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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 033 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 30 avril 2012

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, bienvenue à la 33e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration en ce lundi 30 avril 2012. La séance est également diffusée à la télévision. Elle se tient conformément à l'ordre de renvoi du lundi 23 avril 2012 concernant l'étude du projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ainsi que plusieurs autres lois.
    Nous recevons aujourd'hui deux invités. Pour la première heure, nous accueillons Martin Collacott, du Centre pour une Réforme des Politiques d'Immigration.
    Vous êtes venu témoigner à de nombreuses reprises. Nous sommes heureux de vous revoir, monsieur.
    Nous recevrons également M. Peter Showler, directeur du Forum sur les personnes réfugiées du Centre d'éducation et de recherche en droit de la personne de l'Université d'Ottawa.
    Messieurs, vous disposez chacun de 10 minutes.
    Monsieur Collacott, vous pouvez commencer.
    Merci, monsieur le président. Je vais essayer de respecter cette fois-ci le délai de 10 minutes.
    Le Canada présente de nombreuses et impressionnantes réalisations au chapitre de la protection des réfugiés. Si on regarde les chiffres par habitant, le Canada figure parmi les chefs de file mondiaux en ce qui concerne le nombre de réfugiés que nous accueillons et le nombre et le pourcentage de demandeurs d'asile à qui on accorde le statut de réfugié ainsi que la gamme des avantages que nous leur offrons.
    De manière générale, le public est tout à fait d'accord pour que l'on accepte un nombre raisonnable de réfugiés véritables, mais de nombreux Canadiens croient également que le système actuel présente de sérieux problèmes et que l'on abuse largement de la générosité du Canada.
    Je crois qu'il est important de ne pas oublier que, lorsque le Canada a signé la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, personne ne s'attendait à ce qu'il devienne un pays de premier asile pour un nombre important de demandeurs d'asile.
    Après la Seconde Guerre mondiale, nous avons rétabli plus de 180 000 personnes déplacées originaires d'Europe; par la suite, nous avons accueilli des milliers de personnes qui avaient fui la Hongrie, en 1956, et la Tchécoslovaquie, en 1968, puis des Asiatiques expulsés de l'Ouganda au début des années 1970, et les réfugiés de la mer Indochinois, plus tard au cours de cette décennie, y compris, en passant, des membres de la famille de mon épouse.
    Si le Canada ne s'attendait pas à devenir un pays de premier asile, c'est en grande partie en raison de sa situation géographique. Pour arriver ici, la très grande majorité des demandeurs d'asile doivent passer par des pays où, selon les règles internationales généralement acceptées, ils pouvaient et — de fait — auraient dû demander l'asile si leur objectif véritable était de s'établir dans un pays sûr.
    Je pourrais ajouter à ce propos que j'ai commencé à me préoccuper des lacunes de notre système de protection des réfugiés en 1986, lorsque 150 réfugiés de la mer, prétendant fuir le Sri Lanka, ont débarqué sur les côtes de Terre-Neuve. On a appris plus tard qu'ils avaient vécu plusieurs années en Allemagne et que certains d'entre eux avaient déjà obtenu le statut de réfugié. Ils avaient décidé de s'établir plutôt au Canada, espérant avoir droit ici à des avantages plus généreux.
    Nous avons eu l'occasion de reprendre la situation en main quelques années plus tard, lorsqu'on a rédigé la loi visant la création de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous avions l'intention de dresser une liste de tiers pays sûrs, c'est-à-dire des pays où les demandeurs d'asile auraient dû soumettre leur demande d'asile avant de venir au Canada à la recherche d'avantages plus généreux, pratique qu'on appelle la « quête du meilleur pays d'asile ».
    La création d'une liste des tiers pays sûrs nous aurait évité d'être envahis par des demandeurs d'asile qui n'avaient pas le droit de présenter une demande au Canada parce qu'ils avaient eu l'occasion de le faire dans les pays sûrs où ils avaient transité pour venir ici. Malheureusement, un influent et tenace groupe de défense des droits des réfugiés avait réussi à convaincre le ministre de l'Immigration de l'époque qu'il n'existait dans le monde aucun pays sûr, exception faite du Canada. C'est pourquoi notre système de détermination du statut de réfugié, conçu de manière à pouvoir traiter un nombre plutôt limité de demandes, est, dans une large mesure, débordé depuis ce temps. Cela n'a pas seulement ralenti le traitement des demandes de personnes qui ont véritablement besoin de notre protection, cela a également eu un coût financier énorme.
    John Manion, ex-sous-ministre de l'Immigration et secrétaire du Conseil du Trésor, qui a comparu devant un comité du Sénat en 2001, estimait que le système de protection des réfugiés du Canada coûte chaque année des milliards de dollars. On estime que les coûts associés à chaque demandeur avoisinent les 50 000 $. Par comparaison, notre contribution annuelle au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés n'est que de 2 à 3 $ environ, par réfugié et personne déplacée à l'intérieur de son pays dont l'ONU s'occupe dans ses camps de réfugiés du monde entier.
    La raison pour laquelle nous dépensons beaucoup plus d'argent pour traiter les demandes d'asile que pour nous occuper des réfugiés des camps de l'ONU, c'est que, au fil des ans, des groupes bien organisés d'avocats spécialistes du droit des réfugiés et de groupes de défense des réfugiés ont très efficacement réussi à influencer les gouvernements successifs en ce qui concerne les politiques relatives à la protection des réfugiés. Nous pouvons nous attendre à ce que ces groupes fassent des pieds et des mains pour empêcher l'adoption de cette loi, car, si elle était adoptée, cela aurait d'importantes répercussions sur le revenu de nombre de leurs membres. Il est évident que le comité se fera exposer toutes sortes d'arguments, parfois très détaillés, par des avocats spécialistes du droit des réfugiés et des groupes de défense qui voudront mettre en relief pourquoi les diverses dispositions de la loi sont injustes ou ne nous permettent pas de respecter nos obligations internationales.
    Je crois que les dispositions du projet de loi C-31 vont en réalité rendre le système beaucoup plus juste qu'auparavant, par exemple en réduisant de manière substantielle le délai de traitement des demandes fondées. Le système ne sera plus engorgé par des gens dont la demande est manifestement infondée.
    Le système ne sera pas parfait; il se peut très bien que certains cas fondés passent entre les mailles du filet. Mais, à ce sujet, gardez à l'esprit le fait que le Canada n'est d'aucune façon le seul pays du monde où les gens peuvent demander l'asile. Il existe de nombreuses autres options pour le cas où le Canada rejette leur demande.
(1535)
    En ce qui concerne nos obligations internationales, par ailleurs, je crois que le projet de loi C-31 nous permet de les respecter. Cependant, j'aimerais également souligner à ce sujet que la Convention des Nations Unies pour les réfugiés a été rédigée il y a 60 ans et mise à jour, grâce à son protocole, en 1967. Un grand nombre des aspects qui caractérisent les mouvements des demandeurs d'asile aujourd'hui — comme le trafic de migrants à grande échelle par des organisations criminelles, le transit de demandeurs d'asile par des pays sûrs à la recherche de cieux plus cléments et les demandes présentées par des ressortissants de pays sûrs comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne — et bon nombre des défis connexes n'avaient pas été envisagés par les gens qui ont rédigé la convention et le protocole.
    Même si je crois que la loi nous permettra effectivement de respecter nos obligations en vertu de la convention, j'estime que cette dernière doit être mise à jour et revue de façon à être mieux adaptée à la réalité du monde d'aujourd'hui.
    Plus d'un dirigeant politique ou État accueillant des réfugiés a suggéré que son pays se retire de la convention sous sa forme actuelle. Je ne vais mentionner qu'un seul de ces commentaires. Tony Blair, l'ex-premier ministre travailliste du Royaume-Uni, a dit dans ses mémoires, en 2009, que la convention avait été rédigée en réaction aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale et qu'elle avait permis de créer un système qui est tout à fait irréaliste dans le monde actuel, complètement incapable de composer avec le nombre imposant de demandes d'asile maintenant présentées. Et je pourrais citer d'autres dirigeants qui ont dit d'autres choses.
    Si jamais les gens qui s'opposent au projet de loi C-31 viennent vous faire la morale en disant que cet instrument ne nous permettra pas de respecter nos obligations internationales, j'aimerais souligner qu'il nous permet probablement de le faire. J'ajouterais que, de toute façon, il y a lieu de se demander si nous devrions nous sentir liés par une convention qui à certains égards est très désuète.
    Monsieur le président, en ce qui concerne les diverses dispositions du projet de loi C-31, je dirais qu'elles ont été bien mûries. Elles visent un grand nombre des problèmes qui affectent le système actuel. Il est sensé, par exemple, de mettre en place une procédure efficace pour désigner les pays d'origine sûrs et accélérer le traitement des demandes de ressortissants de ces pays. En revanche, il est insensé de permettre que notre système soit engorgé, année après année, par des centaines de demandeurs d'asile des États-Unis et des nombres plus modestes de ressortissants d'autres pays comme la Grande-Bretagne, l'Australie, la France ou même l'Allemagne, etc. Pratiquement aucun autre pays du monde ne prête attention aux ressortissants de pays qui, clairement, ne persécutent pas leurs citoyens.
    Si j'ai une critique à formuler au sujet de ce projet de loi, c'est qu'il ne va pas assez loin, à certains égards. En plus de dresser une liste des pays d'origine sûrs, par exemple, nous devrions dresser une liste des tiers pays sûrs. Jusqu'ici, nous ne reconnaissons que les États-Unis comme tiers pays sûr, alors qu'il n'existe aucune raison de considérer comme tels d'autres pays, comme le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne.
    Je n'ai pas assez de temps pour me permettre de commenter chacun des grands changements proposés dans le projet de loi, mais j'estime qu'ils sont tous essentiellement judicieux. J'aimerais souligner que, bien que le Centre pour une Réforme des Politiques d'Immigration soutienne ces changements, cela ne veut pas dire que nous sommes d'accord avec le gouvernement sur toutes les questions stratégiques qui nous préoccupent. En fait, nous sommes fermement en désaccord avec le gouvernement en ce qui concerne plusieurs enjeux clés liés aux politiques d'immigration.
    De façon générale, j'aimerais dire également que le Canada devrait se conformer le plus possible à son intention initiale d'être un pays de réétablissement plutôt qu'un pays de premier asile. Nous accueillons chaque année bien au-delà de 10 000 réfugiés, dont la plupart ont été présélectionnés par les Nations Unies et sont considérés comme étant d'authentiques réfugiés au sens de la convention. La plupart des demandeurs d'asile qui viennent ici pour présenter une demande auraient pu le faire dans un autre pays, mais, comme leur dossier n'est pas bon, ils savent qu'ils feraient mieux de venir ici d'abord, puisque, comme tout le monde le sait, il est fort probable qu'ils pourront rester ici des années et bénéficier d'une assistance publique généreuse, même si, au bout du compte, on détermine que leur demande n'est pas fondée.
    Pour terminer, monsieur le président, j'aimerais souligner que, même si on critique le projet de loi C-31 en soutenant que son adoption ternirait l'image du Canada à titre de pays compatissant et accueillant, je ne crois pas que cela soit du tout le cas. Nous sommes toujours l'un des pays les plus généreux, voire le plus généreux, parmi les pays qui accueillent des réfugiés. Je crois que nous aurons fait des progrès importants pour ce qui est de rassurer les Canadiens sur le fait que nous pouvons créer un système efficace, juste et efficient, qui ne prête pas le flanc à une utilisation abusive à grande échelle.
    Je vous remercie.
(1540)
    Merci, monsieur Collacott.
    Monsieur Showler.
    Je vous ai soumis deux mémoires. Le premier concerne les modifications du processus de traitement des demandes d'asile proposées par le projet de loi. Le second porte sur les politiques qui sous-tendent les dispositions du projet de loi relatives à la lutte contre l'organisation de l'entrée illégale de personnes. Le premier document comprend une biographie détaillée.
    Vous verrez que j'ai déjà travaillé comme avocat représentant des réfugiés. J'ai siégé pendant plus de six ans à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, où je statuais sur des demandes d'asile. J'ai également présidé la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pendant trois ans, et, à ce titre, j'étais chargé d'assurer la bonne gestion des ressources du système de traitement des demandes d'asile. Enfin, j'ai étudié les systèmes de protection des réfugiés et les mécanismes internationaux de protection des réfugiés dans le milieu universitaire.
    Au moment de vous soumettre une recommandation, je tiens à ce que vous sachiez que j'envisage le système de protection des réfugiés de ces quatre points de vue. De toute évidence, je ne me considère pas comme membre d'un groupe de pression particulier. Mon allégeance fondamentale est à l'endroit du système canadien de protection des réfugiés, lequel rend des décisions conformes au droit, équitables, rapides et efficientes.
    Le temps qui m'est alloué me permet de traiter de seulement trois aspects du projet de loi: les délais serrés fixés à l'égard du processus de traitement des demandes d'asile, le fait que certains demandeurs n'ont pas droit d'interjeter appel et la stratégie mise de l'avant par le gouvernement pour décourager les arrivées massives. Mon premier mémoire comprend une analyse sommaire du système canadien de protection des réfugiés. Il décrit brièvement le système actuel, quelques-uns de ses défauts et certaines des réformes recommandées par le projet de loi C-31 et contient quatre recommandations découlant de l'analyse.
    En ce qui concerne le processus de traitement des demandes d'asile en soi, je dois dire en toute franchise que les délais sont tout simplement trop serrés et qu'ils vont nuire à son caractère équitable et à son efficience. Les réfugiés n'ont pas réellement l'occasion de raconter leur histoire. Les demandeurs n'ont tout simplement pas le temps, en 15 jours, de remplir le formulaire relatif au fondement de la demande d'asile. Dans mon mémoire, aux pages 4 et 5, j'explique toutes les étapes que doit suivre un demandeur d'asile pour remplir ce formulaire.
    Imaginez s'il vous plaît un demandeur d'asile qui arrive à l'aéroport Pearson et présente une demande. Il ne parle pas anglais. Il ne connaît rien de la ville ni de la culture du Canada. Il ne sait pas où il va vivre. Il ignore comment utiliser les transports publics ou un téléphone cellulaire, même s'il peut en posséder un. Il a très peu d'argent, et il ne comprend pas le système de protection des réfugiés. On s'attend à ce que, en 15 jours, il trouve un avocat compétent, s'assure qu'il peut accéder à l'aide juridique, renseigne l'avocat de façon appropriée de façon que ce dernier puisse coucher cette information par écrit, avec l'aide d'un interprète, et présente le formulaire à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
    L'imposition d'un délai de 15 jours fera en sorte, à mon avis, que les demandeurs non représentés seront plus nombreux et qu'il y aura plus d'erreurs dans la documentation écrite. Des déclarations incomplètes ou mal rédigées représentent pour un commissaire une charge de travail supplémentaire. En effet, il a besoin de renseignements exacts afin de se préparer à l'audience. Or, une audience mal préparée est un gaspillage de temps d'audience et occasionne des erreurs. Je recommande que vous accordiez un délai de 30 jours pour la présentation à la commission des déclarations écrites. C'est une mesure bien modeste, mais elle a des conséquences énormes.
    En ce qui concerne les demandes présentées dans un bureau de CIC au Canada, la procédure est différente. J'y fait allusion dans mon mémoire, et vous pouvez me poser des questions à ce sujet si vous le voulez. Pour les appels interjetés devant la Section d'appel des réfugiés, on prévoit un délai de 15 jours ouvrables pour la préparation et le dépôt d'un avis d'appel. Encore une fois, ce délai n'est tout simplement pas suffisant. Nous ne pouvons pas présumer que le demandeur sera représenté par le même avocat au moment de l'appel. Certains demandeurs sont toujours sans avocat, et, bien franchement, certaines demandes sont rejetées en premier lieu en raison d'une représentation juridique déficiente.
    Sous le régime actuel, le délai de présentation d'une demande de contrôle judiciaire est de 45 jours. Les conseils constatent depuis de nombreuses années que cela n'est pas suffisant. Par comparaison, les commissaires de la Section d'appel des réfugiés disposent de 90 jours pour rendre leur décision. Je le répète: un délai de 15 jours c'est beaucoup trop court. Je recommande un délai de 45 jours pour la préparation et la présentation de l'avis d'appel. Encore une fois, vous pouvez me poser des questions sur ce sujet.
    Quant aux demandeurs d'asile en provenance de pays d'origine désignés, l'audience doit se tenir 30 jours après la remise du formulaire de demande. Le demandeur et son conseil n'ont pas suffisamment de temps pour recueillir et produire tous les éléments de preuve. Les éléments les plus importants varient d'une demande à une autre. Ils se trouvent habituellement dans le pays d'origine, et il est souvent difficile de les obtenir. En outre, les rapports d'examen médical ou psychologique sont souvent — et de loin — les éléments de preuve les plus pertinents que les commissaires de la section doivent examiner. Je crois que vous comprendrez tous qu'il est impossible d'obtenir ces documents, en particulier des rapports d'examen psychologique, en 30 jours. Si les éléments de preuve ne sont pas fournis, soit l'audience sera ajournée — ce qui n'est pas efficient —, soit une décision injuste sera rendue à la lumière d'une preuve incomplète. Je recommande un retour à la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, qui prévoyait 60 jours pour les audiences portant sur les demandeurs d'asile en provenance de pays d'origine désignés et 90 jours pour les audiences ordinaires.
(1545)
    Le ministre a dit qu'un processus plus rapide était nécessaire pour décourager les demandeurs aux intentions frauduleuses. Dans le système actuel, pour traiter une demande, il faut de quatre à cinq ans, de la date de présentation de la demande à la date du renvoi, ce qui est de toute évidence bien trop court. Toutefois, cela ne justifie pas l'imposition de délais d'une brièveté irréaliste. Un délai de six à neuf mois pour statuer sur une demande d'asile est plus qu'adéquat pour décourager les demandes manifestement infondées. Dans le cas des demandes régulières, un délai de 12 mois serait adéquat.
    J'ai 25 ans d'expérience dans le domaine, et je peux vous dire que les demandeurs, qu'ils soient de bonne foi ou non, investissent souvent tout ce qu'ils ont pour venir au Canada. Ils hypothèquent leur maison. Ils empruntent de l'argent. S'ils retournent dans leur pays après cinq, six ou sept mois, je puis vous assurer qu'on ne verra pas une seconde vague de demandes frauduleuses en provenance de ce pays. Des délais de traitement extrêmement rapides, de 45 ou 75 jours, sont tout simplement inutiles, et, à mon avis, ils sont injustes, car ils ouvrent la voie à des décisions entachées d'erreurs.
    En ce qui concerne l'article 36, qui définit les six catégories de demandeurs qui n'ont pas le droit d'interjeter appel, j'aimerais tout d'abord féliciter le gouvernement d'avoir créé la Section d'appel des réfugiés, qui est prévue dans la loi depuis 2002, mais qui n'avait jamais été mise sur pied. L'absence d'une instance d'appel est l'un des grands défauts du système de protection des réfugiés du Canada. Cela nous aidera certainement à nous assurer que les décisions de la section sont réfléchies et qu'elles sont fiables.
    Il n'est pas facile de statuer sur une demande d'asile. Des éléments de preuve ne sont pas accessibles. Les demandeurs d'asile sont des témoins fragiles. Inévitablement, même le meilleur des commissaires commettra une erreur, et, honnêtement, je dois dire que certains commissaires ne sont pas à la hauteur.
    Je crois que vous avez entendu, ce matin, M. Rehaag vous parler de quelques-uns de ses rapports. Il s'agit de rapports finaux qui montrent que les écarts dans les taux d'acceptation des commissaires de la CISR sont trop larges pour être acceptables. On ne peut pas taire le fait que, dans certains cas, les décisions ne sont tout simplement pas fiables. La solution serait de soumettre chacune de ces décisions à la Section d'appel des réfugiés.
    Dans mon mémoire, j'explique pourquoi, pour certaines catégories de demandeurs d'asile, il est encore plus important d'avoir la possibilité d'interjeter appel. Vous pouvez me poser des questions à ce sujet si vous le désirez.
    Pour terminer, en ce qui concerne la possibilité d'un processus accéléré, je m'en tiendrai à trois observations: d'abord, il faut prévoir des délais un peu plus long, pour donner aux demandeurs d'asile une possibilité juste et raisonnable d'étayer leur demande; ensuite, il faut permettre à chaque demandeur d'asile d'interjeter appel pour qu'on puisse réparer les erreurs, lesquelles sont inévitables, surtout si on utilise un processus accéléré de traitement des demandes; il faut procéder rapidement au renvoi des demandeurs d'asile déboutés. Ces délais sont amplement suffisants pour écarter les demandeurs d'asile de mauvaise foi tout en veillant à ce que les décisions rendues soient justes et fiables.
    Mon deuxième mémoire porte sur la tentative de décourager l'arrivée de groupes de personnes par l'imposition d'une détention obligatoire de un an — ou pouvant durer jusqu'à un an — et la séparation à long terme des membres d'une famille. Je vais laisser les autres intervenants présenter les arguments touchant la légalité et la constitutionnalité de ces dispositions.
    M. Kenney a déclaré que ces dispositions avaient pour objectif de dissuader les demandeurs d'asile d'utiliser des moyens irréguliers pour demander la protection du Canada. Or, le postulat selon lequel la détention obligatoire découragera les demandeurs d'asile de venir en groupes au Canada n'est malheureusement pas fondé. L'Australie a imposé la détention obligatoire à tous les réfugiés de la mer en 1994. Pendant plusieurs années, le nombre d'arrivées a augmenté plutôt que diminué.
    Vous trouverez également dans mon mémoire un graphique qui fournit les statistiques sur le nombre de demandes. Il traite également du travail des chercheurs du HCNUR, qui montre que la détention obligatoire ne décourage aucunement les demandeurs d'asile.
    Il y a des raisons pourquoi la détention obligatoire ne fonctionne pas, et je vais vous parler des quatre principales raisons. Premièrement, l'Australie a mené des études sur les détenus. La majorité des personnes détenues n'étaient même pas au courant de l'existence de politiques touchant la détention, car leur principale source d'information était le passeur. Même les rares personnes qui étaient au courant de ces politiques en matière de détention n'y croyaient pas. Elles se disaient que l'Australie est fondée sur la primauté du droit et la démocratie. Elles ne pensaient pas que la réalité pouvait être aussi éprouvante...
(1550)
    Est-ce que je peux vous demander de conclure, monsieur?
    D'accord. Merci. Je vais donc passer à ma conclusion.
    Pour terminer, j'aimerais dire qu'il est possible de rendre des décisions justes et fiables dans un délai relativement court, de corriger les erreurs grâce à un processus d'appel et de réussir quand même à renvoyer rapidement les demandeurs d'asile déboutés tout en préservant l'intégrité de notre système sans avoir à recourir à des mesures sévères comme la détention à long terme et la séparation des familles.
    Je répondrai avec plaisir à toutes vos questions sur le projet de loi.
    Merci.
    Merci à vous deux de ces exposés.
    Madame James.
    Merci, monsieur le président.
    La plupart de mes questions s'adressent à M. Collacott.
    Mais, monsieur Showler, vous avez dit quelque chose à propos du délai de quatre ou cinq ans, qui serait beaucoup trop court dans le cas des réfugiés...
    J'ai dit trop court?
    ... et je voulais vous permettre de vous reprendre et de dire que c'est un délai beaucoup trop long.
    Monsieur le président, est-ce que j'ai dit trop court ou trop long?
    Ça va. Nous avons compris.
    Je voulais tout simplement vous donner l'occasion de vous reprendre.
    Ma question s'adresse à M. Collacott.
    C'est un plaisir de vous revoir.
    Ce matin, bien sûr, nous avons passé des heures à discuter de ce projet de loi, et nous avons pu parler avec le sous-ministre adjoint au sujet des politiques stratégiques et de programmes et la directrice des programmes et politiques des droits d'asile de Citoyenneté et Immigration Canada. Je me suis posé entre autres la question suivante: le Canada n'est sûrement pas le seul pays qui traitera certaines demandes plus rapidement que d'autres, n'est-ce pas?
    J'aimerais savoir ce que vous pouvez dire au comité, en vous appuyant sur votre expérience personnelle, au sujet des répercussions négatives qu'il y aurait si le Canada n'adoptait pas cette méthode qui consiste à traiter certaines demandes plus rapidement et s'il n'adoptait pas un processus de traitement plus rapide et plus équitable.
    Les demandes qui seraient traitées plus rapidement, bien sûr, sont celles provenant de pays désignés, comme les États-Unis, et nous recevons chaque année des centaines de demandes de ce pays.
    Premièrement, ces demandes engorgent le système, car ces personnes n'ont presque aucune chance d'obtenir le statut de réfugié, mais peuvent rester longtemps ici. Cela fait augmenter les coûts, mais, ce qui est encore plus important, c'est que cela ralentit le traitement des demandes d'autres personnes.
    De nombreux pays ont adopté un système de traitement rapide. De fait, certains pays ne permettent même pas aux demandeurs d'asile de traverser la frontière. Le Danemark n'accepte aucune personne provenant d'un tiers pays sûr; ces personnes sont arrêtées à la frontière.
