JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la justice et des droits de la personne
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 18 octobre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à toutes et à tous. Nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui la ministre de la Justice et procureure générale du Canada, Mme Jody Wilson-Raybould.
Elle est accompagnée de deux agentes du ministère de la Justice: Mme Laurie Wright, sous-ministre adjointe, Secteur du droit public et des services législatifs, et Mme Carole Morency, qui est de retour, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal, Secteur des politiques.
Nous entreprenons notre étude du projet de loi C-51, une loi intéressante divisée en trois parties.
Madame la ministre, la parole est à vous. Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd'hui.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous les membres du Comité de m'avoir invitée à nouveau pour venir vous parler du projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.
Comme vous le savez, le premier ministre m'a chargée de procéder à un examen du système de justice pénale, une tâche extrêmement importante dont l'accomplissement se fait attendre depuis longtemps. En ma qualité de ministre de la Justice et procureure générale du Canada, je me suis engagée à accroître l'équité, la clarté et la pertinence de nos lois, et à les rendre plus accessibles à l'ensemble des Canadiens. Le projet de loi C-51 reflète cet engagement.
Un ensemble d'objectifs précis oriente le travail que je continue à faire en collaboration avec les provinces et les territoires, ainsi que les intervenants du système de justice pénale.
Ces objectifs sont les suivants: premièrement, recourir au droit criminel pour assurer la sécurité des Canadiens, ainsi qu'obliger les délinquants à répondre de leurs actes de façon juste et appropriée; deuxièmement, veiller à ce que le système de justice pénale soit empreint de compassion et à ce qu'il réponde aux besoins des victimes; troisièmement, répondre aux besoins des populations vulnérables et faire en sorte que le système ne multiplie pas les obstacles auxquels les groupes marginalisés font face; enfin, renforcer les liens entre le système judiciaire et d'autres systèmes sociaux afin d'agir plus efficacement sur les causes profondes de la criminalité.
Le projet de loi C-51 contribue à l'atteinte de ces objectifs en apportant des modifications qui auront une incidence positive à long terme sur les victimes de violence sexuelle. Le projet de loi soutient aussi les vérités fondamentales qui servent de bases à notre système judiciaire, y compris les principes selon lesquels le droit criminel doit être appliqué avec retenue, l'État est responsable de prouver les accusations de conduite criminelle et l'ensemble du droit criminel doit respecter la Charte des droits et libertés.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, le contenu du projet de loi vous est déjà connu. Je ne crois pas avoir assez de temps pour creuser chacun des aspects de la mesure législative. Je vais donc plutôt vous donner un aperçu des aspects principaux. Ensuite, je profiterai du temps qu'il me restera pour aborder les sujets de discussion qui ont le plus été soulevés depuis que j'ai présenté le projet de loi, soit le 6 juin.
Il peut être utile de séparer les modifications proposées dans le projet de loi C-51 en quatre grandes catégories. La plupart des modifications touchent le Code criminel; toutefois, le projet de loi propose également des améliorations importantes à la Loi sur le ministère de la Justice.
La première grande catégorie comprend les modifications au Code criminel visant à préciser et à renforcer les lois relatives aux agressions sexuelles. Dans la deuxième catégorie, le projet de loi C-51 complète les modifications proposées dans le projet de loi C-39, que j'ai déposé le 8 mars, en abrogeant ou en modifiant des dispositions du Code criminel ayant été déclarées inconstitutionnelles par les tribunaux. Le troisième secteur de la réforme englobe les modifications qui abrogeraient les infractions criminelles redondantes ou désuètes. Enfin, en vertu des modifications à la Loi sur le ministère de la Justice, le ministre de la Justice aurait l'obligation de déposer au Parlement, pour chaque projet de loi émanant du gouvernement, un énoncé qui indique les effets possibles du projet de loi sur les droits et libertés garantis par la Charte.
Je vais parler d'abord des modifications au droit en matière d'agression sexuelle. Tous les parlementaires reconnaissent l'importance de prendre des mesures visant à rendre le droit criminel aussi clair et sans équivoque que possible en ce qui a trait à la violence sexuelle. Nous savons tous que les plaignants dans les affaires d'agression sexuelle affrontent des défis considérables. Il est donc primordial que nos lois soient à la fois claires et bien comprises. C'est important pour toutes les parties impliquées dans de telles poursuites: les juges, les procureurs, les avocats de la défense, les accusés et les victimes. C'est aussi important pour assurer le bon fonctionnement du système dans son ensemble.
À cet égard, les modifications proposées précisent qu'une personne ne peut pas consentir à une activité sexuelle lorsqu'elle en est incapable, y compris pendant une période d'inconscience. Cette modification va dans le sens de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'affaire R. c. J.A.
Ensuite, les modifications précisent que l'accusé ne peut pas se servir de la croyance erronée au consentement comme moyen de défense lorsque cette croyance est une erreur de droit ou lorsqu'elle est fondée sur la passivité du plaignant. Ainsi, on codifie la décision de la Cour suprême dans l'affaire R. c. Ewanchuk.
En outre, le projet de loi comblera une lacune dans le droit en prévoyant une procédure précise de détermination de l'admissibilité des dossiers personnels du plaignant, par exemple des journaux personnels qui se trouvent en la possession de l'accusé. Ces dispositions compléteront les procédures actuelles applicables lorsque l'accusé tente d'obtenir des dossiers détenus par un tiers autre que la Couronne, comme un thérapeute.
Je vais prendre un instant pour répondre aux préoccupations qui ont été soulevées par rapport à ces modifications. Certains sont d'avis qu'elles équivalent à une codification d'une obligation de communication pour la défense. Je tiens à ce qu'il soit parfaitement clair que ce n'est tout simplement pas le cas. Ces modifications ne confèrent pas le droit à la Couronne de recevoir des éléments de preuve et elles n'obligent pas la défense à divulguer de tels éléments de preuve. Elles concernent plutôt les règles régissant la preuve et elles visent à équilibrer les droits de l'accusé et ceux du plaignant, ainsi qu'à soutenir les tribunaux dans la recherche de la vérité.
