:
Merci de m'avoir invité à témoigner devant le Comité relativement au projet de loi . Je m'intéresserai plus particulièrement aux dispositions qui portent sur l'élimination de diverses dispositions du Code criminel, ainsi qu'aux diverses parties sur le renversement du fardeau de la preuve qu'elles renferment.
Je suis en faveur de ce projet de loi, mais j'aimerais expliquer mon appui en situant le projet de loi dans l'entreprise plus vaste dont il devrait être considéré uniquement comme une petite partie.
J'aimerais commencer par citer un ministre de la Justice:
Je crois que le temps est venu d'entreprendre un examen fondamental du Code criminel. Le code est devenu lourd, très difficile à suivre et dépassé dans nombreuses de ses dispositions.
C'est une citation non pas de la actuelle, mais bien du sénateur Jacques Flynn, lorsqu'il était ministre de la Justice, en 1979. Cela fait près de 40 ans que l'on a reconnu que notre code est fondamentalement lacunaire depuis longtemps. Depuis ce temps, les réformes fragmentaires qui ont été apportées ont empiré la situation.
C'est pourquoi je veux exhorter le Comité à viser plus loin que les seules propositions contenues dans le projet de loi. De toute évidence, c'est la question qui vous intéresse, et ces propositions sont en elles-mêmes utiles, mais le fait de les considérer comme les seules tâches à accomplir, c'est faire fi des problèmes fondamentaux qui existent depuis des décennies. Le dernier examen fondamental de notre Code criminel remonte à une époque qui précède ma naissance.
Permettez-moi de faire une déclaration qui va sembler exagérée, mais elle ne l'est pas. Le Canada n'a pas de code criminel. Un code est un acte qui définit toutes les lois pertinentes sur un sujet particulier, et, depuis sa création en 1892, notre code n'a jamais même prétendu faire cela.
Faute de temps, je vais m'intéresser tout particulièrement à une seule question. Il y en a de nombreuses, en fait, mais je vais me concentrer sur une seule d'entre elles. C'est qu'un code doit nous dire quels éléments de la preuve que la Couronne doit fournir afin qu'on puisse reconnaître une personne coupable d'une infraction. Sous un autre angle, il doit dire clairement aux gens quel comportement est contraire à la loi, de sorte qu'ils soient en mesure de ne pas l'enfreindre.
Notre code ne fait pas cela. Il n'a jamais essayé de le faire. En fait, la façon dont il est actuellement rédigé rend plus difficile— et non moins — le fait de déterminer les éléments constitutifs de nombreuses infractions. C'est la cause directe de l'ambiguïté, qui est incompatible avec la règle de droit.
Puisque je suis pressé par le temps, je vais me concentrer uniquement sur une question particulière, soit l'absence de ce qu'on appelle une « partie générale » dans notre Code criminel. La partie générale est une caractéristique commune des codes criminels du monde entier. Entre autres choses, elle définit les états mentaux qu'une personne doit présenter avant qu'on puisse la reconnaître coupable d'un crime. La notion selon laquelle un crime exige un acte coupable et une intention coupable est très bien connue. En règle générale, notre Code criminel ne nous dit pas quelles sont les exigences liées à l'intention coupable des infractions. Il n'a rien qui soit semblable, par exemple, à l'article 15 du code pénal allemand, selon lequel, à moins que la loi ne prévoie expressément la responsabilité pénale fondée sur la négligence, seul un comportement délibéré entraîne la responsabilité pénale. Le défaut de notre code de franchir ce pas fondamental et évident a des conséquences très réelles.
Je vais prendre comme exemple l'article 176, simplement parce que c'est de cet article que des gens sont venus parler ici. De mon point de vue, c'est un article aléatoire qui n'est particulièrement ni pire ni meilleur que n'importe quel autre. Il illustre simplement le type de problèmes qui sont soulevés.
Voici une question très fondamentale. Elle concerne les infractions liées aux membres du clergé dans le libellé de l'article. Pour qu'un accusé puisse être reconnu coupable de l'une de ces infractions, la Couronne doit-elle prouver que l'accusé savait que ses actions étaient dirigées vers un membre du clergé? À l'alinéa 176(1)b), la réponse est clairement « oui ». L'alinéa dit « sachant qu'un membre du clergé »; cela nous dit donc qu'une connaissance est requise. Par ailleurs, l'alinéa 176(1)a) mentionne seulement le fait de gêner un membre du clergé, sans parler du fait de savoir si une connaissance est ou non requise.
Suffit-il que la personne gênée soit en fait un membre du clergé, ou la Couronne doit-elle prouver que l'accusé le savait? Par ailleurs, nous pourrions dire qu'un article parle de la connaissance, et l'autre, non, c'est donc une différence évidente entre les deux. Le problème, c'est que la Cour suprême du Canada nous a dit de présumer que chaque article du Code criminel exige la connaissance; cela nous mène donc à la conclusion que ces deux articles exigent une connaissance. Mais si tel est le cas, pourquoi prend-on la peine, dans l'un d'eux, de dire que cette connaissance était exigée alors que nous allions présumer que la connaissance était exigée même si cela n'avait pas été dit?
Peu importe la façon dont on examine l'article, il y aura des incohérences, ce qui rendra impossible de savoir à l'avance ce que signifie l'article. Ce qui exacerbe le problème selon lequel la plupart du temps le Code ne nous dit pas quels états mentaux sont présents, c'est que, parfois, il le fait; mais, quand il le fait, il utilise des formulations incohérentes et contradictoires pour le faire.
Une autre partie de l'article 176 porte sur le fait de « volontairement » troubler une assemblée de personnes réunies pour des offices religieux. En tant que personne qui a étudié de près le Code criminel pendant 30 ans, je peux dire avec confiance que je n'ai aucune idée de ce que cela veut dire. Parfois, lorsque le Code criminel utilise le mot « volontairement », cela veut dire que l'acte commis par la personne était intentionnel. Parfois, cela veut dire que ce n'était pas l'acte qui était intentionnel, mais la conséquence de cet acte qui l'était. Parfois, cela veut dire que, peu importe si l'acte était ou non intentionnel, ou que la conséquence l'était ou non, l'accusé a été imprudent par rapport à cet acte; et, parfois, le mot « volontairement » signifie que l'accusé n'a pas pensé à quelque chose lorsqu'il aurait été approprié de le faire.
Le Code même utilise exactement le même mot pour signifier au moins cinq choses différentes, selon l'article du Code que vous examinez, et cela, de mon point de vue, illustre la nature insidieuse du problème. Si vous lisez simplement l'article 176, à première vue, il n'y a rien d'incorrect. Ce problème n'est pas évident si l'on examine l'article 176; c'est un problème qui se manifeste seulement lorsque vous examinez le Code dans son ensemble et voyez les incohérences dans la façon dont les choses sont faites.
Comme je le dis, j'ai choisi l'article 176 surtout au hasard. C'est une disposition obscure, et, de toute évidence, elle n'a pas d'effet énorme sur les rouages quotidiens du système de justice pénale, mais ce problème — et des problèmes semblables — survient pratiquement partout dans le Code, et ce, pour des infractions aussi routinières et courantes que les voies de fait et le vol, lesquelles, à elles deux, représentent environ 20 % des affaires du système de justice pénale. Ces problèmes ont une incidence très réelle.
Voici un autre exemple de problèmes causés par l'absence d'une partie générale. Disons qu'on demande à une personne d'aider à faire la contrebande de cigarettes dans le pays sans payer de droits, ce qui est une infraction relativement mineure, mais, qu'en fait, celle-ci aide sans le savoir à faire la contrebande de cocaïne dans le pays, ce qui est une infraction beaucoup plus grave. De quelle infraction cette personne devrait-elle être reconnue coupable? L'infraction qu'elle a commise dans les faits ou l'infraction moins grave qu'elle croyait commettre?
Eh bien, de nouveau, peu importe que vous croyiez qu'elle devrait être accusée au titre de l'infraction plus grave ou de l'infraction moins grave, il serait à tout le moins bon de savoir ce que dit la loi au Canada. Le paragraphe 16(2) du code pénal allemand dit que la personne est seulement coupable de l'infraction la moins grave. Au Canada...? Eh bien, en 1965, la Cour d'appel du Yukon semblait avoir laissé entendre que la personne serait reconnue coupable de l'infraction la plus grave. En 1971, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique semble avoir laissé entendre que la personne serait reconnue coupable de l'infraction la moins grave.
En 1976, la Cour suprême du Canada a eu l'occasion de régler la question, mais, en réalité, elle ne l'a pas fait, donc nous ne le savons tout simplement pas. Il n'y a pas de réponse à cette question dans le droit canadien. Cela se produit, et vous devez simplement deviner.
La Cour suprême du Canada a dit ce qui suit:
Si un accusé doit attendre « qu'un tribunal décide de l'étendue d'une infraction, il est alors traité de façon injuste et contraire aux principes de justice fondamentale » [...]
Toutefois, il demeure que, la plupart du temps, le Code criminel ne définit pas l'étendue des infractions, et nous devons attendre qu'un tribunal le fasse. Il s'agit seulement d'un angle mort. Nous nous démenons simplement tous, en prétendant que ce n'est pas vrai.
C'est pourquoi je dis qu'il est nécessaire d'entreprendre une tâche beaucoup plus grande que le simple fait de retirer certains articles particuliers du Code. Les grands problèmes systémiques auxquels nous faisons face ne peuvent être rafistolés.
Oui, ça vaut la peine qu'on retire ces articles, mais ce retrait aura uniquement une incidence mineure pour ce qui est de mettre à jour notre code. Il est maintenant littéralement impossible d'ajouter n'importe quelle nouvelle disposition à ce code d'une façon qui n'entre pas en contradiction avec d'autres parties du Code criminel ni ne crée des incohérences avec une autre partie de celui-ci.
Seul un examen important, y compris l'inclusion d'une partie générale, peut régler ce problème.
Merci.
Je vais utiliser une déclaration préparée qui a été remise au Conseil canadien des Églises au début et je vais parler précisément de l'article 14 et du retrait de l'article 176.
[Français]
Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner devant le Comité. Nous apprécions votre volonté de nous contacter, et nous félicitons le Comité pour avoir communiqué avec les organisations représentatives dont les membres sont visés par ce projet de loi.
[Traduction]
Nous aimerions commencer par reconnaître que le sol sur lequel nous nous réunissons aujourd’hui est le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin. En outre, presque chaque communauté du Canada est le milieu de vie de communautés de foi chrétienne rattachées à une église membre du Conseil canadien des Églises. Nous reconnaissons donc également que le Conseil canadien des Églises et ses membres vivent, travaillent et célèbrent sur les territoires des peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de ce pays.
[Français]
Le Conseil canadien des Églises, ou CCE, est l'organisme oecuménique le plus large et le plus englobant au monde: il représente actuellement 25 Églises de tradition anglicane et évangélique, Églises libres, orthodoxes de l'Est et orthodoxes orientales, protestantes et catholiques. Dans son ensemble, le CCE comprend 85 % des chrétiens du Canada qui professent leur appartenance à une Église.
Le Conseil canadien des Églises a été fondé en 1944.
[Traduction]
Le Conseil canadien des Églises participe également au Dialogue interreligieux canadien, dont la Charte en sa vision stipule que « l’identité et la pratique religieuses sont profondément ancrées dans la vie du Canada et des Canadiens » et donc « représente ce désir de plaider en faveur de la religion dans une société pluraliste et dans la vie publique canadienne. Ensemble, nous désirons promouvoir l’harmonie et une réflexion religieuse parmi les religions et les communautés religieuses du Canada, renforcer les fondations morales de notre société et œuvrer en vue d’une plus grande prise de conscience ayant trait aux libertés fondamentales de conscience et de religion en vue du bien commun et de la participation des citoyens. »
C'est l'introduction. Je vais maintenant dire quelques mots sur le contexte et la pertinence.