    Honnêtement, je serais en faveur de cela. Je sais que cela peut être difficile à faire accepter, politiquement, mais je crois que la plupart des pays occidentaux sont aujourd'hui dotés d'un mécanisme pour composer avec les personnes dont la demande n'a aucun sens. Il est tout simplement farfelu, à mon avis, de prétendre que des pays comme l'Angleterre, l'Australie ou la Suède, d'où nous proviennent chaque année quelques demandeurs d'asile, persécutent leurs citoyens d'une façon ou d'une autre.
    Merci.
    Vous avez tout à fait raison de dire que ce système va nous permettre de sévir contre les demandeurs d'asile de mauvaise foi tout en nous assurant que les demandeurs d'asile légitimes verront leur demande traitée plus rapidement — plus rapidement et de manière plus équitable — et obtiendront le soutien du Canada.
    Nous parlons des raisons ou des facteurs d'attirance qui font que les gens choisissent le Canada plutôt qu'un autre pays; un problème se pose actuellement à cet égard en Ontario. Ma circonscription est celle de Scarborough-Centre. Comme vous le savez, le système d'aide sociale de l'Ontario se heurte à un sérieux problème, à l'heure actuelle, car de faux réfugiés peuvent s'installer dans la province, présenter une demande — et nous parlons ici de pays de l'Union européenne, d'où nous arrivent 95 p. 100 des demandeurs d'asile qui abandonnent leur demande — et rester ici assez longtemps pour commencer à recevoir ces généreuses prestations.
    Je me demande ce que vous avez à dire à ce sujet. Je ne crois pas que les contribuables canadiens savent ce qu'ils paient — à la sueur de leur front — pour soutenir ces gens. Les faux réfugiés provenant de l'Union européenne nous coûtent 170 millions de dollars par année.
    J'aimerais savoir ce que vous avez à dire sur ce sujet.
(1555)
     Cela coûte très cher.
    En passant, le regretté Jack Manion, qui a été sous-ministre de l'Immigration et secrétaire du Conseil du Trésor, a dit devant un comité sénatorial que, à son avis, tout ce système nous coûtait plusieurs milliards de dollars par année.
    Le type de problème que nous avons est illustré par une hausse soudaine du nombre de demandeurs d'asile d'origine argentine en 2001. Des milliers d'Argentins sont venus ici, ont demandé l'asile à la frontière, ont commencé à toucher des prestations d'aide sociale, ont pris des vacances pendant deux mois, puis sont retournés en Argentine. C'est un cas extrême, mais c'est le genre de problème que nous avons. Nous avons constaté le même phénomène à l'égard des demandes provenant de Turquie, de Trinité, du Portugal et de toutes sortes d'endroits où les consultants découvrent que le Canada est une proie facile dans le système de protection des réfugiés.
    C'est pourquoi je pense que nous devons dresser une liste des pays d'origine sûrs, certainement, et je recommanderais également une liste des tiers pays sûrs. La plupart des demandeurs d'asile qui arrivent ici viennent de pays d'Europe ou sont passés par des pays d'Europe où ils auraient dû présenter une demande. Nous avons donc besoin de deux choses pour freiner ce phénomène.
    Merci.
    En réponse à ma première question, vous avez parlé de certains autres pays qui traitent les demandes plus rapidement et d'autres pays qui ne sont pas aussi rapides. Je me demande ce que le Canada peut apprendre d'autres pays comme le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande ou l'Australie, en ce qui concerne la création d'un système de protection des réfugiés plus efficient et plus juste.
    Je ne dirais pas qu'ils ont toujours raison à tous les égards. L'Australie, lorsqu'elle s'est mise à intercepter les bateaux et à exiger que les demandes soient traitées à l'étranger, l'a fait parce que, comme un ministre de l'Immigration l'a dit — c'était après le début de la guerre en Irak —, les Nations Unies estimaient que de 10 à 15 p. 100 seulement des réfugiés irakiens qui avaient rejoint les camps du HCNUR en Jordanie devraient se réétablir à l'étranger. Ce même ministre de l'Immigration a dit que, une fois arrivés en Australie, 97 p. 100 des réfugiés arrivaient d'une manière ou d'une autre à y rester. Il y a là une anomalie.
    Je dirais que nous devons faire tout notre possible pour encourager les gens à présenter leur demande de l'étranger. Notre système de traitement des demandes est très généreux. Le problème, c'est que nous laissons un trop grand nombre de personnes présenter leur demande d'asile au Canada.
    Merci.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Vous avez environ une minute.
    Je vais essayer de faire cela très vite.
    J'essaie de faire appel à ma mémoire, car je sais que vous avez déjà témoigné devant le comité, sur un autre sujet. Si je ne me trompe pas, vous avez déjà dit que vous aviez interviewé un certain nombre de terroristes ou de personnes soupçonnées d'être des terroristes. Vous avez dit que 25 p. 100 d'entre eux étaient en fait arrivés au Canada en tant que demandeurs d'asile. Est-ce que mes souvenirs sont bons?
    Je ne les ai pas interviewés moi-même, mais, dans certaines collectivités, un nombre assez important de personnes qui avaient des liens avec des organisations terroristes étaient arrivées ici en tant que demandeurs d'asile.
    Il serait donc souhaitable, sous le régime de ce projet de loi, avec l'aide de la biométrie et de la présélection, que nous tentions d'identifier ces personnes avant leur arrivée au Canada et de nous assurer de les empêcher de venir au Canada?
    Oui. Je n'irais pas jusqu'à dire que le contrôle biométrique nous permettra de repérer de nombreux terroristes, mais je crois qu'il est utile pour d'autres raisons.
    Mais l'un des objectifs de ce projet de loi est de faire en sorte que nous sachions que la personne qui a présenté une demande est bien celle qui se présente.
    Oui, la personne qui présente une demande est celle qui arrive ici. J'aime bien l'idée de recourir à la biométrie. Seulement, je crois qu'on ne va pas assez loin à ce chapitre.
    Merci.
    Au revoir.
    Madame Sims.
    Je savais que vous diriez cela. Merci.
    Merci à vous deux d'être venus ici et d'avoir témoigné.
    Ma question s'adresse à Peter.
    Peter, nous avons pris connaissance des statistiques australiennes montrant que la détention obligatoire ne décourage pas vraiment les demandeurs d'asile. En fait, elle a parfois pour conséquence d'en faire augmenter le nombre. Ce n'est peut-être pas une cause directe, mais les conséquences sont évidentes, ici. Est-ce qu'on sait pourquoi la détention obligatoire n'a pas fonctionné en Australie?
(1600)
    Oui, nous le savons. J'ai affleuré le sujet lorsque j'ai dit que les demandeurs d'asile ne sont pas renseignés sur ce qui les attend. Deuxièmement, en ce qui concerne la détention, ils ne pensent pas que cela sera trop éprouvant. Mais la troisième raison qu'ils donnent — c'est la raison évidente —, c'est qu'ils sont prêts à tout. Je regrette, mais, quand M. Collacott dit qu'il existe des endroits où ils peuvent demander à s'établir... Ils sont nombreux à venir de Thaïlande, par exemple. Ils viennent aussi de la Malaisie. Ils viennent d'Indonésie. Ces pays ne sont pas signataires de la Convention des Nations Unies. Essentiellement, là-bas, ils sont dans l'illégalité.
    Si vous lisez la Presse canadienne, vous avez vu ce matin un article sur une femme de Thaïlande qui se trouve exactement dans cette situation. Voici ce qui leur arrive: ils peuvent se faire enregistrer auprès du HCNUR dans les six mois. Cela ne les aide pas. Ils peuvent toujours être arrêtés; ils peuvent être victimes de fonctionnaires corrompus; ils peuvent être victimes de criminels. La Thaïlande, l'Indonésie et la Malaisie les renverront dans leur pays de persécution. On ne les envoie pas ailleurs. Voilà pourquoi ils sont prêts à tout. Voilà pourquoi ils sont si nombreux à courir le risque d'embarquer sur un bateau. Certains d'entre eux ne courront pas ce risque.
    Ils n'ont pas de solution de rechange, il n'y a pas de camp de réfugiés. En Thaïlande, par exemple, les camps de réfugiés sont destinés aux demandeurs d'asile originaires du Myanmar ou de la Birmanie. Ils n'accueillent pas d'autres demandeurs d'asile. Ceux-ci n'ont donc pas d'options valables. Il importe de comprendre cela.
    Merci d'avoir précisé que les demandeurs d'asile ne peuvent pas tous tirer parti du programme de réétablissement et que les réfugiés qui essaient d'entrer au Canada ne sont pas tous des terroristes dont le seul but est de faire du mal.
    Parlons de ce programme de réétablissement qui a été mentionné. Il ne faut pas que vous perdiez de vue le fait que le Canada arrive au deuxième rang parmi les pays les plus généreux. Il a de fait accepté environ 13 000 demandes, ce qui nous place tout juste derrière les États-Unis. Mais le programme de réétablissement prévu par la Convention des Nations Unies n'a jamais été conçu pour être le principal moyen de faire entrer des réfugiés au pays. Il y a, même dans les camps de réfugiés, trois options viables.
    La première est le rapatriement. La seconde est l'intégration locale. Le réétablissement n'est que la troisième option. Nous avons accueilli 13 000 personnes. Il y a plus de quatre millions de personnes dans les camps de réfugiés. En moyenne, une personne passera 17 ans dans un camp de réfugiés. J'aimerais que chacun des membres du comité réfléchisse à ce qui suit. Vous m'excuserez de faire appel à vos sentiments, mais je suis père de deux enfants. Si j'avais à choisir un endroit, si j'étais pris quelque part et que je vivais dans l'illégalité, si j'avais le choix entre vivre l'enfer d'un camp de réfugiés pendant 17 ans ou trouver un moyen d'amener mes enfants dans un pays sûr, le Canada ou un autre, je sais ce que je ferais s'il y avait un moyen de le faire.
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant aborder un autre sujet. Pourquoi l'appel est-il si important si une personne peut aussi demander un contrôle judiciaire? En quoi les deux processus sont-ils différents? J'apprécierais beaucoup que vous nous l'expliquiez.
    Je le répète, je suis enchanté que le gouvernement ait mis sur pied la section d'appel. C'était nécessaire.
    La demande de contrôle judiciaire n'est qu'une demande d'autorisation en une du contrôle judiciaire d'une décision. Seulement 14 p. 100 des demandes sont approuvées. Encore une fois, les statistiques de M. Rehaag montrent qu'il existe des variations phénoménales dans les décisions rendues par les juges de la Cour fédérale sur ces demandes. Mais, même si vous obtenez cette autorisation, la Cour fédérale rendra sa décision sur des questions de droit. Je sais que certains des membres du comité sont avocats. Cela veut dire que le contrôle peut aussi porter sur des constatations erronées quant aux faits. Mais le juge s'en remet à la commission. Il ne s'agit pas d'un appel. Son seul pouvoir est de renvoyer l'affaire et d'exiger la tenue d'une nouvelle audience.
    Quant à la Section d'appel des réfugiés, l'accès est universel, et tout un chacun peut interjeter appel; si on constate qu'il y a eu des erreurs fondamentales et que les éléments de preuve montrent de toute évidence qu'il s'agit de réfugiés, la Section d'appel a le pouvoir de casser la décision. En d'autres termes, elle a pour but de réparer les erreurs éventuelles.
    Est-ce qu'il me reste quelques minutes?
    Oui.
    On dirait que beaucoup d'éléments du projet de loi portent sur cet aspect; alors, quelle est la différence entre un demandeur d'asile qui arrive en avion et un autre faisant partie d'un groupe qui arrive par bateau s'ils ont tous deux utilisé de faux documents pour entrer au Canada? À mes yeux, un réfugié est un réfugié, peu importe la manière dont il est arrivé, mais ce texte de loi établit une différence nette entre les deux.
    À leur arrivée, ils ne sont pas réfugiés; ils sont demandeurs d'asile, et ils veulent obtenir le statut de réfugié. Mais nous ne dressons pas de listes des passagers de ces bateaux. Quand quelqu'un fait partie d'un groupe, nous ne pouvons pas formuler d'hypothèse sur le bien-fondé de sa demande, nous ne pouvons pas dire s'il est plus ou moins probable qu'il s'agisse d'un réfugié.
    Je vais vous donner un contre-exemple. Lorsque le premier bateau est arrivé du Sri Lanka, le taux d'acceptation pour les demandeurs d'asile du Sri Lanka était de 76 p. 100. Dix ans plus tôt, sur les quatre bateaux venus de la République populaire de Chine, le taux d'acceptation était inférieur à 5 p. 100.
    Nous ne pouvons pas tirer des conclusions simplement sur le fait que les gens sont arrivés en groupe. Nous ne pouvons pas non plus en déduire que cela représente une menace accrue pour le Canada, d'une façon ou d'une autre, parce qu'il s'agit d'un groupe. Ce n'est pas une menace pour la sécurité.
    Quelle est la différence? La seule différence, bien franchement, c'est que la personne qui, avec de faux documents, a réussi à entrer au pays par l'aéroport international de Vancouver avait probablement plus d'argent et a été capable d'acheter des documents de meilleure qualité pour venir au Canada.
    En ce qui concerne les menaces pour le Canada, ou le bien-fondé de ces demandes, il n'y a aucune différence.
(1605)
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Lamoureux.
    Monsieur Showler, mes questions s'adressent à vous.
    J'écoutais Mme James, et je crois qu'elle a utilisé le terme « faux réfugiés » quatre ou cinq fois. Je sais qu'il y a une différence. Je me demande si vous pourriez nous expliquer plus en détail ce qu'entend le gouvernement par « faux réfugiés ».
    Bien sûr. À mon sens, un faux réfugié, c'est une personne qui obtient le statut de réfugié par des moyens frauduleux. Je veux dire par là une personne qui sait qu'elle n'est pas un réfugié et qui vient quand même au Canada. Autrement dit, elle abuse du système de protection des réfugiés du Canada.
    Je crois qu'il y a confusion avec la notion de demandeur débouté. Lorsqu'une demande d'asile est refusée, cela ne veut pas nécessairement dire qu'il s'agissait d'une demande frauduleuse. Il se peut très bien que cette personne soit venue au Canada en croyant en toute sincérité avoir qualité de réfugié et avoir vraiment besoin de notre protection, même si, au bout du compte, sa demande est refusée.
    Un bon exemple de cette situation est celui des nombreux demandeurs d'asile mexicains qui se sont présentés au cours des cinq ou six dernières années. Bon nombre de ces demandes ont été refusées, non pas parce qu'ils mentaient au sujet du fait qu'ils craignaient un baron de la drogue ou quelqu'un d'autre, mais pour des motifs techniques et juridiques liés à la définition. La commission ou la Cour fédérale a conclu que l'État leur assurait une protection adéquate ou, dans d'autres cas, a jugé que les personnes visées pouvaient se rendre dans une autre région du pays et s'y trouver en sécurité. Dans de nombreux cas, on a reconnu la crédibilité de la demande par rapport aux paramètres techniques de la définition du terme « réfugié ».
    À mon avis, ces gens ne sont pas de faux réfugiés. Notre opinion n'est peut-être pas celle du ministre ou d'autres personnes, mais je crois, d'une part, qu'il est injuste de les qualifier ainsi et, d'autre part, d'une certaine façon, que cela brouille les cartes quand on essaie de comprendre un système efficace qui laissera entrer les véritables réfugiés et qui repérera rapidement les auteurs de demandes non fondées pour les renvoyer.
    C'est une bien mauvaise façon d'étiqueter les gens, à mon avis.
    Une bonne part de tout cela concerne les demandes frauduleuses. Pourriez-vous faire part aux membres du comité de vos réflexions sur la façon dont vous vous y prendriez pour décourager les demandeurs de mauvaise foi?
    Je vous ai déjà parlé de cette idée de rendre une décision dans les six ou sept mois. Je suis d'accord avec la notion de pays d'origine désigné. Je conviens du fait — même si tout le monde ne sera pas d'accord avec moi — qu'il existe ce qu'on appelle des communautés de défense des intérêts, mais je crois que c'est possible.
    Ce qui importe, c'est d'être en mesure de décourager ces demandeurs. On peut faire deux choses. J'affirme qu'on peut avoir le beurre et l'argent du beurre. On peut rendre une décision judicieuse. On peut aussi avoir un mécanisme d'appel judicieux. Si le demandeur n'est pas un réfugié, on peut rapidement le renvoyer du pays. Certainement, si tout cela se fait en six ou sept mois, comme je l'ai dit, je suis sûr que l'on découragera les arrivées massives de demandeurs de mauvaise foi.
    En ce qui concerne les centres de détention, le ministre en a parlé comme s'il s'agissait quasiment de motels. Je me demande si vous pourriez nous faire part de votre expérience ou de ce que vous savez à propos des centres de détention.
    Je peux vous parler de mon expérience ainsi que des recherches mentionnées dans le mémoire, le deuxième mémoire, que je vous ai soumis.
    Essentiellement, nous savons qu'il n'y a que 299 places disponibles, à l'échelle du Canada, pour les personnes détenues en vertu du programme fédéral. La plupart de ces places sont toujours occupées. La principale préoccupation, donc, c'est que, si un groupe important débarque au pays, comme on l'a vu sur la côte Ouest, quand deux bateaux sont arrivés, les passagers seront envoyés dans un établissement pénitentiaire provincial — et il s'agit non pas d'un centre de détention, mais bien d'un établissement pénitentiaire. D'autres témoins vont comparaître devant vous, mais vous aurez entre les mains ces mémoires, qui indiquent que ces gens sont placés dans des établissements pénitentiaires, où le personnel a l'habitude de traiter avec des criminels. Ces gens seront donc mêlés à la population carcérale.
    On a fait une exception pour les mères, les parents accompagnés d'enfants, qui ont été placés au centre de détention de Burnaby.
    Mais, encore une fois, ce qui me préoccupe en tant que Canadien, c'est ceci: ces gens sont des demandeurs d'asile. Ce sont peut-être des réfugiés. Mais nous savons qu'un nombre important d'entre eux pourraient avoir été victimes de torture. Ils ont peut-être déjà vécu l'enfer de la guerre civile, comme celle qui sévit au Sri Lanka. Et le problème, c'est que si des gens comme eux, qui ne parlent pas anglais et qui sont facilement isolés de la population, sont placés dans des établissements pénitentiaires, je crois que cela représente un enjeu politique important. Il faut en tenir compte.
(1610)
    Est-ce qu'il me reste assez de temps pour poser une dernière question, monsieur le président?
    Il vous reste environ 10 secondes.
    Est-ce que le Canada aurait avantage à étudier les centres de détention du Royaume-Uni et de l'Australie à titre de modèles éventuels?
    Non.
    Monsieur Dykstra.
    Monsieur Showler, vous avez parlé plus tôt du système de détention mis en place en Australie. Pourriez-vous me dire d'où vous avez tiré les faits et les chiffres que vous citez et à quelle année ils remontent?
    Tout cela se trouve dans les notes de bas de page de mon mémoire. Vous trouverez là tous les chiffres exacts. On cite aussi une déclaration faite, il y a environ un an , par un ministre — j'ai oublié son nom — qui a établi, puis supprimé cette politique parce que ce n'était pas une bonne idée. Mais tout cela se trouve dans le mémoire, monsieur.
    Formidable. J'ai bien hâte de jeter un coup d'oeil sur vos mémoires, car, en mars, les Nations Unies ont publié un rapport sur la situation des demandeurs d'asile. Le seul pays où on observe dans les faits une diminution du nombre des demandeurs d'asile, c'est l'Australie. D'ailleurs, l'ONU a déclaré que cette baisse était imputable à la politique en matière de détention adoptée par l'Australie, ce qui veut donc dire que les demandeurs d'asile allaient dans d'autres pays.
    Monsieur, je ne veux pas vous contredire...
    Laissez-moi dire ceci. On cite entre autres Mme Alice Edwards, chercheure principale du HCNUR. Je crois que vous allez constater que c'est plutôt le contraire qui se produit.
    Je cite un rapport des Nations Unies. Je peux vous donner ce rapport « Niveaux et tendances de l'asile dans les pays industrialisés ». On dit que le nombre de demandeurs d'asile qui choisissent l'Australie a chuté de 9 p. 100 en 2011, passant de 12 640 en 2010 à 11 510 en 2011.
    C'est une diminution, monsieur. Vous avez laissé entendre qu'il y avait eu une augmentation. Je tiens simplement à préciser, pour le compte rendu, qu'il y a eu en fait une diminution.
    En ce qui concerne l'augmentation, la politique sur la détention obligatoire a été mise en oeuvre en 1994. Vous verrez un graphique montrant que, chaque année, il y a une augmentation marquée. La politique a été retirée en 2001, et les chiffres ont diminué.
    Monsieur, je soulignais tout simplement que, de 2010 à 2011, il y a eu une diminution. Les Nations Unies affirment que la détention pourrait être une des raisons pour lesquelles les chiffres ont diminué. Je vous demande tout simplement de le reconnaître, pas d'être d'accord.
    Ce que je dis, c'est que la baisse de 2001 est attribuable à la solution du Pacifique, qui consistait à empêcher les bateaux d'arriver en Australie et à les diriger vers Nauru.
    Eh bien...
    Alors, ils ont réussi... Mais, monsieur, il est raisonnable...
    Je ne faisais que vous poser une question. Je disais seulement, pour vous...
    Je ne vais pas...
    C'est moi qui pose les questions, n'est-ce pas?
    Arrêtez le chronomètre.
    M. Showler n'aime peut-être pas...
    Eh bien, on semble s'engager dans un débat avec le témoin...
    Je ne veux pas engager un débat.
    Monsieur, il semble que nous nous engageons dans un débat...
    J'ai arrêté.
    ... et puis-je vous suggérer, à tous les deux, de passer à autre chose?
    Bien sûr.
    Oui.
    Vous semblez être en désaccord, mais tenons-nous-en à cela.
    Je vais laisser le reste de mon temps à M. Opitz.
    Ce que voulais dire, monsieur, c'est que, si vous voulez donner un exemple ou je dois m'interroger sur la façon dont je traiterais et élèverais mes enfants, par rapport à ce que vous feriez, j'ose espérer que mes enfants comprendraient que les personnes qui passent jusqu'à 17 ans dans un camp de réfugiés ont le droit d'être traitées de façon équitable. Et la meilleure solution, ce n'est pas de faire entrer les gens illégalement dans un pays et de les faire entrer plus rapidement qu'une autre personne qui a dû attendre aussi longtemps, comme vous l'avez laissé entendre.
    Ce n'est qu'une observation personnelle, mais je ne suis pas d'accord avec vous sur cette question.
    Monsieur Opitz.
    J'ai combien de temps?
    Vous avez quatre minutes.
    D'accord.
    Il y a aussi le problème des gens qui font passer des clandestins, et ce n'est pas une façon sûre de se déplacer. Ce sont des gens qui sont souvent liés au crime organisé, qui ont l'intention de s'adonner à la traite de personnes ou au passage de clandestins pour faire de l'argent. Bien souvent, le trafic de clandestins et la traite d'êtres humains reviennent à la même chose, c'est-à-dire que cela place les gens dans des situations extrêmement difficiles. Il arrive que des passeurs, s'ils se font intercepter lorsqu'ils sont en mer, jettent des gens par-dessus bord. Il est très dangereux de voyager ainsi. Je crois que tout le monde est d'accord sur cela. C'est rarement la façon la plus sûre pour une personne de tenter d'entrer au Canada.
    J'aimerais aussi, pour répondre à mon ami, ajouter que les gens qui tentent de venir au Canada ne sont pas tous des terroristes, même s'il y en a sûrement quelques-uns. Il suffit d'un seul homme déterminé qui entre ici grâce au système de protection des réfugiés pour faire un tort immense à notre pays. On a vu des exemples de cela. C'est pourquoi nous devons nous montrer très prudents dans ces situations.
    Il y a aussi des gens qui se servent du système de protection des réfugiés pour passer avant les autres; ce sont de faux réfugiés — leur demande est frauduleuse —, et ils engorgent notre système.
    Monsieur Collacott, vous avez utilisé une expression que j'ai trouvée très intéressante. Vous avez parlé de « quête du meilleur pays d'asile ». Pourriez-vous nous en dire plus sur le sujet, monsieur?
(1615)
    J'ai donné l'exemple des 152 personnes qui sont arrivées sur les côtes de Terre-Neuve en 1986. J'ai été témoin de cela, car j'avais été haut-commissaire au Sri Lanka et je venais tout juste de revenir. Ils avaient obtenu l'asile en Allemagne, mais je crois qu'il est raisonnable de présumer qu'ils avaient entendu dire que les avantages étaient bien meilleurs au Canada.
    Essentiellement, il s'agissait de personnes qui avaient passé par des pays où ils auraient pu présenter une demande d'asile. Leur principal objectif était censément d'assurer leur sécurité. Mais en fait, leur véritable objectif, c'était d'arriver à un endroit où ils pouvaient obtenir de nombreux avantages. La sécurité n'est pas leur principale préoccupation. Ils vont poursuivre leur voyage pour trouver un autre pays. Le Canada est probablement le pays le plus généreux, au chapitre des avantages, et c'est pourquoi ils essaient de venir au Canada, même si c'est un des points les plus difficiles à atteindre sur le plan géographique.
    Oui, tout à fait. Je sais que des témoins précédents ont dit que de nombreux chercheurs d'asile sont arrivés ici et ont dit effrontément à l'ASFC qu'ils venaient ici pour l'argent. Mais, selon nos lois, il fallait traiter leurs demandes à ce moment-là.
    Et quelle est votre opinion au sujet de la détention, monsieur?
    En premier lieu, le terme « détention » est parfois associé à l'emprisonnement, et, dans certains cas, comme M. Showler l'a souligné, les gens sont gardés dans des établissements pénitentiaires. Le grand nombre de Roms qui sont arrivés de Hongrie, en fait, sont probablement pour la plupart gardés à l'hôtel, ce qui fait qu'il y a moins de place pour les personnes nées au Canada qui pourraient avoir besoin d'aide.
    La détention est un terme intéressant quand on parle des chercheurs d'asile. On considère parfois qu'ils sont innocents jusqu'à preuve du contraire, alors pourquoi doit-on les détenir? Cela ne se passe pas comme dans une prison. Ils ont le droit de partir à tout moment, s'ils le veulent. S'ils veulent abandonner leur demande et partir, ils peuvent le faire. Tout ce qu'on leur dit, c'est que, s'ils veulent s'établir ici, ils seront placés en détention jusqu'à ce qu'on décide s'ils méritent d'être accueillis ici.
    Je crois que le placement en détention à grande échelle est probablement très sensé, surtout dans le cas d'arrivées en masse, car nous sommes dépassés par le nombre. Nous ne pouvons pas faire une présélection rapide. Cela pose un problème particulier, non seulement au regard des activités criminelles à grande échelle et de la possibilité du terrorisme, mais aussi tout simplement en raison du nombre de personnes. Cela draine des ressources de tout genre qui étaient réservées à d'autres fins.
    Merci.
    Monsieur Giguère.