Comme la Cour suprême du Canada l'a noté dans l'arrêt de l'affaire Darrach, un voir-dire servant à déterminer l'admissibilité d'une preuve concernant le comportement sexuel antérieur ne constitue pas une divulgation par la défense. En outre, le projet de loi propose d'abroger des dispositions législatives jugées inconstitutionnelles par les cours d'appel. Par exemple, il propose de supprimer l'exception qui empêche les tribunaux chargés de la détermination de la peine d'accorder un crédit majoré aux personnes détenues avant d'être jugées et condamnées parce qu'elles ont enfreint des conditions de la mise en liberté sous caution. La Cour d'appel du Manitoba a jugé cette exception inconstitutionnelle dans l'affaire Bittern.
Ensuite, le projet de loi C-51 propose d'abroger 20 infractions différentes qui sont soit redondantes parce qu'elles sont englobées par des infractions d'application générale, soit désuètes dans le Canada d'aujourd'hui. Les exemples comprennent défier une autre personne à se battre en duel; annoncer une promesse de récompense pour la remise de biens volés, sans aucune question; posséder des histoires illustrées de crimes; et publier un libelle blasphématoire. Ces modifications visent à accroître l'équité, la clarté et la pertinence de nos lois, et à les rendre plus accessibles aux Canadiens.
J'ai reçu de nombreuses lettres de la part de Canadiens qui ont exprimé des inquiétudes à l'égard de l'abrogation proposée dans le projet de loi C-51 de l'article 176, qui semble offrir des protections visant expressément les membres du clergé chrétien. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de répondre à ces inquiétudes.
Je veux qu'il soit clair que le retrait de cette infraction ne compromettra aucunement la capacité des Canadiens de pratiquer leur religion. Je ne m'attends pas non plus à ce qu'il entraîne une augmentation de tels actes de violence. De nombreuses infractions d'application générale continueront à viser tous les comportements interdits par l'article 176. La motivation demeure une circonstance aggravante dans la détermination de la peine pour les infractions motivées par des préjugés ou de la haine fondés sur la religion.
Enfin, en vertu des modifications à la Loi sur le ministère de la Justice, le ministre de la Justice aurait l'obligation de déposer des énoncés signalant et soulignant les droits et libertés garantis par la Charte touchés par tout projet de loi émanant du gouvernement. Ces énoncés exposeraient également les considérations à l'appui de la justification de toute restriction apportée par un projet de loi aux droits ou libertés garantis par la Charte.
Comme les membres du Comité le savent, j'ai déposé des énoncés concernant la Charte pour les projets de loi que j'ai présentés depuis ma nomination au poste de ministre de la Justice. Nous avons aussi commencé à faire de même pour des projets de loi déposés par d'autres ministres. Les modifications en question feraient reconnaître cette pratique dans la loi et la rendraient applicable à tous les futurs projets de loi émanant du gouvernement. Ces modifications et celles que nous proposons d'apporter au Code criminel reflètent l'engagement profond et ferme du gouvernement envers le respect de la Charte.
Pour le dire simplement, le gouvernement a la responsabilité inaltérable de veiller à ce que ses décisions, y compris celles qui se traduisent par des réformes des lois, respectent nos droits et libertés fondamentaux. C'est pour cette raison que je suis ravie de parrainer un projet de loi qui renforce l'obligation des gouvernements actuel et futurs d'accomplir ce devoir élémentaire.
Monsieur le président, je vous remercie à nouveau de m'avoir invitée à m'adresser au Comité, et je serai ravie de répondre à vos questions et de discuter avec vous.
Merci beaucoup, madame la ministre.
Je voulais aussi saluer MM. Tabbara et Angus, qui se joignent au Comité aujourd'hui. Nous sommes ravis de vous compter parmi nous, messieurs.
Nous allons faire une série de questions, puis j'offrirai à tous la possibilité de poser des questions pendant que la ministre est des nôtres. M. Nicholson sera le premier intervenant.
Merci beaucoup.
Merci d'être des nôtres aujourd'hui.
Vous vous rappelez sans doute, madame la ministre, qu'il y a eu beaucoup de discussions plus tôt cette année au Parlement, ainsi que des motions et des débats, concernant la protection de la liberté de religion. Le droit de pratiquer leur religion est un droit fondamental dont jouissent les Canadiens en vertu de la Charte et de la Constitution.
En prenant connaissance des détails du projet de loi, j'ai été étonné de constater qu'il retire, entre autres, la protection visant expressément les services religieux et les membres du clergé. J'ai remarqué que lorsque le projet de loi a été annoncé, cette modification n'a pas été mentionnée. On a simplement déclaré que la disposition était désuète et redondante, et qu'elle n'était plus pertinente.
D'après moi, la majorité des Canadiens sont d'accord avec moi que déranger, menacer ou interrompre un service religieux, peu importe lequel, est un acte grave qui mérite un article spécifique dans le Code criminel. À mon avis, la majorité des gens croient que ce n'est pas la même chose que de troubler la paix dans un stade ou que d'interrompre une réunion.
Pourquoi ne croyez-vous pas comme moi qu'en réalité, cet article est toujours pertinent?
Merci pour la question. Je me rappelle les discussions que nous avons eues.
Concernant l'article 176, comme je l'ai dit durant ma déclaration préliminaire, d'autres dispositions du Code criminel et infractions d'application générale visent tous les actes qui pourraient être commis à l'égard d'un officiant à l'intérieur d'un lieu de culte, comme les dispositions ou les infractions liées au trouble de la paix, aux agressions, aux menaces, aux dommages à la propriété ou à l'incitation à la haine.
