JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 22 mai 2018
[Énregistrement électronique]
[Traduction]
Mesdames et messieurs, je déclare ouverte la présente réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous poursuivons notre étude sur la traite des personnes au Canada conformément au paragraphe 108(2) du Règlement.
Je tiens à souhaiter à nouveau la bienvenue au sein du Comité à M. Falk. Vous nous avez manqué pendant votre absence.
[Français]
J'aimerais également souhaiter la bienvenue à M. Picard aujourd'hui au Comité.
[Traduction]
Il y a eu des votes, alors je suis désolé que nous soyons un peu en retard.
Nous allons entendre chaque groupe de témoins, puis nous vous poserons des questions. Nous allons suivre l'ordre du jour.
Nous allons commencer par l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe. Nous accueillons Mme Kara Gillies, et Mme Lanna Perrin.
Nous entendrons ensuite Mme Lori Anne Thomas, du Conseil canadien des avocats de la défense.
Nous passerons ensuite à Mme Linda MacDonald et Mme Jeanne Sarson, de Persons Against Non-State Torture.
Puis, nous terminerons par Natasha Falle et Bridget Perrier, de Sextrade 101.
Je cède maintenant la parole à l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe.
Bonjour, et merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'appelle Kara Gillies. Je possède 30 ans d'expérience dans de nombreux domaines liés au commerce du sexe.
Je représente aujourd'hui l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe, une coalition d'organisations de partout au Canada qui milite en faveur d'une réforme du droit appuyant les droits et la sécurité des personnes qui vendent ou échangent des services sexuels, y compris la protection contre l'exploitation et la traite de personnes.
Les expériences de nos membres ainsi que les éléments de preuve anecdotiques et tirés de travaux de recherche nous amènent à conclure que les lois contre le travail du sexe et l'application des mesures de lutte contre la traite des personnes nous nuisent à tous, dans le commerce du sexe, que nous soyons là parce que c'est notre premier choix, parce qu'on nous y a contraints, ou — et c'est là le cas de la plupart d'entre nous — parce que nous cherchions une façon viable de subvenir à nos besoins et à ceux de nos familles.
Loin de nous protéger, les lois contre le travail du sexe et le modèle visant les utilisateurs finaux sous-jacents facilitent en fait la traite de personnes en éloignant les gens des services de police et des services sociaux pour les plonger dans la clandestinité.
De plus, les lois interdisant les activités de gestion liées au travail du sexe privent les travailleurs et travailleuses du sexe de services de protection, comme des services de contrôle et des espaces de travail sécuritaires, le droit garanti par la Charte que la Cour suprême a reconnu dans l'arrêt Bedford. Ces mêmes lois empêchent les travailleuses et travailleurs du sexe de veiller à ce que leur sécurité et leurs droits soient respectés lorsqu'ils ou elles travaillent pour d'autres personnes, parce qu'elles leur interdisent l'accès aux mesures de protection liées au travail et aux droits de la personne. Ces lois sont aussi des obstacles importants en matière de prévention de la traite de personnes. Les personnes qui travaillent auprès des travailleuses et travailleurs du sexe sont bien placées pour détecter et signaler la traite de personnes, mais elles ne le font pas, tout simplement par crainte de poursuites criminelles.
Le modèle axé sur les utilisateurs finaux et la criminalisation subséquente de l'achat de services de nature sexuelle ont eu un impact terrible sur les activités de prévention de la traite de personnes. Avant l'adoption de la LPCPVE, les clients étaient l'une des meilleures sources d'information sur les mauvais traitements réservés aux travailleuses et travailleurs du sexe. Contrairement à d'autres industries où les personnes victimes de traite peuvent être totalement isolées, de par sa nature, le travail du sexe exige un contact en privé avec d'autres personnes, c'est-à-dire les clients, à l'extérieur d'un cercle restreint. Cependant, les clients ne se manifestent plus, par crainte de poursuites criminelles.
L'argument selon lequel la demande de services sexuels payants et consensuels alimente le commerce du sexe revient à dire que la demande liée à une meilleure infrastructure, des produits frais ou de nouveaux vêtements alimentent le trafic qui existe dans les secteurs de la construction, de l'agriculture et du vêtement. C'est faux. La traite de personnes n'est pas causée par une demande pour un service ou un produit. Elle est causée par les conditions systémiques, y compris les conditions juridiques, qui permettent l'exploitation dans divers milieux de travail et milieux sociaux.
L'Alliance ne s'oppose pas à la définition actuelle de la traite de personnes dans le Code criminel et estime que le fait de craindre pour sa sécurité ou celle des autres est une mesure raisonnable de l'exploitation. Nous sommes d'avis que le faible taux de condamnation est le reflet d'une mauvaise application généralisée de la loi et d'une participation abusive de tierces parties dans le milieu du travail du sexe, y compris ceux qui ne respectent tout simplement pas les normes juridiques ou conceptuelles associées à la traite de personnes et ne devraient pas être traités comme tels.
Nous nous opposons à ce qu'on modifie la définition d'exploitation pour inclure la notion de vulnérabilité, parce que nous savons que la position idéologique selon laquelle nous sommes traités de façon abusive fera de nous des cibles dans le cadre d'initiatives nuisibles de lutte contre la traite de personnes. À ce sujet, l'application des lois contre la traite de personnes et des mesures connexes nuit aux personnes qu'elles visent justement à protéger. Les interventions accrues des forces de l'ordre, visant les travailleurs et travailleuses du sexe, qui sont devenues une partie courante de la lutte contre la traite de personnes, nous poussent encore plus dans la clandestinité, surtout lorsque nous savons que ceux qui nous entourent risquent d'être poursuivis en vertu de lois contre le travail du sexe.
Les travailleurs, nos lieux de travail et nos publicités sont régulièrement surveillés, et nous sommes soumis à des techniques d'enquête invasives, comme celles de l'Opération Northern Spotlight. De telles activités nous laissent désemparés. Elles nuisent à notre gagne-pain et favorisent une plus grande méfiance à l'égard de la police.
Il est vrai qu'un petit nombre de cas véritables de traite de personnes sont mis à jour par ces moyens, mais je me permets de le demander: à quel prix? Imaginons un instant que ces mêmes techniques étaient utilisées à l'égard des femmes victimes de violence entre partenaires intimes, ce qui, nous le savons, est un énorme problème au pays. Je n'ai aucun doute que, si quatre ou cinq agents de police en uniforme frappaient à la porte des résidences de femmes mariées, leur demandant de s'identifier pour ensuite comparer l'information à celle figurant dans les bases de données des services de police, poser une série de questions extrêmement personnelles au sujet de leurs relations et demandant ensuite à répétition si elles sont victimes de violence... Il est probable qu'on découvrirait ainsi quelques cas de violence et que quelques femmes pourraient ainsi échapper à la violence conjugale, mais à quel coût pour toutes les femmes dont l'intimité, le sentiment de sécurité et les droits ont été violés, y compris la vie privée et les droits des femmes victimes de violence? Un tel système ne serait jamais accepté, et on ne devrait pas accepter que ce soit ainsi qu'on traite les femmes qui se livrent au commerce du sexe, même dans le cadre de la lutte importante contre la traite de personnes.
Certaines communautés de travailleuses et travailleurs du sexe sont ciblées et touchées de façon disproportionnée par les campagnes de lutte contre la traite de personnes. Les travailleurs et travailleuses asiatiques font face à un profilage racial. Les travailleuses et travailleurs migrants font l'objet de descentes, de détention et d'expulsion. Les femmes autochtones continuent d'être trop surveillées et trop peu protégées par les forces de l'ordre, dont les pratiques demeurent racistes et coloniales.
Actuellement, à peu près tous les mauvais traitements infligés aux travailleuses et travailleurs du sexe autochtones, migrants ou jeunes sont traités comme des cas de traite de personne, et ce, sans discernement. Non seulement un tel lien n'est généralement pas fondé, mais ce n'est pas un cadre de prévention efficace de la violence, parce qu'il fait fi des différents contextes structuraux définissant les raisons pour lesquelles les membres de différentes communautés vendent ou échangent des services sexuels et la façon dont ils le font, pour ensuite être victimes de violence. Nous devons plutôt nous attaquer aux problèmes systémiques comme la pauvreté et l'inégalité, ainsi qu'aux répercussions de la colonisation sur les femmes autochtones, les politiques d'immigration restrictives visant les femmes migrantes et l'échec des systèmes de protection des jeunes, pour ne nommer que ces exemples clés.
Dans l'ensemble, les torts causés par les lois contre le travail du sexe et la traite de personnes sont le résultat d'une position idéologique singulière, soit que le travail du sexe est une forme intrinsèque d'exploitation. La LPCPVE reprend explicitement cette opinion, et c'est cette opinion qui a mené à la situation actuelle, où tout travail du sexe peut être considéré comme associé à la traite de personnes et l'est souvent. Cette confusion entre le travail du sexe et la traite de personnes signifie que nous tous, qui travaillons dans le domaine du commerce du sexe pouvons devenir la cible d'initiatives néfastes de lutte contre la traite de personnes, et ce, à tout moment. De plus, lorsqu'on considère le travail du sexe comme étant lui-même une forme de violence, lorsqu'il y a vraiment des cas de violence, on considère qu'il fallait s'y attendre et, malheureusement, on l'approuve tacitement. De plus, le fait de confondre le travail du sexe et la traite de personnes crée de la confusion lorsqu'on tente de déterminer exactement ce dont on parle lorsqu'on dit vouloir lutter contre la traite de personnes, ce qui mène à des politiques et des pratiques inefficaces.
Peu importe les différentes philosophies sur la nature et la valeur de la prostitution, il ne faut pas adopter des lois nuisibles qui mettent en danger la vie et la sécurité des femmes. Les lois devraient être fondées sur des données probantes, pas une idéologie, et elles doivent permettre le respect des droits garantis par la Charte. Par conséquent, toutes les dispositions criminelles contre le travail du sexe devraient être abrogées dans le cadre d'une lutte authentique et efficace contre la traite de personnes. Parallèlement, des ressources étatiques et sociétales devraient être affectées à la prise de mesures de lutte contre la pauvreté, de lutte contre la colonisation et de promotion de l'égalité entre les sexes et les races.
Je vais maintenant céder ma parole à ma collègue Lanna, qui vous en dira davantage.
[Le témoin s'exprime en algonquin.]
Je m'appelle Lanna Perrin et je représente aujourd'hui le Maggie's Indigenous Drum Group, une composante de Maggie's, qui fait aussi partie de l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe.
Je travaille dans le commerce du sexe depuis l'âge de 16 ans, et je crois qu'il y a trois raisons pour lesquelles les gens se lancent dans le commerce du sexe. Par choix, par la force des choses et par la coercition. En ce qui me concerne, et puisque je connais mon histoire et celle de beaucoup de frères et soeurs autochtones, nous nous lançons dans le commerce du sexe principalement par la force des choses. Parmi les décisions désespérées qui nous mènent là, mentionnons des choses comme le besoin de payer nos factures et le loyer, le désir de partir en voyage ou, encore, le fait que j'ai voulu acheter une paire de chaussures de course Jordan de 200 $ à mon fils, qui est victime d'intimidation parce que nous sommes pauvres et que sa peau est de couleur brune.
J'en appelle à votre portefeuille. Je suis une mère célibataire qui n'a pas fait d'études collégiales. Je pourrais bien travailler au salaire minimum 40 heures par semaine à un endroit où je ne suis pas valorisée, où je ne suis pas heureuse et où je peux à peine joindre les deux bouts, ou, pour cinq heures par semaine, je peux être heureuse, mon client peut être heureux, et je peux acheter à mon fils sa paire de chaussures de course Jordan à 200 $ et permettre à ma fille de participer à un beau voyage de fin de 8e année.
Les lois actuellement en vigueur isolent les travailleurs et travailleuses du sexe. Des agences d'escortes, de salons de massage et des sites comme craigslist ont été fermés, forçant les travailleurs et travailleuses du sexe à travailler seuls, dans le secret, et de façon encore plus isolée, à se tourner vers le commerce du sexe dans la rue où nous sommes plus vulnérables et plus à risque d'être victimes de traite et d'exploitation.