[Français]

    Je remercie beaucoup nos témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    J'ai une première question pour M. Collacott.
    Comment articulez-vous une nouvelle loi qui donne au ministre la permission de désigner ce qu'est une arrivée irrégulière? Ce même ministre désigne lui-même ce qu'est un pays sûr, ce qu'est un immigrant clandestin et, enfin, les motifs de sa détention. Dans ce projet de loi, il y a énormément de possibilités pour un ministre d'intervenir n'importe quand dans l'application de la loi et de renverser la décision de ses fonctionnaires.
    Trouvez-vous que, sur le plan structurel, cela nous permettra de désengorger le système alors que, systématiquement, tous les politiciens peuvent intervenir à tout moment et faire pression sur le ministre?

[Traduction]

    C'est une bonne question, monsieur Giguère. La nouvelle loi, en effet, donne davantage de pouvoir au ministre, mais cela nous met en phase avec ce qui se fait dans la plupart des autres pays. L'une des objections soulevées est le fait que ce sont des fonctionnaires qui effectuent la présélection initiale, plutôt qu'un organisme indépendant.
    Il y aura des examens par un organisme indépendant, mais on obtient ainsi davantage de continuité et d'uniformité dans les décisions. Nous allons faire ce que font les autres pays.
    Aucun aspect de cette augmentation des pouvoirs — et vous avez raison de dire que les pouvoirs du ministre seront plus grands — ne me pose problème. Je ne sais pas si vous avez des questions concernant un aspect en particulier, mais tout cela ne fait que nous faire entrer dans le XXIe siècle. Cela nous a pris du temps, et c'est pourquoi notre système fonctionne si mal.
(1620)

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Showler, le ministre affirme que les ressortissants étrangers désignés sautent la file d'attente des réfugiés. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'est véritablement une file d'attente des réfugiés?

[Traduction]

    Il est évident que je suis en désaccord avec certains des membres du comité, mais, à mon avis, il n'y a pas de file d'attente. C'est, d'abord, parce que la Convention des Nations Unies pour les réfugiés permet à une personne d'aller dans un pays hôte pour demander la protection en vertu de la Convention. M. Collacott a laissé entendre ici que le Canada ne savait pas dans quoi il s'embarquait, mais je crois qu'il le savait très bien.
    C'est le coeur même du mécanisme de protection internationale. C'est ce qui se produit. Il n'y a pas de file d'attente. Il n'existe nulle part, dans le droit international, un principe selon lequel ces personnes doivent aller dans un camp de réfugiés. J'ai déjà expliqué que certaines personnes n'ont même pas de camp où aller; mais, d'une façon ou d'une autre, il n'y a pas de file d'attente. Ce n'est pas comme ça que les choses se passent. Ces gens viennent dans un pays.
    Il y a aussi cette notion des tiers pays sûrs. M. Collacott en a déjà parlé. Cependant, il en a malheureusement parlé comme s'il s'agissait d'une désignation arbitraire. Les tiers pays sûrs sont ceux qui ont conclu une entente, comme l'entente que nous avons conclue avec les États-Unis. Le Canada, honnêtement, adorerait conclure des ententes, et a déjà songé à le faire avec des pays de l'Europe, mais ces pays ne sont pas prêts à conclure une entente, car les engagements iraient alors dans les deux sens.
    Mais, essentiellement, il n'existe ni en droit ni en fait de file d'attente.

[Français]

    Très bien.
    Je vais poser la même question. Avec ce projet de loi, le ministre peut avoir, lors d'une arrivée irrégulière, le pouvoir décisionnel de considérer les gens comme des réfugiés irréguliers.
     En ce qui a trait au pays d'accueil, c'est le ministre qui décide en dernière analyse si un pays est considéré sûr ou non. Dans un autre cas, c'est encore le ministre qui décide ce qui peut être considéré comme des motifs d'ordre humanitaire. À tout moment, le ministre peut intervenir politiquement pour donner le statut de réfugié pour des considérations d'ordre humanitaire. Ce genre d'embourbement politique d'interventions partisanes, qui ouvre la porte aux lobbyistes, ne rendra-t-il pas ce projet de loi très difficile à appliquer?

[Traduction]

    Je n'en parle pas beaucoup dans mon mémoire, mais d'autres mémoires ont été présentés. Assurément, d'un point de vue juridique, il y a une combinaison, en ce qui concerne tant la désignation des pays d'origine que la désignation des ressortissants étrangers qui arrivent en groupe. Dans les deux cas, ce qui est préoccupant, c'est que les critères qui régissent cette désignation sont très larges.
    Deuxièmement, il n'y a pour ainsi dire aucune limite à ces pouvoirs ou au pouvoir discrétionnaire. Il y en a quelques-uns en ce qui concerne le pays d'origine désigné, mais il n'y en a pas beaucoup.
    Merci, monsieur Showler.
    Ce qui est préoccupant, c'est qu'ils sont trop larges et trop vagues.
    Merci.
    Monsieur Menegakis, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, messieurs. Merci beaucoup d'être venus présenter un exposé ici aujourd'hui.
    Le projet de loi C-31 a pour but de faciliter le processus et de le rendre plus rapide. Le but n'était pas de pénaliser les gens qui, légitimement, demandent notre aide. Grâce aux nouvelles mesures prévues dans le projet de loi, le délai de traitement d'une demande d'asile —, une demande légitime — pourrait être réduit et passer de la moyenne actuelle, qui est de 1 038 jours, à 45 jours pour les demandeurs d'un pays d'origine désigné, ou à 216 jours pour tous les autres demandeurs d'asile.
    Nous pouvons donc imaginer quel avantage énorme cela représenterait pour quiconque cherche l'asile et a vraiment besoin de l'asile, pour une personne qui est persécutée dans son propre pays. À mon avis, c'est là un des grands avantages de ce projet de loi.
    Monsieur Collacott, je vais, avant de poser ma question, poser en postulat que les réseaux de passeurs de clandestins cherchent à contourner les voies légales. À votre avis, est-ce que les réseaux de passeurs sont en train de se complexifier?
(1625)
    Je crois qu'ils deviennent plus complexes. Plus vous élevez d'obstacles pour vous en protéger, plus ils peuvent se complexifier. Je crois que le nombre de réfugiés qui arrivent par bateau constitue à lui seul un problème important, mais les passeurs utilisent depuis des années des documents falsifiés et frauduleux.
    M. Showler a dit que, au départ, nous avions accepté la Convention des Nations Unies. En fait, nous ne savions pas dans quoi nous nous embarquions, car ces problèmes ne s'étaient pas encore présentés. L'Organisation internationale pour les migrations estimait que le passage de clandestins générait 18 milliards de dollars de recettes par année, et cette estimation a été faite il y a 10 ans. C'est probablement beaucoup plus aujourd'hui. Cela représente beaucoup d'argent. Les gens disent que de nombreux trafiquants de drogues sont devenus des passeurs de clandestins parce que les peines pour ce délit sont moins sévères. C'est donc un problème énorme, et il ne concerne pas seulement les arrivées irrégulières. Selon des évaluations, de 70 à 90 p. 100 des clandestins arrivent par avion. Le problème, c'est qu'il est très difficile de s'attaquer à chacun de ces cas.
    Mais les passeurs de clandestins sont associés de près aux mouvements des demandeurs d'asile, ce qui n'est pas le cas des gens en provenance des camps que nous accueillons. En passant, M. Showler a dit que quatre millions de personnes vivent dans des camps. Selon les Nations Unies, la plupart n'ont pas besoin d'être réétablies. Elles ont besoin d'une protection temporaire jusqu'à ce qu'elles puissent retourner dans leur pays. Le nombre de personnes qui, à leur avis, ont besoin d'être réétablies reste important, mais il est beaucoup plus petit. On parle au maximum de centaines de milliers de personnes.
    À coup sûr, c'est devenu une activité lucrative et, dans bien des cas, très perfectionnée.
    À la lumière de votre expérience de haut-commissaire au Sri Lanka et d'ambassadeur en Syrie, au Liban et au Cambodge, pourriez-vous nous parler des activités des passeurs de clandestins dans ces pays?
    Je ne me rappelle pas de cas sérieux de passage de clandestins dans ces pays-là. Au Sri Lanka, les départs par bateau n'avaient pas encore commencé, et le projet de loi vise principalement les arrivées irrégulières.
    Dans le cas du Canada, leur nombre a commencé à augmenter en 1986. En Australie, comme M. Showler l'a mentionné, l'une des principales raisons pour lesquelles le nombre de demandes d'asile a diminué en Australie, c'est que le gouvernement de John Howard a adopté la solution du Pacifique, qui consistait tout simplement à empêcher les gens d'arriver sur place. Leur dossier était traité à l'étranger. Le gouvernement étudiait les demandes d'asile, en acceptait certaines et en refusait d'autres. Kevin Rudd, lorsqu'il est devenu premier ministre, en 2007, a dit que cette méthode était trop dure et a proposé de les accueillir tous. Eh bien, ils sont arrivés par centaines, et c'est l'une des raisons pour lesquelles il n'est pas resté chef du Parti travailliste et n'a pas été réélu premier ministre. Ce n'est pas la seule raison, mais c'est l'une des raisons importantes.
    Dans la plupart des cas, le trafic de clandestins se fait par voie aérienne; un grand nombre de clandestins sont arrivés par la voie des airs, à raison de une ou deux personnes à la fois. Mais ces grandes organisations mettent vraiment le système à l'épreuve et créent des problèmes particuliers, et je crois qu'il faut une loi pour réagir à cette situation. J'espère que nous arriverons un jour à trouver le moyen de décourager tout trafic de clandestins, mais, lorsqu'ils arrivent à raison de un ou deux à la fois, ils ne sont pas faciles à reconnaître.
    Est-ce que j'ai terminé?
    Vous avez terminé, monsieur, et je crois que nous allons manquer de temps, car nous devons procéder à un vote ce soir.
    Monsieur Showler, monsieur Collacott, merci à vous deux d'être venus témoigner.
    La séance est suspendue pour quelques minutes.