Comme vous, je reconnais que la liberté de religion est un droit fondamental garanti par l'article 2 de la Charte des droits et libertés. Le projet de loi ne vise aucunement à apporter des changements à cet égard. Je sais et je suis certaine que les Canadiens pourront continuer à pratiquer leur religion sans crainte de violence et de trouble, grâce aux protections offertes par la Charte et aux infractions d'application générale prévues par le Code criminel. Le but est simplement de retirer les dispositions redondantes du Code criminel.
Je suis d'accord avec vous qu'une personne pourrait être accusée de méfait, d'avoir proféré des menaces ou d'agression, mais je ne comprends pas pourquoi la protection visant expressément les membres du clergé ou le droit de pratiquer sa religion est ciblée. Vous vous rappelez sûrement que la modification n'a pas été mentionnée au moment de l'annonce.
Fait intéressant, en avril dernier, un journal a signalé qu'il y avait eu une attaque à la basilique Saint-Patrick, sur la rue Kent. Quelqu'un a brisé le bras d'une statue de Jésus sur la croix juste avant la messe du soir. Une femme a été accusée d'avoir violé une condition de la mise en liberté par voie judiciaire et d'avoir troublé des offices religieux. La disposition n'est pas désuète; elle est toujours utilisée. C'est arrivé juste ici, à Ottawa, il y a cinq ou six mois.
J'ai donc l'intention de proposer un amendement — et j'espère que les membres du Comité l'appuieront — pour supprimer l'article qui retire la protection spéciale pour les services religieux. Le projet de loi contient beaucoup de très bons articles, par exemple, la codification et nombre des dispositions concernant les agressions sexuelles.
J'espère que vous prendrez mes observations en considération et que vous serez d'accord avec moi qu'il faut supprimer l'abrogation de l'article 176.
Merci pour vos questions supplémentaires. Comme je le dis chaque fois que je me joins à vous, je serai ravie de recevoir tout amendement qui vise à améliorer la mesure législative.
Comme le député le sait sûrement, des accusations ont été portées en vertu de l'article 176 que très peu de fois. Je connais l'affaire survenue à Ottawa dont il a parlé.
Les accusations portées en vertu de l'article 176 sont difficiles à prouver. En outre, l'article vise uniquement les membres du clergé ou les ministres de la religion chrétienne, et non les dirigeants d'autres religions. Je le répète — et le député s'est dit d'accord avec moi —, d'autres dispositions adéquates visent tous les actes qui pourraient être commis.
Permettez-moi de poser une autre question. Nous ferons un suivi, comme vous devez vous en douter.
Le tout premier article qui a été abrogé — cette modification n'a pas non plus été annoncée —, c'est l'article spécial selon lequel commet une infraction quiconque menace ou tente d'attaquer la chef d'État du Canada, la Reine. Ne trouvez-vous pas qu'en cette année du 65e anniversaire du règne de la Reine, le moment est mal choisi pour abroger une disposition visant expressément une personne comme elle, qui se démarque de toutes les personnalités publiques partout dans le monde par son bilan inégalé en matière de service public?
Dans ce cas aussi, je crois que la majorité des gens s'entendraient pour dire que tabasser quelqu'un dans un bar un soir n'est pas tout à fait aussi grave que de tenter d'attaquer la Reine, notre chef d'État. Dans de nombreux pays, un tel geste serait considéré comme un acte de trahison. Pourquoi trouvez-vous nécessaire d'abroger cet article cette année?
Nous avons procédé à un examen approfondi du Code criminel, en collaboration avec de nombreux universitaires. Nous avons tenu des tables rondes partout au pays, et des groupes de travail regroupant des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux se sont penchés sur le dossier.
Par rapport aux dispositions redondantes, l'infraction d'accomplir un acte dans l'intention d'alarmer Sa Majesté prévue à l'article 49 est une disposition historique qui a son origine dans l'Angleterre du milieu du XIXe siècle. Comme c'est le cas d'autres dispositions redondantes, nous sommes convaincus que d'autres infractions du Code criminel englobent ce type de comportement, qu'il soit question de menaces, d'agressions ou autres.
Vous conviendrez que cette femme est la chef d'État du Canada et que cette disposition la protège contre tout geste qui vise à lui causer des lésions corporelles ou qui est susceptible de le faire.
Je crois que la plupart des gens diront que c'est un geste plus grave que celui de menacer son voisin, même si ce n'est pas acceptable non plus. Une fois de plus, je crois que la plupart des gens seraient d'avis qu'on parle d'un tout autre niveau, surtout à un moment où la sécurité publique et la sécurité des personnages publics sont essentielles.
Je tiens à exprimer mon grand respect — et celui du gouvernement — envers Sa Majesté la Reine Elizabeth. Je dirais que cela ne nuit aucunement aux protections requises et aux infractions criminelles désignées. Je pourrais vous parler d'autres administrations du Commonwealth qui ont elles aussi abrogé ces dispositions, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence, madame la ministre.
Madame la ministre, au cours de la dernière semaine, on a vu passer le mot-clic #MoiAussi dans les médias sociaux. Des dizaines de milliers de femmes ont osé dire qu'elles avaient été victimes d'une agression sexuelle ou de harcèlement sexuel. C'est à contrecoeur que j'ai ajouté mon nom à cette liste. Pouvez-vous nous parler de l'incidence de ce mouvement sur les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel, dans le but d'aider ces dizaines de milliers de femmes?
Je connais bien la campagne #MoiAussi et je vous remercie d'avoir partagé votre expérience. Je dirais que cette campagne est d'une importance capitale. Certains députés en ont parlé aujourd'hui à la Chambre. Il faut que les victimes de violence sexuelle et de crimes sexuels dénoncent leurs agresseurs.