Malgré tous les fonds consacrés actuellement à la lutte contre la traite des personnes dans divers organismes, une travailleuse du sexe se voit refuser des services à un endroit où elle pouvait se rendre avant pour obtenir des services, sauf si elle signe un document et devient une statistique affirmant qu'elle est prête à quitter le milieu. Si elle ne veut pas quitter le milieu, elle est refoulée. Si elle veut quitter le milieu, elle n'a pas accès à un logement, à de la formation ou à de l'éducation. La seule chose qu'on lui offre, c'est un groupe de soutien une fois par semaine.
Le fait d'être une travailleuse du sexe m'a donné une indépendance financière et m'a permis de voyager, d'aimer ma vie et d'élever mes enfants dans la dignité. Les travailleurs et travailleuses du sexe sont contre la traite de personnes et ont besoin des droits des travailleurs pour assurer leur sécurité. En tant que travailleuse du sexe et Autochtone, je sais que peu de travailleuses et travailleurs du sexe et peu d'Autochtones appellent la police, parce que ceux-ci sont les soldats qui ont appliqué les lois et qui nous ont opprimés et victimisés.
Je suis réellement convaincue que la décriminalisation du travail du sexe permettra aux gens de travailler en toute sécurité et que nous pourrons ainsi appeler les policiers et être prises au sérieux, plutôt que d'être traitées comme de simples prostituées.
Je vous remercie, monsieur le président, et merci aussi aux membres du Comité. C'est un honneur de prendre la parole au nom du Conseil canadien des avocats de la défense.
Je tiens à dire aux membres du Comité que je m'adresse à vous non pas seulement en tant qu'avocate de la défense, mais aussi en tant que représentante, dans des affaires liées à la traite de personnes, de travailleuses et travailleurs du sexe et des hommes qu'on appelle traditionnellement des proxénètes. J'offre donc au Comité un point de vue associé à une expérience différente.
Je me fais l'écho des observations des témoins précédents ainsi que des commentaires figurant dans le mémoire de la Société PACE, qui souligne les divers niveaux de consentement et de caractère volontaire dans le milieu du travail du sexe. Je reprends aussi leurs préoccupations concernant les initiatives de lutte contre la traite de personnes pouvant être préjudiciables pour les victimes et les travailleurs et travailleuses du sexe qui ne sont pas nécessairement visés par la loi en question.
Les dispositions pénales liées à la traite de personnes visent les victimes d'exploitation psychologique et physique. Cependant, je dirais que, ce qu'on oublie, ici, ce sont ceux que nous pourrions définir comme les « victimes contrevenantes », les personnes qui ont été exploitées psychologiquement pendant de longues périodes, de sorte qu'on considère maintenant qu'elles sont objectivement en mesure de faire leurs propres choix. En fait, si vous approfondissez la question et que vous leur parlez, vous constaterez qu'elles ne sont probablement pas dans une telle position, et qu'elles ne pourraient probablement pas vous dire pourquoi elles ont choisi de faire ce qu'elles font.
C'est très différent de quelqu'un qui continue, comme l'a dit Mme Perrin, à travailler dans l'industrie du sexe par choix. On parle ici d'une personne qui donne son argent à quelqu'un d'autre, qui vit dans des hôtels et qui est tout de même utilisée, maintenant, comme intermédiaire pour, essentiellement, recruter d'autres travailleurs et travailleuses du sexe. En d'autres mots, la personne qui est réellement visée par la loi utilise un intermédiaire, une travailleuse ou un travailleur du sexe, qui a déjà été victimisé, pour perpétrer un crime par procuration auprès d'une nouvelle personne. Cela signifie que l'intermédiaire, le travailleur ou la travailleuse du sexe, qui était lui-même une victime, épaule maintenant le trafiquant de personnes et est visé par les dispositions pénales.
Une telle situation devient problématique, parce qu'une personne accusée de traite de personnes est maintenant passible d'une peine minimale de quatre ans. On parle ici d'une personne qui n'a pas eu l'occasion de parler à la police, qui n'a pas eu d'autres options, et qui est peut-être maintenant libérée par la personne qui l'a victimisée — son proxénète —, mais qui se retrouve dans une situation où elle peut à peine se défendre parce qu'elle risque quatre années de prison de plus où elle aura encore moins de contrôle qu'avant.
Dans l'un des dossiers portés devant la Cour de justice de l'Ontario, soit le dossier de Nathasha Robitaille, Sage Finestone et Nicholas Faria, la juge Mara Greene a parlé d'un délinquant qui a plaidé coupable à des accusations liées à la prostitution. La personne principale, l'homme, a plaidé coupable à la traite de personnes. Cependant, ce qui se produit souvent, c'est que l'on dépose habituellement un chef d'accusation de traite de personnes, mais cela ne mène pas toujours nécessairement à des condamnations en raison de la norme de preuve élevée.
On s'en sert pour s'assurer que les gens plaident coupables à une infraction moindre afin d'éviter la peine minimale de quatre ans. En d'autres mots, ces « victimes contrevenantes », comme la juge Greene les a définies, plaident alors coupables malgré le fait que leur niveau de culpabilité est peut-être beaucoup moins élevé. Elles se retrouveront peut-être en prison, où elles ont encore moins d'options que lorsqu'elles ont commencé à oeuvrer dans l'industrie du sexe, parce qu'elles auront maintenant un casier judiciaire en tant que délinquantes sexuelles. Ces personnes ne peuvent voyager nulle part et ne peuvent rien faire d'autre.
Lorsqu'on regarde une telle situation, l'une des choses dont il faut tenir compte, c'est qu'il y a habituellement toujours l'option d'utiliser la défense de la contrainte lorsqu'une personne a été forcée psychologiquement ou physiquement à faire quelque chose. Ce n'est habituellement pas une option offerte aux travailleuses et travailleurs du sexe, qui travaillent parfois pour des proxénètes, parce que ces personnes ont souvent eu une occasion de changer leur situation.
Comme on l'a dit, ces personnes se retrouvent seules dans des pièces avec les clients. Elles ont le temps de communiquer avec la police, et, par conséquent, elles ont des possibilités de quitter l'industrie. Cependant, cela sous-entend qu'elles aient le désir psychologique de prendre le temps de réfléchir à ce qui se passe, de réfléchir à la question de savoir si elles sont victimisées ou non. Parfois, certaines personnes peuvent ne pas se considérer comme des victimes à première vue. Elles s'en rendront peut-être compte avec le temps, lorsqu'elles auront eu un peu de temps pour y réfléchir et penser à ce qui leur est vraiment arrivé.
L'une des histoires dont je veux vous parler concerne une personne que j'ai représentée, une travailleuse du sexe qui s'est retrouvée dans un tel rôle. Elle m'a donné la permission de parler de son histoire.
Elle n'avait pas d'autres options. Elle a commencé à danser. Elle avait quelqu'un qui n'a pas eu recours à la violence physique contre elle, mais, je dirais, qui a recouru à la violence contre une autre travailleuse du sexe, une autre femme qui travaillait pour lui. Elle lui donnait tout son argent et, après quelques mois, elle a fini par pouvoir aller et venir dans les hôtels à sa guise. En d'autres mots, elle n'était pas soumise à des contraintes physiques, mais elle affichait toujours un certain niveau de crainte lié au fait de ne pas obéir à son proxénète. Elle a été accusée de traite de personnes et, comme d'habitude, la Couronne a retiré ses accusations en cours de route en lui demandant de plaider coupable à l'infraction de prostitution, aux accusations de proxénétisme. Au bout du compte, elle a refusé, mais il a fallu trois ans ne serait-ce que pour qu'elle soit capable de dire le nom de son proxénète. Elle le protégeait tellement que, pendant tout le temps que j'ai passé avec elle, elle a refusé de dire son nom. C'est seulement environ trois ans plus tard qu'elle a réussi, non seulement à dire son nom, mais à témoigner de son nom légal complet devant la cour pour prouver qu'elle était sous contrôle psychologique. Même si elle a supposément trouvé une femme qui a ensuite travaillé sous le couvert de la traite de personnes, elle n'était pas vraiment personnellement impliquée. Cependant, il faut des années pour qu'une personne en arrive à une telle conclusion.
Lorsqu'il y a une loi qui ne tient pas compte des vulnérabilités des personnes qui ont été victimes et qui continuent d'aider les personnes qui, selon elles, sont les seules qui sont de leur côté, on finit par emprisonner — comme mes autres collègues, ici, l'ont souligné, les personnes les plus vulnérables aux mesures de l'État, et je parle donc ici des Autochtones, des personnes non blanches. En réalité, on dirait que, lorsque les policiers interviennent, ils considèrent que les personnes blanches sont plus susceptibles d'être des victimes et que les non-Blancs sont moins susceptibles d'être victimes, mais plus susceptibles d'être des délinquants ou des collègues du vrai trafiquant de personnes.
Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'aimerais tout simplement souligner que la Cour suprême s'est aussi penchée sur cette question, quoique du point de vue de l'immigration. C'est là matière à réflexion. C'est dans l'arrêt R. c. Appulonappa, où il est indiqué que l'article 117 est trop englobant et s'applique aux personnes qui aident, en d'autres mots, ceux qui ont un objectif différent. Lorsque vous réfléchirez à ce qu'il faut faire, la principale préoccupation devait être les personnes vulnérables et la façon de protéger ceux qui sont les plus vulnérables à la traite de personnes ou ceux qui en sont victimes, même si ces personnes sont impliquées depuis plus longtemps et que leur participation n'est pas aussi récente que ce à quoi les policiers peuvent s'attendre à ce moment-là.
Monsieur le président, depuis 25 ans, nous nous efforçons d'exposer les cas de torture et de traite de personnes perpétrées par des organisations criminelles, des familles et des entités non étatiques au Canada et à l'échelle internationale. Nous sommes des auteurs publiés. Le dernier chapitre que nous avons corédigé s'intitule « How Non-State Torture is Gendered and Invisibilized: Canada’s Non-Compliance with the Committee Against Torture's Recommendations » dans le livre intitulé Gender Perspectives on Torture: Law and Practice, qui a été présenté devant la Commission sur la condition de la femme des Nations unies en mars dernier.
Les victimes de la traite de personnes dont nous parlons précisément sont les filles, les soeurs et les épouses faisant partie de familles tortionnaires non étatiques qui en ont fait la traite et d'adultes qui ont été torturés et qui ont été victimes de traite dans le cadre de leurs relations intimes. Ces victimes ont été hébergées, détenues, contrôlées et transportées à des fins d'exploitation par des personnes, des cercles ou des groupes aux vues similaires dont les plaisirs sadiques et sexualisés ne font jamais l'objet d'un consentement. Ce groupe précis doit être identifié comme étant présent au Canada et contribuant au crime organisé.
Il faut comprendre que les descriptions liées à la traite de personnes comprennent des typologies faisant intervenir le crime organisé et les familles pouvant inclure des rassemblements de torture à domicile qu'on fait passer pour des fêtes, le fait de transporter des victimes chez d'autres personnes aux vues similaires au sein des mêmes collectivités ou plus loin, l'exploitation de nature pornographique et la victimisation par prostitution et, maintenant, la traite en ligne.
Il n'y a pas d'âge pour l'exploitation et la traite de personnes, des nouveau-nés pouvant en être victimes, vu le plaisir que certains contrevenants ou acheteurs tirent des sévices qu'ils leur infligent. Cette réalité ressort des données probantes recueillies par le Centre canadien de protection de l'enfance et communiquées au ministre de la Sécurité publique.
Notre première recommandation consiste à nommer et faire connaître la torture, la terreur et l'horreur non étatiques infligées par des trafiquants de personnes ou des acheteurs familiaux, organisés et criminels. Par exemple, dans un questionnaire de recherche sur le Web que nous avons produit en 2009 et auquel 128 personnes ont répondu, 57 répondants, soit 37 % d'entre eux, ont dit que les armes à feu, la pornographie et les images d'assassinat avaient été utilisées pour les terroriser et les horrifier. Pendant des décennies, on refusait de croire les femmes qui parlaient de tels films d'assassinat. Il faut cesser ce déni.
La torture et la terreur qui l'accompagne doivent être nommées et codifiées pour maintenir la capacité d'une personne victime de traite d'invoquer la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants devant les tribunaux canadiens; ces gestes doivent être inclus dans les déclarations des victimes plutôt que d'être caviardés.
