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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 088 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 février 2018

[Enregistrement électronique]

(1140)

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. C'est un plaisir d'accueillir nos témoins d'aujourd'hui, alors que nous poursuivons notre étude sur la traite des personnes au Canada.

[Français]

    Aujourd'hui, nous accueillons des représentants de Statistique Canada: Mme Kathy AuCoin, chef du Centre canadien de la statistique juridique, et M. Yvan Clermont, directeur de ce même centre.
    Bienvenue à vous deux.

[Traduction]

    Nous recevons aujourd'hui Mme Natasha Kim, directrice générale de l'Immigration du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
    Madame Kim, soyez la bienvenue.
    Nous avons également avec nous M. Bruce Scoffield, directeur général de l'Orientation du programme d'immigration.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Scoffield.

[Français]

    Nous accueillons également des représentants du ministère de l'Emploi et du Développement social. Il y a tout d'abord M. Philippe Massé, directeur général de la Direction des travailleurs étrangers temporaires, à la Direction générale des compétences et de l'emploi.
     Bienvenue, monsieur Massé.

[Traduction]

    Nous accueillons également Mme Kathleen Walford, directrice générale des Opérations d'intégrité, au sein de la Direction générale des services d'intégrité.
    Madame Walford, soyez la bienvenue.
    Chacun des témoins disposera de 8 à 10 minutes pour faire sa déclaration. Nous allons commencer par les représentants de Statistique Canada.

[Français]

    Monsieur Clermont, la parole est à vous.
    Laissez-nous d'abord remercier les membres du Comité de l'invitation à présenter aujourd'hui les plus récentes statistiques concernant la traite des personnes au Canada.
    Essentiellement, Statistique Canada a deux principales sources de données sur la traite des personnes: les données fournies par les services policiers et celles transmises par les tribunaux. Je vais vous présenter aujourd'hui un aperçu des principaux indicateurs provenant de ces différentes sources.
    Passons maintenant à la prochaine diapositive.
    Permettez-moi de souligner que, même si nous pouvons fournir les statistiques les plus récentes sur la traite des personnes, nous reconnaissons que la collecte de données sur ce type d'infraction présente des défis, et ce, pour plusieurs raisons.
    Jusqu'à présent, les recherches ont montré que de nombreuses victimes de la traite des personnes hésitent à signaler l'infraction aux autorités. De plus, il a été reconnu au fil du temps que certaines autorités ont éprouvé des difficultés à définir les infractions de traite des personnes. En raison de ces limites, nous croyons qu'il y a, dans une certaine mesure, une sous-déclaration des incidents de traite des personnes au Canada.
    Cela étant dit, comme vous le verrez plus loin dans cette présentation, on a connu une augmentation importante du nombre d'affaires de traite des personnes signalées à la police. Ce qui n'est pas clair, c'est s'il s'agit d'une augmentation réelle ou d'une simple indication du fait que les services policiers et les autorités sont mieux outillés pour détecter et rapporter ce type d'incidents.
    Passons maintenant à la troisième diapositive.
    Expliquons d'abord ce que nous récoltons à partir de nos sources.
    Les infractions qui entrent dans la catégorie de la traite des personnes selon le Programme de déclaration uniforme de la criminalité comprennent quatre éléments: la traite des personnes, dont il est question à l'article 279.01 du Code criminel du Canada; la traite de personnes âgées de moins de 18 ans; le fait de bénéficier d'un avantage matériel provenant de la traite des personnes; et la rétention ou la destruction de documents en vue de faciliter la traite des personnes.
    Je débuterai en résumant les principales constatations qui ressortent de la présentation que nous faisons ce matin.
    Le nombre d'incidents de traite des personnes rapportés à la police est à la hausse. Cette récente hausse est le produit, entre autres choses, de la hausse de la traite des personnes provenant d'au-delà des frontières, de la hausse de la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle et, finalement, de la traite reliée au travail forcé.
    Cette hausse peut être attribuée en partie aux méthodes améliorées de déclaration des données, de détection et d'enquête de ces crimes.
    En gros, ce type de crime est souvent relié à certaines formes d'exploitation sexuelle, par exemple la prostitution, qui est plus souvent rapportée en milieu urbain, précisons-le.

[Traduction]

    Maintenant, sur la prochaine diapositive, soit la quatrième, on constate une augmentation des infractions de traite de personnes. Comme vous pouvez le voir, en 2010, le taux de traite des personnes pour 100 000 personnes n'était que de 0,08, alors qu'en 2016, il est passé à 0,94.
    Les taux de traite des personnes sont 11 fois plus élevés en 2016 qu'en 2010, et les plus fortes hausses ont eu lieu entre 2013 et 2015.
    En comparaison, au cours de la même période, le taux global de criminalité a diminué de 19 %. Il convient également de noter que, à près d'un incident pour 100 000 personnes, cette infraction représente des taux de prévalence similaires à certaines autres infractions relatives à la prostitution.
    Comme je l'ai mentionné au départ, on ne peut établir avec certitude si l'augmentation observée ici est le résultat de meilleures méthodes de signalement, de détection et d'enquête sur les cas de traite de personnes ou une augmentation réelle du nombre d'incidents. Il n'en demeure pas moins que, grâce à nos interactions avec les services de police de partout au pays, nous savons que les autorités comprennent désormais mieux ce type d'infractions.
    Chaque année, au cours des quatre dernières années, environ 30 % des incidents étaient liés au trafic transfrontalier de personnes, et 70 % étaient liés à l'exploitation sexuelle ou au travail forcé. La façon dont nous recueillons les données ne nous permet pas de faire la différence entre le travail forcé ou l'exploitation sexuelle. En revanche, lorsqu'on se penche sur les caractéristiques de ces incidents, on constate qu'il s'agit principalement d'exploitation sexuelle.
(1145)
    Sur la prochaine diapositive, le graphique illustre la même tendance, mais ici, on parle plutôt du nombre d'incidents déclarés par la police. On voit notamment que la traite des personnes est passée de 41 infractions en 2009 à 340 en 2016. Ce que vous ne voyez pas sur ce graphique cependant, c'est que c'est à Toronto, Ottawa, Montréal et Halifax que nous avons observé les plus fortes augmentations au cours des dernières années.
    Si vous passez maintenant à la sixième diapositive, si on regarde les données les plus récentes que nous avons reçues des services de police, nous savons qu'en 2016, il y a eu 340 incidents de nature criminelle où l'infraction de traite de personnes constituait l'infraction la plus grave, ce qui représentait 0,02 % de tous les incidents déclarés par la police. Il est important de noter que tout incident criminel porté à l'attention de la police peut impliquer un certain nombre d'autres infractions liées au même incident. Autrement dit, d'autres infractions peuvent être commises en parallèle à la traite de personnes.
    De 2009 à 2016, il y a eu 1 099 affaires mettant en cause une infraction de traite de personnes; plus de la moitié, ou 555, si vous préférez, de ces affaires impliquaient une autre infraction. Si on examine les données de plus près, parmi les incidents où il y a eu plus d'une infraction, nous avons vu que dans les cas où la traite de personnes constituait l'infraction la plus grave, près de 6 incidents sur 10 étaient également associés à une infraction de prostitution. De plus, nous avons aussi observé que, parmi les affaires dans lesquelles la traite des personnes était en cause sans toutefois être l’infraction la plus grave, le quart des incidents étaient des affaires d'enlèvement, 1 sur 5 impliquait une agression physique, et 1 sur 10, une agression sexuelle.
    Sur la septième diapositive, lorsqu'on examine les données d'un point de vue provincial, on constate que les deux tiers des infractions de traite de personnes ont eu lieu en Ontario, alors qu'un peu plus d'une sur 10 a été perpétrée au Québec. En outre, il est clair que la traite des personnes est un problème qui touche principalement les grandes villes: près de 9 cas sur 10 de traite de personnes se sont produits dans les grandes villes. Cela n'est pas une surprise, puisque les études révèlent que les victimes sont amenées dans les villes où se trouvent les clients. En examinant à nouveau les données de la police, on peut voir que près de la moitié des infractions de traite de personnes commises au pays ont eu lieu à Toronto, à Ottawa et à Montréal.
    Sur la diapositive suivante, on trouve un graphique qui répartit les victimes de la traite des personnes selon leur groupe d'âge. Tout d'abord, notons que sur les huit années de données que nous avons analysées, il s'est avéré que 95 % des victimes étaient des femmes, et le plus souvent, il s'agissait de très jeunes femmes. Près de la moitié des victimes de la traite étaient âgées de 18 à 24 ans. De plus, un peu plus du quart des victimes avaient moins de 18 ans. La majorité des victimes connaissaient la personne accusée du crime. Les relations les plus courantes entre la victime et l'accusé variaient de simples connaissances, à des relations intimes, mais pas conjugales, des relations d'affaires ou des relations criminelles.
    Sur la neuvième diapositive, on retrouve un graphique qui montre la répartition selon l'âge des personnes accusées. Je voudrais maintenant attirer votre attention sur le fait que la grande majorité des auteurs présumés de la traite de personnes sont des hommes, et que plus de 4 infractions sur 10 impliquent des jeunes âgés de 18 à 24 ans, alors que plus d'un tiers des infractions sont commises par des hommes âgés de 15 à 24 ans.
    Sur la dernière diapositive, la dixième, il est question de l'enquête dont j'ai parlé au début, soit l'Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle, grâce à laquelle Statistique Canada recueille de l'information sur les affaires judiciaires liées à la traite de personnes. Les données de cette enquête ont révélé que, de 2005-2006 à 2015-2016, 84 causes dans lesquelles une infraction de traite de personnes constituait l'infraction la plus grave ont été réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes.
(1150)
    Parmi ces causes de traite de personnes portées devant les tribunaux, la majorité, c'est-à-dire 60 %, se sont soldées par un arrêt ou un retrait, alors que près du tiers ont donné lieu à un verdict de culpabilité. Au cours de la même période, 222 causes portées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes comportaient une infraction de traite de personnes qui n'était pas l'infraction la plus grave; il s'agissait le plus souvent de causes liées à des infractions de prostitution et à des infractions de privation de liberté. Parmi les 306 causes instruites par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes qui comportaient au moins une accusation de traite de personnes, les deux tiers comprenaient plus d'une accusation de traite de personnes.
    En conclusion, nous avons mentionné au cours de notre exposé que de nombreuses victimes de la traite de personnes sont réticentes à collaborer avec les autorités et que, par conséquent, il est difficile d'évaluer l'ampleur du phénomène. Il pourrait donc y avoir un certain niveau de sous-déclaration des incidents de traite de personnes au Canada.
    En sachant que nos partenaires prennent très au sérieux le problème de la traite de personnes, nous nous efforçons de trouver des façons de mieux comprendre cette infraction. Nous trouvons des moyens de recueillir des données supplémentaires pour aider à orienter la politique. Un des exemples serait celui des questions améliorées qui ont été récemment ajoutées à l'une de nos enquêtes sur les établissements d'hébergement destinés aux victimes d'abus. L'enquête sera utilisée sur le terrain au printemps 2018 et permettra de recueillir des informations auprès des refuges. On demandera aux gestionnaires des refuges de faire rapport sur le nombre de résidents qui ont utilisé les services de ce type d’établissement pour des motifs liés à la traite de personnes, qu'il s'agisse de travail forcé ou d'exploitation sexuelle. Les résultats de cette activité de collecte de données seront publiés au printemps 2019.
    Voilà qui conclut notre exposé. Merci.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Clermont.

