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Merci beaucoup de m'avoir invité.
C'est en tant que président de l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse que j'ai accepté votre invitation. Nous sommes très honorés de venir témoigner devant vous.
Je pratique le droit depuis 25 ans, et j'accepte les certificats d'aide juridique. Étant donné que j'habite Chéticamp, sur l'île du Cap-Breton, des bureaux de Port Hawkesbury, de Sydney et d'Antigonish m'adressent régulièrement des clients. Quand il s'agit de clients francophones et que le bureau local d'aide juridique n'a pas d'employé bilingue, il m'arrive de recevoir des certificats d'Halifax, de New Glasgow et d'ailleurs.
Mon nom ainsi que mon numéro de téléphone figurent également sur la liste des avocats qui offrent des services Brydges, dans le cas où un avocat francophone doit intervenir auprès d'un justiciable qui se fait arrêter en-dehors des heures ouvrables.
En Nouvelle-Écosse, les bureaux d'aide juridique sont répartis partout en province et ils sont indépendants les uns des autres. Par contre, le personnel est embauché à partir du bureau principal, situé à Halifax.
Depuis quelques années, j'accepte beaucoup moins de certificats en raison notamment de l'ampleur du travail que cela exige et du faible taux horaire payé par l'aide juridique. Par exemple, la dernière facture que j'ai envoyée à l'aide juridique faisait état de 35 heures travaillées au taux de 80 $ l'heure, soit le taux horaire versé par l'aide juridique, bien que j'aie travaillé 40 heures de plus.
Au début de ma pratique en droit, j'ai fait le constat d'une situation, laquelle existe toujours et qui me déçoit énormément: le nombre de procès en français et de demandes de services en français est directement lié au nombre d'avocats francophones, francophiles ou Acadiens qui pratiquent en Nouvelle-Écosse.
Pour ce qui est de l'aide juridique, la situation est encore plus critique, car peu d'avocats pouvant exercer en français acceptent des certificats. De plus, peu d'avocats de l'aide juridique sont embauchés. Actuellement, les services d'aide juridique comptent une avocate francophone, une autre se joindra à elle dans un mois et il y a également une stagiaire, qui pourrait obtenir un poste.
Lorsque nous avons communiqué avec le directeur des services d'aide juridique offerts à Halifax afin de connaître le nombre de demandes de services en français qui sont présentées, nous nous sommes rendu compte que ce bureau ne compile pas de statistiques à cet égard. Nous trouvons cela malheureux, car il est très important pour nous, qui appartenons à une minorité, d'avoir ces données.
On ne sait pas combien de clients sont francophones, et, parmi les clients qui pourraient potentiellement être francophones, on ne sait pas combien d'entre eux avaient demandé des services en français. On n'a pas de statistiques quant au nombre de gens qui accepteraient de poursuivre une affaire en français.
En Nouvelle-Écosse, la politique consiste à ne fournir des certificats relativement à des services en français que lorsqu'il s'agit de causes en droit criminel. Même si une demande provient d'un client francophone, par exemple en matière de droit de la famille, la politique s'applique. Par contre, je peux vous dire que dans ma région, au Cap-Breton, je reçois régulièrement des certificats concernant des francophones qui se présentent au bureau d'aide juridique.
Normalement, on remet au client une liste d'avocats bilingues avec lesquels il pourra communiquer. Au bureau d'Halifax, on m'a dit aussi que, s'il y avait une demande liée au domaine pénal, on essaierait quand même de trouver un avocat bilingue qui accepterait un certificat d'aide juridique. Au besoin, on fournirait même un certificat à quelqu'un de l'extérieur de la province.
J'ai parlé à des gens dans quelques bureaux, dont le bureau central d'Halifax. On m'a dit que, sur les formulaires de demande d'emploi, il est toujours demandé si la personne parle français, surtout quand on cherche des avocats ou du personnel bilingue. Le bilinguisme est un atout, mais à l'aide juridique de la Nouvelle-Écosse, il n'y a pas de poste désigné bilingue.
À part dans les journaux locaux, on fait très peu de recrutement en ce sens. On ne s'adresse pas nécessairement à des universités, comme l'Université d'Ottawa, l'Université de Moncton ou l'Université McGill, où des étudiants bilingues sont formés.
Il est regrettable également que les statistiques ne tiennent pas compte de certains clients francophones qui pourraient avoir besoin de l'aide juridique. En effet, pour n'importe quelle langue autre que l'anglais, c'est la case « autre » qui est cochée, ce qui ne permet pas d'obtenir des données représentatives.
À mon avis, tant qu'il n'y aura pas d'offre active en matière d'aide juridique, par exemple à la GRC ou dans les régions où la demande est importante, les gens ne pourront jamais choisir entre le français et l'anglais ni obtenir que leur procès se déroule en français.
Voici une anecdote à ce sujet. Au cours de mes 15 premières années de pratique, chaque client qui me consultait, même dans mon village, me disait craindre que le juge lui en tienne rigueur s'il demandait un procès en français. Cependant, au cours des 10 dernières années, la question ne s'est plus posée, soit parce que j'ai gagné quelques procès, soit parce que les gens ont appris, en se fondant sur ma réputation ou sur l'expérience de personnes ayant eu recours au système de justice, que les choses se passent autrement.
Toutefois, on me dit que, dans des régions où il n'y a pas d'offre active et où il y a moins d'avocats francophones, cette situation existe toujours. Par mes contacts, j'ai aussi appris que très peu d'avocats bilingues acceptent des certificats d'aide juridique. C'est pourquoi, même dans les autres régions acadiennes, peu de services sont offerts en français.
En ce qui à trait à la Commission canadienne des droits de la personne, j'ai eu l'occasion de traiter au moins un cas lié à cet aspect du droit. La personne assignée au dossier était bilingue. Même si le cas a été réglé sans la tenue d'une audience, nous aurions cependant pu poursuivre l'affaire en français.
Un autre de mes clients a dû traiter avec la Commission pendant une dizaine d'années. Des personnes y parlaient le français, mais toutes les réunions avec les parties se tenaient en anglais. Les avocats proposés par la Commission étaient anglophones; les mémoires étaient rédigés en anglais seulement; les cadres supérieurs ne possédaient aucune compétence en français; et aucune offre active de services n'était faite, même lors des comparutions devant les tribunaux.
Pour terminer, j'aimerais dire que notre association a ouvert un Centre d'information juridique bilingue où les gens ont la possibilité de trouver de l'information. Je n'ai pas les statistiques en tête, mais je crois qu'environ 20 % des gens demandent des services en français.
Malheureusement, il est très difficile d'atteindre les justiciables qui vivent dans des régions rurales, par exemple à l'île du Cap-Breton ou dans le sud-ouest de la province. La majorité des demandes de services en français proviennent de la communauté d'Halifax, et elles sont déposées par des immigrants ou des gens originaires d'autres provinces, notamment le Québec et le Nouveau-Brunswick. Les gens des autres régions acadiennes font moins de demandes de renseignement.
Merci beaucoup. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
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Je remercie monsieur le président et les membres du Comité de nous avoir lancé cette invitation. C'est vraiment un grand honneur pour notre organisation de pouvoir présenter son point de vue au Comité.
En tant que directrice générale d'un petit, mais puissant organisme sans but lucratif, je cherche habituellement sans vergogne à demander des fonds et à faire connaître notre clinique, mais aujourd'hui, mon but va consister à vous donner une idée de la façon dont fonctionne notre organisme, de nos succès, des solutions que nous avons trouvées pour faciliter l'accès à la justice pour nos clients, et à vous décrire quelques-uns des défis auxquels nous faisons face et à vous présenter des recommandations basées sur notre point de vue particulier.
Notre clinique a été fondée par un avocat de la région spécialisé en immigration, Lee Cohen, en juin 2000, pour répondre au manque chronique d'aide juridique pour les personnes qui présentaient des demandes d'asile en Nouvelle-Écosse. Aujourd'hui, après près de 20 ans, il n'y a toujours pas d'aide juridique pour les questions d'immigration et de réfugié dans la province.
Comme de nombreux organismes sans but lucratif, nous avons commencé modestement et de façon informelle en utilisant des cafés et des salons, des sous-sols d'église et de minuscules bureaux partagés. Nous occupons aujourd'hui une maison située dans le secteur nord d'Halifax, qui nous a été donnée par un de nos bénévoles et sympathisants. Nous sommes un organisme communautaire de base, non gouvernemental. Nous fournissons des services d'établissement et des services juridiques aux demandeurs d'asile ainsi que pour les autres demandes d'immigration fondées sur l'existence de risques ou sur des motifs humanitaires. Nous avons également lancé des initiatives d'information et de défense des droits.
On pourrait dire que nous sommes une aide juridique financée par le secteur privé, mais nous avons adopté un modèle unique puisque nous sommes un organisme composé de bénévoles. Nous nous en remettons aux bénévoles parce que nous n'avons pas les moyens de faire autrement, mais aussi, par principe. Il incombe à la collectivité d'aider ceux qui fuient les persécutions, et c'est un privilège pour elle de le faire.
Nos volontaires de base sont des avocats communautaires qui se chargent gratuitement des dossiers de certains clients et qui, avec l'aide de notre personnel et de notre avocat bénévole principal, reçoivent une formation pour pouvoir représenter leurs clients devant la Section de la protection des réfugiés, ainsi que devant la Section d'appel des réfugiés, la Cour fédérale, la Section de l'immigration et à l'occasion devant d'autres instances.
Nous avons également une liste d'interprètes bénévoles, de professeurs de français et d'anglais, de conseillers en santé mentale, d'assistants de recherche, d'accompagnateurs communautaires ou de copains, d'étudiants en placement et de stagiaires dans des domaines qui vont du travail social à la science politique, à la comptabilité, à la médecine et, bien sûr, au droit.
Nous sommes financés par la Law Foundation of Nova Scotia et grâce également à des dons privés, complétés par des campagnes internes de collecte de fonds. Notre budget de fonctionnement est presque toujours inférieur à 200 000 $ par année, et cette année il était de 167 000 $.
En Nouvelle-Écosse, comme vous pouvez fort bien l'imaginer, le nombre de demandeurs d'asile est beaucoup plus faible que celui qu'on retrouve dans les grands centres des provinces comme le Québec et l'Ontario, mais nous avons toujours 30 à 50 nouveaux clients par an, dont 75 % sont des demandeurs d'asile de première étape. Jusqu'ici, pour 2016-2017, notre taux de réussite devant la Section de la protection des réfugiés est de 83,8 %.
Représenter les demandeurs d'asile est une tâche complexe et délicate. Les dossiers varient beaucoup pour ce qui est de la complexité juridique et il faut tenir compte d'autres aspects de la situation des personnes concernées, notamment les traumatismes, les barrières éducationnelles et linguistiques, les différences culturelles et les interdictions autant d'éléments dont il faut s'occuper ou qu'il faut contourner. Il faut du temps et de la sensibilité pour établir une relation de confiance. Nous avons des délais à respecter pour remplir les formulaires exigés et décrire les faits sur lesquels repose la demande d'asile, ainsi que pour réunir et classer les preuves destinées à corroborer les craintes du demandeur devant la Section de la protection des réfugiés, un tribunal quasi judiciaire qui, comme beaucoup d'entre vous le savent, applique un modèle d'interrogatoire basé sur l'ordre inverse.
Une des réponses uniques que nous avons apportées aux particularités de l'audience devant la Section de la protection des réfugiés est notre programme de préparation des audiences qui nous permet, avec l'aide de bénévoles, avocats notamment, de préparer nos clients à témoigner en organisant une série d'audiences simulées. Nous procédons de cette façon parce que l'audience de la Section de la protection des réfugiés peut avoir des conséquences très graves. Une mauvaise décision de la commission peut déboucher finalement sur l'expulsion, ce qui peut entraîner de la persécution, voire la mort.
Tous les jours, nous devons répondre à ces besoins en tenant compte de nos limitations qui découlent d'un financement insuffisant et irrégulier, qui exige du personnel qu'il s'occupe de collecte de fonds, en plus de fournir les services directs pour simplement conserver nos programmes. C'est notre réalité. Notre situation n'est pas unique, mais c'est celle de nombreux organismes sans but lucratif qui existent au Canada.
Notre modèle s'est développé progressivement à cause de cette absence d'accès à la justice. Au cours des années, l'absence d'accès à certains services a entraîné la création d'un solide volet établissement au sein de la clinique, parce que les demandeurs d'asile n'ont pas droit aux services offerts par les agences et les institutions qui sont financées par le CICR. L'absence de services sociaux, médicaux et axés sur l'établissement a souvent un effet direct et entraîne des résultats positifs sur le plan juridique, de sorte que nous approchons la prestation de nos services de façon holistique. Le demandeur d'asile qui est sans domicile fixe, qui souffre de problèmes de santé physique ou mentale, ou qui n'a pas d'argent pour se nourrir n'est pas en mesure de préparer correctement sa demande.
En plus des besoins multiples de notre clientèle et des iniquités systémiques que vivent les demandeurs d'asile pour avoir accès à la justice et aux services de base, nous sommes également responsables d'établir, de gérer les rapports avec d'autres entités, gouvernementales et autres, selon ce qu'exige la situation de nos clients, et de communiquer avec ces entités. Il faut des avocats ou des accompagnateurs compétents et fiables pour gérer ces situations multidimensionnelles, même lorsque nous nous occupons de personnes qui ont droit à ces services, étant donné que l'admissibilité et l'accès véritable sont deux choses différentes.
Je vais vous donner un exemple qui j'espère va bien illustrer ce rôle crucial. L'année dernière, nous avons pris le dossier d'une femme qui avait fui la violence physique terrible que lui infligeait son mari, qui avait de bonnes relations politiques dans leur pays d'origine. C'est un pays dont je ne peux même pas mentionner le nom ici, parce qu'elle est encore terrifiée et qu'elle vit encore dans la semi-clandestinité. Elle est arrivée dans nos locaux enceinte de son quatrième enfant, et elle s'est rendue directement dans un refuge, ce que nous avons facilité avec l'aide de notre personnel et de bénévoles. Nous l'avons ensuite rencontrée dans son refuge pendant plusieurs semaines, avec l'aide de plusieurs interprètes bénévoles — ce n'était pas le genre de demande qui peut se préparer en une seule séance — et nous avons appris en détail les souvenirs terribles qu'il lui était encore douloureux de raconter. Nous avons fait venir des bénévoles pour s'occuper des enfants de façon à pouvoir correctement préparer leur mère et bien évidemment, également pour éviter que les enfants entendent ces histoires horribles.
Nous avons préparé pendant des mois sa demande et l'audience qui devait suivre; nous avons traduit les documents qu'elle possédait; nous avons fait de la recherche sur les abus des droits de la personne et les protections qui existaient dans son pays d'origine; nous avons dû apprendre sur-le-champ comment se réglaient les aspects urgents de la garde en droit familial; nous avons été en communication avec l'avocat de sa famille, la police et la Couronne pour le dossier pénal de son ex-mari; nous avons communiqué avec les refuges qui l'accueillaient pour les tenir au courant des différentes étapes du processus d'immigration; nous avons présenté des demandes d'aide au revenu auprès du ministère des Services communautaires; nous avons parlé avec les services de protection de l'enfance; nous avons trouvé de nouvelles écoles pour les enfants et nous avons aidé à les faire inscrire; nous avons répondu aux besoins médicaux de notre cliente, notamment en soins prénataux et ensuite, en soins pour les nouveau-nés; et beaucoup d'autres choses.
J'ai le plaisir de vous dire qu'elle et ses enfants ont obtenu le statut de réfugié et qu'ils sont maintenant en train de demander la résidence permanente. Mais c'est voilà tout ce qu'il faut faire pour reconstruire une vie en assurant la sécurité des intéressés. Tout ceci exige que leur consacre du temps, de l'expertise, de la compréhension, de la souplesse et du capital humain.
Ce cas me permet de présenter notre première recommandation. Il faut reconnaître et valoriser le rôle que les organismes communautaires et sans but lucratif jouent pour favoriser l'accès à la justice, en particulier pour les groupes marginalisés et désavantagés. Une bonne représentation juridique est un aspect essentiel d'une demande d'asile, mais il existe tellement d'autres facteurs qui jouent un rôle qu'il est absolument indispensable d'avoir un guide ou un accompagnateur. Les gens qui accomplissent ces tâches sont sous-valorisés, surchargés de travail et mal payés — lorsqu'ils le sont. Notre recommandation serait d'examiner soigneusement le rôle que jouent ces intervenants communautaires et créer des flux de financement fédéraux destinés aux collectivités et aux organismes communautaires et sans but lucratif qui travaillent avec les personnes qui ont besoin d'avoir accès au système de justice.
Une autre recommandation serait d'utiliser les organismes communautaires comme le nôtre pour s'en servir comme des outils éducatifs très puissants. Comme je l'ai mentionné, nous avons une longue liste d'étudiants qui viennent de nombreuses disciplines, travail social, droit, qui font des stages, du travail pratique, des internats, des stages d'apprentissage dans notre organisation pendant l'année scolaire et pendant l'été. Ce modèle nous donne les moyens d'offrir à nos clients des services qu'une petite organisation comme la nôtre ne pourrait fournir si elle n'avait pas accès à ce genre d'aide pour faire ce qui suit: accompagner les clients à leurs rendez-vous médicaux, appeler les propriétaires et organiser les visites d'appartement, faire de la recherche détaillée sur la persécution contre les minorités ethniques en Éthiopie, calculer la partie provinciale et fédérale de la TVH qu'a payée l'année dernière notre organisation, préparer un mémoire sur l'accès aux services de santé mentale en Guyane et étudier la jurisprudence relative à l'exclusion prévue à la disposition 1F(a) pour un membre de l'armée nationale afghane. Cela résume uniquement les activités qu'a exercées notre équipe d'été la semaine dernière.
J'utilise tous ces exemples pour démontrer non seulement combien il est essentiel pour notre petite organisation d'avoir ce pouvoir, ces compétences et ces perspectives, mais aussi que cela représente une occasion inestimable pour que les étudiants se familiarisent avec les demandeurs d'asile et pour qu'ils puissent appliquer leur théorie à des situations concrètes. Je recommande donc de continuer à financer les stages destinés aux étudiants — nous avons à l'heure actuelle deux étudiants qui ont obtenu des emplois d'été financés par le Canada — et plus précisément, de créer des fonds pour les diplômés en droit pour qu'ils puissent faire des stages rémunérés pour des organismes sans but lucratif. Cela atténuerait également les difficultés qu'ont de nombreux étudiants en droit à obtenir un stage.
J'ai une recommandation au sujet de la détention à des fins d'immigration. Bien évidemment, cela a fait les nouvelles. Je ne vais pas m'appesantir sur ce point. Cependant, c'est une grave question d'accès à la justice, en particulier pour les provinces comme la nôtre, dans lesquelles les détenus à des fins d'immigration n'ont pas accès à l'aide juridique et ils sont incarcérés avec la population générale des établissements carcéraux.
Ma dernière recommandation touche la langue, comme moyen d'accès à la justice. Les mots à eux seuls ne veulent rien dire pour la personne qui ne peut les comprendre. Il est essentiel d'accorder des fonds pour les interprètes pour qu'on ne se décharge pas de ce travail en le confiant à des organismes communautaires, à des membres de la famille ou à des collectivités, ce qui soulève de nombreux problèmes, tout comme élargir l'admissibilité aux programmes d'apprentissage de l'anglais financés par le gouvernement fédéral pour les demandeurs d'asile.
Je pense qu'à l'heure actuelle le taux de réussite est de 55 %. Si vous pensez au fait que plus de la moitié d'entre eux vont vivre de façon permanente au Canada et n'auront pas accès au programme d'apprentissage linguistique pendant plusieurs années, ce serait la plupart du temps une situation avantageuse pour tout le monde, qui renforcerait le sentiment d'appartenance de ces personnes et leur capacité à s'intégrer plus rapidement au marché de la main-d'oeuvre.
Je vous remercie. Je me ferais un plaisir de vous fournir des détails ou des précisions et de répondre à vos questions ainsi qu'à vous parler d'autres idées ou recommandations que je pourrais avoir.
[Français]
J'ai préparé mon témoignage en anglais, mais je suis prête à répondre aux questions des députés en français.
Merci beaucoup.
:
Monsieur le président, monsieur l'ancien ministre de la Justice, messieurs les députés, je vous remercie.
Le Barreau du Québec est l'ordre professionnel qui regroupe les 26 000 avocates et avocats du Québec. À ce titre, il doit assurer la protection du public, notamment par le contrôle de l'exercice de la profession. La protection du public comporte aussi une dimension sociétale. L'accès à la justice constitue un enjeu de société important, qui est lié au mandat du Barreau du Québec.
Nous sommes heureux de contribuer aux travaux du Comité permanent de la justice et des droits de la personne concernant l'aide juridique parce que c'est à la fois une question de justice et de droits de la personne. C'est un sujet qui est primordial. En 2002, la juge en chef de la Cour suprême du Canada déclarait que l'aide juridique était un service public essentiel pour les Canadiens à faible revenu. Nous devons le considérer au même titre que les soins de santé et l'éducation. Le bien-être de notre système de justice et la confiance du public à son égard en dépendent.
Ces propos, toujours d'actualité, sont souvent utilisés pour promouvoir une réforme de l'aide juridique tenant compte de la notion de service essentiel. Vous savez, le droit est la base de la démocratie et de la cohésion sociale dans la mesure où les citoyens y ont accès. La porte d'entrée est souvent l'aide juridique.
Plus récemment, un rapport de la Colombie-Britannique revenait à la charge sur le même thème.
[Traduction]
Il énonce ce qui suit:
Il faut établir un large consensus qui reconnaisse que l'aide juridique est un service public essentiel. Tout comme l'éducation, la santé et l'aide sociale, c'est le quatrième pilier d'un engagement indéfectible à construire une société juste.
[Français]
Le Barreau du Québec croit en ces paroles et fait des représentations auprès des différents ordres de gouvernement pour que cela soit reconnu.
L'accès limité à l'aide juridique a des conséquences importantes sur les personnes qui se voient privées de droits fondamentaux, dont celui de l'égalité devant la loi. Les personnes vulnérables sont condamnées ou renoncent à leurs droits faute d'une représentation adéquate. Il y a aussi un coût important quant au fonctionnement du système judiciaire lorsque des personnes se représentent elles-mêmes.
Dans une société de droit, il est fondamental que toute personne puisse être représentée adéquatement. Il est du devoir de l'État d'assurer une telle représentation dans le cas des citoyens les plus démunis et les plus vulnérables. Le réseau d'aide juridique du Québec a été mis en place pour fournir à l'ensemble des personnes défavorisées, particulièrement sur le plan économique, les services d'un avocat. Il a été mis en place dans les années 1950, année où existait un régime d'aide judiciaire basé sur le bénévolat des avocats.
Cependant, au début des années 1970, il est devenu évident que le système ne parvenait pas à suffire à la tâche et qu'une intervention plus large était nécessaire. Le régime d'aide juridique québécois, tel que nous le connaissons aujourd'hui, a été mis en place en 1973. Au Québec, il se caractérise par la mixité du régime, ou son caractère hybride, qui met à l'oeuvre des avocats permanents de l'aide juridique et des avocats de la pratique privée qui acceptent des mandats d'aide juridique pour lesquels ils sont rémunérés en fonction d'un tarif négocié.
Je pense que le Québec est différent à cet égard des autres provinces parce que l'apport du secteur public se situe entre 40 % et 55 % chaque année. Il s'agit d'un régime hybride combinant la pratique privée et la pratique publique.
La Loi sur l’aide juridique et sur la prestation de certains autres services juridiques avait deux objectifs complémentaires: la défense individuelle des personnes défavorisées par des avocats et des notaires, et la transmission d'information juridique aux personnes défavorisées concernant leurs droits et obligations. Le fait que les avocats permanents salariés de l'aide juridique et les avocats en pratique privée soient en concurrence a permis de limiter les coûts et de réduire la bureaucratisation du système.
Le premier volet de notre présentation vous donnera de l'information sur le régime du Québec, sur ce qui se passe actuellement et sur les discussions qui ont lieu avec le gouvernement provincial. Ensuite, nous parlerons de la contribution du gouvernement fédéral, c'est-à-dire le rôle qu'il devrait jouer sur le plan de l'aide juridique.
En ce qui concerne le régime québécois, nos représentations sont faites en fonction de la prise en compte des groupes marginalisés. Même si les seuils d'admissibilité ont atteint, en 2016, celui du salaire minimum — il s'agit d'un rattrapage relativement à ce qui s'était passé au cours des dernières années —, il n'en reste pas moins que certains aspects du régime — qui date de 40 ans — devraient être modifiés pour faire en sorte que le régime demeure la meilleure façon de répondre aux besoins des plus démunis.
Ainsi, le Québec est la seule province où le revenu annuel, et non pas le revenu mensuel, est utilisé pour établir l'admissibilité à l'aide juridique. Pourtant, quand les besoins d'ordre juridique apparaissent, c'est souvent parce qu'il y a une baisse de revenus, phénomène qui passe inaperçu si on se base sur les revenus touchés au cours d'une année complète. C'est une des difficultés que nous vivons, au Québec, pour ce qui est de l'admissibilité.
Il y a aussi la question de la clientèle désignée, dans le rapport de l'Association du Barreau canadien, Atteindre l'égalité devant la justice, comme étant celle des personnes qui vivent dans des milieux marginalisés. Dans le rapport du juge Cromwell, il est question des personnes pauvres et vulnérables qui sont particulièrement susceptibles de connaître des problèmes d'ordre juridique.
Pour le juge de la Cour suprême, les personnes ayant de faibles revenus ou appartenant à des groupes vulnérables connaissent davantage de problèmes d'ordre juridique que celles qui touchent des revenus plus élevés ou qui appartiennent à des groupes en meilleure situation. Ces réalités préoccupent le milieu judiciaire et l'une des solutions réside en la création de cliniques spécialisées afin d'aider de façon plus efficace les plus démunis des démunis.
En Ontario, on salue les initiatives visant à mettre sur pied des centres d'aide juridique spécialisés à l'intention de certaines clientèles.
[Traduction]
et l'African Canadian Legal Clinic, le South Asian Legal Clinic of Ontario, le Metro Toronto Chinese et le Southeast Asian Legal Clinic, le Centre for Spanish-Speaking Peoples et les Aboriginal Legal Services à Toronto.
[Français]
Ces initiatives visent à aider des clientèles particularisées. L'approche est conforme à celle dont il est fait état dans le rapport Atteindre l'égalité devant la justice. En effet, la pierre angulaire de ce rapport est une justice humaine fondée sur les droits de la personne, c'est-à-dire tout ce qui touche les problèmes d'ordre juridique, les difficultés et les différends que connaissent aussi bien les personnes que les petites entreprises.
Une première étape serait donc d'aider en priorité les personnes qui ont des besoins essentiels sur le plan juridique et de suivre l'approche des cliniques spécialisées afin d'éviter toute stigmatisation de ces clientèles. Un travail global devrait être entrepris pour permettre une diffusion élargie de l'information juridique et pour continuer à adapter celle-ci à des personnes vivant dans des milieux marginalisés, dont les personnes issues de groupes racialisés. Parfois, les ressources sont en place, mais ces populations n'y ont pas accès.
Mme Chamagne faisait référence aux problèmes de traduction. Les personnes qui ne sont pas en mesure d'obtenir de l'aide en français ni en anglais au Québec n'accèdent pas à ces ressources.
Je vous ai parlé de la question du revenu mensuel pris en compte pour déterminer l'admissibilité à l'aide juridique. Cette situation existe depuis 1996. Comme vous pouvez l'imaginer, elle crée plusieurs difficultés pour des personnes qui sont en perte d'emploi et qui ont des problèmes financiers. Divers problèmes d'ordre juridique peuvent survenir à ce moment-là: les personnes peuvent se voir opposer un refus de prestations d'assurance-salaire ou d'assurance-emploi, elles sont incapables de payer leur loyer, elles accumulent des dettes ou encore elles doivent composer avec des agences de recouvrement, et ainsi de suite.
Un autre aspect est celui de la couverture des services. Ainsi, la gamme de services couverts par l'aide juridique a été réduite. Par exemple, les infractions dites sommaires en matière criminelle ne sont plus couvertes. Cela touche aussi le contexte fédéral, parce que certaines infractions émanent autant de lois fédérales que de lois provinciales. C'est seulement quand il y a des possibilités d'emprisonnement, de perte de moyens d'existence ou des circonstances exceptionnelles que l'aide juridique sera accordée.
À notre avis, ces conditions sont beaucoup trop restrictives. Combien de personnes plaident coupables parce qu'elles n'ont pas accès aux services d'un avocat et qu'elles n'ont pas les moyens de se défendre alors qu'elles auraient de bons arguments de défense? Ces situations peuvent survenir dans des cas de discrimination généralisée et indirecte, comme le profilage racial.
Combien de personnes, qui se sont représentées elles-mêmes, ont occasionné des ralentissements quant au fonctionnement des tribunaux? Ce sont des coûts supplémentaires que l'on peut difficilement comptabiliser, mais qui constituent une réalité que tout avocat ayant travaillé en salle d'audience et ayant vu une personne se représenter elle-même a pu constater.
Il y a également l'enjeu lié aux négociations en cours concernant le tarif des avocats en pratique privée pour des services d'aide juridique. Les avocats du Québec revendiquent le droit, lorsqu'ils acceptent des mandats d'aide juridique, à une rémunération comparable à celle de leurs collègues des autres provinces, ce qui n'est pas le cas actuellement. Beaucoup de services sont payés à forfait et le nombre d'heures travaillées n'a alors pas d'importance. Cela constitue un incitatif négatif pour les avocats en pratique privée qui, en conséquence, hésitent à accepter des mandats d'aide juridique. Les statistiques sont éloquentes: il y a une nette diminution des mandats d'aide juridique en pratique privée et du nombre d'avocats qui acceptent des mandats d'aide juridique au fil des ans.
Si je considère la période de 15 ans s'échelonnant de 2001 à 2016, il y a eu une diminution de 20 % du nombre d'avocats ayant accepté des mandats d'aide juridique, alors que le nombre d'avocats membres du Barreau a augmenté de 37 % pendant la même période. L'écart est considérable, tout comme la diminution du nombre d'avocats qui acceptent des mandats.
Parlons maintenant de l'engagement du gouvernement fédéral en matière d'aide juridique. Nous ciblons maintenant le rôle essentiellement financier que le gouvernement peut jouer dans l'amélioration des régimes d'aide juridique. J'aborderai les deux sujets suivants: les dossiers en droit de l'immigration et les cliniques spécialisées, dont j'ai un peu parlé plus tôt.
Je veux profiter de l'occasion pour souligner le rétablissement du Programme de contestation judiciaire, qui constituait une revendication du Barreau du Québec. À notre avis, le fait de pouvoir obtenir des fonds pour des causes de ce type contribue à l'accès à la justice.
Je vais vous avouer en toute franchise que, jusqu'à tout récemment, j'ignorais que le gouvernement fédéral finançait les services d'aide juridique en matière de droit de l'immigration et de droit criminel. En 2014-2015, selon les statistiques que nous avons pu obtenir, il y a eu un engagement de 23,4 millions de dollars, pour le Québec seulement, en matière criminelle. De son côté, le Québec a contribué à hauteur de 134,1 millions au programme d'aide juridique.
La première demande que nous aimerions vous adresser, c'est de faire en sorte que l'information soit plus transparente. Il y a quelques années, en fait plusieurs années, le financement issu du fédéral était de l'ordre de 50 %, et le financement issu du provincial, de 50 %. Par la suite, des ententes fédérales-provinciales ont fait en sorte que les transferts ont été amalgamés. Il est alors devenu difficile pour nous, quand nous négocions avec le gouvernement du Québec, de connaître les sommes versées par gouvernement fédéral et de nous assurer que ces fonds sont utilisés pour soutenir le système d'aide juridique au Québec. Il s'agit d'ailleurs d'un sujet d'actualité puisque nous sommes en négociations et que nous avons besoin de ces données pour évaluer le système.
Le gouvernement fédéral a certainement des responsabilités en matière de droit criminel et de droit de l'immigration. Cependant, quand il décide, à tort ou à raison — je ne suis pas ici pour juger — qu'il faut infliger des peines minimales, et quand le droit de l'immigration se complexifie du fait de nouvelles lois, cela rend le travail des avocats plus laborieux. Au cours des dernières années, le droit de l'immigration s'est énormément complexifié, et les besoins d'ordre juridique ont augmenté en conséquence. Toutefois, le gouvernement fédéral a pour responsabilité de veiller à que les personnes touchées puissent recevoir des services d'aide juridique et à ce que ceux-ci soient suffisamment financés.
Les personnes qui sont admissibles à l'aide juridique en matière d'immigration doivent souvent faire face à de graves menaces. Je vous parlais des droits de la personne plus tôt. Des personnes sont exposées à des mesures de renvoi ou d'expulsion, elles se voient opposer un refus de citoyenneté, elles sont séparées de la famille et des proches. Elles vivent des situations pires que tout ce que vous pouvez imaginer. Au cours des dernières années, les exigences ont été plus nombreuses et complexes. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait tenir compte de cette nouvelle complexité au moment de planifier le financement qu'il accordera en matière d'aide juridique.
Pour ce qui est des cliniques spécialisées, il existe dans le domaine de la santé des cliniques spécialisées qui tiennent compte des besoins culturels propres à la clientèle. Une telle approche dans le domaine juridique ne pourrait être que bénéfique. Il en va de même lorsqu'il s'agit de la réalité multiculturelle et autochtone qui existe au Canada. Il faut une aide fédérale qui vise particulièrement des communautés souvent marginalisées, au moyen de la bonification du financement en matière d'aide juridique. En ce qui concerne les cliniques spécialisées privées, nous croyons que cela demande l'engagement du gouvernement fédéral. L'objectif de ces centres spécialisés est d'assurer une représentation à des groupes précis à l'aide d'experts qui s'intéressent non seulement aux clients démunis, mais aussi à ceux qui sont marginalisés.
Permettez-moi de résumer les recommandations que nous aimerions faire aujourd'hui.
Premièrement, il faut tenir compte, dans le financement en matière d'aide juridique, des nouvelles exigences législatives et de la complexité accrue des dossiers en droit de l'immigration.
Deuxièmement, il faut envisager une aide fédérale qui vise particulièrement les communautés ou les groupes marginalisés, laquelle se traduira par le financement des services d'aide juridique offerts par des cliniques spécialisées privées.
Troisièmement, il faut faire connaître le mode de calcul du financement fédéral en matière d'aide juridique et augmenter la visibilité du financement fédéral.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Chers collègues, merci d'avoir mentionné que les juges à la Cour suprême doivent maintenant être bilingues.
Le Programme de contestation judiciaire est une priorité pour les ministres et . Quand je siégeais au Comité permanent des langues officielles, comme secrétaire parlementaire, c'était une question importante pour nous.
Je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il s'agit d'un gain pour la communauté et pour le principe d'accès à la justice. Je suis content de vous l'entendre dire.
Comme vous le savez, le Comité permanent des langues officielles est en train d'étudier la question de l'accès à la justice dans le plein respect de la Loi sur les langues officielles. Je vous encourage à suivre ses travaux de près.
J'aimerais d'abord vous faire une suggestion. Ensuite, je vais poser une question à Mme Chamagne.
Nous avons vu que l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, où ACUFC, voulait avoir davantage de médecins francophones. Selon cette association, il n'y avait pas assez de francophones inscrits dans les programmes de médecine. L'ACUFC a alors fait un sondage auprès de tous les étudiants inscrits en médecine partout au pays, peu importe la langue dans laquelle ils avaient étudié. Selon ce sondage, 642 francophones et francophiles disaient vouloir offrir des services en français au cours de leur carrière dans le domaine médical. C'était le tiers du nombre d'étudiants inscrits partout au pays.
J'encourage fortement le système de justice et vos collègues à faire la même chose auprès de tous les étudiants inscrits en droit, parce que je pense qu'il y a là des bijoux à trouver.
Comme vous l'avez dit, on peut former quelqu'un une fois qu'il a appris la langue, mais pas dans la situation inverse.
Madame Chamagne, j'aimerais savoir si vous avez eu l'occasion, au cours de vos démarches, de travailler avec des personnes autochtones ou des personnes de la communauté LGBTQ2 en ce qui concerne les réfugiés?