique remplaçant le système confessionnel. C'était important pour nous permettre d'avoir la masse critique nécessaire et de commencer à faire face à la réalité actuelle.
Dans la cause Ford, en 1988, la Cour suprême a invalidé la loi sur l'affichage unilingue en français au Québec en faisant la merveilleuse déclaration suivante: « Le langage n'est pas seulement un moyen ou un mode d'expression. Il colore le contenu et le sens de l'expression. » C'est à cette occasion que la Cour a commencé à exprimer son opinion sur cette question. La langue d'affichage était un enjeu important, car on cherchait à nier notre légitimité, notre visibilité et notre présence dans la province. Nous ne sommes pas des visiteurs, nous ne sommes pas des intrus ou une pièce rapportée. Nous sommes une communauté qui est présente dans la province depuis des centaines d'années. Nous avons bâti la province, nous en faisons partie et nous ne nous laisserons pas traiter comme des gens de passage qui sont venus de Colombie-Britannique.
Il y a eu ensuite la cause de l'Hôpital Montfort, qui a eu une grande importance. La Cour d'appel de l'Ontario a établi un principe constitutionnel non écrit reconnaissant à une minorité le droit d'exercer un certain contrôle sur ses services et établissements de santé. Ce jugement est devenu très important pour nous lors de la restructuration du système de santé — une restructuration draconienne qui a eu lieu au Québec — qui éliminait les institutions que nous dirigions et gérions. En menaçant d'utiliser Montfort pour l'empêcher, nous avons pu au moins négocier et renforcer un peu les garanties linguistiques de la minorité dans le système, même si la question du contrôle et de la direction et de la gestion n'est toujours pas résolue.
Pour ce qui est de l'avenir, dans le jugement Mahé, la cour a déclaré par le truchement du juge en chef Dickson: « Les minorités linguistiques ne peuvent pas toujours être certaines que la majorité tiendra compte de toutes leurs préoccupations linguistiques et culturelles. Cette carence n'est pas nécessairement intentionnelle. » Je n'aurais pas dit mieux moi-même. Il faudrait que ce soit dit et compris clairement.
C'est un combat incessant. Il est important de pouvoir se tourner vers les tribunaux et dire: « Si vous ne voulez pas écouter, il y a un endroit où nous pourrons aller en parler. » Autrement, les droits deviennent lettre morte. Nous continuerons d'avoir besoin des tribunaux, car la Cour suprême a elle-même reconnu que notre communauté est soumise à de très fortes pressions.
Je voudrais faire une distinction. La langue anglaise n'est pas menacée. C'est une langue internationale et c'est actuellement la langue des affaires. Ce n'est pas une langue menacée. La communauté anglophone est menacée en tant que communauté, en tant qu'entité vitale qui peut se renouveler, qui peut jouer un rôle actif et complet. Nous sommes une population vieillissante. Nos jeunes sont partis en grand nombre. Nous nous demandons comment nous prendrons soin des personnes âgées à l'avenir. Les institutions que nous avons bâties n'ont pas la masse critique qui leur permettrait de continuer à s'en charger, non pas parce que la communauté ne croit pas dans les institutions, mais parce qu'elle a perdu confiance. C'est un sérieux problème. La communauté en a assez des conflits incessants. Nous aurons besoin de ce programme à l'avenir. Nous en aurons besoin pour l'éducation. Le gouvernement veut éliminer nos commissions scolaires qui sont protégées par la Constitution. Cela ne se fera pas facilement. Dans la cause Mahé, la Cour suprême s'est clairement exprimée au sujet du rôle que les écoles jouent au centre de la vie communautaire, de l'identité communautaire et sur le fait que l'éducation est essentielle pour la langue, la culture et l'identité. Cette cause ira devant les tribunaux, à moins que le gouvernement ne trouve une porte de sortie.
L'obligation d'avoir un processus législatif bilingue, que reconnaît la Cour suprême, n'est pas respectée au Québec. Souvent, les lois ne sont adoptées qu'en français et leur traduction anglaise arrive après coup. Elles sont probablement invalides. Mais en plus d'être invalides, elles sont traduites par des gens qui ne sont pas des experts de la traduction vers l'anglais. Cela a pour résultat que nous obtenons des versions de la loi qui sont incompréhensibles ou ne correspondent pas à la version française. Ensuite, les gens disent que la version anglaise ne vaut rien, même si la loi dit que les deux versions ont le même poids, parce que la version anglaise est souvent illogique ou contradictoire. La question a été soulevée. On en a discuté. C'est le cas depuis des années et il faudra peut-être faire intervenir les tribunaux.
En ce qui concerne les services de santé et les services sociaux, la réforme a placé beaucoup plus de pouvoir entre les mains des bureaucrates qui outrepassent leur champ de compétence en émettant des directives régissant l'administration de nos institutions. J'ai l'impression que si cela continue, si nous n'arrivons pas à y mettre un terme, cela se retrouvera devant les tribunaux.
Pour ce qui est de l'éducation, le Gouvernement du Québec a mis en place un nouveau programme d'histoire. Il a écrit une histoire déformée qui n'a rien d'une représentation fidèle de l'histoire du Canada. Le jugement Mahé a confirmé que le programme scolaire est un des éléments essentiels du contrôle et de la gestion de l'éducation. Si le gouvernement n'est pas prêt à réviser le programme, je m'attends à ce que ce soit également contesté devant les tribunaux en temps voulu. En outre, nous recevons un bon nombre de nos textes traduits du français deux ans après que les écoles françaises les ont reçus. Ce n'est pas juste ou acceptable et cela ne nous donne pas un accès égal à l'éducation.
