Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je vous souhaite la bienvenue à la 53e réunion du Comité permanent des anciens combattants.
Aujourd'hui, la réunion se déroule sous forme hybride. Certains membres du Comité et certains témoins y participent donc en ligne.
[Traduction]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le lundi 3 octobre 2022, le Comité reprend son étude sur les expériences vécues par les vétéranes.
[Français]
Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
Conformément à notre motion de régie interne concernant les tests de connexion, je souhaite informer le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion à l'exception de deux membres de l'équipe du Centre d'excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens. Nous allons procéder à ces vérifications.
Compte tenu de l'étude que nous faisons, et avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais donc vous donner un avertissement. Nous allons discuter d'expériences liées à la santé mentale, ce qui peut être un élément déclencheur pour les gens ici avec nous, les téléspectateurs, les membres et leur personnel qui ont vécu des expériences similaires. Si vous vous sentez bouleversé ou si vous avez besoin d'aide, n'hésitez pas à en informer le greffier.
Avant d'accueillir nos témoins, je veux aussi saluer les personnes qui participent avec nous à ce comité. Nous avons en ligne Mme la députée Patricia Lattanzio, qui remplace M. Darrell Samson.
Nous accueillons, à titre individuel, Mme Alisha Henson, psychologue clinicienne, Exercice sous supervision, et Alana Jaquemet, travailleuse sociale autorisée et psychothérapeute autorisée.
Par vidéoconférence, nous accueillons, du Centre d'excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens, le Dr Ramesh Zacharias, chef de la direction; Hélène Le Scelleur, capitaine (à la retraite), coprésidente du Conseil consultatif pour les vétérans du Centre d'excellence; et Mme Joy MacDermid, professeure.
Nous allons commencer par Mme Henson.
Vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous. Allez-y, s'il vous plaît.
Mme Alana Jaquemet: Monsieur le président, monsieur le vice-président, mesdames et messieurs les membres du Comité et mesdames et messieurs les intervenants, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de participer à cette importante conversation sur les expériences des vétéranes.
Nous sommes heureux que le Comité ait reconnu l'importance d'inclure des cliniciens dans la conversation sur les expériences vécues par les vétéranes. Ma collègue et moi avons passé, à nous deux, 30 ans à travailler avec des vétérans, des membres des FAC et leurs familles. En tant que cliniciennes, nous sommes souvent les courtières du savoir, formées pour recueillir les expériences des vétérans sans autre objectif que la guérison, et pourtant nos voix collectives sont rarement entendues.
Nous avons été invitées ici après qu'un groupe de cliniciens ait déclaré des préoccupations concernant le nouveau contrat Lifemark-PSRVC avec Anciens Combattants pour le programme de réadaptation. Nos principales appréhensions sont, premièrement, le peu d'accent du programme sur la compétence culturelle ou les traumatismes; deuxièmement, le besoin d'une plus grande transparence entre ACC, PSRVC et les fournisseurs de services cliniques; et troisièmement, le fait que la dépréciation de l'expertise clinique des fournisseurs actuels aura des répercussions négatives sur le traitement des vétérans.
Nous réservons la conversation concernant le manque de transparence dans les programmes d'ACC et les préoccupations relatives à la dépréciation des capacités expertes des fournisseurs de services actuels pour des réunions futures. Aujourd'hui, nous nous concentrerons sur l'importance de la compétence culturelle dans les programmes de réadaptation des vétéranes, et nous terminerons en présentant des recommandations au Comité.
Depuis notre première communication avec PSRVC , nous avons eu plusieurs rencontres avec divers intervenants et nous avons tenté de nous informer sur tous les aspects du programme. Le programme de PSRVC a besoin d'exigences plus détaillées en ce qui concerne les antécédents de formation des personnes embauchées. Nous pensons que les cliniciens recrutés pour le nouveau programme doivent comprendre le TSPT et le TSPT complexe, le procès pour inconduite sexuelle et le traumatisme institutionnel vécu par de nombreuses vétéranes. Nous avons fourni des définitions de ces préoccupations dans les notes à la fin de notre déclaration.
De nombreuses femmes avec lesquelles nous travaillons sont libérées non pas en raison d'un traumatisme lié au déploiement, mais après avoir vécu un traumatisme systémique durable, se sentant réduites au silence ou forcées de poursuivre leur lutte malgré des blessures morales et physiques, ou elles se libèrent volontairement parce qu'elles estiment que la lenteur du processus de libération augmente leur risque d'idée ou de tentative de suicide, causant ainsi un traumatisme à leur famille, ou elles estiment qu'elles ne peuvent plus survivre au processus.
Nous aimerions citer une vétérane qui nous a fait part de son expérience.
« J'ai enduré de multiples situations traumatisantes lorsque j'étais déployée en Afghanistan. Aujourd'hui encore, la plupart de mes camarades savent que j'ai été libéré pour des raisons de santé mentale et la plupart d'entre eux supposent que c'est lié au combat, ce qui est faux. Il s'agit à 100 % de problèmes de santé mentale pour avoir subi une inconduite sexuelle militaire prolongée. Je ne pouvais plus être forte. Tant de traumatismes non reconnus accumulés au fil des années sont remontés à la surface. Pendant près de sept ans, j'ai essayé de revenir à mon mode de fonctionnement antérieur, où je pouvais tout réprimer et "tenir bon". Cela m'a conduit à des années de dépression, d'idées suicidaires et de multiples tentatives de suicide. Aucune thérapie ne m'a aidée, et j'ai fini par obtenir une libération médicale contre laquelle je n'avais plus la force de lutter. »
À l'heure actuelle, PSRVC propose une formation obligatoire, dont aucune forme ne tient compte des expériences uniques des vétéranes. Nous estimons que c'est une erreur flagrante qu'il convient de rectifier. Bien que la compréhension des expériences des vétéranes puisse s'apprendre avec le temps, le fait que PSRVC ne donne pas la priorité aux femmes les expose au risque de traumatisme du sanctuaire.
Les vétéranes rapportent souvent qu'elles ont fait part de leurs préoccupations et qu'elles ont été accueillies par des cliniciens non compétents sur le plan culturel. Nous reconnaissons que le nouveau programme de réadaptation de PSRVC est axé sur la formation professionnelle et non sur les traumatismes. Néanmoins, nous ne voulons pas risquer de traumatiser à nouveau les femmes dans un système qui est censé se concentrer sur la guérison et le renouveau.
Lorsque l'on recrute des cliniciens qui ne sont pas culturellement compétents et qui ne comprennent pas les complexités de la libération des FAC, ces cliniciens sont incapables de traiter les vétéranes de manière holistique. Nous aimerions lancer cette demande de cliniciennes compétentes sur le plan culturel, issues de cet éventail de femmes et de membres des collèges militaires canadiens, de membres et de vétéranes des FAC.
Nous allons maintenant présenter nos cinq recommandations clés.
Nous devons faire participer les vétéranes, les cliniciennes, les gestionnaires de cas et d'autres intervenantes à l'élaboration et à la modification des programmes destinés aux femmes, en utilisant des méthodes de recherche participative axées sur la communauté. Ces méthodes favoriseront la mobilisation des connaissances des vétéranes dans l'espoir de réduire la cécité à l'égard du genre et d'honorer les besoins et les expériences des femmes.
Tous les cliniciens devraient être formés à deux ou trois modalités axées sur les traumatismes et avoir trois ans d'expérience avec les FAC ou les vétérans. Ils devraient être tenus de participer à une formation axée sur les expériences des vétéranes et disposer de renseignements sur la collectivité LGBTQ+ et les poursuites pour inconduite sexuelle.
Les cliniciens devraient utiliser des mesures de suivi des progrès pour évaluer les relations clinicien-client, comme le système PCOMS.
Il devrait y avoir plus de ressources partagées et de transparence dans la recherche avec les vétéranes et les FAC, les cliniciens devraient recevoir des trousses d'éducation et de ressources sur les programmes d'ACC.
Enfin, nous recommandons que les Forces armées canadiennes permettent aux étudiants en psychologie et autres programmes accrédités en vertu de la Loi sur la psychothérapie de participer à des stages sur les bases des FAC. Cela offrirait d'excellentes possibilités de formation à des soins qui tiennent compte des traumatismes et de la culture, augmenterait les ressources dans les bases et aiderait à former des cliniciens capables de fournir des soins de qualité aux vétérans et aux civils après l'obtention de leur diplôme.
Je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Avant de passer aux témoins suivants, nous allons faire une très courte pause. Nous devons nous assurer que le son des témoins convient à nos interprètes.
Merci, monsieur le président et membres du Comité. Je vous remercie de m'accorder le privilège de m'adresser à votre comité aujourd'hui.
Je m'appelle Ramesh Zacharias. Je suis chef de la direction et directeur médical du Centre d'excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens. Nous sommes une organisation indépendante à but non lucratif qui a vu le jour le 1er avril 2020. Nous sommes financés par Anciens Combattants Canada pour étudier les effets de la douleur chronique chez les vétérans canadiens et pour nous concentrer sur l'amélioration de la gestion de la douleur et du bien-être général des vétérans canadiens et de leur famille.