[Français]
Demain, ce sera le jour de la Réforme. Cela fera 500 ans que Martin Luther a perturbé l'Église chrétienne en Europe, qu'il a été empêché de célébrer l'office divin et qu'il a été arrêté alors qu'il allait exercer ses fonctions ou qu'il en revenait. Cette année, les Églises catholique romaine et luthérienne vont tenir des célébrations commémoratives sous le thème « Du conflit à la communion ».
Par le passé, Martin Luther King a incarné et conduit un mouvement des droits civils enraciné dans sa pratique religieuse personnelle et celle de sa communauté. Lui-même et sa communauté, un groupe de personnes se réunissant à des fins morales, sociales et de bienfaisance, ont été dérangés et interrompus à de nombreuses reprises.
[Traduction]
À Turtle Island, au Canada, Dan Cranmer a tenu un potlatch sur la côte de la Colombie-Britannique dans le village de 'Mimkwamlis, à Noël 1921, et il a été arrêté. Le colonialisme est un obstacle à la liberté religieuse. De 2010 à 2013, Statistique Canada a signalé une moyenne de 67 incidents par année rapportés par la police concernant des méfaits motivés par la haine en lien avec la propriété religieuse.
L’expression religieuse est un élément central de l’identité et des valeurs de toutes les personnes du Canada ayant des convictions religieuses. Dans toutes les traditions religieuses dans le monde, le chef religieux est indispensable lorsqu’il s’agit de célébrer ou d’accomplir des cérémonies ou des rites religieux. Lorsqu’ils font illégalement face à de l’obstruction ou un empêchement alors qu’ils ont à célébrer ou à exercer toute autre fonction reliée à leur appel, c’est toute une communauté religieuse qui subit un préjudice. Étant donné l’importance permanente de la foi et du leadership religieux dans la vie d’un grand nombre de personnes au Canada, nous disons respectueusement que la section 176 du Code criminel n’est ni redondante ni obsolète.
:
Monsieur le président et chers membres du Comité, voici nos recommandations.
Les membres du Conseil canadien des Églises ne sont pas du même avis pour ce qui est de conserver ou non la section 176 du Code criminel. À dire vrai, plusieurs membres du Conseil canadien des Églises n’ont pas été avertis dans un délai convenable quant à l’importante et imminente action contenue dans le projet de loi C-51.
Les membres du Conseil canadien des Églises sont toutefois du même avis en ce qui concerne à la fois le devoir qu’a le gouvernement du Canada de respecter et de protéger les libertés fondamentales de conscience et de religion, de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, ainsi que celui de veiller à ce qu’il n’y ait aucun traitement préférentiel dans le Code criminel en faveur d’une religion particulière, mais plutôt de favoriser la reconnaissance d’un pluralisme ouvert et robuste dans la société canadienne.
Advenant que le gouvernement du Canada maintienne l'article 176 du Code criminel, nous recommandons que la référence à « membre du clergé ou un ministre du culte » soit mise à jour pour inclure toutes les traditions religieuses soit au moyen d'une définition insérée se rapportant aux responsables religieux et spirituels de toutes les traditions religieuses, y compris les spiritualités autochtones, ou encore en remplaçant « membre du clergé ou un ministre du culte » par l’expression « responsables ou chefs religieux ou spirituels ». Nous recommandons en outre qu’une consultation soit menée auprès des chefs religieux, y compris les chefs spirituels autochtones, quant à la meilleure manière de définir une interprétation inclusive dans la loi en ce qui a trait aux responsables ou aux chefs religieux ou spirituels. Ensuite, nous recommandons que le libellé spécifiquement mis au masculin soit changé selon qu’il est fait référence à des responsables religieux ou spirituels masculins ou féminins, ou qu’un langage neutre soit utilisé.
De plus, nous aimerions encourager à nouveau le gouvernement du Canada à établir des relations de travail régulières avec les chefs religieux du Canada, soit à compter de l’établissement d’une table ronde des chefs religieux ou encore de relations de travail avec des organismes représentatifs tels le Dialogue interreligieux canadien, le Conseil canadien des Églises, l’Alliance évangélique du Canada et d'autres organismes représentatifs. À une époque de réconciliation, un tel dialogue doit assurément inclure les aînés et les chefs spirituels autochtones. La foi mettant l’accent sur le bien commun est un élément important du dialogue public dans un Canada contemporain à la réalité diversifiée.
Pour conclure, la préoccupation première du Conseil canadien des Églises est le droit à la liberté de religion et à la liberté de culte des communautés religieuses, y compris les rassemblements à des fins morales, sociales ou de bienfaisance. Il s’agit non pas de privilégier le christianisme, mais bien d’assurer une coexistence pacifique dans une société pluraliste.
Nous ne préconisons pas une situation de privilège ou de domination pour des communautés religieuses ou des chefs religieux, mais demandons plutôt que soit assurée la liberté de tous ceux qui se rassemblent pour leurs célébrations religieuses.
Merci. Thank you. Meegwetch.
:
L'article 176 n'est pas redondant. La jurisprudence existante concernant cet article nous montre que la nature du trouble compte. Au titre de l'alinéa 175(1)a), pour que la paix soit troublée, par exemple, il doit y avoir des bruits forts ou nocifs, ou une personne doit crier, vociférer, jurer ou employer un langage obscène, mais ce ne sont pas toutes les façons de troubler la paix des assemblées religieuses qui feront intervenir l'article 175. Il y a des façons de troubler la paix qui sont profondément dérangeantes, bouleversantes et même effrayantes pour les fidèles qui ne supposent aucun contact physique ni aucun bruit fort ou nocif, et, dans ces cas, les paragraphes 176(2) et 176(3) offrent la protection et l'assurance nécessaires.
C'est illustré dans les décisions de tribunaux de la Colombie-Britannique concernant Joseph Reed, qui a, à de nombreuses occasions, perturbé les services de témoins de Jéhovah. Au départ, M. Reed a utilisé un mégaphone lorsqu'il a perturbé les assemblées. Il a été accusé et reconnu coupable dans ces cas en vertu de l'article 175. Par la suite, il a délibérément perturbé et interrompu des réunions de témoins de Jéhovah plusieurs autres fois, mais sans faire trop de bruit.
Il a été accusé d'autres infractions, comme celle de voies de fait, parce que ses perturbations comprenaient une diversité de comportements et de tactiques, mais il a aussi été accusé et reconnu coupable d'avoir perturbé un service religieux. Les accusations portées en vertu de l'article 176 reflètent la nature de la perturbation, et, fait important, l'intention de ses actions, qui visaient, dans chaque cas, à perturber volontairement les services religieux.
Dans une décision de 1985, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a dit ce qui suit:
Il n'y a aucune allégation selon laquelle M. Reed hurlait, criait ou causait trop de bruit. Toutefois, ce n'est pas une condition préalable à l'application du paragraphe 172(2). Quiconque trouble ou interrompt une assemblée de personnes réunies pour des offices religieux, peu importe le motif, commet une infraction.
Dans une décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique rendue en 1994, Mme la juge Proudfoot a déclaré ce qui suit:
En vertu de l'alinéa 175(1)a), est coupable d'une infraction quiconque trouble la paix dans un endroit public ou près d'un tel endroit. Selon l'article 176, est coupable d'une infraction quiconque, volontairement, trouble ou interrompt une assemblée de personnes réunies pour des offices religieux ou quiconque fait volontairement quelque chose qui en trouble l'ordre ou la solennité. À mon avis, les articles sont assez différents. L'article 176 cible précisément l'interférence avec des services ou des offices religieux, mais l'article 175 traite d'une diversité de problèmes.
Nous sommes d'avis que les paragraphes 176(2) et 176(3) offrent une protection unique et particulière contre la perturbation des rassemblements religieux qui n'est pas offerte dans d'autres articles du Code criminel; par conséquent, ils devraient être maintenus.
L'article 176 confère aussi une protection unique aux services religieux dans les lieux publics. Les paragraphes 176(2) et 176(3) procurent une protection unique pour des choses comme une procession religieuse dans la rue, une enceinte rituelle juive dans un lieu public, ou un service dans un parc, particulièrement dans des cas où les critères de l'alinéa 175(1)a) ne sont pas satisfaits. Le retrait de cet article éliminerait inutilement la protection explicite des rassemblements et des responsables religieux et saperait l'assurance d'adeptes d'une certaine religion selon laquelle ils peuvent se réunir en toute sécurité.
Ensuite, le retrait de l'article 176 va réduire la protection de la liberté religieuse. Dans ses déclarations devant le présent comité, la a dit que le retrait de cette disposition ne nuirait en aucun cas à la liberté religieuse des gens. Bien que nous comprenions que cela ne soit peut-être pas l'intention, nous estimons que le retrait de cette disposition aura cet effet.
Ainsi que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique l'a conclu en 1994, « le paragraphe 176(3) protège la liberté de religion de personnes "réunies pour des offices religieux" ».
Dans une décision antérieure de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, on a affirmé ce qui suit: « Des choses comme la liberté de réunion et la liberté d'association, qui figurent également dans la Charte, pourraient être dénuées de sens sans la protection que confère le paragraphe 172(2). » C'est maintenant le paragraphe 176(2).
Qui plus est, une telle mesure semble incohérente avec d'autres efforts du gouvernement visant à augmenter la protection des communautés religieuses et à faire face à la haine et à la discrimination, comme le projet de loi C-305 et la motion M-103. Le retrait du Code criminel d'une protection particulière pour les responsables et les rassemblements religieux envoie alors un message confus et contradictoire aux communautés confessionnelles au Canada, dont un grand nombre se sentent particulièrement et de plus en plus vulnérables.
Les réunions de communautés religieuses sont une expression fondamentale des croyances et de la pratique et un résultat de la liberté religieuse. L'article 176 protège tout particulièrement les droits des personnes de pratiquer librement cet élément essentiel de leurs croyances et de leurs pratiques religieuses ensemble.
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Enfin, et de façon importante pour de nombreuses communautés confessionnelles au Canada, le retrait de l'article 176 transmettrait un manque de compréhension et de reconnaissance de la valeur et de l'unicité des rassemblements religieux. Les rassemblements religieux sont distincts sur les plans de la nature et de l'objet. Ils ne sont tout simplement pas comme d'autres rassemblements publics ou assemblées de personnes, et une attaque contre un responsable ou un rassemblement religieux est également distinct sur les plans de la nature et de l'objet.
Par conséquent, nous faisons valoir que c'est un objectif non seulement valide, mais aussi important, et que le législateur et le Code criminel doivent continuer de le traiter de la sorte. Comme le souligne le Rapporteur's Digest on the Freedom of Religion and Belief, « les membres de communautés religieuses ou de communautés de conviction, lorsqu’ils se trouvent dans un lieu de culte, sont particulièrement vulnérables du fait même de la nature de leur activité ».
Une infraction commise contre des personnes dans des lieux de culte se répercute dans l'ensemble de la communauté et touche chaque membre. Une infraction commise contre une confession dans des lieux de culte a des répercussions sur tous les croyants. La Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction signale aussi que « les attaques ou restrictions dont font l’objet les lieux de culte ou autres sites et sanctuaires religieux se distinguent des autres formes de violations du droit à la liberté de religion ou de conviction en ce qu’elles constituent souvent une violation du droit non pas d’un seul individu, mais des droits d’un groupe d’individus constituant la communauté associée à ces lieux ». Notre foi et toute autre foi expriment une vision particulière de la façon dont la vie devrait être vécue. Pour de nombreuses personnes, c'est l'engagement ultime à l'égard d'un être divin ou d'une force qui fournit une direction personnelle et communale à la vie. Pour de nombreux croyants, les rassemblements de sociétés réunissant des croyants aux vues similaires à des fins de réflexion, de contemplation, de communion, d'enseignement et de culte font partie de cette foi. Cela compte.
La protection particulière que procure l'article 176 reconnaît qu'il y a quelque chose de différent, de distinct et d'utile au sujet de la pratique religieuse. L'article reconnaît qu'il y a un bien qui est digne d'une protection particulière et explicite. Le retrait de cette protection minerait cette reconnaissance ainsi que la valeur et la place des croyances et de la pratique religieuses au Canada. La ministre a exprimé une préoccupation selon laquelle le libellé du paragraphe 176(1) concerne précisément la foi chrétienne ou le clergé chrétien. Nous croyons qu'il devrait être indiqué clairement que cette protection s'adresse à l'ensemble des communautés confessionnelles. Nous avons deux recommandations à l'intention du Comité.
La première, c'est qu'on modifie le projet de loi de manière à conserver l'article 176, et la deuxième, c'est que le libellé des alinéas 176(1)a) et 176(1)b) soit modifié de manière à ce qu'il indique clairement que cette protection particulière s'applique aux chefs de toutes les communautés confessionnelles. Par conséquent, les mots « membre du clergé ou ministre » pourraient être remplacés par une expression comme « responsable ou chef religieux ».
L'article 176 n'est pas redondant. Il procure une protection unique et une forme d'expression unique. Nous vous pressons de modifier le projet de loi afin qu'on puisse respecter la garantie de la Charte à l'égard de la liberté religieuse et maintenir la protection de l'intégrité et de la sécurité du culte religieux au Canada.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord poser des questions à l'Alliance évangélique du Canada.
Je dois admettre, que quand le projet de loi a été présenté, la partie concernant l'abrogation de l'article 176 était toute petite. Vu la taille du projet de loi, c'est plutôt facile de ne pas la remarquer. Nous avons commencé à recevoir beaucoup de messages à mon bureau — et je suis sûr que c'est aussi le cas pour bon nombre de députés de la Chambre des communes — de la part de gens préoccupés par cela. Je ne sais toujours pas quoi penser de l'article 176.
J'ai énormément de respect envers la Constitution et la Charte des droits et libertés et je comprends le fait que les libertés fondamentales, y compris la liberté de croyance, entre autres, nous permettent de façon très importante de protéger tout ce que nous faisons. Cependant, dans ce contexte, il est rare qu'on mentionne aussi l'article 15 de la Charte, les droits à l'égalité. Cet article indique que tous les Canadiens ont le droit de ne pas être victimes de discrimination, notamment « fondée sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques ».
Ce ne sont pas tous les Canadiens qui ont des croyances religieuses ou spirituelles, mais un grand nombre de Canadiens s'identifient très fortement aux groupes que j'ai mentionnés, probablement autant que les gens qui ont la foi. Ils font partie de leur communauté. Prenez par exemple les communautés raciales, où les gens peuvent être à l'aise avec des gens auxquels ils s'identifient. Nous savons que les gens d'autres orientations sexuelles ont parfois besoin de ces communautés. Pour eux, ce sont des refuges. Cependant, le Code criminel ne comprend aucun article en particulier concernant ce qui arrive lorsque quelqu'un trouble l'une de leurs réunions.
Il est question ici des droits à l'égalité, et le fait est que bon nombre de ces infractions peuvent être réglées par d'autres dispositions du Code criminel. Le tribunal peut, par exemple, infliger des peines plus lourdes si le crime est motivé par la haine. J'aimerais connaître votre opinion concernant l'article 15, les droits à l'égalité, et la façon dont il serait possible d'appliquer le Code criminel de façon égale à tous en fonction de tous ces facteurs.
Je veux souligner qu'il n'est pas entièrement exact de dire que la religion jouit d'une protection spéciale. Dans les faits, l'alinéa 2a) de la Charte protège la liberté de conscience et de religion, et comme M. MacGregor l'a souligné, la conscience y est sur le même pied.
Je sais que l'argument avancé est que l'article couvre certaines choses particulières, contrairement aux autres articles. D'après ce que j'ai compris, ce qu'on avance c'est qu'il y aurait peut-être dans l'article des éléments qui correspondent à la définition de « troubler l'ordre public » qu'on ne retrouve pas dans d'autres. À nouveau, cela met en relief ce que je dis à propos du fait que notre code n'est pas tenu à jour. De fait, la Cour suprême du Canada, en 1985, dans l'arrêt Skoke-Graham c. la Reine, selon mon interprétation, semble avoir conclu que les mêmes normes s'imposent pour dire que quelqu'un trouble la paix, qu'il s'agisse de troubler une assemblée religieuse ou quelque chose d'autre. Selon mon interprétation, la toute petite différence qui pourrait exister n'est pas là, mais ce n'est pas un sujet que j'ai étudié en profondeur.
Même s'il y avait une légère différence, je crois surtout que la question à laquelle devrait s'intéresser le Comité est de savoir non pas comment il peut supprimer l'article, mais plutôt ce qui doit figurer dans un code criminel approprié. Qu'est-ce qui est si important que nous ne pouvons pas nous en passer? Qu'est-ce qui cause un préjudice si grand qu'il doit figurer au Code criminel et qui ne peut pas être réglé par une approche autre que la criminalisation?
Je crois que ce serait la bonne direction à prendre, à dire vrai, et pas seulement en ce qui concerne l'article 176 ou les autres dispositions qu'on propose d'éliminer dans ce projet de loi. C'est approprié pour tout le Code criminel. Qu'est-ce qui doit y figurer absolument? Voilà comment vous déterminez ce que vous devez garder. Voilà la question que vous devez vous poser.
:
Merci beaucoup. Je vous remercie de vos témoignages.
J'ai grandi à Morinville, en Alberta, où l'Église catholique était bien présente. J'étais servant de messe et j'ai même pu utiliser l'orgue de l'église, car celui que j'avais à la maison n'avait qu'un pédalier — un octave de pédales — au lieu de deux. Un membre distingué du clergé est venu me rencontrer au sujet de l'article 176 cet été. C'est ainsi que nous avons commencé à faire une recherche. Je n'aborde pas cette question d'un point de vue juridique. Je l'aborde plutôt en fonction de la tâche que nous devons accomplir et qui consiste à épurer le Code criminel.
Ma question s'adresse à vous tous: quels droits perdez-vous? Comment les membres du clergé et tous les autres fidèles seront-ils affectés par le retrait de l'article 176? D'après mon interprétation du Code, ils sont protégés. Les protections assurées par l'article 176 sont également offertes par l'alinéa 2a) de la Charte, qui donne aux juges une interprétation élargie pour toute question connexe. Regardons ensemble le Code: l'article 175 parle de troubler la paix; les articles 265 à 268, de toute forme de voies de fait; l'article 264.1, de la profération de menaces; et les articles 318 et 319, de la propagande haineuse, dispositions qui interdisent toute conduite qui incite à la violence contre un groupe identifiable, dont les groupes qui se différencient par la religion. Il y a aussi les dispositions relatives au méfait dont il a été question plus tôt.
J'adore les données. Nous avons demandé à la Bibliothèque du Parlement de se pencher sur les données, et l'on a extrait toutes les données sur l'article 176 recueillies entre 2001 et 2014-2015. Dans l'ensemble du pays, il y a eu 30 procès concernant l'article 176. Dans 25 cas, les accusations ont été suspendues ou annulées. Seules trois poursuites ont mené à une condamnation. Le procès le plus récent mené ici à Ottawa n'ira probablement pas de l'avant, car la personne accusée était atteinte d'un trouble mental, et le prêtre de Saint Patrick a affirmé que ce n'était pas juste et que l'on n'avait pas l'intention de se rendre là.
Pourquoi les communautés religieuses seraient-elles davantage à risque si l'article 176 était retiré, compte tenu de la grande protection que vous garantissent le Code criminel et la Charte?
:
Oui. Dans la vraie vie, ce n'est pas l'article 176 qui est appliqué la plupart du temps, et la probabilité varie d'une province à l'autre.
Dans sept provinces et, je crois, dans les trois territoires, la décision de porter des accusations est prise non pas par un procureur de la Couronne, mais bien par un policier. C'est le policier qui détermine les accusations à porter. En effet, la Cour suprême du Canada a souvent répété que nous ne voulons pas que la police applique le droit criminel à sa discrétion pour déterminer si quelque chose est légal ou non. Plus le pouvoir discrétionnaire est large, moins l'application de la loi est uniforme, et c'est pourquoi nous voulons que les lois soient le plus claires possible. C'est seulement dans trois provinces sur dix que la décision est prise par un procureur de la Couronne.
Si je me souviens bien des chiffres de Statistique Canada, seuls 10 types d'infractions comptent pour 70 % de toutes les accusations portées, il s'agit entre autres de voies de fait ou de voies de fait causant des lésions corporelles. Dix types d'infractions comptent pour 70 % des accusations. Il est rare qu'un policier se demande quel type d'accusations porter. La plupart du temps, il le sait déjà. C'est une infraction qu'il connaît.
Dans les rares cas où un policier doit faire une recherche, il parcourt simplement le Code et tente de trouver la description qui convient le mieux. Une des dispositions qui est retirée du Code par le projet de loi concerne la pratique de la sorcellerie. Personne n'a été condamné pour cela depuis au moins 30 ou 40 ans, et, il y a environ six mois, un policier de Toronto a porté cette accusation. À un certain niveau, les infractions moins connues font l'objet d'un certain hasard. Quelqu'un regarde l'index du Code, fait une recherche en ligne et tente de déterminer l'infraction. Il est possible que la Couronne examine la question et affirme que l'accusation portée ne convient pas.
Selon moi, un procureur de la Couronne devrait toujours vérifier les décisions prises initialement par les policiers. Cela est déjà fait la plupart du temps, mais la situation varie d'une administration à l'autre.
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Tout d'abord, je tiens à remercier chaleureusement le Comité de m'avoir invitée. Je crois que le sujet est très important, et je suis ravie de participer à la discussion.
Je suis professeure d'université, et mes recherches portent sur la liberté religieuse. Je dois admettre que lorsque j'ai lu pour la première fois l'article 14 du projet de loi , je croyais effectivement que l'article 176 n'était plus vraiment nécessaire dans la société canadienne. Cependant, je viens de terminer une réunion à l'autre bout du couloir avec le comité du patrimoine, qui examine la motion d'initiative parlementaire M-103, laquelle découle du meurtre de six hommes après les prières du vendredi qui a été perpétré dans une mosquée de Québec en janvier, cette année. Cet incident a provoqué une onde de choc et d'inquiétude au sein de la population, particulièrement parce que l'acte a été commis durant un service religieux.
Cet article du Code criminel n'a pas été utilisé dans ce cas, car, évidemment, le crime était beaucoup plus grave que la perturbation d'un service religieux. Mon point est que, au bout du couloir, un comité cherche à formuler les recommandations à intégrer à une stratégie nationale de lutte contre le racisme systémique et la discrimination fondée sur la religion, tandis que le Comité ici présent envisage d'éliminer un élément du droit canadien qui pourrait faire partie de cette stratégie.
Lorsqu'une personne s'en prend à la religion, elle tague des commentaires antisémites sur une synagogue, et non pas sur un pont. Cela s'est produit à Ottawa l'an dernier. Une mosquée et une église unie ont également été touchées. Cette église a été particulièrement visée, car son pasteur est noir, et il s'agit donc d'un acte raciste dans ce cas. Si quelqu'un veut s'en prendre à un groupe religieux, il visera le lieu de culte, que ce soit une synagogue, une mosquée, une église ou un temple.
Entendez-moi bien, la liberté de culte est protégée par l'alinéa 2a) de la Charte, qui garantit la liberté de religion, et il est important de protéger les lieux sacrés. Si une personne ou un groupe veut protester contre un groupe religieux, il manifestera à proximité d'un lieu de culte ou perturbera un service religieux. Les croyants et les lieux sacrés ne méritent-ils pas d'être protégés?