La fonction publique est la chasse gardée d'un certain groupe de gens. Il y a 30 ans, moins de 1 % des fonctionnaires étaient des Québécois anglophones. Il y a 30 ans, le gouvernement a commencé à promettre qu'il y remédierait. Trente ans plus tard, moins de 1 % des fonctionnaires du Québec sont des Québécois anglophones. Pourquoi cela nous inquiète-t-il? Les fonctionnaires élaborent les politiques. Ils forment la pensée. Ils tracent la voie à suivre. Ils élaborent les lois qui sont adoptées en vertu de l'article 133. Sans la participation de la communauté, il y a un manque total de sensibilité et de compréhension qui n'est pas nécessairement intentionnel, comme l'a dit la Cour suprême, mais qui est constant.
Pour la santé, nous avons l'arrêt Montfort. Nous avons accès aux services, mais on nous dit maintenant que nous ne pouvons pas installer des affiches bilingues pour diriger les gens vers les services. Il faudra faire comprendre, à un moment donné, que les services de santé comprennent l'accès aux renseignements sur les services et sur leur emplacement. Là encore, nous parlons dans le vide. Il faut donc faire quelque chose, grâce à un programme nouveau ou remis sur pied.
Comme la Cour suprême l'a déclaré dans la cause Mahé, les droits linguistiques sont une catégorie de droits distincts. Ils sont distincts des droits à l'égalité et au multiculturalisme qui sont des droits légaux. Cette distinction est importante et nous devons donc prévoir pour cela un volet ou programme différent.
Ce programme doit être autonome. Il doit être suffisamment financé. Il doit être viable. Il doit s'étendre à des lois fédérales comme la Loi sur les langues officielles et doit se consacrer à la recherche et aux procédures. Le recours à un mode substitutif de résolution des différends ne doit pas être une condition d'accès préalable. Merci beaucoup.
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Je vous remercie mais ce ne sera pas nécessaire.
Je veux parler aujourd'hui du Programme d'appui aux droits linguistiques. Le programme qu'on veut remettre sur pied peut évidemment avoir des similarités avec celui qui est en place maintenant. Cependant, je crois qu'il est défectueux à plusieurs points de vue. Je crois d'ailleurs que l'ancien programme avait aussi ses difficultés.
D'abord, je crois qu'il faut que ce soit un programme qui a trait justement aux poursuites. Personnellement, je crois que si on établit un programme dans lequel on met un volet « recherche », un volet « information du public » et un volet « discussions en vue de règlement à l'amiable », ce n'est plus un programme comme celui dont on a besoin.
Ces choses peuvent être faites dans d'autres milieux par d'autres institutions. Éduquer le public quant aux droits linguistiques est une des fonctions du commissaire aux langues officielles. La recherche se fait dans les universités et si une recherche n'est pas directement liée à des poursuites, elle donne lieu plutôt à des publications, à des colloques et à des discussions. Cependant, le problème c'est que cela draine les fonds qui sont disponibles justement pour les poursuites. Or ces fonds ne sont jamais suffisants.
J'ai été bénéficiaire des deux programmes de nombreuses fois et je peux vous dire que c'est extrêmement difficile parce que ce sont presque toujours des poursuites contre le gouvernement, qui a des ressources à peu près illimitées dans ce domaine. À l'heure actuelle, une poursuite est intentée contre le gouvernement fédéral sur la constitutionnalité de la réglementation en vertu de l'article 20 de la Charte. Le gouvernement a quatre avocats à temps plein et un bureau de l'extérieur qui les assiste. De notre côté, nous avons un budget total de 150 000 $ qui couvre les frais des experts, les frais de voyage, les frais de cour ainsi que des indemnisations pour les avocats. Évidemment, les choses traînent en longueur.
Ce n'est pas tellement qu'il faille ajouter beaucoup d'argent, mais il faut que l'argent disponible soit concentré à un endroit précis et qu'il serve aux fins auxquelles il est destiné.
Il y a aussi la question des frais d'administration. Je ne sais pas quels sont les frais d'administration du programme actuel, mais l'ancien programme avait une composante administrative difficile à comprendre parce que, dans son propre rapport annuel, il était indiqué que 35 % des fonds étaient alloués à l'administration.
Personnellement, je siège à des conseils d'administration de fondations et je n'en connais aucun qui dépense 35 % des fonds. Cependant, les fonds sont limités et on oblige les gens à faire des tentatives de médiation; on y dépense de l'argent et ensuite on tient des colloques et des réunions. J'ai assisté à ces colloques. Le problème c'est qu'on réunit des gens qui sont déjà convaincus et qui, finalement, parlent entre eux des causes qu'ils défendent. Je crois que cela peut être utile, mais c'est la fonction des universités et des comités des barreaux. Ce n'est pas la fonction d'une institution comme celle-là.
Premièrement, il y a évidemment l'indépendance du programme. Pourquoi est-ce si important? Ce l'est justement parce que les poursuites sont constamment contre les gouvernements. Si on dépend du gouvernement, si le gouvernement peut menacer à tout instant de retirer les fonds, il ne s'agit pas d'un programme indépendant.
Je crois que la meilleure forme d'indépendance serait de créer une fondation de sorte qu'on ne courrait pas après de l'argent chaque année. Ainsi il y aurait un fonds suffisant pour maintenir le programme et l'administrer selon des règles vraiment très strictes quant à la façon dont les fonds sont dépensés, quant aux rapports et quant aux vérifications. Je crois vraiment que c'est une chose envisageable.