La douleur chronique touche 20 % de la population canadienne en général. Ce chiffre passe à 40 % chez les vétérans et, malheureusement, à 50 % chez les vétérans. En outre, 60 % des vétérans souffrant de douleur chronique souffrent également de problèmes de santé mentale, et 63 % des vétérans souffrant de problèmes de santé mentale souffrent également de douleur chronique.
Au cours des trois dernières années, le Centre d'excellence sur la douleur chronique a financé 43 projets de recherche auxquels ont participé 24 institutions de partout au Canada, dont sept projets de recherche de troisième cycle avec des personnes candidates à la maîtrise et au doctorat. L'une de ces candidates est notre prochaine présentatrice, Hélène Le Scelleur, une vétérane des Forces armées canadiennes. Elle nous racontera tout à l'heure son histoire remarquable.
Soixante à soixante-dix pour cent de ma pratique clinique concerne des vétérans à la Michael G. DeGroote Pain Clinic de Hamilton Health Sciences. Les statistiques que j'ai citées se reflètent dans la population de patients que je traite chaque jour. Il est essentiel de traiter simultanément la douleur et les problèmes de santé mentale pour obtenir un soulagement de ces maladies chroniques débilitantes. Notre clinique obtient les meilleurs résultats dans le traitement des vétérans grâce à une équipe interdisciplinaire utilisant un modèle de soins biopsychosocial.
Je vais maintenant demander à la coprésidente du conseil consultatif pour les vétérans du Centre d'excellence, Hélène Le Scelleur, de nous faire part de son étonnante histoire de résilience.
Merci à tous les membres du Comité de m'avoir invitée à témoigner dans le cadre de cette étude importante concernant les vétéranes.
J'ai joint les Forces armées canadiennes en 1990, à l'âge de 17 ans, en tant qu'une des premières femmes à joindre les armes de combat dans l'effort de faire grandir le nombre de femmes dans le service. Il va sans dire que notre présence dans l'infanterie n'était pas la bienvenue. Dès que je suis entrée dans les forces armées, j'ai dû déployer plus d'efforts que n'importe quel homme rien que pour être traitée en tant qu'égale. Dans ce monde masculin très homogène, j'ai évacué ma féminité pour faire place au soldat et ainsi gagner en respect.
Je tiens à mentionner qu'à l'époque, les directives sur le harcèlement n'étaient pas encore très élaborées, ce qui a fait en sorte de maintenir un environnement très toxique pour nous les femmes. Dès le début et tout au long des 26 ans de ma carrière, j'ai subi des inconduites de la part d'hommes. Au départ, pour me faire abandonner, mais par la suite pour s'approprier mon corps — du harcèlement verbal, aux attouchements, aux baisers forcés par des supérieurs et aussi à de l'envahissement de ma vie privée comme moyen de me forcer à accepter l'inacceptable. Mais je me considère chanceuse, car je ne fais pas partie de celles qui ont été violées.
Cette entrée en matière est importante, car elle représente la réalité souvent oubliée des femmes vétéranes. Celle-ci s'ajoute silencieusement aux autres souffrances qui peuvent être prédominantes, comme les blessures psychologiques ou physiques.
Pour ma part, je vis avec les deux. J'ai développé le trouble de stress post-traumatique à la suite de ma mission en Afghanistan et je croyais que mes douleurs chroniques y étaient directement liées. Cependant, j'ai découvert que depuis longtemps j'ai abusé de mon corps pour parvenir à bien fonctionner et à maintenir ma place durement gagnée. Par exemple, lorsque j'ai joins les Forces j'ai dû accepter de porter des bottes trop grandes et un équipement non adapté à ma taille, de faire du surentraînement malgré des blessures, de cacher ma souffrance physique pour ne pas être jugée ou rejetée de mon équipe et cela, parce qu'on doit réussir la mission. Nous avions le devoir de pousser au-delà de la douleur.
Cela dit, souffrir en silence pour arriver à performer freine considérablement tout instinct de demander de l'aide. Je fais partie de ces nombreuses femmes qui ont appris à taire les maux, les mauvais traitements et leur propre souffrance pour se faire respecter en tant que militaires. Mais, que se passe-t-il lorsque notre carrière est forcée à une fin que nous n'avons pas choisie et que nos blessures, qu'elles soient physiques ou psychologiques, deviennent le symbole de cette fin?
Je crois qu'il est important de considérer que cette transition vers la vie civile n'est pas sans heurts pour les vétéranes, car en plus de devoir se dévoiler, elles doivent aussi lutter pour prouver qu'elles sont aussi des vétérans blessés et qu'elles méritent le respect. Il est également essentiel de comprendre qu'il est impossible de traiter la douleur chronique sans explorer la souffrance sous-jacente ressentie au cours d'une carrière de femme dans les forces armées.
Une fois de plus, monsieur le président et membres de ce comité, je suis extrêmement reconnaissante de cette occasion de témoigner devant vous. Je crois sincèrement qu'il est important de considérer que les besoins des vétéranes sont différents de ceux des vétérans et qu'il faut adapter et faire concorder la réponse à la douleur chronique à la réponse à la douleur psychologique.
Je me ferai l'écho des remerciements pour le partage du travail. Je suis en fait l'une des chercheuses financées par le Centre d'excellence sur la douleur chronique pour étudier les problèmes de douleur chronique. Je m'attache à comprendre l'impact du harcèlement sexuel, en m'appuyant sur une récente enquête confidentielle menée auprès de 300 vétérans et vétéranes.
Nous avons constaté que la probabilité qu'une vétérane soit victime de harcèlement sexuel pendant son service militaire était 20 fois plus élevée que pour ses collègues masculins. Les femmes étaient également deux fois plus exposées à la violence verbale.
Nos recherches et d'autres rapports, ainsi que l'expérience vécue des vétéranes que vous venez d'entendre, montrent que les femmes qui se manifestent sont souvent rejetées ou même punies pour avoir signalé ces problèmes, de sorte que beaucoup restent silencieuses, contrairement aux personnes que nous avons entendues aujourd'hui.
Notre étude est unique en ce sens que nous avons également mesuré la détresse psychologique et la gravité de la douleur chronique. Notre étude montre qu'il existe un lien entre le harcèlement sexuel et la détresse psychologique, et qu'il existe un lien entre la détresse psychologique et la douleur chronique persistante et sévère. Ces données confirment ce que vous venez d'entendre à partir des expériences de vétéranes: le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles entraînent non seulement des problèmes psychologiques de longue durée, mais aussi des douleurs physiques de longue durée, de sorte que nous ne pouvons pas résoudre les douleurs chroniques sans gérer les causes sous-jacentes.
Par conséquent, nous confirmons qu'il est nécessaire de protéger les personnes qui dénoncent la discrimination, d'apporter des changements systématiques à la culture et à la formation, et de prévoir des interventions spécialisées pour les personnes souffrant de douleurs chroniques qui ont été aggravées ou causées par la discrimination.
Je vous remercie tous d'être ici ce soir et de nous faire part de vos expériences de vie et de vos préoccupations. J'espère que nous pourrons apprendre beaucoup de choses de vous.
Madame Le Scelleur, merci. J'ai lu vos histoires et ce que vous avez partagé dans les médias. Dans un article du Globe and Mail, vous dites: « Alors qu'elle travaillait sur une hypothèse selon laquelle l'armée exacerbe les maladies mentales et les pensées suicidaires en coupant les soldats de leur système de soutien social, » — alors que vous travailliez sur ce sujet — il est dit: « elle a rendu sa carte d'identité et a été escortée jusqu'à la porte du quartier général de la Défense nationale. "J'ai commencé à pleurer", dit-elle, "j'avais du mal à croire que c'était comme ça que ça se terminait." »
Vos supérieurs étaient-ils au courant de votre travail?
Non. À l'époque, je travaillais encore à ma maîtrise et c'est par la suite, lorsque j'ai quitté totalement l'armée — six mois plus tard — que j'ai décidé de poursuivre jusqu'au doctorat.
Vous avez rendu votre carte d'identité. Nous ne savons pas de quoi il s'agit. Vous a-t-on soudain dit: « Venez ici. Déposez-la ici. Au revoir. » Comment cela se passe-t-il?
J'espère qu'aujourd'hui c'est différent. J'ai été libérée en 2016, et à l'époque, lorsqu'on effectuait son dernier jour en tant que personnel militaire, on entrait dans le bâtiment du 101 Colonel By Drive à Ottawa en tant que militaire, donc en tant que personne de confiance. À la minute où j'ai monté les escaliers et où j'ai rencontré la dernière personne avec mon bout de papier disant que j'avais démissionné — ma démission de chaque département — la personne civile qui a pris ma carte dans la section des pièces d'identité m'a simplement dit: « À partir de maintenant, vous devez être escortée. »
J'ai eu l'impression qu'on ne me faisait plus confiance, que je ne faisais plus partie de rien. C'était comme si j'étais prisonnière ou quelque chose du genre et que je ne pouvais pas être laissée seule dans le bâtiment où, cinq minutes plus tôt, on me faisait confiance. Ma cote de sécurité était « très secret », et une minute plus tard, je devais être escortée hors de ce bâtiment. J'ai trouvé cela très pénible
La personne en a déjà parlé. L'aspect professionnel de la transition est vraiment bien traité, de même qu'une partie des services de santé, mais pour moi, l'aspect psychosocial, l'aspect identité, n'a pas été abordé. Lorsque j'ai quitté l'armée, j'ai senti que j'avais été bâtie de toute pièce en soldate, et personne ne m'aiderait à devenir autre chose que la soldate que j'étais. C'est la crise d'identité à laquelle j'ai été confronté. J'ai décidé d'étudier cette question et de faire mes recherches sur cet aspect.
En résumé, vous dites que vous êtes devenue un soldat. Cela signifie-t-il qu'il faut renoncer au sens des valeurs civiles pour devenir un soldat, puis ne pas être aidée à retrouver une pleine identité de civile?
Je me suis engagée à l'âge de 17 ans. Je n'étais même pas adulte. L'armée est devenue mon parent. L'armée est devenue la famille dont j'avais besoin, avec la structure et tous les conseils. Lorsque j'ai été mise à la porte à 43 ans, personne ne m'a dit où aller, quoi faire, comment me comporter. J'attendais toujours ma mission. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire.
Puis-je vous demander pourquoi vous dites « mise à la porte »? C'est un peu ce que je voulais dire dans mon premier commentaire, mais vous avez indiqué que vous avez dû suivre toutes ces procédures pour quitter le bâtiment. Lorsque vous dites « mise à la porte », voulez-vous dire que vous n'étiez plus qualifié pour servir en raison de problèmes de santé? S'agissait-il d'une libération pour raisons médicales? C'est bien ce que vous dites?
C'était une libération pour raisons médicales. À l'époque, en 2016, le fait d'avoir reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique signifiait automatiquement que vous étiez libérée pour des raisons médicales, sans possibilité d'adaptation.
Je remercie tous les témoins d'avoir comparu aujourd'hui dans le cadre de notre importante étude sur les vétéranes.
Merci pour les services que vous rendez à tous les vétérans et à notre pays.
Par l'entremise du président, j'aimerais adresser ma première question au Centre d'excellence sur la douleur chronique.
Étant donné que plus de 40 % des vétérans canadiens souffrent de douleurs chroniques, le centre se concentre sur la recherche en matière de gestion de la douleur et sur les thérapies fondées sur des données probantes, qui répondent aux défis et aux besoins complexes des vétérans en matière de douleur chronique.
Après les remarques de Mme MacDermid, quelles recommandations feriez-vous à notre comité, maintenant ou par écrit plus tard, que l'on pourrait inclure dans notre rapport d'étude?
L'étude dont nous venons de rendre compte a des implications pour nous. Nous savons qu'elle confirme ce que nous pensions — le fait qu'il existe un lien entre la détresse psychologique causée par la discrimination sexuelle et la douleur chronique —, mais elle signifie également que lorsque les gens... La première recommandation est que les personnes doivent pouvoir se manifester sans craindre de subir des représailles ou sentir leur sécurité menacée. En outre, lorsqu'elles se manifestent, elles doivent savoir qu'elles seront traitées, non seulement pour leur détresse psychologique, mais aussi pour la douleur physique qui l'accompagne souvent.
Nous ne pouvons pas traiter tous les cas de douleur chronique de la même manière et nous ne pouvons pas les traiter comme s'ils provenaient uniquement d'une blessure physique. La douleur chronique peut également résulter d'une agression sexuelle, d'une discrimination sexuelle et du stress chronique causé par ce type d'exposition psychologique traumatisante à laquelle les vétéranes sont exposées. Elles ont besoin de programmes de traitement spéciaux qui les aideront à gérer de manière intégrée les traumatismes psychologiques et la douleur physique.
Je crois que cela confirme vraiment que le Centre d'excellence sur la douleur chronique doit proposer et tester de nouvelles approches thérapeutiques qui intègrent une approche spécialisée prenant en compte la nature unique de la douleur chronique lorsqu'elle est associée à des problèmes découlant de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle et à la détresse psychologique qui en découle.
M. Zacharias est l'expert en gestion de la douleur chronique et voit beaucoup de ces patientes, et j'espère qu'il confirmera ce que je viens de vous dire.
Je vous remercie également pour votre question, car, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, environ 60 à 70 % des personnes que je traite aujourd'hui sont des vétérans, dont 25 % sont des femmes. Les autres sont des hommes. En fait, aujourd'hui même, j'ai vu quatre vétéranes que je traite et qui participent au programme.
On ne peut pas séparer les deux. Comme je l'ai mentionné, 60 % des vétérans souffrant de douleur chronique ont également des problèmes de santé mentale, et 63 % de ceux qui ont des problèmes de santé mentale souffrent de douleur chronique. Il s'agit en fait des deux côtés d'une seule médaille, et si l'on se contente de leur offrir une physiothérapie ou de traiter les problèmes musculosquelettiques, on n'obtiendra pas le succès escompté.
En fait, la recherche remonte à 2012, lorsque l'Association internationale pour l'étude de la douleur a examiné la question dans 43 pays. Sa conclusion est que le meilleur modèle est un modèle biopsychosocial, avec des médecins, des pharmaciens, des psychologues, des psychiatres et des experts en toxicomanie dans un même établissement.
J'ai la chance de travailler au DeGroote, où nous avons 12 professionnels de la santé différents, dont des experts en toxicomanie, des psychiatres, des psychologues et des psychométriciens. Lorsqu'un vétéran s'inscrit à notre programme, il bénéficie de toutes les ressources en un seul endroit, et c'est probablement la raison pour laquelle nos succès ont été publiés dans des revues à comité de lecture. Nous avons les meilleurs résultats.
Il est intéressant de noter que les vétérans réussissent mieux que les civils dans notre programme, en partie à cause de ce qu'Hélène a dit: sont fixés sur la mission avant tout. Ils sont très engagés. Ils se consacrent aux choses qui les aideront. C'est la remarque des quatre vétéranes que j'ai vues aujourd'hui: « Dites-moi ce qu'il faut faire et je le fais, et, soit dit en passant, je me sens mieux. »
Si l'on se contente de traiter les aspects physiques sans s'attaquer aux problèmes psychologiques, on ne réussira pas, et c'est le mantra que nous nous répétons depuis trois ans au sein d'Anciens Combattants Canada. Il faut envoyer les gens vers des soins interdisciplinaires plutôt que vers des soins multidisciplinaires. Dans le cas des soins multidisciplinaires, les patients consultent différents spécialistes à différents endroits, sans unification en un seul centre. Cela fait partie de nos recommandations.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez indiqué que ce projet était financé par notre gouvernement et qu'il avait débuté en avril 2020. Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de vétéranes que vous avez servies depuis lors dans le cadre des 20 % que vous venez de mentionner? Par ailleurs, quel est le taux de réussite et combien de temps dure le processus de rétablissement? Pouvez-vous nous éclairer un peu à ce sujet, s'il vous plaît?
Le Centre lui-même ne fournit pas de soins. C'est un centre de recherche. Nous finançons des chercheurs comme Mme MacDermid. Nous finançons des étudiants en maîtrise et en doctorat comme Mme Le Scelleur et d'autres. J'ai une pratique clinique en dehors du Centre d'excellence sur la douleur chronique, mais le Centre d'excellence est un centre de recherche. Ce n'est pas un centre de traitement.
Je peux vous donner une réponse fondée sur ma pratique clinique à Hamilton Health Sciences, mais le Centre d'excellence ne traite pas des vétérans.
Je remercie tous nos invités de nous accorder ce temps.
Monsieur le président, je commencerais par une petite intervention hors contexte.
En effet, on peut constater aujourd'hui que l'étude porte maintenant le nom d'« Expériences vécues par les vétéranes » et non plus « femmes vétérans ». Vous vous souvenez que nous avons eu une discussion à ce propos, la semaine dernière. J'aimerais remercier l'analyste, le greffier et vous-même d'avoir considéré la demande d'une vétérane qui s'est présentée ici, au Comité, Mme Sandra Perron. Nous avons également reçu plusieurs autres courriels à mon bureau ici, à Ottawa, pour souligner le tout. C'est une demande qui a fait du chemin.
J'espère maintenant que cette appellation sera pancanadienne et que nous utiliserons dorénavant uniquement le terme « vétérane ».
Brièvement, je veux vous remercier, au nom de toute l'équipe, mais je dois aussi mentionner aux membres du Comité que le ministère a décidé d'adopter ce terme, « vétérane » et, par conséquent, nous avons décidé d'aller de l'avant, parce que, quand nous disions « vétéran », nous n'avions pas l'impression que les femmes étaient incluses, nécessairement, et c'est ce que nous voulions éviter. Le ministère a donc adopte « vétéran » et « vétérane ».
Merci, monsieur le député. Votre temps est encore à zéro. La parole est à vous.
Effectivement, cela démontre que ce qui se passe à ce comité peut avoir des répercussions quand même importantes, alors merci beaucoup.
Ma première question s'adresse au Dr Zacharias.
Je comprends que votre organisme a été créé en 2020, mais une chose n'est pas claire pour moi. De qui est-ce l'initiative? Est-ce d'Anciens Combattants Canada, du gouvernement ontarien, ou encore d'individus?
Je vais répondre en anglais pour que vous puissiez comprendre ce que je dis.
Ce centre a été financé par le ministère des Anciens Combattants. Nous avons deux parties prenantes, dont l'une est l'université McMaster. La deuxième partie prenante est la Hamilton Health Sciences Corporation. Nous sommes situés à McMaster. L'ensemble de notre financement provient d'Anciens Combattants Canada par le biais d'un accord de contribution. Au départ, il s'agissait d'un accord de trois ans, et en avril, nous avons signé une prolongation de cinq ans.
Sur les fonds que nous recevons, entre 65 et 70 % sont consacrés à la recherche et environ 30 % aux frais généraux. La majorité des fonds sont utilisés... Comme je l'ai dit, au cours des trois dernières années, nous avons financé près de 43 projets de recherche impliquant 25 universités et sept bourses. Hélène Le Scelleur est l'une des personnes que nous avons financées au cours des trois dernières années pour son doctorat.
Lorsque j'épluche vos 21 projets de recherche actuellement en cours, je constate qu'aucun d'entre eux n'est piloté par une université, un centre francophone ou un centre du Québec.
En fait, le mois dernier, nous avons signé un accord de contribution avec le Réseau québécois de recherche sur la douleur, le RQRD. Nous offrons des bourses aux étudiants québécois de Sherbrooke et de Laval. Notre directeur scientifique des partenariats est le professeur Luc Hébert, qui travaille depuis 28 ans à l'Université Laval. Nous sommes très présents au Québec.
En fait, nous avons financé des universités d'un bout à l'autre du pays, des étudiants au Nouveau-Brunswick, au Québec et au Manitoba. Nous sommes un entrepreneur national. Nous essayons de faire en sorte qu'il y ait une représentation dans tout le pays.
Je suis très heureux d'entendre cela. Ce sont des faits que vous m'apprenez aujourd'hui. Les vétéranes québécoises souhaiteraient aussi pouvoir recevoir de telles informations. Il serait évidemment très pertinent qu'elles soient communiquées aux vétéranes francophones.
D'après ce que je comprends, toutefois, cela a commencé cette année.
Non. La toute première année, nous avions des bourses pour les étudiants du Québec également.
Plus récemment, nous avons établi une relation avec le RQRD, qui est un grand réseau. C'est plus facile que de trouver des chercheurs individuels au Québec. Nous avons conclu un accord avec l'Université de Sherbrooke et Mme Hélène Beaudry, qui dirige le RQRD. Le contrat est conclu avec eux. Nous avons travaillé avec l'Hôpital Sainte-Anne de Montréal, ainsi qu'avec McGill, au cours des trois dernières années, mais nous avons officialisé notre relation avec le RQRD l'an dernier.
J'aimerais poser une toute petite question en parallèle à cela. Il s'agit d'un sujet qui a un peu fait les manchettes au Québec au cours des dernières semaines. On constate que le français, dans le domaine des sciences, perd vraiment du terrain et que très peu de recherches en français sont subventionnées.
À l'intérieur de votre organisme, vivez-vous ou observez-vous de telles situations?
Comme vous êtes dans le domaine de la recherche, j'aimerais savoir si vous constatez que les recherches sont moins subventionnées lorsqu'elles proviennent d'instituts, de centres francophones. Constatez-vous cela?
Je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet. Je peux seulement parler de ce que nous avons fait et de ce que nous faisons.
Le réseau de recherche le mieux développé est probablement le RQRD au Québec. Il dispose d'une structure officielle et d'une bonne connectivité entre ses membres. C'est la raison pour laquelle nous avons établi cette relation avec eux. M. Luc Hébert, qui est notre directeur des partenariats stratégiques, est celui qui a renforcé notre présence au Québec.
Nous avons tenu aujourd'hui notre première rencontre officielle en tant que consortium de recherche pour les vétérans francophones. C'est vraiment une initiative que je porte, en tant que coprésidente du Conseil consultatif pour les vétérans du Centre d’excellence. C'est un élément d'une grande importance que j'ai amené quand je me suis jointe à l'équipe. J'ai fait valoir qu'il fallait représenter les francophones, la recherche en français.
J'ai en effet étudié à l'Université d'Ottawa, mais je fais mes recherches en français et les vétérans du Québec sont la population que j'étudie. Cet effort est en train de prendre de l'importance. Le Dr Zacharias a dit, je crois, qu'on avait subventionné ce nouveau consortium, qui voit le jour et qui va prendre en compte les vétérans en tant que partenaires dans le cadre de la recherche.
Je suis particulièrement heureux d'être ici ce soir, car je représente ce qui est probablement la deuxième circonscription militaire en importance au pays, y compris la BFC Esquimalt sur la côte ouest. Ma circonscription compte un grand nombre de membres actifs des forces canadiennes et un grand nombre de vétérans. Nous travaillons beaucoup avec les membres actifs et les vétérans. Je crois que la difficulté qui se présente le plus fréquemment à mon bureau est celle de convaincre le ministère des Anciens Combattants ou le ministère de la Défense qu'il existe un lien entre les problèmes de santé mentale et les manifestations physiques. Il y a une présomption selon laquelle ces deux éléments n'ont rien à voir l'un avec l'autre, ce qui semble inspirer les programmes des deux organisations.
Ma première question s'adresse au centre sur la douleur chronique. Vous le dirigez depuis environ trois ans. Disposez-vous des recherches nécessaires pour aider les membres actifs et les vétérans à faire valoir que les programmes doivent tenir compte de ce lien?
Je crois que c'est l'un des aspects intéressants de notre étude. Nous avons utilisé un modèle statistique complexe pour montrer les liens entre différents éléments. Nous avons montré qu'il existait un lien entre la discrimination ou l'agression sexuelle et la détresse, et qu'il existait un lien entre la détresse psychologique et la douleur chronique grave. Cela signifie que pour les personnes qui ont vécu ces expériences, il y a eu un lien. Une chose a conduit à la suivante, qui a conduit à la suivante.
Cela nous a vraiment montré qu'il y a un impact psychologique dans l'impact physique. Nous ne pouvons pas les dissocier. Nous voyons cela très souvent, en particulier avec les douleurs musculosquelettiques chroniques. Souvent, pour les personnes qui présentent une douleur musculosquelettique chronique, c'est comme une peau d'oignon. Des blessures psychologiques sont à l'origine de ces douleurs. Parfois, en raison de la stigmatisation qui entoure la santé mentale, il est plus facile pour les personnes de présenter une douleur chronique que de réfléchir à la détresse psychologique chronique et aux blessures qu'elles ont subies. Si elles ne reconnaissent pas ces problèmes, ceux-ci se manifestent sous une forme de douleur chronique. Les personnes peuvent parler de leurs symptômes physiques plus que de leurs symptômes mentaux de douleur chronique, mais si l'on traite l'un et que l'on ignore l'autre, on n'arrive à rien.
C'est une philosophie très occidentale que de séparer la santé physique et la santé mentale, mais nous savons que ce n'est pas une bonne chose, quel que soit l'aspect de la santé. Les deux sont vraiment intégrés partout, mais nulle part peut-être n'est-ce plus important que chez les vétérans.
Madame Jaquemet ou madame Henson, j'aimerais vous poser la même question. Dans votre pratique clinique, voyez-vous ce problème pour les personnes d'établir ce lien afin d'obtenir un traitement approprié?
Pour les vétéranes que je traite, il y a toujours un lien entre les deux. Nous savons que le TSPT vit dans le corps. Les vétéranes recherchent souvent différents moyens de gérer non seulement la douleur chronique, mais aussi d'autres problèmes psychosociaux.
J'ai bien aimé ce que vous avez dit plus tôt sur le fait que les services sont regroupés en un seul endroit. C'est une chose très utile qui pourrait être améliorée, en ayant plus de ces services intégrés afin que nos vétérans n'aient pas à aller d'un endroit à l'autre et à tout gérer et coordonner par eux-mêmes. Une approche plus coordonnée serait une amélioration fantastique.
La deuxième chose que nous voyons assez souvent dans notre bureau, c'est la difficulté, en particulier pour les vétérans, mais aussi pour les militaires actifs, de faire le lien entre leurs symptômes et leur service. On présume qu'ils ont dû faire quelque chose ailleurs, que ce n'est pas leur service ou leur statut de vétéran qui a causé ces problèmes. On a tendance à renvoyer les gens ailleurs et à dire « ce n'est pas notre faute ».
Je me demande si cela se reflète dans l'expérience que vous avez vécue.
Je le crois vraiment. Je trouve que cela prend beaucoup de temps. Lorsque les vétérans se présentent pour la première fois à notre cabinet, leur degré de stress est si élevé que les services que nous offrons dans les phases initiales doivent créer cette régulation afin de diminuer certaines réactions du système nerveux pour que nous puissions commencer à assembler les pièces du casse-tête. Comme l'a indiqué ma collègue, nous pouvons nous appuyer sur un grand nombre d'ouvrages traitant de la façon dont les traumatismes se manifestent dans le corps. Ces processus prennent du temps. Nous devons les aider à construire ce récit. Sans cela, c'est comme si l'on divisait une personne en plusieurs morceaux.
Dans la minute qui me reste, je voudrais revenir au centre sur la douleur chronique et poser le même genre de questions. Avez-vous des recherches qui aident à soutenir les liens entre les problèmes auxquels les gens sont confrontés et les services qu'ils reçoivent?
Oui. Je crois que les meilleures données disponibles sont probablement celles qu'ACC a produites dans le cadre des études sur la vie après le service en 2016 et 2019. Il y a un énorme chevauchement entre la santé mentale et la douleur chronique.
Le problème est souvent que lorsque les vétérans ont une blessure pendant qu'ils sont en service, ils ne vont probablement pas la signaler parce qu'ils ont peur que cela nuise à leur carrière, comme Mme Le Scelleur l'a mentionné et comme la plupart des vétérans le mentionnent. J'ai évalué près de 600 vétérans au cours des cinq dernières années, et la plupart d'entre eux m'ont dit qu'ils avaient été blessés lors de l'entraînement de base, mais qu'ils ne l'avaient dit à personne parce qu'ils ne voulaient pas être libérés. Le problème vient en partie du fait que la culture est la suivante: « Je ferais mieux de ne pas le divulguer parce que cela pourrait mettre fin à ma carrière », et malheureusement, c'est ce qui est arrivé à un certain nombre d'entre eux.
Les études menées par ACC montrent clairement qu'il existe un lien entre la douleur chronique et la santé mentale, de sorte qu'il est impossible de séparer les deux et de les traiter séparément. Il faut les traiter dans un seul établissement qui s'occupe des deux.
Merci à tous nos témoins d'aujourd'hui pour leurs excellentes contributions jusqu'à présent et pour celles qui restent à venir.
Madame Le Scelleur, j'aimerais commencer par vous.
Tout d'abord, permettez-moi de vous dire — et je sais que cela a déjà été dit une ou deux fois, mais on ne le dira jamais assez — merci pour votre service. Je suis désolé, et j'ai été peiné d'entendre parler de certaines des expériences que vous avez endurées pendant votre service et au cours de votre période dans les Forces armées et depuis lors.
J'aimerais me concentrer sur votre expérience en tant que vétérane. Lors d'une série de questions précédente, Mme Wagantall vous a interrogé sur votre transition, le jour de votre départ et les circonstances immédiates de votre libération. Je voudrais aller plus loin, si possible. J'aimerais entendre parler de votre expérience de la transition vers la vie civile.
Vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire, bien que je ne me souvienne pas de la citation exacte, que la transition vers la vie civile est particulièrement difficile pour les vétéranes. J'aimerais que vous nous parliez un peu de votre histoire personnelle et de ce que vous avez vécu lors de cette transition vers la vie civile. Quelles ont été certaines des difficultés que vous avez rencontrées et quelles sont, selon vous, les choses qui pourraient être faites pour améliorer cette expérience pour une personne comme vous qui serait libérée demain, par exemple? Comment pouvons-nous améliorer son expérience de la transition?
Commençons par là. J'ai également quelques autres questions à vous poser.
Je commencerai par dire qu'il est très difficile de passer de l'état d'esprit « nous » à l'état d'esprit « je ». Nous n'avons jamais appris à penser à nous-mêmes dans l'armée, et personne ne nous a montré comment renouer avec cela.
Lorsque vous êtes en transition et que les gens vous demandent, même les cliniciens, ce que vous voulez faire, ce que vous aimez, vous ne pouvez pas répondre parce que vous n'avez jamais pensé à quoi que ce soit pour vous-même. L'état d'esprit « nous », la culture et l'état d'esprit militaire sont toujours présents, même lorsque vous n'êtes plus dans l'armée.
Je vous l'ai déjà dit. J'ai été libérée en 2016, et je dirais que j'ai finalement réussi ma transition il y a un an. J'ai participé à différents programmes. J'ai essayé beaucoup, beaucoup de choses différentes. J'ai essayé le programme de Sandra Perron. J'ai essayé d'autres organisations. Finalement, le programme qui m'a le plus marquée et qui m'a finalement aidée consistait à essayer de trouver qui j'étais en tant que personne. C'est une chose sur laquelle nous ne nous concentrons pas.
Même lorsque nous nous engageons dans l'armée, personne ne nous dit qu'il y aura une fin à un moment donné. Il est certain qu'on en sortira un jour, alors quel est le plan B? Vous connaissez-vous suffisamment pour quitter l'armée et savoir où aller pour faire quelque chose de votre vie?
Pour moi, c'était l'une des choses les plus importantes: essayer de passer du « nous » au « je ».
Je ne peux que l'imaginer, surtout pour quelqu'un comme vous. Vous avez dit que vous vous étiez engagé à l'âge de 17 ans. Toute votre vie d'adulte s'est déroulée dans l'armée, vous êtes donc dans cet état d'esprit depuis longtemps et il serait très difficile d'en changer.
Cela m'amène à la question suivante que je souhaite vous poser.
Les anciens combattants avec lesquels je m'entretiens me disent souvent qu'ils ont le sentiment d'avoir un but lorsqu'ils sont dans les forces armées. Lorsqu'ils quittent les forces armées, il arrive qu'ils ne trouvent pas de raison d'être dans ce qu'ils font dans la vie civile. Beaucoup me disent que le bénévolat, en particulier pour venir en aide à d'autres anciens combattants, est l'un des moyens qu'ils utilisent pour trouver cette raison d'être.
Je crois savoir que vous faites ou avez fait du bénévolat auprès de Wounded Warriors Canada. Pourriez-vous nous parler un peu du sens et du but que vous avez pu trouver dans ce bénévolat et de ce que cela a signifié dans votre vie après l'armée.
Vous venez de prononcer un mot très important. Nous « servons » dans l'armée. Nous accomplissons des choses pour les gens. C'est le but que nous avons choisi lorsque nous nous sommes engagés dans l'armée: Servir notre pays, notre nation et notre peuple. Faire du bénévolat s'en rapproche beaucoup.
En même temps, il est facile de s'y perdre, de ne s'occuper que des autres au détriment de soi-même. J'ai été la première à dire qu'il était plus facile de s'occuper des autres parce que je ne voulais pas prendre soin de moi-même.
C'est une bonne chose, car cela vous donne un but. De plus, il existe de nombreuses organisations pour lesquelles vous pouvez travailler.
Je dirais que le soutien entre pairs est une chose, mais il faut que quelqu'un ait opéré sa transition pour pouvoir s'occuper d'autrui. Il faut être bien établi dans sa transition pour être là et bien orienter les autres.
J'aimerais remercier les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui et rendre hommage à ceux et celles d'entre vous qui ont servi ce grand pays.
Par votre intermédiaire, monsieur le président, j'adresserai mes questions à la Dre Henson.
Dans votre pratique clinique, quels sont les problèmes de santé mentale que vous n'avez pas encore mentionnés dans votre introduction et qui sont plus fréquents chez les vétéranes que chez leurs homologues masculins?
Vous en avez énuméré plusieurs, mais s'il y en a d'autres que vous n'avez pas encore mentionnés, pourriez-vous nous en parler?
Je constate que beaucoup de femmes qui viennent me consulter ont fait l'objet d'un diagnostic de troubles comorbides.
Souvent, lorsque des hommes viennent me consulter, c'est le syndrome de stress post-traumatique qui les préoccupe au premier chef. Beaucoup de femmes avec lesquelles je travaille ont fait l'objet d'un diagnostic de troubles de la personnalité, qui sont des troubles plus graves. C'est un peu comme si, lorsqu'elles se présentent avec des préoccupations et des difficultés, ce sont elles qui sont le problème, et non pas le système. Elles se sont parfois retrouvées avec des soins qui ne respectent pas les différences culturelles, ou elles sont devenues le problème et ont dû quitter l'armée, alors que c'est l'armée qui aurait dû prendre leurs problèmes en charge. C'est probablement l'enjeu le plus fréquent.
Je crois que je n'ai reçu qu'un seul homme qui avait fait l'objet d'un diagnostic dans l'armée, et plusieurs femmes.
Nous avons entendu plusieurs témoignages de vétéranes ayant subi des traumatismes sexuels militaires et d'autres types de traumatismes. Vous en avez également parlé dans votre introduction.
Compte tenu de votre expertise, quel impact pensez-vous que cela a pu avoir sur leur bien-être mental, leurs transitions et leur vie?
L'une des choses que je constate, c'est qu'en raison de la mentalité de « soldat », lorsqu'elles subissent des traumatismes systémiques et micro-sexualisés, elles se referment sur elles-mêmes et perdent leur identité de femmes et la manière dont elles s'identifient. Pour survivre dans cette culture, elles doivent accepter que les choses se déroulent ainsi.
On ne peut occulter les choses que pendant un certain temps. Ensuite, cela se manifeste, comme nous l'avons entendu dire, par de nombreux problèmes de douleurs chroniques et de conflits familiaux, et par le fait qu'elles ne se sentent pas soutenues par leur famille. Cela devient une situation explosive pour elles dans tous les domaines de leur existence.
Dans les recommandations que vous avez énumérées, vous avez mentionné ce que nous avons déjà entendu dire au sein de ce comité: l'importance d'avoir la formation et l'expérience nécessaires pour pouvoir offrir à nos anciens combattants le type de soins dont ils ont besoin et qu'ils méritent amplement.
Pouvez-vous décrire les interactions avec les anciens combattants dans votre clinique, qui a recours à cette démarche?
J'utilise souvent une approche de thérapie d'acceptation et d'engagement. Une grande partie de cette approche consiste d'abord à aider la personne à identifier ses émotions, à comprendre et à identifier ses défis physiologiques et à comprendre les réactions de son système nerveux. Les étapes qui suivent sont ainsi: « Qu'appréciez-vous? Quel est votre but? Quel sens donnez-vous à votre vie? »
Comme nous l'ont dit nos autres intervenants aujourd'hui, lorsqu'ils quittent l'armée, ils manquent de directives. Même pour certaines de leurs qualifications transférables, ils ne comprennent pas comment elles s'intègrent dans un contexte civil. Comprendre qui ils sont en tant qu'individus — en tant que civils — devient un véritable défi.
De plus, étant donné que je travaille dans le comté de Renfrew, il y a un grand isolement. Le SSPT devient un trouble très isolé, et lorsque les systèmes ont créé un plus grand nombre de traumatismes sanctuaires, il est très facile de se perdre dans une région rurale. Il faut beaucoup de temps pour trouver de l'aide.
Comme je l'ai déjà dit, je passe souvent beaucoup de temps à trouver ces traumatismes avant même de pouvoir mettre en œuvre les thérapies qui leur sont propres.
Madame Jaquemet, quels sont les obstacles ou les stigmates les plus courants auxquels les vétéranes sont confrontées lorsqu'elles tentent d'obtenir de l'aide en matière de santé mentale?
Parmi les obstacles auxquels elles se heurtent, il y a souvent la honte qui s'y rattache. Il y a de nombreux sentiments. Il s'agit en partie de l'auto-stigmatisation dont elles sont victimes. Il y a aussi des problèmes psychosociaux, des difficultés à s'y retrouver dans le système. Il est souvent difficile pour les gens d'aller demander de l'aide.
Je crois que l'un des autres défis... Bien que le ministère des Anciens Combattants fournisse des services de garde d'enfants... Beaucoup d'anciennes combattantes avec lesquelles je travaille ont des enfants en bas âge, et elles essaient de concilier la façon de se rendre dans ces différents lieux et les différentes modalités de traitement, tout en ayant des enfants en bas âge à la maison. Surtout quand elles sont chefs de famille monoparentale, il est très difficile de faire la part des choses. Il faut alors se demander si l'on veut soutenir ses enfants et se concentrer sur eux ou si l'on veut se concentrer sur soi-même. La plupart du temps, le rôle de mère l'emporte sur le système.
Madame Le Scelleur, afin d'orienter vos recherches, le Centre d'excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens a mis en place un conseil consultatif.
Lorsque je regarde sur Internet, je vois qu'il n'y a que deux femmes, dont une vétérane, sur 10 ou 12 personnes. Est-ce exact?
Oui, en effet, vous avez raison. Toutefois, les efforts sont déjà en place pour attirer plus de femmes, plus de représentation des différents milieux, que ce soit des gens provenant de la marine, des forces aériennes ou de la diversité.
Je suis heureux d'entendre cela, parce que, si je me fie aux chiffres que le Dr Zacharias a donnés tantôt, 40 % des hommes et 50 % des femmes vivent de la douleur chronique. Entendre des femmes, et surtout des vétéranes, serait fort pertinent.
Madame Le Scelleur, quelles recommandations souhaiteriez-vous voir dans notre rapport?
Premièrement, comme on l'a mentionné, il faut assurément aborder davantage la question des douleurs chroniques en lien avec les douleurs et la souffrance mentale.
Deuxièmement, comme l'ont mentionné d'autres intervenants, la femme, qui a un rôle maternel, donne souvent la priorité aux services qu'elle donne aux autres au lieu de prendre soin d'elle. Je pense que c'est à cela qu'il faut s'attarder. Comment peut-on toucher les femmes dans leur réalité?
Par exemple, une femme doit toujours atteindre des résultats supérieurs pour égaler un homme — c'était mon cas. Elle tait toujours les mauvais traitements, afin de ne pas être mise à l'écart. Pourtant, elle devrait pouvoir gagner le respect qu'elle mérite. Encore aujourd'hui, il est triste de voir que, au Québec, on a une magnifique plaque d'immatriculation où il est seulement écrit « vétéran ». J'aurais souhaité qu'on puisse y voir le mot « vétérane », parce que les vétéranes se font encore demander si c'est la voiture de leur conjoint, par exemple.
Nous devons vraiment mettre des efforts pour faire reconnaître le rôle des femmes dans les Forces armées canadiennes, ainsi que la réalité qu'elles ont vécue durant leur service.
Merci, monsieur le président, même si cela n'est pas suffisant.
Je voudrais revenir sur ce qu'a dit Mme Henson, qui m'a beaucoup frappé.
Je vais vous poser une question. Des vétéranes en service nous ont parlé d'un échec... Si votre image du soldat est celle d'un homme blanc cisgenre et hétérosexuel et que vous ne reconnaissez pas que les besoins des femmes en matière de santé sont différents, cela conduira à un mauvais diagnostic ou à un surdiagnostic des problèmes auxquels les femmes ex-militaires sont confrontées. Est-ce quelque chose que vous constatez?
Absolument. Il y a une ligne de démarcation très nette entre les femmes qui présentent des problèmes de personnalité — dépression, anxiété et SSPT — et les hommes qui viennent nous voir et chez qui c'est le SSPT qui domine, pour ainsi dire.
En ce qui concerne les douleurs chroniques, je sais qu'un grand nombre des femmes avec lesquelles je travaille — les hommes aussi, mais surtout les femmes — semblent avoir plus de difficultés à obtenir les approbations et les traitements de longue durée dont elles ont besoin pour résoudre les problèmes qu'elles éprouvent sur le plan physiologique. Il semble qu'elles aient beaucoup plus de problèmes récurrents, de sorte qu'elles doivent présenter des demandes multiples.
Très rapidement, pour en revenir au centre sur la douleur chronique, à propos de la même question de la visibilité des parties moins bien représentées du milieu des militaires et des anciens combattants, je sais que ce comité a entendu des témoignages selon lesquels le centre sur la douleur chronique a mieux tenu compte des besoins des femmes en matière de santé et des besoins des personnes racialisées et des Autochtones. Pouvez-vous nous dire ce qui, dans votre approche, vous a permis de mieux traiter les éléments moins visibles de la collectivité?
Je crois qu'il y a deux choses importantes que le centre a réalisées.
Premièrement, il a financé des études portant spécifiquement sur le sexe et le genre, et sur la façon dont ils affectent les douleurs chroniques. C'est là un élément important.
Deuxièmement, dans la synthèse des meilleures données probantes que nous avons réalisée, nous avons exigé que le sexe et le genre soient pris en compte lors de l'examen de la documentation. Malheureusement, l'une des premières études que nous avons menées visait à déterminer si les résultats des traitements pluridisciplinaires de la douleur étaient différents chez les anciens combattants hommes et femmes, et nous avons constaté qu'aucune des études n'avait séparé les données relatives aux hommes et aux femmes. C'est pourquoi nous n'en savons rien, car les chercheurs n'en ont pas fait état dans leurs rapports.
À l'avenir, nous exigerons que les chercheurs diffusent toujours leurs données séparément pour les hommes et les femmes, afin que nous puissions déterminer si les résultats des traitements diffèrent selon le sexe et le genre.
La troisième chose à laquelle se livre le centre est de faire appel à la participation très active des personnes qui ont vécu l'expérience de tous les projets de recherche. Par exemple, dans le projet dont je vous ai parlé, l'une des coauteures est une ancienne combattante. Elle a été victime d'une agression sexuelle et a participé à chaque étape du projet. Comme vous le voyez, nous bénéficions des expériences précieuses que les gens ont à partager. Il est important qu'elles fassent partie du processus de recherche.
Ce sont les choses que j'ai constatées. Je poserai à nouveau la question au Dr Zacharias, car il peut parler dans l'optique du centre, mais d'après mon expérience de chercheur, c'est ce que j'ai pu voir.
Premièrement, nous insistons auprès de tous les chercheurs qu'ils fassent appel à des anciens combattants pour chaque projet, car ils ont besoin de cette perspective du vétéran.
Deuxièmement, c'est que la douleur n'est jamais uniquement le problème de l'individu; c'est le problème de la famille. S'il s'agit d'une vétérane, la douleur affectera son partenaire et affectera ses enfants. Nous finançons actuellement une recherche concernant les effets de la douleur chronique sur les enfants des vétérans qui souffrent de douleur chronique. Les résultats devraient être publiés plus tard dans l'année.
Par souci de transparence, je précise que j'ai servi dans les forces armées pendant neuf ans, mais j'en suis sorti il y a très longtemps. Je suis médecin, et j'ai eu une clinique de traitement de la douleur chronique. Mes mondes s'entrechoquent d'une manière très étrange ici ce soir.
Madame Le Scelleur, vous avez parlé de la transition à la vie civile et d'un membre de l'équipe... J'ignore au juste sur quoi porte votre recherche. Étudiez-vous un quelconque aspect de la résilience?
D'accord, merci. Je me concentrerai peut-être sur cet aspect.
Ce qui est intéressant, c'est que, comme j'en discutais avec un de mes collègues, quand on est dans l'armée, on appartient à un club, et puis du jour lendemain on ne fait plus partie du club. J'imagine que ça peut être plus difficile pour les vétéranes. Je peux simplement l'imaginer, car je ne suis pas dans la peau d'une vétérane.
Ma question est la suivante: y a-t-il des occasions où vous faisiez vraiment partie du club, et d'autres occasions où vous aviez l'impression d'en être exclue?
Je dirais que j'ai dû prouver ma fiabilité au sein du groupe d'hommes. Dès le début, j'ai repoussé mes limites. On m'a dit que je faisais partie du club, mais bien sûr, à un certain stade de ma carrière où je gravissais les échelons et changeais de poste, je devais toujours faire mes preuves à nouveau et m'assurer que tout le monde m'appuyait au lieu de me créer des entraves.
Le parcours n'a pas été facile, et je pense que c'est l'expérience que vit chaque femme militaire.
Monsieur le président, je m'adresserai par votre entremise à Mme Le Scelleur; après cela, peu importe l'endroit où vous êtes affectée après avoir quitté l'armée, car vous ne faites jamais partie de ce club.
Est-ce que cela fait partie de la difficulté de la transition? Est-ce dû au fait que les civils en général ne comprennent tous simplement pas ce que vous avez vécu, et l'expérience très inusitée que vous vivez quand vous quittez l'armée?
C'est aussi en partie la difficulté d'être reconnue comme vétérane. Les gens ont souvent du mal à croire que je suis est une vétérane, que je suis allée en Afghanistan, que j'étais présente sur le terrain et qu'un engin explosif artisanal a détoné près de moi. Les gens ont l'air de croire que je mens ou que je raconte l'histoire de quelqu'un d'autre.
Je suppose que l'essentiel, c'est d'être reconnue à la lumière de notre propre expérience. C'est ce qui est difficile.
Par votre entremise, monsieur le président, je pense que c'est Dr Zacharias qui a brièvement parlé de résilience. Sinon, ce doit être Mme MacDermid.
Cela étant dit, est-ce qu'il y a un quelconque moyen d'enseigner la résilience? Est-ce que c'est une question qu'il faudrait approfondir, peut-être dans le recrutement de militaires, dans l'enseignement scolaire, dans des choses comme ça? Est-ce que vous étudiez cette question?
Lors d'une réunion tenue la semaine dernière par la Société canadienne de la douleur, Mme Le Scelleur, d'autres anciens combattants et moi avons parlé de résilience et de transition. Nous avons notamment constaté une incroyable similitude entre les athlètes professionnels et les vétérans. Tous privilégient « la mission d'abord », puis leur carrière se termine. Et quand ça se termine, les applaudissements se taisent et ils sont laissés à eux-mêmes.
Nous nous efforçons de mieux faire connaître le rôle des anciens combattants des Forces armées canadiennes. À mon avis, si nous pouvons d'une manière ou d'une autre changer la gestalt du public canadien pour lui faire comprendre qu'à chaque fois qu'il se produit une crise au Canada — qu'il s'agisse des tempêtes de verglas au Québec, des ouragans sur la côte Est, des incendies qui font rage actuellement en Alberta ou de la COVID —, les militaires canadiens sont les premiers à intervenir, et leur dévouement mérite notre respect. Cependant, à un moment donné, leur carrière prend fin, tout comme prend fin la carrière de l'athlète, et nous cherchons donc un moyen de renforcer la résilience dans ces deux groupes pour qu'ils puissent apprendre l'un de l'autre.
Au cours des prochaines années, je pense que la population canadienne en prendra davantage conscience. Nous aimerions aller dans les écoles pour expliquer aux jeunes que s'ils vivent dans un pays si extraordinaire, c'est en partie grâce aux militaires, et nous voulons que ce rôle soit respecté.
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins présents ce soir.
J'avais de nombreuses questions, mais nos témoins ont répondu à une bonne partie d'entre elles dans leurs réponses à nos collègues.
D'après tous les témoignages que nous avons entendus ce soir, je pense qu'une chose est claire. On peut sortir un militaire de l'armée, mais pas toujours sortir l'armée du militaire. C'est clair.
Madame Henson, je veux vous poser cette question. Pourquoi est-il parfois si difficile, pour des vétérans qui ont 25 ou 30 ans de service et qui ont eu une solide carrière militaire, de passer à la vie civile et de maintenir un solide lien familial avec leur conjoint, leurs enfants, etc.? Est-ce parce que la discipline de la vie militaire leur manque et qu'ils peuvent jusqu'à un certain point se sentir seuls ou abandonnés?
C'est d'après moi un enjeu multidimensionnel. Comme le temps consacré au service militaire l'a souvent été au détriment de la vie familiale, la difficulté réside parfois dans la réintégration dans cette unité familiale. Pendant longtemps, les familles à la maison ont fait les choses d'une certaine manière, en évoluant à gauche et à droite jusqu'au moment où cet individu réintègre le foyer pour les soutenir et être présent, mais en bout de course, après des années de service, comment fait-on pour réintégrer pleinement la vie familiale, pour redevenir un membre à part entière de la famille?
Pour certaines personnes, surtout lorsqu'elles ont eu une très longue carrière, les enfants ont maintenant grandi, ils ont quitté le nid et ils fondent leur propre famille. Non seulement ces personnes tentent de trouver leur propre identité personnelle, mais aussi elles tentent de comprendre quelle est leur identité familiale, quelle est leur identité communautaire et comment elles peuvent se réinsérer dans tout ce système.
J'ajouterais simplement que souffrir d'un traumatisme est une expérience qui isole beaucoup la victime, et qui a souvent pour effet de la déconnecter de sa communauté, des environnements sociaux, de sa famille et même d'elle-même; on voit donc que la réinsertion et la reconnexion peuvent être très ardues.
Il peut se produire une déconnexion fonctionnelle pendant le service, mais la reconnexion est souvent très difficile. C'est ce que je voulais ajouter.
Madame Jaquemet, le comité s'est concentré sur la transition, il a soif de bons conseils, et c'est qu'il obtient des témoins ici présents.
Si vous pouviez formuler quelques recommandations pour cette étude, quelles seraient-elles? Je vous encourage également, comme je l'ai dit à d'autres témoins, à réfléchir à l'étude que nous allons préparer et à nous soumettre ultérieurement par écrit toute recommandation qui pourrait vous sembler pertinente.
Je crois qu'il est vraiment important de réfléchir à la façon dont nous concevons les recherches en collaboration avec la communauté. Le centre dont nous rencontrons des représentants ce soir, le centre de la douleur chronique, fait un excellent travail en s'adjoignant des vétérans comme collaborateurs. Cependant, ce sur quoi nous nous penchons vraiment, et c'est le sujet d'une de nos recommandations, c'est la recherche participative communautaire, qui s'intéresse aux individus qui se sentent marginalisés au sein des communautés; il s'agit de commencer le processus par eux et, en collaboration avec eux, de formuler les questions de recherche. Comment faire pour rejoindre les individus qui se sentent peut-être un peu déconnectés, et ensuite pour mettre en place ce type de mentorat par les pairs afin d'inclure toujours plus de voix dans le processus?
C'est une approche descendante qui provient même parfois des chercheurs, et je suis moi-même chercheure. Elle prend sa source à l'extérieur et se ramène ensuite vers l'intérieur. Nous manquons constamment la cible; je pense donc que l'approche idéale est de commencer à l'intérieur pour ensuite aller vers l'extérieur, en collaboration.
Madame MacDermid, lors de réunions précédentes des vétéranes nous ont dit qu'à la suite du temps qu'elles ont passé dans les forces armées, les problèmes de santé mentale engendrent des problèmes de santé physique, et vice versa.
Pouvez-vous nous parler de ces types de situations, peut-être en nous donnant quelques exemples de cet arrimage général entre l'esprit et le corps?
Il y a tellement d'exemples. Je vais simplement vous parler du sommeil. La douleur physique interrompt le sommeil, tout comme la détresse psychologique interrompt le sommeil. Quand on ne dort pas, la douleur physique s'aggrave et on ne peut pas fonctionner.
Tout est relié. Comme certains individus s'auto-médicamentent, les dépendances peuvent être liées à des problèmes non traités de santé physique ou mentale. Toutes ces interactions complexes se manifestent entre chaque aspect de la santé physique et chaque aspect de la santé mentale.
Madame Jaquemet, j'aimerais vous poser quelques questions sur le nouveau contrat de services de réadaptation. Que pensez-vous de son impact, aussi bien sur les fournisseurs de services que sur les vétérans, et croyez-vous qu'Anciens Combattants a adéquatement informé les fournisseurs de services et les vétérans au sujet de la mise en oeuvre de ce contrat?
Est-ce que vous continuerez vous-même de fournir des services dans le cadre de ce nouveau contrat?
Ça fait beaucoup de questions, mais je vous laisse y répondre à votre guise.
Nous n'avons pas reçu beaucoup d'information sur le changement. Je l'ai moi-même appris sur le coup. Je n'ai pas vraiment eu beaucoup d'information à ce sujet.
En outre, les intervenants à qui j'ai parlé n'étaient pas plus informés. C'était vraiment difficile de répondre aux questions des clients, car je n'avais pas les réponses. Je ne savais pas non plus vers qui les aiguiller. C'était vraiment difficile. Face à une situation qui comporte beaucoup d'inconnues, les gens sont à cran et deviennent plus anxieux. Pour contrer l'anxiété, il faut pouvoir compter sur des choses fiables et savoir à quoi s'attendre.
C'était vraiment difficile. Certaines de nos séances portaient uniquement sur ce qui allait se passer, sur la possibilité de me perdre comme fournisseur de services, ce genre de choses.
L'information demeure rare. J'ignore qui contacter dans le cas de mes clients qui ont été appelés par les Services de réadaptation professionnelle pour les vétérans canadiens. Mes clients ne se souviennent pas du nom de la personne à qui ils ont parlé. Ils se souviennent simplement qu'ils ont parlé à quelqu'un pendant trois heures et qu'ils ont dû raconter à nouveau leur histoire, mais ils ne se souviennent pas du nom de la personne et ils n'ont pas de numéro de téléphone. J'entends souvent ce scénario.
Quant à moi, je ne signerai probablement pas le contrat avec les SRPVC. En même temps, on nous dit que nous pouvons continuer à voir et à traiter nos clients. Cependant, la grande inconnue est de faire approuver les séances. On me téléphone pour me dire: « Hé, fais ça rapidement parce qu'on ignore ce qui va se passer. Essaie de faire approuver davantage de séances, car nous ne savons pas comment vous pourrez obtenir plus d'approbations ». Ça laisse beaucoup de questions sans réponse.
Oui, ça semble être le cas. Nous avons terminé une étude à ce sujet, et le rapport est en préparation. C'est une information utile pour nous, merci.
Je vais maintenant vous interrompre pour proposer une motion.
Je propose que le comité ordonne au ministère des Anciens Combattants de lui fournir tous les résultats, constatations, conclusions et recommandations liés à l'analyse comparative fondée sur le sexe et le genre de la recherche sur les prestations d'invalidité menée par Dre Barbara Clow.
La motion a fait l'objet d'un préavis, je peux donc la proposer. Je sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps et je m'excuse auprès de nos témoins. Vous comprenez tous, j'espère, que nous avons deux réunions de deux heures par semaine, et que c'est la seule façon de procéder si nous voulons faire quelque chose comme ça. Donc je m'excuse, mais c'est un volet important de ce que nous essayons de faire avec cette étude.
Je propose cette motion, qui est d'après moi assez explicite. Je sais que d'autres membres souhaitent s'exprimer à ce sujet, alors je vais simplement proposer la motion et céder la parole.
Non, monsieur le président. Je pense qu'elle se passe d'explication.
Plusieurs témoins nous ont parlé de cette recherche qu'Anciens Combattants hésite à publier ou refuse de publier, peu importe. Des témoins nous ont dit qu'elle serait utile. Je ne pense pas qu'on ait besoin de plus d'explication.
Monsieur le président, si cette motion a fait l'objet d'un préavis, je ne l'ai pas vu. J'aimerais qu'on suspende la séance pour que nous puissions au moins nous consulter. Je n'avais aucune idée que cette motion serait soumise. Je crois que nous avons eu une réunion, il n'y a pas si longtemps, où nous avons discuté des travaux du comité, et il n'y avait aucun témoin. J'aimerais qu'on suspende la séance, parce que s'il y a eu un préavis je ne l'ai jamais vu.
Je ne vois pas vraiment pourquoi on procéderait ainsi, monsieur le président. La motion a fait l'objet d'un préavis, qui a été donné il y a un certain temps. Si des membres ont choisi de ne pas en tenir compte, ce n'est pas la faute du reste du comité. Il ne nous reste pas beaucoup de temps. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de suspendre la séance.
Le préavis a été donné le 21 avril, donc c'est exact, mais vous allez en recevoir une nouvelle copie pour pouvoir en prendre connaissance.
Comme l'a dit M. Richards, les témoins peuvent rester avec nous, mais la procédure veut que je traite cette motion avec les membres du comité avant de poursuivre.
Pour compliquer encore les choses, j'aimerais proposer un amendement à la motion de M. Richards. Je pense que l'amendement est diffusé en ce moment même par voie électronique. Il prévoit d'ajouter, à la fin de la motion, un passage qui aidera Anciens Combattants Canada à déterminer ce dont nous avons réellement besoin au comité.
L'amendement consisterait à ajouter ce qui suit à la fin de la motion: la description du processus de prise de décisions sur les prestations d'invalidité à ACC, un rapport du 13 septembre 2019; les conclusions des consultations des informateurs clés tenues le 1er octobre 2019; l'analyse des instruments et processus de prise de décisions, datée du 20 décembre 2019; l'évolution des outils et règles de prise de décisions à ACC, 20 décembre 2019; et enfin, le rapport sommaire de l'analyse comparative fondée sur le sexe et le genre de la recherche sur les prestations d'invalidité à ACC, daté du 11 février 2020.
Sauf votre respect, monsieur le président, cet amendement ne change rien au sens de la motion. Il permet simplement au comité de donner des instructions plus précises à ACC au sujet des rapports qu'il souhaite obtenir.
L'amendement ajouterait simplement ce qui suit, après « Barbara Clow »: un, la description du processus de prise de décisions sur les prestations d'invalidité à ACC, en date du 13 septembre 2019; deux, les conclusions des consultations des informateurs clés, en date du 1er octobre 2019; trois, l'analyse des instruments et processus de prise de décisions, datée du 20 décembre 2019; quatre, l'évolution des outils et règles de prise de décisions à ACC, en date du 20 décembre 2019; et cinq, le rapport sommaire de l'analyse comparative fondée sur le sexe et le genre de la recherche sur les prestations d'invalidité à ACC, daté du 11 février 2020.
Monsieur le président, je viens de recevoir la motion de M. Richards. Je n'ai pas vu la motion amendée. J'aimerais avoir l'occasion d'en discuter avec mes collègues.
Je souhaite en recevoir une copie pour moi. Je n'ai pas encore reçu l'amendement de M. Garrison dans mon courriel. Le greffier peut-il faire en sorte de m'en envoyer une copie pour que je puisse suivre les débats?
Madame Lattanzio, je sais que vous n'êtes pas un membre régulier du comité. Je vais m'assurer auprès du greffier qu'il vous en envoie une copie le plus rapidement possible.
Il vient de l'envoyer.
Mme Patricia Lattanzio: J'ai reçu le préavis du greffier.
Le président: D'accord, il vous l'enverra dès que possible.
Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement?
[Français]
L'amendement ayant été envoyé à Mme Lattanzio, s'il n'y a pas d'autres interventions, je vais mettre aux voix l'amendement présenté par M. Garrison.
Monsieur le président, nous aimerions avoir l'occasion de discuter entre nous de l'amendement très détaillé qui vient d'être proposé.
M. Rogers vous a demandé de suspendre la séance pour nous donner cette possibilité. Vous avez le pouvoir de le faire. Je vous demanderais de l'exercer.
Sur ce point, comme vous l'avez indiqué précédemment, cette motion a été déposée il y a près d'un mois. L'amendement ne fait qu'énumérer les recherches visées par cette motion. Si des membres n'ont pas fait leurs devoirs durant le mois dont ils disposaient pour le faire, je ne crois pas que le reste du comité doive demeurer inactif pendant qu'ils en discutent. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'interrompre outre mesure les témoins. Je demande simplement qu'on passe au vote.
Si les membres n'ont pas fait leurs devoirs, ils devront choisir ce qu'ils feront pour leur vote.
Merci de m'avoir donné la parole, monsieur le président.
Nous sommes saisis, dans les derniers instants de la réunion et en présence de témoins, d'une motion qui a apparemment fait l'objet d'un préavis — enfin, c'est maintenant confirmé qu'il y a eu un préavis — le 21 avril. La motion ne semble présenter aucun problème. De toute évidence, une certaine Dre Barbara Clow a mené des recherches sur une question qui semble être pertinente pour...
Désolé monsieur Casey, mais je dois vous arrêter par manque de temps.
M. Sean Casey: Mais j'en ai encore beaucoup à dire, monsieur le président.
Le président: Je sais, mais je dois voir au respect de l'horaire. Nous allons lever la séance.
Tout d'abord, chers membres du comité, nous avons des témoins avec nous. Permettez-moi de les remercier pour leur très importante contribution, ce soir, à notre étude.
[Français]
Je voudrais remercier Mme Alisha Henson, psychologue clinicienne, Exercice sous supervision; et Mme Alana Jaquemet, travailleuse sociale autorisée et psychothérapeute autorisée. Elles comparaissaient toutes les deux à titre personnel. Je remercie également, du Centre d'excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens, le Dr Ramesh Zacharias, chef de la direction; Mme Hélène Le Scelleur, capitaine à la retraite, coprésidente, Conseil consultatif pour les vétérans du Centre d'excellence; et la Dre Joy MacDermid, professeure.
Sur ce, plaît-il au Comité d'ajourner la rencontre? Oui? Merci.