Les crimes haineux fondés sur la religion sont en hausse au Canada. Les derniers crimes haineux fondés sur la religion remontent à 2015. Ces crimes visant les musulmans sont passés de 99 à 159, ce qui représente une augmentation de 60 %. Les actes visant les catholiques ont également augmenté de près de 60 % en passant de 25 à 55. Toutefois, le nombre de crimes haineux fondés sur la religion qui sont déclarés par la police touchent principalement les juifs, au Canada. Avec près de 500 crimes haineux fondés sur la religion, pourquoi le Parlement éliminerait-il la protection des services religieux? C'est insensé.
Je tiens également à mentionner le nouveau projet de loi 62 du gouvernement québécois, qui interdit certaines pratiques religieuses musulmanes. Les femmes qui portent le niqab, un voile couvrant le visage, ne pourront plus utiliser les services publics, y compris le transport en commun. Vu l'intolérance du gouvernement à l'égard d'une religion particulière, il est primordial que le gouvernement fédéral continue de protéger les services religieux.
Je tiens à souligner que cet article du Code criminel a fait l'objet d'une contestation fondée sur la Charte en 1985. La contestation reposait sur le fait que cet article viole la liberté d'expression et la liberté de religion. Joseph Reed a perturbé un service des Témoins de Jéhovah et a été accusé en vertu de cet article. Il a soutenu que sa liberté de conscience et de religion et sa liberté d'expression ont été brimées. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a affirmé ce qui suit: « Selon moi, vu la nature contradictoire des demandes de liberté de religion, de liberté de conscience et de liberté d'expression, le paragraphe 172(2) — de l'époque; les chiffres ont changé depuis — tient compte de ces intérêts divergents et assure un équilibre entre ceux-ci, et je ne suis pas convaincu que cela est inconstitutionnel ou que cela ne devrait pas s'appliquer à M. Reed dans les circonstances en l'espèce. »
La ministre de la justice a témoigné devant le Comité il y a quelques semaines et elle a affirmé que cet article est désuet, car il fait allusion aux chrétiens. Je ne vois aucune référence au christianisme ou aux églises dans cet article, et j'ajouterais en toute humilité que le Parlement a le pouvoir de modifier le libellé afin qu'il tienne compte de la réalité actuelle. Ce n'est pas parce que le libellé d'un article est désuet qu'il faut le retirer dans son intégralité. De nombreuses dispositions de la loi sont dépassées. Il vaut la peine de les modifier, mais j'insiste pour que vous n'abrogiez pas toutes les dispositions de la loi qui utilisent un libellé désuet et non inclusif.
Les tribunaux semblent n'avoir eu aucune difficulté à appliquer la loi en dehors de la réalité du christianisme. En 1993, la Cour suprême du Canada s'est penchée sur un cas de secret sacramentel prêtre-pénitent. La Cour suprême a utilisé le terme « communication religieuse » dans l'ensemble de sa décision. Le tribunal n'a eu aucune difficulté à adapter les règles élaborées pour la confession dans la religion catholique romaine à une autre religion.
Dans son bulletin IT concernant la déduction pour la résidence d'un membre du clergé, l'Agence du revenu du Canada inclut dans sa définition du clergé les prêtres, les pasteurs, les ministres, les rabbins, les imam et les autres chefs religieux officiellement reconnus.
Les tribunaux ne voient pas cet article comme une violation de la Charte. Il est encore appliqué. Il y a eu des cas déclarés entre 1999 et 2005, et vous avez déjà entendu parler des accusations portées à Ottawa plus tôt cette année. Cet article est toujours pertinent et toujours nécessaire. Je vous recommande d'envisager de modifier le projet de loi afin d'abroger la clause 14 et de modifier le libellé, en cas d'amendement de l'article 176 du Code criminel.
Merci.
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Merci beaucoup. Bon après-midi.
Je suis heureux de vous rencontrer. Je suis l’archevêque de Toronto, qui compte 225 églises catholiques, deux millions de fidèles catholiques et où la messe est célébrée chaque semaine en plus de 35 langues. Toronto compte également des centaines d’églises, de mosquées, de temples et de synagogues.
Je suis ici aujourd’hui avec Mgr Gendron, de la Conférence des évêques catholiques du Canada, pour vous exposer une grave inquiétude: le législateur laisse entendre, en effet, que l’article 176 du Code criminel n’est plus nécessaire. Avec tout le respect que je vous dois, j’aimerais défendre l’opinion contraire: il faut plus que jamais légiférer pour protéger les communautés croyantes et les services religieux célébrés tous les jours d’un bout à l’autre du Canada.
L’article 176 est le seul dans le Code criminel à faire explicitement référence à la protection des communautés religieuses. Certains ont affirmé que la définition de « membre du clergé » serait trop restrictive, comme si seules les communautés chrétiennes se trouvaient ainsi protégées. Nous estimons, nous, que l’expression « membre du clergé » est assez large pour inclure tous les responsables religieux.
Plus précisément, l’article 176, notamment aux alinéas 2 et 3, décrit un comportement qu’on ne retrouve pas évoqué aussi clairement ailleurs dans le Code criminel. Il faut reconnaître qu’il y a des façons de troubler volontairement un office religieux sans hurler ou crier. Une manifestation silencieuse, le déploiement d’une bannière, l’interruption d’une procession, par exemple, sont autant de façons de faire obstacle au déroulement d’une prière communautaire ou d’une célébration religieuse.
L’article 176 assure, notamment aux alinéas 2 et 3, la protection claire et directe de l’intégrité des offices religieux. Ce sont là des éléments uniques dans le Code, et les supprimer, ce serait rendre les communautés religieuses vulnérables.
Nous reconnaissons que les gens ont le droit de manifester et de protester pacifiquement dans un endroit public, mais le Parlement a imposé une limite à quiconque trouble « volontairement » — non par inconscience ou accidentellement, mais de manière intentionnelle — la solennité d’un office religieux. Les congrégations de tout le pays ont le droit de se réunir sans être gênées dans leur assemblée et dans leur culte.
Cet article a été invoqué dans le passé devant les tribunaux, et la cour a reconnu que la liberté d’assemblée et la liberté d’association, qui sont des droits protégés en vertu de la Charte, se trouveraient vidées de leur substance sans la protection de l’article 176, en particulier aux alinéas 2 et 3.
Les lieux de culte doivent être des sanctuaires de paix, de prière et de communauté. Les évêques du Canada se sont réunis à Ottawa, il y a quelques semaines, pour célébrer le 150e anniversaire de la Confédération, entre autres jalons historiques. L’office a été perturbé par des protestataires, chose qu’on voit se produire de plus en plus souvent. Chaque fois que nos églises sont la cible de protestations, nous tenons l’arrestation pour un dernier recours. Nous cherchons toujours à désamorcer la crise. Néanmoins, afin que l'on puisse assurer aux fidèles un environnement sécuritaire, quiconque trouble un office devrait relever du Code criminel s’il refuse de renoncer et de mettre fin à son comportement.
Par ailleurs, en abrogeant cette protection, le législateur enverrait un message troublant aux communautés religieuses. Les offices religieux de toutes les confessions et l’apport important de toutes les communautés croyantes devraient occuper une place spéciale dans notre patrimoine et dans notre droit.
Les communautés croyantes du Canada fournissent un apport essentiel à la vitalité de notre pays. Nous ne nous attendons pas à ce que chaque Canadienne ou chaque Canadien pratique une religion, et nous ne l’exigeons pas. Mais nous nous attendons à ce que nos offices religieux soient protégés aujourd’hui et à ce qu’ils continuent de l’être à l’avenir.
Je vous remercie.
Les évêques catholiques s'inquiètent grandement de l'article 14 du projet de loi , qui propose de supprimer l'article 176 du Code criminel. D'où leur vient cette inquiétude? Comme le signale notre mémoire, nous estimons que les attaques contre la religion ne sont pas du même ordre que d'autres atteintes à la sécurité publique. Elles ne sont pas seulement plus graves, elles s'en prennent à l'essence de la démocratie.
C'est que la liberté religieuse est la pierre angulaire de l'édifice des droits de la personne. Toutes et tous, nous nous interrogeons sur le sens et sur la fin de l'existence, ce qui nous amène parfois à nous questionner sur Dieu et sur le divin. Dans tous les cas, nous voulons connaître la vérité, et si nous pensons l'avoir trouvée, nous voulons nous y attacher et même pouvoir en parler. La personne humaine, conçue comme celle qui cherche la vérité, est le fondement de la liberté religieuse, de la liberté de conscience et, oui, de la liberté de parole. D'ailleurs, là où prévaut la liberté religieuse s'épanouit la démocratie.
Alors que la liberté religieuse jouit d'une protection spéciale au Canada en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, l'article 176 du Code criminel joue un rôle dissuasif et pédagogique à l'égard de menaces que peuvent devoir affronter les communautés croyantes. Si la recrudescence récente des crimes haineux et des préjugés contre les croyantes et les croyants au Canada constitue un indice des dangers qui s'annoncent, il deviendra encore plus difficile, après avoir abrogé dans le Code criminel cet article clair et sans équivoque, de protéger des millions de Canadiennes et de Canadiens engagés activement dans leur communauté de foi.
L'article 176 souligne et renforce la conviction et le respect que nous avons toutes et tous pour la liberté de religion, et il préserve un lien indispensable entre le Code criminel et la protection des droits fondamentaux.
D'autres articles du Code criminel sont-ils en mesure d'assurer le genre de protection que procure l'article 176? Je ne le pense pas. Même l'article 175, qui interdit de troubler la paix dans un endroit public, n'y arrive pas adéquatement. Les points particuliers énumérés dans cet article négligent toute une série de gestes qui pourraient troubler le déroulement d'un office religieux.
Pour ce qui est des ministres du culte, par ailleurs, en faisant en sorte qu'ils ne soient pas gênés dans l'exercice de leurs fonctions ou en les protégeant d'une agression, on ne cherche pas à préserver un prétendu statut d'élite, mais bien à protéger la communauté croyante en veillant à ce que l'exercice de sa liberté religieuse ne soit pas entravé par des actes de violence ou des menaces contre ses dirigeants.
Au Canada, les fidèles de plusieurs religions différentes peuvent vivre ensemble et tenir leurs assemblées cultuelles sans avoir à subir de menaces, d'entraves ou d'intimidation. Afin de préserver ce genre de société, la Conférence des évêques catholiques du Canada presse le Parlement d'amender le projet de loi de manière à conserver l'article 176 du Code criminel.
Je ne suis pas avocat, mais m'accompagne aujourd'hui Me Bruce Simpson, avocat criminaliste qui peut apporter, sur tous ces points-là, beaucoup d'éclairage.
Je vous remercie.
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Je m'appelle Greg Oliver et je suis ici au nom de la Canadian Secular Alliance. Merci beaucoup de nous donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
La Canadian Secular Alliance est un organisme sans but lucratif enregistré et non partisan, dont l'objectif est de promouvoir la séparation entre la religion et l'État au Canada. Nous croyons fermement que, pour assurer l'égalité des citoyens dans une société pluraliste comme la nôtre, il faut que le gouvernement reste neutre dans les affaires religieuses, qu'il ne privilégie pas une religion plutôt qu'une autre ou la religion plutôt que l'athéisme, ou encore l'inverse. C'est là l'un des principes de base de toutes les démocraties libérales. Heureusement, le Canada a beaucoup mieux fait cela que la plupart des autres pays du monde, mais il y a encore place à l'amélioration.
En juin, l'an dernier, j'ai lancé la pétition E-382, maintenant certifiée, pour demander au gouvernement d'abroger l'article 296 du Code criminel, interdisant le libelle blasphématoire. Cette mesure est nécessaire, à notre avis, pour plusieurs raisons.
Premièrement, la liberté de parole est un principe fondamental de toute démocratie libérale et un droit précieux, ici au Canada. Nous devons pouvoir débattre de toutes les idées, les critiquer, voire les tourner en ridicule. L'exemption applicable aux idées religieuses érode substantiellement ce principe.