La capacité de dénoncer les tortionnaires et les trafiquants de personnes criminels, familiaux et non étatiques est nécessaire pour sensibiliser la société, permettre des interventions d'enquête et de prévention et s'assurer que la personne torturée peut dire ce qu'elle a à dire, ce qui peut aider à assurer la crédibilité et la fiabilité des personnes ainsi torturées et victimes de traite et contribuer à leur rétablissement à la lumière de leur victimisation et de leur traumatisme.
Il faut assurer un accès immédiat à un logement pour que les femmes et les filles exploitées puissent guérir, et il faut que les policiers se concentrent sur l'arrestation des trafiquants et des acheteurs.
Il faut changer l'attitude sociale au sujet de la traite de personnes. Ce n'est pas du sexe. Ce n'est pas seulement une question de pauvreté. Il s'agit de violence intentionnelle et criminelle perpétrée contre des personnes vulnérables par d'autres dans des positions de pouvoir. C'est de la violence perpétrée par les trafiquants et les acheteurs contre un autre être humain.
Les objectifs de développement durable que le Canada s'est engagé à atteindre exigent qu'on ne laisse personne de côté. Il existe un droit de la personne de ne pas être soumis à la torture aux mains de trafiquants de personnes, d'acheteurs ou de toute autre personne, peu importe son statut. La cible 16.2 concerne la fin des mauvais traitements, de l'exploitation, de la traite et de toutes les formes de violence et de torture contre les enfants. La cible 5.1 concerne l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes et les filles, et ce, partout. La cible 5.2 vise quant à elle à éliminer toutes les formes de violence contre les femmes et les filles dans les sphères publique et privée. Et enfin, la cible 10 concerne l'élimination des lois, politiques et pratiques discriminatoires grâce à la promotion de lois, de politiques et de mesures appropriées à cet égard.
Je vais passer à la deuxième recommandation.
Il faut criminaliser la torture non étatique, puisque les trafiquants de personnes peuvent aussi être des tortionnaires non étatiques.
Notre recommandation, ici, est fondée sur le fait que les rapports de la GRC et des services de police indiquent que les trafiquants et les acheteurs de personnes commettent des actes de torture. Cette recommandation fournirait à cet égard un outil juridique.
Le Comité des Nations unies contre la torture a demandé à deux reprises au Canada — en 2012 et en 2017 — d'intégrer la torture par des intervenants non étatiques dans la loi canadienne.
En 1994-1995, une résolution des Nations unies intitulée « 1994/45 Question de l'intégration des droits des femmes dans les mécanismes de l'Organisation des Nations unies s'occupant des droits de l'homme et de l'élimination des violences à l'encontre des femmes » a lancé un processus international visant à reconnaître que les droits des femmes sont des droits de la personne et que les femmes subissent des formes de violence importantes, simplement en raison du fait qu'elles sont des femmes ou des filles.
En 2008, la résolution 8/8 de la Commission des droits de l'homme portant sur la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a demandé au rapporteur spécial chargé d'examiner la question de la torture et aux parties étatiques — au Canada — d'adopter une perspective juridique liée au genre qui inclut la torture perpétrée par des acteurs non étatiques.
En 2010, la résolution 65/205 de l'Assemblée générale demandait aux États — au Canada —d'adopter un cadre sexospécifique relativement à la Convention contre la torture, de façon à ce que tous les actes de torture soient criminalisés de façon précise « au titre des lois nationales ».
En 2012, le Comité des Nations unies a expliqué, durant une conversation avec une délégation gouvernementale canadienne, qu'il était essentiel d'éliminer le traitement discriminatoire réservé aux femmes ou aux hommes victimes de torture non étatique.
La criminalisation de la torture non étatique est réalisée dans de nombreux pays ou États au sein de différents pays, comme le Queensland, en Australie, le Michigan et la Californie, aux États-Unis, la Belgique et le Rwanda, pour ne nommer que ceux-là. Une telle mesure est fondée sur le principe lié aux droits de la personne selon lequel, c'est non pas le statut de la personne qui définit qui est un tortionnaire, mais bien les actes qu'il commet.
En conclusion, le Comité des Nations unies contre la torture a fait une distinction selon laquelle certaines formes de traite de personnes peuvent constituer de la torture. Selon nous, les points de vue politiques qui rejettent la torture par des acteurs non étatiques comme les trafiquants et acheteurs de personnes sont une trahison institutionnelle qui exprime des attitudes de cruauté structurelle. Par conséquent, nous concluons notre déclaration par une citation tirée de notre chapitre dans Gender Perspectives on Torture: Law and Practice:
Les mesures prises par le Canada pour mal désigner d'un point de vue juridique la torture non étatique comme tout simplement un autre crime, comme des voies de fait graves, pour rejeter les résolutions des Nations unies qui encouragent le Comité contre la torture à pratiquer la non-discrimination à l'égard des droits de la personne grâce à l'intégration des manifestations de violence sexospécifique qui équivaut à la torture, faire fi du fait que les lois souples établissent des normes de conduite qui ne sont pas exemptes de signification juridique et refuser de tenir compte de l'évolution des normes du droit international qui concernent la diligence raisonnable et sont sensibles au genre signifie que le Canada n'est plus un chef de file mondial en matière de droits de la personne qui tente d'éliminer toutes les formes de violence contre les femmes et les filles.
Nous concluons en demandant au Comité d'assumer sa responsabilité et de modifier le traitement en matière de droits de la personne que le Canada réservera à toutes les personnes qui ont été victimes de torture non étatique et de traite de personnes en nommant et en criminalisant la torture non étatique.
Merci.
Aaniin. Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion d'être ici, et de parler au nom des survivantes autochtones de la traite de personnes au Canada. J'aimerais souligner que je suis sur les territoires traditionnels de la nation algonquine Anishinabe.
Je m'appelle Wasa quay. Mon nom anglophone est Bridget Perrier. Je suis née à Thunder Bay, en Ontario, où j'ai été donnée en adoption et adoptée par une famille non autochtone.
Rien dans notre langue ojibwée ne décrit l'acte de vendre du sexe, et, si une telle chose n'existe pas dans notre dialecte, alors ce n'est pas pour nos femmes ni nos filles. Au cours des quatre prochaines minutes, je vais vous parler de la traite de personnes à des fins sexuelles en tant que survivante autochtone et du point de vue des intervenants de première ligne.
À l'âge de 12 ans, j'ai été attirée et forcée à me prostituer, alors que je me trouvais dans un foyer de groupe des services de protection de la jeunesse. J'ai été vendue à des hommes qui se sentaient privilégiés de pouvoir acheter des relations sexuelles avec un enfant. La plupart du temps, les hommes ne me posaient jamais de questions au sujet des ecchymoses et des lésions que m'infligeaient mes trafiquants. Je me souviens d'avoir déjà eu affaire à un acheteur de services sexuels qui s'est plaint à mon trafiquant de ma lenteur et de mon manque d'obéissance. C'était en raison de mes blessures, qui m'empêchaient d'avoir une relation sexuelle comme le souhaitait l'acheteur. J'étais couverte de bleus et j'avais une épaule disloquée après avoir été battue par mon proxénète, qui m'a tout de même forcée à avoir des relations avec des hommes alors que j'étais fatiguée, affamée, à bout et très vulnérable.
Que ce soit à l'extérieur ou dans le cadre d'un service d'escorte, surtout lorsque je travaillais pour une agence, la menace de violence était constante, de la part de la personne qui réalisait la vente jusqu'au chauffeur qui me transportait au rendez-vous en passant par l'acheteur de sexe, qui estimait que j'étais sa propriété pendant l'heure où j'étais là.
J'ai passé 12 ans dans l'industrie du sexe, de 12 à 24 ans. Par la suite, il m'a fallu quatre ans ne serait-ce que pour en parler et huit années de thérapie intense pour commencer à guérir. Encore aujourd'hui, je souffre des répercussions physiques de cette période. J'ai des traumatismes dans l'utérus et des problèmes de reproduction, ainsi que des douleurs neurologiques causées par la violence physique et la torture. Sur le plan émotionnel, je souffre encore et je dors la lumière ouverte; on ne doit pas me faire sursauter ou me surprendre. J'ai encore peur du sous-sol, là où se trouve la buanderie. Je ne vais pas dans le sous-sol sans mon chien. Je suis extrêmement anxieuse lorsque certains types d'hommes sont là. J'ai perdu mon innocence et mon adolescence aux mains d'hommes qui voulaient un accès sexuel à mon corps.
S'il vous plaît, ne nous offusquez pas, nous, les survivantes, aujourd'hui, en parlant de l'exploitation sexuelle comme étant du travail du sexe. Nous avons été prostituées et exploitées. Ce que nous avons enduré n'est ni du sexe ni du travail.
Au Canada, la traite de personnes touche de façon disproportionnée les femmes et les filles autochtones. Plusieurs études ont révélé que, des femmes et des filles ayant fait l'objet de traite de personnes à des fins sexuelles ou ayant été exploitées sexuellement dans le cadre de la prostitution, 52 % étaient des Autochtones. L'âge moyen d'entrée dans l'industrie est de 12 à 15 ans, et, dans certains cas, certaines victimes n'avaient que 9 ans.
Les filles des collectivités nordiques sont à risque, et le contrôle exercé par les trafiquants peut prendre de nombreuses formes. Il peut se présenter comme un petit ami, un trafiquant de drogue ou un homme âgé qui fournit de la drogue et un endroit où rester. Il peut se présenter comme un oncle, une figure paternelle et peut-être même un papa. Les victimes sont forcées à commettre des actes sexuels, parfois, même jusqu'à 6 à 10 fois par jour, 7 jours par semaine, et elles remettent l'argent gagné ou l'équivalent en drogue.
Les survivantes ont décrit leur expérience comme de multiples incidents de viol rémunérés. Qui est à l'origine de la demande? Beaucoup d'hommes, pas seulement quelques-uns. De plus, les trafiquants aussi sont diversifiés. Même si certains gangs sont impliqués, il n'en reste pas moins qu'il s'agit de petits réseaux d'hommes. Contrairement à la drogue, qu'on peut vendre une fois, et c'est tout, les trafiquants vendent les femmes et les filles sans cesse. Les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées sont liées à la traite de personnes. Il faut se demander qui les tue. Ce sont les acheteurs et les vendeurs. Il n'y a pas d'outil de dépistage de la violence et du meurtre.
Les répercussions les plus néfastes visent les femmes et filles autochtones. Il faut que les lois nous soient bénéfiques, et non pas qu'elles perpétuent le racisme et créent encore plus de préjudices. Il faut créer des lois qui fonctionnent pour les femmes et filles autochtones, plutôt que de faire en sorte qu'il soit plus facile pour les agresseurs de les victimiser.
Un gouvernement canadien dirigé par un premier ministre qui s'identifie lui-même comme féministe et qui affirme être pour l'égalité des droits des femmes doit commencer à écouter les survivantes et tous les Canadiens, pas seulement ceux qui ont le plus d'argent ou qui parlent le plus fort.
Je parle pour les 400 filles que j'ai aidées à sortir du domaine de la prostitution. Certaines des filles avec lesquelles je travaille ont le même âge que mes filles. Nous les avons vues être pulvérisées par l'industrie du sexe. Je vais maintenant céder la parole à ma partenaire, Natasha Falle.
Merci de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui. Je vais vous parler rapidement de mes antécédents.
Je suis une survivante de la prostitution indépendante et de la prostitution forcée. Pendant 7 des 12 années de ma carrière, j'ai été victime de la traite d'un proxénète connu et j'ai ressenti les pressions exercées par l'industrie du sexe pour obtenir sa protection en raison de la violence avec laquelle je composais chaque jour aux mains d'hommes, qui se croyaient tout permis et qui étaient souvent violents. J'ai ensuite été victime de violence non seulement aux mains de ceux qui achetaient du sexe, mais aux mains de mon proxénète, aussi. Il a été atteint deux fois par des balles qui m'étaient destinées. Le tireur était un autre proxénète. Il a poignardé un autre homme sept fois parce que ce dernier m'avait agressée. On nous a appris à ne pas nous tourner vers la police. On nous a appris à gérer la violence par nous-mêmes au sein de l'industrie du sexe. Le fait de faire intervenir la police attirait une attention négative sur leur commerce. Mon proxénète me disait souvent que je lui devais la vie et que jamais personne ne m'aimerait comme il m'aimait. C'était maintenant il y a 20 ans, et il est toujours un proxénète qui se présente comme un organisateur d'enterrements de vie de garçon, avec un site Web qu'il a probablement monté gratuitement et un permis d'exploitation qu'il a probablement payé 120 $.
Je vais vous parler rapidement de notre coalition.
Nous sommes les principaux défenseurs des survivantes canadiennes de l'industrie du sexe et de la violence des proxénètes organisés du Canada. Nous réalisons des activités de sensibilisation et d'éducation du public sur tous les aspects du commerce du sexe afin d'éradiquer les mythes et les stéréotypes au sujet de la prostitution et en les remplaçant par des faits et des histoires véridiques de femmes qui ont été réduites à l'esclavage dans cette industrie sombre et lucrative.
Nous sommes un groupe très diversifié et unique de femmes canadiennes. Nos antécédents et nos récits sont très différents les uns des autres. Le fil conducteur, c'est la prostitution. Nous sommes réunies sous le nom de Sextrade 101: Public Awareness and Education, pour nous faire connaître en tant qu'expertes de l'industrie du sexe, comme travailleuses de première ligne, conférencières, enseignantes, défenseures et militantes des droits des victimes de la traite de personnes à des fins sexuelles et des personnes ayant survécu à la prostitution. Les raisons de notre réunion nous sont personnelles. Notre objectif principal, c'est de mieux faire connaître la réalité de l'industrie du sexe. Nos histoires diffèrent les unes des autres. Certaines ont des histoires d'horreur à raconter, des histoires qui brisent le coeur, des histoires qui laissent bouche bée et aussi des histoires d'impuissance.
À part le côté sensationnaliste de la prostitution, nous voulons faire preuve d'audace en vous disant les vérités sur le métier. Nous avons toutes été craintives, violées, battues, vendues et rejetées. La plupart d'entre nous avons aussi été des enfants oubliés, négligés, maltraités, utilisés, dévoyés, abandonnés et non protégés. Selon nous, il faudrait montrer à chacun et chacune une façon viable de sortir de l'industrie du sexe, pas les encourager à y rester. Nous croyons au fait d'aider les gens à comprendre l'ensemble de la vie dans le domaine de la prostitution avant d'y mettre les pieds en plus d'aider les femmes à en sortir vivantes, leur esprit, leur corps et leur vie intacts.
Nous sommes prêtes à discuter, à communiquer de façon sensée et saine avec d'autres personnes qui ont les mêmes croyances que nous. Il faudra un effort collectif si nous voulons mettre fin à la plus vieille source d'oppression du monde. Nous offrons des connaissances de première main sur les obstacles auxquels les gens sont confrontés lorsqu'ils tentent de quitter ce métier et de ne plus y retourner, et nous créons des possibilités de changement positif pour les personnes réduites à l'esclavage par le commerce du sexe ou la traite de personnes à des fins sexuelles.
L'un des sujets de discussion, aujourd'hui, c'est la stratégie de lutte contre la traite de personnes. Cette stratégie compte quatre composantes: la prévention de la traite de personnes, la protection des victimes, les poursuites contre les délinquants et le travail en partenariat avec d'autres intervenants à l'échelle nationale et internationale. Le seul commentaire majeur que nous voulons formuler au sujet de cette stratégie concerne la prévention. Il s'agit de mesures qui pourraient être mises en place pour favoriser la prévention: promouvoir la formation des fournisseurs de services de première ligne, soutenir et mener des campagnes de sensibilisation sur la traite de personnes visant précisément la traite à des fins sexuelles, fournir une aide aux collectivités afin qu'elles puissent cerner les endroits et les personnes les plus à risque et renforcer les systèmes de protection de l'enfance dans le cadre des programmes de l'Agence canadienne de développement international ciblant les enfants et les jeunes.
C'est bien beau, mais il n'y a eu aucun effort concerté pour éliminer le financement de l'industrie du sexe. Pour réduire l'argent qui alimente l'industrie du sexe, il faut décourager les hommes d'acheter des services sexuels. C'est la seule façon dont nous pouvons nous attendre à une réduction du trafic de personnes à des fins sexuelles.
Certains diront que les trafiquants sont vraiment les méchants et que les acheteurs de services sexuels ne font rien de mal, alors il faut s'en prendre aux méchants, aux trafiquants. Les trafiquants le font pour deux raisons: principalement pour l'argent, et, deuxièmement, pour la notoriété. Par conséquent, si la demande au sein du marché est élevée, s'il y a de l'argent à faire, il y aura du trafic. Les interventions policières à ce sujet ne réduisent pas les taux de traite de personnes, parce que le fait d'avoir les forces de l'ordre à ses trousses et même d'aller en prison aide les trafiquants à jouir de la même notoriété qu'un gangster. Comparez cette situation à une autre où les policiers s'en prennent à l'achat de services sexuels; les acheteurs de services sexuels seraient beaucoup moins susceptibles d'acheter les services s'ils savaient qu'une arrestation est une possibilité réelle.
Malheureusement, les opérations de ratissage de clients de la prostitution sont beaucoup moins nombreuses depuis la contestation Bedford sur la loi visant la prostitution. Même avec la nouvelle loi sur la prostitution, le projet de loi C-36, les acheteurs de services sexuels sont censés être criminalisés, mais très peu le sont.
Les études universitaires ne soutiennent pas la notion selon laquelle la normalisation et la réglementation de la prostitution réduisent la traite de personnes. Cependant, de nombreuses études universitaires du monde entier révèlent que les activités d'application de la loi visant l'achat de services sexuels permettent d'atteindre cet objectif. L'information contraire, utilisée par le lobby pro-prostitution, n'est qu'anecdotique; elle n'est pas crédible, et il faut par conséquent en faire abstraction.
La prostitution, c'est de la violence, de la violence sexuelle et de la discrimination de la part des acheteurs de services sexuels au profit du commerce du sexe, y compris des proxénètes et des propriétaires de bordel. La prostitution est sexospécifique et vise les femmes et les filles les plus vulnérables. Parmi les 40 à 42 millions de prostitués dans le monde, 80 % sont des femmes, et les trois quarts sont âgés de 13 à 25 ans.
En vertu de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation, dans de nombreux pays, et au Canada, la prostitution est jugée comme étant incompatible avec l'égalité et les droits humains des femmes.
La LPCPVE décriminalise déjà les femmes prostituées dans presque chaque situation, donc pourquoi le Parti libéral souhaiterait-t-il décriminaliser le proxénétisme?
Sans tenir aucun débat ni fournir aucune information, le Parti libéral a voté en faveur d'une résolution réclamant la décriminalisation du proxénétisme et l'abrogation du projet de loi C-36, malgré le fait que les partis conservateur et libéral ont fait examiner le projet de loi C-36 par des juristes, qui l'on jugé inconstitutionnel.
Nous sommes des victimes, et très peu d'entre nous ont été invitées à s'exprimer. De plus, nous sommes extrêmement troublées de vous entendre appeler les femmes et les filles exploitées des travailleuses du sexe. Les termes « travail du sexe » et les « travailleurs du sexe » ont été inventés par les acteurs du commerce du sexe pour normaliser l'exploitation et masquer les torts liés à la prostitution.
Nous demandons pourquoi le gouvernement subit l'influence des partisans de la décriminalisation, du lobby en faveur du proxénétisme, en contravention du droit canadien et international.
Toutes les femmes et tous les enfants ont le droit à l'égalité devant la loi et en vertu de celle-ci, ainsi que le droit à la dignité et le droit de vivre une vie exempte de prostitution et de violence, sous toutes ses formes. Nous avons le droit d'être protégées des hommes qui nous monnayent contre du sexe et croient que leur argent peut acheter toutes les femmes et les filles.
Vous devez comprendre la relation entre la prostitution et l'exploitation sexuelle. L'exploitation sexuelle est le moteur que les proxénètes et les trafiquants utilisent pour amener leurs victimes à se prostituer. Sans un commerce du sexe dynamique, il n'y aurait pas d'exploitation sexuelle. C'est la demande masculine de prostitution qui alimente l'exploitation sexuelle.
Vous avez déjà les outils pour réduire...
Je me dois maintenant d'intervenir. Vous en êtes à 13 minutes et 41 secondes. Je sais qu'il vous reste une page et demie de votre mémoire — nous avons le mémoire par écrit.
Encore une fois, nous l'avons devant nous par écrit, mais bien sûr, si vous ressentez l'obligation de le faire, mais je vous demanderais seulement de conclure en une minute environ, juste parce que vous avez presque déjà pris le double de votre temps.
Merci.
« Je vous écris en tant que victime de la traite de personnes. J'ai été admise à un programme de sortie en 2003, année où j'ai rencontré Natasha Falle. Elle était conseillère et gestionnaire du programme à Streetlight Support Services. Elle était si compréhensive et inspirante que je lui ai demandé ce que je devrais faire pour sortir de l'enfer dans lequel je me trouvais. Après que j'ai eu terminé quatre semaines de counseling de groupe sur la compréhension de la violence faite aux femmes dans le commerce du sexe, elle a proposé que je suive un programme sur les femmes violentées et le counseling au Collège George Brown. J'étais bien loin de savoir que j'étais même une victime d'exploitation. Je me considérais simplement comme une âme perdue qui aidait son « petit ami » à payer ses comptes. C'était mon proxénète, et je ne me considérais même pas comme une femme exploitée. J'ai vite remarqué que bon nombre de mes professeurs avaient en commun une perspective d'enseignement biaisée. Ils semblaient penser que la prostitution était le choix d'une femme, et ils le faisaient paraître comme féministe. Je pouvais à peine me retenir de crier « non »! Ce n'est pas un choix; c'est l'absence de choix. Ce n'est pas quelque chose qui nous donne du pouvoir; c'est un abus de pouvoir contre ma personne, mon corps, et par mon proxénète. Si nous, en tant que femmes, enseignantes et sénatrices, devons pleinement comprendre les tentacules complexes et profonds de la bête qu'est l'industrie du sexe, nous devons engager un dialogue plus équilibré qui tienne compte de l'expérience et des renseignements des abolitionnistes. Nous devons écouter ceux qui se trouvent en première ligne, les victimes, et en tirer des enseignements. Avec tout le respect que je vous dois, je vous demande d'aider à façonner l'avenir pour les conseillers, les travailleurs de première ligne et les policiers en offrant une vision plus réaliste et vraie de la laide et vieille oppression, la prostitution, et en reconnaissant comment la prostitution et l'exploitation sexuelle sont effectivement interreliées. »
Puis-je lire la suivante?
Encore une fois, vous pouvez la lire si vous avez l'impression que vous devez le faire. Nous allons l'ajouter au compte rendu parce que nous l'avons ici.
D'accord, vous pouvez l'ajouter au compte rendu, cela me va.
Je suis prête pour les questions, merci.
Merci beaucoup. Je reconnais la très grande complexité de ce témoignage.
Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Nicholson.
Merci à toutes celles qui sont venues ici aujourd'hui. En un sens, c'est très bouleversant d'entendre vos histoires, et je veux vous en remercier.
Linda MacDonald et Jeanne Sarson, de façon générale, dans notre système de droit, la torture est presque par définition une torture d'État. C'est ce que c'est. En ce qui concerne le Code criminel, on la définit généralement comme une agression, des voies de fait graves, ce genre de choses.
D'après votre expérience entourant toute cette question de torture non étatique, croyez-vous que c'est la raison pour laquelle les gouvernements ont résisté pour ne pas être mêlés à cela? Est-ce parce qu'ils croient peut-être changer la définition, ou se peut-il que si vous commenciez à appeler cela de la torture, ça pourrait être plus difficile à prouver? Nous avons entendu Mme Thomas parler de certaines des difficultés liées au fait d'intenter des poursuites relativement à certains de ces éléments. Pensez-vous que cela explique en partie pourquoi la loi n'a pas changé à ce chapitre?
Dans d'autres pays, la loi a été changée. Pour quelque raison que ce soit, le Canada oppose une résistance. Nous ne sommes pas sûrs de savoir pourquoi, sauf qu'il dit que les voies de fait graves sont suffisantes ou que nous minimiserions la torture étatique si nous commencions à reconnaître la torture que les femmes et les filles subissent. Je ne suis pas d'accord avec cela. Je pense que cela permettrait en réalité de hausser les normes, de sorte que la souffrance que les femmes et les filles subissent sous forme de torture serait mise sur le même pied d'égalité que la torture étatique.