[Traduction]

    Je vais maintenant céder la parole à la représentante du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
    Madame Kim.

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie de nous offrir l'occasion de discuter ici aujourd'hui de l'importante question de la traite des personnes.
    Comme l'ont dit mes collègues du ministère de la Sécurité publique devant ce comité, le gouvernement du Canada est déterminé à accroître ses efforts pour combattre la traite des personnes et protéger ses victimes.
    En tant que membre du groupe de travail fédéral sur la traite des personnes, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, appuie les efforts nationaux visant à combattre la traite des personnes, que ce soit par ses propres moyens ou en collaboration avec d'autres ministères et agences du gouvernement fédéral.

[Traduction]

    Mes collègues d'EDSC vous donneront davantage de détails sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Pour ma part, j'aimerais concentrer mes observations sur trois volets: premièrement, le rôle de l'immigration dans le contexte de la traite de personnes; deuxièmement, ce que fait IRCC pour prévenir la traite de personnes; et troisièmement, les mesures que nous prenons pour protéger les victimes de la traite de personnes.
    Tout d'abord, en ce qui concerne le rôle que joue l'immigration dans la traite de personnes, sachez que les politiques d'immigration du Canada visent à contribuer à la prospérité économique du pays, à notre tissu social et culturel et à nos obligations et traditions humanitaires. Chaque année, IRCC interagit avec des millions de clients et de demandeurs du Canada et de partout dans le monde, pour le traitement des demandes de visa, de permis de travail et d'études et de résidence permanente.
    Comme vous le savez, la traite de personnes constitue une infraction en vertu du Code criminel du Canada, une infraction fédérale en matière d'immigration en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. En vertu de cette loi, il est interdit d’organiser l’entrée au Canada de personnes par enlèvement, fraude, tromperie, utilisation ou menace d’utilisation de la force ou de toute autre forme de coercition. Le recrutement, le transport, l’accueil et l’hébergement de telles personnes constituent également une infraction.
    Comme nos collègues de Statistique Canada et de la GRC l'ont souligné, il est difficile d'évaluer avec précision l'ampleur de la traite de personnes au Canada. Jusqu'à présent, les éléments de preuve montrent que la grande majorité des accusations criminelles de traite de personnes ont été portées au Canada plutôt qu'à l'étranger et qu'elles étaient davantage liées à l'exploitation sexuelle qu'à d'autres types de travail forcé.
    En revanche, lorsqu'on parle de travail forcé, les chercheurs ont soulevé des préoccupations à l'égard des personnes qui arrivent au Canada en tant que travailleurs migrants. Les travailleurs migrants représentaient moins de 1,5 % de la main-d'oeuvre du Canada en 2016. Ils présentent toutefois des vulnérabilités particulières qui contribuent à leur incapacité ou à leur réticence à rapporter des situations de traite de travailleurs, ou à s'en sortir. En plus de craindre pour leur sécurité ou pour celle de leur famille, ce qui se voit dans d'autres cas de traite de personnes, ils peuvent aussi être vulnérables pour les raisons suivantes: les barrières linguistiques et l'isolement; l'ignorance de leurs droits au Canada; la confiscation de pièces d'identité comme le passeport; les menaces de déportation ou les fausses promesses de statut de résident permanent.
    Même si certains cas parviennent aux autorités, aux ONG ou aux médias, ces facteurs contribuent probablement à ce que les victimes hésitent à dénoncer leur situation, et à ce que tous les cas ne soient pas déclarés. C'est pourquoi la prévention et la protection sont les piliers clés de l'approche du gouvernement du Canada en matière de traite de personnes.
    Laissez-moi maintenant vous décrire le rôle d'IRCC dans chacun de ces domaines.
    Tout d'abord, avant de vous parler des outils visant à prévenir et à détecter les cas de traite des travailleurs, il est important de mentionner que nous travaillons en étroite collaboration avec une panoplie de partenaires, y compris EDSC, l'Agence des services frontaliers du Canada et, évidemment, les provinces et les territoires.
    EDSC et IRCC partagent la responsabilité de gérer les programmes permettant l'entrée temporaire de travailleurs migrants au Canada. Il est important de souligner que l'immigration temporaire soutient la croissance économique du Canada. Par conséquent, ces programmes ont pour but de favoriser notre croissance économique en comblant les besoins en main-d'oeuvre. Cela améliore également le commerce et les liens entre les pays.
    EDSC est responsable du Programme des travailleurs étrangers temporaires et de l'émission des études d'impact sur le marché du travail, qui permettent à des entreprises canadiennes d'embaucher des travailleurs étrangers temporaires lorsqu'elles ne trouvent pas de Canadiens disponibles. Une fois que l'employeur a son étude d'impact sur le marché du travail en main, il en informe le travailleur qui lui présente une demande pour un permis de travail et, au besoin, un visa auprès d'IRCC. De plus IRCC gère le Programme de mobilité internationale, dont l'objectif est de permettre aux employeurs d'embaucher des travailleurs étrangers afin de faire avancer les intérêts économiques et culturels du Canada, en plus d'autres avantages concurrentiels.
    Ces deux programmes débouchent sur la délivrance d'un permis de travail à employeur déterminé, en vertu duquel le détenteur ne peut travailler que pour l'employeur qui y est inscrit.
(1155)
    Certains craignent que cette situation n'accentue la vulnérabilité du travailleur migrant en liant directement son statut d'immigrant à l'employeur. Il faut cependant savoir que ce permis est le fondement des régimes de conformité des employeurs associés au programme, lesquels figurent parmi les principaux outils de protection des travailleurs.
    D'abord, en début de processus, les régimes de conformité établissent les exigences auxquelles l'employeur doit se conformer. Dans le cadre des deux programmes, l'employeur doit satisfaire à certaines conditions: participer activement à l'entreprise; respecter toutes les lois fédérales et provinciales applicables; fournir aux travailleurs migrants un salaire et un emploi équivalents à ce qui a été énoncé dans l'offre d'emploi; fournir un milieu de travail exempt de mauvais traitements; et conserver la documentation pendant six ans.
    Puis, une fois le processus entamé, le régime de conformité permet de procéder à l'inspection de l'employeur pour s'assurer qu'il s'acquitte de ses obligations. Le régime de conformité n'a pas pour objectif de punir, mais plutôt d'encourager la conformité. Parmi les sanctions possibles, mentionnons les lettres d'avertissement, l'interdiction de participer au programme, les sanctions pécuniaires et la publication du nom des employeurs non conformes. Les cas pour lesquels on soupçonne des activités criminelles sont transmis à nos partenaires d'application de la loi.
    En ce qui concerne le Programme de mobilité internationale, IRCC inspecte chaque année environ 25 % des employeurs qui embauchent des travailleurs migrants. En ce moment, près de 15 % des travailleurs sont trouvés non conformes, alors que la vaste majorité peuvent expliquer cela par des erreurs administratives ou des erreurs non intentionnelles.
    Comme mes collègues d'EDSC vous l'expliqueront, nous travaillons à un certain nombre de mesures pour mieux renseigner et protéger les travailleurs migrants.
    Pour terminer, j'aimerais vous décrire les mesures que prend IRCC pour protéger les ressortissants étrangers qui sont victimes de la traite de personnes et qui décident de dénoncer leur situation.
    IRCC intervient habituellement lorsqu'un organisme d'application de la loi ou un organisme non gouvernemental aiguille une victime, potentielle ou confirmée, vers notre ministère. La victime potentielle peut aussi s'adresser elle-même à IRCC. Notre principal objectif dans une telle situation est de mettre la victime à l'abri du danger et de faire en sorte que son statut lui permette de rester au Canada et d'obtenir du soutien. Nous remplissons cette mission en permettant aux agents d'immigration de délivrer un permis de séjour temporaire aux ressortissants étrangers victimes de la traite de personnes. Ces derniers se voient offrir le Programme fédéral de santé intérimaire et des services de consultation. Les victimes qui ne possèdent pas de permis de travail peuvent en faire la demande au même moment. Tant le permis de séjour temporaire que le permis de travail peuvent être obtenus gratuitement. En 2016, IRCC a délivré 66 permis de séjour temporaire, dont 26 nouveaux permis et 40 permis renouvelés.
    Les victimes de la traite de personnes qui se voient accorder un permis de séjour temporaire ont ainsi le temps d'évaluer leurs options, de se soustraire à l'influence des trafiquants, de se remettre des traumatismes physiques et psychologiques, de recevoir de l'aide et peut-être, si elles le souhaitent, d'aider les autorités dans le cadre d'une enquête ou d'une poursuite pour infraction présumée commise au Canada.
    Les ressortissants étrangers victimes de la traite de personnes disposent de diverses options pour demander à rester au Canada de façon permanente. Ils peuvent par exemple invoquer des motifs d'ordre humanitaire, ou encore faire une demande au titre de la catégorie des titulaires de permis s'ils résident au Canada en vertu d'un permis de séjour temporaire depuis trois à cinq ans.
(1200)

[Français]

    Pour conclure, j'aimerais souligner que, grâce à nos partenariats et aux activités que j'ai évoquées aujourd'hui, IRCC appuie les efforts du gouvernement pour combattre la traite des personnes.
    J'espère que l'information qui vous a été transmise vous sera utile.
    Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Kim.

[Français]

    Nous allons maintenant passer à M. Massé, du ministère de l'Emploi et du Développement social.
    Je remercie également tous les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de nous donner l'occasion de leur faire part des efforts déployés par Emploi et Développement social Canada pour protéger les travailleurs migrants et pour assurer la conformité des employeurs au sein du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
    J'aimerais commencer par donner un aperçu du Programme, pour ensuite discuter de certains des enjeux auxquels font face les travailleurs étrangers vulnérables. Enfin, j'aimerais énumérer les mesures que prend le ministère afin de mieux protéger les travailleurs étrangers de tout type d'exploitation.
    Comme mentionné par ma collègue d'IRCC, le Programme permet aux employeurs d'embaucher des travailleurs étrangers pour combler leurs besoins de main-d'oeuvre lorsque des citoyens canadiens ou des résidents permanents ne sont pas disponibles.
    Le Programme est administré conjointement par EDSC et IRCC, avec le soutien de l'Agence des services frontaliers du Canada.

[Traduction]

    EDSC est responsable de traiter et de délivrer les Évaluations de l’impact sur le marché du travail, les EIMT, à la demande des employeurs qui souhaitent embaucher des TET. Dans le cadre de ce processus de demande, les employeurs consentent à se conformer aux exigences du programme qui visent la protection des travailleurs migrants et du marché du travail canadien. Il incombe également à EDSC d’administrer le régime de conformité des employeurs pour le programme des TET.
    Nous savons que les travailleurs qui arrivent au Canada en vertu du volet des postes à faible salaire, y compris les aides familiaux et les travailleurs du secteur agricole primaire, sont les plus vulnérables à l’exploitation. Comme ma collègue l’a dit, ces groupes sont plus vulnérables en raison des obstacles linguistiques, de l’isolement et du manque d’accès à de l’information juste sur les droits et les mesures de protection. Certains peuvent aussi craindre de subir des représailles et d’être renvoyés dans leur pays d’origine s’ils parlent.
    EDSC prend très au sérieux la protection des TET et s’engage à leur assurer, quand ils viennent travailler au Canada, les mêmes droits et la même protection dont bénéficient les Canadiens. Nous avons mis en place un système de contrôle visant à détecter et à prévenir l’exploitation des travailleurs étrangers et nous travaillons sans cesse à l’améliorer.
    EDSC dispose de l’autorité nécessaire pour effectuer des inspections administratives afin de veiller à ce que les employeurs respectent certaines exigences lorsqu’ils soumettent une demande au programme et qu’ils continuent de les respecter lorsque les TET sont au Canada. EDSC n’a cependant aucune compétence en matière pénale, notamment en ce qui concerne la traite de personnes, et transmet ces cas à l’ASFC et à la GRC.
(1205)

[Français]

    Avant de demander une étude d'impact sur le marché du travail, l'employeur doit afficher les postes à pourvoir à l'intention des Canadiens et des résidents permanents et doit s'inscrire aux services du Guichet-Emplois du gouvernement du Canada.
    Le Guichet-Emplois a mis en place des mesures de sécurité et de validation pour évaluer l'authenticité des employeurs qui utilisent sa plateforme et des débouchés d'emploi qui y sont affichés.