Deuxièmement, il y a la nomination des membres. À l'heure actuelle, on a confié le programme à l'Université d'Ottawa, mais il se trouve que, de l'extérieur, on considère qu'il se concentre sur les Ontariens et qu'il favorise ceux-ci. En outre, plusieurs professeurs de l'Université d'Ottawa participent au programme.
Je crois que ce programme ne devrait pas être rattaché ainsi et qu'il devrait être vraiment indépendant. Il peut être situé physiquement dans une institution comme celle-là. Toutefois, si on veut faire cela, il me semble qu'on devrait mettre en place les programmes — puisque vous envisagez qu'il y en aura deux, un pour l'article 15 ou les droits généraux et l'autre pour les droits linguistiques — à l'Université de Moncton. À la Faculté de droit de cette université, il y a l'Observatoire international des droits linguistiques, qui comprend une composante de recherche, la participation d'experts de l'étranger et ainsi de suite. Ce serait l'endroit logique où mettre en place ce programme, parce qu'il pourrait y avoir une coopération pour ce qui est de la recherche, des colloques et de ce genre de choses. Je sais qu'à l'Université d'Ottawa, plusieurs chaires et institutions occupent des droits de la personne; on pourrait donc y placer l'autre institution.
Bien sûr, il faut mettre en place un conseil d'administration, mais il n'est pas nécessaire qu'il soit très grand, parce qu'il ne s'agit que de gestion, et ce n'est pas une gestion de centaines de millions de dollars. On peut donc structurer cela de façon à ce qu'il y ait une représentation de toutes les régions du Canada, et s'assurer simplement que ces personnes possèdent une certaine compétence en matière de gestion.
Il y aura évidemment un comité scientifique, soit le comité qui analyse les demandes. Sur ce plan, ce n'est pas difficile d'identifier les gens, en tout cas dans le domaine linguistique, qui sont spécialisés et compétents. Je crois qu'on peut les compter sur les doigts des deux mains. Il ne s'agit pas d'aller chercher des gens qui mènent les procès, mais des gens qui ont suffisamment de connaissances de l'importance des droits linguistiques. Ils doivent surtout être réalistes et réaliser que ces procès touchent directement la population.
À l'heure actuelle, la grande majorité des causes subventionnées touchent l'article 23 de la Charte, soit le droit à l'instruction. Or une clause du programme est incompatible avec cela, car on dit qu'on va financer les causes qui vont permettre de développer du droit nouveau, des causes types. Si, partout au Canada, le problème est que les provinces refusent de financer la construction des écoles, cela veut-il dire qu'on va en financer une dans tout le Canada, et que toutes les autres ne comptent pas? C'est illogique.
Par ailleurs, on oblige les gens à faire ce qu'on appelle un MARC, qui est essentiellement une tentative de médiation. Qu'est-ce qui peut faire l'objet d'une médiation s'il est question d'un droit fondamental? On ne peut pas reconnaître à moitié nos droits constitutionnels. Ou on les respecte, ou on ne les respecte pas. Je crois qu'on devrait avoir l'option de demander des fonds pour une médiation dans les cas appropriés, mais je ne crois que ce soit nécessaire dans tous les cas. Je vous en ai donné un exemple plus tôt. L'article 20 concerne le droit à des services publics là où le nombre le justifie ou est suffisant. Or Statistique Canada a décidé que le nombre suffisant n'est pas celui de personnes qui parlent français dans les provinces où cette langue est minoritaire, mais le nombre de personnes dont le français est la langue le plus souvent parlée à la maison. On exclut ainsi un très grand nombre de personnes.
Rappelez-vous que, dans le cas des communautés francophones hors Québec, plus de 60 % des gens vivent ce qu'on appelle des mariages mixtes. Supposons que les enfants vont à l'école française ou dans une école d'immersion et qu'on leur demande s'ils parlent plus souvent anglais ou français à la maison. Comme les enfants parlent plus souvent à leur mère qu'à leur père, si la mère est anglophone, 100 % de ces gens comptent comme ne parlant pas français et ne demandant pas de services en français. Cela a été établi au début des années 1980, mais cela ne répond à aucune espèce de critère scientifique. Or il n'y a pas eu d'étude.
Quant aux domaines de compétence du programme — mon ami Eric Maldoff l'a mentionné —, ils devraient non seulement toucher les droits directement liés à la Charte, mais tous les droits linguistiques fédéraux. Il n'y a pas que la Loi sur les langues officielles qui contienne des dispositions linguistiques, mais au moins une trentaine de lois canadiennes.
Je vous donne un exemple. Aujourd'hui, dans les journaux, on parle beaucoup des audiences publiques de l'Office national de l'énergie, l'ONE. Celui-ci prétend qu'il est un organisme quasi judiciaire. Par conséquent, tous les documents qui lui sont soumis par les parties n'ont pas besoin d'être traduits, puisqu'ils sont considérés comme des documents déposés dans le cadre d'un procès. Cela veut dire que, dans le cas d'une audience à Montréal, par exemple, la compagnie qui demande un permis peut déposer ses documents uniquement en anglais.
Toutefois, en vertu de la Loi sur l'Office national de l'énergie, il est obligatoire de tenir des audiences publiques. L'Office nous dit que la consultation publique n'est pas un service rendu au public, mais fait plutôt partie du service judiciaire. Il faut se rappeler que l'Office n'accorde pas de permis; il présente une recommandation au Cabinet. Tout cela est très discutable.
C'est pourquoi les demandes de financement, selon moi, devraient être présentées en vue d'une procédure judiciaire visant la mise en oeuvre d'un droit linguistique qui découle de la Charte ou de l'une des lois fédérales.
Je crois que ce qui est important, c'est l'indépendance du programme et le fait que l'accent soit mis sur les procès. Il faut abandonner l'idée des cas types et celle d'un processus obligatoire de médiation avant d'avoir recours aux tribunaux.
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Merci beaucoup de nous recevoir. Bonjour à tous. Il est difficile de parler après le juge Bastarache.
Nous voudrions adresser nos remerciements à vous-même, monsieur le président, au ministère de la Justice et à tous les membres du Comité de nous avoir invités ici à participer à votre séance d'aujourd'hui.
Je suis Kathleen Tansey. Je suis la coprésidente du groupe des droits linguistiques et je suis aussi coprésidente du conseil d'administration.
Voici Frank Verrillo. Il est le représentant anglophone au conseil et également membre du conseil d'administration.
Nous sommes venus vous parler aujourd'hui du Programme de contestation judiciaire du Canada, le PCJ, pour vous dire ce que ce programme a accompli et représente encore pour donner accès à la justice et à la protection des droits de la personne au Canada.
Vous connaissez son historique, mais je vais le retracer brièvement.
Ce programme a été établi en 1978 par le gouvernement Trudeau après que des citoyens du Québec eurent porté devant les tribunaux d'importantes causes linguistiques au prix d'énormes dépenses personnelles.
On avait reconnu qu'en raison de l'importance fondamentale des droits en question et du coût énorme des poursuites intentées pour les faire respecter, il était vraiment nécessaire d'avoir un programme de contribution financière pour aider les membres des minorités de langue officielle à porter leurs causes devant les tribunaux. C'était aussi pour clarifier et faire appliquer nos droits linguistiques constitutionnels lorsque les lois, politiques ou pratiques gouvernementales refusaient de reconnaître ou entravaient ces droits fondamentaux. Même il y a 38 ans, il était clair qu'en l'absence de ce genre de programme ou de mécanisme, les minorités de langue officielle n'auraient pratiquement pas voix au chapitre pour faire reconnaître ou respecter leurs droits. Sans le PCJ et son prédécesseur, ces personnes auraient été privées de tout accès à la justice.
Le PCJ avait pour mandat d'accorder un soutien financier limité aux minorités linguistiques pour contester la législation fédérale. Cette aide n'était pas censée couvrir la totalité des coûts, mais on s'attendait à ce qu'il y ait d'autres contributions, par exemple à ce que les avocats constitutionnels réduisent leurs honoraires pour la défense de ces causes.
En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés a été adoptée. Le mandat du PCJ a été élargi pour inclure les droits linguistiques désormais enchâssés dans la Charte.
En 1985, les dispositions de la Charte relatives à l'égalité sont entrées en vigueur. Le gouvernement conservateur Mulroney a élargi le mandat du programme afin d'y inclure les litiges portant sur les droits à l'égalité pour ceux qui désirent exercer les droits à l'égalité que leur garantit l'article 15 de la Charte. Sans ce soutien, la Charte est certainement une source d'inspiration noble et louable, mais en l'absence de mécanisme d'application, ce n'est rien de plus qu'un joli document.
L'iniquité et le déséquilibre évidents entre les adversaires, d'un côté les justiciables qui défendent leurs droits et de l'autre, le gouvernement, existent sur plusieurs plans. Comme c'est surtout sur le plan financier, un programme qui offre une contribution financière ou un financement pour les causes types joue un rôle essentiel. L'inégalité financière est, à elle seule, un sérieux obstacle qui empêche ceux qui désirent affirmer leurs droits constitutionnels et leurs droits à l'égalité en vertu de la Constitution ou de la Charte d'avoir accès à la justice.
En 1992, Mulroney a éliminé le PCJ. Le commissaire aux langues officielles a ordonné alors une étude d'impact. Cette étude a mis en lumière et confirmé les effets nuisibles de l'annulation du programme pour les minorités de langue officielle, leurs communautés, leur développement, leur progression et leur vitalité. Cette étude soulignait aussi l'importance du programme pour promouvoir et mettre en oeuvre les droits des minorités de langue officielle.
En 1994, le gouvernement libéral Chrétien, qui était revenu au pouvoir en 1993, a rétabli le PCJ. Le programme a alors exercé et rempli son mandat qui était de tester des causes d'importance nationale relatives aux droits linguistiques et aux droits à l'égalité prévus dans la Constitution et de donner accès à la justice aux minorités de langue officielle et aux citoyens les plus défavorisés, vulnérables et marginalisés qui avaient été privés d'une participation pleine et entière dans la société canadienne.
Le 25 septembre 2006, le gouvernement conservateur Harper a aboli et éliminé abruptement le Programme de contestation judiciaire sans consulter le programme ou l'un de ses intervenants et sans consulter les communautés minoritaires de langue officielle, les groupes demandant l'égalité ou les Langues officielles.
Il l'a fait sous prétexte — et croyez-moi, ce n'était qu'un prétexte — que le PCJ n'était pas rentable, n'était pas responsable ou efficace, que nous n'avions pas besoin d'autres causes types et, c'est mon argument préféré, sous prétexte que le gouvernement conservateur n'adopterait pas de lois inconstitutionnelles.
Il y a eu deux examens indépendants. En 1997 et 2003, le Programme de contestation judiciaire a fait l'objet de deux évaluations et examens approfondis. Ils ont été réalisés par des firmes de recherche extérieures indépendantes.
Je vais vous citer quelques extraits de leurs rapports. Les deux ont jugé le Programme de contestation judiciaire efficace et responsable et ont conclu que les Canadiens en avaient pour leur argent. Voici ce que dit l'examen de 1997:
L'importance de l'aide financière qu'apporte le programme est incontestable. Le programme a soutenu de nombreuses causes et apporté une contribution importante au droit constitutionnel.
Me Maldoff en a énuméré quelques-unes. Vous savez qu'il y en a beaucoup d'autres.
Le programme a participé à la quasi-totalité des contestations judiciaires portant sur les droits à l'éducation des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Sur le plan de l'égalité, le PCJ a parrainé plusieurs causes qui, même si elles n'ont pas toujours été gagnées devant les tribunaux, ont sensibilisé le public à des problèmes et a fini par entraîner des changements à la loi.
Dans son évaluation de 2003, Prairie Research dit que le Programme de contestation judiciaire répond au besoin qui a conduit à sa création. « Ses activités sont conformes aux objectifs stratégiques établis par Patrimoine Canada, surtout ce qui concerne l'engagement des citoyens et la promotion des langues officielles. »
Les chercheurs ajoutent que la Charte et la Constitution sont encore bien vivantes et que, par conséquent, « certaines dimensions des dispositions constitutionnelles auront encore besoin d'une clarification ».
Il ressort des témoignages recueillis que le Programme a une structure de gestion efficace, que les procédures suivies pour examiner les demandes et distribuer le financement reflètent les bonnes pratiques en vigueur dans ce domaine. […] Le Programme a réussi à rejoindre les membres des minorités linguistiques et les Canadiens défavorisés. [il a réussi à soutenir des causes importantes qui ont un effet direct sur la mise en oeuvre des droits et libertés] L'évaluation révèle qu'un grand nombre de ces causes n'auraient jamais été portées à l'attention des tribunaux en l'absence du PCJ.
Il y a eu une levée de boucliers en 2006, quand le gouvernement Harper a aboli le Programme de contestation judiciaire. Des Canadiens des quatre coins du pays ont signé des pétitions; ils ont déposé des plaintes. Le Bureau du Commissaire aux langues officielles a reçu 118 plaintes. La majorité d'entre elles protestaient contre l'abolition du Programme de contestation judiciaire.
Comme Graham Fraser va prendre la parole devant le Comité, je vais le laisser vous parler des mesures qu'il a prises et de ses conclusions.
Il suffit de dire que la FCFA a poursuivi le gouvernement Harper au sujet de l'abolition du Programme de contestation judiciaire. Le commissaire aux langues officielles est intervenu dans cette cause au nom de l'appelant, la FCFA, et un règlement hors cour a été conclu, ce qui a permis de créer le Programme d'appui aux droits linguistiques, en 2009.
Ai-je terminé mes huit minutes?
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Je vais alors conclure.
Absolument rien ne justifiait l'abolition du Programme de contestation judiciaire en 1992 ou en septembre 2006. Au cours de toutes ses années d'existence, le programme avait parfaitement rempli son mandat qui était de clarifier et promouvoir les droits et libertés constitutionnels dans le cadre de causes portant sur l'égalité et la langue minoritaire officielle en fournissant une aide financière. Il a été le principal moteur et instrument qui a permis aux communautés de langue officielle en situation minoritaire et aux militants pour l'égalité d'avoir accès à la justice, depuis sa création et, dirais-je, jusqu'à aujourd'hui.
Oui, je dis bien « jusqu'à aujourd'hui », car malgré les rumeurs de sa disparition, le Programme de contestation judiciaire est encore très intact, vivant, opérationnel et viable. Son conseil d'administration de sept personnes et les membres des deux groupes, celui des droits linguistiques et celui des droits à l'égalité, sont en place depuis le 25 septembre 2006. Le conseil a présenté des arguments convaincants. Harper voulait supprimer entièrement le financement du programme le 25 septembre. Nous avons présenté des arguments qui ont convaincu un gouvernement très réticent de permettre au Programme de contestation judiciaire de continuer à soutenir et financer les causes types que les deux groupes avaient approuvées avant les coupes. Nous avons obtenu le droit de financer ces causes jusqu'à leur règlement final ou un dernier appel. La Cour suprême du Canada a rendu un jugement sur la cause Caron, en janvier, et d'autres causes se poursuivent, ce qui prouve qu'il faut beaucoup de temps et d'argent pour financer une contestation judiciaire.
Suite à cette petite victoire, tous les membres des deux groupes du conseil d'administration du PCJ se sont engagés à rester en place et à poursuivre leur travail et leurs fonctions tant qu'il le faudrait pour remplir leur mandat ou jusqu'à ce que le Programme de contestation judiciaire soit rétabli. Il s'est écoulé près de 10 ans depuis que nous avons pris cet engagement. À l'exception d'un membre du conseil, qui a pris sa retraite en janvier 2015 et a été remplacé par M. Frank Verrillo, nous sommes tous encore là. Je dois mentionner que tous les membres du conseil des deux groupes travaillent à titre bénévole. Personne ne nous a apporté une tasse de café en 10 ans. Ne pensez-vous pas qu'un tel degré d'engagement témoigne de la valeur du Programme de contestation judiciaire et du travail qu'il accomplit au nom des communautés de langue officielle en situation minoritaire et des défenseurs des droits à l'égalité?
Nous remercions sincèrement le gouvernement actuel et votre comité, et particulièrement le ministère de la Justice et Patrimoine canadien, de tenir des consultations — ce qui n'a certainement pas été fait en 1992 ou en 2006 — avec les communautés et les parties prenantes dans le but de trouver le meilleur moyen de donner accès à la justice.
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Je me réjouis que vous posiez cette question, car beaucoup de gens penseraient qu'au bout de 34 ans, la loi doit être bien établie. Pourquoi avons-nous encore besoin de financer des causes?