Le gouvernement a utilisé différentes excuses depuis le début, mais le monde a changé, et les Nations unies disent que le Canada ne suit pas vraiment le rythme concernant la façon dont la torture est devenue sexospécifique, tandis qu'il y a maintenant un tout nouveau livre qui est écrit au sujet du genre et de la torture. C'est une nouvelle façon d'examiner... Nous ne disons pas que toutes les femmes et les filles subissent de la torture. Il y a des comportements particuliers, et je ne crois pas que ce serait difficile à prouver parce que, essentiellement, la torture est intentionnelle. Je n'arrive pas à comprendre quelle autre raison nous pourrions invoquer pour torturer un bébé dont le cordon ombilical n'est pas encore coupé, pour mettre des gens en cage, les enchaîner et commettre des viols collectifs. Je ne sais pas quelle autre intention il pourrait y avoir. Je ne vois pas comment cela serait difficile à prouver.
C'est bon.
Madame Gillies, vous avez dit que, parfois, les gens qui sont victimes d'agression estiment que c'est malheureusement toléré par les agents d'application de la loi, s'ils se manifestent.
Pourriez-vous préciser davantage votre propos?
Oui, parce que nous devons maintenant vivre et travailler dans un contexte où tout le travail du sexe est considéré comme une forme inhérente de violence. Lorsque la violence réelle se produit, malheureusement, on a tendance à entendre: « Eh bien, c'est ce dans quoi tu t'es engagée. » C'est ce dont je parle, et c'est quelque chose que nous voyons assez souvent.
Les forces de police décident-elles de ne pas inculper cette personne? Se contentent-elles de hausser les épaules devant la femme — c'est habituellement une femme — qui a été victime d'agression?
Oui, sauf dans les cas où quelqu'un est prêt à se définir comme étant l'objet de traite de personnes, ce qui est notre préoccupation au sujet de l'intérêt et des ressources qu'on accorde au trafic, parce que je crois, comme nous avons entendu quelques personnes le dire, que sauf si vous vous définissez comme faisant l'objet de traite de personnes et sauf si c'est la façon dont vous êtes forcée d'interpréter et de présenter votre expérience, on vous refusera l'accès non seulement à la protection policière et au processus judiciaire, mais aussi à d'autres services sociaux, principalement parce que, à ce moment-là, une bonne partie du financement qui est destiné aux personnes qui vendent du sexe ou en font le commerce vise principalement les initiatives de lutte contre la traite.
Madame Falle, un des enjeux dont nous avons parlé dans le cadre du Comité, ou une des suggestions qui nous ont été présentées, c'est que si nous faisions tout notre possible pour essayer d'identifier les personnes, les institutions ou qui que ce soit qui participent à la traite d'êtres humains, nous nous en porterions mieux.
Vous avez dit que la personne qui vous exploitait existe toujours ou qu'elle fait son travail ici. Que diriez-vous de la nommer?
Je pense que c'est important pour les personnes qui commettent ces types de crimes, et je sais que, madame Perrin, vous avez nommé quelqu'un, et madame Perrier, si vous voulez nous donner le nom de ces gens, nous serions heureux de les avoir.
Je crois fermement que la publicité et l'objet d'intérêt ciblent les personnes qui commettent ces crimes dégoûtants... nous nous portons tous mieux, car les gens savent à quoi ils ont affaire.
Mon trafiquant faisait partie du crime organisé. Un de mes trafiquants est une femme. Elle s'appelle Sherry Taranien.
J'ai dit que, parfois, dans l'industrie, particulièrement depuis peu, les gens qui sont forcés de faire du travail du sexe dans la rue sont souvent plus susceptibles d'être exploités et d'être victimes de traite.
C'est ce que votre collègue a dit, soit que parfois, lorsque les femmes sont victimes de violence physique, cela n'est pas signalé.
Madame Thomas, vous avez entendu la suggestion pour que le mot « torture » soit utilisé dans les cas de violence non étatique contre une personne. Vous connaissez très bien le Code criminel et ses différentes dispositions. Quelles sont vos opinions à ce sujet?
Je pense que, lorsque vous avez ces mots, ils semblent aborder la préoccupation, mais ce que vous aurez, je crois, c'est un défendeur qui sera moins susceptible d'assumer la responsabilité lorsque le mot « torture » sera associé à une infraction criminelle.
C'est la même chose avec la traite de personnes. Lorsque vous avez ces types de termes, même si le résultat est presque le même... Je dirai que, qu'il s'agisse de prostitution sous la protection d'un proxénète ou de traite de personnes, s'il y a des éléments semblables, la peine réelle est presque la même. La portée n'est pas beaucoup différente, mais lorsque vous ajoutez ces mots, je peux vous dire que les défendeurs ont tendance à avoir un blocage mental pour ce qui est d'essayer d'assumer cette responsabilité parce que, malheureusement, lorsque je parle d'hommes — et je ne parle pas des femmes qui ont été des prostituées ou des travailleuses du sexe — vous exploitez complètement quelqu'un et recevez de l'argent sans fournir quelque protection que ce soit, ils ne se considèrent pas nécessairement comme les mauvais gars. C'est peut-être différent de ce que toutes les autres personnes dans le public pensent, mais eux ne se voient pas de cette façon, donc vous aurez essentiellement un procès, et cela impose encore une fois un fardeau supérieur à la Couronne pour atteindre le niveau de la torture.
Dans mon mémoire, je peux voir les préoccupations partagées par mes amies ici, mais je pense que ce serait pour eux davantage un obstacle pour elles que les défendeurs assument la responsabilité et plaident coupables.
J'aimerais juste citer la Cour suprême du Queensland, en Australie, dans l'affaire R. v. HAC. C'était le cas d'un mari qui a été déclaré coupable de torture à l'endroit de son épouse, et la Cour a fait la distinction. Elle a jugé qu'il l'avait torturée pendant six mois, et il a donc été déclaré coupable de torture et condamné à une peine d'emprisonnement de 10 ans pour la torture, de deux ans pour l'agression et de cinq ans pour le viol, et il a été déclaré délinquant grave.
Je crois juste que, s'ils peuvent le faire en Australie, s'ils ont la capacité de faire la distinction entre les crimes, nous, en tant que Canadiens, avons assurément la capacité de le faire ici, au Canada.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Je vais commencer par Mmes Falle et Perrier.
D'abord, j'aimerais clarifier vos commentaires concernant le congrès du Parti libéral. Les résolutions du congrès ne sont pas une politique gouvernementale et ne sont aucunement contraignantes pour le gouvernement.
Vous semblez assez opposées à la position de l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe. Je crois que l'Alliance veut que nous décriminalisions l'ensemble du travail ou des services liés au sexe, de manière à nous concentrer plus clairement sur la traite de personnes, la violence, la coercition et ainsi de suite. Toutefois, vous nous demandez d'aller dans l'autre sens et d'appliquer fermement les politiques contre le travail du sexe ou contre les services sexuels, peu importe comment vous voulez les appeler, et, de cette façon, de mettre fin à la traite des personnes. Ces approches semblent être opposées.
Voyez-vous un intérêt quelconque à dissocier le commerce du sexe, si vous voulez, des circonstances entourant la traite de personnes?
Non, je n'en vois pas.
D'ailleurs, je sais pertinemment que les organisations dirigées par des travailleurs du sexe qui font la promotion de la prostitution comme une option de travail viable exposent les victimes de la traite de personnes à de grands risques. Cela nuit à leur santé, à leur sécurité et à leur bien-être. Elles sont aussi exposées à des proxénètes dans leur organisation, des proxénètes auxquels elles se sont alliées et qu'elles appellent des gardes du corps et des gérants. Je crois que, sans la prostitution, nous n'aurions pas d'exploitation sexuelle.
Je suis surprise de les voir aujourd'hui au Comité, parce que, la plupart du temps, elles nient la portée de l'enjeu de la traite de personnes au pays. Leur contenu me provoque. Une bonne partie de celui-ci ressemble au conditionnement et au lavage de cerveau que j'ai reçus d'autres femmes qui étaient vendues par les proxénètes, que ce soient les proxénètes d'agences d'escorte, les proxénètes des propriétaires de clubs de strip-tease, les proxénètes de gangs ou les proxénètes solitaires. C'est toujours le même jeu.
Dans cette industrie, nous sommes amenées à croire que nous ne devrions pas avoir confiance en la police, lorsque, en fait, bon nombre d'entre nous ont eu des expériences très positives de travail auprès de la police. En les mettant tous dans le même bateau, nous minons nos bonnes expériences. C'est presque comme une tactique de musellement à laquelle nous sommes habituées.
Nous sommes souvent intimidées par les organisations de travailleurs et travailleuses du sexe sur Twitter. Vous pouvez consulter nos pages et le voir par vous-mêmes. Nous sommes souvent intimidées. Des organisations dirigées par des travailleurs du sexe nous ont dit que nous avions des fantasmes de viol.
Je ne pense pas qu'elles mettent tout le monde dans le même bateau. Elles disent qu'il y a des personnes exploitées sexuellement qui sont victimes de la traite de personnes, mais il y en a d'autres qui ne sont pas...
Il m'a fallu huit ans après être sortie du monde de la prostitution pour me rendre compte que j'avais été victime de traite.
Lorsque nous parlons des jeunes... vous leur lancez quelques centaines de dollars, c'est de l'exploitation. Dire que les jeunes peuvent vendre du sexe et être des jeunes travailleurs du sexe, pour moi, c'est comme dire que votre valeur...
J'aimerais revenir aux questions, s'il vous plaît.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie de vos commentaires, mais je vais demander à Mme Gillies de répondre également.
Je pense qu'il est assez clair que nous adoptons des positions très divergentes, voire opposées, par rapport à cet enjeu. Nous avons toutes vécu des expériences très différentes, et même lorsque nous avons quelques expériences en commun ou des expériences semblables, nous les interprétons de façon très différente.
Il est vrai que le commerce et la vente du sexe englobent tout un éventail d'expériences et de contextes, où le trafic se situe à une extrémité, et les gens qui sélectionnent plus librement le travail du sexe, à l'autre. La plupart d'entre nous nous situons quelque part au milieu, où nous prenons des décisions qui semblent le mieux pour nous, souvent dans une série de circonstances très limitées.
Cela dit, il y a assurément de l'exploitation et de la violence au sein du commerce du sexe qui se situe à l'extérieur de la traite réelle, et c'est très semblable à l'exploitation et à la violence que nous voyons dans d'autres secteurs du travail informels et précaires. Par exemple, il y a une grande différence entre le travail dans un atelier de misère, où il n'y a pas de protections des travailleurs, et le travail dans une industrie bien établie axée sur les travailleurs. Toutefois, cela ne veut pas dire que, par exemple, s'il s'agit de l'industrie du vêtement, nous dirons que nous allons éliminer toute l'industrie du vêtement parce qu'il s'y trouve quelques éléments de violence.
Je dois dire que je me sens vraiment mal pour mes collègues au bout de la table. Je peux comprendre qu'elles ont souffert de traumatismes extrêmes et qu'elles continuent de souffrir de ces traumatismes, et je souhaite vraiment que, collectivement, nous puissions arriver à trouver une solution. Toutefois, je crois que la solution consiste à établir une distinction entre les types de violence et à permettre aux personnes qui continuent — comme moi — de travailler dans le commerce du sexe de le faire avec sécurité et dignité, ce qu'on leur refuse actuellement.
Je ne veux pas me retrouver dans une situation horrible et je ne veux pas que cela arrive à des proches, et je pense que les lois, comme elles sont actuellement définies, nous exposent à un risque, exactement de cette façon.
Pourrais-je obtenir une réponse de Mme Thomas également? Je crois que votre position est plus harmonisée avec celle de l'Alliance.
Je pense qu'elle l'est.
Comme je l'ai dit, il y a assurément des personnes qui sont des victimes absolues, et il ne faut pas l'oublier. Assurément, le système de justice pénale doit intervenir lorsque cela entre en jeu.
Ma préoccupation, c'est lorsqu'il va trop loin et prend des gens qui sont des victimes, qui semblent alors aider les vrais auteurs d'infractions liées à la traite des personnes. Dans cette situation, vous avez des femmes qui ont été exploitées, comme Mme Perrier l'a dit. Vous ne vous rendez pas nécessairement compte de l'emprise que vous subissez à ce moment-là, et vous pourriez donc participer sans le vouloir à l'exploitation d'autres personnes. C'est ma préoccupation en ce qui concerne l'intervention du système de justice pénale.
Je vais dire que cela ressemble au cas de ma cliente, qui a en réalité essayé, tout au long de la dernière année et demie qu'ont duré les procédures, de s'adresser à la police; on lui a dit: « Je vais vous aider si vous demandez la fin de la poursuite. » Elle est sortie du travail du sexe. Elle a tout de même offert à la police une invitation ouverte à lui parler et à lui donner le nom de personnes qui, à son avis, faisaient la traite d'autres personnes, et cette offre n'a jamais été acceptée. De fait, on lui a plutôt demandé à la barre si sa valeur était moindre parce qu'elle était une femme de couleur comparativement à la victime réelle, qui était blanche.
C'est ma préoccupation: je dois expliquer à une personne que le système de justice pénale ne semble pas toujours juste. Elle a été très chanceuse. Elle a été acquittée, mais elle a tout de même dû payer, parfois, pour sa propre défense, s'occuper de ses conditions de mise en liberté sous caution et composer avec la stigmatisation. Je dirai qu'elle s'est presque suicidée pendant qu'elle attendait que ses accusations criminelles tirent à leur fin, et c'est arrivé après qu'elle a quitté l'industrie.
Ma préoccupation concerne les personnes qui sont vraiment vulnérables et que le système de justice pénale ne voit pas vraiment comme vulnérables, jusqu'à ce qu'il prenne le temps de vraiment enquêter sur ce qui se passe réellement avec ces personnes.
J'aimerais remercier tous les témoins de leur témoignage vraiment captivant. J'aimerais particulièrement remercier Mme Perrier et Mme Falle d'être si ouvertes pour ce qui est de communiquer des histoires vraiment horribles au Comité.
Comme M. McKinnon l'a démontré dans ses questions, nous avons une divergence d'opinions sur un sujet très difficile. Le Comité étudie la traite de personnes, mais inévitablement, comme vous l'avez dit, nous devons nous pencher sur la ligne entre la traite de personnes, d'une part, et peut-être qu'il n'y a pas de ligne... mais une perception selon laquelle le travail du sexe existe depuis longtemps. Que nous choisissions ou non de l'appeler ainsi, c'est assurément un fait de la vie depuis des générations.
Sextrade101 fait du travail utile, et vous nous en avez parlé un peu en présentant vos déclarations de victimes en particulier.
Pensez-vous qu'il pourrait y avoir... ou pouvez-vous penser à des personnes dans l'industrie qui sont habilitées et n'ont pas nécessairement besoin de vos services? Mme Perrin nous a parlé de gens qui sont entrés dans cette industrie parce que c'est une meilleure solution de rechange pour eux que peut-être le type de vie qu'ils vivraient autrement dans la pauvreté. Ne pouvez-vous pas imaginer cela? N'y a-t-il pas des gens qui pourraient bien être satisfaits de leur travail?
Je vais parler de mon expérience personnelle, puis je répondrai plus en détail.
Si vous m'aviez demandé il y a 12 ans si c'était un choix, je vous aurais répondu « oui ». C'était le seul choix que j'avais, à mon avis. Je n'avais pas d'autre option de valeur égale ou supérieure. Je ne suis pas allée dans cette industrie en faisant un choix éclairé, et c'est le cas de la plupart d'entre nous. Un choix éclairé aurait signifié que nous savions qu'il y aurait de la violence; nous aurions été au courant de la violence dont nous serions victimes au quotidien.
J'ai rencontré très peu de femmes qui ont vendu leur corps et éprouvé du plaisir à satisfaire leurs clients, et ce seraient peut-être là des cas d'accros au sexe. D'où cela vient-il? C'est habituellement des problèmes liés à l'enfance, des problèmes qui n'ont pas encore été réglés. Quelle est la part de choix dans ce cas?
Je ne crois pas que nos lois devraient refléter le petit pourcentage de gens qui disent que c'est ce qu'ils veulent faire, que c'est là où ils veulent être, lorsque nous savons dès le début que cette industrie nuit à un grand nombre de femmes et d'enfants. Je ne crois pas qu'aucun enfant, indépendamment des circonstances, entre dans cette industrie par choix.
Très bien, je comprends cela. Je comprends ce que vous dites et votre désir de réduire la demande, comme vous le dites, des acheteurs, de décourager les hommes d'acheter du sexe. Il revient à d'autres de décider si c'est réaliste ou non.
Je veux maintenant vous parler, mesdames Gillies et Perrin, parce que vous aviez des opinions très différentes à ce sujet.
Je crois comprendre selon vos documents que vous êtes contre le modèle nordique, si je peux l'appeler ainsi. Vous êtes en faveur de la décriminalisation. Vous voulez retirer la criminalisation particulière du travail du sexe. Vous voulez appliquer les lois qui existent pour réagir à la violence, à l'exploitation et à la traite de personnes, parce que ces lois sont déjà en place.
Comme je vous l'ai entendu dire plus tôt dans votre analogie avec les ateliers de misère, vous voulez appliquer un cadre de travail à la législation et utiliser les lois en matière de santé et de sécurité pour composer avec cet enjeu. Il semble que Mme Thomas partage également quelques-unes de vos idées à ce sujet, jusqu'à un certain point.
J'essaie seulement de résumer. Je pense que vous diriez que le travail du sexe peut être volontaire, qu'il peut s'agir d'une profession, et vous êtes préoccupées par le fait de confondre le trafic de personnes avec le travail du sexe légitime.
Puis-je avoir votre avis à ce sujet?
Très bien.
Pensez-vous que la criminalisation des personnes qui achètent des services sexuels aidera les victimes de traite?
Nos lois actuelles nous permettent de criminaliser les personnes qui achètent des services sexuels, même si certains témoins ont déclaré — je pense que c'était vous, madame Thomas — qu'il y a très peu de déclarations de culpabilité, et très peu de condamnations pour traite de personnes; les accusations sont réduites à des infractions prévues dans le Code criminel, comme le proxénétisme ou le fait de vivre des produits de la prostitution et des choses du genre. Voilà la réalité, et c'est pourquoi nous n'obtenons jamais de déclarations de culpabilité.
Est-ce juste?
C'est juste.
Encore une fois, l'infraction de traite de personnes peut être utilisée par la Couronne comme outil de négociation de plaidoyers. Pour ce qui est des personnes qui achètent des services sexuels, je n'arrive à me souvenir d'aucun cas. Je n'y arrive tout simplement pas, alors...
Cette possibilité amène les femmes à craindre pour leur sécurité, car le fait que l'on peut les accuser les rend réticentes à faire appel aux policiers et à en parler.
Si je puis faire un parallèle avec les anciennes lois sur les maisons de débauche, nous savons qu'au Canada, il y a eu relativement peu de déclarations de culpabilité relativement aux maisons de débauche, mais, dans l'arrêt Bedford, la Cour suprême a conclu que le fait, que la loi nous empêchait de disposer d'endroits sûrs et stables où travailler, constituait une violation de notre droit à la sécurité de la personne. Parfois, la simple crainte de la loi est toute aussi puissante que l'application réelle de cette loi.
Je peux vous dire que, depuis que la criminalisation de l'achat est entrée en jeu, les clients sont beaucoup moins susceptibles de communiquer avec nous. Nous avons plus de difficultés à négocier concernant ce que nous allons faire et de quelle manière, les pratiques sexuelles sécuritaires et les services sexuels que nous accepterons ou refuserons de fournir. Les clients ne sont plus disposés à donner leurs vrais noms ou des renseignements permettant de les identifier. La criminalisation rend les vérifications aux fins de notre sécurité bien plus difficiles, mais, en réalité, ce à quoi je faisais allusion relativement à ces consultations concernant la traite de personnes, c'est que je travaille depuis presque 30 ans, non seulement comme travailleuse du sexe, mais aussi comme défenseure des droits des travailleuses, et je peux vous affirmer qu'il m'est arrivé de décrocher le téléphone dans les bureaux d'une organisation, comme celle de Maggie's, et de parler à un homme qui me disait: « Je voulais simplement vous faire savoir que je me suis rendu à tel salon. Je suis vraiment préoccupé par la possibilité qu'il arrive malheur à ces filles, car j'ai vu et entendu ceci ou cela. » C'est maintenant le silence radio, car ces hommes savent que, s'ils effectuent un signalement, ils pourraient eux-mêmes faire face à des poursuites. Je crains qu'il nous manque un outil important dans notre bataille.
Le modèle auquel vous faites allusion — celui de la décriminalisation — ressemblerait au modèle de la Nouvelle-Zélande, je suppose.
Merci, monsieur le président.
Merci à toutes de votre présence aujourd'hui.
Je veux revenir sur la dernière question soulevée par M. Rankin. Il a mentionné le modèle nordique et le modèle néo-zélandais.
Nous avons entendu des témoignages précédemment au sujet du modèle allemand et de certains des problèmes associés aux lois de ce pays, compte tenu de ce qui se passe en ce moment. Il semble y avoir eu un afflux, ou une vague, de personnes victimes de traite, en conséquence de l'adoption de ce type de modèle, en Allemagne.
Je me demande si vous pourriez nous en parler, madame Gillies, et nous faire part de toute préoccupation que vous auriez à l'idée de suivre ce type de modèle.
J'hésite, parce qu'il existe un grand nombre d'approches et de modèles différents pour la réglementation du travail du sexe dans diverses régions de la planète. Je dirai que certains des modèles, comme ceux auxquels vous faites allusion, sont ce qu'on peut généralement appeler des modèles de légalisation. Ces modèles créent des situations très strictes et limitées dans lesquelles certaines personnes peuvent travailler, contrairement, disons, au modèle de la Nouvelle-Zélande, où il ne s'agit pas de créer des conditions fortement axées sur la répression; il est plutôt question de retirer les dispositions pénales et de permettre aux lois en vigueur régissant l'emploi, la santé et la sécurité au travail et la santé publique d'entrer en jeu.
Tout modèle juridique doit être adapté au contexte juridique particulier du pays en question. Ce qui pourrait fonctionner en Allemagne, par exemple, pourrait ne pas fonctionner ici, et vice versa. Toutefois, une partie du problème tient au fait qu'on fait l'amalgame de la traite et du travail du sexe et qu'ensuite, lorsque l'on tente de s'attaquer aux deux enjeux ensemble, on finit parfois par obtenir des résultats désastreux dans un des deux cas.
Si je puis me tourner vers vous, madame Thomas, en ce qui concerne les faibles taux de déclaration de culpabilité pour traite de personnes, toutes sortes de raisons expliquent cette situation. Nous en avons déjà entendu certaines aujourd'hui.
Y a-t-il des modifications du Code criminel, que vous considéreriez comme avantageuses dans le but d'aider les procureurs à formuler ces accusations, ou bien le Code est-il très bien comme il est, puisque les gens plaident coupables à des accusations moins graves, ce qui aide les procureurs à obtenir une déclaration de culpabilité? Je crains que, s'il n'est pas utilisé d'une manière efficace, des modifications devraient peut-être y être apportées.
Si on considère simplement la traite de personnes comme un problème distinct de la prostitution, je pense qu'il est très bien comme il est, car la jurisprudence indique également qu'en ce qui concerne l'infraction en soi, il y a une différence importante entre la traite de personnes et le proxénétisme, sans les facteurs aggravants qui sont généralement présents dans le cas de la traite de personnes. En ce sens, je pense que le Code criminel est très bien.
La seule chose que j'ajouterais est une exception visant à retirer la peine minimale obligatoire, car je pense qu'elle empêche les personnes, qui sont moins coupables de se voir imposer des peines, qui correspondent davantage à leur degré de culpabilité réel. En outre, une disposition devrait permettre de fonder sa défense sur la contrainte lorsqu'il y a des préjudices psychologiques, mais pas de la même manière que ce qui est actuellement prévu dans le droit pénal, qui exige que, si la personne a eu la possibilité d'appeler la police, elle ne soit plus en mesure de se prévaloir de l'application d'une défense fondée sur la contrainte. Je pense que le cas des personnes, qui pourraient subir une contrainte psychologique les empêchant d'appeler la police, même si elles en avaient la possibilité, ou de demander une protection, soit pris en considération.
Certaines personnes plaident coupables à des accusations de traite de personnes, simplement pour obtenir la peine minimale, mais celles qui se rendent au procès peuvent facilement, s'il existe des circonstances aggravantes qui ont été définies par le droit pénal et par le Code et que ces circonstances sont présentées... Je peux vous affirmer que ces personnes seront reconnues coupables.