[Traduction]

    Pour ce qui est du processus des EIMT, il comprend l’évaluation du statut véritable et de la conformité antérieure des employeurs. Plus précisément, les agents de Service Canada doivent prendre en considération quatre critères pour confirmer qu’une offre d’emploi est légitime: l’employeur doit être véritablement actif dans l’entreprise; le poste offert doit correspondre à un besoin raisonnable de l’employeur; l’employeur doit pouvoir démontrer qu’il est en mesure de respecter les conditions de l’offre; et l’employeur doit s’être antérieurement conformé aux lois fédérales, provinciales et territoriales qui régissent l’emploi et le recrutement.
    Fournir de l’information par divers canaux aux TET au sujet de leurs droits est une autre façon de veiller à leur protection, notamment contre la traite de personnes. Le gouvernement publie une brochure intitulée « Travailleurs étrangers temporaires — Vos droits sont protégés », dans les sept langues les plus parlées par les TET. Ce document leur donne de l’information sur leurs droits quand ils sont au Canada. Dans un avenir rapproché, Service Canada va se mettre à fournir de l’information directement aux TET lorsqu’ils présenteront leur demande de numéro d’assurance sociale, et nous créons en ce moment une page Web dédiée aux droits et aux mesures de protection des travailleurs étrangers temporaires.
    Nous prenons aussi des mesures pour faciliter la communication d’information aux TET au sujet de leurs droits en travaillant plus étroitement avec les organismes de soutien des travailleurs migrants. Par exemple, en décembre 2017, la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d'oeuvre et du Travail a annoncé que le gouvernement du Canada versait une subvention de 93 000 $ à la Migrant Workers' Dignity Association, en Colombie-Britannique, pour qu’elle conçoive 17 ateliers différents, des outils d’information et du matériel pour renseigner les travailleurs étrangers temporaires sur des sujets comme la traite de personnes, l’accès à des prestations, les contrats de travail et d’autres droits.
    EDSC dispose d’un cadre global de conformité qui lui permet de veiller à ce que les employeurs suivent les règles du programme, ce qui contribue à la protection des TET. Les employeurs sont soumis à des inspections couvrant divers aspects, comme les salaires et les conditions de travail, et servant à veiller à ce que le lieu de travail soit exempt de tout type de mauvais traitements.
    À la suite des recommandations du Comité HUMA et du vérificateur général, nous avons pris une série d’initiatives visant à améliorer le régime de conformité. Afin de mieux cibler nos ressources et nos efforts, nous avons lancé un nouveau modèle de prédiction fondé sur le risque qui aide à identifier les employeurs devant faire l’objet d’une inspection, la priorité étant accordée aux cas à haut risque.
    Le ministère a nettement augmenté ses inspections sur le terrain, en ciblant de façon stratégique les employeurs des travailleurs vulnérables. Depuis avril 2017, le ministère a fait environ huit fois plus d’inspections sur le terrain qu’au cours de l’exercice précédent.
    Et depuis avril 2017, environ 50 % des inspections réalisées ont révélé des employeurs qui avaient besoin de prendre des mesures correctives, sous une forme ou sous une autre, pour se conformer aux critères du programme. La plupart des employeurs règlent rapidement les problèmes cernés lors d’une inspection. Cependant lorsqu’ils ne peuvent pas se conformer, les employeurs peuvent faire l’objet d’une sanction administrative pécuniaire variant de 500 $ à 100 000 $ par infraction et être exclus du programme pendant des périodes possibles de 1, 2, 5 et 10 ans, ou en permanence dans les cas extrêmes.
    Les renseignements sur les employeurs, les infractions commises et les pénalités reçues sont affichés sur un site Web public géré par IRCC. C’est un outil de protection des travailleurs très important pour les personnes qui sont à la recherche d’employeurs et d’occasions d’emploi.
    EDSC exploite aussi un outil en ligne de signalement des fraudes et une ligne de dénonciation 1-800. Les TET et le grand public peuvent utiliser ces outils pour signaler des cas potentiels de mauvaise utilisation du programme. Toutes les allégations sont passées en revue et les mesures appropriées sont prises, et les allégations d’activités possiblement criminelles sont communiquées aux forces de l’ordre.
    Nous continuons de chercher d’autres façons de rendre le régime d’intégrité plus fort notamment en réagissant aux recommandations du Comité HUMA et du vérificateur général, par exemple en accélérant nos efforts pour compléter une étude de la faisabilité de réaliser des inspections non annoncées sur place.

[Français]

    EDSC continue de travailler avec des partenaires et des intervenants pour rehausser les mesures de protection des travailleurs et ainsi mieux prévenir les mauvais traitements et l'exploitation.
    Le Programme collabore étroitement avec d'autres ministères fédéraux, comme IRCC, l'ASFC et la GRC, pour veiller à ce que tout cas possible de mauvais traitements ou d'acte criminel soit repéré et porté à l'attention des forces de l'ordre.
    De plus, en tant que membre du groupe de travail fédéral sur la traite des personnes, nous agissons comme point central et centre d'expertise pour les efforts antitraite du gouvernement.
(1210)

[Traduction]

    Les responsables du programme travaillent aussi en étroite collaboration avec les partenaires provinciaux et territoriaux afin d’améliorer les ententes d’échange de renseignements et de promouvoir l’officialisation des services de soutien pour résoudre les différends entre employeurs et employés, mieux prévenir les mauvais traitements et aider les TET qui ont besoin d’aide. Comme on l’a mentionné précédemment, nous travaillons davantage avec les employeurs, les syndicats et les organismes communautaires voués à la protection des travailleurs étrangers vulnérables afin de mieux informer les TET de leurs droits pendant qu’ils sont au Canada. Nous continuons de travailler avec les gouvernements étrangers et les associations internationales aux enjeux liés à la protection des travailleurs.
    En conclusion, le Programme des TET travaille sur plusieurs fronts afin d’accroître continuellement la protection des travailleurs et de minimiser les risques de traite de personnes.

[Français]

    Merci de nous avoir permis de vous adresser la parole aujourd'hui.
    Nous serons heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup à tous les témoins.

[Traduction]