Le but du projet de loi C-51, par l'entremise des modifications aux dispositions sur les agressions sexuelles et les précisions apportées à la loi, est de faire tout en notre possible pour faciliter la tâche aux victimes de crimes qui veulent partager leur histoire. Les statistiques montrent que les victimes ne dénoncent pas leurs agresseurs autant qu'elles le devraient. Ce que nous pouvons faire par l'entremise de la modification du Code criminel — et c'est l'intention du projet de loi C-51 —, c'est de clarifier la loi sur le consentement et d'aborder la question de la divulgation et des preuves en ce qui a trait à l'utilisation du dossier des plaignants par les accusés.
Nous avons aussi pris des mesures importantes — depuis notre arrivée au pouvoir — pour veiller à offrir des ressources et services efficaces en matière de soutien aux victimes. Nous avons investi 12 millions de dollars à cette fin par l'entremise du Fonds d'aide aux victimes. Nous nous sommes aussi engagés à veiller à ce que les personnes qui siègent aux tribunaux supérieurs du pays reçoivent la formation nécessaire en vue de reconnaître les préjugés implicites.
Nous avons aussi investi autrement, notamment en travaillant avec la ministre de la Condition féminine à l'élaboration d'une stratégie de lutte contre la violence fondée sur le sexe qui vise à prévenir la violence et à veiller à ce que le système de justice pénale réponde aux besoins des victimes de violence sexuelle.
Une partie du débat émanant de la campagne #MoiAussi visait la définition du consentement, et le projet de loi C-51 aborde la question. Pouvez-vous nous dire quels sont les changements apportés à la loi sur le consentement et pourquoi vous les jugez importants?
Ce que nous voulons faire dans le projet de loi C-51, c'est de clarifier la loi en matière de consentement. De façon précise, les modifications associées aux agressions sexuelles et aux situations où il y a absence de consentement préciseraient qu'une personne inconsciente est incapable de consentir. De plus, dans un paragraphe distinct, on établirait tout aussi clairement qu'une personne peut être dans l'incapacité de consentir même si elle est consciente.
Ces modifications visent à refléter les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. J.A., dont j'ai parlé dans mon discours préliminaire, et à établir clairement la présence ou l'absence de consentement.
Une autre partie de la discussion vise les droits de l'accusé ou de toute personne qui porte des accusations d'agression sexuelle ou de harcèlement sexuel; on dit que ces droits sont diminués. Pouvez-vous nous expliquer comment on a tenu compte des droits de l'accusé dans la rédaction du projet de loi?
Nous avons tenu des consultations exhaustives et des tables rondes dans l'ensemble du pays. Nous avons organisé une table ronde avec les porte-parole des victimes et nous avons reconnu que pour que notre système de justice soit plus équitable, il fallait tenir compte des accusés et des victimes, et trouver le bon équilibre.
Pour atteindre cet équilibre, nous avons tenu compte du droit de l'accusé à un procès équitable. Nous en avons tenu compte lorsque nous avons songé à élargir la portée des dispositions sur la protection des victimes de viol, mais nous avons aussi reconnu la nécessité de respecter le droit à la vie privée du plaignant et les intérêts de la justice en ce qui a trait à la prise de décisions sur l'admissibilité. Nous avons tenu compte de nombreux intérêts essentiels dans le cadre de l'élaboration de ces dispositions.
Nous vous remercions d'avoir déployé ces efforts en vue d'aborder la question; nous vous remercions aussi pour l'ensemble de votre travail sur la violence fondée sur le sexe. Vous êtes une inspiration pour bon nombre d'entre nous.
Merci, monsieur le président. C'est un honneur pour moi de siéger à ce comité.
Mon oncle, qui habite dans votre circonscription, dit que vous êtes un type sympathique. Si mon oncle le dit, je suis du même avis.
C'est un honneur pour nous de vous recevoir, madame Wilson-Raybould. Vous faites un travail exceptionnel à titre de ministre de la Justice.
Aujourd'hui, je veux surtout parler de l'optique des genres et de son application pour les collectivités autochtones. Vous avez géré de nombreux portefeuilles. De façon particulière, en ce qui a trait à la campagne #MoiAussi, il me semble que l'obligation de l'État de prouver la conduite criminelle alléguée du défendeur est un principe fondamental. Or, lorsqu'on parle d'agression sexuelle, il faut toujours que les femmes prouvent elles-mêmes le bien-fondé de leur cause.
Dans certaines situations, on a recours à une tactique visant à « taper sur les plaignants », comme on le dit, c'est-à-dire qu'on remet en question la crédibilité de la victime. L'affaire Ghomeshi en est un bon exemple. Les violences qu'il a commises n'ont jamais été l'objet du procès. Le procès visait plutôt la crédibilité des femmes qui l'avaient dénoncé, après que la police a demandé aux témoins de se manifester.
Je ne sais pas si les dispositions sur le consentement que vous proposez en font assez pour protéger les femmes, pour les encourager à dénoncer leurs agresseurs, et pour veiller à ce qu'on maintienne un certain équilibre en ce qui a trait aux droits des défendeurs. Comment allons-nous régler cette question?
Je tiens tout d'abord à dire qu'il s'agit d'une question très importante. L'objectif que vous avez exprimé dans votre question est de faire tout en notre possible pour protéger les victimes d'agressions sexuelles, de créer un espace pour les aider à dénoncer leurs agresseurs; c'est un objectif partagé par tous les membres du Comité, je crois.
Dans le projet de loi C-51, nous avons voulu éclaircir la loi sur le consentement dans le Code criminel, élargir les dispositions sur la protection des victimes et reconnaître les deux mythes. Nous avons aussi voulu établir que les éléments de preuve sur le plaignant qui se trouvent dans le dossier personnel de l'accusé ne pouvaient pas être utilisés pour démontrer la propension du plaignant à une activité ou démontrer qu'il n'est pas digne de foi. Nous avons établi une procédure visant à tenir une discussion ou à obtenir des conseils sur le recours aux dossiers personnels ou privés du plaignant. De plus, la loi proposée prévoit d'offrir une représentation juridique au plaignant dans le cadre de ces procédures.
Nous avons encore beaucoup de travail à faire au-delà du projet de loi C-51. Je suis heureuse que le gouvernement ait entrepris un travail exhaustif à cet égard.
Merci.
Je suis heureux de vous entendre parler du besoin de mettre en place des ressources efficaces, surtout pour les personnes qui ont de la difficulté à accéder au système. La situation dans les collectivités autochtones, le manque de ressources qui fait en sorte par exemple que nous passions des mois avec les policiers à tenter d'obtenir des trousses de prélèvement en cas de viol, qui ne sont pas disponibles... Comment peut-on recueillir des preuves si on n'a même pas accès à ces trousses? Aucun de ces cas ne peut être présenté en cour. Ce sont des ressources de base auxquelles les collectivités que je représente n'ont pas accès.
Chaque année, le gouvernement ne finance qu'un seul refuge pour les femmes autochtones victimes de violence, et il n'y a rien au Nunavut. Étant donné l'ampleur du problème et l'isolement de ces collectivités, comment pouvons-nous mettre un terme au cycle de la violence si nous n'avons pas les ressources nécessaires pour aider les femmes à s'en sortir?
Nous voulons tous mettre un terme au cycle de la violence. Je vous entends et je reconnais votre travail en tant que porte-parole des collectivités éloignées.
Nous avons adopté plusieurs mesures. Est-ce qu'on peut en faire plus? Bien sûr que oui. Est-ce que nous nous engageons à faire tout en notre pouvoir pour aider les personnes qui dénoncent leurs agresseurs — parce qu'elles sont peu nombreuses à le faire dans les collectivités autochtones, comme vous le savez sûrement — et veiller à ce que les outils et mécanismes permettant d'établir une preuve soient disponibles, qu'il s'agisse de trousses de prélèvement en cas de viol, comme vous l'avez mentionné, ou d'autres ressources? Nous avons consacré 12 millions de dollars au Fonds d'aide aux victimes qui offre un soutien aux victimes d'agressions sexuelles. Nous avons lancé un projet pilote à Terre-Neuve.
Ce qui m'inquiète, c'est que si l'on revient à la base, par exemple au système d'aide à l'enfance ou au système de familles d'accueil, qui est déficient... C'est un chemin vers la rue pour les filles, et vers les gangs pour les garçons. Tina Fontaine... Vous parlez des enfants qui sont passés par ce système et qui ont été victimes de violence, mais vous vous en prenez au Tribunal des droits de la personne. Votre gouvernement a payé 1 million de dollars pour contester une ordonnance visant à mettre fin au sous-financement chronique qui met les jeunes hommes et les jeunes femmes à la rue, où ils se retrouvent dans des situations de violence.
Je ne comprends pas. Pourquoi ne respectez-vous pas cette ordonnance, pour mettre un terme au déni chronique de ces droits fondamentaux?
En ce qui a trait au soutien offert aux victimes d'agressions sexuelles et de violence sexuelle, je suis très fière des progrès réalisés par notre gouvernement pour aborder ces questions. Dans notre dernier budget, nous avons prévu un investissement de 100,9 millions de dollars dans une stratégie de lutte contre la violence fondée sur le sexe...
Vous avez traîné le Tribunal canadien des droits de la personne devant la Cour fédérale pour des enfants qui sont victimes d'un système de placement en famille d'accueil défaillant. Pourquoi mettre tout cet argent dans cette lutte devant les tribunaux alors qu'il pourrait servir à mettre fin à la discrimination systémique?
Monsieur Angus, nous nous sommes éloignés du projet de loi C-51, mais je vais laisser la ministre répondre à la question. Votre temps de parole est écoulé de toute façon; nous allons laisser la ministre répondre.
Sans entrer dans les détails de ce cas en particulier, nous nous sommes engagés à offrir le soutien nécessaire aux enfants des collectivités autochtones et je suis très heureuse de travailler en étroite collaboration avec la ministre des Services aux Autochtones, qui mène un travail acharné pour offrir aux collectivités les ressources dont elles ont besoin afin que les enfants autochtones aient les mêmes possibilités que les enfants non autochtones.
On ne pourra pas régler la question en quelques mois ou en quelques années; nous devrons tous faire des efforts pour veiller à ce que les collectivités autochtones aient accès aux ressources dont elles ont besoin au quotidien et puissent combler les écarts, que ce soit en matière de protection de l'enfance ou en matière d'éducation et de santé. Or, nous voulons aussi que les collectivités et les nations autochtones puissent se reconstruire et devenir autonomes, pour qu'elles aient compétence sur ces questions importantes et puissent tirer profit de l'engagement du premier ministre à établir une relation de nation à nation. Il faut la participation de toutes les parties.
Je sais que le député conviendra qu'il faut faire cette transition vers la reconnaissance des droits et vers la réconciliation avec les peuples autochtones.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais moi aussi parler de l'article 176. M. Nicholson a posé de très bonnes questions, et j'ai aimé vos réponses, qui étaient exhaustives. J'aimerais approfondir la question. Prenons par exemple l'alinéa 176(1)b):
b) sachant qu’un membre du clergé ou un ministre du culte est sur le point d’accomplir, ou est en route pour accomplir une fonction mentionnée à l’alinéa a), ou revient de l’accomplir:
(i) ou bien se porte à des voies de fait ou manifeste de la violence contre lui,
(ii) ou bien l’arrête sur un acte judiciaire au civil ou sous prétexte d’exécuter un tel acte.
Je trouve cela intéressant, parce que je n'ai pas l'impression, surtout en ce qui a trait à l'« acte judiciaire », que les protections offertes dans les cas de crimes haineux ou les autres cas dont vous avez parlé seraient équivalentes. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
J'espère avoir bien compris votre question. Elle diffère de celle posée par M. Nicholson.
En ce qui a trait à l'article 176, les protections offertes visent uniquement les membres du clergé et non les autres dirigeants religieux.
Je suis certaine que les infractions d'application générale s'appliqueraient aux situations et faits que vous avez soulignés en ce qui a trait à une personne qui troublerait la paix dans un lieu public ou près d'un tel lieu, qui commettrait une agression, qui proférerait des menaces, qui causerait des méfaits et qui inciterait à la haine de groupes identifiables. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, lorsque l'infraction est motivée par la haine, les préjugés ou la religion, il s'agit d'un facteur aggravant dans le cadre de la détermination de la peine.
L'abrogation de l'article 176 n'affecte pas la liberté de religion qui est protégée par la Charte, mais elle élimine une disposition redondante du Code criminel. Je crois — et on pourrait en dire autant d'autres dispositions du Code criminel — qu'on utilise le masculin pour faire référence aux membres du clergé. L'abrogation de l'article permettrait aussi d'éviter de favoriser un sexe par rapport à l'autre.
J'accepte tout cela.
Je pense que le libellé devrait être élargi pour couvrir toutes les religions, tous les sexes, etc. Je conviens avec vous qu'il existe dans le Code criminel, et ailleurs, de nombreuses dispositions visant à offrir une protection dans des situations de violence ou d'intimidation, ou de discours haineux et de crimes haineux. L'aspect intéressant, dans ce cas, c'est que cela se trouve en quelque sorte à établir un privilège pour les membres du clergé, qui ne peuvent se faire arrêter pour une infraction civile lors des déplacements liés à leurs activités régulières.
Je pense que c'est intéressant. Je ne sais pas s'il s'agit d'un aspect réellement important, mais il n'est pas couvert dans toutes les autres catégories que vous avez mentionnées.
Je comprends ce que vous dites concernant les déplacements.
En toute honnêteté, je n'ai pas de réponse précise à vous donner ce sujet — je vais m'informer auprès de mes fonctionnaires pour savoir s'ils en ont une —, mais c'est avec plaisir que je ferai un suivi sur cette question précise.
Merci. On dirait que nous jouons à « piégeons la ministre » aujourd'hui.
Vous pourriez simplement poursuivre et parler du libelle blasphématoire. L'article sur cette infraction sera abrogé. Nous pourrions en discuter davantage et expliquer en quoi cela protège les libertés religieuses, le cas échéant.
Je consultais simplement mes notes pour savoir à quel moment cette infraction a été créée. Ses origines précèdent notre Code criminel. Elle nous vient de l'Angleterre du XVIIe siècle, et elle visait les attaques contre le christianisme. Selon l'interprétation qui en a été faite, il doit y avoir une intention de publier un libelle susceptible de choquer ou d'indigner les croyants chrétiens et non les croyants des autres religions.
Comme nous l'avons indiqué plus tôt dans cette discussion, la Charte canadienne des droits protège le droit à l'égalité, la liberté de religion et de croyance et la liberté d'expression, et cette infraction ne reflète pas adéquatement ces valeurs. L'autre chose que je cherchais était la suivante: la dernière décision recensée pour cette infraction remonte à 1936. Les lois anglaises sur les infractions de blasphème ont été abrogées en 2008.
Manifestement, il subsiste beaucoup de lois étranges et obscures.
Je me demande comment vous avez procédé pour déterminer quelles lois devaient être abrogées. Je sais que dans certains cas, c'était parce qu'elles étaient jugées inconstitutionnelles.
Au cours des deux dernières années, et même avant, de nombreux intervenants — des universitaires, des gens du système de justice pénale — ont présenté des observations sur des dispositions précises du Code criminel.
Nous tenions particulièrement à discuter de cette question avec les universitaires. Nous avons tenu plus de 15 tables rondes concernant le Code criminel avec des experts en droit pénal de toutes les régions. Mes fonctionnaires ont participé à d'importantes discussions en groupes de travail avec leurs homologues provinciaux et territoriaux afin d'examiner le Code criminel de façon exhaustive et, de toute évidence, comme cela se reflète dans le projet de loi C-39, éliminer les dispositions inconstitutionnelles du Code criminel. En ce qui concerne le projet de loi C-51, nous avons examiné les dispositions redondantes et archaïques, en plus d'étudier les cas où les tribunaux inférieurs se sont penchés sur des articles précis afin d'inclure ces dispositions et de les abroger.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant poser des questions plus courtes. La ministre restera avec nous pour encore 17 minutes. Tentons de poser des questions plus brèves.
Je sais que M. Cooper et M. Fraser veulent prendre la parole, puis je vérifierai si d'autres se manifestent.
Monsieur Cooper.
Merci, monsieur le président.
Merci, madame la ministre.
Je constate que le projet de loi C-51 élimine en effet certains articles désuets du Code criminel. J'aimerais poser une question de nature plus générale sur les efforts entrepris par le gouvernement pour épurer le Code criminel. Vous avez indiqué qu'il s'agit d'une priorité du gouvernement.
Il y a un an, la déclaration de culpabilité de Travis Vader pour deux accusations de meurtre au deuxième degré — les meurtres de Lyle et Marie McCann, de St. Albert, en Alberta — a été annulée parce que le juge de première instance avait appliqué un article inopérant du Code criminel, article qui avait été jugé inconstitutionnel quelque 25 ans plus tôt.
Le Comité vous a écrit une lettre. En décembre, j'ai tenu une conférence de presse en compagnie de Bret McCann pour exhorter le gouvernement à éliminer les dispositions zombies, les dispositions inconstitutionnelles. Vous avez présenté le projet de loi C-39 le 8 mars, ce qui est tout à votre honneur, mais sept mois plus tard, il demeure bloqué à l'étape de la première lecture.
Qu'est-ce qui retarde le projet de loi C-39?
Je remercie le député de ses commentaires et de sa contribution à la lettre qui a été envoyée par le Comité concernant les dispositions zombies du Code criminel.
Je suis déterminée à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que le projet de loi C-39 franchisse toutes les étapes du processus parlementaire. Je tiens, comme vous, à l'abrogation de ces dispositions — l'article 230 du Code criminel — ainsi qu'à l'abrogation des autres dispositions inconstitutionnelles énumérées dans le projet de loi C-39, comme je tiens à l'adoption des autres projets de loi que je suis heureuse d'avoir eu l'occasion de présenter concernant la suramende compensatoire.
Le projet de loi C-39 était la première étape de l'épuration du Code criminel, tandis que le projet de loi C-51 est la deuxième étape. J'espère qu'ils seront adoptés le plus rapidement possible, car je suis tout aussi préoccupée que vous par le maintien de dispositions zombies dans le Code criminel et par la possibilité que des personnes soient accusées en vertu de dispositions qui ont été jugées inconstitutionnelles.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup, madame la ministre, d'être ici aujourd'hui. Je remercie également vos fonctionnaires.
Premièrement, je tiens à vous remercier de vos efforts dans la préparation de ce projet de loi et j'ai beaucoup aimé vos commentaires concernant la possibilité que les victimes ou les plaignants puissent se sentir plus à l'aise de se manifester en raison des mesures prévues dans ce projet de loi.
Puisque je viens de la Nouvelle-Écosse, je sais pertinemment que la population a à l'esprit une affaire judiciaire très médiatisée et des incidents qui ont suscité son intérêt à l'égard de cette importante discussion.
Concernant l'équilibre des droits des accusés et ceux des victimes ou des plaignants, j'aimerais aborder un sujet qui a déjà fait l'objet de discussions, soit les dossiers concernant le plaignant en la possession de la défense. D'après ce que je comprends, il sera possible d'avoir un voir-dire devant un juge, au cours duquel le juge se prononcera sur l'admissibilité de cette preuve.
À mon avis, il conviendrait que le plaignant ait la possibilité d'être représenté par un avocat lors d'une telle audience. Toutefois, je me demande si vous pourriez nous parler brièvement de la façon d'établir un équilibre entre le droit des accusés à un procès équitable et la possibilité de prévenir le plaignant, pour ainsi dire, des preuves qui pourraient être présentées en contre-interrogatoire, obligeant peut-être ainsi la personne accusée de modifier sa stratégie habituelle à cet égard pour la formulation d'hypothèses lors du contre-interrogatoire du témoin pendant le procès.
Comme il a été indiqué un peu plus tôt, nous cherchions à équilibrer les droits de l'accusé et ceux du plaignant, à reconnaître les difficultés qu'éprouvent les plaignants à se manifester et à faire notre possible pour leur venir en aide en élargissant la portée des dispositions sur la protection des victimes de viol dans les cas où l'accusé est en possession des dossiers personnels du plaignant. Comme je l'ai mentionné, une procédure de détermination de l'admissibilité de la preuve est prévue aux termes du projet de loi. Il ne s'agit pas d'une divulgation. Cela vise à déterminer quels types de dossiers personnels un juge pourrait juger admissibles. De toute évidence, aucun élément de preuve qui serait lié aux deux mythes que j'ai mentionnés plus tôt ne serait admissible, mais nous permettons la tenue d'un voir-dire pour que le juge puisse prendre ces décisions.
Dans la mesure législative, nous proposons d'offrir une représentation juridique au plaignant dans le cadre de ces procédures. Je suis heureuse que le Fonds d'aide aux victimes nous ait permis de financer, à Terre-Neuve, des projets pilotes pour offrir gratuitement des conseils juridiques aux victimes d'agression sexuelle ou de violence sexuelle.
M. Cooper a une autre question, mais juste avant, les députés qui souhaiteraient poser une question à la ministre pourraient-ils lever la main?
Nous passons maintenant à M. Cooper, suivi de M. Angus, ce qui nous amènera probablement à la fin de l'heure.
Monsieur Cooper.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais simplement rappeler à la ministre l'urgence d'adopter le projet de loi C-39. Ce qui s'est produit dans l'affaire McCann n'est pas unique. Cela s'était produit auparavant et ce n'est qu'une question de temps avant qu'un autre juge applique un article inopérant et qu'une autre famille se retrouve victime comme la famille McCann.
L'article 176 n'est pas inconstitutionnel. Sa constitutionnalité a été confirmée par les tribunaux. Il n'est pas désuet, étant donné que des individus ont été accusés et déclarés coupables en vertu de l'article 176 dans de multiples cas. De plus, il n'est pas redondant, en ce sens qu'il s'agit de la seule disposition du Code criminel qui vise directement à protéger le droit des gens de pratiquer librement leur religion.
Dans votre exposé, vous avez fait référence au fait que l'article 176 ne s'applique qu'à la foi chrétienne, mais le paragraphe 176(2) porte très clairement sur le fait de troubler des offices religieux ou des assemblées quelconques et, encore une fois, contient les termes « offices religieux », sans aucune mention du christianisme. À ma connaissance, aucun tribunal n'a interprété cet article comme visant uniquement la foi chrétienne. Vous vous êtes peut-être mal exprimée, ou vous pourriez nous donner des précisions sur les raisons pour lesquelles vous avez indiqué que l'article 176 s'applique à la foi chrétienne.
Encore une fois, je ne répéterai pas les motifs que j'ai mentionnés plus tôt concernant la redondance de l'article 176, mais les alinéas a) et b) traitent tous les deux des membres du clergé, et cela a été interprété comme étant des gens, des membres du clergé ou des ministres de la foi chrétienne, et nous ne voulons pas que cela se limite ou s'applique uniquement à ces gens.
J'aimerais poursuivre sur la question des protections offertes en cas de violence sexuelle, parce que nous avons affaire à des victimes qui ont des problèmes de santé mentale et des capacités intellectuelles réduites, des personnes pour lesquelles le système ne fonctionne tout simplement pas. Elles se retrouvent perdues dans ce système.
À l'inverse, beaucoup de gens qui finissent par devenir des défendeurs — des gens qui viennent d'un milieu dysfonctionnel, en particulier ceux qui ont été victimes de violence dans les communautés où ils ont grandi et qui se sont ensuite retrouvés à la rue — trouvent que le système ne semble pas être équitable à leur égard, qu'il ne leur permet pas d'obtenir justice et protection.
Votre ministère a-t-il porté une attention particulière à l'enjeu d'assurer l'équité tant pour les défendeurs que pour les plaignants dans les dossiers liés à la violence, en tenant compte des problèmes de santé mentale, des capacités intellectuelles réduites et du syndrome d'alcoolisation foetale? Dans le système judiciaire, quelles mesures doit-on prendre pour traiter de ces enjeux?
C'est un sujet qui nécessite qu'on s'y attarde longuement, et je serais heureuse de continuer de discuter avec vous des mesures importantes que nous avons prises dans le cadre de réformes élargies et exhaustives du système de justice pénale.
Pour moi, la réalité du système correctionnel c'est qu'environ 70 % des personnes qui sont dans le système de justice pénale sont des gens qui souffrent de problèmes de santé mentale et de dépendances et des personnes marginalisées. Il y a une surreprésentation absolument aberrante des Autochtones dans ce système. Je suis déterminée, grâce à la réforme exhaustive du système de justice que nous avons entreprise, à veiller à ce que la justice retrouve la place qui est la sienne dans notre système judiciaire, reconnaissant ainsi que nous devons assurer la sécurité publique, que nous devons respecter et appuyer les victimes de crimes et que nous devons respecter la Charte canadienne des droits et libertés.
J'ai hâte de présenter, en collaboration avec mes homologues des provinces et des territoires, d'importantes réformes du système judiciaire. Nous devons régler les problèmes de délais, mais il convient aussi de garder à l'esprit que nous devons faire mieux pour les gens qui se retrouvent dans le système de justice pénale — accusés et victimes de crimes — pour des raisons autres que d'être intrinsèquement des criminels.
J'appuie sans réserve la mise en place, pour les gens qui se retrouvent dans le système de justice, de voies de sortie nécessaires où ces gens pourraient recevoir les soins nécessaires. Cela pourrait être des traitements, la promotion des cercles de détermination de la peine ou encore des services de transition adaptés à la culture, par exemple, pour les délinquants autochtones.
La mise en place de mesures de justice réparatrice à l'échelle du pays est quelque chose qui me tient profondément à coeur et que j'espère, et que j'ai l'intention, de promouvoir davantage.
Merci. J'ai une brève question complémentaire.
Aucun politicien n'a jamais été élu en promettant la justice pour les gens qui sont dans le système de justice pénale. Cela exige des ressources considérables, en particulier dans le contexte d'un système judiciaire surchargé, des délais et des problèmes dans les prisons. Il faudrait un engagement majeur nous détourner d'une approche de répression de la criminalité et lutter intelligemment contre la criminalité.
Quelles ressources le ministère de la Justice devrait-il avoir pour que cela se concrétise?
Je travaille en étroite collaboration avec mon collègue, le ministre de la Sécurité publique. Nous avons demandé — et nous continuerons de demander — les ressources dont nous avons besoin pour apporter les changements que nous souhaitons au système de justice pénale.
Je travaille également en étroite collaboration, comme mes fonctionnaires d'ailleurs, avec mes homologues des provinces et des territoires, puisque l'administration de la justice est une responsabilité partagée. Je suis très satisfaite des priorités communes que nous avons cernées quant aux mesures importantes et audacieuses que nous pouvons prendre pour réduire les délais. Cela englobe les enquêtes préliminaires, les peines minimales obligatoires, les infractions contre l'administration de la justice et la réforme du cautionnement.
Certains aspects de la gestion judiciaire des instances pourraient aussi être examinés. Lors de la table fédérale-provinciale-territoriale, nous avons discuté des mesures à prendre pour nous améliorer à reconnaître les problèmes et à nous y attaquer, en plus d'offrir des services nécessaires. Nous savons fort bien qu'il faudra des ressources pour intervenir adéquatement auprès des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, des problèmes de dépendance ou qui sont atteintes du syndrome d'alcoolisation foetale.
Nous reconnaissons aussi que nous devons relever des défis qui ne sont pas nécessairement de nature criminelle, mais pour lesquels nous devons nous améliorer. Il s'agit notamment d'offrir aux gens des centres d'hébergement adéquats où ils peuvent habiter, se réadapter et entreprendre la transition vers le marché du travail. C'est une réalité et une approche qui touchent l'ensemble de l'appareil gouvernemental, et c'est un engagement nécessaire qui a été pris par notre gouvernement. J'ai hâte de travailler avec vous et avec tous les membres de ce comité pendant la mise en oeuvre de nos importantes réformes du système de justice pénale.
Merci beaucoup.
Chers collègues, pouvons-nous libérer les fonctionnaires en même temps que la ministre, ou avez-vous des questions distinctes pour elles?
Il n'y en a pas. Merci beaucoup, madame la ministre. Mesdames, je tiens aussi à vous remercier toutes les deux d'avoir accompagné la ministre. Je vous en suis très reconnaissant.
Chers collègues, nous allons faire une courte pause, puis nous reprendrons pour traiter de deux ou trois points très brefs concernant les travaux du Comité. Nous faisons maintenant une pause de cinq minutes.
Merci encore une fois, madame la ministre.
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