(1630)
    La séance est ouverte.
    Nous avons deux témoins, et nous allons mettre fin à ce second tour à 17 h 20, car nous devons procéder à un vote ce soir. Le dernier tour commencera vers 17 h 20.
    Nous accueillons Julie Taub, avocate spécialisée en droit de l'immigration et des réfugiés.
    Bon après-midi.
    Nous recevons également deux représentants de l'Association canadienne des libertés civiles. Noa Mendelsohn est directeur du programme d'égalité.
    Je n'ai pas dit votre dernier nom. Aviv.
    Nathalie Des Rosiers est l'avocate générale.
    Bon après-midi.
    Chaque groupe disposera de jusqu'à dix minutes. Nous allons commencer par Mme Taub.
    Je me demandais seulement si tout le monde a reçu mon mémoire, ma notice biographique et les renseignements de fond.
    Oui.
    Je ne veux pas m'attarder sur ça. Je vais me contenter de dire que j'ai déjà été commissaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et que je me consacre au droit de l'immigration et des réfugiés exclusivement depuis 2001; j'exerce à Ottawa. Avant cela, je siégeais à la Section des réfugiés.
    Je crois qu'il est important de parler très brièvement de mes antécédents personnels, de façon que vous compreniez bien que ma connaissance de la situation des réfugiés n'est pas uniquement professionnelle, elle est aussi personnelle et intime. Ma soeur est une survivante de l'Holocauste, et mes parents — aujourd'hui disparus — étaient aussi des survivants de l'Holocauste, et je sais donc ce que c'est d'être un réfugié.
    Ma défunte mère et ma soeur, qui est beaucoup plus vieille que moi et qui vit toujours, ont survécu au camp de concentration de Ravensbrück. Mon défunt père s'est échappé d'un camp de travail en Allemagne et est retourné en Tchécoslovaquie; il s'est caché dans les montagnes des Tatras pendant la guerre. Il a réussi à sauver ses vieux parents et s'est caché pendant un certain temps avec les partisans, c'est-à-dire les groupes de résistants, et pour finir s'est caché dans un trou de bombe; il a été sauvé par l'armée soviétique.
    C'est à la lumière de cette expérience que je désire m'adresser aux membres du comité aujourd'hui.
    Je suis venue ici pour donner mon appui au projet de loi C-31. Je pourrais ajouter que j'ai représenté des centaines de demandeurs d'asile. Depuis 2001, j'ai aidé des demandeurs d'asile de nombreux pays: du Soudan, du Nigeria, de la République démocratique du Congo, de l'Érythrée, de Djibouti, de la Somalie, de l'Éthiopie, de l'Ouganda, du Liban, de la Syrie, de l'Égypte, du Maroc, de l'Algérie, de la Colombie, du Venezuela, d'Haïti, de Cuba et même du Mexique. La liste n'est peut-être pas complète. Je n'ai vraiment pas eu le temps de revenir sur tous les clients que j'ai eus au cours des 11 dernières années.
    Récemment, en janvier et février, j'ai participé aux audiences de clients de l'Érythrée dont les demandes remontaient à la fin de 2009 et à 2010. Je m'occupe d'au moins une douzaine de demandeurs d'asile dont la demande remonte à 2010 et dont l'audience n'a toujours pas été mise au rôle.
    Je suis en faveur du processus accéléré que le ministre a proposé, car il est tout simplement ridicule d'attendre une audience pendant deux ou trois ans.
    Comme nous le savons tous, j'en suis convaincue, c'est l'Holocauste qui a inspiré la convention internationale de 1951 et les protocoles qui ont été mis à jour en 1967. La convention n'a pas été rédigée au profit d'une industrie criminelle — celle des passeurs de clandestins — ou de personnes qui peuvent être de véritables réfugiés ou pas, ni pour faciliter la quête du meilleur pays d'asile, c'est-à-dire de permettre aux gens de chercher à savoir dans quel pays ils peuvent obtenir les avantages les plus généreux et où le taux d'acceptation est le plus élevé.
    La convention n'a pas non plus été rédigée pour qu'on tienne compte des demandes d'asile de citoyens de démocratie reconnues. Je ne parle pas des pays pour lesquels les critères qualitatifs et quantitatifs établis par le ministre peuvent varier d'une année à l'autre. Je parle des démocraties établies qui évoluent depuis des siècles, comme les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, les pays de l'Union européenne et même le Japon, depuis la Seconde Guerre mondiale.
    Je ne crois pas que la convention et les personnes qui l'ont rédigée avaient l'intention d'aider des personnes comme les citoyens des États-Unis à demander l'asile.
    Notre système actuel, en ce qui me concerne, du moins, salit la mémoire des survivants de l'Holocauste. La seule pensée qu'on puisse assimiler un citoyen des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou de la Suède aux réfugiés du Darfour ou du Rwanda, aux femmes qui fuient la loi musulmane ou les mutilations génitales — j'ai représenté toutes ces catégories de clients — est tout simplement révoltante, à mon avis. Il y a aussi la situation des chrétiens qui, aujourd'hui, fuient les massacres dans certaines théocraties islamiques. Ce sont eux, les véritables réfugiés.
(1635)
    Les quelque 100 000 Karens et plus qui vivent dans les camps de réfugiés du HCNUR du district de Mae Sot, en Thaïlande, sont aussi de vrais réfugiés. Je connais personnellement le camp de réfugiés de Mae La, car ma fille — qui est maintenant médecin — a fait du bénévolat au cours de sa quatrième année de médecine dans une clinique médicale de Mae Sot, dans le nord de la Thaïlande. Cette clinique médicale soigne les Karens qui vivent dans cet horrible camp de réfugiés qui s'étend à perte de vue et où s'entassent plus de 100 000 personnes. Grâce à l'intervention de ma fille et à la mienne, nous avons pu faire venir au Canada une Karen — Eh Hso Gay — dont la demande avait d'abord été refusée; sa tante et son oncle vivaient à Ottawa. La seule façon pour une personne de fuir le camp de réfugiés était d'avoir un rendez-vous à la clinique. Ma fille a amené Eh Hso Gay deux fois à la clinique. Je lui ai envoyé les questions pour qu'elle les lui pose, puis elle a fait une entrevue avec la CBC et, bien sûr, Immigration Canada en a entendu parler; le ministère est donc revenu sur sa décision, et Eh Hso Gay est venue au Canada.
    Par ailleurs, certains critiquent le fait qu'il y a des pays d'origine désignés, mais je dois avouer que je n'y vois aucun inconvénient. Et je ne vois pas non plus d'inconvénient à ce qu'il y ait des ententes sur les pays tiers sûrs, car, croyez-moi, les réfugiés juifs qui essayaient de fuir l'Europe n'auraient pas magasiné un pays d'asile. Ils auraient été heureux d'être acceptés dans n'importe quel pays, le premier où ils auraient pu mettre le pied et y demander l'asile. Ils ne se seraient pas trimbalés partout dans le monde pour trouver le pays qui procurerait les avantages les plus généreux.
    À l'heure actuelle, on assiste à une montée de l'antisémitisme en Hongrie. Et comme je suis née du côté hongrois de la frontière entre la République tchèque et la Hongrie à l'époque, j'ai des amis en Hongrie, dont Peter Feldmajer, qui est à la tête de la communauté juive de la Hongrie. Là-bas, l'antisémitisme est presque sanctionné par le nouveau gouvernement de droite. Peter m'a dit que les jeunes Juifs, y compris ses enfants, quittent le pays. Toutefois, ils ne demandent pas l'asile; ils s'établissent dans l'un des 26 autres pays de l'Union européenne, ils ne viennent pas au Canada. Ils prennent la route d'un des autres pays ou d'Israël. Il n'y a pas plein de Juifs qui arrivent de France — où ils sont chaque jour victimes d'agressions — et qui demandent l'asile. Ils vont dans d'autres pays de l'UE.
    On dit que le délai de 45 ou de 90 jours que le ministre prévoit fixer pour accélérer le traitement des demandes d'asile n'est pas suffisant. Toutefois, sous le régime actuel, les demandeurs disposent de 28 jours pour soumettre le formulaire de renseignements personnels. Et les centaines de demandeurs que j'ai représentés n'ont jamais eu de mal à transmettre ce formulaire — qui constitue le fondement de la demande — à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans le délai prescrit. Le problème, c'est le fait d'avoir à attendre deux ans avant d'avoir une audience. Voilà où est le problème.
    De plus, le fait de prévoir un traitement accéléré pour les demandeurs qui viennent de pays d'origine désignés n'est pas un problème; nous ne faisons qu'adopter des mesures semblables à celles appliquées dans nombre de pays de l'UE. Par exemple, certains pays d'Europe procèdent de la façon suivante — et j'ai toute une liste de pays qui font la même chose. Le Royaume-Uni traite en 10 à 14 jours la demande des personnes qui viennent de pays considérés comme sûrs. En France, le traitement accéléré prend 15 jours. En Allemagne, la demande est traitée en deux jours si les personnes viennent de pays comme le Canada, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. L'Allemagne n'accepte même pas de demandes d'asile de personnes venant d'autres pays de l'UE, car, comme vous le savez très bien, tout citoyen d'un pays de l'UE a le droit absolu de vivre et de travailler dans tout autre pays de l'UE. Vous pourriez dire que, dans le cas des Roms, il pourrait y avoir un obstacle en raison de la langue. Eh bien, lorsqu'ils viennent au Canada, ils rencontrent le même obstacle. Ils parlent hongrois ou slovaque, selon leur pays d'origine.
(1640)
    Veuillez conclure, madame Taub.
    D'accord.
    Le seul aspect que je désapprouve, c'est que le ministre s'attend à ce que les décisions soient rendues plus rapidement de façon à accélérer le traitement des demandes d'asile. En revanche, il élimine 1 500 postes à l'ASFC. Cette mesure va à l'encontre de l'objectif consistant à accélérer le traitement des demandes d'asile, car les agents des services frontaliers sont ceux qui recueillent les renseignements pertinents. Ils sont sur la première ligne et accueillent les personnes qui arrivent. Par conséquent, comment le ministre peut-il s'attendre à accélérer le processus s'il met à la porte les agents mêmes qui sont censés l'aider à mener à bien le processus?
    Merci, madame Taub. Nous devons passer à un autre témoin.
    Madame Des Rosiers, vous avez au plus 10 minutes.

[Français]

    L'Association canadienne des libertés civiles existe depuis 1964 et se préoccupe toujours de la protection des libertés civiles au Canada. C'est dans ce contexte que l'association se présente devant vous aujourd'hui. Elle apprécie évidemment l'occasion qui lui est donnée de partager ses préoccupations avec le comité.
    Ma présentation est divisée en deux parties. Tout d'abord, je vais souligner certains des problèmes de nature constitutionnelle du projet de loi et je vais faire valoir trois points à ce sujet. Évidemment, l'association soutient l'idée d'améliorer le processus de définition des réfugiés. Elle est vraiment favorable à cette approche ainsi qu'au recours au droit criminel dans le cas des passeurs de clandestins. À notre avis, si on tente de faire cela dans le cadre du projet de loi, celui-ci va aller trop loin et causer des problèmes constitutionnels importants pour le Canada. Il doit donc être révisé dans cette optique.
    Dans ma deuxième partie, je vais vous inviter à réfléchir à votre rôle de parlementaires dans le cadre de l'étude de ce projet de ce loi.
(1645)

[Traduction]