Vous remarquerez que dans toutes les provinces, sauf Terre-Neuve, il y a eu des causes concernant le droit à l'instruction dans la langue minoritaire. Cela veut dire qu'aucune province n'a facilement accepté de mettre en oeuvre l'article 23 de la Charte. Certaines causes sont encore devant les tribunaux. Il y en a une dans les Territoires du Nord-Ouest, une au Yukon et une autre en Colombie-Britannique. Une cause est sur le point de commencer en Saskatchewan. Au Nouveau-Brunswick, la seule province officiellement bilingue du pays, il y a eu quatre causes linguistiques contre le gouvernement l'année dernière, et il y en a encore deux devant les tribunaux. Comment pourrait-on dire que ce n'est plus nécessaire?
Je dis que c'est nécessaire pour la mise en oeuvre des droits. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas établi la portée des droits. C'est pourquoi les causes types ne sont pas vraiment ce dont nous avons besoin, bien qu'il reste encore un certain nombre de questions à clarifier. La cause des Territoires du Nord-Ouest soulève actuellement un des enjeux les plus importants. En deux mots, une poursuite a été intentée par la communauté francophone des Territoires du Nord-Ouest dans le but d'obtenir des fonds pour agrandir l'école, parce qu'elle était trop petite. Le gouvernement a décidé de trouver un moyen de limiter les admissions afin de ne pas avoir à agrandir l'école. Il l'a fait en adoptant un règlement selon lequel seulement les personnes satisfaisant à l'article 23 peuvent être admises. Autrement dit, si vous venez de France et que vos enfants parlent seulement le français, ils ne peuvent pas aller à l'école française, parce qu'ils ne sont pas citoyens canadiens. De plus, le gouvernement a décidé que l'école maternelle, qui se trouve dans le même bâtiment, devait être en anglais parce qu'elle n'était pas couverte par l'article 23. Cela a pour effet de réduire de moitié le nombre d'enfants qui entrent en première année.
Je n'ai pas changé d'avis. Ce qui a changé, c'est le contexte. Le besoin est encore considérable. Je crois que le Programme de contestation judiciaire a été bien géré. Il a été efficace et il est encore nécessaire.
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L'exemple le plus important est celui que je viens de mentionner, soit l'accès à l'école de langue française. L'étendue du droit de gestion des conseils scolaires francophones qui ont été créés dans certaines provinces reste à définir. La raison en est que l'établissement de ces conseils découle d'une création judiciaire. L'article 23 de la Charte ne prévoit pas le droit pour la minorité de gérer ses écoles. Cependant, la Cour Suprême, dans l'arrêt Mahé, a déterminé que si l'école en question en est une de la minorité, et non pas pour la minorité, il faut évidemment qu'il y ait une composante de gestion. Pour revenir à mon exemple, la question est de savoir si le pouvoir de gestion la Commission scolaire francophone du Yukon inclut le droit d'offrir un enseignement préscolaire parce qu'il est nécessaire en préparation à la première année d'école. Est-il légitime que cette commission scolaire puisse décider qu'une personne francophone sera admise à l'école de langue française, même si elle n'a pas la citoyenneté canadienne?
De manière plus générale, il y a d'autres incohérences. Par exemple, l'article 20 de la Charte traite du droit aux services publics dans l'une ou l'autre langue officielle dans les régions où le nombre d'ayants droit est suffisant. Il faut se demander comment cela est calculé; il faut aussi se demander si la réglementation du Conseil du Trésor a été établie arbitrairement ou si elle s'appuie plutôt sur une analyse scientifique. Par exemple, dans une petite municipalité, il est décidé qu'on offrira des services si 20 % de la population est de langue minoritaire. À un autre endroit, il faudra qu'il y ait 3 000 personnes de langue minoritaire. Qu'arrive-t-il s'il n'y en a que 2 950? Est-ce qu'on leur refuse les services ou pas? D'après moi, le problème vient du fait que les critères mathématiques ne correspondent pas au but de la loi, qui est d'appuyer le développement des communautés. En conséquence, le test devrait être fondé sur la viabilité des communautés.
Dans une petite communauté où il y a une école, une église et un centre culturel français, je ne comprends pas pourquoi les services ne seraient pas offerts alors qu'il y a seulement 2 900 résidants francophones plutôt que 3 000.C'est pour des raisons comme celle-là que je soutiens qu'il est encore nécessaire de s'adresser aux tribunaux. En effet, le gouvernement refuse de nous rencontrer et de négocier et de réviser ses politiques en fonction de l'objet même de la loi.
La situation est vraiment triste, au Canada. Pensez-y bien. On se demande parfois pourquoi il y a des droits linguistiques dans la majorité des pays. Est-ce pour éviter les conflits ou pour des raisons historiques? N'y a-t-il pas aussi un fondement moral à cela? N'est-ce pas une question d'égalité, de dignité et de capacité à participer aux affaires publiques sans avoir à renoncer à sa langue et à sa culture?
Au Canada, c'est ce que la cour a décidé, pas le gouvernement. C'est pour cette raison que nous sommes toujours en conflit avec le gouvernement. Nous ne nous entendons pas sur l'objet même de la loi.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais, moi aussi, vous exprimer ma gratitude, madame Tansey et monsieur Verrillo, pour les services que vous avez rendus au Canada. Nous avons beaucoup de chance d'avoir des juristes si éminents avec nous ce matin.
Je voudrais parler, très brièvement, de la question de l'argent et d'une administration autonome à laquelle M. Maldoff et le juge Bastarache ont, je crois, fait allusion. Si mes chiffres sont exacts, le budget annuel du PCJ était avant de 2,9 millions de dollars et il passe maintenant à 5 millions de dollars par année. Si je comprends bien le juge Bastarache, l'idée serait peut-être de créer une fondation. J'ai entendu d'autres témoins dire qu'il faudrait trois volets. Il faudrait un volet pour les questions autochtones, un autre pour la langue minoritaire et un volet pour l'article 15. J'ai entendu parler de différents modèles faisant appel aux universités.