De plus, l'article 296 n'est plus pertinent dans la société canadienne. Son abrogation serait largement soutenue dans toutes les sphères politiques du Canada. Il n'a donné lieu à aucune poursuite fructueuse depuis plus de 80 ans ni à aucune accusation depuis plus de 35 ans. Je ne suis pas expert en droit, mais je sais qu'il est généralement admis qu'elle serait jugée inconstitutionnelle aux termes de la Charte. Une loi qui n'a pas servi depuis des décennies et qui est fort probablement inconstitutionnelle devrait, à notre avis, être abrogée.
Il faut aussi tenir compte de la situation mondiale. Le blasphème est toujours illégal dans 71 pays et est punissable par la peine de mort dans au moins six pays. Les lois sur le blasphème sont utilisées de façon disproportionnée pour persécuter des minorités religieuses et les gens qui critiquent le gouvernement. Ces lois sur le blasphème ont donné lieu récemment à plusieurs affaires hautement médiatisées: Asia Bibi au Pakistan; en Indonésie, l'ex-gouverneur de Jakarta Ahok, Nahed Hattar en Jordanie, les Pussy Riot, entre autres, en Russie; Raif Badawi en Arabie saoudite, et une multitude d'autres cas qui n'ont pas été autant couverts par la presse internationale.
Chacun de ces cas constitue une violation grave des droits de la personne, selon les normes des démocraties libérales. Il se peut qu'un jour les représentants élus de notre pays désirent condamner des affaires comme celle-là. Mais si nous voulons le faire, et que des lois sur le blasphème sont en vigueur dans notre propre pays, notre crédibilité morale en est gravement érodée. Nos lois passives sur le blasphème donnent plus de crédibilité aux lois sur le blasphème en vigueur ailleurs et qui peuvent entraîner la mort.
Nous sommes également en faveur de la proposition visant à abroger l'article 176. Le paragraphe 176(1) interdit de gêner ou d'arrêter un ministre du culte ou de lui faire violence. Ce libellé, on l'a déjà dit, donne l'impression que cette disposition s'applique uniquement aux célébrants chrétiens de sexe masculin. Cela privilégie les hommes au détriment des femmes. La priorité est accordée aux chrétiens plutôt qu'aux adeptes d'une autre religion ou encore aux communautés non religieuses. De plus, il existe déjà des lois contre le harcèlement et la violence. À notre connaissance, il n'existe pas au Canada des circonstances uniques qui font que les célébrants masculins ou chrétiens exigent une protection supplémentaire contre les préjudices.
Les paragraphes 176(2) et 176(3) portent sur l'interruption de réunions visant des offices religieux, un objet moral, social ou des fins de bienfaisance. On peut très bien interpréter de façon neutre, sur le plan de la religion, certaines réunions, par exemple à l'occasion d'un mariage ou de funérailles, mais nous craignons quand même que cela n'ait l'effet d'une douche froide sur la liberté d'expression dans le cadre de réunions visant un office religieux.
Ces paragraphes ont été invoqués à plusieurs reprises, dans diverses affaires, depuis les années 1980. Une de ces affaires a attiré notre attention, celle de Skoke-Graham c. La Reine, qui date de 1985. Cette affaire portait sur une église catholique de la Nouvelle-Écosse qui avait décidé de changer la façon dont les fidèles reçoivent la communion. Ils devaient maintenant rester debout pour la recevoir plutôt que de s'agenouiller. Six fidèles se sont opposés à cette décision et ont continué à s'agenouiller au moment de recevoir la communion. On a fini par leur adresser un ultimatum, mais ils ont quand même refusé de rester debout pour la communion, et sont retournés s'asseoir. Ils ont été reconnus coupables en application de l'article 176, décision maintenue à deux reprises par une cour d'appel, puis la Cour suprême a cassé la décision.
En l'occurrence, le caractère concis et passif de la protestation a permis aux accusés d'être exonérés, même s'ils l'ont été par le plus haut tribunal du pays, mais cela met en relief notre préoccupation, selon laquelle l'article 176 protège l'orthodoxie ou les dogmes religieux contre toute forme de critique ou de protestation civile. Les idées et les pratiques religieuses sont innombrables, et il y en a qui jugent que certaines d'entre elles sont inadmissibles. Cela vaut au sein d'une collectivité religieuse et à l'extérieur de ces collectivités. On ne nous a pas encore convaincus du fait que ces réunions sont toujours un lieu mal choisi pour qui veut faire état de différences qui suscitent la controverse, et par voie de conséquence, qu'elles exigent une plus grande protection de la loi.
Cela dit, nous reconnaissons bien sûr que la société a avantage à offrir une protection contre certains troubles pouvant gêner ces réunions, mais, comme la ministre et plusieurs autres personnes l'ont déjà expliqué, le Code criminel criminalise déjà le fait de troubler la paix, de proférer des menaces, d'intimider ou d'inciter à la haine en ciblant des groupes identifiables. De manière générale, la peine imposée est plus lourde lorsque l'infraction est motivée par la haine d'une communauté religieuse donnée, et les lois sur les crimes haineux pourraient peut-être elles aussi s'appliquer. À notre avis, ces protections rendent l'article 176 inutile.
Merci.
Merci, madame Buckingham. Vos explications étaient très bien présentées, et vos arguments, de fait, reflètent mes propres réflexions sur le sujet.
Parmi les aspects intéressants — et nous l'avons déjà entendu dire —, il y a le fait que, quand une disposition ne sert pas très souvent, il faudrait la supprimer du Code criminel. Je racontais à quelques-uns de mes collègues que, quand j'étudiais le droit, je me souviens que nous avions parlé des dispositions du Code criminel portant sur la trahison, et certains disaient qu'elles ne servaient pas très souvent. J'espère que personne ne conclura en conséquence que nous devrions nous débarrasser des dispositions sur la trahison du Code criminel tout simplement parce que les Canadiens ne se rendent pas coupables de telles infractions. Mais merci quand même.
Je m'adresse maintenant à Votre Excellence, aux deux évêques présents ici aujourd'hui, et à Me Simpson; il est important de faire savoir ce qui se passe en fait. Nous avons entendu des témoignages, aujourd'hui même, un peu plus tôt, vous les avez peut-être entendus ou vus, selon lesquels bien des gens ont été pris par surprise. Franchement, on n'a pas beaucoup fait de publicité autour de cela. On a tout simplement agi pendant l'été. Que pourrait-on faire, qu'allez-vous faire pour que le message passe avant que le projet de loi arrive à l'étape de la troisième lecture, ici? Allez-vous en parler dans les paroisses, mettre les fidèles au courant? Il me semble que c'est essentiel, je crois, si l'on veut être certain que tout le monde sait exactement ce qui se passe.
Cardinal Collins.
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Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais répondre en premier à la deuxième partie de votre question.
Je ne vois pas pourquoi il serait impossible d'interpréter l'expression « membre du clergé » comme si elle voulait dire quoi que ce soit d'autre que dirigeant religieux, peu importe son sexe ou sa religion. Il est important de souligner que les tribunaux n'ont cessé de répéter que, au moment d'interpréter une loi, il faudrait essayer... On ne peut pas changer le sens des mots, mais quand il existe une interprétation raisonnable et conforme à la Charte, on doit se servir de cette interprétation.
Si l'expression « membre du clergé » désignait uniquement « un chrétien de sexe masculin », le critère constitutionnel ne serait pas respecté, et la Cour suprême du Canada de même que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ont toutes les deux dit que ce critère était respecté. Bien sûr, je reconnais qu'elles ne parlaient pas de l'affaire qui nous intéresse, mais elles auraient bien vu... Tout le monde peut lire ces mots, et je crois sincèrement que c'est ça, l'important.
L'autre point que j'estime important de souligner, à propos des crimes haineux, c'est qu'il est possible de perturber un service religieux pour des motifs qui n'ont vraiment rien à voir avec la haine. Je crois que mon ami M. Oliver a fait une remarque pertinente, en un sens. Il y a une différence entre le fait d'exprimer des sentiments violents contre, disons, une doctrine religieuse, et d'exprimer ces sentiments contre les membres d'une congrégation. Si j'ai bien compris, c'est légal dans le premier cas, et ce devrait probablement l'être, et ce n'est pas légal dans l'autre, et ce ne devrait pas l'être.
Mais les motifs importent peu. Quand vous perturbez un service religieux, vous provoquez un grand trouble émotionnel chez un grand nombre de personnes. Je ne crois pas qu'il importe de connaître les motifs des personnes qui agissent ainsi. Elles agissent ainsi, c'est tout.
Quelqu'un a souligné que bon nombre de cas sont déjudiciarisés. C'est que, en cas de maladie mentale, les tribunaux vont souvent préférer déjudiciariser l'affaire si la personne en cause est prête à suivre le traitement dont elle a besoin, et la Couronne y participe; cependant, si aucune accusation n'est portée, il arrive souvent qu'aucun mécanisme ne permette cela. On peut dire la même chose en parlant par exemple de justice réparatrice, une procédure que bon nombre d'Églises appuient sans réserve, mais il faut souvent qu'une accusation soit portée pour déclencher cette procédure.
J'aimerais aussi souligner que les paragraphes 173(2) et 176(3) ne sont pas couverts par l'article 175. On peut troubler un service religieux de nombreuses manières sans violer l'article 175.
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Je crois que cela tient à deux ou trois choses. L'article dont vous pourriez le plus vous servir, c'est l'article 175, troubler la paix, mais si vous le lisez... Il y a une chose que vous pourriez faire, c'est d'intégrer les paragraphes 176(2) et 176(3) à l'article 175. Cependant, l'article 176 porte sur les troubles créés dans un lieu public, ce qui suppose certaines choses. Il est tout à fait possible de gêner la tenue d'un service religieux ou d'une autre sorte de réunion sans se rendre coupable de troubler la paix, selon la définition de l'article 176.
Il se peut que les accusations portées en application de cet article aient longtemps été peu nombreuses. J'ai grandi au Canada, et les gens professaient différentes opinions en matière de religion, mais l'intolérance religieuse semblait tout simplement ne pas exister. Je crois que l'on peut affirmer que le Canada a été pendant plusieurs décennies le pays du monde le plus tolérant quant aux opinions religieuses. Malheureusement, les choses changent, parfois, et même si j'estime que la très grande majorité des Canadiens sont tolérants sur le plan de la religion, nous avons eu affaire à bien des manifestations de haine, récemment. Les musulmans, bien sûr, sont les principales cibles de ces manifestations, mais comme madame l'a souligné, les catholiques et, bien sûr, les juifs sont eux aussi une cible. Je ne prétends pas savoir pourquoi, mais c'est la réalité.
Je crois qu'il est essentiel de dire que nous estimons qu'il est important que les gens aient le droit de se rendre à leur lieu de culte et de pouvoir s'y trouver sans être victime d'un trouble quelconque. Je ne crois pas que quiconque puisse vraiment affirmer qu'il faut troubler ces réunions, mais je ne crois pas que des protections suffisantes soient en place.
En ce qui a trait aux agressions, il y a moyen d'y parer; cela ne fait aucun doute. C'est moins important, même si nous avons une disposition... Par exemple, si un policier se fait agresser, à une partie de hockey, parce qu'il se dispute avec quelqu'un, par exemple, il ne sera pas traité différemment d'un plombier. Mais, lorsqu'il est en fonction, on le traite différemment, et je crois qu'il y a une bonne raison à cela. Je crois qu'il existe bien des motifs valables de protéger les membres du clergé pendant qu'ils effectuent leurs tâches, puisqu'ils peuvent être, et je crois que récemment ils l'ont été, des cibles spéciales, et il faut en parler. Ce n'est pas parce qu'une personne ignore l'existence d'une disposition particulière... Je crois que la plupart des gens savent qu'il est illégal d'interrompre un service religieux, mais si vous supprimez cette disposition, peut-être que les gens découvriront que ce n'est pas illégal.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, madame et messieurs, du témoignage que vous avez présenté aujourd'hui. Il est grandement apprécié.
Nous avons entendu, plus précisément en ce qui concerne l'article 176, diverses opinions quant à la nature du rôle du Code criminel, pour ce qui est de savoir si cet article est applicable ou non, de nos jours, et si des mesures de protection semblables sont offertes dans d'autres articles du Code.
Un argument que je trouve très fascinant — et je voudrais obtenir votre avis à ce sujet, madame Buckingham et maître Simpson —, c'est que l'objectif du Code criminel est de dissuader les membres de la collectivité de commettre certains actes qui sont perturbateurs, illégaux, et ainsi de suite. Nous entendons dire que cet article doit rester dans le Code criminel parce que nous ne voulons pas envoyer le mauvais message. Nous avons également entendu dire que le Code criminel contient d'autres articles qui s'appliqueraient.
J'ai un peu de mal avec cette notion. L'objectif du Code criminel est de dissuader, de prévenir et de maintenir la paix dans notre société, mais est-ce que le fait qu'il contienne un tel article lui confère une valeur de politique, d'élément de dissuasion proactif faisant savoir aux gens que, même s'il n'y a eu que 30 accusations déposées au titre de cet article, ce n'est pas acceptable?
Madame Buckingham, voudriez-vous commencer?
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Nous reprenons nos travaux avec notre troisième groupe de témoins de la journée. Je voudrais remercier les témoins de s'être présentés.
Avant que nous commencions, je veux aviser les membres du Comité de nos dates limites pour les amendements au projet de loi . Je constate que M. Nicholson est absent, alors je lui parlerai en privé. La date limite pour les amendements sera le vendredi 3 novembre, à midi. Tout le monde recevra les amendements lundi, et nous procéderons à notre étude article par article mercredi prochain.
Je veux que tout le monde connaisse les dates limites. Je vais les répéter à la fin de la séance. C'est vendredi midi pour les amendements, lundi pour la distribution, et mercredi prochain pour l'étude article par article.
Pour le troisième groupe de témoins de la journée, je suis très heureux d'accueillir M. Brian Herman, directeur, Relations gouvernementales, et Me David Matas, conseiller juridique principal, de B'nai Brith Canada.
Nous accueillons également l'Association for Reformed Political Action, représentée par Me André Schutten, conseiller juridique et directeur du droit et des politiques, et par Mme Tabitha Ewert, qui est stagiaire. Bienvenue.
Par vidéoconférence, nous accueillons l'Association canadienne des libertés civiles, représentée par Me Cara Zwibel, avocate générale par intérim, et par Mme Victoria Cichalewska.
Enfin, nous accueillons le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie, représenté par Rebecca Bromwich, présidente, et par Melanie Younger, coordonnatrice. Bienvenue.
Nous allons procéder selon l'ordre du jour, en commençant par B'nai Brith Canada.
Monsieur Herman et maître Matas, la parole est à vous.
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Monsieur le président, nous remercions le Comité de nous avoir invités à comparaître. Mon collègue David Matas, notre conseiller juridique principal, présentera des détails sur certains de nos arguments clés, plus particulièrement en ce qui concerne les questions juridiques.
B'nai Brith Canada est la plus vieille organisation nationale juive du pays; elle a été fondée en 1875 et est fière d'avoir toujours défendu les droits de la personne des juifs canadiens et de tous les Canadiens de l'ensemble du pays. Nous défendons les intérêts des citoyens de la communauté juive du Canada ainsi que leurs droits, comme la liberté de conscience et la liberté de religion.
Je veux présenter certaines informations contextuelles. Le 18 octobre, nous avons témoigné devant le Comité permanent du patrimoine canadien dans le cadre de son étude de la motion M-103 sur le racisme systémique et la discrimination religieuse. Nous avons souligné que, depuis 1982, B'nai Brith Canada a publié au Canada l'Audit annuel des incidents antisémites, dont je crois savoir que des copies ont été mises à la disposition du Comité.
Sur une période de cinq ans, l'antisémitisme a connu une hausse. Statistique Canada a déclaré qu'en 2015, la dernière année où les chiffres sont complets, les juifs ont été le groupe le plus ciblé au pays pour les crimes haineux, tendance grave qui perdure depuis neuf ans. Nous espérons que le Comité n'oubliera pas que la minorité religieuse la plus ciblée du Canada en ce qui a trait au discours haineux et aux crimes motivés par la haine, c'est la communauté juive.
Nous avons suivi de près l'initiative de modernisation du Code criminel du gouvernement, y compris ses plans visant à supprimer les dispositions qui sont considérées comme étant désuètes ou redondantes. Comme vous l'avez entendu de la bouche d'autres groupes cet après-midi, nous nous concentrons sur l'intention d'abroger l'article 176. Des membres de la communauté juive nous ont abordés à ce sujet, et nous cherchons à les représenter. Ils ont soulevé des questions au sujet de cette abrogation prévue de l'article 176 et du fait qu'elle représente ou non un affaiblissement des dispositions du Code criminel qui protègent les dirigeants confessionnels, les rassemblements religieux et les lieux de culte.
Même si son libellé n'est pas parfait, cet article prévoit des sanctions claires pour les personnes qui menacent des dirigeants confessionnels ou qui leur font obstacle durant des cérémonies religieuses ou bien qui interrompent ou perturbent des rassemblements religieux. Nous avons des préoccupations concernant l'abrogation de l'article 176, vu le signal qu'une telle mesure enverrait dans notre monde d'aujourd'hui, où l'antisémitisme demeure un problème grave et où les Canadiens ont été témoins d'actes d'intimidation envers des institutions et des dirigeants religieux, et pas seulement de la communauté juive.
Nous avons eu des échanges très productifs avec des responsables qui travaillent sur les dispositions du projet de loi . Nous avons accueilli favorablement leurs garanties selon lesquelles l'intention n'est pas de décriminaliser le comportement décrit dans l'article 176 du Code criminel. Il nous a été expliqué soigneusement que d'autres articles du Code prévoyant des sanctions équivalentes s'appliqueraient, et nous avons pris acte des garanties soigneusement exposées par la sur cette question. Nous les reconnaissons, mais nous croyons que, dans le contexte d'aujourd'hui, nous devons faire extrêmement attention au moment de prendre des mesures qui pourront être mal interprétées, même si elles étaient bien intentionnées. En bref, nous croyons que l'absence d'un vide est dans l'intérêt des Canadiens.
Nous croyons que les mesures de protection et les sanctions pour les actes décrits dans l'article 176 doivent rester claires et sans équivoque, de sorte qu'elles répondent aux besoins de la société canadienne contemporaine. Une option qui, selon nous, pourrait être prise en considération consiste à conserver l'article 176 et à moderniser son libellé. On pourrait également envisager de renforcer et d'amplifier les lignes directrices applicables en matière de détermination de la peine. Je crois que M. MacGregor a soulevé cette question dans la dernière section.
Mon collègue David Matas donnera des détails sur notre position, mais je veux vous remercier, monsieur le président.
B'nai Brith Canada vous assure, mesdames et messieurs les membres du Comité, qu'elle souhaite contribuer de façon constructive au déroulement de vos travaux. Merci.
La liberté de croyance et de réunion est essentielle à la démocratie. L'intolérance mine ces libertés en poussant des gens à perturber les réunions de personnes qui se sont rassemblées dans le but de communiquer et d'exprimer leurs croyances et de planifier leur réalisation. Actuellement, une disposition du Code criminel défend la démocratie canadienne contre cette forme d'intolérance. Le gouvernement propose maintenant d'abroger cette mesure de protection. Il est difficile de comprendre, à première vue et après un examen approfondi, pourquoi il a l'intention de le faire.
Quand la a comparu devant le Comité, elle a donné neuf justifications différentes de l'abrogation de la disposition, et j'en aborderai le plus grand nombre possible dans la période qu'il me reste.
Tout d'abord, elle a parlé des lignes directrices relatives à la détermination de la peine, mais je signale que les lignes directrices pertinentes portent sur la motivation, pas sur les actes. L'article 176 du Code traite d'actes précis, qui pourraient être ou non liés à la motivation pertinente.
Elle a mentionné la Charte canadienne des droits et libertés, mais ce texte empêche les gouvernements d'adopter certains comportements. Il ne réglemente pas le comportement du secteur privé.
Elle a fait allusion à la neutralité de genre, mais la disposition pourrait être modifiée de manière à permettre cette neutralité.
Elle a mentionné la neutralité religieuse, mais, comme nous avons entendu un intervenant précédent l'affirmer, le libellé pourrait être modifié de manière à permettre cette neutralité. En effet, les paragraphes 176(2) et 176(3) sont neutres, d'un point de vue religieux, et même neutre entre le religieux et laïque. Le paragraphe 176(1) pourrait être modifié de manière à faire de même.
Elle a affirmé que la disposition législative devrait être retirée en raison de ses lacunes, mais elle pourrait être modifiée afin que les lacunes soient comblées.
La ministre a mentionné la redondance, mais cette prétention n'est pas évidente. Je peux donner un exemple. À l'époque de la deuxième guerre de Gaza, en 2014, des manifestants en Europe ont tenté à répétition de perturber les offices dans les synagogues. Les policiers n'ont déposé aucune accusation. S'ils avaient été commis au Canada, à mon avis, les actes auraient été carrément passibles de poursuites en application de l'article 176 du Code criminel, mais, une fois que ces dispositions n'existeront plus, de tels incidents feront-ils l'objet de poursuites sous le régime de dispositions plus générales? Nous n'en sommes pas certains.
La ministre a soulevé le fait que cet article n'a pas souvent été utilisé, mais cela ne veut pas dire qu'il est inefficace. Au contraire, son utilisation peu fréquente pourrait révéler son efficacité, et, comme nous l'avons entendu dire, il a la valeur de permettre aux institutions de donner des avertissements.
Elle a affirmé qu'elle ne s'attendait pas à une augmentation du nombre d'incidents en conséquence de l'abrogation de la disposition législative, mais je soutiendrais que les particularités de son but, même lorsqu'elles sont intégrées dans des généralités, orientent notre attention vers ce qui constitue un comportement répréhensible de sorte que nous savons précisément, sans l'ombre d'un doute, qu'il ne faut pas faire cela. Il vaut mieux donner des directives détaillées au public. Les précisions confèrent un statut. Il y a une bonne raison d'isoler les actes répréhensibles et la perturbation de réunions religieuses ou laïques tenues dans l'intérêt du public. La Cour suprême du Canada a elle-même dit au sujet de cet article qu'il a de la valeur parce que la perturbation de ce genre de réunion est préjudiciable pour l'intérêt public.
Enfin, la ministre a évoqué l'opinion d'experts, mais le droit n'est pas qu'un instrument pour les universitaires, les procureurs, les représentants et les juges. Il est la voix du public et s'adresse à lui. Par l'intermédiaire du Code criminel, le public nous dit ce qui est considéré comme étant mal. Le Code criminel nous dit à tous ce qui ne devrait pas être fait.
Laissez-moi dire un mot au sujet des recommandations. En tant que communauté, nous avons intérêt à ce que les services religieux et les réunions d'intérêt public puissent se dérouler sans entrave de la part des personnes qui ne sont pas d'accord. La capacité des membres du public de se réunir dans l'intérêt public ou à des fins religieuses sans être interrompus par les personnes qui ne sont pas d'accord a une valeur qui vaut la peine d'être affirmée de façon distincte. Elle ne devrait pas être ensevelie sous une pile de généralités.
Il existe deux autres moyens d'obtenir ce résultat. Le premier consiste à modifier la disposition actuelle afin d'en retirer son accent sexiste, confessionnel et même religieux et de rendre le libellé neutre du point de vue du genre et de la spiritualité. L'autre consiste à amplifier les lignes directrices relatives à la détermination de la peine. Si l'article 176 devait disparaître entièrement au motif de la redondance, la substance de son contenu devrait être incluse dans ces lignes directrices. Le comportement décrit dans cet article est assez grave pour que, s'il n'est pas expressément sanctionné, il soit considéré comme une circonstance aggravante justifiant une peine accrue lorsque l'infraction générale à laquelle il se rattache est commise. Voilà ce que nous recommandons.
Merci beaucoup.
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Bonsoir, tout le monde. Merci infiniment de nous accueillir.
Je m'appelle André Schutten. Je suis le directeur du droit et des politiques d'ARPA Canada. Tabitha Ewert, ma stagiaire, m'accompagne.
Je suis heureux et privilégié de pouvoir m'adresser à vous cet après-midi. Honorables membres du Comité, je veux vous remercier du travail acharné que vous faites. Il est très apprécié par les gens du milieu que je représente.
Notre préoccupation est liée au remplacement de l'article 176 prévu à l'article 14 du projet de loi . Il y a peut-être là un peu d'ignorance, et je ne le dis pas pour être condescendant; je veux simplement dire qu'on ne connaît pas assez bien le déroulement d'un service religieux. Peut-être que c'est ce qui motive la recommandation concernant le retrait de cet article du Code criminel.
J'affirme que ce qui se passe durant un service religieux, c'est une rencontre avec le divin à un moment de vulnérabilité, ce qui le distingue de tout autre type de rencontres ou d'événements publics comme un cours à l'université, un rassemblement dans un parc public, voire même — si j'ose dire — une partie de hockey, ici, au Canada. La lecture d'un passage de la Torah dans une synagogue, une cérémonie de la prière dans une mosquée, une chanson dans un temple sikh ou un service liturgique dans une église... ce sont tous des événements communautaires qui supposent une rencontre avec une puissance divine, et c'est ce qui distingue ces genres d'événements et fait que leur nature est différente de celle des cours universitaires, et ainsi de suite.
D'aucuns ont laissé entendre que le fait de causer une perturbation est déjà prévu dans le Code criminel. L'article 175 a déjà été soulevé quelques fois aujourd'hui. Cela me préoccupe dans une certaine mesure. Je suis certain que les membres du distingué Comité connaissent assez bien les protestations qui ont lieu dans le cadre de cours universitaires de partout au pays lorsqu'un chargé d'enseignement se fait huer parce que les gens ne souscrivent pas aux opinions qu'il pourrait communiquer dans le cadre de son cours. Les policiers ou les agents de sécurité se font un plaisir de rester en retrait et de regarder cette manifestation perturber le chargé d'enseignement pendant 10, 15 ou 20 minutes, ou peut-être pendant une heure ou plus. Nous soutenons que, si cette situation devait se produire durant un service religieux, ce serait un coup très dur porté à la liberté de religion au pays. Certes, il s'agirait d'un énorme préjudice au culte religieux dans son ensemble.
Il serait peut-être utile de vous présenter une analogie. Elle n'est pas parfaite, mais c'en est une que j'ai trouvée utile. Imaginez qu'une personne se présente devant le Comité et déclare: « Vous savez, il faut vraiment que nous simplifiions le Code criminel. Il est un peu encombrant. Il est très long. Pourquoi ne nous débarrassons-nous pas de tous les autres types de voies de fait qu'il contient? L'article 265 interdit déjà les voies de fait. Débarrassons-nous des dispositions interdisant les agressions sexuelles aux articles 271, 272 et 273. Nous n'en avons pas besoin. Les dispositions relatives aux voies de fait englobent déjà ces agressions. Les agressions sexuelles sont un type de voies de fait. Il n'y a rien là. Nettoyons tout simplement le code. »
Évidemment, je pense que tout le monde ici présent souscrirait d'emblée à mon opinion selon laquelle c'est inexact et que les agressions sexuelles représentant une infraction distincte. Ces agressions se distinguent des voies de fait simples; par conséquent, nous avons besoin que les deux dispositions figurent dans le Code criminel. Nous décourageons deux choses différentes.
Ce n'est pas une analogie parfaite, mais je pense qu'elle s'apparente à ce dont il est question concernant l'article 176. Les services religieux diffèrent d'un cours universitaire ou d'un rassemblement dans un parc public.
Nous avons discuté avec des représentants de l'ensemble des autres communautés confessionnelles du Canada. Nous avons parlé à des dirigeants musulmans, juifs, bouddhistes, coptes, catholiques et protestants. Nous nous sommes affairés à la rédaction d'une lettre ouverte visant à faire part de nos préoccupations à la ministre de la Justice. Avec tout le respect que je vous dois, je demande que nous puissions présenter cette lettre au Comité, une fois que nous l'aurons envoyée à la ministre de la Justice, si le Comité est disposé à en tenir compte également.
Nous allons tenter de vous la faire parvenir vendredi avant-midi, monsieur le président, si cela vous va. Il est certain que je pourrai transmettre cette lettre dès qu'elle sera accessible.
J'ai deux autres éléments à aborder. Premièrement, dans le mémoire écrit que nous avons présenté plus tôt au greffier du Comité, nous avons formulé des recommandations, ligne par ligne, relativement à la modification de l'article 176 afin de dissiper certaines des préoccupations qu'a soulevées la ministre de la Justice quand elle a été interrogée par le Comité. Je pense que l'article peut être nettoyé. Nous recommandons qu'il soit nettoyé, pas conservé tel quel. Je serai heureux de répondre à toute question des députés concernant nos recommandations.
Enfin, je veux aborder la question qui a été soulevée aujourd'hui au sujet de l'égalité dans l'article 15 de la Charte. Bien entendu, la Charte protège l'égalité, mais cela ne veut pas dire que le droit, que le législateur, doit traiter tout le monde exactement de la même manière tout le temps. On appellerait cela une égalité « formelle », et cette doctrine a été rejetée par la Cour suprême dans un arrêt relatif à l'article 15. Cet article protège plutôt quelque chose qu'on appelle l'égalité « réelle ».
Si l'on remonte aux années 1960 ou 1970, notre jurisprudence comprend une affaire dans laquelle une femme s'est vu refuser des prestations d'assurance-emploi parce qu'elle était enceinte. À cette époque, la Cour suprême avait dit: « Eh bien, vous n'êtes pas victime de discrimination; vous êtes enceinte, et, en fait, la loi est équitable. Tant que vous n'êtes pas enceinte, vous touchez les prestations d'assurance-emploi. » La Cour suprême avait rendu une décision défavorable à la femme enceinte. Après la mise en œuvre de l'article 15, en 1985 — en fait, il a été mis en œuvre quelques années après l'adoption de la Charte, en 1982 —, la Cour suprême a rejeté cette idée. Elle a affirmé qu'il nous fallait l'égalité réelle, qui est différente de l'égalité formelle.
Si, au Canada, certaines personnes ne se désignent pas comme étant religieuses, si elles ne rencontrent pas le divin dans le cadre de célébrations et de services religieux, il n'y a pas de problème. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous devons supprimer l'article 176 afin qu'elles se sentent égales au reste d'entre nous qui rencontrons le divin dans le culte religieux. Ce que nous devons plutôt faire, c'est protéger les personnes qui font l'expérience de la religion dans la collectivité grâce aux offices religieux, et, pour les personnes qui n'ont pas recours à ces services, il n'y a pas de problème. Si elles n'ont pas besoin de ce genre de protection, elle est là pour les personnes qui en ont besoin.
Sous réserve de toute question de la part du Comité, il s'agissait là de mes observations.
Merci, monsieur le président.
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Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Cara Zwibel, et je suis l'avocate générale par intérim de l'Association canadienne des libertés civiles (ACLC). Ma collègue Victoria Cichalewska m'accompagne. Elle est notre stagiaire.
Au nom de l'ACLC, je voudrais remercier le Comité de me donner la possibilité de comparaître devant lui relativement à son étude du projet de loi , qui aura un certain nombre de répercussions importantes sur notre système judiciaire et en particulier sur des droits et libertés qui sont protégés par la Charte.
L'ACLC a récemment présenté au Comité des observations écrites qui établiront notre position à l'égard d'un certain nombre des aspects du projet de loi, dont certains que je n'aurais pas la possibilité d'aborder en détail aujourd'hui. J'ai l'intention de prendre les quelques minutes dont je dispose pour approfondir deux des changements qu'on propose d'apporter aux dispositions du Code criminel portant sur les agressions sexuelles et la modification qu'on propose d'apporter à la Loi sur le ministère de la Justice.
Avant de poursuivre, je veux souligner le fait que l'ACLC appuie fermement les efforts déployés par le gouvernement dans le but de mettre à jour le Code criminel et de se débarrasser de dispositions législatives qui sont obsolètes et archaïques, en particulier celles qui violent les droits et libertés des Canadiens et qui ont été invalidées par nos tribunaux.
À ce sujet, l'ACLC appuie l'abrogation par le projet de loi de la disposition relative à l'infraction de libelle blasphématoire, mais affirme que les infractions de libelle séditieux et de libelle diffamatoire suscitent également des préoccupations importantes en ce qui a trait à la liberté d'expression. Plus particulièrement, l'infraction de libelle diffamatoire a souvent été utilisée pour faire taire les critiques d'agents de police, d'agents correctionnels, de juges et d'avocats. À notre avis, ces infractions devraient être ajoutées à la liste des dispositions abrogées incluses dans le projet de loi .
Passons maintenant aux dispositions portant sur les agressions sexuelles. L'ACLC partage la préoccupation du gouvernement à l'égard du traitement des plaignantes et des victimes en matière d'agression sexuelle, et nous croyons comprendre que, selon le gouvernement, le but de ces dispositions est de veiller à ce que les victimes d'agression sexuelle et de violence sexiste soient traitées avec la plus grande compassion et le plus grand respect.
Nous sommes d'avis qu'il n'est pas du tout clair que ces modifications du Code criminel sont le meilleur moyen d'atteindre ce but. En effet, il y a des limites quant aux effets que l'on peut attendre du droit pénal. Dans un procès criminel, c'est l'accusé qui fait face à une perte de liberté imposée par l'État, et c'est lui qui doit bénéficier de la présomption d'innocence et du droit de présenter une défense pleine et entière. Nous ne pouvons pas diluer ces mesures de protection dans l'espoir d'afficher une plus grande compassion à l'égard des victimes.
Je veux d'abord aborder brièvement l'article 21 du projet de loi, qui modifierait l'article 276 du Code, couramment appelé la disposition sur la protection des victimes de viol, en élargissant la définition du terme « activité sexuelle » afin qu'elle comprenne « toute communication à des fins d'ordre sexuel ou dont le contenu est de nature sexuelle ».
Même si nous comprenons la justification qui sous-tend cet élargissement proposé, nous avons des préoccupations au sujet de l'étendue du libellé et de la façon dont une interprétation au sens large pourrait empiéter sur le droit de l'accusé de présenter une défense pleine et entière et exiger qu'il divulgue des éléments importants de la preuve et de la stratégie de la défense à l'avance du procès. Cette question est abordée de façon plus complète dans notre mémoire écrit, mais nous proposons un amendement utile qui viserait à clarifier le fait que les communications entre l'accusé et le plaignant concernant l'activité sexuelle en cause dans l'affaire devraient être explicitement exclues des dispositions sur la protection des victimes de viol.
Je veux aborder l'article 25 du projet de loi un peu plus en détail. Cet article crée une nouvelle disposition, soit l'article 278.92 proposé, qui exigerait que l'accusé présente au tribunal une demande pour produire certains dossiers relatifs au plaignant ou à un témoin, si ces dossiers sont déjà en sa possession. Il s'agit d'une expansion du régime actuel relatif aux dossiers de tiers, qui a pour but d'établir un équilibre entre le droit de l'accusé de présenter une défense pleine et entière et les droits des plaignants et des témoins à la vie privée, à la sécurité personnelle et à l'égalité. À notre avis, l'ajout de dossiers en la possession de l'accusé à ce régime de preuve spécial fait pencher la balance de façon trop importante et limite déraisonnablement les droits de l'accusé prévus dans la Constitution.
Cette modification impose clairement des obligations de divulgation à l'accusé, ce qui constitue une évolution sans précédent pour le Code criminel, dont nous devrions grandement nous méfier. La divulgation devra être faite à l'avance, avant que l'accusé ait entendu la preuve de la Couronne contre lui. Vu le droit de garder le silence, la présomption d'innocence et le fait que le fardeau de la preuve incombe à la Couronne dans une poursuite criminelle, jamais une obligation de divulgation réciproque n'a été imposée à l'accusé de cette manière.
Le gouvernement a laissé entendre que ce changement serait entériné par nos tribunaux, et ce, pour les mêmes raisons que le régime relatif aux dossiers de tiers l'a été dans R. c. Mills. À notre avis, cet argument est fondamentalement boiteux. Premièrement, lorsque les dossiers sont déjà en possession de l'accusé, il ne saurait y avoir de saisie où on pourrait invoquer l'article 8. C'est quelque chose qui a été considéré comme important dans l'affaire Mills. Deuxièmement, la préoccupation au sujet du recours au régime des tiers afin d'aller à la pêche dans la vie privée du plaignant ou d'un témoin n'est pas soulevée.
La définition du terme « dossiers » est vaste, surtout si elle est appliquée aux plaignants et aux témoins, et elle est susceptible de donner lieu à un litige important. À notre avis, cet ajout aux règles de preuve en jeu dans les cas d'agression sexuelle enfreint les droits constitutionnels de l'accusé de garder le silence et de présenter une défense pleine et entière, et ce, d'une manière qui ne peut pas être justifiée.
Nous sommes d'avis que le gouvernement devrait se concentrer sur d'autres moyens de protéger et de respecter les plaignants, au lieu de modifier une disposition législative qui est déjà progressiste et protectrice. La faille pourrait tenir à l'application plutôt qu'au libellé en soi.
Enfin, je voudrais aborder l'article 73 du projet de loi, qui modifie la Loi sur le ministère de la Justice. L'ACLC participe à des activités de défense des droits relativement à l'article 4.1 de cette loi depuis plusieurs années, notamment dans le cadre de son intervention dans l'affaire Edgar Schmidt c. Le procureur général du Canada devant la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale.
Nous avons également entrepris un projet important dans le but d'étudier les nouveaux freins et contrepoids qui pourraient être intégrés dans notre processus législatif fédéral afin de hausser la norme de conformité avec la Charte des projets de loi déposés et adoptés au Parlement. Dans notre mémoire écrit, j'ai inclus un lien qui mène à la version complète de notre rapport intitulé Charter First — la Charte d'abord —, qui expose nos recommandations en détail.
Actuellement, l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice rende des comptes au Parlement lorsqu'il estime qu'une loi émanant du gouvernement n'est pas conforme à la Charte. Toutefois, selon l'interprétation actuelle de cette disposition, le ministre ne doit rendre des comptes qu'en l'absence d'arguments crédibles à l'appui de la constitutionnalité d'un projet de loi. En pratique, cela signifie qu'absolument aucun rapport faisant part de préoccupations au sujet de la conformité avec la Charte n'a été présenté au Parlement à ce jour.
Fait important, le gouvernement se sert parfois de la disposition comme bouclier durant le processus législatif, ce qui donne à penser que l'absence d'un rapport présenté par le ministre indique que le projet de loi est conforme à la Charte.
Selon la proposition formulée dans le projet de loi , un nouvel article 4.2 serait ajouté à la loi pour exiger que le ministre produise un énoncé concernant la Charte relativement à tous les projets de loi émanant du gouvernement présentés au Parlement. L'énoncé recenserait tous les droits et libertés prévus dans la Charte qui pourraient être mis en péril par un projet de loi, expliquerait brièvement la nature du danger et établirait toute justification possible des limites qu'un projet de loi pourrait imposer à l'égard de tels droits et libertés.
L'ACLC a recommandé que des énoncés concernant la Charte soient présentés au Parlement. Toutefois, nous avons demandé un énoncé beaucoup plus détaillé que ce qui est envisagé dans le projet de loi. À notre avis, l'énoncé devrait exposer la position de principe du gouvernement selon laquelle chaque nouveau projet de loi proposé est, selon la prépondérance des probabilités, conforme aux buts et aux dispositions de la Charte. L'énoncé devrait comprendre une analyse des critères juridiques, des facteurs et des solutions de rechange raisonnables qu'on a examinés afin de tirer les conclusions, ainsi que des renvois à tous précédents et normes contradictoires ou pertinents.
Sans ce genre d'exigence, les énoncés concernant la Charte ne vaudront pas bien mieux que des exercices de relations publiques pour le gouvernement. Même si nous apprécions le fait que l'actuelle a produit des énoncés concernant la Charte relativement à un certain nombre de projets de loi récents, avec tout le respect que je lui dois, ces énoncés ne répondaient pas aux normes de rigueur, d'exhaustivité et de profondeur exigées par les députés et le public afin qu'on puisse tenir compte de façon significative des conséquences constitutionnelles du projet de loi proposé.
Je renverrai le Comité à notre rapport intitulé Charter First afin qu'il voie nos autres recommandations, qui sont de plus grande portée et qui touchent, notamment les projets de loi d'initiative parlementaire et les projets de loi d'intérêt public émanant du Sénat, en plus des projets de loi émanant du gouvernement. Nous continuons de croire qu'une réforme importante est nécessaire à cet égard, et nous accueillons favorablement la possibilité de continuer à interagir avec le gouvernement et le Comité à ce sujet.
Même si nous ne croyons pas que l'article 4.2 proposé est suffisant, il serait amélioré de façon importante si on l'amendait de manière à s'assurer que les énoncés concernant la Charte sont bien plus détaillés, dans le but de vraiment aider le Parlement et le public à évaluer les conséquences constitutionnelles des projets de loi proposés.
J'ai hâte de répondre à vos questions. Je vous remercie encore de m'avoir donné la possibilité de comparaître.
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Je m'appelle Rebecca Bromwich. Je comparais au nom du CEJC, le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie. Ma collègue, Melanie Younger, m'accompagne.
Je voudrais remercier les honorables membres du Comité de nous donner la possibilité de comparaître cet après-midi.
Nous avons soumis un mémoire écrit, que je présenterai sous forme d'aperçu, mais je n'en aborderai pas tous les aspects. Principalement, nous sommes là pour appuyer fermement des changements qu'on propose d'apporter aux dispositions concernant les agressions sexuelles dans le projet de loi .
Notre organisation a été fondée en 1972 par 11 confessions chrétiennes, et nous fonctionnons de façon indépendante de tous nos organismes. Nous accueillons favorablement la participation multiconfessionnelle et laïque, et notre organisation est œcuménique. Nous avons pour mandat de mettre en lumière la justice réparatrice. Nous croyons savoir que la tâche de la justice est une responsabilité communautaire, et il importe de prendre en considération les membres de la collectivité, y compris les plaignants, dans le contexte de toute procédure criminelle.
C'est dans le cadre de cette tendance thématique que nous appuyons fermement les changements qui sont présentés dans le projet de loi afin de modifier le Code criminel de manière à clarifier et à codifier la décision qui a été rendue dans l'arrêt J.A. de la Cour suprême, en 2011, selon laquelle une personne inconsciente est incapable de consentir à des relations sexuelles, ainsi qu'à clarifier le fait que la défense de croyance erronée au consentement est irrecevable dans les cas d'erreur de droit, et, encore une fois, le projet de loi codifie adéquatement certains aspects de l'arrêt Ewanchuk rendu en 1999 par la Cour suprême. L'expansion des dispositions sur la protection de victimes de viol est quelque chose que nous appuyons également, de même que l'élargissement des droits à la représentation par un avocat pour les plaignants dans les instances concernant une agression sexuelle.
Encore une fois, nous estimons qu'il est d'une importance cruciale qu'une valeur soit accordée à la compassion à l'égard de tous les membres de la société et des collectivités canadiennes, y compris les plaignants, que ce soit des enfants, des hommes ou des femmes, et que leurs intérêts et leurs points de vue soient portés à l'attention des tribunaux. Nous affirmons ou soutenons que cette proposition législative établit le bon équilibre entre ces aspects et la protection des droits des accusés, qui continuent de bénéficier de la présomption d'innocence et du droit de présenter une défense pleine et entière. Nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une entrave minime à ces droits qui est tout à fait justifiée dans une société libre et démocratique sous le régime de l'article 1 de la Charte, dans l'intérêt de l'équité et de la compassion à l'égard des plaignants.
Concernant les autres dispositions présentées dans le projet de loi , nous appuyons également la et souscrivons à son opinion, selon laquelle les dispositions formulées sont redondantes ou obsolètes, notamment, plus précisément — comme j'ai entendu un témoin qui a comparu plus tôt cet après-midi le mentionner —, l'article 296, en ce qui a trait à la publication de libelle blasphématoire. Nous appuyons certainement le retrait de cette disposition.
De plus — et, sur ce point, notre opinion diverge à un certain degré de celle de certains commentateurs confessionnels qui ont pris la parole en tant que témoins cet après-midi —, nous appuyons le retrait de l'article 176 du Code criminel, essentiellement pour trois raisons. Premièrement, cet article prévoit des mesures qui sont autrement prévues par l'article 175 du Code criminel, qui interdit les méfaits publics, par les articles 265 à 268, qui concernent les voies de fait, et par les articles 318 et 319, qui portent sur le discours haineux.
Deuxièmement, il est préoccupant que l'article 176 ait le potentiel de criminaliser des formes de dissidence qui ne constituent pas un méfait. Je soutiendrais, par exemple, qu'il aurait criminalisé la conduite de Martin Luther, quand il a cloué ses 95 thèses au mur, il y aura 500 ans demain. Alors, il est problématique que nous continuions d'appliquer une interdiction pénale qui criminaliserait des formes de dissidence dans un contexte religieux. La dissidence n'est pas nécessairement incompatible avec la pratique religieuse.
Troisièmement, l'alinéa 2a) de la Charte exige que le paradigme chrétien ne soit pas nécessairement le modèle pour notre protection de la liberté de religion. Par exemple, ma collègue Melanie et moi-même en avons discuté dans le contexte d'autres types de pratique confessionnelle, par exemple des célébrations autochtones ou wiccanes ou bien d'autres formes de célébrations. Même chez les quakers, par exemple, il n'y a pas nécessairement de célébrant désigné officiellement qui occupe un poste ou joue un rôle continuellement, alors la protection des célébrants prévue au paragraphe 176(2) n'est pas nécessairement applicable de façon universelle.
Au lieu de modifier une disposition gravement lacunaire, nous estimons qu'il est approprié de protéger les communautés religieuses et leurs services. Une toute nouvelle disposition ou, comme l'a affirmé Me Matas au nom de B'nai Brith, des dispositions concernant le prononcé de la peine seraient appropriées dans le présent contexte. Toutefois, nous ne croyons pas qu'on devrait garder une disposition gravement lacunaire et nous convenons avec la qu'il est approprié de retirer cette disposition.
Enfin, nous saluons la disposition du projet de loi qui modifierait la Loi sur le ministère de la Justice qui prévoit que la ministre de la Justice dépose un énoncé relatif à la Charte. Nous aimerions aller a--delà de cela. Nous souhaiterions que l'examen du Code criminel effectué dans le cadre de ce projet de loi soit officialisé et réalisé de manière régulière plutôt que ponctuelle. Nous soutenons qu'il serait approprié de remettre en place une commission de réforme du droit d'une façon ou d'une autre pour que ce processus continue.
Je devrai modifier mon manuel de cours lorsqu'on retirera les dispositions relatives au libelle blasphématoire et à l'histoire illustrée de crime, mais je serai heureuse de le faire. Je préférerais que notre Code criminel soit exact plutôt que de le critiquer.
Merci.