    Nous allons passer aux questions.
    Nous commençons par M. Nicholson.
    Je remercie nos témoins de tous leurs témoignages d'aujourd'hui. C'est très utile pour lancer notre étude dans ce domaine en particulier.
    J'aimerais commencer par vous, monsieur Massé. Premièrement, vous avez dit que le gouvernement produit un document intitulé « Travailleurs étrangers temporaires — Vos droits sont protégés ». Serait-il possible d'obtenir un exemplaire de ce document?
    Oui. Absolument.
    Il est aussi sur le site Web. Je serai ravi de laisser mon exemplaire à la greffière.
    Dans ce document, ou dans le document auquel vous travaillez, vous allez fournir de l'information essentielle directement aux TET quand ils font leur demande de numéro d'assurance sociale.
    Est-ce que le document comporte une section ou un avertissement les aidant à se protéger contre l'exploitation sexuelle que des trafiquants pourraient essayer de leur faire subir?
    Il y a une partie qui porte en particulier sur la traite de personnes, et on y trouve des conseils qui aident les travailleurs à déterminer s'ils vivent cette situation. Ils y trouvent aussi des ressources à consulter s'ils se sentent en danger. Il y a une partie portant sur la traite de personnes qui décrit les services offerts. Le document est distribué aux travailleurs étrangers par divers moyens. Nous travaillons avec les représentants consulaires dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, et l'information sera fournie au moment de la demande de NAS. Lors des inspections sur place, les agents qui les mènent distribuent aussi le document aux travailleurs qui se trouvent sur les lieux.
    Merci beaucoup.
    Je vais poser ma prochaine question à Mme Kim.
    Le fait est que nous essayons de dire aux gens qu'ils ne peuvent pas être exploités sexuellement, qu'il y a des conséquences et qu'ils ont des protections.
    Dans votre exposé, vous avez dit que seulement 4,6 % des cas de traite de personnes touchent des étrangers. Est-ce que cela vous surprend, qu'il y en ait si peu? On nous a dit que c'est un gros problème à l'échelle internationale.
    J'aimerais entendre ce que vous pensez de cela.
    Ce pourcentage nous vient des statistiques présentées par la GRC à ce comité, concernant les accusations au criminel qui ont été effectivement portées. Avec nos collègues de Statistique Canada et de la Sécurité publique, nous pensons qu'il n'y a pas autant de signalements que de cas, simplement à cause des difficultés que les victimes rencontrent. C'est la raison pour laquelle, par exemple, les victimes de traite de personnes qui ont accès au permis de séjour temporaire n'ont pas besoin de participer à une enquête ou à des poursuites à cette fin.
    Les victimes ont-elles peur?
    C'est très possible qu'elles aient peur ou qu'elles souffrent d'un traumatisme. Les raisons de ne pas participer sont très nombreuses, mais elles ont au moins l'option de le faire et de rester.
    Je présume que la crainte d'être expulsé n'en ferait pas partie. Est-ce expliqué clairement à ces gens que ce ne sera pas une raison de les expulser?
    Absolument. Le permis de séjour temporaire s'accompagne du statut d'immigration assuré pendant la durée du séjour. Ils ont aussi accès aux services et à un permis de travail également.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Clermont, vous nous avez donné une vue d'ensemble des statistiques relatives à la traite de personnes, aux accusations portées et ainsi de suite. Vous nous avez donné des statistiques qui montrent que souvent, ces personnes ne sont pas accusées seulement de traite de personnes. Il y a d'autres infractions bien plus graves en vertu du Code criminel. Vous avez dit, cependant, que sur le total, la grande majorité des accusations ne mènent pas à des déclarations de culpabilité de traite de personnes. Est-ce parce que les gens sont trouvés coupables d'autres infractions? Je n'ai pas vu ces statistiques. Vous avez indiqué qu'ils étaient accusés d'autres infractions, et j'aimerais vraiment savoir si, en fait, ils ont été trouvés coupables. Avez-vous ces statistiques?
(1215)
    Selon l'information que nous avons, un très grand nombre d'accusations sont retirées et suspendues — c'est environ 60 %.
    Est-ce parce que les gens plaident coupables à quelque chose d'autre?
    Nous n'avons pas l'information sur ce qui se produit dans le dossier par la suite. La seule chose que nous savons, c'est que les accusations ont probablement été retirées faute de motifs raisonnables et probables pour porter des accusations, ou parce que la Couronne a jugé la probabilité de condamnation trop faible, ce qui mène à la décision de ne pas poursuivre et de retirer les accusations.
    Fait intéressant, le seul parallèle que nous trouvons, c'est qu'il y a aussi un nombre élevé d'accusations retirées dans les affaires de prostitution ou dans certains dossiers d'agression sexuelle. Dans ces types de dossiers, les retraits ou les suspensions d'accusations sont relativement plus nombreux, mais nous ne savons pas si d'autres accusations sont portées contre les personnes impliquées. Il faudrait que nous établissions des liens dans ces dossiers, je pense bien.
    Il pourrait être utile ou intéressant de le faire, pour voir s'il y a des liens. Souvent, quand une personne fait face à plusieurs accusations, la Couronne va en retirer certaines si l'accusé plaide coupable à au moins une accusation. Il me semble que ce serait une bonne idée.
    Merci, monsieur le président. Je n'ai plus de questions.
    Merci beaucoup, monsieur Nicholson.
    C'est à vous, madame Khalid.
    Merci beaucoup à nos invités d'aujourd'hui pour vos excellents témoignages.
    Monsieur Clermont, je vais commencer par vous. Vous avez dit qu'il n'existe pas de définition universelle de la traite de personnes. Quel effet cela produit-il sur la collecte de données au sujet de la traite de personnes?
    La définition que nous utilisons est celle du Code criminel, dont j'ai décrit les quatre éléments différents. Je dirais que c'est la définition universelle que nous utilisons à l'échelle nationale. Bien entendu, cela peut varier d'un pays à l'autre.
    Mais diverses agences utilisent des définitions différentes.
    Oui. L'application des codes d'un pays à l'autre ou d'une force de police à l'autre peut varier. Par exemple, dans certains cas, une force policière pourrait décider d'utiliser une autre infraction du Code criminel pour porter des accusations, et le procureur pourrait faire de même. Nous ne pouvons pas le dire. Nous ne le savons pas. Nous ne pouvons que supposer.
    Comment recueillez-vous les données? D'où viennent-elles?
    Elles viennent de deux sources différentes, dont la Déclaration uniforme de la criminalité, qui couvre 99 % de toutes les forces de police du pays. La Déclaration uniforme de la criminalité sert à recueillir de l'information détaillée sur chaque incident criminel signalé à la police, et notamment de l'information au sujet du délinquant s'il est identifié ou accusé. Elle sert aussi à recueillir de l'information démographique de base au sujet des victimes dans les cas où il s'agit d'une l'infraction violente, comme la traite de personnes.
    Croyez-vous que ce mécanisme de collecte de données est efficace et qu'il permet de brosser un tableau détaillé de la traite de personnes?
    Comme je l'ai mentionné au début de l'exposé, nous avons des raisons de croire que les statistiques de la police ne correspondent pas à la réalité, les crimes n'étant vraisemblablement pas tous signalés. Cependant, ces statistiques donnent un aperçu très juste de ce qui entre dans le système de justice pénale, et nous devons faire le suivi de cela.
    Toujours sur la question de la collecte de données, est-ce qu'il y a une ventilation selon les origines ethniques ou les groupes minoritaires, dans les données recueillies?
    C'est une excellente question. Nos ensembles de données ne nous permettent absolument pas de connaître l'origine ethnique de la victime ou de l'accusé. Ces données ne sont pas saisies par les services de police. Cela étant dit, à Statistique Canada, nous exploitons diverses façons d'aller chercher nos données par l'établissement de liens. Étant donné que c'est une lacune, nous réfléchissons à un concept qui nous permettrait de lier nos ensembles de données à d'autres ensembles de données comportant des indicateurs d'origine ethnique. Ce sera utile pour les victimes d'ici, mais il pourrait y avoir des difficultés concernant les personnes venant d'autres pays.
(1220)
    J'ai eu une excellente conversation avec des gens d'une organisation locale qui travaille à la lutte contre la traite de personnes dans ma collectivité de la région de Peel. Cette dame, qui travaille avec des victimes de traite de personnes depuis 10 ans, a mentionné que la majorité des victimes qu'elle voit sont des personnes blanches de classe moyenne, même si la région de Peel est une collectivité très diverse.
    Outre ce que vous venez de mentionner, comment pensez-vous qu'une plus grande collaboration entre ces organisations communautaires pourrait aider à la collecte de données efficaces?
    Nous devons faire preuve de créativité dans nos façons de penser. L'autre réalité que nous devons garder à l'esprit est que ce sont des victimes. Ces personnes sont traumatisées. Du point de vue de la victime, à savoir si elle se tournerait vers les autorités et divulguerait à une ONG le type de victime qu'elle est... Souvent, chez les victimes, il y a une période de pause. Peut-être que nous pourrions instaurer un processus de collecte de données décalé, mais je crois que nos efforts sont limités par la capacité des victimes et par le traumatisme qu'elles vivent.
    Nous travaillons avec des ONG. Nous travaillons avec les organismes offrant des services aux victimes. Comme Yvan l'a dit, avec toute nouvelle enquête que nous nous mettons à concevoir avec les organismes offrant des services aux victimes, nous parlons de traite de personnes afin de trouver une façon d'améliorer notre compréhension par l'ajout de données.
    Je crois que M. Picard avait une question.
    J'invite ceux qui ont besoin de l'interprétation à s'en servir.

[Français]

    Monsieur Clermont, vous avez parlé de statistiques, mais il est beaucoup question de notre propre situation. Pour établir une stratégie plus efficace, je pense qu'il serait important de mettre nos chiffres en perspective. Par comparaison avec d'autres pays, comment peut-on qualifier le marché que représente le Canada en matière de traite des personnes? Le Canada est-il un marché de fournisseurs ou de consommateurs? Cette évaluation permettrait d'adopter une stratégie plus conforme.
    La suggestion est excellente. Cela dit, il est assez difficile d'établir des comparaisons à l'échelle internationale en ce qui a trait à la traite des personnes, étant donné qu'il peut y avoir des écarts entre les définitions des divers secteurs de compétence, notamment. Nous n'avons pas fait d'étude précise en vue d'établir une comparaison entre les pays en matière de traite des personnes. C'est néanmoins une question que nous pourrions explorer.
    Comme les statistiques qui nous sont rapportées par les policiers ne sont pas suffisamment détaillées, il est assez difficile de déterminer si le Canada, pour employer vos propres termes, est un marché de fournisseurs ou de consommateurs. Comme vous l'avez mentionné, il y a des lacunes en matière d'information statistique. Nous ne sommes pas en mesure de récolter ces données pour l'instant.
    Est-ce qu'il me reste du temps de parole, monsieur le président?
    Non, mais il vous sera possible d'intervenir plus tard, lors d'un autre tour de table.
    Monsieur MacGregor, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Je suis ravi d'être de retour au Comité.
    Nous sommes heureux de votre retour.
    Monsieur Clermont, j'aimerais poursuivre dans la veine de la conversation que vous avez eue avec M. Nicholson concernant les accusations suspendues et abandonnées. Je crois que c'est le cas d'environ 60 % des accusations. Vous en avez parlé un peu, mais est-ce que le ministère de la Justice recueille des données sur les raisons de la suspension ou du retrait d'accusations? Si le Comité veut faire une recommandation sur le fonctionnement de notre système de justice, nous avons besoin de savoir si ce type de données est conservé, de sorte que nous puissions comprendre si le Code criminel fonctionne comme il le devrait, si certaines stratégies de poursuite réussissent mieux que d'autres, et ainsi de suite.
    C'est une excellente question. Les raisons pour lesquelles un procureur déciderait de retirer une accusation sont celles que j'ai mentionnées. La probabilité d'une déclaration de culpabilité est très faible, ou l'information n'est pas suffisante pour poursuivre. Il se peut même que ce ne soit pas dans l'intérêt public. Ce sont des raisons de retrait qui ont été étayées.
    Dans ce cas en particulier ainsi que dans d'autres cas qui franchissent les étapes du processus de justice pénale dans chaque province, nous n'avons pas l'information sur les raisons des retraits des dossiers. La seule chose que nous pourrions faire, comme M. Nicholson l'a indiqué, serait d'essayer de voir si ces dossiers reviennent dans le système avec un autre type d'accusation, par exemple. C'est quelque chose que nous pourrions envisager, et c'est certainement une avenue que nous pourrions explorer.
(1225)
    Concernant les lacunes dans la collecte de données, nous souhaitons faire une recommandation au gouvernement, mais vous savez aussi, à la lumière de vos pratiques exemplaires... Y a-t-il un ministère fédéral, comme Statistique Canada, qui pourrait jouer un rôle accru? Avez-vous des propositions à nous faire? Votre mandat pourrait-il être élargi? Y a-t-il des recommandations que vous pourriez nous faire à cet égard?
    Statistique Canada pourrait recommander que son mandat soit élargi notamment pour ce qui est de l'Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle, parce qu'elle nous porte à interagir avec tous les ministères de la justice du pays et que nous avons des agents de liaison relevant du sous-ministre responsable de l'administration de la justice et de la sécurité publique. C'est la façon dont nous fonctionnons, et nous sommes responsables des statistiques en matière de justice.
    Si une proposition ou une recommandation était faite à cet égard, elle pourrait être transmise à Statistique Canada, qui ferait le lien avec les ministères compétents.
    Merci.
    Monsieur Massé, j'aimerais vous parler de la traite de travailleurs. Dans les litiges entendus par les tribunaux, est-il plus fréquent que l'employeur soit trouvé complice ou qu'il ait engagé la personne par l'intermédiaire d'une tierce partie, sans être au courant de la situation? En règle générale, quel est le système en cause quand quelqu'un est trouvé coupable de ce crime? Sur quels éléments devrions-nous nous pencher? Devrions-nous nous concentrer sur la complicité de mauvais employeurs en particulier, ou y a-t-il une tierce partie qui fournit un bassin de travailleurs à ces employeurs, qui les embauchent ensuite sans connaissance de cause?
    Je ne peux pas vous parler des poursuites intentées, puisqu'elles ne sont pas visées par notre mandat. Nous étudions la situation des employeurs. Je n'ai pas d'information détaillée sur les résultats des poursuites intentées dans le système de justice.
    Nous savons qu'il y a des vulnérabilités liées au recours à de tierces parties. Vous mentionnez la chose dans votre question, et il y a vraiment deux catégories: il y a les tierces parties établies au Canada et il y a les tierces parties établies à l'étranger. Les agences établies au Canada sont principalement assujetties aux lois provinciales et territoriales régissant les activités de recrutement, et dans beaucoup de provinces, il y a des règles et des lois précises régissant le recours à des recruteurs étrangers.
    Dans le cadre de notre programme des TET, nous veillons à ce que les employeurs participants respectent les lois provinciales sur les recruteurs. Nous avons également un règlement qui interdit la facturation d'honoraires aux travailleurs par de tierces parties, donc ce sont des règles que nous faisons respecter.
    Lorsqu'une entreprise a recours à des recruteurs étrangers, c'est un peu plus difficile, parce que nous n'en sommes pas directement responsables, mais il y a quelques options que nous explorons. Il y a d'abord notre travail avec l'Organisation internationale pour les migrations. Il s'agit d'une organisation internationale très active dans le domaine de la migration de travailleurs, et elle est en train de mettre au point un système international d'enregistrement et d'information visant les recruteurs étrangers. L'idée est de fixer une norme internationale, ainsi qu'un code de pratique international, qui permettraient l'enregistrement des recruteurs étrangers et le respect de cette norme. Nous travaillons en collaboration avec cette organisation pour cela, et nous nous attendons à ce qu'un projet pilote soit mené dans quelques provinces cette année, en Saskatchewan et en Alberta, où tout employeur souhaitant utiliser les services d'un recruteur étranger devra utiliser l'un des recruteurs inscrit dans le système. Nous surveillerons la situation de près pour voir comment nous pourrions intégrer cet élément au programme général des TET.
    Nous songeons aussi à renforcer notre réglementation et à trouver des façons de renforcer nos propres pouvoirs réglementaires pour combattre ce problème, mais c'en est encore au stade embryonnaire, et je n'ai rien de précis à vous dire à ce stade-ci.
(1230)
    Merci.
    Monsieur McKinnon.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense avoir une question à poser, après quoi je laisserai le reste de mon temps à mes collègues.
    Madame Kim et monsieur Massé, vous avez beaucoup parlé de ce qu'on peut faire pour assurer la conformité, repérer les infractions et tout et tout, mais toutes ces choses semblent dépendre d'une quelconque interaction de l'employeur ou du travailleur avec le système. Je me demande s'il y a des mécanismes ou des outils qui existent pour détecter les cas purement clandestins de personnes qui sont entrées dans le pays sans que nous n'en soyons informés ou d'employeurs qui s'adonnent à la traite de personnes ou qui font travailler des gens sans au préalable avoir réalisé d'EIMT, par exemple. Y a-t-il des mécanismes ou des outils d'enquête pour détecter ces cas?
    Je vous dirai qu'EDSC a le mandat d'évaluer l'authenticité des employeurs et de vérifier s'ils se conforment à la réglementation. Nous sommes en train d'évaluer la possibilité de faire éventuellement des inspections non annoncées. Nous sommes toujours en réflexion. Cela pourrait nous permettre, peut-être, de découvrir des situations dont nous n'étions pas au courant, tout en restant dans notre sphère de compétences, qui nous permet d'inspecter les employeurs présentant une demande d'EIMT.
    Par contre, les gens qui ne sont pas dans le système parce qu'ils n'ont pas demandé de permis de travail ou d'EIMT ne seront pas repérables dans le régime de conformité. S'ils participent à une quelconque forme d'économie souterraine, ils relèveront généralement de la province ou du territoire responsable des milieux de travail ou peut-être des forces policières responsables d'intervenir en cas d'activités illégales. Le permis de travail et l'EIMT sont essentiels pour nous permettre de faire un suivi et de tenir les employeurs responsables des engagements qu'ils ont pris en faisant venir ici des travailleurs migrants. S'ils sont vraiment hors du système, ils ne relèveront pas nécessairement de notre mandat.
    Merci.
    Vous avez de deux à trois minutes.
    Monsieur Boissonnault.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    J'ai une brève question à poser aux gens de Statistique Canada: à quel point pouvons-nous faire preuve de créativité et à quel point pouvez-vous nous recommander de garder les yeux sur les ONG? Nous en rencontrerons beaucoup, un peu partout au pays. Nous sommes confrontés à cette situation dans la communauté LGBTQ2. Le problème frappe les communautés autochtones comme les gens de couleur. Comment Statistique Canada peut-elle exploiter les ensembles de données préexistants et quel genre de pistes devrions-nous suivre dans notre quête de solutions créatives, qui s'intégreraient à vos systèmes et au modèle que vous envisagez? C'est ma première question.
    C'est une excellente question.
    Nous aimons faire preuve de créativité pour exploiter les ensembles de données que d'autres peuvent avoir en leur possession et que nous pouvons lier à d'autres ensembles de données pour répondre à des questions de recherche. Idéalement, comme M. Clermont l'a souligné, concernant les dossiers policiers et judiciaires et leur traitement par les tribunaux, nous faisons périodiquement l'exercice d'arrimer nos données policières à nos données judiciaires pour suivre les victimes et les accusés dans le système judiciaire. Ces ensembles de données ne sont pas conçus pour qu'on fasse ce genre de lien, mais nous le faisons manuellement. Nous aimerions peut-être étudier les contrevenants pour déterminer où ils se situent dans les différents systèmes. Est-ce qu'on les retrouve dans les données des hôpitaux? Est-ce qu'ils présentent des déclarations de revenus? Probablement pas. Pour ce qui est des victimes qui travaillent comme aides domestiques, pourrions-nous les identifier par leur ethnicité si les ONG ont de grands ensembles de données? De manière générale, je crois qu'une ONG se concentre davantage sur les services qu'elle offre que sur la collecte de données. Cela dit, à Statistique Canada, nous travaillons avec les directeurs des services aux victimes des provinces et des territoires, et nous leur posons souvent des questions sur la traite de personnes. À l'heure actuelle, ils ne prélèvent pas de données, mais nous en demandons souvent. C'est un jeu d'équilibre.
(1235)
    Avons-nous une idée du pourcentage de personnes qui font des signalements à la police? Selon les dernières données, il y en aurait 350, mais si elles ne représentent qu'un pour cent de toutes les personnes touchées, nous avons un très gros problème. Si elles représentent 80 % des personnes touchées, nous avons toujours un problème, mais l'ordre de grandeur est différent.
    Encore une fois, c'est une excellente question.
    D'après ce qu'on entend en général, les victimes ne veulent pas faire de signalement en raison de problèmes linguistiques, parce qu'elles ne comprennent pas qu'elles sont des victimes et qu'elles se font manipuler. Encore une fois, est-ce que nous leur soumettons un questionnaire après-coup pour leur demander si elles ont déjà été victimes d'un comportement de ce type? Beaucoup de gens ne comprendront même pas le terme « victime de la traite de personnes ». Il y a beaucoup de barrières conceptuelles.
    Il nous revient peut-être à nous de l'expliquer, de définir de quoi il s'agit plutôt que de brandir une étiquette. Est-ce que telle chose vous est arrivée? Ensuite la personne pourra s'y identifier.
    J'ai une brève question à poser aux gens d'IRCC. Quels sont les critères pour qu'une personne qui s'autodéclare victime d'une infraction liée à la traite de personnes puisse obtenir un PST? Comment fait-on pour savoir? Comment l'évaluez-vous? Comment en décidez-vous? Comment pouvons-nous savoir si nous avons raison, dans une proportion de plus de 90 %, d'accorder des visas à certaines personnes?
    Pour que nous délivrions un permis de séjour temporaire, une personne peut s'autodéclarer victime, comme vous l'avez souligné, elle peut nous être recommandée par une ONG, mais bien souvent, les victimes qui dénoncent leurs agresseurs nous sont recommandées par les policiers.
    Dans tous les cas, le demandeur doit nous montrer qu'il y a au moins des indices qu'il est arrivé au Canada par la coercition ou la fraude ou qu'une fois arrivé, il a été victime d'exploitation, de coercition, de fraude, de travail forcé, etc. La demande initiale n'est pas très complexe. Nous devons avoir des motifs raisonnables de croire qu'il y a au moins une indication que la personne respecte l'un de ces critères. Le cas échéant, nous émettrons un permis de séjour temporaire. C'est une décision non discrétionnaire. Ce permis donne accès au programme fédéral de santé intérimaire, en plus de permettre de recevoir une offre d'emploi.
    Cela permet aux gens de sortir des griffes de leurs agresseurs, puis vous pouvez mener enquête et intenter des poursuites dans la mesure où ils collaborent avec les autorités.
    Exactement, et ces permis sont valides 180 jours.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous accepterons maintenant quelques brèves questions des membres du Comité. Puis-je seulement vous demander, monsieur Scoffield, en complément de la question de M. Boissonnault, quel est le pourcentage des personnes qui demandent un PST pour ces motifs qui en reçoivent un?
    De manière générale, le taux d'approbation des demandes est très élevé. Presque tous les ans, depuis la création de ce programme, le taux d'approbation est de 100 %.
    En 2016, les chiffres ont été un peu différents. Quelques demandes ont en fait été retirées, et deux ont été rejetées parce qu'elles ne respectaient pas les critères, si bien que nous avons enregistré un taux d'approbation de 92 %.
    Qui a de brèves questions à poser?
    Monsieur Picard.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'ai une question à propos de l'augmentation importante du nombre de cas. En effet, on a mentionné qu'on avait reçu 11 fois plus de dossiers.
    Va-t-on crouler sous le nombre croissant de dossiers? Au départ, comment détermine-t-on qu'un dossier a été résolu? Sur cette base, remarque-t-on aussi que le nombre de cas résolus augmente au même rythme? Il faut savoir si l'on tient le rythme ou si l'on est carrément débordé. Advenant le cas où on est débordé, il faut changer d'approche.
    Encore une fois, c'est une excellente question.
    Même si le nombre de cas de traite des personnes est 11 fois plus élevé qu'avant, le nombre de cas reste relativement peu élevé, par comparaison avec d'autres types de crimes.
    Quant aux façons de savoir si un crime a été résolu, selon les définitions de la police, il y en a deux: s'il est classé par mise en accusation, c'est-à-dire ce qu'on appelle le taux de classement, ou si des accusations ont été portées devant les tribunaux.
    Il n'en reste pas moins que le nombre de cas de traite des personnes, comparativement à d'autres infractions criminelles, est relativement peu élevé, même s'il y en a 11 fois plus qu'avant. Il est difficile de conclure si cette augmentation a pour effet d'engorger le système de justice en raison des enquêtes policières ou si elle a pour effet d'engorger les tribunaux. Nous ne pouvons pas l'affirmer, car nous n'avons pas suffisamment d'information. Toutefois...
    Restons-en au domaine administratif; c'est ce qui me convient.
    Je parle de l'évaluation du dossier sur le plan administratif seulement. Aux fins de ma question, si on a soustrait la personne à son employeur et que ce dernier a reçu une amende, je considérerai que c'est un cas résolu, puisqu'on a sorti la personne d'un possible cas de traite des personnes et qu'on l'a amenée dans une situation plus viable.
    Sous cet angle, avons-nous la même appréciation?
(1240)
    Nous ne pouvons pas mesurer ce type de résultats. Les seuls résultats que nous pouvons mesurer, ce sont ceux en lien avec le système de justice criminelle, c'est-à-dire ceux fournis par la police, par les tribunaux et par les services correctionnels. En dehors de ce système, nous ne sommes pas en mesure de déterminer quel pourcentage des victimes de traite des personnes ont été placées ailleurs.
    Est-ce que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a vu une augmentation semblable du nombre de cas?

[Traduction]

    L'une des difficultés qui se posent, quand les gens demandent un permis de séjour temporaire, c'est qu'il n'y a pas de corrélation directe avec les dossiers des services policiers. En fait, nous recevons relativement peu de nouvelles demandes chaque année. Nous n'en n'avons reçu que 26 en 2017.
    La réponse simple est non, nous ne constatons pas de hausse particulière du nombre de demandes de permis de séjour temporaire.

[Français]

    Est-ce que l'Initiative sur les entrées et les sorties de l'Agence des services frontaliers du Canada, qu’on pourra utiliser pour mieux contrôler l’entrée des personnes au pays, sera une des solutions? Dans le cas des employés temporaires, par exemple, cela éviterait de les perdre de vue. Si le système indique que ces personnes devraient sortir du pays à un certain moment, au moins on dispose de données beaucoup plus précises pour partir à leur recherche.

[Traduction]

    Quand le système d'entrée et de sortie sera en place, dans quelques années, nous saurons mieux qui entre au pays et qui en sort.
    Par contre, ce système ne nous dira pas ce qui se passe dans la vie de ces personnes une fois qu'elles sont dans le pays...
    Non, non.
    ... nous n'aurons aucune information à ce sujet, mais nous serons mieux outillés pour savoir qui est resté au pays après l'expiration de son statut, par exemple.

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    Merci.
    J'ai une brève question à poser.
    Madame Kim, vous avez dit siéger au groupe de travail national sur la traite de personnes.
    Vous avez affirmé que 4,6 % des cas de traite de personnes concernaient des ressortissants étrangers. Estimez-vous que le travail du groupe de travail national est arrimé à ces données? S'intéresse-t-il surtout à la traite de personnes à l'échelle nationale plutôt qu'internationale ou croyez-vous qu'il fait un peu fausse route en mettant davantage l'accent sur les enjeux étrangers plutôt que nationaux?
    IRCC fait partie du groupe de travail fédéral sur la traite de personnes, de concert avec bien d'autres ministères, dont EDSC et les organismes d'application de la loi. Je pense que de par notre participation même au groupe de travail, il ne pouvait se limiter aux problèmes nationaux. Notre perspective apportait nécessairement un aspect transnational ou international à l'exercice, tout comme la perspective d'EDSC, de par son Programme des travailleurs étrangers temporaires.
    S'est-il attardé davantage aux ressortissants étrangers qu'aux Canadiens? C'est ce que j'essaie de comprendre.
    Ce groupe de travail avait pour mandat d'exécuter le plan d'action national de lutte contre la traite de personnes, qui porte sur toute la traite de personnes, qu'elle reste à l'intérieur de nos frontières ou qu'elle traverse les frontières. Nous devions brosser un portrait général, qui comprend l'exploitation sexuelle et l'exploitation de la main-d'oeuvre.
    Merci beaucoup.
    Monsieur MacGregor.
    Madame Kim, je ferais probablement mieux d'adresser cette question aux représentants de Sécurité publique Canada, mais comme vous travaillez en très étroite collaboration avec eux, je vais vous la poser.
    Concernant la traite de personnes à des fins d'exploitation sexuelle, nos statistiques sont effarantes, et ce sont surtout des jeunes femmes qui en sont victimes, mais le taux de signalement est très bas. Il y a un aspect criminel qui y est rattaché, ainsi que toute la question de la stigmatisation sociale. A priori, ce groupe très isolé de personnes a habituellement très peur des policiers.
    Je comprends tous les efforts qui sont déployés pour informer les personnes dans cette situation de leurs droits, mais d'après vos discussions et votre partenariat fort avec Sécurité publique, que font nos agents de première ligne et l'ASFC, nos policiers eux-mêmes, pour aller à la rencontre de ces personnes? Utilisent-ils des stratégies pour essayer de tisser activement des relations avec ces personnes et les inciter à dénoncer leurs agresseurs? Je pense que ces organismes ont la responsabilité d'aller à leur rencontre. Pouvez-vous nous parler des efforts qu'ils déploient en ce sens?
(1245)
    Certainement. Je peux commencer, et mon collègue pourra ajouter quelque chose au besoin.
    Je peux vous assurer que tous les membres du groupe de travail fédéral s'emploient à intensifier la sensibilisation sur cette question. Par exemple, nos missions à l'étranger mènent des activités de sensibilisation. M. Massé a présenté quelques-unes des activités d'EDSC. IRCC et EDSC consultent abondamment les organisations venant en aide aux travailleurs migrants sur le programme des travailleurs étrangers temporaires et l'immigration temporaire en général, ainsi que sur l'effet de ces programmes sur certaines communautés. Il y a beaucoup de sensibilisation qui se fait en partenariats, et nous essayons d'y participer, y compris à l'échelle internationale, avec l'Organisation internationale pour les migrations et l'Organisation internationale du Travail. Nous aimons travailler avec ces organisations pour savoir ce qui se passe et connaître les solutions envisagées auxquelles nous pourrions participer.
    Dans la foulée de la question de M. Boissonnault — et ma question s'adresse peut-être surtout aux représentants de Statistique Canada —, parce que la stigmatisation et la peur de représailles sont très présentes dans ce groupe, peut-on vraiment s'attendre à ce que les dénonciations soient près de la vérité? J'essaie de trouver de meilleures façons de recueillir des données sur ce groupe vulnérable très particulier.
    Il est très difficile d'avoir un bon portrait de la situation au-delà des signalements aux services policiers. Nous menons un sondage sur la victimisation, dans le cadre duquel nous sondons tous les Canadiens sur leurs expériences de victimisation. Nous avons constaté que seules 5 % des victimes d'agression sexuelle déclarent leur victimisation à la police. Pour le vol, les voies de fait ou d'autres types d'agressions, la proportion est beaucoup plus élevée, particulièrement si les préjudices sont graves. Cependant, les dénonciations d'agression sexuelle sont beaucoup moins nombreuses, pour toutes sortes de raisons; ma collègue pourra vous en parler.
    Par conséquent, il n'y a qu'une chose que nous pouvons déduire de ces résultats concernant les victimes de la traite de personnes, mais il est difficile de sonder la population générale sur ce type d'événement et de connaître la prévalence réelle de la victimisation, par rapport aux signalements à la police. Je crois que ce pourrait être un énorme défi statistique, si je peux le dire ainsi.
    Merci infiniment.
    Y a-t-il d'autres questions à poser à ce groupe de témoins?
    Dans la négative, j'aimerais remercier tous nos témoins d'aujourd'hui.
    Vous nous avez tous beaucoup aidés.

[Français]

    Nous vous remercions grandement.

[Traduction]

    Nous apprécierions beaucoup aussi recevoir un exemplaire de la brochure que vous utilisez, monsieur Massé, si vous le voulez bien.
    Merci infiniment. Je vous souhaite une très belle journée.
    La séance est levée.
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