Pour être totalement honnête avec vous, je crains que les frais d'administration ne drainent trop le budget. Vous pourriez examiner ce qui a été fait sous l'ancien gouvernement conservateur en ce qui concerne le Programme d'avocats spéciaux du ministère de Justice qui porte sur les questions d'immigration touchant la sécurité nationale. Je connais bien ce programme et c'était un moyen très efficace de protéger ces personnes en gardant l'autonomie que tout le monde souhaite, j'en suis sûr, sans aucuns frais d'administration.
Surtout quand je vous entends parler, juge Bastarache, d'environ 150 000 $ par comparaison avec les ressources illimitées du gouvernement, et de toutes les causes qu'il reste à régler dans ces trois volets, je crois qu'il faudrait trouver un moyen de conserver une certaine autonomie, mais en évitant des frais d'administration qui, je le crains, pourraient drainer très rapidement le budget de 5 millions de dollars.
Je voudrais savoir ce que chacun d'entre vous en pense.
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C'est intéressant parce que la FCFA affirme dans sa résolution qu'elle aimerait que certains membres du comité soient nommés par des universités, mais que la décision finale pour ce qui est de la nomination des membres du comité des droits linguistiques devrait relever de la FCFA et du QCGN.
J'ai été nommée par ces deux organismes. Tous ceux qui sont membres du comité à l'heure actuelle occupent leur poste depuis 10 ans. Auparavant, nous avions du personnel rémunéré. Je ne veux pas modifier votre question, mais je voulais répondre à M. Bastarache. Ken Norman, notre trésorier qui nous vient de l'Association du Barreau canadien, dit que nos frais fixes sont de 14 %, mais je ne vais pas me battre sur les chiffres. Je voulais simplement le mentionner. Cela figure dans mon rapport.
Ils ont été désignés. Pour ce qui est du comité des droits linguistiques, il y a trois avocats et deux personnes qui représentent la collectivité. Je n'hésite pas à vous donner leurs noms. André Braën, professeur de droit constitutionnel, Université d'Ottawa, qui nous a été recommandé par l'Université d'Ottawa et approuvé par les deux principaux groupes linguistiques, la FCFA et le QCGN; André Ouellette, un criminaliste de l'Alberta, un des premiers à avoir plaidé des affaires pénales en français en Alberta, qui a été approuvé par le même groupe, Léo Robert, de Winnipeg; et Gabriel Arsenault, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Leurs noms ont été présentés. Il y a déjà eu, il y a longtemps, un comité de sélection qui recherchait des candidats ou des personnes appropriées qui étaient actives et possédaient les connaissances requises et qui les approuvaient. Il faut être membre de la communauté minoritaire de la province d'où vous venez. Je suis l'anglaise minoritaire du Québec. Les quatre autres sont des représentants de minorités francophones dans les quatre autres régions du Canada.
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Tout à fait et je crois que c'est là que nous avons constaté qu'il y avait un problème. J'ai essayé de comprendre pourquoi nous avions autant de difficultés à nous entendre avec le gouvernement. Vous savez, je crois, qu'en fait le gouvernement ne considère pas que les droits linguistiques sont des droits collectifs. Il les considère comme des droits individuels.
Je peux vous donner l'exemple de l'affaire Beaulac. Beaulac, bien sûr, était un homme qui avait été accusé de meurtre. C'était un francophone qui vivait à Vancouver et qui, bien sûr, travaillait en anglais. Le problème était celui de l'accès à un procès en français.
La Cour a décidé qu'il faudrait avoir un système dans lequel toute personne qui est traduite par un tribunal peut facilement décider si elle veut être jugée en français ou en anglais, pourvu, bien sûr, qu'elle parle ces langues, mais le gouvernement ne voit pas les choses de cette façon ou ne les a pas vues de cette façon. Il a considéré que « Nous avons un système qui est en fait uniquement anglophone; que pouvons-nous faire pour satisfaire cette personne qui veut être entendue en français? » Ils ont considéré que les droits linguistiques les obligeaient à modifier leurs institutions, à modifier le fonctionnement des institutions ou leur façon de planifier ces choses.
Il y a eu d'autres affaires qui ont posé le même problème. Je ne sais pas si vous vous souvenez de l'affaire originaire du nord de l'Ontario, qui portait sur le financement accordé pour le développement d'une petite industrie. Le gouvernement avait élaboré un excellent plan et avait consulté les gens qui faisaient partie de cette industrie, mais il avait uniquement consulté les anglophones et il avait élaboré un plan qui tenait compte de leurs besoins. Lorsque les francophones ont déclaré que ce plan ne répondait pas à leurs besoins et que le gouvernement ne pouvait tout simplement pas traduire en anglais ce qu'il avait élaboré, l'affaire est venue devant un tribunal. Le tribunal a décidé que, lorsque les besoins sont distincts, il faut procéder à deux types de consultation et élaborer un programme qui n'est pas identique, mais qui a le même but.
Cela oblige un gouvernement à modifier sa structure administrative locale, je pense, et c'est une chose qu'il a beaucoup de mal à faire. Bien sûr, dans à peu près toutes les affaires, il se contente de dire que la communauté est de taille tellement réduite, que ça ne vaut pas vraiment la peine. C'est sur ce point que nous entrons toujours en conflit.
Je crois que vous avez raison. Le gouvernement devrait de lui-même élaborer un plan de mise en oeuvre en se fondant non seulement sur le droit garanti par la Constitution, mais plutôt en planifiant l'introduction du bilinguisme dans ce service.
Je suis très heureux que Mme Tremblay m'accompagne parce que n'étant pas avocat, je lui ai donné carte blanche pour qu'elle puisse dire: « Ce que le commissaire veut dire en fait... »
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je suis heureux de comparaître devant votre comité pour vous faire part de ma position au sujet de la création d'un nouveau Programme de contestation judiciaire. Je recommande également que le mandat de ce programme soit élargi de façon à financer également les recours visant à faire clarifier et respecter les droits linguistiques garantis par la Loi sur les langues officielles et d'autres lois fédérales.
[Français]
Lorsque j'ai été nommé à mon poste, il y a maintenant presque 10 ans, le Programme de contestation judiciaire venait tout juste d'être aboli. À mon entrée en fonction, de nombreuses plaintes, qui avaient été déposées, m'attendaient déjà. Au terme d'une enquête de mon bureau, ces plaintes ont été jugées fondées.
En juin 2008, le recours qui avait été entrepris par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, en 2007, a fait l'objet d'une entente hors cours. Cette entente a permis d'établir le nouveau Programme d'appui aux droits linguistiques en septembre 2009.
[Traduction]
L'enquête, qui incluait une étude de l'impact juridique de l'abolition du Programme de contestation judiciaire, m'a permis de faire au moins deux constats qu'il me semble important de porter à votre attention. Premièrement, non seulement le Programme de contestation judiciaire a contribué directement et considérablement à faire clarifier et avancer les droits linguistiques au Canada, mais il a aussi favorisé l'épanouissement et le développement de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire.
[Français]
Deuxièmement, même lorsque les droits sont clairs ou que les obligations linguistiques sont clarifiées par les tribunaux, leur mise en oeuvre peut encore faire défaut pour diverses raisons, soit à cause de l'inaction gouvernementale, soit à cause d'une action déficiente ou minimaliste. Dans pareils cas, le seul moyen efficace dont disposent les communautés pour forcer les gouvernements à agir est le recours aux tribunaux ou la menace d'intenter un tel recours.
[Traduction]
Ce dernier constat justifie, selon moi, un élargissement de la portée du nouveau programme sur deux plans. D'une part, le nouveau programme devrait non seulement financer les causes visant à faire clarifier les droits et les obligations linguistiques, mais aussi les causes visant à assurer leur respect. D'autre part, le programme devrait également permettre le financement des recours visant à faire respecter les droits linguistiques garantis par la Loi sur les langues officielles et d'autres lois fédérales.
[Français]
Au cours des 10 dernières années, j'ai pu prendre la pleine mesure du travail et des coûts liés à l'exercice d'un recours devant les tribunaux. En effet, en 2010, j'ai intenté un recours judiciaire afin de faire clarifier les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles. L'un des plaignants intervenus dans cette affaire n'était pas admissible au financement du Programme d'appui aux droits linguistiques et a dû être représenté bénévolement par un avocat.
[Traduction]
Dans deux autres recours qui avaient été initiés par des plaignants, ces derniers ont indiqué que n'eut été ma décision d'être co-appelant devant la Cour suprême du Canada, ils n'auraient pas été en mesure d'en appeler du jugement de la Cour d'appel fédérale. Même si la Loi sur les langues officielles me permet d'intervenir dans le cadre d'un recours déclenché par des plaignants, ce sont eux qui ont la responsabilité première de mener le litige et de déposer les preuves nécessaires, ce qui représente, dans bien des cas, un fardeau très lourd pour les personnes qui tentent de faire respecter les droits linguistiques.
[Français]
Autrement dit, les droits linguistiques garantis dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Loi sur les langues officielles, y compris le droit de loger des recours judiciaires, ne sont que théoriques et illusoires si les groupes et les particuliers ne peuvent accéder aux tribunaux pour les faire appliquer en raison des coûts liés au fait de porter une cause devant les cours de première instance. Dans l'élaboration du nouveau programme, le gouvernement devrait donc s'assurer que le financement accordé pour les recours judiciaires est fixé à un niveau approprié et suffisant pour appuyer le financement, non seulement de litiges en droits linguistiques, mais aussi des interventions qui permettent aux tribunaux d'entendre d'autres voix et perspectives.
[Traduction]
Je suis également d'avis que la pérennité et l'indépendance du nouveau programme sont des facteurs clés qui doivent guider le gouvernement dans le choix du cadre de gestion du nouveau programme, dans celui de sa gouvernance et de sa structure décisionnelle. C'est aussi l'opinion d'autres témoins, dont la FCFA, le Quebec Community Groups Network et l'Association du Barreau canadien. La proposition qui vous a été faite par la FCFA et le QCGN, concernant la création du programme par l'entremise d'une loi et l'établissement d'une fondation qui devrait faire rapport annuellement au Parlement, est des plus pertinentes.
[Français]
Il en est de même de leur recommandation sur la nomination, par le Parlement, des membres du conseil d'administration et du comité responsable d'étudier les demandes de financement.
Depuis sa création, en 1978, le Programme de contestation judiciaire a joué un rôle vital dans l'avancement des droits à l'égalité garantis par la Loi constitutionnelle de1867 et par la Charte canadienne des droits et libertés. À l'aube du 150 e anniversaire de la Confédération, les Canadiens devraient pouvoir souligner avec fierté l'établissement d'un programme qui facilite l'accès à la justice et qui contribue à l'avancement de leurs droits constitutionnels et quasi constitutionnels.
Monsieur le président, je vous remercie. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions et à celles de vos collègues.