Passer au contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 133 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 février 2019

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Les membres du Comité ici présents et les témoins sont prêts, donc nous commencerons dans 30 secondes.

[Français]

    Je vous prie de prendre place.

[Traduction]

    Bonjour à tous.

[Français]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons nos travaux sur les accords de réparation, la doctrine Shawcross et les discussions entre le bureau du procureur général et des collègues du gouvernement.

[Traduction]

    Au cours de la prochaine heure, nous recevrons deux témoins sur la doctrine Shawcross.
    C'est avec plaisir que je souhaite la bienvenue à Mary Condon. Mme Condon est doyenne par intérim à la Osgoode Hall Law School. Je vous souhaite la bienvenue, madame Condon.

[Français]

    Nous recevons aussi M. Maxime St-Hilaire, professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke.
    Bienvenue, monsieur St-Hilaire.

[Traduction]

    Chers collègues, pour récapituler un peu ce que j'ai mentionné à la réunion précédente, je m'en tiendrai rigoureusement aux allocations de temps, plus que d'ordinaire. Je demanderai donc à tous de laisser les témoins terminer de répondre aux questions, mais je demanderai aux témoins d'être brefs, pour que les membres du Comité puissent leur poser leurs questions pendant le temps imparti.
    Je vous remercie tous deux d'être ici aujourd'hui.

[Français]

    Nous allons commencer par Mme Condon.

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de cette invitation à m'exprimer devant vous aujourd'hui, et je vous remercie de la souplesse dont vous faites preuve en me laissant comparaître à distance.
    Je m'exprimerai aujourd'hui sur le pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites et la doctrine Shawcross. Je mentionnerai pour commencer que j'ai eu la chance d'étudier ce sujet avec deux spécialistes canadiens de renom, les professeurs John Edwards et Philip Stenning. Je m'inspirerai de leurs travaux dans mes observations sur les principes juridiques qui s'appliquent, pendant mon exposé de 8 à 10 minutes.
    À titre de professeure, j'estime important de commencer par rappeler quelques principes de base pour mettre la doctrine Shawcross en perspective.
    Comme les membres du Comité le savent, la personne occupant le poste de procureur général a de multiples rôles à jouer. Elle doit conseiller le Parlement et le gouvernement en matière juridique, mais également exercer la prérogative d'intenter ou non des poursuites pour des infractions criminelles, et c'est ce pouvoir qui fera l'objet de notre attention aujourd'hui.
    Il est établi par convention constitutionnelle que c'est le procureur général qui prend la décision indépendante de poursuivre ou non. Il doit pour cela d'abord déterminer deux choses, soit si la preuve est suffisante et si la poursuite est dans l'intérêt public. En raison de la nécessité de tenir compte de l'intérêt public, les observateurs diront souvent que les décisions d'un procureur général en matière de poursuites se trouvent au confluent du droit et de la politique.
    Pour cette raison, de nombreux gouvernements décident de nommer un directeur des poursuites pénales pour protéger les décisions en matière de poursuites de toute perception selon laquelle le décideur prendrait avant tout ses décisions en fonction de considérations politiques. Si toutefois un DPP est nommé, comme c'est le cas au Canada, on s'attend tout autant à ce qu'il exerce ses pouvoirs en matière de poursuites dans l'intérêt du public.
    Donc comment le procureur général ou le DPP sont-ils censés discerner ce qui est dans l'intérêt du public dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire? Comme Edwards l'expose dans son livre, la tâche du procureur général ou du DPP est complexe, puisqu'il doit tenir compte de plusieurs considérations divergentes, d'où la pertinence de la doctrine Shawcross.
    Comme les membres du Comité le savent déjà, cette doctrine est une directive qui a d'abord été promulguée par Lord Shawcross, procureur général du Royaume-Uni dans les années 1950, et elle fait depuis autorité au Canada. Elle prescrit que le procureur général prenne connaissance de tous les faits pertinents et des considérations touchant la politique publique. Pour ce faire, il peut consulter ses collègues et dans certaines circonstances, comme Shawcross le soulignait, il serait même bête de sa part de ne pas le faire.
    Je vais vous donner un exemple qui illustre bien la nécessité de consulter pour bien comprendre les enjeux, celui d'une affaire bien connue survenue au Royaume-Uni il y a une dizaine d'années, l'affaire BAE, soit British Aerospace. La question consistait alors à déterminer si les considérations de sécurité nationale justifiaient que le procureur général abandonne une poursuite. Comme il n'était pas jugé raisonnable de s'attendre à ce que le procureur général lui-même comprenne pleinement toutes les exigences liées à la sécurité nationale, il a été convenu qu'il demande un avis pour l'éclairer dans sa décision.
    Le procureur général a alors consulté diverses sources, à l'intérieur comme à l'extérieur du Cabinet. Les documents officiels montrent qu'il y a eu de nombreuses rencontres sur la question. Bon nombre des collègues parlementaires du procureur général au Royaume-Uni, y compris le premier ministre de l'époque, étaient d'avis qu'il fallait abandonner la poursuite pour des raisons de sécurité nationale. Je souligne d'ailleurs au passage qu'ici, au Canada, la Loi sur le directeur des poursuites pénales dicte explicitement que le DPP peut retenir les services d'experts techniques pour leur demander un avis.
(1535)
    Cependant, il est clair, selon la doctrine Shawcross, que l'avis des collègues ne peut être sollicité que pour informer le procureur général de considérations particulières qui pourraient influencer sa décision et qu'il ne doit pas « consister à lui dire quelle décision prendre ». Le procureur général ne doit pas « subir les pressions » de ses collègues et plus particulièrement, il ne doit pas subir de pressions politiques partisanes.
    Edwards, par exemple, indique dans son livre que le procureur général doit refuser d'écouter des arguments fondés sur « l'opportunisme politique », mais plutôt exercer son « esprit judiciaire » selon les circonstances. C'est nécessaire pour préserver l'intégrité de la fonction et l'intégrité de l'administration de la justice.
    En même temps, d'autres chercheurs comme Stenning indiquent qu'outre le problème de l'avis partisan, il est plus difficile de faire la part des choses quand il y a diverses interprétations légitimes concurrentes de ce qui est dans l'intérêt public, de sorte que l'importance relative de chacune doit être soupesée. Encore une fois, je souligne que dans l'affaire BAE, des définitions de l'intérêt public allant au-delà de la sécurité nationale ont été citées, dont les intérêts commerciaux nationaux et le maintien de relations harmonieuses entre le Royaume-Uni et l'Arabie saoudite.
    Bien que le procureur général ait indiqué dans l'affaire BAE n'avoir pas fondé sa décision sur ces facteurs, il n'en demeure pas moins que lorsqu'il y a plusieurs considérations légitimes relatives à l'intérêt public, c'est au procureur général qu'incombe la responsabilité ultime d'interpréter les avis que lui ont fourni ses collègues parlementaires et autres pour prendre une décision indépendante quant à la façon de les évaluer.
    Comme je l'ai déjà dit, dans ce processus, les considérations d'intégrité de l'administration de la justice et de la primauté du droit sont constamment... [Difficultés techniques] Shawcross ne prévoit pas de solution particulière dans son énoncé de doctrine original pour parer aux conséquences... [Difficultés techniques] si les principes qu'il énumère ne sont pas respectés.
    Il faut cependant faire une distinction fondamentale entre la responsabilité parlementaire et la responsabilité juridique.
    Concernant la responsabilité parlementaire, comme le procureur général prend une décision indépendante, il peut en être tenu responsable devant le Parlement et devoir rendre compte des actes qu'il a posés ou non. La responsabilité parlementaire peut aussi exiger que le procureur général démissionne s'il perd la confiance du Cabinet.
    Cela dit, concernant la responsabilité juridique à l'égard de la décision de poursuivre, s'il y a bel et bien poursuite, le tribunal tranchera, en définitive, sur le bien-fondé de la décision du procureur général de poursuivre, par la décision qu'il prendra de prononcer un acquittement ou une condamnation.
    En revanche, s'il décide d'annuler une poursuite, comme il l'a fait dans l'affaire BAE, par exemple, la décision peut être soumise à une révision judiciaire, et dans ce cas, la Chambre des lords a conclu que la sécurité nationale justifiait la décision prise par le procureur général. Enfin, il y a également la doctrine de l'abus de procédure qui s'applique à la responsabilité juridique.
    Pendant les quelques minutes qu'il me reste, j'aimerais vous parler des accords de réparation, comme le DPP peut décider de conclure un tel accord depuis l'entrée en vigueur de la loi modifiant le Code criminel à cet égard en septembre 2018.
    Il faut reconnaître que les dispositions sur ce type d'accord prescrivent une longue liste de facteurs que le poursuivant doit prendre en compte pour déterminer s'il est dans l'intérêt public de conclure un accord de réparation et qui s'ajoute à toutes les autres conditions à respecter. Il y a aussi une liste de facteurs que le Bureau du procureur ne doit pas prendre en considération si l'infraction présumée contrevient à la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers. Ces facteurs sont l'intérêt économique national, les effets possibles sur les relations avec un État autre que le Canada ou l'identité des organisations ou individus en cause. Il semble que ces facteurs aient été repris de la Convention de l'OCDE contre la corruption, qui a également été prise en compte dans la décision BAE, au Royaume-Uni, dont je viens de parler.
(1540)
    En terminant, le fait que les amendements apportés au Code criminel au sujet des accords de suspension des poursuites cernent un si grand nombre d'éléments appropriés et inappropriés relativement à l'intérêt public pourrait permettre au directeur des poursuites pénales ou au vérificateur général de mieux déterminer l'intérêt du public dans ce contexte, même si l'ordre de priorité des divers points à considérer devra encore être établi au cas par cas en fonction des faits.
    Je vous remercie de votre attention. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame Condon. Nous vous sommes très reconnaissants.

[Français]

    Maître St-Hilaire, vous avez la parole.
    Je m'efforcerai d'être bref. Aujourd'hui, je veux circonscrire mon propos et reprendre l'essentiel du billet que j'ai publié avec ma collègue Martine Valois, de l'Université de Montréal, sur le blogue Advocates for the rule of law. Je veux situer la théorie Shawcross et la convention constitutionnelle applicable ici dans une perspective un peu plus vaste, dans le cadre général applicable, mais aussi l'analyser à la lumière de ce que nous pouvons appeler les meilleures pratiques mondiales en matière d'indépendance du ministère public, c'est-à-dire du procureur général.
    Je vais aller droit au but et soutenir tout de suite ma thèse; mes arguments suivront. Je pense que l'affaire qui nous occupe présentement nous donne l'occasion de nous pencher sur la qualité de la mise en œuvre de l'État de droit au Canada, et je crois qu'il est possible de faire mieux. Ma source principale quant aux meilleures pratiques mondiales dans ce domaine est le deuxième rapport sur l'indépendance judiciaire qu'a produit la Commission de Venise et qui portait plus spécialement sur l'indépendance du ministère public.
    Précisons rapidement ce qu'est la Commission de Venise. Composée d'experts indépendants en droit constitutionnel, cette commission est un organe consultatif du Conseil de l'Europe qui est maintenant régi par un accord élargi. La Commission de Venise se compose de membres des 47 pays qui font partie du Conseil de l'Europe et de 14 autres pays qui n'en font pas partie, dont les États-Unis. Le Canada a depuis longtemps un statut d'observateur auprès de la Commission.
    Les standards mondiaux dégagés par la Commission de Venise ne sont pas des règles de droit international, mais plutôt des avis d'experts sur les meilleures pratiques, lorsqu'il est possible de les indiquer.
    La Commission s'est donc penchée spécialement sur la question de l'indépendance du ministère public. Elle fait remarquer d'entrée de jeu que cette institution de poursuivant indépendant est étrangère à la common law d'origine. C'est un mode institutionnel qui relève plutôt de la tradition continentale. Or, la Commission rappelle que la plupart des pays pratiquant la common law se sont rapprochés du modèle européen et ont créé des postes comme celui de directeur des poursuites pénales, par exemple. Il y a d'autres manières de se rapprocher des standards mondiaux, comme l'illustre la solution retenue par le Royaume-Uni selon laquelle le procureur général, accessoirement en tant que poursuivant, ne fait plus partie du Cabinet.
    Quelles sont donc les meilleures pratiques en matière d'indépendance des poursuites publiques? La Commission reconnaît qu'il est normal que l'exécutif puisse prévoir des politiques pénales et avoir une certaine influence d'ordre général sur le poursuivant. Cependant, les standards mondiaux reconnus prévoient que l'exécutif ne devrait pas pouvoir donner d'instructions sur des affaires précises ni se substituer au poursuivant lorsque vient le moment de décider de poursuivre ou non. Ce sont là les meilleures pratiques.
    Au Canada, sur le plan fédéral, la Loi sur le directeur des poursuites pénales de 2006 a créé un poste de directeur indépendant des poursuites pénales. Le paragraphe 10(1) et l'article 15 de la Loi permettent au procureur général de donner des instructions sur des affaires précises ou de se substituer au directeur des poursuites pénales après publication d'un avis dans la Gazette du Canada. Le problème vient du fait que le procureur général demeure membre de l'exécutif. Par conséquent, la Loi en vigueur à l'heure actuelle au Canada n'est pas conforme aux standards mondiaux, à mon avis.
(1545)
    Si, comme au Royaume-Uni, le procureur général ne faisait pas partie du Cabinet, on pourrait conserver le paragraphe 10(1) et l'article 15 de la Loi. Cependant, puisque le procureur général fait toujours partie de l'exécutif, à mon avis, c'est relativement clair que ce n'est pas conforme aux meilleures pratiques et qu'il y aurait moyen de faire mieux.
    En effet, il y a la théorie Shawcross, qui remonte à 1951, à ma connaissance. Je ne suis pas un expert de cette doctrine comme l'est ma collègue. Toutefois, l'existence de cette convention constitutionnelle ne change rien au fait qu'on a créé un poste de directeur des poursuites pénales indépendant, tout en maintenant l'appartenance du procureur général au Cabinet, ainsi que des pouvoirs d'intervention directe, c'est-à-dire sur des affaires données, au-delà de la simple politique pénale.
    Ensuite, j'aimerais rappeler que, même si ma collègue a parlé de principes juridiques en introduction, dans le cours de son exposé il est devenu clair, en effet, qu'on parle ici, au sujet de la théorie Shawcross, d'une convention constitutionnelle. Donc, ce n'est pas une norme juridique, mais une norme qui fait partie de notre constitution politique.
    Malgré toute sa sagesse et sa finesse, la théorie Shawcross, en tant que convention constitutionnelle, est quand même d'une efficacité limitée, puisqu'il demeure assez difficile de savoir si, dans des cas donnés, elle a été appliquée ou non, notamment en raison du secret des délibérations de l'exécutif, qui est une conséquence logique de la solidarité ministérielle et de la solidarité du gouvernement qui reçoit sa confiance d'un bloc de la Chambre. C'est donc une théorie d'une efficacité limitée.
    Par ailleurs, cette théorie a pris ancrage au Royaume-Uni alors qu'on n'avait pas de système de poursuivant indépendant comme nous avons essayé d'en créer un ici, au Canada, d'une manière perfectible. C'est aussi une théorie qui remonte à une époque où l'on n'avait pas décidé de s'arrimer un peu plus au modèle continental, en excluant de l'exécutif le procureur général en tant que poursuivant.
    De manière générale, le Canada ne devrait pas se faire plus conservateur britannique que les Britanniques eux-mêmes. Il devrait être capable de voir comment, au Royaume-Uni, on s'est arrimé aux standards mondiaux empruntés à la tradition continentale. Ensuite, de manière pratique, deux solutions s'offrent: soit exclure le procureur général de l'exécutif et créer un poste distinct de ministre de la Justice, soit le laisser membre de l'exécutif, mais abroger le paragraphe 10(1) et l'article 15 de la Loi sur le directeur des poursuites pénales.
    C'est tout ce que j'avais à dire.
    Merci.
(1550)
    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Nous allons maintenant entamer le premier tour de questions.

[Traduction]

    Nous verrons ensuite combien de temps il nous reste pour une deuxième série de questions et comment répartir ce temps. Pendant la première série de questions, il sera réparti de la façon suivante: six minutes aux conservateurs, six minutes aux libéraux, six minutes au NPD et six minutes aux libéraux.
    Nous entendrons d'abord M. Cooper.
    Excellent. Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Condon et monsieur St-Hilaire. Vous pouvez tous les deux répondre à ma question.
    J'examine le résumé de la doctrine Shawcross du juge Rosenberg, où il dit ce qui suit: « Deuxièmement, le procureur général n'est pas tenu de consulter ses collègues du Cabinet, mais il en a le droit ». C'est assez clair. Le procureur général peut consulter ses collègues du Cabinet, mais qu'en est-il de l'inverse? Que se passe-t-il si les membres du Cabinet approchent le procureur général? Est-ce approprié?
    Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, je pense qu'il faut faire la distinction entre les considérations partisanes et les considérations non partisanes qui pourraient influencer un dialogue entre des membres du Cabinet et le procureur général. Comme je l'ai mentionné, je crois que la meilleure approche à adopter, c'est que le procureur général ne devrait pas porter attention ou être influencé par des considérations liées aux intérêts d'un parti politique, etc. Par contre, si un membre du Cabinet souhaite conseiller le procureur général sur la définition de l'intérêt public, je crois qu'il revient au procureur général de décider s'il écoutera cet avis et s'il en tiendra compte.
    Il pourrait être utile de connaître les définitions et les éléments liés à l'intérêt public que le procureur général ne connaît pas personnellement, mais ce qu'il faut retenir, c'est qu'il revient au procureur général de décider s'il tiendra compte des conseils non sollicités qui lui sont offerts.
    Monsieur St-Hilaire, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Français]

    Je vais juste reprendre rapidement ma perspective: ce cadre institutionnel qui fait qu'on dépend seulement de cette doctrine est insuffisant.
    On voit tout le côté byzantin de la norme. On est dans une situation institutionnelle où, de toute façon, il devient très difficile de connaître le détail des faits. À une plus longue échéance ou à une plus grande échelle, sur le plan institutionnel, étant donné que le procureur général tel qu'on le connaît au Canada est susceptible d'intervenir directement dans des dossiers précis tout en appartenant au Cabinet, la doctrine Shawcross est insuffisante au point de vue de l'indépendance du travail du poursuivant. C'est perfectible. Il faudrait faire des modifications et arrêter de dépendre seulement de cette convention constitutionnelle.
(1555)

[Traduction]

    Merci. Je comprends votre position à cet égard, mais vous pourriez peut-être répondre plus directement à la question. Je comprends votre point de vue selon lequel la doctrine Shawcross est insuffisante et qu'on pourrait adopter une norme plus rigoureuse. Toutefois, Andrew Roman, un avocat de Toronto, affirme ce qui suit:
Si le procureur général demande conseil, un premier ministre peut répondre. Toutefois, offrir en secret un « conseil » non sollicité au sujet d'une affaire en cours représente une intrusion.
    Êtes-vous d'accord avec cela?

[Français]

    La doctrine Shawcross n'est pas une règle de droit. Elle a été exprimée dans des débats parlementaires de 1951. Nous n'avons pas de jurisprudence ou d'interprétation rigide.
    L'essentiel de la doctrine veut que la décision appartienne au procureur général. Donc, toute discussion de nature informative serait problématique si des instructions étaient données, que de la pression était exercée ou qu'il y avait interférence dans la décision.
    À ma connaissance, normalement, l'avis doit être sollicité. Toutefois, je crois que personne, à l'heure actuelle, ne peut affirmer de manière catégorique et déterminante que la théorie exclut catégoriquement le fait qu'on donne au procureur général de l'information qui n'a pas été sollicitée. Mon collègue de l'Université d'Ottawa M. Forsece a suggéré cela dans un billet.
    Ce que je dis, c'est qu'on spécule énormément sur une convention qui, finalement, résulte de débats parlementaires. On a de savants débats doctrinaux, mais on ne peut pas supposer qu'il s'agisse d'une règle extrêmement claire.
    L'essentiel de la convention est que les discussions ne doivent pas avoir empêché le procureur de prendre la décision lui-même et que le procureur a la responsabilité de ne pas se laisser influencer, auquel cas il devrait démissionner.

[Traduction]

    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Fraser.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'être parmi nous aujourd'hui.

[Traduction]

    La semaine dernière, le Comité a entendu les témoignages du procureur général actuel, de la sous-procureure générale et du greffier du Conseil privé. Toutes ces personnes affirment que les discussions entre le premier ministre, le Cabinet du premier ministre et le procureur général et son bureau sont appropriées lorsqu'il s'agit de discussions sur des sujets tels les accords de réparation et particulièrement la question de SNC-Lavalin.
    Le procureur général a affirmé que le procureur général « n'est pas non plus coupé de toute interaction. Il ne s'agit pas là d'une décision facile, quel que soit le procureur général, et la capacité du titulaire de ce poste d'obtenir les bonnes réponses au nom de tous les Canadiens n'est qu'améliorée grâce aux discussions et débats avec les autres membres du Cabinet... »
    Le greffier du Conseil privé, qui est un fonctionnaire non partisan de la fonction publique du Canada depuis des décennies, a dit ceci: « Je peux vous dire avec beaucoup d'assurance que, à mon avis, ces discussions ont été tenues dans les limites de ce qui est légal et approprié. »
    La sous-procureure générale, Mme Drouin, qui est aussi une fonctionnaire non partisane, a fourni un exemple du Royaume-Uni — le même exemple mentionné par Mme Condon. Il s'agit de l'affaire liée à British Aerospace. Madame Drouin, en faisant référence à cette affaire du Royaume-Uni, a dit ceci: « Durant l'enquête, un pays et aussi le premier ministre ont communiqué avec le directeur et lui ont dit que, si le procureur général continuait l'enquête et les poursuites, du sang pourrait couler dans la rue. Enfin, le directeur a décidé de mettre fin à l'enquête et de ne pas déposer d'accusations. » Elle a poursuivi en disant: « L'affaire a donné lieu à un contrôle judiciaire et s'est rendue jusqu'à la Chambre des lords, laquelle a dit que cette conversation très difficile ne contrevenait pas à la primauté du droit. Je crois que cela illustre vraiment le sérieux de la conversation. »
    Mme Drouin faisait allusion à des considérations liées à la sécurité publique.
    Ma question s'adresse aux deux témoins. Êtes-vous d'accord avec cette évaluation selon laquelle ces discussions difficiles entre la procureure générale, le premier ministre et les cabinets sur l'utilisation potentielle d'un accord de réparation, dans ce cas-ci, sont appropriées?
    Je serais heureuse de parler d'abord de ma réaction, qui est de revenir à la notion que j'ai exprimée dans mon exposé. Si le gouverneur général est responsable d'exercer ce pouvoir très important dans l'intérêt du public, on doit avoir la capacité de déterminer la nature de cet intérêt public. Je crois qu'on ne peut pas demander à une seule personne, même à une avocate qui a beaucoup d'expérience et qui occupe le poste de procureure générale ou de DPP, de toujours connaître la bonne réponse en ce qui concerne l'intérêt du public.
    À mon avis, il est important qu'il y ait des sources de renseignements et de conseils. Comme je l'ai dit, ces sources peuvent provenir de l'intérieur ou de l'extérieur du Cabinet, si c'est nécessaire pour obtenir un avis spécialisé, mais je crois qu'il est nécessaire, pour être en mesure de prendre la meilleure décision possible dans un monde où il est très difficile de connaître immédiatement la bonne réponse en cas d'interprétations divergentes, de formuler des commentaires, d'une façon ou d'une autre, au procureur général ou au DPP pour l'aider à prendre sa décision.
(1600)
    D'accord.
    Monsieur St-Hilaire, j'aimerais entendre votre avis sur le caractère approprié de ces discussions.

[Français]

    Comme je l'ai dit plus tôt, à mon point de vue, il ne devrait pas y avoir de discussions au sein de l'exécutif sur des dossiers précis. Cela ne devrait pas exister.
    Quant à votre question sur l'application de la doctrine Shawcross, ma collègue pourra y répondre beaucoup mieux que moi. Selon moi, on ne devrait plus dépendre de cette théorie. Il ne devrait pas y avoir de discussions avec un membre de l'exécutif sur un dossier précis relativement à la décision de poursuivre ou de ne pas poursuivre. Il faudrait empêcher que cela se produise au Canada. Il serait très facile d'y parvenir en modifiant la loi ou la structure du Cabinet.
    J'aimerais quand même souligner accessoirement, comme ma collègue l'a fait plus tôt, que les dispositions qui ont été introduites dans le Code criminel pour permettre ce genre d'entente réduisent considérablement la marge d'appréciation gérant non seulement les critères ou les facteurs qui peuvent être pris en considération, mais aussi ceux qui ne peuvent pas l'être. Les facteurs économiques ou l'importance de l'entreprise sont aussi précisés, conformément au traité de l'OCDE.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Condon, j'aimerais m'adresser à vous de nouveau.
    Lorsque le directeur des poursuites pénales présente une affaire devant le tribunal dans le cadre d'une poursuite, qu'est-ce que cela signifie pour les discussions entre le procureur général et ses collègues du Cabinet et d'autres intervenants? Ces conversations sont-elles appropriées si le procureur général a d'autres considérations à examiner?
    À mon avis, il est difficile de fournir une réponse absolue à cette question. Je présume que la meilleure réponse serait qu'en général, une fois qu'on a décidé de porter des accusations, toutes les règles de la procédure pénale s'appliquent, par exemple l'exigence de divulguer des preuves pertinentes à l'autre côté, etc. Selon moi, toute la documentation se concentre sur la décision initiale d'intenter des poursuites ou non — ou maintenant, depuis 2018, sur la question de conclure un accord de réparation. Je crois qu'une fois cette décision prise, les processus de procédures pénales habituels doivent s'appliquer.
    Monsieur Rankin.
    J'aimerais remercier les deux témoins d'être ici aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant.
    Madame Condon, vous avez dit qu'il n'y avait pas de recours particuliers en cas de violation des principes. Ensuite, vous avez dit — et je pense que c'est utile — qu'il y a une obligation de rendre des comptes au Parlement, car le procureur général peut parler de la décision qu'il a prise, et la loi prévoit des mécanismes de reddition de comptes. Vous avez parlé, entre autres, de la doctrine de l'abus de procédure.
    J'aimerais avoir vos commentaires sur un autre recours. Il a été décrit par l'avocat de la défense Joseph Neuberger, qui soutient que si un membre du Cabinet du premier ministre tentait réellement de parler au procureur général en vue de mettre fin à une enquête ou à une poursuite criminelle de quelque nature que ce soit, cela pourrait constituer une entrave à la justice ou une ingérence dans les affaires d'un fonctionnaire.
    Acceptez-vous que cela pourrait être la conséquence d'une ingérence inappropriée dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire indépendant en matière de poursuites?
(1605)
    Je pense que c'est une question très intéressante, mais je crois aussi que c'est une question originale.
    Je crois certainement comprendre que l'infraction d'entrave à la justice prévue dans le Code criminel est un peu plus restreinte que cela et qu'on ne peut pas l'appliquer de façon générale aux discussions qui portent sur le fait d'intenter ou d'interrompre des poursuites.
    Encore une fois, je poserais la question à mon collègue ou à d'autres personnes qui connaissent mieux les autres dispositions du Code criminel, mais d'après ce que je comprends, ces accusations sont habituellement portées en cas d'interférence avec les preuves ou l'indépendance d'un juré, etc. Donc, je...
    Je suis d'accord. C'est la façon dont elles sont le plus souvent portées.
    Permettez-moi de vous poser une question. Nous avons entendu de nombreux témoignages, dont ceux de la sous-procureure générale. On a posé des questions sur la nature du principe Shawcross. Est-il subjectif? Est-il objectif? Présumons que dans les faits, l'ancienne procureure générale a eu l'impression subjective de faire l'objet de pressions. J'aimerais que vous teniez compte d'un critère objectif. Imaginons que le directeur des poursuites pénales a pris une décision finale selon laquelle il n'y aura pas d'accord de réparation après le 4 septembre. Ensuite, des réunions ont eu lieu le 17 septembre avec le premier ministre, le 5 décembre avec l'ancienne procureure générale et son chef de cabinet, le 18 décembre avec deux membres du personnel du Cabinet du premier ministre et avec le chef de cabinet de l'ancien procureur général. Ensuite, le 19 décembre, le greffier du Conseil privé a téléphoné pour discuter de cet enjeu.
    De quels critères pouvons-nous tenir compte dans l'application des principes Shawcross? Par exemple, en plus de l'approche subjective, notamment l'impression de faire l'objet de pressions qu'a ressentie, on peut le présumer, l'ancienne procureure générale, tiendriez-vous compte de ces facteurs pour déterminer si on a enfreint un principe de Shawcross? Qui a entamé cette conversation? Cette personne a-t-elle soulevé cet enjeu à de nombreuses reprises? Des menaces directes ou indirectes ont-elles été formulées? L'ancienne procureure générale a-t-elle indiqué que sa décision était finale? Lorsqu'on tente de trouver des principes pour déterminer s'il y a eu transgression, on peut utiliser les critères subjectifs que j'ai déjà décrits et je vous demandais si, selon vous, ces critères indiqueraient qu'il y a eu transgression s'ils étaient fondés sur des faits.
    Encore une fois, il n'est pas nécessaire de lancer un processus d'établissement des faits pour déterminer tous les aspects de ce qui est arrivé. Dans l'affaire British Aerospace, dans le contexte de l'examen judiciaire sur l'interruption des poursuites, la déclaration du témoin qui a été fournie par le procureur général faisait état de plusieurs rencontres avec l'ambassadeur britannique en Arabie saoudite, avec divers collègues du Cabinet, avec le secrétaire d'État, etc. Mais même avec ces informations, la Chambre des lords a pu déterminer qu'on avait respecté les principes appropriés dans la décision d'interrompre les poursuites.
    Manifestement, cela dépend beaucoup des faits.
    M. John Whyte, un ancien doyen de Queen's University, officiellement à la University of Saskatchewan, est l'un des théoriciens constitutionnels les plus éminents. Il a dit que certaines conversations avec le procureur général sont manifestement légitimes dans le système canadien. Cependant, il soutient également que la conversation n'est plus légitime lorsqu'on dépasse le stade des explications ou d'un avis non prescriptif. C'est difficile, car les gens tentent de rester dans les bonnes grâces de leur patron.
    Êtes-vous d'accord avec cette formulation?
(1610)
    Je suis d'accord avec cette formulation. Je crois que cela correspond tout à fait à la formulation utilisée par le professeur Edward dans son livre The Attorney-General, Politics and the Public Interest. Offrir des conseils est une chose, mais exercer des pressions en est une autre. Je crois qu'il dit clairement que les responsabilités du procureur général sont tellement importantes pour la primauté du droit qu'il est inapproprié d'exercer des pressions dans ce contexte.
    Monsieur Fraser.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais seulement aborder d'autres commentaires qui ont été formulés dans le cadre de cette affaire et obtenir votre avis. Je souligne que chaque cas doit manifestement être traité séparément et que ces décisions sont prises au cas par cas à l'aide de principes généraux. Toutefois, lorsqu'on lui a demandé son avis sur la question, l'ancien procureur général de la Colombie-Britannique, Brian Smith, qui travaille maintenant pour Gowlings, a dit ceci:
Je dirais qu'il est légitime que le premier ministre ait une discussion avec elle sur l'utilisation de cet article, et qu'il est parfaitement légitime que cette question fasse l'objet d'une discussion au Cabinet, et qu'elle en tiendrait compte au moment de décider d'utiliser ou non son pouvoir discrétionnaire [pour demander ou pour ordonner qu'on offre une mesure de redressement].
    Ce qui est intéressant au sujet de cette citation, c'est que M. Smith a démissionné du poste de procureur général de la Colombie-Britannique en 1988, car il avait l'impression de faire l'objet de pressions inappropriées de la part du cabinet du premier ministre provincial au sujet de certaines affaires judiciaires. Il a démissionné de son poste en raison de pressions qu'il qualifiait d'inappropriées.
    Un article du Lawyer's Daily mentionne le professeur de droit Andrew Flavelle Martin, de la University of British Columbia, et indique ceci:
M. Martin est d'avis qu'il serait approprié que la procureure générale consulte le Cabinet du premier ministre au sujet de mesures de redressement — « par exemple, si le Cabinet du premier ministre se disait très préoccupé au sujet des répercussions économiques et des pertes d'emplois potentielles et qu'il suggérait ensuite des mesures possibles. Cela ne serait pas un problème. Par contre, lui ordonner de faire quelque chose ou exercer des pressions pour qu'elle fasse quelque chose ou [lui dire], par exemple, de faire quelque chose faute de quoi elle sera renvoyée... cela serait inapproprié et extrêmement grave. »
    Mark Freiman, de Toronto, est un ancien sous-procureur général de l'Ontario et ancien avocat en chef de l'enquête sur Air India. Un article publié dans le Lawyer's Daily indique ceci:
Toutefois, Freiman a souligné que la procureure générale a l'obligation de tenir compte de l'intérêt du public lorsqu'elle décide d'intenter un procès ou d'offrir des mesures correctives, et pour évaluer l'intérêt du public, il est nécessaire et approprié qu'elle mène des consultations et reçoive des conseils, y compris du gouvernement.
    Encore une fois, ces personnes — qui possèdent toutes une expertise juridique — affirment publiquement que ces types de discussions sont appropriées, manifestement toutes au cas par cas, et que le caractère approprié dépendra des circonstances de chaque cas.
    Êtes-vous d'accord avec la formulation de ces personnes dans leurs conclusions?
    Je pense que je suis d'accord avec ces personnes, dans la mesure dans laquelle un grand nombre de ces formulations font la distinction entre le fait d'offrir des conseils et des renseignements et de tenir compte de l'intérêt du public d'un côté, et le fait d'avoir l'impression de faire l'objet de pressions de l'autre côté.
    Je crois qu'il y a quelque chose d'intéressant, et c'est la raison pour laquelle j'ai mentionné les facteurs d'un accord sur la suspension des poursuites à la fin de mon exposé. Mon collègue de l'Université de Sherbrooke a fait valoir le même point. Le libellé des dispositions liées aux accords de suspension des poursuites crée une liste de facteurs qu'il n'est pas approprié de considérer dans le cas d'infractions commises aux termes de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers.
    Dans un sens, on trouve, dans ces dispositions du Code criminel, un peu plus de précisions sur les éléments dont le directeur des poursuites pénales peut tenir compte ou dont il ne peut pas tenir compte qu'on en trouve dans la décision traditionnelle consistant à intenter des poursuites ou à ne pas intenter des poursuites.
    Pour les accords de réparation, des détails relatifs, en l'occurrence, à SNC-Lavalin, peuvent, tout en ne revêtant pas un intérêt économique national, diversement justifier un accord de suspension des poursuites pour sauvegarder les économies ou l'emploi locaux, etc. N'importerait-il pas que le procureur général dispose de toute l'information nécessaire, y compris contextuelle, sur ce genre d'enjeux, avant de décider d'entamer des poursuites?
    Mon collègue veut intervenir.
    Non, continuez. Je parlerai ensuite.
(1615)
    Encore une fois, je crois qu'il conviendrait certainement aux personnes qui connaissent les tenants et les aboutissants de diverses stratégies de poursuite d'en prévenir le directeur des poursuites pénales.
    Je dis seulement que la grille d'évaluation de ces paramètres est différente, et les dispositions du Code régissant les accords de suspension des poursuites l'exposent en détail.
    D'accord. Merci.
    Monsieur St-Hilaire, vous vouliez intervenir.

[Français]

    Je veux juste préciser que la loi prévoit clairement que l'intérêt économique national n'est pas censé entrer en ligne de compte dans la décision sur l'affaire qui nous occupe. Il est écrit noir sur blanc dans la loi que l'intérêt économique national ne doit pas faire partie des facteurs à prendre en compte. Ce facteur est exclu, ici. C'est une mise en œuvre d'un traité international.
    J'aimerais aussi répondre à une question qui a été soulevée plus tôt au sujet de la dimension subjective ou objective. Je ne sais pas si cela vous intéresse personnellement, mais la doctrine Shawcross a deux dimensions: les membres du Cabinet ont l'obligation de ne pas influencer le procureur général, mais ce dernier a aussi l'obligation de ne pas se laisser influencer et de prendre sa propre décision.
    Il devient un peu difficile de tracer une ligne extrêmement nette entre ce qui est subjectif et ce qui est objectif. En dernière analyse, ce qui compte dans le cas présent, c'est de savoir si la procureure générale a pris sa propre décision. Quant au poids que peut avoir eu la transmission d'informations non sollicitées, il devient très difficile d'y voir quelque chose d'éminemment objectif. Cela demeure une théorie très subjective.

[Traduction]

    Merci.
    Chers collègues, ici se termine le premier tour. Il nous reste 15 minutes.
    Cinq intervenants participeront au deuxième tour. Plairait-il à tous de réduire à trois minutes la durée de chaque intervention?
    Des députés: Oui.
    Le président: Entendu.
    Voici l'ordre des interventions: libéral, conservateur, libéral, conservateur et néo-démocrate.
    Monsieur Ehsassi
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame la doyenne.
    Si je vous ai bien comprise, vous laissez entendre que la définition d'intérêt public est très contestée.
    Dans l'une de vos publications que j'ai eu l'occasion de parcourir, on lit qu'il peut exister des interprétations légitimes mais contradictoires de l'intérêt public. La publication date de 2010.
    Seriez-vous encore d'accord avec cette affirmation?
    Oui. Je sais que c'est la prérogative d'un chercheur de changer d'idée, mais je continue de croire qu'on pourrait légitimement prendre en considération un certain nombre de paramètres. C'est ce qui complique tellement la tâche du procureur général ou du directeur des poursuites pénales, qui est de trancher, dans un sens ou l'autre, après confrontation de divers facteurs.
    J'en conviens, l'intérêt public n'est pas unidimensionnel, mais pluridimensionnel. J'ai vu des discussions privilégier la dimension sécurité nationale dans l'interprétation de la notion d'intérêt public. Mais il y en a eu d'autres, bien avant. Il existe, en Angleterre, des exemples dans lesquels on s'est demandé s'il fallait poursuivre des grévistes, par exemple, encore une fois au nom de l'intérêt public.
    Merci.
    L'autre témoin a dit que notre régime des poursuites pénales n'est pas à la hauteur des normes internationales. Vous qui en avez étudié les détails, qu'en pensez-vous?
    Je pense que mon collègue mettait certainement en relief le fait que le procureur général, contrairement à son homologue du Royaume-Uni, fait partie du Cabinet fédéral.
    Il y a certainement là une part de mystère parce que, comme Edwards et Stenning l'ont fait remarquer, si son exclusion du Cabinet se justifiait au Royaume-Uni, on ne comprend pas pourquoi ça n'a pas eu d'effet d'entraînement ailleurs dans le Commonwealth. Encore une fois, la question mériterait un examen sérieux. Je note que mon homologue Adam Dodek, doyen de l'école de droit de l'Université d'Ottawa, a aussi examiné une facette de la question dans une chronique d'un journal, pendant la fin de semaine.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, l'existence d'une direction des poursuites pénales vise manifestement à dépolitiser la prise de décisions en matière de poursuites. C'est une autre façon d'évaluer sans parti pris la question de l'intérêt public.
(1620)
    Merci beaucoup.
    Madame Raitt.
    Merci, madame la doyenne.
    Je suis désolée, mais je vais vous questionner aussi à ce sujet, en m'appuyant sur votre témoignage. J'apprécie vraiment ce que vous nous avez dit au début.
    Ce n'est pas nécessairement hypothétique, mais je vais essayer de vous présenter les faits comme un processus. Peut-être pouvez-vous m'aider à comprendre, d'après ce que vous avez dit.
    On a décidé d'entamer des poursuites. Les poursuites au criminel ont une date fixée pour une enquête préliminaire dans six semaines. Le procureur général a décidé qu'il n'interviendrait pas et l'a laissé savoir, mais la pression continue de s'exercer sur lui, pour qu'il change d'idée. J'en viens aux remèdes que vous avez évoqués et qui m'ont intéressée. Le procureur général continue de recevoir des présentations et vous avez dit que, dans notre régime parlementaire, soit il doit répondre au Parlement de la décision qu'il prendra — ce que j'accepte, en étant d'accord — mais, ensuite, vous avez conseillé la démission, si elle croyait ne pas bénéficier de la confiance du Cabinet.
    Si personne ne lui a dit qu'elle n'avait pas la confiance du Cabinet, comment saurait-elle qu'elle doit démissionner, du fait des pressions exercées sur elle? Quand est-elle obligée, en sa qualité de procureure générale, de renoncer, vu que personne ne lui dit qu'elle est en danger, que son poste... qu'elle ne fait pas de l'excellent travail? Si elle bénéficie encore de la confiance du Cabinet, comment saurait-elle qu'elle doit démissionner?
    Disons que la décision de démissionner est extrêmement grave et ne devrait vraiment se prendre, dans le cas du procureur général, qu'en dernier recours. On ne la propose pas à la légère. Il faudrait que le procureur général soit convaincu, à cause des circonstances, de la perte de respect de ses collègues pour l'indépendance de son jugement sur le moment et les modalités des poursuites à entamer.
    Je vous remercie de m'avoir permis de clarifier que cette décision, par cet acteur, se prend vraiment en dernier recours.
    Merci. Je l'apprécie.
    Monsieur le président, je tenais à rectifier la déclaration d'un député sur la démission de M. Smith, en Colombie-Britannique. D'après le hansard, ce ministre aurait démissionné parce que le premier ministre le limogeait. En sa qualité de procureur général, il estimait devoir démissionner pour dire la vérité sur le fait que le cabinet du premier ministre sapait l'indépendance de son poste. Voilà pourquoi il l'a fait.
    Je n'ai pas d'autres questions, madame la doyenne. Merci beaucoup d'avoir répondu à celle que je vous ai posée.
    Merci beaucoup. Vous avez pris exactement trois minutes. Toutes mes félicitations.
    La parole est maintenant à M. McKinnon, puis aux conservateurs, puis à M. Rankin.
    Monsieur McKinnon.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Condon, vous avez nettement distingué conseils et pressions. D'après le témoignage du greffier du Conseil privé, la semaine dernière, les ministres sont sans cesse soumis à des pressions — toutes leurs actions aussi —, et le procureur général n'y fait pas exception. Je pense que nous parlons de pressions excessives ou inappropriées. Ne seriez-vous pas d'accord?
(1625)
    Je ne suis pas certaine de pouvoir affirmer que, de manière générale, tous les ministres subissent des pressions, mais je suppose que notre intérêt à tous pour la question découle du rôle extrêmement précis et capital du procureur général dans le jeu des principes directeurs de notre démocratie.
    Le procureur général n'est pas le seul gardien de la primauté du droit, mais il a le souci dominant d'assurer le maintien et l'intégrité de l'administration de la justice et de la primauté du droit ainsi que la confiance du public à leur égard. Voilà pourquoi je pense qu'on veille particulièrement à l'indépendance dont il a besoin pour bien s'acquitter de ses responsabilités.
    Je ne conteste certainement pas le besoin d'indépendance, mais je crois que, dans le Cabinet, beaucoup de pressions s'exercent sur à peu près chaque décision. On essaie sans cesse d'influencer les ministres. Ça fait partie de leur tâche. D'après moi, nous devons nous demander ici si les pressions ont atteint un niveau inapproprié.
    Si vous êtes d'accord sur ce que je viens de dire, qu'est-ce qui constituerait, d'après vous, une pression excessive, et qui en déciderait? Quel serait le recours du procureur général s'il avait l'impression d'avoir subi une pression excessive?
    Pour répondre d'abord à votre dernière sous-question, ça revient à la question de la responsabilité parlementaire, dans le sens que l'un des remèdes qui s'offrent au procureur général qui se trouve dans cette position est de chercher à décrire les circonstances de cette pression au Parlement.
    Mais, dans le contexte où tout se rattache à la décision d'entamer des poursuites, la difficulté, pour la plupart des titulaires du poste de procureur général ou de directeur des poursuites pénales, est qu'ils devraient attendre, avant d'en parler, le règlement de l'affaire pour ne pas influer entretemps sur le procès.
    Merci.
    Monsieur Rankin.
    Monsieur St-Hilaire, dans votre dernière intervention, vous avez dit deux choses qui m'ont semblé importantes.
    Vous avez d'abord dit que l'essentiel était si elle avait pris elle-même sa propre décision définitive. Bien sûr, elle l'a fait, dans le cas qui nous occupe. La décision prise le 4 septembre, il était clair que la procureure générale n'allait pas la modifier. Ensuite, au sujet des accords de suspension des poursuites, vous avez dit que c'était — je pense vous citer — écrit noir sur blanc que l'intérêt économique national ne pouvait pas faire partie des facteurs à prendre en compte d'après cette loi. Il était évident que ce facteur ne pouvait pas s'appliquer dans les circonstances.
    Si la décision définitive a été prise par la Direction des poursuites pénales et l'ancienne procureure générale, qu'est-ce qui pouvait être approprié dans les conversations ultérieures avec la procureure générale? M. Andrew Roman a écrit:
La seule raison pour laquelle [le premier ministre ou son cabinet voulait] discuter de sa... décision à elle aurait été de l'inciter à la changer sans que ça paraisse. C'est une atteinte à la primauté du droit.
    Êtes-vous d'accord avec son affirmation?

[Français]

    J'ai en effet beaucoup de mal à voir, si la décision est déjà prise, comment la théorie pourrait s'appliquer. En effet, si la décision est déjà prise, je vois mal comment on peut obtenir des informations utiles à la prise de décision. S'il y a des discussions au Cabinet sur une affaire précise alors que la décision est déjà prise, c'est très louche.
    Est-ce que j'ai répondu à la question?
(1630)
    Oui, bien sûr. Merci.

[Traduction]

    Monsieur Cooper.
    À ce sujet, monsieur St-Hilaire, vous avez dit qu'il vous serait difficile de comprendre comment des renseignements supplémentaires pourraient être utiles une fois la décision de la procureure générale prise sur la question. Je suppose que ce serait encore plus problématique si la nature de ces discussions touchait des questions qui étaient expressément à éviter, n'est-ce pas? Ça pourrait vraiment équivaloir à une certaine idée d'un certain niveau de pression.

[Français]

    En effet.

[Traduction]

    M. McKinnon a dit qu'on essayait d'influencer tout le temps les ministres, mais, clairement, pas en ce qui concerne l'exercice, par la procureure générale, de son pouvoir discrétionnaire à l'égard des poursuites à entamer. Seriez-vous d'accord?

[Français]

    On n'est pas censé exercer de la pression, mais bien mettre à la disposition de la personne de l'information utile.
    Par ailleurs, je ne sais pas s'il est opportun de le faire maintenant, mais j'aimerais apporter une précision sur les recours pour la mise en œuvre de la théorie Shawcross. On a parlé de la responsabilité devant le Parlement, mais je veux juste souligner quelque chose: il faut faire la distinction entre la responsabilité du gouvernement devant la Chambre, qui est solidaire, et la responsabilité individuelle des ministres. Les ministres sont responsables, individuellement, de la gestion courante de leur ministère.
    Or, lorsque plusieurs ministres tiennent des discussions au Cabinet et qu'il y a des dissensions ou des désaccords, c'est couvert par le secret. Autrement dit, la responsabilité devant la Chambre est d'une utilité très limitée lorsqu'il s'agit de savoir si la théorie Shawcross est bien appliquée. C'est très difficile, parce que la responsabilité individuelle du ministre se limite en grande partie aux questions de gestion courante du ministère. À mon avis, cela peut couvrir très difficilement les discussions du Cabinet au cours desquelles il y a des dissensions. S'il y a des désaccords entre les membres du Cabinet, la responsabilité individuelle ne permettra pas de révéler ces faits au grand jour. À mon avis, cette doctrine demeure relativement occulte et difficile à mettre en œuvre.

[Traduction]

    D'accord. Merci.
    Chers collègues, M. Fortin demande qu'on lui accorde trois minutes.
    Êtes-vous d'accord?

[Français]

    Des députés: D'accord.
    Monsieur Fortin, vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame la doyenne, selon ce que j'ai compris, vous avez dit tantôt que le procureur général devait s'assurer d'avoir en tout temps la confiance du Cabinet et que, dans le cas contraire, cette personne devrait démissionner.
    Dois-je en comprendre que, si le procureur général n'a plus la confiance du Cabinet, mais qu'il ne démissionne pas, le premier ministre peut légitimement le démettre de ses fonctions? Autrement, à quoi cette personne s'expose-t-elle si elle ne démissionne pas alors qu'elle n'a plus la confiance du Cabinet?

[Traduction]

    Je répondrais que le rôle capital et les priorités du procureur général sont d'administrer la justice et de veiller à la primauté du droit.
    Encore une fois, sans connaître les faits précis, il est difficile d'imaginer une circonstance dans laquelle, si le pouvoir de la prise d'une décision indépendante par le procureur général était quelque peu diminué et si la confiance dans ce pouvoir était minée par ses collègues, il lui serait quand même possible de continuer à jouer ce rôle vraiment difficile.
    Cela étant dit, comme je l'ai dit, la décision ne devrait pas se prendre dans un contexte dans lequel il pourrait y avoir désaccord d'une personne sur une interprétation particulière de la notion d'intérêt public. Je pense que ce doit plutôt être une démonstration sérieuse d'une absence de confiance, avant que le procureur général ne prenne cette décision très spectaculaire.
    Je pense ne pas avoir tout à fait répondu à la première partie de votre question. Peut-être pourriez-vous la répéter, parce que je pense m'être égarée.
(1635)

[Français]

    Je n'ai pas entendu la fin de la réponse; l'interprétation s'est arrêtée avant.
    Elle vous a demandé de répéter la première partie de vos commentaires.
    D'accord.
    Selon ce que j'ai compris de vos commentaires, le procureur général doit démissionner s'il n'a plus la confiance du Cabinet.
    Ma première question vise à savoir si cette personne doit s'assurer d'avoir en tout temps la confiance du Cabinet à l'égard des décisions qu'elle prend.
    Deuxièmement, dans la mesure où cette personne n'a plus cette confiance, si elle ne démissionne pas, à quoi s'expose-t-elle? Une rétrogradation de la part du premier ministre serait-elle justifiée dans des circonstances comme celles-là?

[Traduction]

    Eh bien, je pense que la démission est motivée par l'incapacité du procureur général de continuer à s'acquitter de son rôle.
    Encore une fois, je le répète, ça ne devrait pas être facile, mais ça doit peut-être se produire si, à cause d'une cascade importante d'événements, il devient difficile au procureur général de continuer à s'en acquitter.
    Quant aux caractéristiques et aux qualités indispensables à ce rôle, on peut penser qu'il se présente des occasions au Cabinet de déterminer que, dans des circonstances particulières, il peut être préférable de confier le rôle à quelqu'un d'autre. Mais, encore une fois, le risque est, pour l'ensemble des ministres, d'être lui aussi tenu de rendre des comptes au public et des comptes sur le plan politique pour ce genre de détermination.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Chers collègues, il ne reste plus de temps pour questionner le premier groupe de témoins.
    Avant d'accueillir le deuxième groupe, on soumet à notre approbation un budget pour ces réunions et je demande si vous êtes tous prêts à l'accepter. Le montant est de 5 900 $.
    Chers collègues, êtes-vous tous d'accord?
    Des députés: Oui.
    Le président: Je vous remercie.
    Nous nous arrêtons momentanément et faisons une courte pause pour permettre au deuxième groupe de témoins de prendre place.
    Merci.
(1635)

(1645)
    Un peu de silence. Merci.
    Nous reprenons en accueillant notre deuxième groupe de témoins de la journée.
    Nous sommes très heureux d'accueillir Mme Mary Ellen Turpel-Lafond, qui est avocate-conseil associée principale chez Woodward et Cie LLP et, aussi, professeure à l'école de droit de l'Université de la Colombie-Britannique. Soyez la bienvenue. Nous vous remercions de votre présence.
    Ici même, nous accueillons Mme Wendy Berman, avocate et partenaire chez Cassels Brock et Blackwell LLP, ainsi que M. Kenneth Jull, avocat chez Gardiner Roberts LLP et professeur. Soyez les bienvenus.
    Normalement, nous entendons d'abord les personnes qui témoignent par vidéoconférence, au cas où la liaison serait rompue.
    Madame Turpel-Lafond, vous avez la parole. Vous disposez de 8 à 10 minutes.
    Premièrement, j'ai été en mesure d'écouter les exposés des deux témoins précédents et d'entendre la plupart des questions. Je regrette de ne pas être là en personne aujourd'hui, mais j'ai à tout le moins été en mesure d'écouter. Bien entendu, ils ont passablement parlé de la primauté du droit et des principes juridiques qui s'appliquent dans les circonstances.
    J'ai quelques points de vue différents que j'aimerais exprimer, et je serai ravie de répondre à vos questions à ce sujet.
    En particulier, je pense que ce que nous évaluons comme étant rationnel ou non rationnel implique une compréhension beaucoup plus approfondie des faits. En droit, je crois que nous comprenons que la primauté du droit exige que tous les fonctionnaires, dans leurs actions, exercent un pouvoir légitime qui respecte la primauté du droit, les conventions et les principes constitutionnels et l'important rôle indépendant du procureur général.
    J'ai un avis un peu différent au sujet de l'obligation du procureur général, lorsqu'il agit à titre de procureur général... qu'il devrait démissionner. On a passablement discuté de cela. J'ai pu écouter ce qui s'est dit, et je dois dire que mon point de vue est un peu différent des opinions des témoins précédents.
    Je le répète, nous ne disposons pas de tous les faits, et les faits sont très importants. Il y a des nuances qui sont essentielles. Je crois qu'il pourrait y avoir une explication rationnelle au fait qu'un procureur général, qui agit à titre de procureur en chef et de premier conseiller juridique du Canada, ne démissionnerait pas lorsque son indépendance n'aurait pas été respectée. À mon avis, c'est parce que la Constitution, conformément à la primauté du droit au Canada, exige que le procureur ne démissionne pas, qu'il résiste aux pressions, et que, si des pressions sont exercées — et je sais que cela n'a pas été entièrement établi — qu'il défende fermement la primauté du droit.
    Les procureurs sont très rarement congédiés pour avoir effectué leur travail. Cependant, si on prouve qu'un procureur général a défendu fermement la décision qu'il a prise en tant que procureur et procureur en chef du Canada, c'est-à-dire en tant que procureur général appelé à respecter ce principe très important et bien défini qu'est la primauté du droit, je crois qu'il serait très préoccupant qu'on le démette de ses fonctions.
    Quant à la question de démissionner par rapport à celle de démettre de ses fonctions, il se pourrait très bien que nous soyons en présence d'une situation où une procureure a été démise de ses fonctions et non où une procureure générale devrait démissionner. En fait, les procureurs ne devraient pas démissionner. Les procureurs en chef, lorsqu'ils ont pris une décision, devraient la maintenir fermement, en conformité avec la primauté du droit.
    Par ailleurs, je crois qu'il est important que ceux qui cherchent à influencer le procureur général lorsqu'il agit à titre de procureur général... et je suis d'accord avec le témoin précédent, qui a affirmé que la doctrine Shawcross est un piètre argument à faire valoir pour justifier qu'un fonctionnaire puisse tenter fortement de persuader un procureur général de changer d'avis. Je crois qu'il faut comprendre la doctrine Shawcross dans le contexte de la Constitution du Canada, des principes de la primauté du droit, qui ont été très clairement réaffirmés dans le renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, le renvoi relatif à la sécession et le renvoi du juge.
    Je crois que lorsque le procureur général agit à titre de procureur, il devrait demeurer ferme. La personne qui invoque la doctrine Shawcross pour justifier qu'elle a le pouvoir légitime d'essayer de convaincre le procureur général de modifier sa décision utilise à mon avis un piètre argument. Il faut faire très attention si on invoque cet argument.
    Tous les fonctionnaires, les membres de la branche exécutive et administrative du gouvernement, doivent toujours agir en ayant le pouvoir légitime de le faire. Ce pouvoir doit être clairement défini et évident. Je crois que s'il existe des ambiguïtés, elles seront toujours dissipées grâce à ces rôles indépendants et quasi judiciaires très importants, comme le rôle indépendant du procureur général du Canada.
(1650)
    Bien entendu, l'indépendance et le rôle du procureur général ne font pas toujours l'objet d'un examen minutieux, comme c'est le cas aujourd'hui. Dans le cadre de certaines poursuites, il est certain que le rôle du service des poursuites pénales et des procureurs du Canada a fait l'objet d'un examen minutieux, que ce soit en raison de questions liées aux droits garantis par la Charte, d'irrégularités et peut-être d'un délit de poursuite malveillante. Les tribunaux sont saisis de ces affaires de différentes façons, mais le pouvoir discrétionnaire de décider d'autoriser une poursuite ne fait vraiment pas l'objet d'un examen, à moins qu'il y ait, comme l'a dit, je pense, le regretté juge Marc Rosenberg, des irrégularités flagrantes. Je crois que certains de ces principes sont très bien établis.
    Le rôle de procureur doit être un rôle indépendant. Nous l'avons établi et nous comprenons cela. Le procureur prend des décisions, y compris la décision d'autoriser une poursuite. Lorsque le processus commence, qu'il s'agisse d'une enquête préliminaire ou d'un procès, les choses peuvent changer. J'ai déjà été juge et j'ai présidé de nombreux procès, et il est arrivé souvent qu'on commence un procès, et, qu'à un moment donné, un avocat me dise « Votre Honneur, nous avons une proposition conjointe de résolution que nous aimerions vous soumettre. » Le procès était bien entamé, mais les choses ont changé.
    Lors de poursuites, les choses changent effectivement, mais elles changent à la suite d'une décision prise selon des paramètres très bien définis. Elles peuvent changer en raison de la probabilité d'être déclaré coupable d'une infraction en particulier. Elles changent peut-être pour éviter à une victime de témoigner. Elles changent pour diverses raisons. Bien entendu, nous favorisons le règlement des affaires sans qu'il y ait à y avoir chaque fois un procès en bonne et due forme.
    Lorsqu'un procureur décide de sonder, devant un tribunal, la preuve préparée par le gouvernement aux fins d'une poursuite, cette décision est très importante. Le pouvoir légitime d'intervenir relativement à cette décision est restreint. Si, dans le cas que vous examinez — et comme je l'ai dit, nous ne connaissons pas tous les faits — on découvre qu'il y a eu des interventions relativement à une telle décision, je pense que ce serait une situation très importante qui susciterait des préoccupations relativement au respect de la primauté du droit au Canada.
    J'ai travaillé de près avec des procureurs et je comprends le fonctionnement du service des poursuites, alors je peux dire que les procureurs sont très bien formés. Ils rendent des comptes et exigent des comptes de la part des autres, et, s'il y a la moindre indication que des décisions s'écartent des paramètres légaux, ils sont en mesure d'établir des limites. Je ne suis pas certaine si dans ce cas-ci il n'était pas possible d'établir des limites, mais peut-être qu'il s'agit d'un cas où une procureure a été congédiée pour avoir établi une limite qui n'a pas été acceptée. Je n'en suis pas certaine. Je crois qu'il y a des doutes et des préoccupations à ce sujet.
    Je dirais que s'il y a de l'ambiguïté quant aux règles qui s'appliquent, cette ambiguïté est liée au pouvoir légitime que des fonctionnaires ou d'autres membres de la branche exécutive du gouvernement font valoir pour justifier leurs actions. Je n'ai pas suivi cette affaire de très près, mais outre la doctrine Shawcross, qui à mon avis est une piètre justification, le pouvoir légitime ne justifie pas non plus très bien le fait d'intervenir auprès d'un procureur.
    J'estime que les faits sont extrêmement importants. Il n'est pas inapproprié pour un fonctionnaire de faire savoir à un procureur qu'il est prêt à lui fournir davantage de renseignements s'il en a besoin. C'est tout à fait correct. Il s'agit-là d'une démarche passive et respectueuse, mais lorsqu'on intervient de façon très vigoureuse en insistant pour que le procureur change d'opinion, je crois qu'il s'agit-là d'un problème très sérieux de respect de la primauté du droit.
    Divers facteurs sont en jeu, et certains ont été abordés par les témoins précédents, mais il est certain que nous devons comprendre très clairement comment les choses se sont déroulées. Je ne veux pas du tout laisser entendre qu'un procureur général est une personne fragile qui ne peut pas faire face à de la résistance. Il faut s'interroger à propos du caractère convenable des demandes qui peuvent être faites à un procureur général. Il faut se demander quel est l'objectif de ces demandes.
(1655)
    Si l'objectif est de persuader le procureur général à titre de procureur en chef de changer d'avis au sujet d'une poursuite, cela est très préoccupant en ce qui concerne la primauté du droit. Comment déterminer si c'est très préoccupant ou non? Eh bien, bien entendu, il faut entendre les personnes qui ont peut-être été impliquées. Peut-être que nous n'avons aucune raison d'être préoccupés en ce qui concerne la primauté du droit. J'espérerais que ce soit le cas. Cependant, lorsqu'on songe à toute la gamme des demandes qui peuvent être faites à un procureur général, je crois que certaines d'entre elles sont très préoccupantes, et certaines m'inquiètent terriblement.
    Une des situations les plus troublantes serait celle où des fonctionnaires et des membres de la branche exécutive diraient au procureur général qu'ils n'aiment pas la décision qu'il a prise et qu'ils voudraient qu'il obtienne l'avis de quelqu'un d'autre. Ce serait très préoccupant. Je ne dis pas que c'est ce qui s'est passé dans ce cas-ci, mais c'est un exemple, à bien y réfléchir, d'une situation où on rejette en quelque sorte le rôle décisionnel du procureur général en tant que procureur en chef. Si on disait plutôt, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'on serait prêt à fournir des renseignements si nécessaire...
    Entre les deux extrêmes, l'un étant qu'on insiste pour que le procureur général obtienne une opinion différente, car on n'approuve pas ou on ne respecte pas son point de vue — et je ne dis pas que c'est ce qui s'est produit dans ce cas-ci, mais si c'est le cas, c'est très sérieux — et l'autre étant qu'on est disposé à fournir des renseignements au besoin, il y a toute une gamme de demandes qui pourraient être faites, qui sont toutes étroitement liées à la primauté du droit et qui devraient être examinées attentivement au cas par cas.
    Bien entendu, en ce qui concerne la primauté du droit...
    Madame Turpel-Lafond, je veux seulement vous avertir que vous êtes rendue à 12 minutes. Ce serait fantastique si vous pouviez conclure durant la prochaine minute.
    Oui, je suis désolée.
    Le dernier point que je souhaitais mentionner à propos de l'exercice du pouvoir légitime et du pouvoir discrétionnaire des procureurs, c'est que la primauté du droit s'appuie sur nos conventions, nos pratiques, nos lois qui régissent les poursuites, les manuels des procureurs et d'autres choses. Il y a aussi les conventions et les obligations internationales.
    Puisqu'il existe des normes internationales avec des lignes directrices, par exemple, concernant les poursuites dans les cas de corruption, la primauté du droit au Canada s'appuie également là-dessus, car notre pays est un citoyen du monde et un participant à un vaste réseau juridique. Comme le Canada respecte des conventions et des traités internationaux — je crois qu'il y a trois traités internationaux, dont la Convention de l'OCDE, concernant la corruption — on s'attend à ce que les procureurs les respectent, compte tenu de la primauté du droit, et c'est important. La primauté du droit s'appuie également sur des traités signés par plusieurs États.
    Je vais terminer en disant qu'il y a des nuances. J'ai écouté les témoins précédents, et je suis d'accord avec la plupart de leurs propos, quoique j'aie une compréhension un peu différente. Je dirais au Comité que ceux qui font des demandes à un procureur général qui exerce son pouvoir à titre de procureur en chef doivent disposer d'un pouvoir légitime qui justifie leurs actions. Je dirais également que la doctrine Shawcross est une piètre justification.
(1700)
    Je vous remercie beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Berman.
    Je remercie les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
    Je vais vous entretenir des accords de réparation et des accords de poursuite suspendue en tant qu'avocate de la défense qui a participé à la négociation de tels accords.
    Comme vous le savez bien, le régime au Canada du côté criminel est récent, alors il n'y a pas beaucoup d'accords de poursuite suspendue, mais dans le contexte de la réglementation des valeurs mobilières et d'autres contextes où il y a des allégations graves d'actes répréhensibles de la part d'une société, les procureurs ont à leur disposition toute une panoplie d'outils pour traiter ces affaires d'actes répréhensibles.
    L'un de ces outils est l'accord de poursuite suspendue. J'ai travaillé pendant de nombreuses années dans le cadre d'un certain nombre de contextes pour veiller à ce que cet outil soit mis à la disposition des procureurs. Dans certaines sphères, ce type d'accord a une connotation négative, car il est considéré comme un moyen pour les sociétés de ne pas assumer leur responsabilité, mais c'est une fausse interprétation de ce qu'est un accord de poursuite suspendue et de la situation unique d'une société qui fait face à des allégations d'actes répréhensibles, comme la corruption et des infractions aux lois sur les valeurs mobilières en matière de divulgation d'information.
    La société qui est accusée d'une telle infraction ou qui fait l'objet d'une enquête à propos de telles allégations est dans une situation unique et différente de celle de personnes qui font l'objet des mêmes allégations d'actes répréhensibles.
    L'accord de poursuite suspendue, dans sa nature, tient la société responsable de l'acte répréhensible. À mon humble avis, ce type d'accord répond à tous les objectifs à atteindre pour que le système de justice pénale soit robuste. Il procure, de façon plus importante, des avantages que ne permet pas d'obtenir le système binaire et rigide selon lequel on est déclaré coupable ou non coupable.
    Un régime d'accord de poursuite suspendue doit être robuste, et à mon avis, le régime mis en place au Canada est un régime robuste. Il est très similaire à celui qui a été adopté au Royaume-Uni et il comporte des éléments améliorés qui le rendent différent du régime mis en place aux États-Unis.
    Par exemple, les sociétés qui bénéficient d'un accord de poursuite suspendue vont admettre qu'elles ont mal agi et elles vont en assumer la responsabilité. Dans chaque accord de poursuite suspendue, il y a un énoncé des faits qui décrit la nature de l'acte répréhensible. Un accord de poursuite suspendue comporte des dispositions concernant la réparation, notamment des améliorations à apporter au régime interne de conformité et une sanction pécuniaire.
    En ce qui concerne les objectifs du système de justice pénale, ce type d'accord répond à ces objectifs en ce qui a trait à la responsabilité. Ce type d'accord vise à ce que les torts soient réparés auprès du marché et des personnes touchées par l'acte répréhensible. Il vise également la dissuasion.
    L'aspect le plus important d'un accord de poursuite suspendue est le règlement très rapide de l'affaire. Ce genre d'affaire et d'acte répréhensible sont complexes, alors, habituellement, il s'écoule plusieurs années avant qu'on indique au public quelles sont les attentes.
    Un accord de poursuite suspendue est bénéfique pour l'ensemble du pays et les marchés parce qu'il nous permet de progresser. Il permet à un procureur d'énoncer plus rapidement que lors d'une poursuite normale les attentes concernant les pratiques exemplaires en matière de gestion des régimes internes de conformité.
    Ce qui est également très important, c'est qu'un tel accord permet d'éviter des dommages collatéraux. Le comportement d'une société est attribuable à des personnes, et, si une société prend des mesures à l'égard de l'acte répréhensible allégué en améliorant son régime de conformité, en imposant des mesures disciplinaires aux personnes responsables de l'acte répréhensible ou en démettant de leurs fonctions des cadres supérieurs ou intermédiaires responsables de l'acte répréhensible et en améliorant son propre régime de conformité par l'entremise d'un accord de réparation, alors elle fait progresser, comme je l'ai dit plus tôt, l'amélioration des pratiques exemplaires en matière de gestion des sociétés et elle établit une norme que toutes les sociétés canadiennes auront à respecter.
(1705)
    Le régime binaire qui offre la possibilité entre une condamnation ou aucune condamnation a comme effets collatéraux que les intervenants aujourd'hui paient le prix d'une condamnation. Donc, dans certaines circonstances, il pourrait convenir d'explorer la possibilité d'un accord de suspension des poursuites pour éviter de tels dommages collatéraux. Les dommages collatéraux seront ressentis par tous les intervenants de l'entreprise. Les employés, les retraités, les partenaires d'affaires, les fournisseurs ou les partenaires en aval ou en amont de l'entreprise — tous vont en ressentir les effets, avec le tort que va causer à la réputation de l'entreprise et à ses activités une condamnation qui pourrait l'empêcher complètement de poursuivre ses activités.
    Donc, dans certaines circonstances, une société risquerait vraiment de dépérir et de cesser d'exister, et ceux qui comptent sur la société pour profiter des retombées économiques en subiraient tous les dommages collatéraux. Dans de telles situations, le procureur peut, compte tenu de ce que les autres témoins ont dit — dans l'intérêt public — regarder ces facteurs au moment de déterminer que les circonstances justifieraient d'envisager autre chose que le régime qui impose un choix entre condamner ou ne pas condamner.
    Il est important de savoir qu'un accord de suspension des poursuites n'est pas un accord de non-poursuite, autre outil offert au procureur d'autres territoires. Ce serait le cas d'une société qui n'est pas accusée et dont la conduite n'est pas tenue en compte. Ici, avec l'accord de suspension des poursuites, la société est accusée. Au moyen de l'accord de suspension des poursuites, l'État conclut un accord de réparation qui permet la suspension des poursuites contre la société, cette suspension étant conditionnelle. La société doit respecter toutes les modalités de l'accord de réparation qui, comme je l'ai indiqué précédemment, comprendrait certaines mesures que la société doit prendre concernant sa propre organisation interne et son régime interne de conformité: le paiement d'une sanction pécuniaire; souvent, l'imposition d'un surveillant, soit un tiers indépendant chargé d'examiner les mesures que la société prend; et souvent l'obligation de faire rapport à la cour ou au procureur des progrès réalisés concernant les modalités de l'accord de réparation.
    Si l'accord de réparation est enfreint, la société fera alors l'objet de poursuites. Si la société respecte toutes les modalités de l'accord, les accusations sont rejetées.
    Ainsi, l'objectif important du système de justice pénale — tenir les autres responsables des actes répréhensibles qu'ils ont commis — est atteint, et ce, de manière à éviter les résultats parfois très draconiens qui peuvent se produire quand une société fait face à une condamnation.
    Quand le Canada envisageait la mise en oeuvre d'un tel régime, il a pu regarder du côté d'autres États qui avaient adopté des régimes de suspension des poursuites ou des régimes semblables, et il a décidé de le faire. Le Canada a maintenant, grâce au régime de suspension des poursuites, un outil efficace semblable à ceux de nombreux autres États étrangers, y compris le Royaume-Uni, les États-Unis, d'autres pays membres de l'Union européenne, et l'Australie, le dernier pays à avoir adopté un régime de suspension des poursuites.
(1710)
    Nous pouvons profiter de l'expérience des autres — les États-Unis ont un régime de suspension des poursuites depuis le début des années 1990, et il est donc le premier de la liste des pays à l'avoir fait. Le régime américain est différent du régime canadien. Ce que l'on constate, c'est que le régime est utilisé dans des circonstances limitées, et ce, dans les cas qu'on avait prévus. Certaines conditions doivent être respectées pour qu'on puisse juger qu'une société est admissible à un accord de suspension des poursuites. Par exemple, en 2018 seulement, il y a eu à l'échelle des États-Unis 24 accords de suspension des poursuites et accords de non-poursuite. Ce n'est pas un nombre renversant, étant donné le nombre d'enquêtes actives et le nombre de cas en instance.
    Le Royaume-Uni a adopté un régime de suspension des poursuites en 2013, et il n'y a eu que quatre accords de suspension des poursuites. On ne sent pas tant la crainte entourant le recours à de tels accords quand on regarde les autres administrations.
    Le régime canadien comporte deux très importants attributs qui font qu'il est robuste, notamment des conditions que le procureur doit respecter pour même envisager de négocier des accords de réparation. Fait intéressant et important, l'une de ces conditions est que le procureur général consente à l'accord de suspension des poursuites avant que les négociations commencent. Le procureur joue un rôle de surveillance, et les tribunaux assument aussi un autre rôle très important de surveillance. Enfin, et surtout, le régime garantit la transparence. Notre régime est plus dissuasif et nous déplaçons l'attention sur les bonnes pratiques des sociétés, car tous les accords de suspension des poursuites seront rendus publics, à moins que le tribunal ait de bonnes raisons d'en reporter la publication.
    Je vais laisser la parole à mon collègue, M. Jull, qui va aussi vous parler des accords de suspension des poursuites.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Jull.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, c'est pour moi un honneur d'être invité à venir vous parler d'accords de réparation.
    Depuis 2014, je soutiens avec d'autres personnes que nous devons avoir des accords de suspension des poursuites, et j'ai été ravi de l'adoption de la loi en 2018. La loi énonce six raisons ou objectifs, et j'aimerais les parcourir.
    Le premier objectif de ces accords est de dénoncer tout acte répréhensible. Le deuxième est de tenir les organisations responsables. Le troisième est de favoriser l'adoption d'une culture de conformité. Le quatrième — et c'est très important — est d'encourager la divulgation volontaire des actes répréhensibles. C'est le principe de la société qui sort de l'ombre et qui dit aux procureurs quelque chose que le gouvernement n'a pas encore découvert. Je vais revenir à cela si j'en ai le temps plus tard. Le cinquième objectif est de prévoir la réparation des torts causés aux victimes. Le sixième objectif est de réduire les conséquences négatives de l'acte répréhensible sur les employés, les clients, les retraités ou autres personnes qui ne se sont pas livrées à l'acte répréhensible.
    J'aimerais consacrer un peu de temps au dernier objectif. Un critère semblable est utilisé dans la loi du Royaume-Uni. On y parle d'effets collatéraux sur les fonctionnaires et les actionnaires, comme Mme Berman l'a indiqué. Je crois que nous devrions en parler un petit peu pour comprendre cela. Les effets négatifs ou collatéraux sur les personnes qui ne sont coupables d'aucun acte répréhensible sont particulièrement graves si la société en question fait beaucoup de travail pour le gouvernement. C'est parce qu'au Canada, dans le régime actuel, une condamnation mène à la radiation pour une période de 10 ans, avec la possibilité d'une période réduite de 5 ans. Les effets collatéraux sur les employés, les retraités et les clients sont bien réels si la société ne peut pas répondre à des appels d'offres ou accomplir du travail pour le gouvernement pendant 10 ans.
    Je ne veux pas le faire, mais je pourrais finir par vous donner une petite leçon sur la responsabilité criminelle des entreprises. Il faut vraiment que vous compreniez la responsabilité criminelle des entreprises telle qu'elle est énoncée dans le Code criminel à l'article 22.2 pour comprendre la dynamique d'une société par rapport aux particuliers.
    Permettez-moi de vous donner un exemple. Il n'y a eu qu'une seule cause examinée en justice au Canada à cet égard. Il s'agit de l'affaire R c. Pétroles Global inc. Dans sa décision, le juge Tôth a dit:
Les procureurs n'auront plus besoin de prouver que la faute vient du conseil d'administration ou des plus hautes sphères d'une société: il peut même suffire de prouver la faute de cadres intermédiaires.
    Cela signifie qu'il est possible que des cadres supérieurs ou même des cadres intermédiaires, dans le cadre de leurs attributions — et c'est un point très important —, puissent avoir commis une infraction, notamment sous la forme d'un pot-de-vin, alors que de très nombreux employés n'en avaient aucune idée. Les clients et les retraités ont un lien encore moins direct avec le cercle des personnes au courant du pot-de-vin. Je soutiens qu'il s'agit là des personnes qui sont visées par l'objectif d'atténuer les conséquences négatives de l'acte répréhensible pour les personnes qui n'étaient pas impliquées.
    La réduction des conséquences négatives a des conséquences économiques. Il est donc important de se demander comment cet objectif est lié à l'interdiction de tenir compte de l'intérêt économique national. J'aimerais me pencher là-dessus. Voici ce que dit le paragraphe 715.32(3) du Code criminel:
Malgré l’alinéa (2)i), dans le cas où l’infraction imputée à l’organisation est une infraction visée aux articles 3 ou 4 de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers, le poursuivant ne doit pas prendre en compte les considérations d’intérêt économique national, les effets possibles sur les relations avec un État autre que le Canada ou l’identité des organisations ou individus en cause.
    Cette disposition est très semblable à celle de la loi du Royaume-Uni et, comme on l'a mentionné précédemment, elle correspond au traité de l'OCDE.
(1715)
    Quand cette loi a été adoptée, j'en ai parlé dans mon texte. À ce moment-là, aucun des événements récents ne s'était encore produit. J'y suis revenu, et j'ai lu ce que j'avais écrit à ce moment-là. Je vais vous lire ce que j'ai écrit, puis vous faire un commentaire. Voici ce que j'ai dit à l'époque à propos de cette disposition:
Cette disposition est conçue pour éviter que des facteurs politiques ou économiques portent atteinte à l'administration de la justice. On pourrait s'attendre à ce que cette disposition empêche une organisation qui est une société canadienne bien connue de chercher à obtenir un traitement de faveur sous prétexte qu'une condamnation de la société aurait des incidences sur l'intérêt économique national. Cependant, la société peut soutenir qu'on devrait envisager de conclure avec elle un accord de réparation en vertu de l'objectif de l'alinéa f), c'est à dire pour réduire les conséquences négatives de l'acte répréhensible sur les personnes — employés, clients, retraités ou autres — qui ne s'y sont pas livrées, tout en tenant responsable celles qui s'y sont livrées.
    Mesdames et messieurs, vous vous demandez peut-être en quoi il est logiquement possible d'envisager la réduction des conséquences économiques négatives pour les employés et les retraités, et les personnes qui n'ont pas commis d'actes répréhensibles, sans en même temps tenir compte des répercussions sur l'intérêt économique national. Cela semble paradoxal, n'est-ce pas?
    Je vous dirais qu'il y a moyen de se sortir de ce paradoxe. Cela revient au principe de l'essence de la responsabilité criminelle des entreprises. Si vous êtes en présence d'un crime qui est commis par des cadres supérieurs ou même des cadres intermédiaires, mais qu'il y a tout un éventail de personnes qui n'avaient rien à voir avec cela, ces deux dispositions fonctionnent ensemble. Vous pouvez accorder la suspension des poursuites afin d'éviter aux personnes d'être touchées. En même temps, cela n'a absolument rien à voir avec des considérations d'ordre économique. Les dispositions sont conçues précisément pour protéger les personnes qui n'avaient rien à voir avec le pot-de-vin.
    Prenons le scénario complètement opposé. Supposez que vous avez une société dans laquelle la plupart des employés sont corrompus. Supposez que vous avez une société qui ne peut vraiment pas dire que bien des gens sont innocents. Si cette société s'adresse au procureur et dit qu'il faut quand même un accord de suspension des poursuites, pas pour protéger des personnes innocentes, mais parce que c'est dans l'intérêt économique national et qu'il faut éviter la faillite de l'entreprise, c'est exagéré d'après moi, et il y a toutes sortes de permutations et de combinaisons possibles pour envisager la situation des retraités ou des clients en pareilles circonstances.
    Comme d'autres témoins l'ont dit précédemment, chaque cas doit être évalué en fonction des faits qui s'appliquent. Il n'y a pas de réponse simple.
    J'aimerais brièvement parler d'une chose dont Mme Berman a parlé. Elle a souligné plusieurs fois que la suspension des poursuites n'est pas ce que j'appellerais un laissez-passer, et je ne vais pas consacrer beaucoup de temps à cela, car elle l'a vraiment très bien expliqué. Je pense qu'il y a une chose que je voudrais dire, et c'est que quand nous parlons de tels exemples obscurs, il vous faut connaître la situation factuelle pour leur donner de la substance. Permettez-moi de vous donner un exemple récent.
    En 2018, Panasonic a obtenu un accord de suspension des poursuites aux États-Unis. L'entreprise avait été accusée de verser des pots-de-vin afin d'obtenir que son système de divertissement soit installé, par l'intermédiaire d'une filiale, dans les avions de la compagnie Middle East Airline. Sur une période de temps donnée, elle a versé environ 7 millions de dollars et a fait passer ce montant pour des frais de consultation alors que ce n'en était pas. En plus de verser des pots-de-vin, elle falsifiait les livres et les registres.
    La société a obtenu un accord de suspension des poursuites, mais concernant ce que Mme Berman disait, écoutez les sanctions qu'elle a reçues. La restitution des profits… elle avait fait un profit de 126 millions qu'elle a dû restituer. Elle a dû rembourser cette somme. En plus de cela, elle a dû payer une sanction de 135 millions de dollars, et ce montant tient compte d'une réduction de 20 % de la sanction. Enfin, on lui a affecté un surveillant pendant une période de deux ans. C'est un bon exemple du pouvoir de ces mesures.
    Beaucoup de personnes ont parlé de surveillants. Je ne vais pas parler de cela étant donné que les gens l'ont déjà très bien fait. Je vais cependant réitérer un point, et c'est une chose dont les gens n'ont pas beaucoup parlé: parce que le système canadien exige l'approbation du tribunal, c'est un juge qui doit au bout du compte donner son approbation.
(1720)
    Ce que je dis est tout à fait hypothétique. Même si un procureur général subit des pressions et finit par soumettre à un tribunal l'option d'un accord de réparation, le juge a le droit de dire qu'il lui faut connaître tous les facteurs. Conformément à notre loi, le juge doit avoir la certitude qu'un tel accord est juste et approprié. Un juge pourrait dire que si vous ne pensez qu'aux intérêts économiques nationaux, il ne va pas approuver l'accord parce que c'est excessif. C'est une forme de vérification de nature judiciaire. Nous devons garder cela à l'esprit.
    Je suis sur le point de manquer de temps, alors je vais probablement garder cela pour les questions. Si cela intéresse quelqu'un, je serais ravi de parler de l'ensemble du principe voulant qu'une entreprise sorte de l'ombre, et de la façon dont cela s'applique. Je pense que c'est important dans la portée des choses.
    C'est complexe, et nous sommes des néophytes, en tant que Canadiens. Je pense que nous devrions envisager sérieusement d'adopter des lignes directrices. Ces dispositions législatives donnent au Cabinet le pouvoir d'adopter des lignes directrices pour la mise en œuvre d'un accord de réparation. Je pense que nous devrions créer un comité réunissant des personnes vraiment brillantes, dont certaines ont déjà comparu devant vous. Je ne dis pas que j'en serais une, mais réunissez des personnes vraiment brillantes pour que cela soit étudié et que des lignes directrices soient adoptées sous la forme de dispositions réglementaires qui aideraient le procureur général, le Cabinet et les partis à comprendre la différence entre certains des facteurs qui sont plutôt partisans et d'autres facteurs qui sont plutôt d'ordre juridique.
    Merci.
(1725)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la première série de questions, après quoi nous verrons où nous en sommes.
    Madame Raitt, vous êtes la première et vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Turpel-Lafond, je vous remercie beaucoup de vos interventions. Merci pour tout le travail que vous faites pour représenter les enfants et les jeunes de ce pays. Vous avez fait énormément de travail et je vous en sais gré.
    La question que je veux vous poser est liée à quelque chose que vous avez dit à la télé récemment. Je vais essayer de vous citer. C'était quelque chose comme: « Un responsable politique ou un représentant administratif du gouvernement qui cherche à influencer une poursuite… ce n'est pas seulement immoral, mais c'est illégal. » Qu'est-ce que vous avez voulu dire par « illégal »?
    Premièrement, il est très important de regarder le contexte. Je pense que c'était une citation, peut-être du Globe and Mail, quand on m'a présenté un scénario.
    Ce que je veux dire correspond dans une grande mesure à ce que j'ai dit aujourd'hui, et c'est que tous les agents publics doivent fonder leurs actions sur l'autorité légitime. Cela s'applique aux dirigeants administratifs du gouvernement, qu'ils soient au Bureau du Conseil privé ou au Cabinet du premier ministre, et qu'il s'agisse du premier ministre ou d'un membre du Cabinet. Si un agent public essaie d'influencer une poursuite de quelque façon que ce soit ou de transmettre de l'information concernant une poursuite, il doit fonder ses actions sur l'autorité légitime.
    En toute déférence, j'estime que la doctrine Shawcross est très peu étoffée sur le plan de la primauté du droit au Canada et il n'est pas sûr que cette doctrine ait même le statut d'une convention juridique… Pour quelque chose qui a un statut juridique très clair, nous avons le rôle indépendant et quasi judiciaire du procureur général et du directeur des poursuites pénales, qui est en fait un procureur général adjoint.
    Je n'aimerais certainement pas me substituer à un procureur, car j'ai le plus grand respect pour les décisions des procureurs. Je ne pense pas que les procureurs ne soient pas au courant de leurs obligations légales. Cependant, je m'inquiète des personnes qui abordent les procureurs et prétendent être en mesure de discuter avec eux, sous prétexte qu'il existe un pouvoir légal. Ils doivent souligner le pouvoir légal explicite, car ce sont des questions très délicates, et nous avons dans le Code criminel un éventail d'infractions qui sont liées à l'intégrité. Une personne doit être capable de montrer clairement à votre comité le pouvoir légal auquel elle prétend si elle cherche à intervenir auprès d'un procureur général qui a déjà pris une décision au sujet d'une poursuite.
    Merci.
    Vous avez également mentionné aujourd'hui qu'il nous faut bien comprendre comment les choses se sont déroulées. Je comprends très bien. Je ne crois pas que nous connaissons la teneur des conversations qui ont eu lieu. Vous avez dit autre chose, et je suis désolée de reprendre vos propos, mais vous avez déclaré que s'il y a des éléments de preuve, si cette histoire s'avère juste, il faut alors confier l'affaire à la GRC pour qu'elle puisse mener une enquête approfondie. J'essaie de comprendre de quelle infraction il s'agirait. L'autorité publique n'a pas... Comme vous l'avez souligné, ce n'est pas fondé concernant le pouvoir légal d'intervenir auprès d'un procureur. Quelles seraient possiblement les atteintes au Code criminel?
     Eh bien, il y a des questions d'intégrité et d'éthique. On parle d'un éventail. En ce qui concerne le Code criminel — et je ne veux pas dire qu'il y a eu infraction criminelle —, le groupe de l'intégrité de la GRC devrait examiner le dossier en profondeur, et il se peut fort bien qu'il le fasse. Je crois que la GRC a indiqué qu'elle était au courant du dossier. Il y a des questions liées à des obligations positives.
    Par exemple, si la procureure générale qui agit à titre de procureure en chef pour le Canada dans le cadre de ce rôle très important a été démise de ses fonctions parce qu'elle n'a pas pris une décision conforme à ce que souhaitait ses collègues, ou peu importe qui, et je ne dis pas que c'est le cas, mais si elle a été démise de ses fonctions, je ne crois pas qu'il lui incombe à elle de démissionner. D'une certaine façon, une personne rationnelle peut dire qu'on n'a pas à démissionner parce qu'on est procureur, mais si des éléments de preuve montrent qu'une procureure a été démise de ses fonctions et qu'on a tenté de l'influencer ou d'attirer son attention sur quelque chose sans avoir le pouvoir légitime de le faire, alors cela laisse supposer qu'il peut y avoir eu entrave à la justice, car l'entrave à la justice requiert un élément de peur ou de faveur.
    Je pense que nous devons revenir à cet aspect clé, soit que lorsqu'une personne adresse des supplications au procureur général, est-ce que le message implicite c'est « vous perdrez votre emploi si vous ne m'écoutez pas »? Voilà pourquoi non seulement les questions de primauté du droit interviennent, mais cela pourrait être très sérieux. J'espère que ce n'est pas le cas, car cela mine la confiance de la population, mais parce que c'est très sérieux, nous devons examiner tous les aspects de l'intégrité, dont nos systèmes normatifs qui figurent dans le Code criminel et nos principes de la primauté du droit, que je vous remercie d'examiner aujourd'hui.
    L'un des principes essentiels de la primauté du droit, c'est de dire que si l'on tente d'influencer une poursuite, on a intérêt à être en mesure de prouver qu'on a l'autorité légitime. Si, à cet égard, on ne se fonde que sur une convention politique de 1951 qui n'est même pas conforme à l'ordre constitutionnel au Canada, alors je pense que nous devrions examiner cela avec beaucoup d'attention.
(1730)
    Mon temps est-il écoulé?
    Oui, nous en sommes à six minutes.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Ehsassi.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais maintenant attirer l'attention de tous sur les accords de suspension des poursuites.
    Madame Berman, je crois comprendre que vous pratiquez dans ce domaine depuis de nombreuses années. M. Jull nous a dit qu'il défend ce genre d'accords depuis quatre ans. Sauf erreur, depuis de nombreuses années maintenant, les principaux spécialistes au pays discutent beaucoup de la nécessité d'adopter un régime d'accord de suspension des poursuites.
    Depuis combien de temps en discute-t-on, selon vous?
    Je dirais que des discussions sur les accords de suspension des poursuites ont lieu depuis que je pratique, et je ne vous dirai pas depuis combien de temps je pratique.
    Des députés: Ha, ha!
    Mme Wendy Berman: On en discute depuis un certain temps. Qu'il s'agisse du quasi criminel, du criminel ou de la responsabilité de nature réglementaire pour les sociétés, on en discute dans les trois sphères. Certes, les choses se passent plus vite dans d'autres sphères, et nous avons vu d'excellents résultats quant aux objectifs dont j'ai parlé auparavant, et le recours limité dans les circonstances appropriées.
    Merci.
    Il est bon de savoir que ce n'est pas un élément qui a été mis en place subrepticement l'an dernier. Il y a quelque temps, un des députés de l'opposition qui est membre de notre comité a dit que le gouvernement avait glissé cela dans la Loi d'exécution du budget et qu'aucune consultation n'avait été menée par Justice Canada.
    Pourriez-vous me dire si des consultations ont eu lieu à l'automne 2017?
    Oui, il y en a eu. En fait, un certain nombre de personnes y ont participé et ont présenté des mémoires ou ont comparu à des tables rondes et ont participé à d'autres discussions.
    J'ai présenté des mémoires sur les accords de suspension des poursuites avec un autre cabinet d'avocats. Je n'ai pas les chiffres sous la main, mais je crois que près de 40 mémoires ont été soumis et qu'un certain nombre de personnes ont présenté des exposés.
    À mon sens, il y a eu un très vaste processus de consultation sur la mise en oeuvre d'accords de suspension des poursuites, mais en 2017, ce n'était pas la première fois qu'on tenait des discussions avec des représentants du gouvernement sur l'idée de mettre en place un régime de suspension des poursuites. À ce que je sache, c'était la première fois qu'un processus de consultation en bonne et due forme était mené auprès d'intervenants, d'avocats de la défense et de la poursuite et de sociétés; on parle d'un processus très vaste.
     Selon le gouvernement, 70 mémoires ont été présentés et 370 Canadiens, associations industrielles, entreprises et ONG ont participé à l'exercice.
    Monsieur Jull, pensez-vous qu'il y a eu suffisamment de consultations? Avez-vous participé au processus?
    Il y a deux volets à la question. Comme je le dis, j'ai assurément défendu l'idée dans mes écrits, et en tant que professeur, et j'ai participé à une table ronde, mais je suis volontiers venu ici à Ottawa à l'automne 2016 pour discuter avec le Bureau de la concurrence. À l'époque, je suis devenu avocat du ministère de la Justice pendant deux ans, et je ne pouvais donc pas participer activement au processus.
    Pour ce qui est du nombre de consultations, c'est une question difficile et subjective. Je pense que c'était une mesure législative importante. Nous pouvons toujours mener d'autres études, bien entendu, mais comme certains le disent, il faut faire attention de ne pas faire du surplace. À un moment donné, il convient d'aller de l'avant. Je crois que les dispositions législatives ont été rédigées avec soin à cet égard.
(1735)
    Merci.
    Il me semble clair que, compte tenu du déroulement des événements dans d'autres pays, les efforts menés par le gouvernement pour l'adoption des dispositions législatives visaient vraiment à uniformiser les règles du jeu. Madame Berman, je sais que dans ce que vous avez écrit, vous avez parlé de ce fait il y a cinq ou six mois en disant que le Canada essayait de rattraper son retard. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet, s'il vous plaît?
    Comme je l'ai dit, les États-Unis ont été à l'avant-garde quant aux accords de suspension des poursuites, aux accords de non-poursuite et aux règlements sans contestation — toute une panoplie d'outils que les procureurs ont à leur disposition pour traiter les affaires d'actes répréhensibles de la part d'une société. Le Canada n'a jamais disposé de ces outils pour de pures allégations criminelles et des enquêtes visant des sociétés. Voilà où l'on rattrape le retard.
    Le Royaume-Uni a adopté son régime en 2013. Le nôtre s'inspire grandement du sien. Ce qu'il nous manquait, c'était... Nous n'étions pas en harmonie avec d'autres grands acteurs économiques à l'échelle mondiale, ce qui rendait les choses très difficiles. Le fait est que la plupart des sociétés sont des entités mondiales. Elles mènent des activités dans le monde. Dans bien des cas, nous n'étions pas capables de négocier une solution globale parce que nous n'avions pas les outils que d'autres États-nations avaient. Nul doute que nous essayions de rattraper notre retard, et nous avons réussi.
    Merci.
    Monsieur Ehsassi, il vous reste 15 secondes si vous voulez poser une question rapidement.
    La version conçue au Canada a été adoptée. Croyez-vous qu'elle est plus robuste que le régime britannique, compte tenu du recours à l'approbation judiciaire, à la surveillance et aux surveillants indépendants?
    Veuillez répondre rapidement.
    Je crois qu'elle est très similaire au régime du Royaume-Uni, car dans les deux cas, il y a le modèle de surveillance judiciaire.
    Soit dit en passant, aux États-Unis, des juges disent qu'ils veulent faire cela, mais notre régime ressemble au modèle du Royaume-Uni.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Rankin.
    Je veux tout d'abord souhaiter la bienvenue à Mme Turpel-Lafond qui, je crois, vit dans ma circonscription, celle de Victoria. Elle est donc vraiment la bienvenue, monsieur le président.
    Quel rapport y a-t-il?
    Des voix: Ha, ha!
    Je veux vous ramener à certaines des choses que vous avez dites dans votre déclaration préliminaire. Vous avez parlé de l'importance de défendre la primauté du droit, et vous avez dit que les procureurs ne devraient pas, en fait, succomber à la pression et démissionner. Vous avez dit qu'il y a un problème sérieux de respect de la primauté du droit, particulièrement quant à ce que vous avez appelé le caractère convenable des demandes qui peuvent être faites au procureur général.
    Vous avez dit également que, dans ce contexte, il nous faut entendre le point de vue des personnes qui ont été impliquées. J'imagine que cela veut dire que vous acceptez que, dans ces circonstances, pour clarifier les choses et faire notre travail, nous devrions entendre le point de vue des gens qui ont été impliqués, et non uniquement celui de l'ancienne procureure générale.
    Oui, bien sûr. Par souci de transparence, c'est devenu presque une crise, relativement à la primauté du droit, qui nécessite, soit dans le cadre des travaux du Comité ou, plus généralement, d'une enquête, le témoignage des personnes importantes. Bien entendu, l'ancienne procureure générale est une personne très importante qui devra raconter ce qui s'est passé. J'ignore si elle pourra le faire devant votre comité.
     Il lui appartient de nous le dire.
     C'est-à-dire même avec le privilège du secret professionnel de l'avocat...
    Oui, je comprends.
    ... et même en renonçant à ce privilège, je crains...
    Comme le temps presse — il est très limité —, je voulais simplement confirmer que vous aviez dit que nous devons entendre les personnes concernées. Je suis ravi que vous conveniez que cela n'inclut pas qu'elle.
    Oui, tout à fait. Il faut que toutes les personnes soient entendues.
    Oui.
    Je suis d'accord également avec le député libéral de Beaches, M. Erskine-Smith, pour ce qui est de l'utilité d'un accord de réparation avec cette entreprise qu'est SNC-Lavalin. Il a dit ce qui suit:
Concernant la question de savoir si une intervention [du Cabinet du premier ministre] était peut-être, en fait, justifiée, ce qu'il faut véritablement se demander, c'est quelle est la nature de cette intervention. Essentiellement, a-t-on exercé des pressions indues, ce qui va à l'encontre de la convention constitutionnelle selon laquelle le procureur général est indépendant?
Cela me semble très similaire aux points que vous soulevez aujourd'hui.
    Madame Berman, vous avez parlé des accords de suspension des poursuites. Je comprends que vous avez de l'expérience dans le domaine concernant les actes répréhensibles de la part de sociétés. À cet égard, et je veux savoir si vous êtes d'accord avec moi, l'histoire du Canada est plutôt limitée. En 2011, le Canada a été critiqué par l'OCDE pour le manque d'enquêteurs et les faibles sanctions imposées dans les rares cas de condamnation. L'an dernier, dans son rapport annuel intitulé Exporting Corruption, Transparency International a dit non seulement que le Canada se caractérisait par, et je cite, « une application de la loi limitée », mais que c'était l'un des quatre pays qui avaient, et je cite, « régressé » sur le plan de l'application de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers.
    C'est plutôt sombre. Par conséquent, il est à espérer que nous continuons à intenter des poursuites. C'est peut-être ce qui a fait en sorte qu'une directrice des poursuites pénales indépendante n'a pas hésité et n'a pas décidé de conclure un accord de suspension des poursuites et que la procureure générale a décidé de maintenir la décision. Après, bien sûr, les témoignages sembleraient indiquer que d'autres ministres, représentants du Cabinet du premier ministre, etc., sont considérablement intervenus pour essayer de la faire changer d'avis.
    Si vous le voulez, parlez-nous un peu, s'il vous plaît, de l'importance de poursuivre des gens au titre de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, et du bilan du Canada à ce chapitre.
(1740)
    Concernant le bilan du Canada, nous n'avons pas consacré les mêmes ressources, même par habitant, que les États-Unis à la corruption à l'étranger. Sur le plan des poursuites et de l'application des dispositions sur la corruption à l'étranger, cela comporte la tenue d'enquêtes et des poursuites et la tenue d'un procès. C'est l'ensemble des éléments. Ainsi, conclure un accord de suspension des poursuites avec une entreprise qui a été accusée n'indiquerait pas que le Canada applique la loi avec laxisme, à mon avis. Ce qui indique un laxisme dans l'application de la loi, c'est probablement davantage le nombre d'enquêtes et la durée. C'est parce qu'enquêter sur la corruption à l'étranger est très difficile à faire et requiert beaucoup de ressources. Il faut se rendre dans différents pays et examiner des millions de documents pour reconstituer une affaire de corruption.
    Par conséquent, l'un de ces outils, comme l'accord de suspension des poursuites, aiderait probablement le Canada à améliorer son bilan sur le plan de l'application des dispositions sur la corruption à l'étranger parce qu'il encouragerait des sociétés à faire une déclaration volontaire. Il peut même s'agir d'une condition d'un accord de suspension des poursuites, soit faire une déclaration volontaire, fournir de l'information sur la nature des actes et nommer les personnes qui ont commis les actes. Cela permettrait au Canada de poursuivre les individus de façon beaucoup plus simple avec la collaboration d'une société qui aura remplacé les membres de sa haute direction et de son conseil d'administration par de nouvelles personnes qui orientent la société dans une direction qui favorise une conformité accrue.
    Merci.
    Monsieur Rankin, il vous reste environ 10 secondes si vous voulez lancer une question brève.
    Je me demande si l'un d'entre vous a déjà fait des affaires avec le gouvernement fédéral, qui a une règle qui interdit à quiconque a été reconnu coupable d'une infraction en la matière d'obtenir un contrat public pendant 10 ans. L'an dernier, il y a eu des consultations en vue de peut-être modifier cette période de 10 ans pour la réduire légèrement. Avez-vous participé à ces consultations en vue de réduire cette interdiction de 10 ans?
    Compte tenu de mon rôle au gouvernement, je répète que je n'ai pas officiellement participé aux consultations, mais j'ai écrit des articles sur le sujet. C'est une évolution très intéressante, parce que cela crée une matrice. Une matrice est un élément primordial pour veiller à la conformité des entreprises. D'un côté, vous examinez la gravité des agissements. De l'autre, vous examinez les effets réparateurs et les tentatives de la société d'adopter une culture de conformité. Vous trouvez l'équilibre entre les deux. Les propositions pour le nouveau régime d'exclusion cherchent à prévoir que cela pourrait aller jusqu'à 10 ans ou être moindre. Le système a recours à une analyse matricielle pour trouver l'équilibre entre les deux.
    Me permettez-vous de prendre une minute pour revenir sur une précédente question?
    Le temps de parole de M. Boissonnault va débuter. Je crois que je dois donc lui céder la parole.
(1745)
    D'accord.
    Si vous pouvez inclure votre commentaire en répondant à une question de M. Boissonnault, nous vous invitons à le faire.
    D'accord. Merci, monsieur le président.
    Monsieur Boissonnault, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui. Chacun de vos témoignages a été très instructif.
    J'ai une perspective différente de la vôtre. J'ai choisi une autre voie. Je n'ai pas fait d'études en droit, et j'ai abouti au Comité par d'autres moyens. En examinant ces questions d'un point de vue non juridique, il me semble que les accords de réparation soulèvent un enjeu qui vient chercher la sympathie de la population. Si vous me le permettez, monsieur Jull, j'aimerais revenir sur une chose que vous avez dite au sujet de l'objectif d'un accord de réparation. Cela atténue les répercussions qu'une condamnation au criminel d'une organisation pourrait avoir sur ses employés et ses actionnaires et d'autres tierces parties. Autrement dit, cela vise à éviter que des innocents fassent les frais des méfaits, des actes répréhensibles et des malversations d'un petit nombre d'individus.
    Nous nous souvenons de la réaction des Canadiens à l'égard des retraités de Sears qui étaient relégués à la fin de la file pour toucher leurs pensions, et nous avons les préoccupations bien réelles des travailleurs de GM à Oshawa. Les travailleurs ne devraient pas avoir à faire les frais des décisions ou des activités illégales de quelques cadres d'entreprise ou même de cadres intermédiaires, pour reprendre votre expression.
    Je tiendrais le même discours si c'était une société pétrolière, gazière ou minière ou une entreprise de construction de l'Ouest canadien dont les travailleurs se trouveraient en position vulnérable s'ils étaient dans la même situation que les travailleurs, les fournisseurs et les retraités de SNC-Lavalin. Il y a eu certains commentaires au sujet de cette partie de la loi. Lorsque le poursuivant examine la possibilité d'un accord de réparation — et vous y avez fait allusion, monsieur Jull —, la mesure législative prévoit que:
dans le cas où l’infraction imputée à l’organisation est une infraction visée aux articles 3 ou 4 de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers, le poursuivant ne doit pas prendre en compte les considérations d’intérêt économique national, les effets possibles sur les relations avec un État autre que le Canada ou l’identité des organisations ou individus en cause.
    Les considérations d'intérêt économique national sont un élément important. Vous nous avez aussi souligné une autre partie de la loi où il est question de l'atténuation des conséquences sur les travailleurs. Toutefois, même l'expression « intérêt économique national » ne signifie pas qu'un procureur général ne peut pas considérer les répercussions sur des employés précis, par exemple, ou des retraités ou les milliers de personnes qui travaillent pour l'entreprise et qui n'ont rien fait de mal. Qui plus est, bien que la loi interdise de prendre en compte les considérations d'intérêt économique national, la loi indique expressément les facteurs que le poursuivant peut prendre en compte, ce qui inclut « tout autre facteur qu'il juge pertinent ».
    Diriez-vous que cela laisse une grande marge de manoeuvre au poursuivant, qui pourrait être le procureur général, pour prendre en compte une vaste gamme de facteurs, y compris les répercussions sur l'économie locale de la non-conclusion d'un accord de réparation? Nous avons déjà établi que le procureur général peut avoir des discussions avec le premier ministre dans son bureau au sujet de ces considérations, et vous pouvez vous imaginer que ces discussions porteraient sur des sujets très variés. Devons-nous comprendre que l'interdiction touchant les considérations d'intérêt économique national ne signifie pas que le poursuivant ne peut prendre en compte l'intérêt économique?
    Comme je l'ai mentionné, je crois que cela dépend des faits dans le dossier et de la mesure dans laquelle la société est tenue criminellement responsable. Cela revient à la notion du cadre supérieur. À certains égards, cela vous aide à déterminer les dispositions qui s'appliquent.
    Dans le cas où des cadres supérieurs sont accusés de corruption et qu'un grand nombre d'employés n'ont absolument rien à voir avec tout cela, je crois que nous pouvons faire valoir l'article sur l'objet et dire que nous allons protéger ces personnes qui n'avaient absolument rien à voir avec les actes répréhensibles.
    D'un autre côté, si ce n'est pas le cas... Je m'excuse de me répéter. Si ce n'est pas le scénario et que la société, à défaut d'un meilleur terme, est pourrie jusqu'à l'os...
    Vous l'avez dit très clairement et avec grand soin. Les deux...
    ... alors, dans un tel scénario, ce n'est pas possible... C'est un facteur prohibitif. C'est assez rare dans une loi de voir un facteur prohibitif qui indique de ne pas prendre en compte ceci ou cela, mais c'est ce que prévoit cette disposition ici. Dans un tel cas, c'est tout simplement un facteur en soi que le poursuivant ne peut pas prendre en compte. Autrement dit, toutes choses étant égales, vous ne pouvez simplement pas examiner ce facteur, s'il n'y a rien d'autre sur lequel vous pouvez vous appuyer.
    Madame Berman, allez-y.
    Toutefois, nous devons aussi retourner à l'objet, qui est précisé dans la loi.
    L'objet traite des conséquences, ce qui comprend les conséquences financières pour les retraités, les employés et les autres parties prenantes. Ce n'est pas comme si les conséquences économiques, qu'elles soient nationales, locales ou...
    — régionales —
    — régionales, ou qu'elles se limitent à l'entreprise et aux parties prenantes touchées par cette entreprise. Ce ne sont pas des sphères distinctes; elles se chevauchent, à mon avis.
    Ce sont des renseignements tout à fait légitimes à fournir à un procureur général dans le contexte de l'intérêt public pour aussi bien comprendre le contexte de l'intérêt public, comme l'un des témoins du précédent groupe l'a souligné au sujet de ces questions.
    Je ne suis pas spécialiste, et je ne témoigne pas devant le Comité au sujet de ce qui peut être dit au procureur général, mais je crois que le procureur général, à l'instar du directeur des poursuites pénales, devrait prendre en compte les conséquences financières pour toutes les parties prenantes qu'entraînerait la condamnation au criminel de cette société. Je crois que les renseignements fournis à l'un ou l'autre de ces bureaux, indépendamment de la personne qui le fait, sont des renseignements importants que ces deux bureaux doivent prendre en compte en vue de déterminer si un accord de suspension des poursuites est approprié dans les circonstances.
    Je rappelle qu'un accord de suspension des poursuites peut être mis en oeuvre à tout moment, même à la veille d'un procès et même durant un procès. Pour ce qui est de la notion du « quand », j'ai négocié à maintes reprises de tels accords sur les marches menant à la salle d'audience. J'en ai négocié pendant une audience. Cette possibilité est toujours présente.
(1750)
    Encore une fois, avec les 10 secondes qu'il me reste, convenez-vous tous les deux que les accords de réparation sont des outils importants pour le Canada?
    Oui.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Jull?
    Oui. Ai-je le temps d'inclure une réponse à cette question?
    Je vous donne 30 secondes.
    D'accord.
    Il y a cinq ou six ans, avant l'arrivée des accords de suspension des poursuites, un client m'a appelé et m'a expliqué qu'il représentait une entreprise canadienne et qu'il avait découvert un grave cas de corruption à l'étranger. Il me demandait ce que l'entreprise devait faire. Je lui ai répondu d'y mettre fin. Il m'a ensuite demandé ce que l'entreprise devait faire. Je lui ai répondu de réaliser une enquête interne et de faire une déclaration volontaire. Il m'a demandé ce qui se passerait ensuite. Je lui ai répondu qu'il y aurait une condamnation, parce que nous ne sommes pas aux États-Unis. Il m'a demandé ce qui se passerait ensuite. Je lui ai répondu que l'entreprise serait exclue.
    Que pensez-vous que l'entreprise a fait?
    Elle n'a pas fait de déclaration volontaire.
    C'est évident qu'elle ne l'a pas fait. À mon avis, cela revient à la question qui a été soulevée plus tôt par M. Rankin au sujet de l'application de la loi pour les crimes en col blanc. Nous n'avons pas les ressources. Ce sont souvent des stratagèmes camouflés, et vous avez la tâche de surveiller tout ce qui se passe au Canada et dans le monde. Si nous n'avons pas de carotte ou de mesures incitatives pour convaincre les entreprises de sortir de l'ombre et de rapporter des choses dont nous ne sommes pas au courant, cela rend la tâche très difficile.
    Merci à vous deux.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, l'heure est terminée. Le Comité est-il d'accord pour s'arrêter là?
    Je tiens à remercier chaque témoin. Vos témoignages nous ont été très utiles, et nous vous en sommes très reconnaissants.
    Chers collègues, je vous rappelle que nous aurons une séance demain à 8 h 45 pour discuter du projet de loi d'initiative parlementaire de M. Cooper.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU