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Merci beaucoup, monsieur le président.
L'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés —ou l'ACCADR pour simplifier — compte environ 350 membres, des avocats, des juristes et des étudiants en droit, réparis dans l'ensemble du Canada. Elle a des chapitres dans p^lusieurs universités d'un océan à l'autre.
Nous mettons l'accent sur la protection des réfugiés et les droits humains des migrants. Depuis notre création, nous sommes très actifs aux tribunaux et dans les efforts de défense auprès du gouvernement.
Je veux insister sur la différence grave et énorme dans les tarifs de l'aide juridique pour les réfugiés entre l'Ontario et le Québec. Maître Valois parlera de la situation au Québec. Je vais m'en tenir à celle en Ontario.
L'idée générale dans tout cela, c'est que l'immense différence dans les tarifs de l'aide juridique entre le Québec et l'Ontario a des répercussions énormes sur la qualité de la représentation. Je crois que le tarif imposé aux revendicateurs du statut de réfugié au Québec correspond au tiers de ce qu'il est en Ontario. Nous vous résumerons l'incidence que cela a eu.
Aide juridique Ontario, par exemple, a un fonds pour les causes types qui a servi à financer les causes créant un précédent. L'argent de ce fonds des causes types de l'aide juridique a été utilisé pour financer bien des grandes contestations constitutionnelles dans le domaine du droit de l'immigration et des réfugiés. Ce mécanisme a été absolument indispensable, car il nous a permis de participer à des cas complexes comme des cas où des avocats travaillant aux tarifs de l'aide juridique ne pouvaient possiblement espérer préparer une constestation réussie, des cas nécessitant des affidavits d'experts et un volume de recherche impressionnant.
Par exemple, il y a ce qu'on connaît comme étant le « cas des médecins » dans le cadre duquel nous avons contesté les compressions draconiennes effectuées par le govuernement précédent dans les soins de santé pour les réfugiés et les revendicateurs du statut de réfugié. Cette contestation réussie a été financée en grande partie par le fonds des cas types d'Aide juridique Ontario.
Le Bureau du droit des réfugiés, en particulier, dont le siège social est à Toronto ... Comme Montréalais, c'est douloureux pour moi de devoir dire quelque chose de positif à propos de Toronto, mais je surmonterai mon...
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Je vais m'adresser à vous en français.
J'aimerais souligner au Comité que l'aide juridique est une donnée essentielle et importante en droit des réfugiés. C'est un domaine de droit très particulier. Les demandeurs d'asile ont souvent droit à l'aide juridique, pour des raisons que vous pouvez clairement imaginer. En arrivant au pays, ils n'ont pas d'argent pour payer les services d'un avocat.
La très grande majorité des avocats que nous représentons acceptent de prendre des dossiers provenant de l'aide juridique, parce qu'ils veulent faire du droit des réfugiés et que c'est le domaine qui les intéresse.
Il faut comprendre quel genre de clients nous avons dans nos bureaux. Il est facile de parler du droit des réfugiés, mais il faut savoir que les droits qu'il faut défendre, quand une personne se présente dans nos bureaux, sont des droits essentiels, par exemple le droit à la vie, le droit de ne pas être violé, le droit de vivre correctement.
La réalité de l'avocat en droit des réfugiés, c'est qu'il doit présenter le dossier de son client dans les 15 jours suivant l'arrivée de ce dernier. Il doit ensuite présenter le dossier à un commissaire dans le cadre d'une audience, lequel va décider du sort de la personne en cause dans les 30 à 60 jours. C'est extrêmement rapide et le travail doit être fait avec une grande compétence.
Nous devons établir un lien de confiance avec nos clients, parce qu'ils doivent tout nous raconter, dont des choses extrêmement difficiles à exprimer. Nous devons prendre le temps d'établir un lien de confiance avec nos clients et de connaître la réalité du pays d'où ils viennent.
Quand nous présentons un dossier à la CISR, il faut savoir ce qui se passe dans le pays de notre client. Si nous représentons, par exemple, un client du Yémen, pays dont la situation change constamment, il faut se mettre au courant. Il faut connaître les différentes tribus et prendre le temps de connaître le client et sa réalité, ainsi que le droit, bien sûr.
Toute cette réalité ne s'accorde pas avec un travail au volume, mais c'est ce que nous sommes obligés de faire, malheureusement, pour pouvoir survivre et payer notre hypothèque. En même temps, je ne pense pas que nous devrions avoir à faire face à une telle réalité. Les avocats ne devraient pas avoir à choisir de ne pas représenter des demandeurs d'asile parce qu'ils ne peuvent pas être payés adéquatement pour leur travail.
Partout au Canada, le droit d'asile est un droit fédéral. Ce droit est administré par le gouvernement fédéral, et non par les gouvernements provinciaux. Or, il y a des inégalités d'une province à l'autre. Certaines provinces n'offrent pas d'aide juridique, et les trois principales provinces, c'est-à-dire l'Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec, présentent de très grandes variations de tarifs.
Quand il y a des dossiers difficiles ou importants qui arrivent, un client peut avoir de la difficulté à trouver un avocat qui va accepter de le représenter. On peut être tenté de lui demander de déménager en Ontario pour y trouver un avocat. Pour nous, c'est extrêmement difficile de dire cela, parce que les avocats du Québec sont compétents dans ce domaine, mais nous ne pouvons pas tout faire. Il n'est pas question ici de bénévolat, mais d'un travail qui est extrêmement important.
Je suis disposée à répondre aux questions, si nécessaire.
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Merci aux membres du Comité de m'avoir invité.
Je vais me présenter sommairement. J'ai travaillé pendant 37 ans comme avocat permanent de l'aide juridique, donc comme salarié. J'ai pratiqué dans la région de Joliette et dans la région de l'Estrie, donc essentiellement au Québec.
Environ la moitié de ma pratique a porté sur le droit social, environ le tiers sur le droit de la famille et le reste sur le droit civil général. J'ai aussi travaillé souvent avec des groupes communautaires de défense des droits sociaux et de protection du consommateur.
De plus, j'ai été président de la Fédération des avocates et avocats de l'aide juridique du Québec. À ce titre, en plus de négocier les conventions collectives des avocats de l'aide juridique, j'ai été impliqué dans des coalitions visant à défendre le réseau de l'aide juridique face à des menaces et à des coupes. J'ai également réclamé des hausses des seuils d'admissibilité. Pendant de nombreuses années, ces seuils ont été très bas au Québec et ils n'ont pas augmenté. Il y a à peu près un an, ils ont été augmentés pour rejoindre le niveau du salaire minimum. C'est donc encore minimal.
J'aimerais prendre quelques instants pour vous parler de l'aide juridique au Québec. Vous avez entendu mes collègues parler d'un des volets de l'aide juridique au Québec. Lorsque le régime de l'aide juridique a été instauré au Québec, le choix a été d'avoir des avocats permanents un peu partout sur le territoire et de garantir que le client admissible pouvait choisir d'être représenté par un de ces avocats permanents ou par un avocat de pratique privée. Dans ce dernier cas, l'avocat acceptait d'être rémunéré aux tarifs de l'aide juridique, qui sont très bas quand on les compare avec ceux de l'Ontario. Quand on compare le Québec avec l'Ontario, il faut aussi dire que, avec à peu près la moitié du budget ontarien, le régime québécois traite à peu près le double de demandes. À ce compte, évidemment, il y a un prix à payer par rapport aux choix qui ont été faits. Je trouve important de mettre cela en perspective.
L'idée derrière le fait d'avoir des avocats permanents, c'était d'acquérir une expertise dans ce qu'on appelait, au moment où cela a commencé, le droit de la pauvreté. De fait, on reconnaissait qu'il y avait des besoins juridiques propres aux personnes pauvres et démunies et qu'il fallait acquérir une expertise dans ces problèmes et ces approches. Effectivement, ce sont les caractéristiques générales du réseau de l'aide juridique québécois.
Quel bilan peut-on en faire, maintenant? Le régime québécois est généralement considéré par les observateurs canadiens comme étant un régime qui a une bonne couverture, comparativement à celui de plusieurs autres provinces. Il est en quelque sorte considéré comme efficace, alors qu'il opère à un coût raisonnable.
Il faut également noter que l'idée de la concurrence entre les avocats permanents et les avocats privés a permis de ralentir un peu la bureaucratisation de la permanence, bien que cela ne l'ait pas complètement éliminée. De fait, si le client peut aller au bureau de pratique privée d'en face plutôt qu'au vôtre, vous avez intérêt à fournir de bons services.
Ce qu'il faut aussi constater, c'est que les administrateurs du régime de l'aide juridique québécois ont malheureusement évalué le travail des avocats uniquement en fonction du volume de dossiers qui était traité. On a donc favorisé une pratique de masse, plutôt que les contestations de principe ainsi que les cas plus lourds et plus difficiles.
Le système n'est pas très amical pour les avocats qui veulent faire ce genre de travail. Néanmoins, dans l'ensemble, le bilan est quand même positif et il y a peut-être de quoi inspirer les autres provinces à cet égard.
J'ai voulu aussi vous faire part de quelques constatations tirées de mon expérience personnelle et qui représentent, selon moi, les idéaux que devraient avoir les systèmes d'aide juridique du Canada.
La première constatation est que le droit n'est pas neutre. Aux étudiants en droit à l'université, on dit que c'est l'émanation de la justice immanente, et ainsi de suite. Or, la réalité des choses est tout autre. Cela reflète aussi le rapport de forces dans la société. Quand vous êtes pauvre et vulnérable, les lois ne sont pas faites pour vous. Les avocats qui représentent les personnes pauvres doivent aller au-delà du travail normal d'un avocat, selon moi. Il faut convaincre le juge de voir le droit d'une nouvelle façon et de changer la jurisprudence. Il faut de l'imagination et ce que j'appelle la capacité d'indignation, c'est-à-dire que lorsqu'on est face à une situation inacceptable, il faut trouver un moyen de soulever cela devant le tribunal et de convaincre le juge. Cela marche parfois, mais pas toujours. Cependant, il faut le faire, et relever ce genre de défi doit être un des rôles de l'aide juridique.
La deuxième constatation est que, lorsqu'on est pauvre, on vit essentiellement une absence de pouvoir sur sa propre vie. En effet, les autres décident toujours pour soi, en fin de compte. Il faut donc que les avocats qui s'occupent de dossiers d'aide juridique apprennent à travailler avec les gens plutôt que pour les gens. Les avocats ont souvent tendance à vouloir rassurer les gens en leur disant qu'ils vont s'occuper de tout, mais cela ne favorise pas la prise de contrôle de sa destinée. Il faut être conscient de cela.
Finalement, les dossiers individuels, les procès et même les causes dont la solution fait jurisprudence, tout cela fait avancer un peu les choses. Cependant, ce qui fait vraiment avancer les choses, c'est le travail que les avocats et les réseaux d'aide juridique font avec les groupes communautaires sur le plan des revendications pour que des changements nous amènent à une société plus juste et plus équitable.
Je vous remercie. Nous aurons probablement l'occasion d'en discuter lorsque vous poserez vos questions.
En mon nom et en celui de la Commission du droit de l'Ontario, je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion de prendre la parole à propos de cette question importante. Question de contexte, la Commission du droit de l'Ontario est un organisme ontarien indépendant qui oeuvre à faire progresser la réforme du droit et à promouvoir l'accès à la justice. Certains d'entre vous peuvent avoir entendu parler de l'organisation précédente, la Commission de réforme du droit de l'Ontario. L'équivalent fédéral qui s'en rapprocherait le plus serait la Commission de la réforme du droit du Canada.
Je suis le directeur exécutif de l'organisation. Dans une vie antérieure, j'ai rédigé des politiques à Aide juridique Ontario pendant longtemps; j'interviens donc dans une perspective de réforme du droit et de fournisseur de services.
En guise d'Introduction, j'aimerais adopter les mémoires soumis par d'autres organisations, comme l'Association du Barreau canadien, au sujet de la nécessité de mieux financer l'aide juridique et de faciliter l'accès à la justice, de la nécessité d'établir des repères nationaux pour mesurer l'évolution de ce financement et enfin de faire de l'accès à la justice une priorité nationale importante.
En fait, je ne veux pas aborder ces questions. D'autres témoins l'ont fait de façon assez réfléchie, et je n'ai rien à ajouter à leurs propos. Je peux répondre à des questions en la matière, mais ce n'est pas ce dont je veux parler. Je veux attirer votre attention sur ce qui, à mon avis, constitue les composantes supplémentaires, les autres pièces, de ce qui serait une stratégie globale en matière d'aide juridique ou d'une stratégie nationale d'accès en matière de justice. J'estime que le financement, les repères et l'aide juridique comme priorité nationale importante sont certes des composantes nécessaires, mais insuffisantes, d'une stratégie nationale. Je pense aussi que le comité ne devrait pas perdre de vue cinq ou six choses s'il envisage de recommander ou de mettre au point une stratégie du genre.
Premièrement, je crois qu'il faudrait reconnaître, dans une stratégie nationale, qu'il y a une crise nationale dans le domaine de l'accès à la justice et que cette crise a bien des facettes. Il y a une crise dans le domaine du droit criminel, du droit de la famille et du droit en lien avec la pauvreté et dans le système de justice civil. Il y a bien des points communs au chapitre des besoins et services juridiques et des programmes d'aide juridique dans ces domaines, mais ils ne sont pas tous les mêmes. Il importe qu'une stratégie nationale regroupe les repères nationaux, par exemple, en reconnaissant que les priorités locales et les services locaux doivent être définis à l'échelle locale, régionale ou provinciale. Elle doit concilier la perspective nationale et la perspective régionale ou provinciale.
Deuxièmement, je suis d'avis qu'il importe de mieux reconnaître le fait qu'au cours des dernières années, l'élaboration de politiques sur l'accès à la justice et l'aide juridique a beaucoup progressé. En fait, en ce qui concerne le droit civil ou de la famille, nous avons presque un plan directeur ou un plan. Il s'agit, bien entendu, du rapport de 2013 du comité canadien d'action, le rapport Cromwell, dans lequel bien de bonnes idées et recommandations sur la façon de régler la crise de l'accès à la justice du côté du droit civil et de la famille sont énoncées. Je ne pense pas que le rapport en question est complet ou parfait, mais c'est un bon départ. Je vous mets en garde contre toute recommandation de refaire le travail qui a déjà été fait. Nous avançons à grand pas dans la définition de ce qui pourrait faire partie de cette stratégie nationale et je suis d'avis que nous ne devons pas consacrer temps et ressources pour refaire le travail réfléchi auquel ont participé beaucoup d'intervenants.
Troisièmement, outre le rapport Cromwell et d'autres initiatives, nous avons presque dégagé un consensus national sur ce que les éléments de l'aide juridique devraient être et sur les services qui devraient être offerts pour que le programme d'aide juridique soit sain et bien efficace. On en parle parfois comme étant les services de base, les services essentiels ou les services fondamentaux. Il y a diverses façons de décrire le concept, mais il englobe vraiment certains éléments et domaines du droit différents. Il y a le droit criminel, le droit de la famille, le droit de la protection de l'enfant, le droit en lien avec la pauvreté et le droit de l'immigration et des réfugiés. On reconnaît que l'aide juridique devrait cibler les populations à faible revenu. On reconnaît aussi que les services et priorités en matière d'aide juridique doivent tenir compte des besoins des groupes vulnérables, qu'il s'agisse de groupes racialisés, de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie ou de peuples autochtones. Il est de notoriété publique que les programmes et priorités en matière d'aide juridique doivent s'adresser aux clients les plus vulnérables.
Quand on parle de voeux pieux pour l'aide juridique et l'accès à la justice, il s'agit vraiment de voeux pieux. On parle de la constellation de services et de priorités qui intéressent les gens. La question du financement soulève certes des débats dans la sphère de l'aide juridique et dans celle de l'accès à la justice, mais il y a aussi des débats sur la question à savoir s'il faut privilégier le droit criminel par rapport au droit de la famille, le droit en lien avec la pauvreté par rapport au droit criminel. On ne s'obstine pas sur les objectifs généraux d'un système vraiment efficace. Des choix difficiles s'imposent entre ces divers systèmes.
À titre d'information, je vous dirai que les limites d'un bon programme d'aide juridique font aussi, je pense, l'objet d'un consensus. À ma connaissance, personne ne laisse entendre que l'aide juridique devrait s'occuper de litiges en assurances, par exemple, ou que les ressources de l'aide juridique devraient être utilisées pour financer un voisin qui poursuit son voisin dans le cadre d'une quelconque poursuite au civil. Il y a un genre de consensus sur l'idée que les services à offrir devraient être ceux que j'ai énumérés.
J'ajouterai qu'il s'agit d'un consensus assez international dans le monde anglo-américain. Le discours est semblable en Angleterre, aux États-Unis, en Ausralie e en Nouvelle-Zélande. Ces services correspondent vraiment aux services d'aide juridique et aux objectifs de l'accès à la justice dont les gens parlent dans ces instances aussi.
Le quatrième point que je veux soulever auprès de vous peut sembler évident, mais il vaut la peine de le répéter, car je pense qu'il est d'une importance cruciale. Toute stratégie nationale en matière d'aide juridique devrait reconnaître que ce sont les besoins du client qui sous-tendent le système, et non les besoins institutionnels ou les intérêts professionnels des avocats ou des fournisseurs de services. C'est essentiel. Le monde de l'aide juridique et de l'accès à la justice en débat depuis un certain temps déjà. Il faut que les besoins du client soient la pierre de touche en fonction de laquelle nous établissons toutes les priorités du programme, notamment les services et le financement. Il ne s'agit pas d'Un moyern de subsistance pour les avocats. Il ne s'agit pas de garantir que les gens s'enrichissent en faisant ce travail. C'est à propos de la façon dont nous utilisons les deniers publics pour voir à ce que les clients soient adéquatement servis.
Cela étant dit, à ma connaissance, les intérêts des avocats et des clients, la plupart du temps ou très souvent, se recoupent. Il y a concordance parfaite entre les intérêts d'un avocat, d'une clinique ou d'un juge qui veut bien faire son travail et un bon programme d'aide juridique. Ce n'est pas toujours le cas, par contre. En cas de conflit entre les intérêts professionnels du barreau et les intérêts du client, une stratégie nationale devrait, selon moi, prioriser les intérêts du client et l'indiquer de façon explicite.
Cinquièmement, je veux souligner le fait que toute stratégie nationale en matière d'aide juridique devrait reconnaître que le gouvernement fédéral joue un rôle assez important dans l'accès à la justice et l'aide juridique. Pour donner un exemple évident, nous connaissons notre droit criminel et la compétence partagée. Les provinces administrent le volet justice, mais d'importantes loi —notamment le Code criminel et la législation sur les stupéfiants— relèvent de la compétence fédérale, un exemple évident d'une sphère où le gouvernement fédéral a un rôle et un mandat. Le droit de l'immigration et des réfugiés en est un autre, tout comme les questions concenrant les Autochtones, un autre domaine très importants des programmes d'aide juridique. Le gouvernement fédéral intervient manifestement à cet égard.
C'est aussi vrai dans le droit de la famille, même si ce n'est pas aussi connu. La Loi sur le divorce relève de la compétence fédérale. Les lignes directrices sur les pensions alimentaires et les tribunaux unifiés de la famille sont des portes d'entrée importantes aux initiatives, aux programmes et aux services en matière de justice, pue timporte le nom que vous leur donnez, qui sont de compétence fédérale, mais qui ont des répercussions considérables pour les programmes provinciaux d'aide juridique.
Enfin, dans le domaine du droit en lien avec la pauvreté, automatiquement, on pense aux services provinciaux — le logement, par exemple, ou le travail des propriétaires et locataires, mais, ce qui est moins connu, c'est qu'il y a des tribunaux fédéraux très importants concernant le soutien au revenu, dont le Régime de pensions du Canada et l'assurance-emploi. Les avocats du droit en lien avec la pauvreté interviennent beaucoup à ce chapitre. Encore ici, il y a congruence directe d'un programme fédéral et de l'accès à la justice.
En outre, comme un interventnat l'a déjà souligné devant ce comité à propos de la santé mentale et de la toxicomanie, il y a une stratégie nationale de la santé mentale. Comme on vous l'a dit à maintes reprises, cette stratégie a des répercussions très importantes sur l'aide juridique à l'échelle provinciale. Le rôle fédéral est important, les provinces ne sont pas les seuls acteurs.
Mon sixième point n'est pas souvent soulevé dans les conversations à propos de l'accès à la justice ou dans l'univers de l'aide juridique. Je l'aborde ici dans ma perspective de la réforme du droit. À mon avis, toute stratégie nationale en matière d'aide juridique, stratégie sur l'accès à la justice ou stratégie provinciale, d'ailleurs, doit prendre en compte les questions concernant l'offre et la demande de services d'aide juridique. Quand on parle de financement, d'insuffisance des services, de repères ou de gains d'efficience, on parle habituellement de l'offre d'aide juridique. Si nous étions économistes, et non avocats, nous serions ravis de vous voir envisager une augmentation de l'offre. Puis, nous vous demanderions si vous abordé la question de la demande. Comment pouvons-nous réduire la demande de services dans un premier temps de sorte que vous cessiez de vous préoccuper de rendre les services encore plus efficaces et de vous efforcer de presser chaque dollar pour en sortir encore plus de services? Quand vous parlez de réduire la demande au titre des services d'aide juridique et de faciliter l'accès à la justice, vous parlez de réforme du droit ou de changements à apporter aux pratiques qui font progresser les objectifs relatifs à l'accès à la justice, mais vous le faites différemment.
Je vais vous donner deux exemples, l'un fédéral et l'autre provincial. Le premier est évident et concerne la libération sous caution. La réforme du cautionnement est au programme partout au pays. Il est de notoriété publique qu'il existe, au Canada, des problèmes systémiques d'octroi de libération sous caution. Il suffit, pour s'en convaincre, de songer au grand nombre de personnes détenues en préventive et aux problèmes systémiques de libération conditionnelle dans le cas des groupes racialisés et des membres des communautés autochtones.
Ce qui est moins connu, c'est à quel point la politique sur la libération sous caution sous-tend les coûts de l'aide juridique. Je vais vous donner un exemple classique, mais tellement vrai. Je vais parler d'un exemple en Ontario, car c'est celui que je connais le mieux, mais je crois que la situation est généralement la même partout au pays. Le critère pour obtenir un certificat d'aide juridique en Ontario, le type de service le plus dispendieux à Aide juridique Ontario et en droit criminel, est le risque de perte de liberté. Il va sans dire que si votre mise en liberté sous caution est refusée et que vous détenu en préventive, vous avez, par définition, perdu votre liberté et vous répondez au critère pour avoir droit au service le plus dispendieux. C'est un exemple clair d'une politique en matière de libération sous caution qui sous-tend directement les coûts de l'aide juridique. Si on s'efforçait de voir à ce que la détention provisoire se fasse plus rigoureusement et plus équitablement, cela aurait un effet bénéfique sur les coûts de l'aide juridique. Les ressources économisées dans ce volet du droit, ce service, pourraient être réinvesties dans d'autres volets du programme.
Voici un deuxièrme exemple en rapport avec la libération sous caution. Je pense que le comité en a déjà entendu parler. Il s'agit des conditions de libération sous caution. Ici encore, la recherche et l'expérience, documentées par notamment l'Association canadienne des libertés civiles et la Société John Howard, nous montrent l'incidence très grave de ces conditions. Aui plan de l'aide juridique et à celui de la prestatiton des services et de la demande de services, cela veut dire que même si une personne en libération sous caution est libre et n'est pas détenue en préventive, la libération sous caution peut être assortie de bien des conditions, dont beaucoup sont controversées, comme vous n'êtes assurément pas sans savoir. À mon avis, , beaucoup de ces conditions sont inutiles. Quand une personne est libérée sous réserve de certaines conditions, il est souvent facile d'enfreindre ces conditions. Une personne qui brise ces conditons est ramenée en détention et soudainement, elle n'est plus accusée d'un simple assaut ou un méfait — qui, dans ce régime, est considéré moins grave—, mais plutôt de défaut de se conformer à telle condition ou à telle condition. C'est passible d'une accusation d'Outrage au tribunal, ce qui est plus grave. Cela ramène la personne au seuil de la perte de liberté et ainsi de suite.
Il y a un exemple de famille et j'espère qu'un intervenant me posera une question à ce sujet, car je manque de temps.
S'agissant d'une stratégie nationale. je tiens enfin à vous signaler que je vous recommande fortement de parler certes du financement, des repères, des services, des gains d'efficience et de la demande, mais aussi de l'importance de garantir la prestation de services de grande qualité. D'autres instances en ont discuté en long et en large. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, notamment, les autorités fédérales et provinciales et les fournisseurs de services mettent vraiment l'accent sur l'amélioration de la qualité de la pratique du droit afin de vous offrir de meilleurs services. Il est à espérer que cela permettra aussi d'en accroître l'efficacité.
Vous entendrez souvent dire que la qualité va de pair avec une meilleure rémunération des avocats. Ce n'est toutefois qu'une partie de la solution. Il existe d'autres moyens qui nécessitent un investissement moins important. La formation, les groupes témoins, les évaluations par les pairs, le mentorat et d'autres mesures de soutien non juridique sont autant d'éléments d'une stratégie réfléchie et globale d'assurance de la qualité que je vous recommande d'inclure à vos travaux.
Ce sont là mes propositions. Je vous remercie beaucoup.