    D'abord, il y a trois choses que je veux soulever, et je m'exprime évidemment ici en ma qualité de défenseure des libertés civiles. Il y a trois aspects dans le projet de loi qui transforment certains concepts du droit constitutionnel. Je vous inviterais à vous préoccuper un peu de ces aspects, car, même si on tente ainsi de réaliser des objectifs louables, cela pourrait comporter des désavantages qui auront une incidence sur tous les Canadiens.
    Le premier aspect est ce que j'appelle la détention obligatoire d'un groupe désigné. Les trois choses que je veux souligner sont les suivantes: d'abord, il s'agit de la détention d'un groupe; il est question de l'évaluation d'un groupe. Au Canada, nous avons tendance à désapprouver l'évaluation d'un groupe. Il est inadmissible de procéder à des arrestations de masse. Il est inadmissible de mettre un groupe de personnes en détention. Je crois qu'il est important de comprendre que cela va à l'encontre de certains des droits fondamentaux que nous avons au Canada, en ce sens que, lorsqu'on est pour prendre une décision qui privera une personne de sa liberté — et je reviendrai sur l'argument avancé par M. Collacott —, on doit faire une évaluation individuelle pour déterminer s'il y a une bonne raison de mettre cette personne en détention et si cette personne présente bel et bien un risque. Si vous avez lu dans notre mémoire ce que dit la loi au sujet de la détention arbitraire, vous verrez qu'il faut soumettre la personne à une évaluation pour déterminer si elle a commis un crime ou si elle est impliquée dans des activités criminelles. Or, le projet de loi ne prévoit pas une telle obligation.
    Le ministre pourra désigner un groupe pour des raisons de commodité ou à la suite de demandes de nature administrative, ou s'il soupçonne de possibles activités de passage de clandestins. Mais ces soupçons ne se portent jamais sur des membres en particulier du groupe. Par conséquent, la détention arbitraire de ce groupe causera donc un problème d'ordre constitutionnel. C'est la détention d'un groupe et l'évaluation de la responsabilité d'un groupe qui sont inappropriées.
    Le deuxième aspect se rapporte au fait que cette détention n'est assortie d'aucune surveillance judiciaire. Il n'est pas possible de demander une validation ou un contrôle judiciaire de la détention avant une période de 12 mois. Cela revient à priver un groupe du droit d'habeas corpus. On ne peut faire cela. C'est dangereux. C'est dangereux, car, si nous commençons à dire qu'un tel groupe n'a pas droit à l'habeas corpus et qu'il se voit refuser la possibilité de faire examiner la légalité de sa détention par un juge, je crois que nous courrons le risque — je ne dis pas que le gouvernement agira de cette façon — que d'autres gouvernements décident de désigner un groupe et de lui refuser le droit d'habeas corpus et le droit de faire examiner la légalité de sa détention.
    Comme vous pourrez le lire dans notre mémoire, dans l'arrêt Charkaoui, la Cour a établi que la détention d'une personne pendant 120 jours sans contrôle judiciaire est inadmissible et inconstitutionnelle. Il ne fait aucun doute que, dans le cas des demandeurs d'asile, lorsqu'on ne pourra prouver qu'ils sont impliqués dans des activités criminelles, leur détention sera jugée inconstitutionnelle.
    Je veux également inviter le comité à réfléchir à ce qui suit. S'il y a des problèmes administratifs — et il y en aura —, voici ce que la loi prévoit actuellement. Je crois qu'il est important de préciser que tout ça pourrait déjà se produire maintenant. Actuellement, la loi sur l'immigration ne prévoit pas de détention obligatoire, mais une personne doit être vue par un décideur indépendant dans les 48 heures suivant sa mise en détention pour qu'il décide s'il faut laisser cette personne en détention. Et je crois que, de cette façon, nous avons la certitude que cette personne se présentera à l'audience, car elle peut être gardée en détention s'il y a un risque qu'elle ne se présente pas, si elle constitue un risque pour la sécurité nationale ou si son identité ne peut être confirmée. Donc, les dispositions actuelles prévoient déjà des mesures en cas de nécessités administratives.
    Mon deuxième point, c'est que je vous demande instamment de réfléchir — en votre qualité de parlementaires — au projet de loi. Juste pour compléter mon idée, je dirais que cette mesure présente aussi un aspect discriminatoire. Les personnes appartenant à un groupe désigné non seulement seront détenues pendant 12 mois sans contrôle judiciaire, mais, par la suite, elles devront attendre plus longtemps avant de pouvoir demander la résidence permanente, même si elles sont considérées comme des réfugiés légitimes.
    À mon avis, il n'y a pas lieu au Canada de faire une distinction entre certains réfugiés et d'autres. Une fois qu'ils se sont vu accorder l'asile, les réfugiés devraient tous être traités de la même façon; ils devraient tous avoir la possibilité d'obtenir la résidence permanente, pour la simple raison que cela est l'une des étapes de l'intégration au Canada. Dès qu'ils sont réputés avoir qualité de réfugié, ils devraient être traités équitablement.
    Selon moi, cela pourrait être interprété comme une violation de l'article 15 de la Charte, et je crois que vous devriez aussi vous préoccuper de cet aspect.
    Je m'adresse à vous en votre qualité de parlementaires. Pourquoi croyez-vous que les parlementaires devraient être préoccupés par le projet de loi? Parce que ce projet de loi élargit considérablement les pouvoirs exécutifs du ministre.
    Je crois qu'il incombe aux parlementaires de reconnaître qu'ils ont un rôle à jouer dans ce dossier. En effet, ils doivent veiller à ce que le projet de loi n'aille pas trop loin pour ce qui est de dispenser le pouvoir exécutif de s'acquitter de certaines de ses obligations. D'une certaine façon, le pouvoir exécutif peut maintenant décider qu'il n'y aura pas de contrôle judiciaire, et, aux termes du projet de loi, il serait soumis à très peu de surveillance de la part du Parlement. Je vous prie de réfléchir au rôle que vous avez à jouer à titre de parlementaires dans l'évaluation du projet de loi.
(1650)
Le deuxième point que je veux soulever concernant le rôle des parlementaires, c'est que nous savons tous que les sentiments xénophobes peuvent parfois être facilement attisés. Je suis persuadée qu'aucun ministre actuel n'ordonnerait la détention obligatoire des pauvres personnes qui arrivent de pays où la situation est désespérante, mais le projet de loi ne serait pas adopté temporairement; il le serait pour toujours. De fait, dès qu'on accorde un certain pouvoir... Le ministre peut bien dire: « Je pourrais ne pas appliquer le projet de loi, mais je veux qu'il soit là juste au cas où ». Toutefois, le pouvoir de désigner un groupe pourrait être utilisé à mauvais escient dans l'avenir.
J'allais dire que, à certains moments, le Canada a fait des choses horribles, des choses dont nous ne sommes pas fiers. Je voudrais conclure sur ces propos: lorsque nous avons imposé une taxe d'entrée aux immigrants chinois; lorsque nous avons refusé d'accueillir les passagers du navire Komagata Maru en 1914 et que 376 Indiens sont décédés; lorsque nous avons refusé l'accès à des agriculteurs afro-américains pendant la récession; lorsque nous avons incarcéré les Japonais et les Ukrainiens; et lorsque nous avons refusé l'entrée du St. Louis en 1939 et que 900 personnes juives ont été renvoyées en Europe, ces décisions étaient populaires. Je crains que, dans des dizaines d'années, nous ne dévoilions des plaques commémoratives et présentions des excuses, et, parfois, nous payions des indemnités et nous essayions d'atténuer la douleur, mais il est trop tard: des personnes sont mortes.
    Je vous demande instamment de réfléchir à la possibilité qu'on décidera peut-être dans l'avenir d'incarcérer des personnes pendant 12 mois et de les expulser du pays, mais que, plus tard, nous aurons très honte de ce que nous avons fait.
    Il n'est pas approprié que ce genre de décisions relèvent toutes d'un ministre. Il y a un trop grand risque qu'il abuse de ce pouvoir. Je vous prie de réfléchir à cette possibilité.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup.
    Vous devriez laisser tomber le droit et devenir politicienne. Vous êtes très persuasive.
    Lancez-moi l'invitation.
    Vous pouvez être persuadé?
    Je n'ai pas dit cela. Je suis le président; je suis impartial.
    Passons maintenant aux questions.
    Monsieur Opitz, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord m'adresser à Mme Taub. Nous avons des origines semblables. Mes parents sont venus ici à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Mon père a passé beaucoup de temps dans un goulag, et ma mère a été amenée dans un camp de travail forcé en Allemagne nazie. Lorsqu'ils sont arrivés ici, les choses étaient alors très différentes. Ils avaient un contrat de deux ans et ont dû faire leurs preuves avant de pouvoir s'intégrer à la société canadienne de la façon dont ils le voulaient, mais ils ont réussi à le faire. Ils ont travaillé dur et ont surmonté bien des épreuves pour y parvenir.
    En ce qui concerne vos parents, il y a eu beaucoup de cérémonies de commémoration dernièrement, entre autres de l'Holocauste. Il s'agit certainement d'un facteur important qui influe sur un grand nombre des décisions que nous prenons dans certains de ces domaines, comme l'a souligné Mme Des Rosiers.
    Selon vous, en quoi les faux réfugiés nuisent-ils aux réfugiés authentiques, qui doivent alors attendre plus longtemps? Est-il logique que 25 p. 100 des demandes d'asile au Canada viennent de pays de l'UE? Ce pourcentage est d'ailleurs supérieur au nombre de demandes d'asile venant de pays d'Afrique et d'Asie. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
(1655)
    Je ne suis pas l'une des personnes qui ont rédigé le projet de loi C-31. Si cela avait été le cas, j'aurais proposé une troisième catégorie: les pays d'origine sûrs. Les demandes présentées par des ressortissants de ces pays ne seraient même pas prises en considération. Il s'agirait de tous les pays de l'Union européenne, des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie, de la Suisse et de la Norvège — qui ne fait pas partie de l'Union européenne —, et on n'étudierait même pas les demandes venant de ces pays. Soit dit en passant, la Suisse applique une politique semblable, à l'instar de la plupart des pays européens, concernant les pays d'origine sûrs. Le délai de traitement des demandes va de deux jours à trois semaines.
    Je regarde la liste des pays dont j'ai représenté des citoyens devant la Commission du statut de réfugié. Vous avez peut-être remarqué qu'aucun de ces pays ne figure sur ma liste. Je ne représente pas les ressortissants de ces pays parce que je ne crois pas qu'ils sont des demandeurs d'asile authentiques.
    Je le répète, et j'ignore combien de fois je devrai le répéter: l'Union européenne compte 27 pays. Nous avons 10 provinces et 3 territoires. Quiconque vit au Québec peut aller vivre et travailler n'importe où au Canada. Quiconque vit dans l'un des 27 pays de l'Union européenne peut aller vivre et travailler dans l'un des 26 autres pays.
    Et la discrimination n'équivaut pas à la persécution.
    D'accord.
    Si une personne qui est un réfugié authentique et craint de retourner dans son pays d'origine retire sa demande d'asile et retourne de son plein gré dans son pays d'origine, quelles seraient, selon vous, les répercussions d'une telle décision?
    À l'évidence, cette personne n'est pas un réfugié authentique. Il y a des personnes — y compris certains de mes clients, et j'ai été très bouleversée de l'apprendre par la suite — qui, après avoir obtenu l'asile, obtiennent un titre de voyage pour retourner dans leur pays d'origine, qu'elles avaient pourtant fui en craignant pour leur vie. Chaque fois qu'un de mes clients ayant obtenu l'asile vient me voir au bureau pour que je l'aide à remplir une demande de titre de voyage, je lui demande où il veut aller. S'il veut retourner dans le pays qu'il a quitté, je lui dis: « Êtes-vous tombé sur la tête? Je croyais que vous aviez fui votre pays parce que vous craigniez pour votre vie. Pourquoi donc voudriez-vous y retourner? »
    Après toutes mes années dans le métier, chaque fois qu'une personne retourne dans le pays qu'elle a fui par crainte pour sa vie, je remets en question le bien-fondé de sa demande d'asile — à moins qu'il n'y ait eu un revirement complet de la situation dans le pays et qu'il soit maintenant sûr d'y aller. S'il ne s'est écoulé que quelques mois ou même une année ou deux et que la situation dans le pays est pas mal restée la même, mais que la personne souhaite tout de même y retourner, je remets en doute le bien-fondé de sa demande d'asile.
    Vous avez fait un commentaire tout à l'heure sur les personnes qui magasinent un pays d'asile, et M. Collacott a fait de même.
    Les agents de l'ASFC obtiennent des réponses très intéressantes, comme nous l'avons découvert un peu plus tôt, par exemple une personne peut leur dire qu'elle pourrait obtenir un salaire sans travailler au Canada.
    Avez-vous eu connaissance de ce genre de réponses?
    J'ai reçu des appels de l'étranger, et il s'agissait pour la plupart de jeunes hommes de pays du Moyen-Orient. Ils m'ont posé des questions sur la demande d'asile. Ils m'ont dit qu'ils arriveraient le mois prochain et me demandaient si je voulais m'occuper de leur cas. Je leur ai expliqué qu'ils ne peuvent pas juste arriver comme ça, qu'ils ont besoin d'un visa. Ils m'ont répondu: « Je vais entrer dans le pays avec un permis d'études, et, ensuite, je vais demander l'asile. » J'essaie de leur expliquer que, s'ils viennent ici en tant qu'étudiant étranger, ils pourront avoir une situation stable ici. Je leur décris le processus, je leur dis qu'ils doivent obtenir leur diplôme et trouver un emploi, et, ensuite, ils pourront immigrer ici. Ils me disent: « Ah non, je n'en ai pas les moyens », ou quelque chose comme ça.
    Je crois qu'on abuse pas mal du système, si je me fie aux appels que j'ai reçus, aux personnes que j'ai rencontrées — mais que j'ai refusé de représenter — et à mes clients, qui reviennent me demander de les aider à remplir une demande de titre de voyage. Je connais le système par coeur.
    Des personnes qui étudient ici pendant trois ans et qui, selon leur profession, peuvent parfois faire valoir qu'elles appartiennent à la catégorie de l'expérience canadienne pour immigrer ici.
    Ah, tout à fait. Il y a la catégorie de l'expérience canadienne, la catégorie des travailleurs qualifiés — selon le type de profession — et aussi les travailleurs peu spécialisés. Il existe de nombreuses façons d'immigrer en toute légalité au Canada. Je crois qu'il y a beaucoup trop de personnes qui se servent de la demande d'asile comme processus d'immigration parallèle.
(1700)
    Je vois que vous avez mentionné qu'un délai de 28 jours était suffisant pour remplir les documents de base.
    Oui. Je me suis occupée de centaines et de centaines de documents, et je n'ai jamais dépassé la date limite — et il n'est même pas question ici d'un délai de 28 jours.
    Lorsqu'une personne quitte son pays, c'est parce qu'elle avait l'intention de le faire. Elle quitte son pays parce qu'elle craint pour sa vie. Souvent, si elle vient de certains pays, comme le Rwanda, la Somalie et l'Érythrée, elle n'a pas de papiers. Mais nous connaissons tous les conditions dans ces pays. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que cette personne soit munie des documents nécessaires. Personne n'imposera cette exigence à une femme qui fuit un mariage forcé ou qui cherche à éviter de subir la mutilation génitale, ou qui veut protéger sa fille contre la mutilation génitale. La commission n'exige pas que cette personne fournisse des papiers. En effet, dans un cas semblable, la preuve documentaire est plus que suffisante.
    M. Ted Optiz: [Note de la rédaction: Inaudible]
    Merci, monsieur.
    Je tiens seulement à rappeler à mes collègues que l'audition de ce groupe prendra fin à 17 h 20.
    Madame Sitsabaiesan.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Des Rosiers, comme vous le savez, en 2007, la Cour suprême a établi dans l'arrêt Charkaoui c. Canada, qu'une détention sans contrôle judiciaire pendant 120 jours constitue une violation de l'article 9 — qui se rapporte à la détention arbitraire — et de l'alinéa 10c) — qui énonce les droits en cas d'arrestation ou de détention — de la Charte.
    Ne croyez-vous pas que le nouveau régime, qui prévoit un délai presque trois fois plus long que celui fixé en 2007, pourrait également être déclaré inconstitutionnel?
    Je crois que c'est ce que j'avançais: à première vue, une détention de 12 mois sans contrôle judiciaire contrevient bel et bien à ce qu'a conclu la Cour suprême en 2007. Il n'y a aucune raison de justifier cette modification. Selon moi, de prime abord, cette mesure sera jugée inconstitutionnelle. En effet, je crois que ce n'est pas une bonne idée pour vous — en tant que parlementaires — d'adopter des lois qui, à première vue, sont inconstitutionnelles en supposant que peut-être personne ne les contestera ou que le pouvoir consenti ne sera pas exercé. Cela n'est pas approprié: la primauté du droit fait en sorte que nous avons le devoir d'adopter des dispositions qui sont conformes à la Charte. Il est aussi de notre devoir à l'égard des autres pays qui nous prennent pour modèle d'adopter des lois sensées et appropriées et qui reflètent un juste équilibre entre les différents intérêts afin que ces lois respectent bel et bien la Charte.
    Merci.
    Je voudrais vous poser une question au sujet de la détention obligatoire. Le régime de détention — comme je persiste à l'appeler — pour les étrangers désignés — comme ces personnes seraient appelées — qui est prévu dans le projet de loi C-31 a attiré pas mal d'attention, car ce régime violerait les droits inscrits dans la Charte canadienne, ce qui, bien sûr, va également à l'encontre de nos obligations internationales.
    Quelle est votre opinion à ce sujet, et quelle solution de rechange recommanderiez-vous pour gérer l'arrivée massive d'immigrants?
    Assurément, je crois que la loi actuelle, la façon dont nous gérons actuellement l'arrivée de groupes d'immigrants, n'est pas inappropriée. La loi précise effectivement que, dans la mesure où on a de la difficulté à vérifier leur identité et d'autres renseignements, les personnes peuvent être détenues pendant de courtes périodes, mais il y a au moins un juge qui s'assure que le processus est mené à bien.
    Nous devrions accorder beaucoup de valeur à cet aspect, car c'est là l'objectif du droit constitutionnel. C'est la protection que nous avons tous, de sorte que, si nous sommes détenus, nous ne sommes pas à la merci du ministre — comme le prévoit le projet de loi —, ou, du moins, notre sort ne repose pas entièrement entre les mains du ministre, qui jugerait qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles et qui déciderait de nous laisser partir, même s'il fait la bonne chose.
    Je crois qu'il y a une lacune symbolique ici. Il y a une lacune symbolique parce que cela laisse croire aux gens que, au Canada, leur sort reposerait entièrement entre les mains du ministre. Pourtant, ce n'est pas ce que nous sommes. Nous sommes une société qui est régie par la primauté du droit, pas par le pouvoir discrétionnaire et les caprices d'un ministre.
    Donc, lorsque je vois cela, je me pose la question suivante: « Est-ce que je veux que le projet de loi aboutisse dans les textes législatifs du Canada? » Non. Je crois qu'il y a un certain danger, vu la façon dont le projet de loi transforme certains concepts du droit constitutionnel canadien, sans oublier tous les problèmes qu'il pourrait causer aux personnes qu'il touchera. Cela est suffisamment grave, mais il y a certes des problèmes qui tiennent à la façon dont le projet de loi transformera certains concepts du droit constitutionnel canadien.
(1705)
    Par conséquent, j'en déduis que le régime actuel...
    Mme Nathalie Des Rosiers: est suffisant...
    Mme Rathika Sitsabaiesan: ... fonctionne bien.
    Je crois que, certes pas sur le plan de... Il y a des améliorations qu'on pourrait apporter. On pourrait traiter plus de demandes, et, évidemment, on veut accélérer le processus. Je n'ai aucun problème avec certains éléments du processus, mais, sur ce point, je crois qu'il est tout à fait inutile de prévoir une détention obligatoire de 12 mois pour les personnes qui arrivent au Canada — tout à fait inutile.
    Puis il y a aussi le fait de confier tous les pouvoirs à une seule personne, soit le ministre, ce qui, encore une fois, selon vous...
    Je crois que c'est une lacune. Je crois que cela va à l'encontre de ce que nous devrions attendre d'une démocratie parlementaire.
    Merci.
    Des témoins entendus précédemment, dont le ministre, et des représentants du ministère que nous avons vus plus tôt aujourd'hui nous ont parlé de l'Australie. Je vais donc vous poser une question au sujet d'un aspect qui a été soulevé ici. Les statistiques du gouvernement australien montrent que la détention obligatoire n'a pas dissuadé les étrangers de demander l'asile là-bas. Pourquoi croyez-vous que la détention obligatoire n'a pas fonctionné dans ce pays?
    Eh bien, à notre avis, peu importe que cette mesure fonctionne ou pas: elle demeure inappropriée. C'est une insulte à tous les Canadiens. La minute où on décide d'assujettir un groupe à la détention obligatoire, on se demande, quel sera le prochain groupe désigné? Voilà pourquoi je vous demande d'y réfléchir sérieusement. J'ai la certitude qu'aucun ministre du gouvernement ne recourrait à cette mesure, mais d'autres gouvernements pourraient le faire.
    Qu'est-ce qui pourrait empêcher le gouvernement d'un autre pays de désigner un groupe et de l'assujettir à une détention obligatoire pendant 12 mois, car, il dirait: « Si le Canada peut le faire, pourquoi pas nous? » Je crois que c'est une mesure dangereuse et inappropriée.
    Donc, je crois que, quelle que soit son efficacité — qui est remise en question, mais je n'entrerai pas dans ce débat — cette mesure est inadmissible.
    Donc, essentiellement, le projet de loi pourrait inciter un futur gouvernement à se montrer xénophobe à l'égard de tout groupe de personnes. Est-ce aussi ce que vous craignez?
    Eh bien, je crois que c'est une possibilité. Il est du devoir des parlementaires d'empêcher qu'une telle chose se produise. C'est déjà arrivé avant. Ça pourrait arriver encore. Je vous demande instamment d'empêcher une telle situation, de nous protéger et de protéger notre réputation pour l'avenir.
    Merci.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Il vous reste 30 secondes.
    D'accord.
    Je vais les prendre si vous voulez.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Rathika Sitsabaiesan: Souhaitiez-vous continuer pendant 30 petites secondes?
    Sinon, je les céderai à Mme Groguhé plus tard.
    Madame Des Rosiers, je crois que vous avez quelque chose à ajouter.
    J'estime qu'il est également important de reconnaître qu'il n'est pas vrai que les réfugiés ne sont pas de bons immigrants au Canada. Ils contribuent beaucoup à la vie au Canada. Nous devrions être fiers d'avoir accepté des réfugiés au Canada. Je crois qu'il est important que nous en tenions compte. Nous n'essayons pas de minimiser leur apport à notre société. De plus, je m'inquiète parfois du ton que prend le débat.
    Merci.
    Monsieur Lamoureux.
    Merci.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous pour ce qui est de votre dernier commentaire. Le ministre et son gouvernement ont fait des choses dans ce dossier que je juge préoccupantes, qu'il s'agisse de se tenir sur le pont d'un navire — ce que j'ai évoqué plus tôt pendant la période de questions — ou de proposer toute cette idée de la détention.
    L'une des choses que nous avons apprises aujourd'hui — et j'ai d'ailleurs soulevé ce point aujourd'hui pendant la période de questions —, c'est que le régime actuel de détention a déjà fait ses preuves. Il fonctionne bien.
    M. Dykstra a demandé au Parti libéral de proposer des idées et des modifications, et nous recommandons que cet article au complet soit éliminé du projet de loi.
    Puis-je présumer que vous approuveriez grandement l'idée d'éliminer l'article concernant la détention? Vous croyez fermement que le régime actuel fait ce qu'il doit faire?
    Je crois que nous désapprouvons certaines des façons dont le régime est parfois appliqué. Toutefois, dans l'ensemble, j'estime qu'il satisfait au moins les intérêts du ministre.
    L'article qui impose une détention obligatoire pendant 12 mois sans contrôle judiciaire est inadmissible. Il devrait être éliminé du projet de loi. À mon avis, il est inconstitutionnel. Il va à l'encontre du droit international. Il est inapproprié même dans une démocratie constitutionnelle.
    Eh bien, nous sommes d'accord sur ce point. Le ministre soutient qu'il est ouvert aux propositions.
    D'accord. En voilà une.
    Nous verrons s'il est vraiment ouvert aux propositions d'amendements, car c'est l'Agence des services frontaliers du Canada qui estime que le régime actuel fonctionne très bien.
    Il y a les arrivées irrégulières et la liste des pays sûrs. Le ministre voudrait rendre lui-même les décisions concernant ces deux nouvelles initiatives. Il s'agit d'une liste différente de la liste des pays sûrs que nous avons adoptée il y a tout juste deux ou trois ans, où on avait convenu de former un groupe consultatif qui serait chargé de recommander les pays à inscrire à la liste des pays sûrs.
    Je me demande si vous pourriez nous expliquer pourquoi il est important que le processus décisionnel relève non pas du ministre, mais de professionnels, comme un comité consultatif.
(1710)
    Je crois que nous avons toujours soutenu qu'il est dangereux de trop politiser la liste des pays sûrs. La création d'un groupe consultatif impartial qui formule des recommandations à cet égard est une bonne idée. Pourquoi empêcher le ministre d'obtenir de bons conseils avant de rendre une décision?
    Il me semble qu'il est rassurant pour les Canadiens de savoir que, si un pays se retrouve sur la liste ou en est enlevé, ce n'est pas parce qu'il a exercé des pressions à des fins commerciales ou d'autre nature. Il faudrait vraiment qu'il y ait un groupe indépendant qui confirme qu'un pays est sûr ou non.
    Je crois qu'il est risqué d'établir une liste de pays sûrs. Nous ne devrions pas présumer que certains pays ne persécutent jamais qui que ce soit. Nous sommes certes heureux de savoir qu'il pourrait y en avoir qui se démarquent, mais nous devons nous rappeler que nous ne pouvons pas affirmer qu'un pays donné ne persécuterait jamais ses propres résidents. D'ailleurs, l'un des principes reconnus à l'échelle internationale est qu'une personne est en droit de faire l'objet d'une évaluation individuelle visant à déterminer si sa demande est valide. Encore une fois, ce principe est très compatible avec ce que représente le Canada, à savoir le fait de procéder à l'évaluation individuelle de la demande d'une personne.
    Ce que je dis, juste pour clarifier mes propos, c'est, pourquoi ne pas procéder à une évaluation indépendante? Il me semble que cela permettrait au moins d'éliminer la possibilité qu'une personne ait des préoccupations. Le fait de savoir si la décision est légitime nous cause déjà assez de préoccupations.
    Voilà un autre bon amendement qui pourrait être proposé.
    L'autre aspect se rapporte aux arrivées irrégulières. Y a-t-il quelque chose que vous voudriez recommander au comité pour mettre en place une sorte de mécanisme de contrôle qui nous permettrait de régler les préoccupations découlant de ce qu'on qualifierait « d'arrivées irrégulières », ou s'agit-il tout simplement d'une mauvaise idée?
    Il me semble que l'étiquette des arrivées irrégulières n'a aucun sens à long terme. Si vous regardez le libellé du projet de loi, il prévoit deux choses au sujet des arrivées irrégulières. Premièrement, les personnes seront détenues obligatoirement. J'ai dit à plusieurs reprises que j'estime cela inadmissible pour de nombreuses raisons. Deuxièmement, on crée une différente catégorie de réfugiés, même après qu'ils ont obtenu leur statut de réfugié.
    Une fois qu'une personne a obtenu son statut de réfugié je crois que le Canada, pour sa part, mérite de profiter du fait qu'elle ait l'entière possibilité de contribuer immédiatement à l'économie. Par conséquent, on devrait pouvoir demander la résidence permanente comme tous les autres réfugiés. À mes yeux, cette catégorisation en soi n'est pas viable.
    Voilà mes suggestions.
    Merci, madame Des Rosiers.
    Monsieur Menegakis.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier nos témoins de s'être présentés devant nous aujourd'hui.
    Madame Taub, je l'avoue, j'ai été profondément touché par votre récit personnel. Merci de l'avoir partagé avec nous. Cela témoigne du pays merveilleux dans lequel nous vivons, car nous avons devant nous la progéniture — pour ainsi dire — d'un survivant de l'Holocauste, et constatons le bon travail que vous faites. Il est fantastique que vous ayez consacré votre vie à faire du Canada un meilleur endroit où vivre aussi. Merci d'être ici avec nous.
    À Radio Canada International, vous avez fait la déclaration suivante:
Je suis avocate spécialisée en droit de l'immigration et des réfugiés au Canada et ancienne commissaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Je peux vous dire que, d'un point de vue théorique et pratique, l'actuel système d'octroi de l'asile est très déficient, et lourd, et aurait assurément besoin d'une restructuration. Un demandeur d'asile peut attendre jusqu'à deux ans avant d'avoir une audience. Et il y a beaucoup trop de demandes d'asile bidon qui engorgent le système et mobilisent des ressources très coûteuses, aux frais des contribuables canadiens.
    J'ai un certain nombre de questions pour vous. De toute évidence, le ministère, le ministre et le gouvernement ont différentes opinions quant à la conformité du projet de loi avec la Charte canadienne des droits et libertés. J'aimerais connaître votre opinion. Vous rangez-vous à l'avis de Mme Des Rosiers selon lequel le projet de loi n'est pas conforme à la Charte?
    Au chapitre de la détention obligatoire et des groupes désignés, je crois qu'il y a une confusion, car les gens qui viennent de pays désignés ne sont pas les mêmes que ceux qui arrivent de façon irrégulière, à savoir par l'entremise d'un passeur de clandestins. Alors si on ne connaît pas le projet de loi en détail, on peut croire à tort que quelqu'un provenant des États-Unis serait susceptible d'être détenu. Ce n'est pas le cas.
    La détention obligatoire n'a absolument rien à voir avec les ressortissants de pays désignés. La détention obligatoire touche les gens qui ont été introduits illégalement. C'est une tout autre chose. Je voulais seulement clarifier cet aspect pour que personne ne croie à tort qu'un arrivant de la Hongrie, de la France, de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie ou de la Norvège est susceptible de se retrouver en détention obligatoire. Il s'agit de pays désignés comme étant sûrs ou de pays d'origine désignés.
    Quant à la détention obligatoire pour un an, je ne vois pas comment cela pourrait même arriver. Il dit qu'il va accélérer le traitement des cas, qui doit être terminé après une période maximale de 216 jours. Alors il n'y aura même pas de détention obligatoire de 365 jours. À moins que je sois complètement dans l'erreur, je ne crois pas que le libellé du projet de loi signifie que chaque personne sera emprisonnée pendant un an. Je crois qu'on se penchera probablement surtout sur le cas de passeurs de clandestins eux-mêmes. Si les gens ne détruisent pas leurs documents à leur arrivée ou en route, la commission pourra facilement déterminer qui sont les passeurs et qui présente des demandes d'asile authentiques. Ce n'est pas facile lorsque tout le monde détruit ses documents. Je crois que, à ce moment-là, la détention est peut-être nécessaire, lorsque la personne arrive sans documents. Comment pourriez-vous autrement déterminer qui est arrivé à vos frontières?
    Qu'est-ce qui est constitutionnel et qu'est-ce qui ne l'est pas? Je ne suis pas spécialiste du droit constitutionnel. Toutefois, à un certain point, le Canada doit déterminer qui dirige le pays: des juges nommés, pas élus et pas redevables devant les gens, ou le Parlement? Je crains que nous nous soyons éloignés d'une véritable démocratie, car nos lois sont créées par le Parlement, mais interprétées par la Cour suprême ou une cour fédérale, qui déterminent si elles devraient s'appliquer. Ces gens ne sont pas élus. Ils sont nommés et peuvent exercer leurs fonctions judiciaires jusqu'à l'âge de 75 ans et ne sont redevables et responsables devant personne.
    Excusez-moi, m'avez-vous posé une autre question que j'ai oubliée?
(1715)
    J'ai d'autres questions, alors je vais poursuivre, si vous le permettez.
    D'accord.
    Les nouvelles mesures prévues dans le projet de loi C-31 permettraient de réduire la période de traitement d'une demande d'asile des 1 038 jours actuels à une période de 45 jours dans le cas des demandeurs d'asile issus de pays d'origine désignés et à 216 jours pour tous les autres demandeurs d'asile. Assurément, il s'agit d'un gros avantage pour les gens qui ont véritablement besoin de notre aide.
    Certainement.
    Pouvez-vous nous donner des exemples théoriques et pratiques illustrant comment et pourquoi le système actuel est déficient?
    Je me suis occupée d'une femme de Djibouti dont la demande d'asile datait de l'automne de 2009. Sa demande d'asile venait tout juste d'être entendue en février, et elle a été accueillie. Mais elle me téléphonait régulièrement, et j'ai envoyé maintes demandes à Montréal priant les responsables de prévoir l'audience de sa demande d'asile de 2009. Je la rassurais toujours: « Personne ne vous expulsera du pays. Vous êtes une demandeuse d'asile. Vous êtes en sécurité, et vos enfants sont en sécurité. » Mais elle était vraiment sur le point de faire une dépression nerveuse lorsqu'elle a eu son audience et que sa demande a été accueillie.
    Les choses ne devraient pas se passer comme cela. Tout le monde peut convenir du fait qu'il existe de toute évidence des pays producteurs de réfugiés. Les ressortissants de ces pays ne devraient pas devoir attendre deux ou trois ans avant que leur demande d'asile soit entendue. Alors je suis très heureuse qu'on accélère le processus, mais je ne suis pas heureuse de voir que l'on coupe des postes à l'ASFC. Ce sont les gens qui nous aident avec les formulaires et font les recherches et la vérification des antécédents des demandeurs d'asile. Alors cela n'a aucun sens à mes yeux.
(1720)
    Me reste-t-il du temps, monsieur?
    Vous avez le temps de poser une question rapide.
    Vous avez présenté un argument valide lorsque vous avez évoqué l'exemple des 27 pays de l'Union européenne où les gens peuvent aller. Pourquoi croyez-vous que les gens demandent l'asile au Canada plutôt qu'à un autre pays plus près d'eux?
    Eh bien, je l'ignore.
    Je sais que s'ils veulent aller vivre et travailler dans un autre pays de l'UE, c'est exactement ce qu'ils doivent faire — vivre et travailler. Ils n'ont pas droit à l'aide sociale lorsqu'ils arrivent dans l'un des 26 autres pays, tandis que, lorsqu'ils viennent au Canada, ils ne sont pas obligés de travailler pour vivre. Ils peuvent travailler. Ils peuvent obtenir un permis de travail dans les deux mois.
    Je dirais que 95 p. 100 de mes clients ont toujours obtenu leur permis de travail, ont travaillé jusqu'au moment de leur audience et se sont entièrement adaptés à la vie canadienne.
    Je crois que c'est peut-être une des raisons — parce que les gens peuvent venir ici, vivre et ne pas travailler...
    Merci.
    ... et profiter des logements subventionnés et de l'aide sociale.
    Merci, madame Taub, madame Des Rosiers et madame Mendelsohn Aviv. Merci à vous trois d'être venues et de nous avoir présenté votre exposé aujourd'hui. Cela a aidé le comité.
    Nous allons suspendre la séance pour quelques instants.

    Nous reprenons la séance.
    La séance se terminera à 18 h 15, heure à laquelle la sonnerie d'appel doit retentir afin de nous convoquer à la Chambre des communes pour voter.
    Nous accueillons deux témoins de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants: Debbie Douglas, directrice générale, et Francisco Rico-Martinez, directeur régional de Toronto.
    Bonjour à vous. L'un d'entre vous aura jusqu'à 10 minutes, mais c'est possible que si vous vouliez séparer le temps autrement.
    Nous accueillons Toni Skarica, procureur de la Couronne du ministère du Procureur général de l'Ontario. Il était autrefois à Hamilton.
    Êtes-vous toujours situé à Hamilton?
    Monsieur Skarica, autant dire à mes collègues que nous avons quelque chose en commun. Nous étions députés au parlement provincial à Toronto, lorsque nous étions beaucoup plus jeunes.
    Je vous souhaite la bienvenue au comité, Toni.
    Je suis heureux de vous revoir, David.
    Vous êtes encore jeune.
(1725)
    Oui.
    Qui veut commencer?
    Merci de nous accueillir.
    L'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, mieux connu sous le sigle OCASI, est l'organisme provincial cadre pour les organisations qui travaillent auprès des communautés d'immigrants et de réfugiés ici en Ontario.
    L'OCASI et nos organisations membres entretiennent de grandes préoccupations à l'égard du projet de loi C-31. Permettez-moi de commencer par dire que nous demandons en fait au comité de recommander le retrait du projet de loi et la poursuite du processus entourant le projet de loi C-11, qui doit entrer en vigueur à la fin de juin prochain.
    Très rapidement, nous craignons que le projet de loi crée au Canada, en matière de protection des réfugiés, un régime à paliers multiples qui, à notre avis, pourrait entraîner le rejet du droit d'interjeter appel de certains demandeurs d'asile. Cela rend la protection des réfugiés au Canada dangereusement vulnérable aux caprices politiques, au lieu de veiller à ce que les décisions déterminant la qualité de réfugié soient prises de façon équitable et indépendante. L'effet du projet de loi est que certains réfugiés sont traités de façons différentes et sévères d'après leur pays d'origine, le mode d'arrivée et selon que la personne a ou non la citoyenneté au Canada, car il est question de révoquer la résidence permanente.
    Je veux seulement préparer le terrain en expliquant comment nous gérons les enjeux des réfugiés et des demandeurs d'asile avant de donner la parole à Francisco.
    En 2010, le Canada n'a accepté qu'environ 24 000 réfugiés, toutes catégories confondues, soit environ 11 000 de moins que les 35 000 réfugiés acceptés en 2005. En 2005, les réfugiés acceptés au Canada dans toutes les catégories représentaient environ 13 p. 100 de l'ensemble des arrivées de résidents permanents. En 2010, cette proportion était passée à 8 p. 100 des arrivées, une chute de près de 5 p. 100.
    En 2005, le nombre de demandeurs d'asile présents au pays représentait environ 0,3 p. 100 de la population canadienne. En 2010, cinq ans plus tard, le pourcentage de réfugiés comparativement à la population canadienne était légèrement inférieur, à 0,28 p. 100. En 2010, nous avons accueilli 3 400 demandeurs d'asile de moins que cinq ans plus tôt, en 2005. Pendant ce temps, le nombre de personnes déplacées de force dans les pays de par le monde augmente.
    Nous croyons... Nous craignons vivement que le projet de loi C-31 réduise encore davantage le nombre de personnes qui désirent entrer au Canada pour obtenir l'asile.
    Le ministre a dit que le Canada accueille davantage de réfugiés réétablis par habitant que tout autre pays. Selon le rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés intitulé Tendances mondiales 2010 paru l'année dernière, 80 p. 100 des réfugiés du monde se trouvent dans le Sud de la planète, dans les pays les plus pauvres du monde, par exemple le Pakistan et le Congo. D'après ce rapport, il y a approximativement 43,7 millions de personnes déplacées de par le monde. De ce nombre, 27,5 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur de leur propre pays à cause d'un conflit.
    Dans ce contexte mondial, la participation du Canada au réétablissement des réfugiés, même si elle est admirable — et je ne crois pas qu'il y en ait parmi nous ici qui remettent cela en cause —, n'est pas à la hauteur de l'engagement d'autres pays du monde. Selon le HCNUR, en 2010, le Canada recevait 4,2 réfugiés pour chaque dollar américain de son PIB par habitant, comparativement à 709 pour le Pakistan, à 475 pour le Congo, à 247 pour le Kenya et à 224 pour le Tchad. La comparaison est encore plus frappante si l'on songe que le PIB du Canada par habitant est considérablement plus élevé que celui des pays nommés.
    Nous sommes également très inquiets à propos du sentiment antiréfugiés croissant au Canada et de la mesure dans laquelle ce sentiment serait amplifié par les messages du gouvernement à propos du projet de loi. J'ai entendu certains termes utilisés ici plus tôt pendant que j'écoutais des témoins présenter leur exposé et durant les questions et réponses. Les messages qui assimilent les demandeurs d'asile à des stéréotypes blessants, qui laissent entendre qu'ils sont de faux revendicateurs et qu'ils drainent les ressources de la société canadienne, peuvent avoir un effet nocif. Nous sommes également profondément troublés par l'idée, erronée, selon laquelle ces mesures sont nécessaires parce que le Canada ferait supposément face à des arrivées massives de réfugiés. Ces messages sont loin d'atténuer le sentiment croissant d'intolérance à l'égard des réfugiés et ont un effet néfaste sur les perspectives de réétablissement de ces personnes au Canada.
    Nous croyons que la plupart des mesures sont assez problématiques, mais je vais seulement me concentrer sur deux aspects, puis je vous promets de me taire.
(1730)
    Tout d'abord, les délais plus courts. Je sais que les témoins avant moi ont consacré du temps à ce sujet, mais nous sommes particulièrement préoccupés par le risque que les délais plus courts posent de nouvelles difficultés dans le cas de demandeurs d'asile particuliers. Notre organisation est particulièrement préoccupée par le cas des lesbiennes, des gais et des transsexuels ainsi que des femmes qui cherchent à échapper à la violence familiale; ces personnes doivent souvent créer un certain lien de confiance avant de déclarer leur orientation sexuelle ou leur recherche portant sur leur identité sexuelle ou « sortir du placard », comme on dit ici en Amérique du Nord. À notre avis, cela présentera des difficultés croissantes pour eux, car ils devront formuler leur demande d'asile dans les 15 jours prévus dans le projet de loi.
    À mes yeux, ce problème se rattache à la liste des pays sûrs. Je ne veux pas m'attarder sur la liste des pays sûrs. Vous avez entendu de nombreux arguments exposant les préoccupations existantes. Mais nous savons sans aucun doute que, dans les pays jugés démocratiques par le Canada et les pays avec lesquels nous avons conclu des ententes commerciales et les pays avec lesquels nous collaborons étroitement à l'extérieur de l'UE — et vous savez tous à quel point l'UE est un lieu sûr pour certains groupes —, divers groupes sont toujours victimes de discrimination grave. Cette discrimination est parfois la source de violence physique grave, et peut aussi causer la mort. Même ici, dans les Amériques, nous en avons des exemples.
    L'une des histoires que je voulais seulement mentionner brièvement, qui date d'environ quatre ans, est celle d'une jeune demandeuse d'asile mexicaine déboutée. Elle a été renvoyée et a été tuée. Malheureusement, il y a un cas plus récent, celui de Veronica Castro, aussi ressortissante du Mexique. Sa demande d'asile a été rejetée. Un an avant son expulsion, elle disait à des amis que la décision serait pour elle fatale si elle devait retourner dans son pays et elle leur demandait de prier. Elle a écrit à un de ses amis que son expulsion était une question de vie ou de mort et a dit: « Je tremble et je suis terrifiée chaque fois que je pense à mon expulsion. J'ai vraiment peur. » Trente-trois jours plus tard, après avoir été expulsée au Mexique, le 12 janvier 2012, elle a été assassinée.
    Alors voilà le genre d'histoires que nous entendons et qui nous préoccupent à l'égard de la progression du pays vers l'adoption du projet de loi.
    Nous comptons plus de 200 organisations membres de l'OCASI partout en Ontario. Elles travaillent avec des réfugiés et des immigrants. Nous sommes ceux qui nous occupons des réfugiés et des immigrants qui restent ici pendant plus de 1 000 jours. Ils se présentent à différentes audiences de réfugiés et trouvent un avocat et je ne sais quoi. Nous sommes vivement préoccupés quant aux gens qui sont déjà dans le système.
    Essentiellement, selon Immigration Canada, 40 000 demandes pour des motifs d'ordre humanitaire sont toujours dans le système et n'ont fait l'objet d'aucune décision. La CISR a déclaré que l'arriéré de cas en suspens est de 40 000 aussi. Dans ce cas, nous avons beaucoup de demandes d'ERAR qui n'ont pas été tranchées. Nous croyons qu'environ 100 000 personnes sont touchées par cet arriéré particulier et nous sommes ici pour vous demander d'envisager de mettre sur pied un programme, à l'occasion du jubilé, pour les gens touchés par l'arriéré, car ils attendent ce changement depuis très, très longtemps.
    On nous a informés que la loi allait changer en décembre 2011. Cela n'est pas arrivé. On nous a informés que la loi allait changer en juin 2009. Cela n'est pas arrivé. Pourquoi? Parce que maintenant, nous avons un nouveau projet de loi, qui fera passer la date d'entrée en vigueur — pour de nombreuses raisons, à décembre, peut-être, voire plus loin. Alors, dans un cas pareil, nous voulons demander l'établissement d'un programme qui aidera les gens déjà ici en train de travailler...
    Pourriez-vous conclure, monsieur. Merci.
    ... en vertu de l'intégration économique, des attaches sociales au Canada, et autres critères.
    Voilà l'une des choses que nous voulons que vous envisagiez.
(1735)
    Merci beaucoup.
    Maintenant, nous avons M. Skarica. Nous avons deux documents. Un a été traduit. Il est intitulé « Exposé des faits prouvables par la poursuite — Extraits », que vous devriez avoir. Il y a un autre document qui est seulement...
    Vous avez été occupé, Toni. Vous avez été très occupé. Le problème, c'est qu'ils sont seulement en anglais.
    Ai-je le consentement unanime pour les distribuer?
    D'accord?
    Peut-être que, pendant qu'on les distribue, vous pourriez parler, monsieur. Vous avez un maximum de 10 minutes.
    Je suis le procureur en chef dans la poursuite judiciaire pour traite de personnes la plus importante que le pays ait jamais vue. Jusqu'à maintenant, nous avons déclaré huit personnes coupables de s'être adonnées à la traite de personnes et d'avoir participé à une organisation criminelle; nous avons déclaré coupables sept autres personnes de différentes infractions, et une autre personne va plaider coupable à une accusation de traite de personnes et de la participation à des activités criminelles demain. Cela équivaut au double de toutes les déclarations de culpabilité prononcées depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la traite de personnes en 2005.
    J'ai appelé ça « l'invasion du mal ». Je l'ai fait parce que — et je l'ai fait maintes fois en public, et je sais que bien des gens trouvent que ce n'est pas politiquement correct — la dure réalité, c'est que toute une organisation criminelle active en Hongrie est venue au Canada en toute impunité, s'est établie ici et travaille avec ses associés en Hongrie depuis au moins 2008.
    La première chose que j'aimerais vous démontrer, c'est que l'invasion du mal est arrivée en deux vagues. Vous avez un tableau que vous pouvez regarder, et ce qui est inscrit en jaune correspond à la première vague.
    Avez-vous le tableau? Vous avez besoin du tableau.
    On est en train de le distribuer. J'ignore où il se trouve et j'ignore comment arrêter le chronomètre.
    Eh bien, je vais simplement poursuivre, car je n'ai que 10 minutes.
    Bien sûr, allez-y.
    Selon le tableau, il y a cinq personnes dont les noms sont surlignés en jaune. Il s'agit de la première vague. Lorsqu'elles sont arrivées ici en 1998, on n'exigeait pas de visa pour les réfugiés hongrois. Ces personnes ont demandé l'asile. Elles avaient été mises en accusation, neuf mois avant leur arrivée, pour extorsion et fraude. Si vous voulez parler de traite de personnes, quels sont les mots à utiliser? Extorsion et fraude. Elles sont venues ici et, neuf mois plus tard, on a lancé des mandats d'arrestation contre elles.
    Elles ont présenté des demandes d'asile. Dans une demande d'asile, il faut déclarer: « Aucune accusation en instance ne pèse sur moi ». Eh bien, pour une raison ou une autre, personne ne s'est jamais aperçu de cela. Elles ont présenté leur demande d'asile. L'ASFC doit vérifier s'il y a des accusations en instance — on vérifie les accusations en instance et les casiers judiciaires. Il n'a jamais été question de rien.
    Elles ont acquis le statut de réfugié au sens de la Convention; elles ont acquis le statut de résident permanent; l'une d'entre elles a acquis le statut de citoyen canadien. De fait, dans l'autre document que vous avez, à l'onglet 10, en 2005 — je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais vous pouvez le regarder plus tard —, vous verrez que les autorités canadiennes et hongroises savaient que des accusations contre Ferenc Domotor, le chef de clan, étaient en suspens, et on n'a rien fait. Un an plus tard, les accusations ont été abandonnées en Hongrie pour des raisons de prescription.
    Donc nous avions deux grands criminels dans notre pays qui avaient obtenu la résidence permanente, et l'un d'entre eux était citoyen canadien. Durant tout ce processus, ils se cachaient au grand jour. Personne n'a jamais semblé s'apercevoir qu'il s'agissait en fait de criminels recherchés de la Hongrie.
    Une fois qu'ils ont obtenu leur statut, la deuxième vague est arrivée — et il s'agit de tous les autres dans la partie supérieure du tableau que je vous montre. Toutes les autres personnes dans la partie supérieure du tableau sont des membres de leur parenté, et dans tous les cas, à l'exception de un, des accusations en instance pesaient sur ces personnes lorsqu'elles sont arrivées au pays ou très peu de temps après. Certains avaient des casiers judiciaires, et des accusations en instance pesaient sur certains d'eux à l'époque ou peu de temps après. Ils ont cliqué sur la petite case pour dire qu'il n'y avait pas d'accusations contre eux. Ils sont tous venus ici; personne n'a jamais semblé se rendre compte qu'il y avait toutes ces accusations en instance.
    Lorsque tous les membres de la famille sont arrivés, ils ont loué des résidences et ont commencé à recruter des victimes en Hongrie. Ils sont tous là, les 19 personnes — et il y en a beaucoup plus, mais nous en connaissons 19 en toute certitude — et ils ont commencé à faire beaucoup d'argent. Si vous regardez ces photos, vers 2009, ils vivaient dans des résidences de 600 000 $ à Ancaster. Voici une photo du chef de clan. Ils vivaient dans le grand luxe. Pendant ce temps, leurs esclaves vivaient au sous-sol, dans les lits qu'on peut voir sur la photo. Voici une photo du bras droit et une photo de sa maison à 600 000 $. Voilà les deux personnes qui sont arrivées en premier.
    Comment est-ce que tout cela a pu se produire? Le lieutenant — pour vous donner un exemple, un homme appelé Ferenc Karadi — a plaidé coupable pour une peine de six ans moins les crédits.
    Combien de temps me reste-t-il? Cinq minutes?
(1740)
    Vous avez cinq minutes et demie.
    Ferenc Karadi a plaidé coupable pour une peine de six ans moins les crédits.
    Il est arrivé tout comme les deux autres. Il a déclaré ne pas avoir d'accusations qui pesaient contre lui. Il est entré au Canada. L'ASFC a mené une vérification de ses antécédents et elle a déterminé qu'il n'avait pas de casier judiciaire.
    Après son accusation, je voulais savoir quels étaient ses antécédents en Hongrie. Si vous prenez le document blanc — l'affidavit de Leap Jankovic, la pièce 37 — il y avait un mandat d'arrestation international contre lui et aussi contre sa femme. Mais, lorsque nous avons procédé à la vérification de son casier judiciaire — on n'a pas le temps d'entrer dans les détails, mais faites-moi confiance ici —, on a déterminé que Ferenc Karadi n'avait pas de casier judiciaire.
    Un mois plus tard, le Hamilton Spectator est allé en Hongrie et a dit: « Comment se fait-il que cet homme n'a pas de casier judiciaire? Non seulement il a été mis en accusation, mais il a été déclaré coupable. Il doit purger une peine de cinq ans. »
    Il y a une petite procédure très commode en Hongrie selon laquelle on ne vous met pas tout de suite en prison. On vous dit de revenir dans un mois pour aller en prison. Et devinez quoi? Ils sont venus ici. Et lorsqu'ils sont venus ici, ils ont déclaré ne pas avoir de casier judiciaire. Ils ont coché « non ». Et, je ne sais comment, lorsque nous vérifions, nous ne voyons pas de casier judiciaire.
    Trois ans et demi plus tard, lorsqu'il a plaidé coupable — trois ans et demi —, j'ignorais toujours son statut criminel. Ce document résume son histoire. Le 6 novembre 2008, il est arrivé à Pearson. Il était un visiteur de mauvaise foi, et on lui a dit de s'en aller. Il est revenu deux semaines plus tard, à l'Aéroport international Pierre-Elliot-Trudeau et est entré au pays. Ensuite, il a dit qu'il était un réfugié. Ferenc Domotor, le chef, a dit qu'il en serait responsable. Selon la vérification des antécédents criminels datant du 18 mars 2009, il n'y avait aucun casier judiciaire étranger. Mais, coup de théâtre, le 10 septembre 2009, l'ASFC a déclaré qu'il était recherché en Hongrie. Pourquoi? Eh bien, elle l'ignorait. Le 24 septembre 2009, elle a déclaré qu'il était recherché aux termes d'un mandat d'arrestation européen. Ensuite, deux ans plus tard, on me dit qu'il n'a pas de casier judiciaire.
    Eh bien, qu'est-ce que ce casier judiciaire? Son casier judiciaire est là. Il s'agit du document à l'onglet G. En 1996, pour avoir obtenu des biens volés, il a été condamné à une peine d'emprisonnement de un an. En 2003, pour voies de fait, il a écopé d'une peine de neuf mois. Pour fraude, il a été condamné à payer une amende. En 2009, l'accusation était le chantage et la fraude. Cela signifie traite de personnes. Quelle était sa peine? Il a été condamné à l'emprisonnement pendant presque cinq ans. Il est venu ici et il touchait des prestations d'aide sociale. Sa femme est dans le même bateau.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Vous avez trois minutes.
    Quant à sa femme, elle aussi est recherchée. Elle a fait la même chose que lui. Elle est partie, et, lorsqu'elle est arrivée ici, il y avait des mandats d'arrestation internationaux et tout le bataclan. Vous pouvez parcourir les documents. Les autorités canadiennes ont fini par apprendre, de la Hongrie, en mai 2010, en août 2010 et en octobre 2010 que des mandats d'arrestation internationaux avaient été lancés contre elle. Qu'est-ce qu'on a fait? Rien.
    Enfin, en 2011, nous procédons à un examen de la caution de son mari, et je la vois se promener dans la salle d'audience en tant que spectatrice. Je suis allé voir l'agent et j'ai dit: « Qu'est-ce qui se passe? Je croyais qu'un mandat d'arrestation international avait été lancé contre cette personne. » Il a répondu que, à vrai dire, c'était le cas. Je lui ai demandé pourquoi nous ne l'arrêtions pas. Il a répondu: « Nous ne le pouvons pas. Nous avons besoin d'une demande d'extradition de la Hongrie. » Nous n'en avons jamais eu pour aucune de ces personnes.
    Je suis allé voir Deb Kerr, de l'ASFC. Je lui ai demandé comment sa femme pouvait se promener dans notre pays alors qu'il y avait des mandats d'arrestation internationaux? Elle avait été déclarée coupable de crimes — nous le croyons, mais nous ne le savons pas. Alors Deb Kerr a procédé à la vérification, et si vous allez voir ce document, c'est là. Oui, elle avait été déclarée coupable. Elle devait purger une peine de deux ans et demi. La procédure était la même: « Revenez dans un mois pour aller en prison. » Eh bien, elle est venue ici.
    Quelle est la date inscrite sur ce document? C'est le 21 novembre 2011. Elle a été dans notre pays pendant trois ans, et nous ignorions quelle était la teneur de son casier judiciaire.
    Ce n'est pas rien. Nous les avons aussi accusés de fraude de l'aide sociale.
    Soit dit en passant, elle a été arrêtée peu après. J'ai dit à Deb Kerr qu'il fallait que nous fassions quelque chose, et elle a enfin découvert que la femme avait effectivement été déclarée coupable. Elle avait coché la case pour dire qu'elle n'avait jamais été déclarée coupable de quoi que ce soit, mais elle a ensuite été arrêtée aux termes d'un mandat de l'immigration. De plus, elle et son mari ont été déclarés coupables de fraude de l'aide sociale. Il devait rembourser 12 000 $. Nous ne verrons jamais la couleur de cet argent. Elle devait rembourser 36 000 $. Nous n'en reverrons jamais la couleur.
    Mais, en fait, ce n'est rien. Récemment, nous avons déclaré coupables deux autres personnes. Ces gens sont des criminels et ils touchent de l'aide sociale depuis qu'ils sont arrivés ici; on leur a versé 100 000 $. J'avais entendu toutes sortes de témoignages anecdotiques selon lesquels ces gens avaient un tas d'argent. Ils avaient des liquidités et tout cela. Alors quand cet homme s'est échappé du pays — un homme et sa mère —, nous avions versé 100 000 $ en prestations d'aide sociale — j'ignore comment ils y parviennent, mais ces personnes sont au Canada et elles obtiennent des passeports hongrois authentiques — et sa valise était pleine de vêtements griffés. Les étiquettes étaient toujours en place. Cent dollars par-ci et cent dollars par-là. Ils nous ont coûté 100 000 $.
    Nous avons appelé des témoins. Essentiellement, ces réfugiés hongrois sont déboutés dans une proportion de 98 p. 100. Au bout du compte, selon cette proportion, ils nous coûtent 500 millions de dollars à eux seuls. Cinq cents millions de dollars à un moment où il n'y a pas d'argent pour payer les médecins dans les hôpitaux ni les infirmières et tout cela.
(1745)
    Vous êtes encore plus passionné maintenant que par les années passées.
    Je ne peux pas croire que cela arrive à notre pays.
    Votre temps est écoulé, j'ai bien peur.
    Madame James.
    Monsieur le président, [Note de la rédaction: inaudible]... à la sixième heure des débats entourant le projet de loi, alors je vous en remercie.
    Je vous écoute, mais je ne suis pas étonnée car je siège au comité, alors j'ai entendu les histoires. Mais je dois vous dire que les électeurs de ma circonscription de Scarborough-Centre sont scandalisés par la fraude qui a lieu dans notre système d'immigration et d'octroi de l'asile. Vous avez mentionné très brièvement la question de la fraude de l'aide sociale. Je crois que vous avez dit 100 000 $ si j'ai bien compris...
    Le montant était de 50 000 $ pour eux, mais il y a eu des cas qui dépassaient les 200 000 $ seulement pour ces personnes.
    C'est un énorme problème ici en Ontario, car les faux demandeurs d'asile viennent ici par des moyens frauduleux et y demeurent assez longtemps pour déposer leur demande qui leur permet de toucher de généreuses prestations, mais après, ils ne se présentent pas nécessairement à la première audience et, ensuite, bien entendu, il est difficile de retracer ces personnes. J'écoute votre histoire et je hoche la tête; non pas par étonnement, mais en guise d'approbation. Tout cela est très troublant, surtout lorsqu'on songe au coût pour les contribuables canadiens.
    Je me demandais seulement si vous pouviez expliquer au comité pourquoi, en général, vous appuyez les dispositions du projet de loi C-31 et pourquoi vous estimez qu'elles donneront lieu à une amélioration énorme...
    Elles seront extrêmement bénéfiques, car selon ce qui a été démontré — selon ce que j'appelle « l'affaire Sztojka » —, chaque demande d'asile rejetée coûte en moyenne 50 000 $ à l'État. Pour les Hongrois seulement, les coûts se chiffrent à 500 millions de dollars. Une telle approche mène tout droit à la faillite, à mon avis.
    S'il n'en tenait qu'à moi, la législation serait encore plus stricte. Je pense que vous vous montrez très généreux. Une chose qui n'est pas abordée dans la législation, c'est la situation en Hongrie. Les autorités n'ont fait aucune arrestation là-bas. Elles nous mentent au sujet de leurs criminels. Je l'ai dit devant les tribunaux. Elles essaient de nous refiler leurs criminels. Pourquoi est-ce qu'aucune mesure n'est prise à l'égard de la Hongrie? Pourquoi n'y a-t-il pas de demandes d'extradition? Il y a plein de recruteurs là-bas. Pourquoi est-ce que personne n'a été arrêté dans ce pays?
    Il y a certaines personnes que nous avons dû faire sortir de la Hongrie à la suite de menaces pour nous assurer de les traduire en justice. Les autorités du pays n'ont rien fait. Comment la Hongrie peut-elle être un allié?
    Merci.
    Il est question de pays de l'Union européenne considérés comme sûrs.
    Oui.
    Il est difficile de croire — enfin, pas pour moi, car je siège au comité et que je suis au courant des statistiques — que près de 25 p. 100 des demandeurs d'asile sont originaires de l'Union européenne, soit de pays démocratiques dont on ne se serait pas attendu à ce que les citoyens présentent des demandes d'asile. Notre dernier témoin a tenu des propos assez enflammés à l'égard des demandeurs d'asile légitimes par rapport à ceux qui cherchent simplement à jouir de la situation la plus avantageuse possible.
    Cela dit, pour ce qui est de l'Union européenne, les coûts se chiffrent en fait à 170 millions de dollars par année pour les contribuables canadiens. Je pense qu'il faut le souligner davantage, car les gens n'arrivent pas à croire ce qu'il en coûte aux contribuables.
    Qu'avez-vous à dire en ce qui concerne l'établissement d'une liste de pays sûrs d'où aucune demande d'asile ne devrait provenir?
    D'ailleurs, il existe des statistiques concernant les personnes qui procèdent à un retrait de leur demande ou à un désistement. En fait, quelque 95 p. 100 des demandes d'asile provenant de personnes originaires d'un pays de l'Union européenne débouchent sur un désistement, mais, comme on l'a dit, ces gens résident au pays pendant assez longtemps pour toucher des prestations.
    Ce taux est encore plus élevé pour la Hongrie; il est de 97 ou de 98 p. 100. Je pense qu'il devrait même y avoir des mécanismes qui permettraient de les faire quitter le pays plus rapidement. Avec un taux d'échec aussi élevé que 98 p. 100, on peut dire qu'on accepte pas mal n'importe qui.
    D'après ce que j'ai entendu, la police a enquêté sur l'arrivée des Hongrois au Canada et leur a demandé pourquoi ils avaient choisi de venir ici plutôt que d'aller ailleurs, par exemple en Australie. Ils ont affirmé avoir choisi le Canada parce qu'on leur avait dit en Hongrie — et je ne sais pas si c'est vrai, mais ça l'est probablement — que nous offrons aux réfugiés l'aide sociale la plus généreuse de tous les pays du monde. C'est pourquoi ils viennent ici: parce qu'on leur fait l'offre la plus avantageuse.
    Le projet de loi ne vise pas seulement à sévir contre les faux demandeurs d'asile.
    Je sais qu'un témoin a déclaré qu'il serait nuisible pour les demandeurs d'asile qu'on les considère tous comme de faux demandeurs. Mais ce n'est pas le cas, et nous le savons tous.
    Le projet de loi vise à sévir contre ceux qui veulent abuser de notre générosité. Du même coup, il permet au Canada d'accueillir les réfugiés légitimes et authentiques beaucoup plus rapidement qu'auparavant. Certaines de ces personnes ont besoin de notre aide. Le projet de loi a pour objectif de leur donner accès à cette aide et à ce soutien beaucoup plus rapidement.
    Quels sont vos commentaires à ce sujet?
(1750)
    Mes parents sont des réfugiés de la Seconde Guerre mondiale. À coup sûr, je suis ici parce que le Canada, en définitive, est un pays généreux. Mais il y a une différence entre la générosité et la sottise. Quand toute la planète sait qu'on peut venir ici et faire impunément des déclarations mensongères dans un formulaire et obtenir de l'aide sociale durant quatre ou cinq ans, ce n'est pas de la générosité, mais de la stupidité qui peut mener à la faillite.
    J'appuie le projet de loi. Je pense même qu'il n'est pas assez strict à l'égard des faux réfugiés.
    Un autre témoin était ici le 6 février. Non, pardon, il n'a pas comparu devant votre comité. Quoi qu'il en soit, Richard Kurland, avocat spécialiste de l'immigration, a fait la déclaration suivante à l'égard du ministre:
Enfin, quelqu'un a reconnu que l'approche du portefeuille ouvert adoptée antérieurement, dans le cadre de laquelle on offrait la gratuité scolaire, un régime d'assurance-maladie gratuit et un chèque d'aide sociale à toute personne qui touche le sol canadien...
    Il a dit qu'enfin quelqu'un se pencherait sur cet aspect particulier.
    Oui, ces personnes connaissent le système. Pratiquement toutes celles qui figurent en tête de liste savent que si elles viennent au Canada, elles toucheront de l'aide sociale. D'ailleurs, les Karadi, par exemple, sont allés consulter un médecin à Toronto, le Dr Sajo, qui a dit: « Vous avez un problème d'alimentation. ». Ainsi, ils ont obtenu une allocation alimentaire additionnelle. Ils comprennent tout de suite comment notre système fonctionne et comment en profiter au maximum.
    Pourrait-on me dire combien de temps il me reste? Bon, je vais simplement continuer à parler.
    Quand je pense au projet de loi C-31, je me dis qu'il sera avantageux pour le Canada. Je pense qu'il améliorera la sécurité des citoyens canadiens et des autres personnes qui vivent au pays. Je pense également qu'il sera bénéfique pour les contribuables. Soyons francs: ce sont eux qui doivent payer pour les demandes d'asile frauduleuses. Je crois également que le projet de loi améliorera la situation des réfugiés légitimes, authentiques, qui ont besoin de l'aide du Canada.
    Seriez-vous d'accord avec toutes ces déclarations?
    Oui.
    Puis-je vous poser une question?
    Oui, allez-y.
    Qui n'aimera pas le projet de loi?
    Les personnes dont nous avons parlé, celles qui sont en tête de liste, ne l'aimeront pas.
    Donc, il est avantageux pour tout le monde, à part les personnes qui cherchent à abuser de notre générosité.
    Oui.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Madame Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous cet après-midi.
    Lors des débats sur le projet de loi C-31, on a entendu dire à maintes reprises que les demandeurs d'asile abusaient de la générosité du Canada. Quel est votre commentaire à ce sujet, madame Douglas?

[Traduction]

    Je pense que, quand nous parlons des réfugiés comme d'un groupe qui profite de notre système, nous faisons une généralisation qui nuit aux réfugiés légitimes. Mais je pense que Francisco souhaitait faire un commentaire à cet égard.
    Il faut prendre en compte le pourcentage de demandeurs d'asile qui font l'objet de poursuites au criminel. Ce pourcentage est très faible. Le projet de loi ne contribuera pas à faire arrêter ces gens. M. Skarica parlait de cette question avec beaucoup de sentiment. Pourquoi? Parce que l'audience sur la demande d'asile aura lieu dans 30 jours. Cela ne laisse pas assez de temps pour vérifier si la personne a des antécédents criminels. Elle pourrait très bien être acceptée comme réfugiée au sens de la Convention.
    Un des problèmes qu'il a détectés, c'est que la GRC ou l'ASFC — ou une autre organisation — ne fait pas les vérifications qui s'imposent. Voyez-vous ce que je veux dire? Il a dit très clairement que la Hongrie, à cet égard, est un véritable refuge pour les criminels. Comment pourrions-nous régler ce problème en 30 jours? La personne sera peut-être acceptée. Et, si c'est le cas, cela nous posera problème.
    Donc, la double vérification est importante. Voilà pourquoi il est problématique de raccourcir les délais, alors que nous disposons d'un système qui s'est révélé inefficace dans bien des situations.
    Je dois dire que les plus récentes statistiques du ministère des Services sociaux et communautaires de l'Ontario ne tiennent pas compte du fait que les réfugiés et les immigrants sont surreprésentés dans notre système d'aide sociale. Nous pouvons certes examiner ces statistiques.
(1755)

[Français]

    En tant que pays démocratique, nous avons fait d'énormes progrès à l'égard des droits fondamentaux des personnes. Un de nos témoins soulignait plus tôt qu'il était important que la société soit fondée sur les règles de droit et non sur les pouvoirs d'une seule personne, en l'occurrence le ministre.
    Le ministre Kenney a dit que les pays démocratiques étaient des pays sûrs qui ne pouvaient pas produire de réfugiés. Partagez-vous cette opinion. Sinon, pouvez-vous nous donner des exemples qui prouvent le contraire?

[Traduction]

    Un des arguments que nous avons formulés, c'est qu'il arrive — même dans les pays démocratiques — que des personnes appartenant à des groupes sociaux particuliers soient victimes de discrimination et, même, se fassent tuer. Je pense tout particulièrement aux gais et lesbiennes.
    Pensons par exemple aux Caraïbes, dont je suis moi-même originaire. Je ne veux pas stéréotyper ni généraliser la culture et les pratiques de la région, mais nous savons que des gais et lesbiennes provenant de certains de ces pays ont dû se réfugier dans des pays comme le Canada en raison de leur orientation sexuelle. Est-ce que le ministre considère ces pays comme démocratiques? Tout à fait. Ils font partie de l'Organisation des États américains. Nous avons d'excellentes relations commerciales avec les Caraïbes, et c'est une bonne chose. Mais, en même temps, nous devons reconnaître que certaines personnes ont besoin de la protection du Canada, et ce, même si elles sont nées et qu'elles vivent dans un pays que nous considérons comme démocratique.
    En revanche, un des principaux problèmes que nous voyons dans la modification des dispositions relatives au pays d'origine concerne le processus selon lequel ce pays sera déterminé. Au moment d'adopter le projet de loi C-11, il y a eu des discussions au sujet des droits des réfugiés, des normes relatives aux droits et aux manquements dans ce pays en particulier, et on a dit qu'une équipe spécialisée allait analyser l'évolution des questions liées aux droits de la personne dans ce pays.
    Maintenant, tout cela n'est plus, et nous allons seulement utiliser des statistiques établies au Canada, par exemple le taux d'acceptation et le taux de retrait, ainsi que 30 études de cas survenus à divers moments. Il s'agit des statistiques au Canada. Pourquoi ne pas revenir à l'idée de créer une équipe spécialisée qui vérifierait dans quelle mesure les droits de la personne sont reconnus et examinerait les problèmes connexes et qui rédigerait ensuite un rapport à ce sujet? Ce serait une meilleure approche.
    Madame Groguhé, vous avez deux minutes.

[Français]

    Ma dernière question concerne la détention, particulièrement celle des enfants.
     On sait comment il est important de tenir compte du droit supérieur de l'enfant. Selon vous, comment l'application concrète des dispositions du projet de loi C-31 peut-elle préserver ce droit? Est-ce possible?

[Traduction]

    Le projet de loi ne le fera pas. Il ne laisse aucun choix aux parents. Le choix qu'ils ont est de faire détenir leurs enfants avec eux ou de les confier à l'État. Pour un demandeur d'asile qui est confronté à un choix comme celui de la protagoniste dans Le choix de Sophie — sans vouloir minimiser la gravité de l'Holocauste —, la détention de ses enfants n'est pas envisageable.
    Une des choses que nous avons examinées, ce sont les constatations tirées des pratiques du passé en ce qui concerne la santé mentale des jeunes qui ont été détenus ou séparés de leurs parents.
    Je pense que le comité doit prendre en compte certaines préoccupations au moment d'examiner la question de la détention obligatoire, particulièrement celle des enfants de moins de 16 ans. Souvent, au Canada, nous considérons qu'une personne devient adulte à 18 ans. Or, le projet de loi C-31 définit les enfants comme les personnes de 16 ans et moins. Cela, en soi, est un problème.
    Merci.
    Monsieur Lamoureux.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser deux ou trois questions à M. Skarica.
    L'Agence des services frontaliers du Canada a présenté un exposé ici plus tôt aujourd'hui. Essentiellement, elle a indiqué de façon très claire que le système de détention actuel semble répondre aux besoins. Il n'y a pas de problème à prolonger la détention des personnes pour qui cela s'impose, quand la situation le permet. Il y a un certain protocole à suivre, mais l'Agence ne s'en est certainement pas plainte et n'a pas dit non plus qu'il fallait le modifier.
    Je soulève cette question, car, dans votre exposé, vous sembliez dire que le projet de loi était une bonne idée. Or, à mon avis, le projet de loi aura une incidence sur de nombreux aspects de la politique concernant les réfugiés. Seriez-vous d'accord pour dire que, si la composante du système relative à la détention n'est pas dysfonctionnelle, nous devrions la laisser telle quelle?
    Le système actuel semble bien fonctionner à cet égard. Et, compte tenu des inquiétudes concernant la Charte et la Constitution, est-il constitutionnel de le modifier de la sorte? En d'autres mots, croyez-vous que des modifications doivent être apportées au projet de loi en vue de l'améliorer?
(1800)
    Je pense que notre système ne fonctionne pas du tout.
    Il est question de crime organisé. Certains de leurs membres qui étaient actifs là-bas sont venus ici, et ils ont écopé d'un casier judiciaire et font l'objet d'accusations en instance. Ils se sont établis au Canada, et vous devinez la suite: ils ont continué à se livrer à des activités criminelles. À mon sens, cela montre que le système ne fonctionne pas.
    Je ne connais pas tous les mécanismes du projet de loi, mais je ne comprends pas pourquoi une personne comme Karadi, un criminel odieux — et très craint en Hongrie selon le Hamilton Spectator —, n'est pas placée en détention dès son arrivée ici et pourquoi nous ignorions que cet homme en particulier était d'ailleurs sur le point de purger une peine de cinq ans. Pourtant, il est venu ici, et nous lui versons de l'aide sociale. C'est pourquoi j'ai l'impression, à la lumière des poursuites que j'ai intentées contre lui, que notre système ne fonctionne pas.
    Oui, mais je pense que l'étude menée par le comité vise entre autres à trouver des façons d'améliorer le projet de loi. Le ministre lui-même a dit qu'il était ouvert à ce qu'on apporte des modifications au projet de loi. Si le système actuel — et je parle strictement de la composante liée à la détention — semble fonctionner, seriez-vous d'accord pour qu'on la modifie?
    Je ne pense pas que cette composante fonctionne.
    Pourquoi les gens qui cherchent à se soustraire à la justice — comme Karadi, qui a vécu ici durant quatre ans et à qui nous avons versé des fonds — ne devraient-ils pas être placés en détention?
    Je ne connais pas tous les mécanismes qui seront introduits par le projet de loi, mais il n'y a pas de meilleur exemple que Karadi.
    Oui. Vous avez fourni au comité la liste que j'ai ici. Pourriez-vous nous dire de façon très simple en quoi elle consiste, au juste?
    La liste indique combien de personnes ont été traduites en justice dans le cadre des poursuites que nous avons intentées. À l'heure actuelle, 15 personnes ont été déclarées coupables, deux font l'objet d'accusations, et deux autres sont recherchées.
    Les noms qui figurent au haut de la liste sont ceux de tous les accusés.
    Et ils vivent actuellement au Canada?
    Plus maintenant, car nous avons expulsé certains d'entre eux. Mais, au moment où nous avons porté des accusations, la majorité de ces gens vivaient au Canada. D'ailleurs, ils y vivaient tous, à part la première personne de la liste, Ferenc Domotor, qui est en Hongrie. Les autres se trouvent au Canada. Quinze personnes ont maintenant été déclarées coupables, et certaines d'entre elles ont été expulsées. Mais même cela ne fonctionne pas.
    Voyez-vous le nom « Viktoria Nemes »? C'est l'épouse de Karadi. Elle a été déclarée coupable de fraude en matière d'aide sociale. Nous avons fait un marché avec elle. Après qu'elle a passé deux mois en détention, je lui ai dit: « Bon, nous allons vous accorder un sursis de sentence. Allez purger votre peine en Hongrie. » Eh bien, savez-vous quoi? Est-elle en Hongrie à l'heure actuelle? Non. Elle a obtenu son sursis de sentence. L'ASFC lui a fourni un billet d'avion pour la Hongrie, mais ce n'était pas un vol direct. On l'a d'abord envoyée en Pologne, sans escorte, alors devinez ce qui est arrivé là-bas: elle a regardé autour d'elle, et, comme personne ne la surveillait, elle est sortie de l'avion. Elle n'est pas en Hongrie. Elle ne purge pas sa peine.
    Où sont les victimes? Il y a beaucoup de...
    Certaines sont en Hongrie, mais la plupart d'entre elles sont au Canada. Elles ont trop peur pour retourner là-bas.
    Madame Douglas, auriez-vous des commentaires à faire concernant la composante relative à la détention? Avez-vous des observations à formuler à l'égard de son caractère obligatoire?
    Comme un des témoins vous l'a mentionné plus tôt, la version actuelle de la loi autorise la détention afin de nous permettre d'identifier la personne. Nous croyons qu'il est abusif de pouvoir détenir une personne jusqu'à 12 mois, compte tenu du fait que cette mesure est prise à l'égard de certains groupes de personnes impliquées dans ce que l'on considère comme une arrivée irrégulière. Le raccourcissement de la période n'atténue pas le fait que nous avons introduit dans notre système des détentions obligatoires sans contrôle judiciaire, alors que la politique déjà en vigueur nous permet de détenir les personnes dont on ne peut pas établir l'identité et à l'égard desquelles nous avons des préoccupations.
(1805)
    Merci.
    Monsieur Dykstra, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    La plupart de mes questions s'adressent à M. Skarica, mais j'en ai aussi une pour M. Rico-Martinez. Il a déclaré être d'accord avec le point de vue de M. Skarica selon lequel nos lois ne sont pas assez strictes. Et, en ce qui concerne les mesures à prendre pour sévir contre les personnes comme celles que M. Skarica a fait traduire en justice — ce qui a donné lieu à 15 déclarations de culpabilité —, le projet de loi ne va pas assez loin.
    Madame Douglas, vous avez dit initialement que le projet de loi devrait être tout simplement abandonné, alors je suppose qu'il ne vous plaît pas. En l'étudiant et en écoutant la personne à vos côtés... Vous avez parlé du besoin d'identifier les gens au moment où ils arrivent au pays, et la biométrie est une des méthodes qui permet de le faire; elle est presque infaillible. Vous avez tous deux dit que vous n'étiez pas d'accord avec le projet de loi, mais la biométrie permettrait de s'attaquer aux problèmes dont M. Skarica a parlé.
    Il est question d'imposer des pénalités plus sévères aux propriétaires de bateaux, de dissuader les gens de profiter du système de protection des réfugiés, de sévir contre les passeurs de clandestins, d'utiliser de meilleurs outils afin d'intenter des poursuites qui aboutiront à des verdicts de culpabilité et d'imposer des peines d'incarcération obligatoires aux passeurs.
    Monsieur Rico-Martinez, dites-vous qu'aucune disposition du projet de loi ne vaut la peine d'être envisagée?
    Ce que je dis, c'est qu'il y a déjà le projet de loi C-11, qui aborde des questions très semblables au moyen d'une approche plus holistique et qui a été approuvé par le Parlement. Nous ne comprenons pas pourquoi nous devons réexaminer cette question, alors que les partis étaient arrivés à une entente. L'initiative avait été approuvée et elle était convenable.
    Laissez-moi répondre à cette question, car l'homme qui se trouve à côté de vous et les fonctions qu'il a mentionnées représentent exactement les raisons pour lesquelles il fallait proposer le projet de loi C-31. Dans le cadre de l'étude du projet de loi C-11, j'étais secrétaire parlementaire. J'ai assisté à chacune des réunions; j'ai été témoin de tout le processus et de toutes les négociations.
    Je suis fier des résultats du projet de loi C-11, et bien des aspects de ce projet de loi seront mis en oeuvre grâce au projet de loi C-31. Donc, même si vous aimez le projet de loi C-11 et que vous n'aimez pas le projet de loi C-31, une grande partie du projet de loi C-11 se retrouve dans le projet de loi C-31. Il doit donc en fait comporter certaines dispositions qui vous plaisent.
    Ce que je veux dire, c'est que vous avez entendu les propos de M. Skarica. Vous l'avez entendu parler des 15 déclarations de culpabilité qui ont été prononcées grâce à lui. Vous l'avez entendu dire — et il sait de quoi il parle, c'est son métier — que nous n'avons pas réussi et que notre système ne fonctionne pas.
    Nous n'allons pas régler le problème auquel nous sommes confrontés — le problème juste ici — avec le projet de loi C-11. Ce projet de loi ne réglera pas le problème. Savez-vous ce qui finira par arriver si nous mettons en oeuvre seulement les mesures prévues dans le projet de loi C-11? Nous allons simplement exiger qu'un visa soit délivré aux citoyens hongrois et espérer contourner ainsi le problème, comme nous avons dû le faire avec le Mexique et la République tchèque.
    Ce n'est pas le processus que nous voulons utiliser. Si nous voulons signer d'autres ententes avec l'Union européenne et nous assurer que nos économies sont sur la même longueur d'onde et conclure des accords de libre-échange avec elle, nous devons nous doter d'un système que les autres pays du monde croiront à toute épreuve — du moins, au chapitre des efforts déployés.
    Comme l'a dit M. Skarica, le système canadien ne fonctionne pas. Le fait de seulement rejeter le projet de loi C-31 et d'accepter le fait que la majeure partie du contenu du projet de loi C-11 est bénéfique, mais ne règle pas tout à fait notre problème... Je dois souligner que je ne suis pas du tout d'accord avec votre point de vue. Je respecte le fait que vous êtes ici comme témoin. J'aurais simplement préféré que vous ne déclariez pas d'emblée que le projet de loi C-31 dans son ensemble était mauvais et qu'on devrait l'abandonner.
    En outre, nous devons être plus sévères afin d'identifier les personnes dont M. Skarica a parlé, et le projet de loi prévoit l'utilisation de la biométrie, et vous avez déclaré qu'il ne vaut pas la peine de poursuivre...
    Avec tout le respect que je vous dois, je pense que, ce que nous avons dit, c'est que le projet de loi C-11 existe déjà, qu'il était le fruit de négociations et qu'il aborde un grand nombre de préoccupations que vous avez soulevées. Ce à quoi...
    Il ne les aborde pas toutes, cependant...
    Pardon, mais ce à quoi M. Skarica...
    Il ne les aborde pas toutes.
    ... faisait allusion...
    On invoque le Règlement.
    Arrêtez le chronomètre, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    J'apprécierais qu'on écoute la réponse plutôt que de laisser le député interrompre le témoin sans arrêt. J'aimerais qu'il y ait un minimum d'ordre. Quand une question est posée, plutôt que d'en débattre, il faudrait permettre au témoin d'y répondre.

[Traduction]

    Ce n'est pas un débat...
    Eh bien, c'est un point valide, même si je ne pense pas que c'était une question.
    Monsieur Dykstra, la parole est à vous.
    Je veux poser deux ou trois questions à M. Skarica.
    Après, madame Douglas, je vous laisserai au moins le temps qu'il reste pour que vous formuliez vos observations.
    Monsieur Skarica, vous n'avez pas parlé directement du projet de loi C-31. Je me demandais si vous pouviez le faire, plus précisément en ce qui a trait aux mesures à prendre pour régler les problèmes que vous avez soulevés aujourd'hui.
    Comme je l'ai dit, le principal problème pour les contribuables canadiens est que chacun des faux réfugiés — qui proviennent pratiquement tous d'un pays de l'Union européenne — leur coûte 50 000 $.
    Donc, l'attrait du projet de loi — d'après ce que je peux voir — est qu'il nous permettra immédiatement de prendre les mesures à l'égard des personnes concernées et de les expulser au lieu de devoir mener un processus de trois ou quatre ans. Ils ne viendront plus, alors. En ce moment, ils viennent parce qu'ils savent qu'ils n'ont qu'à dire « je suis un réfugié » pour obtenir aussitôt 50 000 $.
    Nous espérons donc que cela... Ils ne viendront même plus parce que, pour un ou deux mois, cela ne vaut pas la peine.
(1810)
    Quel genre de soutien obtenez-vous du gouvernement provincial à cet égard?
    Ce qui me sidère, c'est qu'aucun député provincial — aucun, tous partis confondus — ni conseiller municipal de Hamilton n'a dit quoi que ce soit à ce sujet, et ce sont eux qui doivent payer les frais de transport. Je trouve cela incroyable.
    Je pense qu'une partie de l'affaire, à vrai dire, est une question de rectitude politique, car ils ne veulent pas dire... Eh bien, ils ne veulent pas critiquer les Hongrois; ou, la majorité de ces gens sont des Roms, et ils ne veulent pas utiliser ce mot, par crainte de se faire accuser de manquer de rectitude politique — probablement par les personnes à côté de moi —, alors... J'ai de la chance, car je proviens de l'Europe centrale. Je proviens de cette région du monde.
    Dès le début, l'accusé m'a traité de raciste. Il utilise cet argument: « Oh, vous êtes raciste, et c'est pourquoi vous vous en prenez à nous. » Non. Ce sont des criminels. Ce sont de graves criminels au Canada...
    Mme Jinny Jogindera Sims: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Arrêtez le chronomètre, s'il vous plaît.
    Je trouve qu'il est très difficile d'écouter certains propos qui dévient de la question essentielle. En tant que parlementaire, j'ai beaucoup de difficulté à écouter certaines déclarations.
    Eh bien, ce sont les joies de siéger à un comité. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un rappel valide au Règlement. Merci.
    Souhaitez-vous également invoquer le Règlement?
    Non, en fait, je voulais seulement faire un commentaire.
    Je peux comprendre que la question touche une corde sensible, entre autres choses. J'espère que Mme Douglas et son compagnon auront l'occasion de réagir à cette intervention qui n'avait rien d'une question, mais...
    Écoutez, c'est une question qui soulève les passions. Avec tout le respect que je vous dois, j'ai entendu des commentaires émotifs des deux côtés, et, selon moi, les propos de M. Skarica ne sont pas déplacés.
    Activez le chronomètre.
    Je veux seulement dire que je serais heureux de donner de mon temps, mais j'ai également écouté l'exposé ainsi que tous les commentaires de Francisco et de Deb, alors je voulais au moins avoir l'occasion d'exposer mon point de vue.
    Mais j'aimerais offrir de mon temps et j'essaierai autant que possible de ne pas vous interrompre pendant que vous parlez.
    Il vous reste seulement une minute.
    Comme je le disais, nous croyons que le projet de loi C-11, qui découle de négociations, est en fait un projet de loi valable. Je pense que M. Skarica aborde d'un bloc les questions liées respectivement à la traite de personnes et à la détermination du statut de réfugié. Nous sommes absolument convaincus que le Canada doit prendre des mesures plus strictes à l'égard de la traite de personnes et nous félicitons le bureau du procureur général de l'Ontario d'avoir entrepris des démarches en ce sens et d'avoir connu autant de succès. Mais n'établissons pas de politique nationale afin de pouvoir sévir contre les trafiquants provenant de la Hongrie.
    Je pense que c'est une des préoccupations: nous continuons à faire de très grandes généralisations au sujet des demandeurs d'asile et nous croyons qu'en diabolisant les gens qui ont besoin de la protection du Canada... Nous exprimons cela en des termes économiques et parlons de profiteurs qui exploitent notre système...
    Je n'exprime pas cela seulement en des termes économiques; je dis aussi que les Canadiens méritent que justice soit faite...
    Le temps est écoulé, et...
    Merci.
    ... Mme Sims va me crier après si je ne lui cède pas la parole.
    Vous avez tout le temps qu'il reste avant la sonnerie.
    Tout d'abord, je ne vois rien dans le projet de loi qui va régler les problèmes liés à la Hongrie et à son système pénal. Il faut que ce soit très clair.
    L'autre chose que je veux faire comprendre concerne le terme « réfugié authentique ». Il y a des réfugiés, et il y a des demandeurs d'asile. Quand ils arrivent au pays — que ce soit par avion ou par bateau et qu'ils aient ou non des documents frauduleux —, leur statut est indéterminé jusqu'à ce qu'une décision soit rendue. Alors, je ne dirai pas que tous les demandeurs d'asile qui viennent au pays sont des fraudeurs ou de faux réfugiés.
    L'actuel ministre de l'Immigration et celui qui était en fonction au moment du projet de loi C-11 ont décrit ce projet de loi comme une oeuvre d'art — bien que ce ne soit pas les mots exacts qui ont été utilisés; pourtant, il n'a pas été mis en oeuvre. Il est donc très difficile pour moi de dire que le système ne fonctionne pas et que nous devons donc le corriger, alors que nous n'avons pas mis en oeuvre une solution apportée au moyen du système juridique, d'un projet de loi qui a été adopté par le Parlement.
    Je pense qu'une partie de la rhétorique que j'ai entendue aujourd'hui — et il est bel et bien question pour moi de « rhétorique » — est alarmiste. Certains témoignages visent à amener la population à penser que tout le monde qui vient au pays — y compris les grands-parents ou les membres de la famille d'un grand nombre d'entre nous — vient ici pour utiliser frauduleusement le système, qu'ils viennent ici seulement pour contourner, utiliser et exploiter le système. Je peux vous dire qu'au cours des dernières années, nous avons travaillé auprès de réfugiés qui n'aiment pas recevoir de l'argent de l'État, qui sortent de chez eux et qui vont travailler. Ils travaillent très dur et réussissent leur vie; ils font des études et deviennent des personnes qui contribuent à la société. C'est l'essence même du Canada.
(1815)
    Vous parlez de gens comme Chungsen Leung?
    Monsieur Dykstra.
    Le Canada est plein de...
    Oui, c'est tout à fait...
    Monsieur Dykstra, ce n'est pas un débat. Ce temps lui appartient.
    Le Canada est un pays dont les citoyens...
    Si nous devons avoir un débat, alors tenons-en un.
    ... originaires de toutes les régions du monde. Voilà ce que je veux dire, et il s'agit de gens tout comme M. Leung et la famille de Rathika.
    Mais ce que je tiens vraiment à souligner, c'est l'aspect humain. Je n'ai jamais vécu dans un camp de réfugiés. J'en suis très heureuse. Mais j'ai lu et vu assez de choses à ce sujet et travaillé auprès d'assez d'enfants qui ont vécu dans des camps de réfugiés pour savoir qu'en tant que Canadiens, nous ne pouvons pas mettre notre compassion de côté pour nous lancer dans une quête bidon en pensant que nous pourrons corriger ce qui ne va pas dans les autres pays. S'il y a de la fraude, essayons de la contrer, et faisons-le d'une façon qui cible les fraudeurs et non pas les victimes.
    Je sais que mon temps est presque écoulé, mais, Francisco et Debbie, pourriez-vous brièvement nous brosser un tableau du genre de situations que fuient les demandeurs d'asile auprès desquels vous avez travaillé?
    Eh bien, les réfugiés sont perçus comme une menace. Mais ils n'en sont pas une; les personnes menacées, ce sont eux. Voilà la situation dans laquelle ils se trouvent quand ils viennent à notre bureau. Nous recevons des familles et des personnes seules qui proviennent de partout dans le monde. Il arrive que les gens les plus traumatisés ne comprennent même pas pourquoi ils sont au Canada, et cela est d'autant plus vrai pour leurs enfants. Les enfants sont les dernières personnes à comprendre cela.
    Pour gérer cette situation, nous suggérons qu'on crée des équipes multidisciplinaires qui aideront tous les réfugiés à répondre à leurs besoins fondamentaux -— y compris sur le plan de la langue et du logement — et qui s'attaqueront aux nombreux problèmes que nous éprouvons.
    Pardon, monsieur, mais nous devons nous arrêter. On entend la sonnerie d'appel, et les garçons et les filles doivent aller voter.
    J'aimerais vous remercier, monsieur, tout comme madame Douglas et monsieur Skarica, de votre présence et de votre excellent exposé.
    La prochaine réunion aura lieu ici même, demain à 8 h 45.
    La séance est levée.
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