Voilà pourquoi la négociation de plaidoyer fonctionne parfois pour ce qui est de réduire la gravité de l'accusation, car il arrive que la victime témoigne aux audiences préliminaires et qu'elle affirme des choses. Si elle est cohérente et qu'elle semble tenir le coup dans le cadre de tout contre-interrogatoire, l'affaire n'ira probablement pas jusqu'au procès devant la Cour supérieure, car les éléments de preuve sont assez convaincants pour montrer que nous disposons d'un témoin très solide et que l'accusé n'aura pas gain de cause au procès.
Les circonstances liées à l'infraction auraient évidemment une importance, en ce qui a trait à la détermination de la peine, et tout facteur aggravant, comme un élément lié à la traite de personnes, requerrait une peine plus sévère également.
C'est exact.
De plus, même si — et je veux l'expliquer clairement — une personne plaide coupable à une infraction inférieure comme le proxénétisme, on tiendra tout de même compte des facteurs aggravants. Si l'accusé purge une peine dans un pénitencier, ces facteurs seront aussi pris en considération au moment des audiences de libération conditionnelle. Même s'il ne s'agit pas de l'infraction de traite de personnes en tant que telle, les facteurs aggravants qui s'appliquent seront tout de même pris en compte.
Merci beaucoup.
Mesdames MacDonald et Sarson, je vous remercie de comparaître de nouveau devant le Comité. Je sais que vous avez déjà comparu au sujet d'une autre affaire, mais j'apprécie vos réflexions à ce sujet.
Simplement pour que je comprenne: lorsqu'il est question de traite de personnes dans le contexte de la torture, y a-t-il des gens qui font l'objet de traite dans le but qu'ils soient torturés? Est-ce ce que vous affirmez, ou bien dites-vous que la traite de personnes est de la torture en soi?
Je veux simplement clarifier cette question.
Non, ce que nous affirmons, c'est que des familles ont des enfants à torturer et à préparer, afin qu'ils supportent la torture et en fassent délibérément la traite pour le profit et pour le plaisir. Il s'agit d'un groupe particulier. Voici ce que nous savons, de notre expertise: les familles en font la traite.
Non, car il n'existe au pays ni lois, ni recherches, ni données qui permettent de recenser clairement ces cas. Nous avons parlé à de nombreuses femmes au Canada et dans d'autres pays, mais nous ne connaissons pas l'ampleur du phénomène.
Je peux dire que le London Abused Women's Centre recueille actuellement des données sur la torture et qu'il le fait depuis deux ans. Plus le personnel est formé sur la façon de comprendre la nature de la torture et sur la façon de la repérer, plus le nombre de signalements de cas de torture augmente.
Nous croyons savoir que, si les employés de tous les centres pour les victimes de violence du Canada étaient formés, nous entendrions probablement beaucoup plus d'histoires au sujet de la torture au pays.
Mesdames Falle et Perrier, merci de votre présence. Je sais qu'il y a là une divergence d'opinions au sujet de l'approche, mais je veux vous féliciter du travail que vous faites.
Madame Perrier, je pense que vous avez affirmé avoir aidé plus de 400 femmes et filles à sortir de situations où elles étaient victimes de traite et d'oppression. Je vous remercie de ce travail. Ce que nous voudrions savoir, toutefois, c'est comment fonctionne le financement d'une organisation comme la vôtre en ce qui concerne les activités. Le gouvernement peut-il faire quoi que ce soit de plus pour appuyer tout type d'organisation qui travaille à soutenir les femmes et les filles de cette manière?
Oui, nous sommes un groupe de bénévoles, alors tout argent qui est recueilli l'est à la suite de conférences, de consultations et de séances de formation. Ces fonds servent à aider les femmes à s'en sortir au moyen de cartes-cadeaux, de cartes d'épicerie, de plans de sécurité après minuit et de stratégies de sortie d'urgence. C'est essentiellement là qu'interviennent nos amis.
Nous avons tenu des événements où nous avons recueilli de petites quantités d'argent, mais, à part cela, nous ne recevons absolument aucune somme du gouvernement, provincial ou fédéral.
Nous avons un énorme groupe de bénévoles qui interviennent et retirent une personne d'une situation, ou bien, s'il s'agit d'une fille qui s'établit et qui est enfin capable d'obtenir un logement ou quoi que ce soit, je lance l'appel. Je travaille à l'établissement de contrats de sous-traitance avec des organisations autochtones afin d'intervenir en personne auprès des survivantes. Je forme le personnel et tout le reste...
Votre temps de parole est assurément écoulé.
Nous allons maintenant passer aux questions courtes et brèves. Aux membres du Comité qui ont de courtes questions à poser, faites-le-moi simplement savoir, et je serai heureux de vous céder la parole.
Nous allons commencer par M. MacKenzie.
Merci, monsieur le président, et je remercie les témoins.
Je vous suis reconnaissant de votre présence, et je comprends qu'il y a des différences.
Madame Falle, vous vouliez ajouter quelque chose à la question de M. Rankin, et je ne pense pas que vous ayez eu la possibilité de le faire.
Merci.
Je crois que cela avait quelque chose à voir avec le fait de ne pas pouvoir... On a mentionné une certaine crainte d'appeler la police, et je veux dire que les déclarations des femmes que nous soutenons sont tout autres. Elles affirment qu'elles croient que les lois leur procurent une plus grande marge de manœuvre, car elles savent maintenant qu'elles peuvent appeler la police et qu'elles ne feront pas l'objet d'accusations. Elles ont l'impression que ces lois leur donnent plus de contrôle dans une situation avec ces étrangers.
Merci beaucoup, et j'apprécie le fait que vos commentaires portent sur les policiers. Je ne pense pas qu'ils soient de mauvaises personnes dans cette situation.
Nous avons entendu le témoignage des deux dames qui ont abouti dans cette industrie, si on veut.
Comment vous êtes-vous retrouvées dans cette même industrie? Quelqu'un vous y a-t-il contraintes? Avez-vous été forcées d'y entrer à un certain égard, ou bien l'avez-vous fait de votre plein gré?
J'étais âgée de 17 ans, et je me suis retrouvée seule. J'avais de la difficulté à trouver un emploi en tant que personne qui n'avait pas atteint l'âge minimal pour travailler dans un grand nombre des domaines traditionnels, et j'ai commencé à travailler dans la rue. Je suis entrée dans l'industrie avec beaucoup d'appréhension et de crainte; pourtant, j'ai découvert très rapidement que, pour moi, c'était un domaine où j'étais compétente et à l'aise. Ensuite, j'ai commencé à travailler dans des clubs de danseuses, dans des salons de massage et pour d'autres agences.
Même si je reconnais qu'à ce moment-là, j'avais beaucoup de limites dans ma vie, j'ai également eu la possibilité non seulement de survivre, mais de prospérer. Pour moi, personnellement, le travail du sexe a été très précieux, du point de vue non seulement de mon bien-être économique, mais aussi de mes cercles sociaux, de mes relations et de la façon dont j'ai pu aller de l'avant. Je reconnais que ce n'est pas le cas pour tout le monde.
Je pense que ce serait le cas d'un plus grand nombre de gens si nous n'étions pas visés par la répression juridique et sociale que nous connaissons, car je peux affirmer qu'en tant que personne qui s'adonne à la prostitution, je suis stigmatisée et je me fais dénigrer dans une très grande mesure, et cela peut être difficile à gérer, mais, à mes yeux, tout compte fait, cela en a valu la peine.
J'étais âgée de 16 ans quand je suis allée vivre seule. Chez moi, je n'avais pas de père. Ma mère célibataire avait des problèmes de santé mentale extrêmement graves. Je ne me sentais pas à l'aise, alors j'ai déménagé afin de vivre seule, et les chèques d'aide sociale que je recevais ne duraient pas jusqu'à la fin du mois. J'allais à l'école. Quand je me suis présentée à la soupe populaire, j'ai rencontré d'autres filles de mon âge qui étaient en mesure d'aller sur le coin de la rue pendant quelques heures et de toucher quelques centaines de dollars, et c'est ce que j'ai commencé à faire.
Plus tard, j'ai travaillé pour quelques agences et salons de massage différents. Certains d'entre eux étaient bons, et d'autres pas. J'ai vécu des expériences différentes. Je ne suis pas une nymphomane. Je n'ai pas subi de traumatisme. Actuellement, j'occupe un poste à PASAN, qui est un organisme pour les prisonniers atteints du VIH et du sida, où je dirige un programme pour les Autochtones. J'y travaille 35 heures par semaine.
Je travaille pendant cinq heures par semaine à faire de la sensibilisation sur le terrain, dans la rue, avec des sacs à dos, à parler aux travailleuses du sexe qui font le trottoir. Je joue du tambour à main pour le Native Women's Resource Centre de Toronto deux ou trois fois par semaine. Je mène une vie assez normale. Le seul aspect qui soit anormal tient au fait que, quand j'étais jeune, j'ai fait de mauvais choix. J'ai une très mauvaise cote de crédit.
Je vis à Toronto. Je touche plus de 3 000 $ par mois et ce n'est pas suffisant pour payer un logement où je peux vivre avec mes quatre enfants. Nous vivons dans une chambre de motel.
D'accord, merci beaucoup.
Vous êtes toutes très éloquentes. Je pense que vous vous exprimez très bien, mais, selon moi, nous devrions également reconnaître qu'il y a deux extrêmes, deux situations très différentes, et ce que je pense que nous, en tant que comité, tentons de faire consiste à aborder les extrêmes et d'en retirer la force, la violence et toutes ces choses. Il sera difficile pour nous tous d'y arriver, et nous le reconnaissons, mais si nous n'entendions pas les deux points de vue, nous pourrions très facilement nous en aller en pensant qu'il n'y a qu'un côté de la médaille.
Je sais que c'est difficile, mais je crois que l'ensemble du Comité est reconnaissant de votre présence et des renseignements que vous lui avez transmis.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'avoir raconté leur histoire.
Une chose que nous avons apprise, jusqu'ici, à mesure que l'étude progresse, c'est que l'on manque de données au moment où nous envisageons de nous attaquer à quelque chose comme la traite des personnes à l'échelle nationale, peut-être la traite à des fins sexuelles ou la traite de travailleurs, à des fins de travail forcé. Un élément auquel nous n'arrêtons pas de nous heurter, c'est le manque de données et la nature vague du crime.
Maître Thomas — et je voudrais entendre la réponse de chacune d'entre vous —, quand vous recueillez des données au sein de vos propres organisations, vous comprenez la façon dont fonctionnent les victimes et peut-être également la façon dont le cadre national de collecte de données en ce qui a trait aux victimes, plus précisément, pourrait être mieux coordonnée. Puis-je connaître vos réflexions sur la façon dont nous pouvons améliorer nos systèmes d'échange ou de collecte de données?
Selon moi, la seule façon dont vous allez être en mesure de les obtenir, c'est grâce à l'intervention des services de police, et au moins la documentation ou la prestation... ils seraient la meilleure source, car les policiers sont en première ligne, suivis des procureurs, et j'inclurais les statistiques fondées sur la race. Le problème tient au fait que vous demandez à des gens — aux policiers et aux procureurs de la Couronne —, qui ont déjà beaucoup de pain sur la planche de vous aider à recueillir des données statistiques, et ce sera difficile à faire.
Je pense que c'est la seule façon dont vous obtiendrez les renseignements dont vous avez besoin, surtout en ce qui concerne les personnes qui font l'objet d'une intervention du système de justice pénale, que des accusations soient déposées ou pas.
Puis-je ajouter quelque chose à cette réponse? J'ai beaucoup observé ce phénomène dans les rues de Toronto, où bien des personnes différentes veulent recueillir des données. On mène des sondages. Ces personnes accordent des rétributions, et, si vous vous désignez en tant que personne victime de traite et que vous répondez à leur questionnaire, vous recevrez 100 $. Ces femmes n'ont jamais fait l'objet de traite de leur vie, et j'ai observé ces cas bien des fois par l'intermédiaire de Maggie, plus que vous ne voulez le croire.
Pendant que j'étais au coin de la rue à faire l'objet de traite, j'ai reçu des questionnaires distribués par Maggie au sujet des termes qu'il conviendrait d'utiliser. Nous étions presque toutes contre le terme « travailleuse du sexe », car nous estimions qu'il amenait les gens à croire que nous étions là pour le sexe, alors qu'en fait, nous étions là pour l'argent. L'argent était notre premier facteur de motivation, alors que les gens qui achetaient des services sexuels étaient là pour le sexe, le pouvoir et le contrôle.
J'ai dirigé un programme de déjudiciarisation pendant sept ans et demi. J'ai été conseillère et gestionnaire d'un programme de déjudiciarisation, et c'est ce qui nous a amenées, Bridget et moi, à mettre sur pied notre coalition. Nous ne croyions pas que les femmes devaient être criminalisées et forcées à obtenir du soutien... Je croyais en mon programme. C'était un bon programme. Nous avons été en mesure d'obtenir des statistiques dans le cadre de notre processus d'évaluation initiale, lesquelles ont également été soumises à un autre comité en tant qu'élément de preuve aux fins de la contestation ayant mené à l'arrêt Bedford. Quatre-vingt-cinq pour cent des personnes qui ont participé à notre programme ont indiqué qu'elles avaient fait l'objet de traite à un certain moment durant leur période dans le commerce sexuel. Quatre-vingt-cinq pour cent ont fait cette déclaration.
L'une des choses que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi nous nous concentrons sur le fait de tenter de trouver des moyens d'aider les femmes à rester prétendument en sécurité dans la rue au lieu de nous pencher sur les jeunes qui y travaillent et y sont en danger actuellement et de leur offrir des options viables et sécuritaires pour en sortir. C'est un des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises dans notre province de la Nouvelle-Écosse.
Je fais partie d'un groupe de travail sur la traite de personnes en Nouvelle-Écosse. Les jeunes viennent parler de la traite, et il n'existe aucun endroit réellement sûr pour eux. Si nous avions des endroits sûrs, nous y obtiendrions les données, et les jeunes ne seraient pas forcés à décider s'ils veulent ou non rester dans la rue. Ils pourraient faire des études et mener une vie qui n'est pas fondée sur le fait qu'ils veulent être exploités ou non. Qu'une personne veuille reconnaître le terme ou pas, c'est de l'exploitation. Quand quelqu'un achète notre corps, je ne sais pas quel autre terme nous pouvons employer.
Je pense qu'il est très injuste pour nos jeunes, au pays, de nous éloigner de la loi que nous avons déjà élaborée contre la prostitution et l'exploitation. Évidemment, nous ne pouvons pas séparer la traite de personnes et la prostitution. Une grande part de la conversation d'aujourd'hui a porté sur la prostitution. Je n'y vois pas d'inconvénient, mais je pensais que je me présentais devant un comité étudiant la traite des personnes.
Je vais vous donner l'exemple de la fois où nous avons parlé aux policiers, en Suède, au sujet de nous rendre en Allemagne et de visiter les bordels de ce pays. L'un de ces policiers nous a présenté un exposé en Nouvelle-Écosse. De nombreux militants sont venus entendre son discours. Il nous a montré des images d'hommes qui se rendaient dans un bordel légitime, certains masqués et d'autres pas, et qui voulaient avoir des rapports sexuels en groupe avec une femme enceinte. Voilà le service qu'ils ont acheté. Elle était enceinte de huit mois. Certains portaient leur masque, d'autres étaient heureux de montrer leur visage.
C'est dans cette direction que nous allons si nous commençons à dire qu'il est acceptable d'exploiter les femmes et les filles. C'est dangereux, à mon avis. Je pense que l'industrie de l'exploitation sexuelle nous manipule afin de changer notre mode de pensée et de l'éloigner de notre point de départ. Sept pays ont maintenant adopté le modèle nordique. Ils vont dans cette direction. Si le Canada recule, à mes yeux, c'est une triste déclaration pour nos jeunes.
J'ai un certain nombre de très petites questions à poser, mais il y a un fil à suivre, alors soyez patients. Je vous suggérerais à tous de porter vos écouteurs, car je voudrais m'exprimer dans ma langue, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je suis beaucoup plus à l'aise ainsi. D'accord?
[Français]
Je vais aborder la question avec beaucoup d'ouverture d'esprit. Je n'ai aucun problème à discuter de ce sujet. Il y a même une liste de circonstances qui pourraient justifier la nécessité de recourir à des services sexuels, et ce, hors d'un contexte d'exploitation. Mettons cela de côté.
Ma première question s'adresse à Mme Kara Gillies.
Lorsque vous fournissez un service, quel pourcentage du revenu tiré conservez-vous et quel pourcentage remettez-vous à la personne qui vous supervise?
[Traduction]
Ce pourcentage varie de façon importante. Il varie d'un sous-secteur à un autre, qu'on soit dans la rue, dans un salon de massage, dans une agence d'escortes. Il varie d'un point de vue géographique.
Je peux affirmer que, si vous travaillez pour quelqu'un d'autre, vous pouvez lui remettre n'importe quel pourcentage allant de 5 ou 10 % jusqu'à — plus couramment — 50 ou 60 % et que, dans des situations que je qualifierais en grande partie d'exploitation, ce pourrait être autant que la totalité. Souvent, le pourcentage dépend des services que vous obtenez en échange, alors, si une agence d'escortes fournit un chauffeur et un lieu de travail et qu'elle paie vos annonces, vous allez payer plus qu'à une agence d'escortes qui, par exemple, ne fait que publier une annonce pour vous.
[Français]
Disons que le pourcentage varie de 5 à 10 % ou de 60 à 80 %, en général. Le but n'est pas de donner des précisions par secteur d'activité; je ne veux pas avoir une liste de prix. Par contre, j'imagine que la personne qui vous supervise n'est pas une entité dûment constituée en société par actions ayant un numéro d'enregistrement et un numéro de TPS.
[Traduction]
Cela varie vraiment. Dans certaines municipalités — et c'est le cas à Toronto —, il existe des établissements où on offre des services sexuels qui ne s'affichent pas comme tels, et on y propose, disons, des massages érotiques ou des services d'escorte, mais, dans les faits, il s'agit de services sexuels. Les établissements qui ont un numéro d'enregistrement et qui sont constitués en société perçoivent la TVH et font des remises de taxes, ce que d'autres établissements ne font pas.
Comme c'est le cas pour des entreprises dans d'autres secteurs, les gens mènent leurs activités de différentes façons.
[Français]
Quelles conditions devez-vous remplir, lorsque vous dites à la personne qui vous supervise que vous quittez votre emploi?
[Traduction]
Habituellement, on nous dit: « Eh bien, nous sommes désolés de te perdre » et « Au revoir. » C'est sur cet aspect, à mon avis, que nous devons faire la distinction entre le travail du sexe et la traite de personnes, parce que, de toute évidence, si une personne est victime de traite, elle ne peut pas dire au revoir et partir. En réalité, il y a assez de personnes prêtes à offrir des services sexuels et assez de personnes prêtes à les embaucher, donc ce n'est pas un problème. De fait, dans une grande ville comme Toronto, il y a un grand nombre de travailleurs qui passent d'un établissement à un autre pour trouver des conditions de travail et une rémunération qui leur conviennent.
[Français]
D'accord.
J'ai eu des conversations avec d'anciens membres de gangs de Montréal. Ils m'ont expliqué qu'il était pratiquement impossible de rencontrer une personne qui travaillait dans l'industrie du sexe qui ne soit pas sous le contrôle d'un proxénète.
Êtes-vous d'accord sur cette affirmation?
[Traduction]
... lui ont dit qu'il est presque impossible pour une personne de travailler dans cette industrie sans être sous le contrôle d'un proxénète. Il vous demande si cela est vrai.
Je suis désolé d'avoir dit service de police au lieu de gang.
Pas du tout. J'ai travaillé pendant de nombreuses années de façon tout à fait indépendante. Je remettrais aussi en question le terme « proxénète ». Si par « proxénète » on entend un gérant, alors, bien entendu, il est possible de travailler avec ou sans cette personne. Par contre, si quelqu'un s'occupe de vous, cela peut être utile pour payer votre caution, assurer votre sécurité et vous y retrouver dans l'industrie. Cela peut être utile pour toutes sortes de choses.
Cela dit, je ne peux pas parler de sous-régions du pays en particulier, où, surtout en ce qui concerne les activités de gangs, il existe peut-être des environnements et des dynamiques qui font qu'il n'est pas possible de travailler sans être liée à un homme.
En ce moment, nos ententes sont toutes verbales. C'est le cas simplement parce qu'une entente écrite serait manifestement contraire aux dispositions du Code criminel portant sur un avantage matériel provenant de la prestation de services sexuels dont bénéficierait un tiers dans le contexte d'une entreprise commerciale ou de proxénétisme. Cela représente un défi vu qu'une entente verbale, dans n'importe quel secteur, est très difficile à faire respecter parce qu'il ne s'agit que de paroles.
L'une des raisons pour lesquelles je réclame une meilleure protection des travailleuses et des travailleurs du sexe tient non pas au fait que bon nombre des violences dont nous sommes victimes sont de nature physique ou psychologique, même si cela peut se produire, mais au fait que les droits des travailleuses et des travailleurs sont bafoués. Si nous ne bénéficions pas des protections qu'offrent les normes en matière d'emploi, les mesures législatives concernant les droits de la personne et les normes en matière de santé et de sécurité au travail, nous sommes à la merci des gérants, et cela n'est pas équitable pour personne, peu importe le travail exercé.
Donc, diriez-vous que vous pouvez laisser votre gérant, sans réserve, sans restrictions, et que, en toute sincérité, vous ne subirez aucune répercussion?
Je n'ai jamais eu ce problème. J'ai travaillé dans des dizaines de salons de massage et pour quelques agences d'escortes, et je travaille maintenant à temps partiel de façon indépendante, mais je n'ai jamais eu de difficulté à partir. On passe tout simplement à autre chose.
C'est un très petit pourcentage, si je me fie à mon expérience et à celle des femmes que nous avons soutenues.
Personnellement, j'ai offert des services de counseling à plus de 1 000 victimes de l'industrie du sexe et de la traite de personnes de nature sexuelle, et c'est ce que j'ai entendu de leur part. Si elles souhaitent travailler dans un club de danseuses en particulier, elles doivent faire une fellation au gérant ou au propriétaire, et, si elles ne le font pas, elles ne peuvent plus travailler à cet endroit. Il n'y a pas longtemps, le même genre d'histoire m'a été raconté à propos d'un salon de massage où le propriétaire était porteur du VIH, ne l'avait pas divulgué et demandait aux masseuses qui voulaient travailler à cet endroit de lui faire une fellation sans protection.
Ce ne sont que quelques exemples. La plupart des proxénètes que j'ai connus ont gravi les échelons. Ils ont peut-être commencé au bas de l'échelle, sur la rue, ont ensuite amélioré leur situation grâce à l'argent qu'ils ont fait sur le dos des femmes et ouvert des agences d'escortes et des salons de massage. Le simple fait de leur donner un permis d'entreprise n'en fait pas de bons et honnêtes hommes d'affaires. Ils continuent d'utiliser les mêmes méthodes d'exploitation.
Je sais, et c'était très impressionnant.
[Français]
Merci de nous avoir rappelé qu'il y a une autre langue officielle au Canada.
[Traduction]
Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Rankin?
Parmi ceux qui n'ont pas posé de question, quelqu'un souhaite-t-il ajouter quelque chose?
Si vous voulez formuler le dernier commentaire, allez-y.
Je souhaite répondre à votre question concernant le fait de savoir si les auteurs de ces crimes cherchent des personnes qui pourraient supporter la torture de nature sexuelle. Il existe des lois dans différents pays qui visent en particulier le sadisme et la torture de nature sexuelle, donc nous avons certains exemples de tels cas, mais il est connu que les auteurs de ces crimes ont différentes demandes, qu'il s'agisse d'un nouveau-né ou d'une victime aux fins de torture.
Merci beaucoup.
Je souhaite remercier tous les témoins. Vous nous avez présenté différents points de vue, et c'est très apprécié. Nous avons entendu des témoignages de gens de partout au pays, dans de nombreux contextes, et les groupes de témoins étaient tous très différents. Certains ont mis l'accent sur le travail forcé, d'autres sur un aspect plutôt juridique et d'autres encore sur le travail du sexe. Les préoccupations seront différentes d'un endroit à un autre.
Encore une fois, je suis très reconnaissant. Je crois que vous avez suscité un certain débat et cela a été très utile.
Je vous remercie beaucoup, mesdames.
Nous tenons à vous souhaiter une bonne journée.
La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication