J'aimerais commencer par présenter les témoins.
Premièrement, nous avons Gary Mauser, professeur émérite, Institute for Canadian Urban Research Studies, de l'Université Simon Fraser.
Bienvenue, monsieur Mauser.
Deuxièmement, nous accueillerons M. Greg Illerbrun et M. Kevin Omoth, de la Saskatchewan Wildlife Federation.
Bonjour.
Troisièmement, nous entendrons Heidi Rathjen et Nathalie Provost, du Groupe des étudiants et diplômés de Polytechnique pour le contrôle des armes.
Bienvenue à tous.
Par vidéoconférence, nous avons également ce matin M. Étienne Blais, professeur agrégé, École de criminologie de l'Université de Montréal.
Nous allons juste vérifier si M. Blais peut nous entendre clairement et si nous pouvons l'entendre à notre tour.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le président, membres du comité et chers collègues. Je suis heureux d'avoir cette occasion de comparaître.
Je m'appelle Gary Mauser, professeur émérite, Université Simon Fraser. Je me trouve ici à titre personnel, comme criminologue venu pour présenter des faits, et non pas des mythes. J'utiliserai mon temps pour mettre en relief certaines des questions auxquelles je fais allusion dans le mémoire plus long que j'ai présenté au greffier.
Au fil de mes dernières 25 années comme criminologue universitaire, je me suis attaché à évaluer les lois sur les armes à feu. Le gouvernement mérite des louanges pour avoir proposé l'abolition du registre des armes d'épaule. Lorsqu'un programme gouvernemental ne réussit pas à atteindre ses objectifs, il s'agit de l'éliminer au lieu de le laisser continuer à gruger des fonds inutilement.
Dans ma brève allocution, je me pencherai sur quatre aspects. Premièrement, les propriétaires d'armes à feu responsables sont moins susceptibles d'être inculpés d'homicide que d'autres Canadiens. Deuxièmement, la police n'a pas été en mesure de prouver l'intérêt du registre des armes d'épaule. Troisièmement, le registre des armes d'épaule ne s'est pas avéré efficace pour ce qui est de diminuer le nombre d'homicides. Quatrièmement, les données figurant dans le registre des armes d'épaule sont d'une qualité tellement médiocre qu'elles devraient être détruites.
Mon premier point donc c'est que les propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi sont moins susceptibles d'être inculpés d'homicide que d'autres Canadiens. Cela ne devrait être guère surprenant. Les antécédents des propriétaires d'armes à feu sont examinés depuis 1979 et, depuis 1992, il est illégal de posséder une arme à feu lorsqu'on a des antécédents de violence.
On peut dresser une comparaison entre les propriétaires d'armes à feu et d'autres Canadiens en calculant le taux des homicides par 100 000 habitants. À la demande expresse de Statistique Canada, j'ai calculé que les propriétaires d'armes à feu détenant un permis affichaient un taux d'homicide de 0,6 personne par 100 000 titulaires de ces permis, alors que pour la même période, le taux moyen des homicides à l'échelle nationale s'élevait à 1,85 par 100 000 habitants; ainsi, les Canadiens qui ne sont pas titulaires d'un permis de possession d'armes à feu sont environ trois fois plus susceptibles de commettre un meurtre que ceux qui détiennent un tel permis.
Malgré ces faits, la GRC prévoit un budget annuel de plus de 20 millions de dollars pour les besoins de gestion du registre des armes d'épaule.
Le deuxième aspect que je tiens à souligner, c'est que la police n'a pas été en mesure de prouver l'intérêt du registre des armes d'épaule. L'abolition du registre ne compromettrait pratiquement pas la capacité de la police à retracer les armes à feu. Les statistiques révèlent que la police ne découvre des armes d'épaule enregistrées que très exceptionnellement dans les cas d'homicide.
Dans les huit ans qui se sont écoulés de 2003 à 2010, on a compté 4 811 homicides dont 1 485 perpétrés avec des armes à feu. Les données fournies par Statistique Canada révèlent que seules 135 de ces armes étaient enregistrées. Il n'y a eu que 73 cas, c'est-à-dire moins de 5 p. 100 de tous les homicides perpétrés avec une arme à feu où l'arme du crime était enregistrée au nom de l'inculpé et là encore, ces personnes peuvent être déclarées innocentes, bien entendu. Sur ces 73 cas, seuls 45 se rapportaient à des armes d'épaule — c'est-à-dire moins de 1 p. 100 de la totalité des homicides. Par conséquent, le registre des armes d'épaule ne pourrait pas compromettre de manière importante la capacité de la police à retracer les armes à feu.
La police n'a pas été en mesure de démontrer qu'elle avait résolu ne serait-ce qu'un seul meurtre en retraçant une arme à feu à l'aide du registre des armes d'épaule. Le registre ne s'est pas avéré plus utile pour ce qui est de résoudre le meurtre d'agents de police. Depuis 1961, 123 agents ont été tués par une arme à feu. Parmi ces meurtres, il n'y en a eu qu'un seul où il s'agissait d'une arme d'épaule enregistrée, et cette arme n'appartenait pas au meurtrier. Inutile d'ajouter que les criminels les plus dangereux s'abstiennent d'enregistrer leurs armes à feu. Nul ne s'étonnera donc de constater que les agents de police en fonctions affirment que le registre ne leur est d'aucune utilité.
Pire encore, le registre des armes d'épaule a diminué l'efficacité de la police en dressant un mur entre elle et les citoyens responsables qui possèdent des armes à feu.
Le troisième aspect dont je veux vous parler c'est que le registre des armes d'épaule n'a pas contribué à diminuer les taux d'homicide. Il n'existe aucune preuve palpable que le registre ait diminué la violence criminelle. Il n'y a pas une seule étude savante vérifiée par des criminologues ou économistes qui ait trouvé que les lois régissant les armes à feu comportent d'importants avantages.
Voici deux exemples qui illustrent mes propos: le taux des homicides reculait plus rapidement avant l'enregistrement obligatoire des armes d'épaule et le taux des homicides a reculé plus rapidement aux États-Unis qu'au Canada pendant la même période, c'est-à-dire de 1991 à 2010. Inutile d'ajouter que les États-Unis n'avaient pas les mêmes lois sur les armes que le Canada. Par ailleurs, le taux des meurtres multiples n'a pas varié depuis l'avènement du registre des armes d'épaule.
Quatrièmement, les données figurant dans le registre des armes d'épaule sont d'une qualité tellement médiocre qu'elles devraient être détruites. Les nombreuses erreurs et omissions que contient le registre des armes d'épaule le rendent pratiquement inutile pour les besoins de la police et des tribunaux. Le vérificateur général a trouvé à deux reprises que la GRC ne pouvait pas se fier au registre en raison de la multitude d'erreurs et d'omissions qu'il contenait.
Enfin, j'aimerais vous remercier de votre attention et vous faire quelques dernières réflexions.
Le registre des armes d'épaule est mal orienté car il cible les citoyens respectueux de la loi au lieu des criminels violents. Pour faire son travail, la police a besoin du soutien des personnes pour lesquelles elle travaille. L'abolition du registre aidera à réparer la rupture qui s'est produite entre la police et les citoyens responsables. Je vous exhorte à adopter le projet de loi C-19 et à faire en sorte que les données du registre des armes d'épaule soient détruites.
Soit dit en passant, il existe un précédent très clair de la destruction de telles données. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, toutes les armes à feu, y compris les armes d'épaule, étaient enregistrées. N'ayant plus aucune utilité après la guerre, ces renseignements ont fini par être jetés au rebut.
Merci.
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Je m'adresse à vous au nom de la Saskatchewan Wildlife Federation.
Monsieur le président, honorables membres du comité et chers collègues, c'est un véritable honneur et un privilège de m'adresser à vous aujourd'hui.
Notre temps est précieux, alors laissez-moi aller droit au but: des milliers de personnes que je représente ici sont en faveur de l'élimination permanente du registre.
Il s'agit-là d'un premier pas absolument vital pour que le gouvernement commence à respecter sa promesse de remplacer la loi actuelle par une loi qui protège notre droit à suivre un style de vie traditionnel. J'ai une véritable passion pour la chasse et le tir sportif que je partage avec mes trois filles: deux d'entre elles sont des chasseresses accomplies, alors que la troisième se contente de faire la razzia de mon congélateur.
La chasse est une tradition familiale très répandue en Saskatchewan. Je suis un ancien agent de la GRC ainsi qu'un ancien président provincial de la Saskatchewan Wildlife Federation, qui est l'un des organismes les plus importants de la sorte au monde. Depuis 1995, j'ai été le président du Saskatchewan Recreational Firearms Committee, qui travaille avec des groupes s'intéressant aux armes à feu, des gouvernements locaux et la Federation of Saskatchewan Indian Nations. Ces organismes englobent des personnes toutes simples qui s'intéressent au plein air et aux armes à feu. À l'instar d'autres Canadiens, nous avons foncièrement déploré l'adoption de la Loi sur les armes à feu, que l'on continue à appeler le projet de loi C-68, même 16 ans après son adoption.
Qu'y a-t-il de tellement insultant dans cette loi?
L'ancienne vérificatrice générale Sheila Fraser l'a très bien résumé quand elle a affirmé que l'idée au départ consistait à utiliser les renseignements du registre pour cibler les cas à haut risque, mais que cela avait pris une nouvelle ampleur, allant jusqu'à considérer tous les propriétaires d'armes à feu sous un même jour, sous prétexte que l'utilisation d'armes à feu est une « activité sulfureuse » exigeant des contrôles rigoureux. Cette loi cible des citoyens respectueux de la loi, sans pour autant empêcher l'utilisation criminelle des armes à feu. Cette approche est fondamentalement erronée. Prenons l'exemple du registre des armes de poing: voilà deux décennies qu'il est en place, mais l'utilisation des armes de poing par les criminels ne fait qu'augmenter aujourd'hui. Les registres ne servent pas à arrêter le crime. Il suffit de voir ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande.
Comme vous le savez peut-être, Allan Rock, ancien ministre de la Justice, a affirmé une fois: « Je suis venu à Ottawa... avec la ferme croyance que seuls la police et les militaires devaient posséder des armes à feu. » Ce plan pour débarrasser le Canada des armes à feu privées a été concocté de manière stratégique et concrétisé par le Parti libéral moyennant la création du projet de loi C-68. Les outils ont soigneusement été façonnés sous forme de loi, où ils subsistent à ce jour, en attendant d'être utilisés. Voici un bref survol du libellé actuel de la Loi sur les armes à feu.
Premièrement, commet un délit quiconque possède une arme à feu, autre qu'un soldat ou un agent de police. Le permis actuel est un permis temporaire qui empêche la police de vous inculper du crime que vous êtes en train de commettre. Il peut être révoqué ou rendu difficile d'obtenir ou de conserver, au gré du gouvernement. Sans ce permis, vous ne pouvez pas posséder une arme à feu.
De nombreux résidents de la Saskatchewan ont été inculpés simplement parce qu'ils avaient oublié de renouveler leur permis. En ma qualité d'ancien policier, je ne peux pas appuyer le principe d'inculper des agriculteurs qui ont besoin d'une arme à feu pour lutter contre les ravageurs, et je vous rappelle que certaines de ces personnes sont des anciens combattants, qui ne devraient pas voir leur liberté qu'ils ont payé si cher de leur sang, disparaître allègrement sous l'effet d'un coup de plume bureaucratique. Un permis pour porter des armes à feu doit être valable à vie à moins que la personne ne perde ce droit à l'issue d'un acte criminel.
Deuxièmement, commet un délit quiconque possède une arme à feu non enregistrée. D'aucuns diraient que c'est la même chose qu'enregistrer un chien ou un véhicule. Or, en cas de dérogation, les propriétaires de chien et de véhicule n'ont pas droit à un casier judiciaire. Il n'est pas acceptable d'évoquer le droit pénal pour les besoins de mise en application du contrôle des armes à feu. Malheureusement, nous avons dépensé 2 milliards de dollars pour surveiller des citoyens honnêtes. De grâce, finissez-en avec le registre et utilisez l'argent pour vous occuper de véritables criminels.
Troisièmement, le gouvernement peut changer tout règlement au moyen d'un décret, y compris en ce qui a trait à la classification des armes à feu. Ainsi, toute arme à feu qui est légale en ce moment peut être reclassifiée et confisquée à l'issue d'une réunion du Cabinet à huis clos. Des confiscations ont eu lieu et elles continueront à avoir lieu tant et aussi longtemps que cette législation insidieuse existera dans sa forme actuelle.
Quatrièmement, les inspecteurs du gouvernement — non pas les services de police — peuvent pénétrer chez vous sans un mandat de perquisition. Il leur suffit de soupçonner qu'ils y trouveront une arme à feu, des munitions, voire une documentation sur une arme à feu. Vous me saisissez? Je vous demande un peu si les propriétaires d'armes à feu sont traités de la même manière que d'autres Canadiens.
Cinquièmement, la Loi sur les armes à feu supprime le droit de demeurer silencieux. Les inspecteurs peuvent exiger qu'on leur dise où se trouvent les armes à feu — ou toute autre preuve connexe — et si on ne se montre pas coopératif, on peut être inculpé et emprisonné. On n'a pas le droit de demeurer silencieux. Ce n'est pas parce qu'on est un trafiquant de drogues, un délinquant sexuel ou un meurtrier. C'est parce que la loi vous reconnaît comme le propriétaire légitime d'une arme à feu. Les criminels ont davantage de droits que les propriétaires d'armes à feu.
Existe-t-il de nombreux cas de propriétaires légitimes d'armes à feu qui auraient utilisé ces armes à des fins illicites? La réponse est négative. Le régime tout entier a été mis sur pied pour parer à un risque potentiel qui, je vous l'affirme, n'existe pas aujourd'hui. Le gouvernement libéral antérieur a délibérément conçu ces outils et d'autres encore pour mettre petit à petit un point final à la possession d'armes à feu chez les particuliers Canada. Laissons la loi tel quel, et tôt ou tard le gouvernement se servira de ces outils pour mettre fin à un mode de vie traditionnel et légitime au Canada.
L'abolition du registre est un excellent premier pas pour commencer à remplacer la Loi sur les armes à feu. J'exhorte le gouvernement à continuer à mener par l'intégrité.
Tenez votre promesse d'élaborer une loi que tous les Canadiens seront prêts à accepter.
Merci.
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Bonjour. Merci à vous tous de nous accueillir à ce comité.
Je m'appelle Nathalie Provost. Je suis ingénieure, diplômée de Polytechnique en 1990, et mère de quatre enfants. Je représente, avec Heidi Rathjen, l'Association des étudiants de Polytechnique, l'Association des étudiants des cycles supérieurs de Polytechnique, le CA de l'Association des diplômés de Polytechnique et de nombreux témoins et survivants du massacre ainsi que leur famille.
J'ai été blessée le 6 décembre 1989 à l'École polytechnique par le tir d'une arme semi-automatique, alors que mes consoeurs blessées plus gravement mouraient à mes côtés. Les armes d'épaule sont dangereuses, je le sais très bien. La fusillade à notre école a déclenché un mouvement canadien pour faire progresser les lois sur le contrôle des armes à feu. Le massacre a mis en évidence les failles de la loi canadienne.
À l'époque, il était relativement facile, même pour un jeune de 16 ans, d'obtenir l'autorisation d'acquérir un nombre illimité d'armes à feu. Il y avait alors des millions d'armes d'épaule invisibles aux yeux de la police. Ainsi, peu après la tuerie, les étudiants et les étudiantes de Polytechnique ont lancé une vaste pétition afin d'obtenir un meilleur contrôle des armes à feu.
En 22 ans, nous avons pu contribuer à des progrès législatifs et de sécurité publique très impressionnants, notamment la baisse substantielle des taux de décès et de suicides par armes à feu. Lorsque les politiciens conservateurs prétendent que les armes d'épaule ne constituent pas un problème parce qu'elles ne sont pas l'arme de choix des criminels, ils ignorent les faits et le gros bon sens.
La Cour suprême a souligné cette évidence qui échappe toujours aux conservateurs.
On ne peut pas diviser clairement les armes à feu en deux catégories — celles qui sont dangereuses et celles qui ne le sont pas. Toutes les armes à feu sont susceptibles d'utilisation criminelle. Elles sont toutes susceptibles de tuer et de mutiler. Toutes les armes à feu sont donc une menace pour la sécurité publique.
Ainsi, par respect pour la mémoire des victimes d'armes d'épaule, dont les 14 victimes de Polytechnique et par compassion pour toutes les personnes qui, comme moi, ont ressenti la brûlure de la poudre à canon, pourriez-vous, mesdames et messieurs les conservateurs, cesser de prétendre que les armes d'épaule ne constituent pas un problème en lien avec la criminalité?
En effet, chaque année, la police révoque les permis de possession de plus de 2 000 individus potentiellement dangereux et confisque les armes en leur possession. Le ministre de la Sécurité publique, l'honorable Vic Toews, a dû admettre à la Chambre des communes qu'en un peu plus de deux ans, 4 612 armes d'épaule ont été saisies en lien avec la révocation de permis de possession pour des raisons de sécurité publique. En tout, 111 000 armes à feu sont présentement sous la garde des forces policières dont 87 000, soit près de 80 p. 100 sont des armes d'épaule.
Ces actions, aidées par le registre, empêchent des tragédies et sauvent des vies. Lesquelles exactement? On ne le sait pas, justement. Elles n'ont pas eu lieu: pas de massacre, pas de manchette, pas de nom de personnes sauvées. Quand les mesures de prévention fonctionnent, il n'y a pas d'incidents à documenter. Cependant, n'osez pas nous dire que le registre n'est pas efficace.
Dans 11 jours, ce sera le 22e anniversaire du massacre de Polytechnique lors duquel j'ai été blessée et j'ai échappé à la mort. C'est donc avec le coeur très lourd que j'assiste au processus législatif menant au démantèlement d'un des rares effets positifs de cette tragédie, la loi qui contribue à sauver des centaines et des centaines de vies.
Avec le projet de loi , nous laissons le lobby des armes dicter le type de société dans laquelle nous voulons vivre, une société qui régresse de manière irréversible vers un accès plus facile aux armes à feu, ce qui résultera sans aucun doute en plus de vies et de familles détruites par le simple appui d'une gâchette.
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Bonjour. Je poursuivrai en anglais.
Pour le moment, le débat autour du projet de loi C-19 s'est surtout concentré sur l'enregistrement des armes à feu. Or, les conséquences de cette législation vont bien au-delà.
Par exemple, l'article 11 élimine l'obligation de tenir un registre des transactions de vente des armes d'épaule. Autrement dit, il n'y aura plus la moindre trace papier ou électronique pour démontrer qu'une telle vente a eu lieu. En deux ans, il y a eu plus de 1,5 million de transactions de vente privées de la sorte.
L'exigence de consigner les ventes a été introduite en 1977 et, en l'absence d'un registre centralisé plus efficace, la démarche pouvait au moins desservir la sécurité publique en aidant la police dans le cadre de certaines enquêtes criminelles. Par exemple, les reçus des ventes ont permis à la police d'identifier l'auteur de la fusillade à l'École polytechnique, qui était méconnaissable car il s'était tiré une balle en plein visage.
Ainsi, à moins qu'un magasin ne conserve volontairement un registre détaillé des ventes, il n'y aura plus aucun indice reliant le vendeur à un acheteur ou à l'arme à feu qui a été vendue, pas plus qu'un d'indice pour confirmer que cette vente a réellement eu lieu. Les ventes se feront à la faveur de l'obscurité la plus totale.
Le projet de loi C-19 affaiblira également énormément un deuxième volet essentiel du contrôle des armes à feu: les contrôles sur la propriété ou la délivrance de permis de possession d'armes à feu.
Lorsque, en 2006, le gouvernement conservateur a déposé le projet de loi C-21, qui était une tentative antérieure d'abolir le registre, il a reconnu l'importance de vérifier la validité d'un permis de possession au moment de vendre ou de transférer une arme à feu — quelqu'en soit le type. Dans la fiche d'information qui accompagnait le projet de loi, les Conservateurs rassuraient le public en affirmant que l'amendement proposé continuerait à « obliger les propriétaires actuels à vérifier, en communiquant avec le contrôleur des armes a feu, que les acheteurs potentiels d'armes à feu ou tout autre futur propriétaire d'une arme à feu sans restriction ont un permis d'armes à feu valide ». On y disait également que « cette mesure aidera à s'assurer que les armes n'aboutissent pas dans les mains d'individus qui ne devraient pas y avoir accès, comme des criminels reconnus ».
Néanmoins, l'article 11 élimine également l'obligation pour quiconque vend ou transfère une arme d'épaule, qu'il s'agisse d'un commerce ou d'un particulier, de vérifier la validité du permis de possession de l'acheteur. Tout ce qu'il faut c'est que le vendeur n'ait « aucun motif de croire que le cessionnaire n'est pas autorisé à acquérir et à posséder une telle arme ». À toutes fins pratiques, le vendeur ne doit même pas se donner la peine de demander à voir un permis.
Pour bien comprendre les ramifications de cette incroyable échappatoire, songez à ce qui suit: une personne désireuse de se procurer une arme d'épaule peut se contenter de montrer une carte qui ressemble à un permis. Il pourrait s'agir d'un permis révoqué ou de contrefaçon, ou simplement d'un document plastifié d'apparence officielle qui peut être produit dans n'importe quelle papeterie.
En vertu du projet de loi C-19, le vendeur n'aurait plus aucune obligation de vérifier la validité du permis auprès du Centre des armes à feu ni de consigner quoi que ce soit à propos du permis, le numéro, la carabine faisant l'objet de la transaction, ni la personne à qui elle est vendue. Il suffit de croire que le nouveau propriétaire est autorisé à posséder une arme à feu. L'acheteur peut convaincre le vendeur: « Je vous promets que j'ai un permis. » Est-ce suffisant?
Advenant qu'une carabine soit utilisée lors d'un crime, il est pratiquement impossible de responsabiliser la personne qui aura vendu l'arme à feu à une personne non titulaire d'un permis. Tout ce que la personne doit dire c'est: « Oui, j'ai vendu une arme à feu à quelqu'un. Il me semble me souvenir qu'il ou elle avait un permis valable. Du moins c'est ce que je croyais à ce moment-là, mais je n'en ai pas vérifié la validité ni inscrit le numéro de permis, ni le nom de l'acheteur. » En principe, il n'y a pas infraction à la loi à moins que la police ne puisse prouver que cette personne ne croyait pas vraiment aux affirmations de l'acheteur.
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Monsieur le président, distingués membres du comité, bonjour.
Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis Étienne Blais, criminologue et professeur agrégé à l'École de criminologie de l'Université de Montréal. J'ai été embauché en raison de mon expertise dans les domaines des méthodes de recherche et de la prévention du crime.
Depuis mon entrée en fonction, en 2006, j'ai développé un programme de recherche sur la prévention des crimes et traumatismes liés aux armes à feu. Depuis le début de ma carrière, j'ai eu l'occasion de publier plusieurs articles avec comité de pairs et de donner plusieurs conférences sur la question du contrôle des armes à feu au Canada.
Avant de présenter ma position sur le projet de loi , j'aimerais rappeler que la problématique des blessés par armes à feu va bien au-delà de celle de la criminalité, voire des violences associées aux groupes criminels. Sur les quelque 800 décès annuels que l'on associe aux armes à feu, 75 p. 100 sont des suicides. De plus, environ 85 p. 100 des suicides par arme à feu impliquent des armes longues. Dans bien des cas, les suicides impliquent des personnes souffrant de troubles mentaux ou qui se trouvent en situation de crise momentanée.
Les suicides sont bien souvent commis au domicile de la victime. Plusieurs études démontrent que l'accès à une arme à feu au domicile augmente le risque de suicide en général. C'est également le cas des homicides commis entre conjoints. La présence d'une arme à feu au domicile augmente le risque d'homicide conjugal. Dans ces cas d'homicides et de suicides, l'arme à feu représente le facilitateur parfait qui permet d'actualiser les pensées suicidaires ou homicidaires. C'est d'ailleurs dans l'optique de prévenir ces suicides et homicides que s'inscrivent certaines des dispositions de la loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, et ses règlements, notamment lorsqu'on parle d'aviser l'actuel conjoint ou le conjoint des deux dernières années de l'intention d'achat du conjoint ou de l'ex-conjoint et de l'enregistrement de toutes les armes à feu.
Dans le cadre de mes recherches, je me suis justement intéressé à l'effet de ces lois sur les taux d'homicides et de suicides. Les résultats de mes études ont été publiés dans des revues, avec comités de pairs, ou présentés lors de conférences scientifiques, également avec comités de pairs. Dans l'une de ces études, mes collègues et moi avons évalué l'effet des lois C-51, C-17 et C-68 sur les taux d'homicides et de suicides au Canada entre 1974 et 2004.
Tout d'abord, nos résultats démontrent que l'adoption de la loi C-68 fut associée à une baisse significative des homicides commis par arme à feu, et plus précisément les homicides impliquant des armes longues. Cette baisse varie entre 5 p. 100 et 10 p. 100, selon les provinces. En nombre, cela correspond à la prévention d'environ 50 homicides par année au Canada.
L'effet préventif de la loi est d'autant plus probable que la baisse des homicides par arme longue n'est pas compensée par une hausse des homicides commis par d'autres méthodes. De surcroît, cette baisse s'observe uniquement pour les homicides commis par arme longue. Les homicides commis à l'aide d'autres armes, tels les couteaux et les objets contondants, ne bougent pas. Cela signifie que la baisse qui est attribuable à la loi C-68 l'est bel et bien et qu'elle n'est pas attribuable à d'autres facteurs ou mesures de prévention mises en place pour prévenir ces homicides.
Deuxièmement, la loi C-68 fut associée à une baisse significative des suicides par arme à feu. Encore une fois, il n'y a pas d'augmentation ni de baisse du nombre de suicides commis par d'autres méthodes. Cela suggère que la baisse des suicides par arme à feu n'est pas compensée par une hausse des suicides commis par d'autres méthodes et que la baisse n'est pas attribuable à d'autres mesures de prévention du suicide. Nous estimons à environ 250 le nombre de suicides prévenus par année au Canada depuis l'introduction de la Loi sur les armes à feu en 1998.
Récemment, nous avons réalisé d'autres évaluations qui viennent consolider nos conclusions voulant que la loi C-68 ait permis de réduire les homicides et les suicides. Ces récents résultats suggèrent même que la loi C-68 a permis de prévenir les homicides conjugaux. Les effets de la loi C-68 se seraient principalement manifestés à partir de 1998, de manière graduelle, soit au fur et à mesure que les dispositions de cette loi furent appliquées.
Maintenant, plusieurs études ont été réalisées sur l'effet des lois canadiennes en matière de contrôle des armes à feu. Pourquoi considérer nos résultats? En quoi nos résultats sont-ils plus crédibles que ceux des autres études?
Premièrement, nous tenons compte d'autres facteurs, tels que la proportion de jeunes hommes, la consommation de bière, le nombre de policiers par habitant, les taux d'incarcération et le taux de chômage, pour ne nommer que quelques autres facteurs concomitants.
Deuxièmement, nous employons des méthodes statistiques permettant d'obtenir des estimés valides.
Troisièmement, nous distinguons les homicides en fonction de l'arme utilisée et de la relation entre les parties. Toutefois, le principal avantage de nos études réside, à mon avis, dans l'emploi de la province comme unité d'analyse, ce que ne font pas plusieurs études.
Par exemple, dans notre dernière étude, nous tenons compte des divers taux d'homicide des six provinces canadiennes et de la région de l'Atlantique pour la période de 1974 à 2006. Cela nous permet d'avoir un échantillon de 231 observations. Il s'agit d'un échantillon suffisamment grand pour détecter les effets des lois. Un simple échantillon de 30 ou de 35 observations serait complètement insuffisant, faute de puissance statistique.
De plus, cela nous permet de tenir compte du champ de compétence provinciale en matière d'application des lois. Les lois entrent en vigueur au même moment dans l'ensemble du Canada, mais ce sont les provinces qui ont la responsabilité de les appliquer. Ainsi, toute évaluation des lois en matière de contrôle des armes à feu au Canada doit tenir compte de cette réalité.
Enfin, employer les provinces comme unité d'analyse permet de tenir compte des variations dans les taux de criminalité entre celles-ci. Le Canada en soi n'est pas représentatif des problématiques vécues dans les provinces.
En conclusion, les résultats de nos études démontrent que le projet de loi C-68 a permit de prévenir 300 décès par année. Sur la base des données sur les coûts directs et indirects des décès par arme à feu, on estime à plus de 400 millions de dollars par année les coûts épargnés grâce à la prévention de ces 300 décès. Ce montant se compare avantageusement aux 63 millions de dollars annuels consacrés au fonctionnement du Programme canadien des armes à feu, et aux 9,1 millions de dollars consacrés aux activités d'enregistrement, selon le rapport de la GRC.
Sur la base de nos résultats, nous croyons que le retrait du registre des armes à feu risque de compromettre la santé et la sécurité des Canadiens. L'obtention d'un permis de possession d'arme à feu et l'enregistrement des armes à feu sont deux mesures nécessaires et complémentaires. Ces mesures permettent de lier chaque arme à feu à son propriétaire...
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Tout au long des témoignages, nous avons constaté une division entre la tentative de donner l'impression qu'il s'agit d'un enjeu confrontant les hommes aux femmes, d'une part, et les victimes aux criminels, d'autre part. À mon avis, cela ne décrit pas vraiment l'identité des propriétaires d'armes à feu au Canada, alors je vous remercie d'avoir fait cette précision.
Lors des témoignages récents, nous avons entendu un monsieur des Territoires du Nord-Ouest qui parlait de l'éducation et des taux de littératie chez les gens du nord et du patrimoine culturel et traditionnel de la chasse, qui s'applique très certainement aux Canadiens des régions rurales, voire des régions urbaines. Nous comprenons parfaitement la difficulté que certaines personnes éprouvent à l'heure de remplir les formulaires d'enregistrement.
Vous avez affirmé que les femmes sont propriétaires d'armes à feu. Ce sont des chasseresses. Ce sont des tireuses. Nous avons entendu le témoignage d'athlètes féminines qui s'adonnent à ce sport.
Nous avons ensuite entendu parler de gens qui négligent sciemment d'enregistrer leurs armes à feu dans les faits. Compte tenu de ce choix conscient, il est clair que nous n'avons aucune idée du nombre d'armes à feu qui se trouvent un peu partout au Canada. Nous nous contentons donc de déduire que ce chiffre comprendrait des femmes possédant des armes à feu, qui ont décidé d'échapper aux contraintes du registre et qui se sont donc abstenues d'enregistrer leurs armes.
Lorsque nous songeons à l'éducation, au taux de littératie, aux femmes qui possèdent des armes à feu, à la nécessité de détenir ces armes dans les régions rurales et du Nord pour subvenir aux besoins de leurs familles, aux pratiques culturelles et traditionnelles, au fait que certaines personnes refusent d'enregistrer leurs armes à feu, et enfin aux ramifications criminelles qui en découlent, ne conviendrez-vous pas avec moi, à la lumière de tout cela et des difficultés et inexactitudes du registre, que nous nous exposons gravement — comme nous le faisons depuis des années — à transformer ces Canadiens respectueux de la loi en des criminels? Cela finirait par victimiser les femmes dans les régions rurales et les femmes qui en font un moyen de subsistance, qui misent sur la culture et les pratiques traditionnelles, et qui ont absolument besoin d'armes d'épaule pour maintenir leur mode de vie. Il s'agit parfois de familles monoparentales.
Pouvez-vous faire un commentaire là-dessus? N'êtes-vous pas d'accord pour dire que nous ne tenons pas à courir le risque de victimiser ces femmes encore davantage?
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins de leurs présentations.
Premièrement, merci à vous deux qui êtes venus de l'École polytechnique. Sachant les circonstances amères qui vont ont amenées jusqu'ici, je crois que c'est très courageux de votre part. Vous, madame Provost, qui avez vécu les faits, cela doit vous rappeler des souvenirs horribles.
Madame Rathjen, j'aimerais vous accorder une minute ou deux pour vous permettre de finir toute autre chose que vous aimeriez ajouter.
Aussi, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du fait que si ce projet de loi est adopté, l'arme à feu qui a été utilisée à l'École polytechnique, la Ruger Mini-14, qui figure dans le registre... Ce modèle d'arme à feu fait partie du registre et il ne sera plus nécessaire de l'enregistrer. Toute information sur ces types d'arme à feu ou de rifles d'assaut sera détruite, avec tout le reste.
Avec les amendements qui vont être apportés à la loi, il n'y aura que très peu, voire aucune, possibilité de retracer les armes à feu ni de savoir quand ou à qui elles ont été vendues. La GRC a fait valoir qu'en l'impossibilité de suivre et de retracer les armes, la loi serait pour ainsi dire « insusceptible d'application valable ». Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez et nous faire part de vos inquiétudes, le cas échéant?
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Un des problèmes constatés ces dernières années est que le gouvernement n'a pas fait de mise à jour ou reclassé certaines armes qui devraient faire partie des armes à autorisation restreinte ou prohibées. Nous considérons que toutes les armes d'assaut — toutes les armes qui ont des caractéristiques militaires — qui sont conçues pour tuer des gens rapidement et efficacement, devraient être interdites.
Malheureusement, parmi les sept millions d'armes d'épaule qui seront enlevées du registre, qui deviendront invisibles pour la police, il y en a un certain nombre qui devraient être classées comme armes à autorisation restreinte. La police va en perdre la trace.
Comme je l'ai dit, le débat sur ce projet de loi a porté principalement sur l'enregistrement, car c'est le motif d'objection dont le gouvernement a parlé pour ce projet de loi. En même temps, le gouvernement professe sa foi dans le permis de possession en disant que c'est ce qui assure un véritable contrôle des armes à feu. Nous ne sommes pas de cet avis, mais nous sommes pour le permis de possession.
En dissociant la vente d'armes à feu du système de permis, en disant qu'il n'est pas nécessaire de garder des traces de ces ventes et de vérifier la validité du permis de la personne à qui on vend une arme, vous supprimez le mécanisme qui permet à la police d'appliquer les dispositions relatives au permis de possession.
Le projet de loi est rédigé de telle façon qu'il part du principe que la personne à qui vous vendez l'arme détient un permis de possession valide. C'est seulement si vous avez une raison particulière d'en douter que vous n'êtes pas autorisé à la vendre. Si vous croyez que l'acheteur détient un permis — obtenu on ne sait pas comment —, vous ne violez pas la loi, même si la vente de l'arme à une personne qui ne possède pas un permis valide est illégale. C'est une énorme échappatoire dans laquelle vous pourriez faire passer un train de marchandises et qui sape entièrement les dispositions du système de permis de possession.
Nous n'en comprenons pas la raison. Quel avantage le gouvernement pourrait-il en tirer? Par le passé, il a affirmé qu'il était essentiel de vérifier les permis de possession pour protéger la sécurité publique.
Nous n'avons pas de réponse. Nous savons seulement que c'est un pas de plus vers ce que préconisent maintenant de nombreux groupes du lobby des armes, qui prônent également l'abolition du système de permis de possession.
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Oui. Merci beaucoup pour ces questions.
Premièrement, il est discutable que la seule façon dont le contrôle des armes à feu puisse être efficace, c'est en limitant l'accès aux armes à feu. L'approche est très différente. Aux États-Unis, il y a également un contrôle des armes à feu, mais il n'est pas destiné à limiter l'accès aux armes à feu.
Les taux d'homicide ont diminué plus rapidement aux États-Unis pendant les années 1990 et 2000. Les Américains ont une série de lois qui incitent les citoyens respectueux des lois à posséder et à porter des armes à feu. La situation est maintenant la même dans pratiquement tous les États. Si c'était une menace pour la paix, le taux d'homicide aurait dû augmenter. Cela n'a pas été le cas.
Notre contrôle des armes à feu a cherché à criminaliser les citoyens jusque-là respectueux des lois — des chasseurs, des tireurs à la cible — et à limiter l'accès aux armes à feu selon l'hypothèse que cela diminuerait le nombre d'homicides. Ce n'est pas arrivé; on ne peut pas démontrer que c'est ce qui s'est passé.
Deuxièmement, la notion fondamentale de police n'est pas celle de force militaire d'occupation. La police a pour rôle de coopérer avec les citoyens. Lorsqu'il a créé la police, Sir Robert Peel a clairement déclaré que la police et les citoyens doivent coopérer dans un souci d'efficacité et d'efficience. Dans tous les pays anglo-saxons, en tout cas, la police considère qu'elle doit coopérer et favoriser la coopération avec la police.
En criminalisant des citoyens respectueux des lois, le projet de loi C-68 a créé un fossé, une rupture entre les citoyens et la police. Cela dissuade les citoyens d'avoir des contacts avec la police. Cela dissuade la coopération et, en ce sens, diminue l'efficacité.
Troisièmement — et j'en reviens à la question qui a été soulevée au sujet de la confiance dans le registre —, les données présentées par les ordinateurs font figure de parole d'évangile, pour tout le monde et pas seulement la police. Dans le vocabulaire du traitement des données, c'est ce que nous appelons garbage in, gospel out. Vous pouvez publier n'importe quoi. Le point faible du registre — et aussi de l'émission des permis — est qu'on vérifie très peu les données qui sont entrées dans le système.
Vos propres demandes d'accès à l'information, monsieur Breitkreuz, montrent combien il y a d'erreurs et d'omissions dans le registre et le système de permis. Néanmoins, lorsqu'une personne normale regarde ce qui est affiché sur un écran d'ordinateur, elle a l'impression que ce doit être vrai — cela provient du gouvernement, de l'ordinateur —, n'est-ce pas? Ce n'est pas le cas. Cela met en danger la vie des policiers.
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Pourrions-nous reprendre s'il vous plaît?
Pourrais-je demander à ceux qui donnent des interviews aux médias de bien vouloir le faire à l'extérieur? Merci beaucoup.
C'est le deuxième groupe de témoins que nous recevons aujourd'hui. Comme il y a eu quelques changements, je vais essayer de présenter les témoins, mais excusez-moi si je me trompe.
Ce sont: M. Caillin Langmann, résident en médecine d'urgence à l'Université McMaster, qui comparaît comme médecin; M. Duane Rutledge, du Service de police de New Glasgow, qui comparaît à titre personnel; M. Bruno Marchand, de l'Association québécoise de prévention du suicide ainsi que Manon Monastesse et Ève-Marie Lacasse, de la Fédération des femmes du Québec.
Bienvenue.
Nous allons commencer par le M. Langmann. Par manque de temps, je vais devoir vous limiter à environ six minutes chacun et nous devrons également raccourcir les questions.
La parole est à vous.
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Merci de me permettre de présenter mes recherches au sujet de la législation canadienne sur les armes à feu. Je suis médecin urgentiste à Hamilton. Je traite quotidiennement des cas de suicide et de violence.
Au cours des sept prochaines minutes, je vais résumer mes recherches dont la publication a récemment été acceptée dans le Journal of Interpersonal Violence, un journal évalué par les pairs, au sujet des effets de la législation canadienne relative aux armes à feu sur le taux d'homicide entre 1974 et 2008. J'insisterai particulièrement sur le registre des armes d'épaules. Je vais présenter également quelques précisions et une brève analyse du lien entre le registre des armes d'épaule et le suicide.
Je vais citer plusieurs chiffres en présentant ce mémoire au comité. Je vous demanderais d'examiner les chiffres dont je vais parler.
Pour être bref, trois méthodes statistiques ont été utilisées pour chercher un lien entre la législation sur les armes à feu et le registre des armes d'épaule, en 1978, 1991 et 1995. Il est important de mentionner que le registre des armes d'épaule a été mis en place en 1999 et qu'il est devenu obligatoire en 2003. Cette étude est importante et c'est la seule étude évaluée par des pairs portant sur la période de 1994 à 2008 et la seule qui utilise trois méthodes pour confirmer les résultats. La recherche d'effets a été menée sur plusieurs années. Les lois connexes — ainsi que les effets graduels — ont été examinées étant donné que certaines dispositions comme celle touchant le permis de possession et d'acquisition, ont été mises en oeuvre sur plusieurs années.
Pour résumer les résultats, aucun effet bénéfique statistiquement important n'a été constaté entre la législation sur les armes à feu et les homicides commis avec des armes à feu faisant partie de la sous-catégorie des armes d'épaule, les homicides entre conjoints ainsi que l'accusation criminelle de « décharger intentionnellement une arme à feu ».
Dans les cinq prochaines acétates, je vais essayer de présenter certains résultats se rapportant au registre des armes d'épaule sous forme de graphiques, car j'espère que ce sera plus facile à comprendre et à interpréter.
La figure 1 représente une analyse de régression des homicides. Dans cet exemple, le taux d'homicide avant l'intervention est désigné par B1. Au moment de l'intervention, B2, il y a un effet soudain, une diminution du taux d'homicide. La tendance au déclin du taux d'homicide après l'intervention, B3, se maintient après l'intervention. L'analyse statistique vise à établir si les effets à B2 et B3 sont importants et ne sont pas dûs à des variations annuelles. Les effets positifs de la loi devraient être visibles dans ce graphique.
La figure 2 montre le taux d'homicide commis avec des armes à feu, moins les effets de variables comme le vieillissement de la population, au bas du graphique. Comme vous pouvez le voir, au bas du graphique, il n'y a pas de changement soudain ou de déclin correspondant aux effets d'une loi associée aux armes à feu. Par exemple, lorsque l'âge médian de la population augmente d'une année, le taux d'homicide diminue de 8 p. 100.
La figure 3 présente une analyse bidimensionnelle de régression des facteurs associés aux homicides commis avec des armes à feu tels que les facteurs socioéconomiques ainsi que le registre des armes d'épaule. Après la mise en place du registre des armes d'épaule, en 1999, il n'y a pas de diminution immédiate importante ou de diminution graduelle. En fait, comme vous pouvez le voir, le taux d'homicide augmente.
La figure 4 montre la même chose pour les homicides commis avec des armes d'épaule. Avant l'existence du registre des armes d'épaule, il y a une diminution des homicides. Une fois le registre mis en place, il n'y a pas d'effet statistiquement important; il n'y a pas de tendance à la baisse.
La figure 5 décrit la même chose pour les homicides entre conjoints. Là encore, il s'agit d'une analyse à variables multiples qui tient compte de facteurs socioéconomiques multiples. Encore une fois, il n'y a pas de diminution importante en 1999 et par la suite. En fait, la tendance augmente.
La même analyse porte sur le taux de suicide après 1991 pour tenir compte des effets potentiels de la loi mise en oeuvre au début des années 1990.
La figure 6 représente l'ensemble de suicides. En 1999, il n'y a pas d'effet immédiat statistiquement important ou d'effet graduel. Ces tendances ne sont pas importantes.
La figure 7 représente les suicides commis avec des armes à feu. Il n'y a pas d'effet important en 1999 quand le registre des armes d'épaule est mis en place et il n'y a pas de diminution par la suite; les tendances restent les mêmes. La même analyse a été faite par Gagné et al.
J'en arrive à ma conclusion. À mon humble avis, l'argent qui a été dépensé pour le registre des armes d'épaule a été malheureusement gaspillé; toutefois, nous pouvons éviter de gaspiller davantage en consacrant l'argent que nous dépensons actuellement pour le registre des armes d'épaule à des choses jugées bénéfiques pour sauver plus d'une vie dans la littérature scientifique. Ces choses sont les refuges pour les femmes; la formation de la police pour traiter les cas de violence conjugale et les soins psychiatriques qui manquent sérieusement dans notre pays. Nous ne gagnons pas le combat contre le suicide.
Pour citer les paroles du chef d'un service d'urgence: « Dans une ville où il y a plus de 15 000 armes à feu enregistrées — et sans doute autant qui ne sont pas enregistrées — et 22 trains qui traversent la ville par 24 heures, devinez ce dont on se sert le plus souvent pour se suicider? Nous avons besoin de plus de ressources pour financer la santé mentale et les soins psychiatriques que pour enregistrer des objets inanimés dans nos régions rurales. Les psychiatres et les travailleurs de proximité offrent des résultats tangibles qui sauvent des vies, ce qu'aucun registre des armes à feu ne peut apporter. » C'est ce qu'a déclaré le Dr Ramirez, chef du Stevenson Memorial Hospital.
Je voudrais remercier le comité de me permettre de prendre la parole aujourd'hui.
Je m'appelle Duane Ruthledge. Je suis policier, sergent au Service de police de New Glasgow, en Nouvelle-Écosse. J'ai plus de 30 ans d'expérience dans le domaine de l'application de la loi et je continue, aujourd'hui, d'être un policier de première ligne. J'ai travaillé aux services généraux, aux enquêtes sur la drogue ainsi qu'aux enquêtes générales et aux crimes majeurs. Je fais partie de l'équipe d'intervention d'urgence. Pour le moment, je suis conducteur de chien de police. Pour la plupart des gens, c'est ce qu'on appelle l'unité K-9.
J'ai possédé et utilisé des armes à feu depuis l'âge de 8 ans, mais maintenant, je les utilise seulement au travail. Je voudrais parler brièvement du fait que le registre des armes à feu n'a pas réussi à protéger le public et la police contre l'utilisation illégale d'armes à feu dans notre pays.
Au début, quand ce registre a été proposé, je pense que tous ceux qui possédaient une arme à feu au Canada savaient que l'enregistrement d'une arme ne la rendrait pas plus sûre. Ce sont les gens qui continuent de poser un problème. Ce n'est pas l'arme choisie, que ce soit une arme à feu, une arme tranchante, un explosif ou ce que des gens utilisent lorsqu'ils sont dépravés au point d'enlever la vie à un autre être humain.
Je pense que nous avons gaspillé beaucoup d'argent, ce que tout le monde semble comprendre. Même ceux qui étaient pour sont horrifiés de voir ce qui a été dépensé pour si peu d'effets. À mon avis, les propriétaires d'armes à feu ont eu le sentiment qu'on leur mentait en leur disant que le registre améliorerait la sécurité et cela les a poussés à cacher leurs armes.
En tant que policier de première ligne, je crois qu'il y a davantage d'armes cachées aujourd'hui qu'il n'y en avait quand cette loi a été adoptée. Par conséquent, cela rend la situation plus dangereuse pour moi, car je prends un risque chaque fois que je vais dans une maison, si je me fie au registre pour savoir ce qu'il en est. Je ne crois pas que le registre peut jouer ce rôle, simplement parce qu'il y a beaucoup de gens qui n'ont pas enregistré leurs armes.
Avant de venir ici, j'ai pris la peine de parler à un certain nombre de personnes. J'ai parlé à un juge et à un procureur de la Couronne. J'ai parlé au public de ma région. J'ai vécu toute ma vie à l'endroit où je travaille. Cela fait plus de 30 ans que je suis au service de mes concitoyens et que je les protège. Je voulais leur opinion au sujet du registre des armes à feu.
J'ai parlé avec une dame qui gère notre foyer de transition, Tearmann House et qui fait un excellent travail pour les femmes battues. Je lui ai dit que je venais ici témoigner du fait que je ne croyais pas dans le registre des armes à feu.
Je prends cette question très au sérieux. J'ai reçu des opinions de tout le monde, même de certains de ceux que j'ai arrêtés. Je leur ai demandé leur opinion au sujet du registre et de ses effets. Ils trouvent cela plutôt risible. Quand le gouvernement annonce ce qu'il va faire et quel en sera le résultat, le Canadien moyen voit que cela ne s'est pas passé…
Certaines personnes ont enregistré toutes leurs armes. D'autres en ont enregistré seulement quelques-unes. C'est là que réside le problème. Quand vous vérifiez un registre où seulement certaines armes sont enregistrées, comme dans le cas de la policière qui a été tuée au Québec… Elle a vérifié le registre et vu qu'un homme n'avait pas le droit de posséder des armes à feu, mais il avait obtenu le droit d'en posséder une pour tuer les animaux qu'il piégeait, ce qui constitue une énorme lacune dans le système. Elle l'a payé de sa vie.
Également, certaines personnes n'ont enregistré aucune de leurs armes. J'y réfléchissais en venant. Quand j'ai pris l'avion hier, pour venir ici, si j'avais eu seulement une chance sur deux de m'en sortir vivant, je ne serais pas venu ici aujourd'hui, mais malheureusement, quand nos agents répondent maintenant à des appels, tel est le risque auquel ils sont confrontés.
Je plains les policiers des grandes villes qui ne connaissent pas vraiment la population qu'ils desservent. J'ai vécu toute ma vie dans ma communauté et je connais donc bien les gens que nous desservons. Je sais que je vis dans l'est; l'ouest et le nord du pays sont des régions de chasse où on s'attend à voir des armes à feu. En route vers l'aéroport hier, nous avons croisé de nombreuses camionnettes sur les routes secondaires et sans doute que dans une camionnette sur deux, il y avait une carabine puissante sur le siège avant.
Nous ne paniquons pas lorsque nous entendons parler d'armes à feu, comme certains le croient. Il est fréquent que des gens aient des armes à feu. Également, 90 p. 100 des citoyens de notre pays sont des braves gens qui ne feront rien de mal. Quant aux criminels, il y en aura toujours. D'autre part, quand des braves gens souffrent de troubles mentaux et commettent un acte criminel, c'est une chose contre laquelle nous ne pourrons jamais rien faire non plus. Je pense que nous avons ciblé les mauvaises personnes.
Je suis tout à fait d'accord avec les permis, comme la plupart de mes gars. Il faut effectivement chercher à faire en sorte que les gens qui ne doivent pas posséder de fusils n'en aient pas, mais ils vont utiliser d'autres armes.
J'ai examiné des données recueillies après l'entrée en vigueur du projet de loi C-17, en 1991, sur la sécurité d'entreposage, la manutention, l'éducation et la formation dans le cas des propriétaires d'armes à feu et l'on a alors assisté à de profonds changements dans la criminalité par arme à feu. Dans la plupart des cas, quand un policier se présente à la porte d'une résidence où quelque chose s'est passé, il faut 30 à 45 secondes pour que le locataire des lieux se défoule et qu'il y ait désescalade. Je peux affirmer que le fait d'avoir imposé l'entreposage des armes dans une armoire, avec un verrou de détente, à part des munitions, a eu beaucoup plus d'impact au Canada sur la sécurité relative aux armes à feu que cette nouvelle loi imposant l'enregistrement des armes. Je ne vois pas en quoi celle-ci a pu contribuer à améliorer la sécurité de qui que ce soit et, malheureusement, je n'ai pas plus de certitude aujourd'hui qu'il y a 30 ans, quand j'ai commencé.
Voilà ce que je voulais dire. Merci.
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Merci, monsieur le président.
En plus d'être directeur général de l'Association québécoise de prévention du suicide, je suis également membre de l'Association canadienne de prévention du suicide.
Le suicide est un problème de santé publique majeur, important, reconnu par tous, qui emporte avec lui 10 Canadiens par jour. Demain, il y aura encore 10 personnes qui mourront et après demain également. Il emporte de même avec lui trois Québécois chaque jour. Contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, au Québec, le taux de suicide n'est pas en baisse depuis les années 1960 ou 1970. Le taux de suicide a été à la hausse jusqu'en 1999. La baisse a commencé à compter de cette année et s'est poursuivie jusqu'en 2008.
Nous sommes en défaveur du projet de loi et profondément inquiets de ses conséquences. Le suicide est un problème complexe et on ne le réglera pas uniquement par le contrôle des armes à feu. Cependant, il s'agit là d'un des moyens qui peut compter dans la vie de nos concitoyens, dans la vie de vos concitoyens.
Je me permets de citer l'Organisation mondiale de la santé qui, sur son site, à la question « Comment peut-on prévenir le suicide? » dit ceci:
S'il n'est pas possible de prévenir tous les suicides, la majorité peuvent être évités. Différentes mesures peuvent être prises aux niveaux communautaire et national pour réduire les risques, et notamment:
rendre moins accessibles les moyens de se suicider (par exemple [...] les armes à feu) [...]
Je vous précise que c'est la première mesure qui est évoquée. Pourquoi en est-ce ainsi? Parce qu'en tant que personnes rationnelles qui bénéficient d'une bonne santé mentale, on pourrait penser que le moyen n'est qu'un moyen et que si une arme à feu n'est pas disponible, il y aura une corde ou des médicaments. Dans le cas de la personne vulnérable, de la personne qui s'engage dans un processus de constriction cognitive et qui va de moins en moins bien et qui ne trouve pas dans sa vie des façons de mettre fin à sa souffrance autrement qu'en pensant à cette mauvaise option, le moyen n'est pas qu'un moyen. Ce n'est pas comme s'il s'agissait de choisir un véhicule, un moyen de transport pour se rendre d'un endroit à un autre, mais c'est beaucoup plus que cela. Si on éloigne ce moyen de la personne, on risque fortement de la garder en vie et de la garder avec nous.
Par un processus à la fois rationnel et irrationnel, conscient et inconscient, qui fait référence aux valeurs, à la culture, à la personne, une personne choisit un moyen. Lorsqu'elle a choisi les armes à feu, si on réduit cet accès, on fait en sorte d'avoir un avantage certain. C'est la raison pour laquelle on est convaincus d'avoir prévenu des suicides en mettant des barrières anti-suicide sur le pont Jacques-Cartier à Montréal. En fait, la personne pour qui c'était le moyen de suicider, à compter du moment où le moyen n'était pas accessible, n'en a pas pris un autre, malgré la disponibilité des ponts qui entourent l'île de Montréal.
Il en va de même à Toronto relativement au métro et aux barrières anti-suicide. Il en est allé de même dans les pays du Nord de l'Europe, lorsqu'on a diminué la quantité d'acétaminophène et d'ibuprofène disponible en vente libre. Oui, la personne pouvait retourner 50 fois à la pharmacie. Mais cela a eu un effet direct sur le nombre de suicides parce qu'on faisait en sorte de mettre des barrières à cette personne qui était vulnérable et qui voulait poser un geste permanent pour régler des problèmes temporaires.
Le registre des armes à feu et l'ensemble de ses composantes a permis de prévenir 250 suicides par année. M. Blais en est arrivé à ce chiffre et c'est aussi ce nous croyons puisque nous voyons que la tendance a baissé. On ne peut pas comparer cela avec l'importance relative des autres moyens utilisés. Évidemment, moins les armes à feu sont utilisées dans les suicides, même si le nombre reste sensiblement le même, plus l'importance relative accordée à la pendaison augmente en pourcentage.
Le registre permet de gagner du temps en ce qui concerne la personne vulnérable. Il permet d'intervenir. Il permet aux autorités de poser des gestes lorsque l'exige la situation, mais il permet également de lier l'arme à feu à son propriétaire. Le registre permet d'avoir une imputabilité et une traçabilité qui nous permettent assurément de faire prendre conscience aux gens qui possèdent une arme et qui ont tout à fait le droit d'en avoir une, qu'ils doivent le faire convenablement en protégeant les gens autour d'eux.
Le registre nous permet de poser des actions que ne nous permettraient pas d'autres moyens, comme de retirer des armes à feu à des gens qui, temporairement, sont dans des périodes difficiles de leur vie et qui, en possession d'une arme, pourraient commettre un geste irréparable.
Nous pensons fortement que le registre a eu des incidences positives. Nous en sommes convaincus. Je me permets de citer un document de Sécurité publique Canada, du gouvernement de l'époque, 2006, lorsqu'il voulait apporter des modifications au registre:
Les modifications apportées au projet de loi déposé aujourd'hui obligeront les propriétaires actuels à vérifier, en communiquant avec le contrôleur des armes à feu, que les acheteurs potentiels d'armes à feu ou tout autre futur propriétaire d'une arme à feu sans restriction ont un permis d'armes à feu valide. Cette mesure aidera à s'assurer que les armes n'aboutissent pas dans les mains d'individus qui ne devraient pas y avoir accès, [...]
À l'époque, on parlait déjà de cette mesure comme une façon de ne pas mettre, dans les mains de gens qui ne devraient pas y avoir accès, une arme à feu, un outil pour mettre fin à sa vie.
Pour terminer, le 4 octobre dernier vous avez tous voté — conservateurs, néo-démocrates et libéraux — une mesure en faveur d'une stratégie nationale de prévention du suicide. Aujourd'hui, demain, si ce projet de loi est adopté, vous irez à l'encontre de cette mesure que vous avez tous ensemble approuvée, parce que vous croyez à la prévention du suicide.
Je ne sais pas comment vous allez faire, dans un ou deux ans, pour regarder dans les yeux le père qui aura perdu sa fille ou son fils par arme à feu à cause de la grande disponibilité des armes à feu, parce qu'il aura été plus facile d'acheter une arme à feu et moins difficile que d'aller louer un livre à la bibliothèque. Je ne sais ce que vous allez pouvoir dire à cette personne, mais vous ne pourrez pas dire que vous ne le saviez pas. Merci.
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Bonjour. Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Nous sommes reconnaissantes envers les députés de l'opposition qui se sont rangés du côté de la sécurité publique. Nous prenons acte du fait que ce n'est pas ce qu'a choisi de faire le gouvernement.
La Fédération des femmes du Québec poursuit l'objectif de lutter contre toutes les formes de violence et défend le droit de vivre dans un climat exempt de cette violence, surtout pour les femmes, et le droit à la sécurité et à la vie. Nous sommes d'avis que ce projet de loi va à l'encontre de ces droits fondamentaux. La violence, et particulièrement la violence par arme à feu, affecte toujours un trop grand nombre de femmes. Au Québec, de 1997 à 2006, les armes à feu ont été le moyen utilisé dans presque le tiers des homicides conjugaux et familiaux, alors qu'au Canada elles ont été à l'origine de près du quart des homicides conjugaux ou familiaux entre 2000 et 2009.
Par contre, nous constatons que le contrôle sur les armes à feu fonctionne parce que, malgré ces proportions élevées, le nombre d'homicides avec fusil de chasse ou carabine a globalement diminué de 41 p. 100 depuis 1995, alors que le nombre d'homicides sans arme à feu n'a chuté que de 6 p. 100. La Loi sur les armes à feu a conduit à d'importants progrès en faisant diminuer, notamment, le nombre d'agressions armées dans un contexte de violence conjugale ou familiale.
Ainsi, le nombre de meurtres de femmes tuées par balle a chuté de près de 50 p. 100, passant de 43 p. 100 en 1995 à 22 p. 100 en 2008. Quant au taux de meurtres de conjointes avec arme à feu, il a diminué de 70 p. 100. Bien qu'il peut être évident que cette diminution soit attribuable à plusieurs facteurs, comme une plus grande disponibilité des ressources offertes aux femmes victimes de violence, une sensibilisation accrue du public et une amélioration de la situation socioéconomique des femmes qui leur permet de quitter une relation violente plus facilement, il n'en demeure pas moins que les changements de politique relatifs au contrôle des armes à feu ont eu une incidence majeure et sont en partie responsable de cette importante réduction.
En matière de prévention de la violence envers les femmes, sans les informations contenues dans le registre des armes d'épaule qui permet aux autorités de savoir qui possède de telles armes, combien on en possède et de quel type d'armes non restreintes il s'agit, et ce, en temps réel — selon une étude très récente de la GRC, les policiers canadiens consultent le registre en moyenne 17 000 fois par jour —, les policiers pourront difficilement mettre en oeuvre les ordonnances d'interdiction imposées par les tribunaux sur le port d'arme.
Alors que le gouvernement prétend que le projet de loi est un projet de loi non complexe qui vise simplement à éliminer la procédure d'enregistrement, il est clair que ce n'est pas le cas. Les changements proposés, entre autres par l'article 23, auront de sérieuses conséquences sur la sécurité publique. Cet article vise à rendre optionnelle la vérification des permis d'arme à feu par les marchands d'armes lors de l'achat ou du transfert d'une arme. Seule une vérification auprès du contrôleur révélera si le permis est non valide, si l'individu, qui souhaite acheter une arme à feu, fait l'objet d'une ordonnance d'interdiction ou si le permis présenté est contrefait. Sans vérification, un individu dangereux pourra ainsi aisément acheter une ou plusieurs armes non restreintes. Le fait qu'il y avait 254 036 ordonnances d'interdiction de posséder une arme à feu en 2009 ne met-il pas en lumière la nécessité de garder ce type de prévention, notamment la nécessité de vérifier la validité des permis? Les vérifications, lors de l'achat d'un fusil, devraient être d'un degré plus élevé que celles effectuées lors d'un achat ou de l'emprunt d'un livre à la bibliothèque. Je me sers de l'exemple du monsieur qui est assis à mes côté. J'aimerais également rappeler que la vérification des permis est devenue une mesure obligatoire en 1998 pour combler les lacunes des anciennes mesures, par suite de l'assassinat d'une femme par son conjoint.
En terminant, nous croyons fermement que la sécurité des Canadiennes et des Canadiens doit prévaloir par rapport à ce que certains considèrent comme des tracasseries administratives, des tracasseries pour sauver des vies. Selon nous, la question ne devrait pas se poser.
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Je suis Manon Monastesse, de la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec. Nous avons accueilli, l'année dernière, 9 000 femmes et enfants victimes de violence dans nos 37 maisons d'hébergement. Je vous remercie de nous recevoir, tout spécialement en cette veille de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, le 25 novembre.
J'aimerais ajouter ceci à ce que vient de dire ma collègue. Les carabines et les fusils de chasse sont également les armes les plus souvent utilisées pour menacer les femmes et les enfants. Les menaces par arme à feu ne sont pas comptabilisées dans les statistiques, et pourtant, leurs ravages sont bien réels. Combien de femmes en maison d'hébergement nous ont dit que le seul fait que la carabine soit à côté de la porte constituait une menace constante à leur sécurité! C'est grâce au fait que les policiers ont saisi les armes à feu qu'elles ont eu accès au service et qu'elles ont pu venir en maison d'hébergement pour assurer leur pleine et entière sécurité et leur intégrité physique.
Sur la scène internationale, le Canada a souvent été cité en exemple comme un leader en matière de contrôle des armes. Les tentatives répétées des dernières années de démanteler le contrôle des armes à feu indiquent un changement marqué d'attitude. La liberté de vivre à l'abri de la peur est un droit de l'homme fondamental. La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la prévention des violations des droits de l'homme commises à l'aide d'armes de petit calibre et d'armes légères ainsi que la Rapporteuse spéciale des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les femmes ont souligné que les États qui ne réglementaient pas adéquatement les armes ne respectaient pas leurs obligations au regard du droit international.
Nous croyons fermement que la sécurité des Canadiennes et des Québécoises doit prévaloir sur ce que certains considèrent être des « tracasseries administratives » et qui nous apparaissent comme des formalités essentielles faisant partie intégrante d'une démocratie fonctionnelle. Des tracasseries pour sauver des vies —, la question ne devrait pas se poser.
Depuis 1995, le Québec est la seule province qui a une politique d'intervention en matière de violence conjugale. Elle s'appelle « Politique d’intervention en matière de violence conjugale : Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale ». Elle enjoignait les policiers à:
Assurer la sécurité et la protection des victimes et de leurs proches: [...]
en procédant, si possible, à la saisie des armes à feu dès l’arrestation ou, à défaut, en s’assurant que les conditions de mise en liberté provisoire en prévoient la remise sans délai à un agent de la paix désigné;
C'est pour cette raison que nous vous demandons, expressément, de respecter la position qui a été prise le 22 septembre...
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec mon collègue, M. Aspin.
Monsieur Langmann, je tiens d'abord à vous remercier pour la recherche que vous avez effectuée. Nous voulons vous poser des questions à ce sujet, mais je vais laisser le soin à mes collègues de le faire, parce qu'il semble y avoir une véritable contradiction entre ce que vous nous avez remis par écrit — et que nous avons sous les yeux — et votre témoignage verbal. Je vais laisser le soin à mes collègues de traiter de ça.
Monsieur Marchand, je ne saurais être on ne peut plus d'accord avec vous quant à la nécessité de réduire ce genre d'accès, par n'importe quelle méthode... Je crois vous avoir entendu dire qu'il fallait faire en sorte que les armes à feu soient moins accessibles pour les individus suicidaires ou risquant de commettre des actes violents contre eux-mêmes ou contre toute autre personne, leur conjoint ou conjointe, leurs enfants ou un étranger.
Moi qui ai lutté contre le registre des armes d'épaule jusqu'au bout et qui ai parfois été critiquée pour cela, je suis particulièrement convaincue de la nécessité de resserrer le processus d'octroi de permis. Nous devons, je pense, veiller à ce que toute personne désireuse de posséder une arme à feu soit soumise à une entrevue en personne, entre quatre yeux. C'est ce que je crois personnellement. Je suis donc d'accord avec vous et je suis parfaitement votre raisonnement à cet égard.
Là où nous ne sommes pas d'accord, en revanche, c'est que rien ne m'a encore persuadée jusqu'ici qu'après avoir accordé un permis de possession d'arme à une personne on puisse dire qu'elle ne pose plus de risques, qu'elle ne va pas se retourner contre un conjoint ou contre elle-même et qu'elle peut donc posséder une arme à feu, qu'il n'y a aucun lien entre le fait d'inscrire dans un registre l'arme ou les armes que possède cette personne — pour deux ou trois raisons. D'abord, rien ne l'empêchera de commettre un acte, souvent spontané — parfois aussi prémédité, comme dans le cas d'un suicide ou d'un acte de violence familiale —, sans compter que la majorité de ces gens-là n'enregistrent que la moitié des armes qu'ils possèdent.
Je suis consciente qu'on pourrait argumenter à cet égard — et je reviendrai au sergent Rutledge quand j'en aurai terminé avec cette déclaration pour savoir ce qu'un policier de terrain a à dire — mais notre gouvernement est convaincu qu'en matière de prévention du suicide, le mieux consiste à aider les personnes atteinte de troubles mentaux et à intervenir au niveau des problèmes qu'elles éprouvent, pour ensuite s'intéresser aux méthodes qu'elles utilisent. Cela concerne notamment les médecins qui prescrivent des médicaments à des patients qui vont les prendre pour se suicider. Il s'agit d'un dossier très vaste qui, je crois, exige la tenue d'un débat sérieux sur la façon dont nous pourrions aider les gens et prévenir le suicide.
Sergent Rutledge, je veux vous poser deux questions ou vous demander de décrire deux situations. D'abord, supposons que vous soyez dépêché quelque part pour faire appliquer une ordonnance d'interdiction. Quelqu'un détient un permis de possession d'arme à feu qui a été révoqué et vous devez exécuter l'ordonnance. Consultez-vous le registre pour voir si la personne possède des armes enregistrées avant de récupérer deux armes à feu et c'est tout? Comment faites-vous respecter cette ordonnance d'interdiction?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les différents témoins.
Je fais remarquer à tout le monde que c'est le dernier groupe de témoins de ce processus que j'associe à un train à grande vitesse. On a eu cinq petites sessions. En fait, c'est quatre, car la prochaine session sera l'étude article par article du projet de loi. Ce projet de loi divise beaucoup et entraîne autant d'arguments de part et d'autre. Je trouve ça particulièrement aberrant et absolument abominable.
Comme le disait l'une des représentantes de la Fédération des femmes du Québec et de la Fédération des ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, nous sommes à l'aube de la période la plus noire. C'est la période de l'année où l'on se remémore de tristes événements. On se remémore à quel point la violence faite aux femmes et aux filles est encore très présente dans notre société. Je vous avoue que ça me bouleverse énormément.
Je sors d'une conférence de presse menée par la YWCA. Elle lançait sa campagne des roses qui vise à faire cesser la violence à l'égard des femmes. Vous allez voir des tonnes de politiciens porter le beau bouton et le ruban blanc.
Or quelle réponse concrète donne-t-on aux femmes qui demandent le maintien du registre, sans que ça fasse mal à qui que ce soit? En tous cas, personne ne m'a prouvé, en quatre séances, que quelqu'un était mort à cause du registre. Tandis qu'à l'inverse, on peut avoir des doutes, mais on ne peut pas avoir de certitude. Alors, je préfère toujours aller vers ce qui est le plus sûr plutôt que vers le moins sûr.
Comme vous le présentiez plus tôt, on oppose les tracasseries administratives au fait de sauver des vies. Il me semble que — vous me pardonnerez l'anglais — c'est un no brainer.
Bref, vous allez voir ces rubans à la boutonnière des politiciens. Or que fait-on? On abolit le registre. C'est ce qu'on répond aux femmes du Canada, aux femmes du Québec, aux associations de victimes. On les utilise, par contre, pour soutenir d'autres projets de loi, comme le projet de loi . Alors, cette démarche est d'une inconséquence absolument incroyable.
Il semble y avoir de l'incompréhension aussi. Ils essaient de diviser les gens qui nous disent que ce n'est pas parfait. Je suis d'accord avec vous. Le registre n'est pas parfait. D'abord, vous, les conservateurs, avez imposé un moratoire. C'est bien certain qu'il n'est pas à jour. Il n'est pas à jour, parce que vous avez imposé un moratoire, il y a cinq ans. Pendant cinq ans, on n'a pas accumulé de données. C'est donc bien évident qu'il n'est pas à jour.
Si on ne peut pas se servir d'un argument, en droit, on dit que nul ne peut plaider sa propre turpitude. Toutefois, c'est ce qu'ils font. Ils nous servent l'argument de l'absence de mises à jour. C'est pourtant une chose qui se corrige et qui s'améliore. S'il y a des erreurs parce qu'un code postal ne fonctionne pas, ça s'arrange.
Plusieurs de nos policiers sont venus ici nous dire à plus finir que c'est dangereux de se fier au registre. De grâce, j'espère qu'il n'y a pas un policier assez épais pour consulter un registre qui n'est plus mis à jour depuis cinq ans, puis se rendre dans une résidence en pensant qu'il n'y a là qu'une arme à feu. Voyons donc! J'ose croire que personne ne fera une affaire comme ça. J'imagine que nos policiers sont beaucoup plus professionnels que ça.
Le registre est un outil. Si le registre nous dit qu'il y a trois armes, c'est déjà mieux que de ne rien savoir du tout.
Cela étant dit, il me semble qu'encore une fois, on oppose tracasseries administratives et sauver des vies. Je n'en reviens pas. L'Association canadienne des chefs de police est venue nous dire que c'est un outil. Personne n'a dit que c'était le seul outil, mais c'est un outil.
M. Marchand, de l'Association québécoise de prévention du suicide, nous l'a dit et les statistiques le démontrent. Personne ne peut dire le contraire. Personne ne peut le prouver à 100 p. 100, ni d'un côté ni de l'autre. Toutefois, ne doit-on pas favoriser la vie, plutôt que de simplement se ranger de l'autre côté? Il est là, le débat, de mon point de vue. Malheureusement, nos amis conservateurs s'en sont servi pour tenter de diviser. Je ne suis pas anti-chasseurs. J'en mange de la viande et j'aime ça, saint-simonac!
Cela étant dit, si le chasseur enregistre son arme et qu'on n'en fasse pas un criminel, ça doit régler le problème, il me semble. Si je règle les choses qui ne fonctionnent pas dans le registre, il me semble que ça va régler le problème.
Des survivantes de l'École polytechnique étaient ici, plus tôt. Les gens de la Fédération des femmes du Québec nous disent que le registre est important, il aide et des statistiques le démontrent, ça a diminué le taux.
Ce n'est peut-être pas entièrement dû au registre. Mais si ça l'était? Pour ma part, je ne veux pas avoir ça sur la conscience. C'est aussi simple que ça. Ça ne vous dérange peut-être pas, mais ce n'est pas mon cas. Je m'excuse. J'aurais dû consacrer beaucoup de temps à vous poser une foule de questions, mais je commence à en avoir ras le bol de voir qu'on essaie de donner l'impression de vouloir criminaliser des chasseurs, alors que c'est faux.
On tente d'en arriver à des positions. On voit que l'article 11 cause problème. Vous l'avez soulevé. On essaie de mêler le permis de port d'arme à l'achat d'une arme au moyen de l'enregistrement. Voyons donc! Imaginez ça: je suis chasseur, j'ai un permis, mais je n'ai plus envie de chasser et j'ai besoin d'argent. Je veux vendre mon arme à M. Rutledge. Je le fais donc par l'entremise d'eBay, sans qu'il me montre quoi que ce soit. Comment prouverez-vous que j'ai vérifié s'il avait le droit d'acquérir cette arme, une fois que celle-ci ne sera plus enregistrée? Ça ne se fera tout simplement pas.
Cette loi comporte des problèmes et le gouvernement ne s'en rend même pas compte. On va vivre la même chose que dans le cas du projet de loi . Mes collègues et moi allons travailler comme des forcenés pour présenter des amendements qui ont du sens et qui vont dans le sens de ce qu'a présentée le Québec qui veut récupérer le registre. Mais non, on va le jeter! Tiens, allez! Il ne faudrait quand même pas qu'on y touche et que ça sauve des vies! On va donc présenter des amendements, et comme de petites machines, ils vont lever le bras pour dire « rejeté, rejeté, rejeté ». Dommage.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins.
J'ai écouté très attentivement l'intervention de Mme Boivin et, malgré tout le respect que je lui dois, je signale que moi aussi je cherche la voie de la vérité et que je suis en quête de preuves valables plutôt que d'hyperboles et de demi-vérités. Cela étant, monsieur le président, je me sens obligé de corriger certaines choses.
Pour Mme Boivin, personne n'a indiqué que le registre des armes à feu a contribué à des pertes de vie. Elle avait, cependant, pris soin de préciser avant cela qu'elle avait dû assister à une autre rencontre ce matin, ce qui est parfait. Ce faisant, je crois qu'elle a raté le témoignage de M. Mauser qui nous a dit très clairement qu'en 2005, à Laval, dans la province de Mme Boivin, une policière qui s'était fiée sur les données...
Une voix: C'est ça le problème...
M. Brent Rathgeber: J'ai le président, si ça ne vous dérange pas...
Une voix: La parole...
M. Brent Rathgeber: Excusez-moi — j'ai la parole.
Une voix: C'est vrai.
M. Brent Rathgeber: Cette policière s'était fiée sur le registre des armes d'épaule, à ses risques et périls. Elle avait vérifié le registre avant de se présenter sur la scène d'un crime signalé. Le registre lui avait indiqué qu'il n'y avait pas d'armes enregistrées à ce domicile. Elle s'y est donc présentée et a été abattue par l'occupant, qui a utilisé une arme à feu non enregistrée, ce qui tend à prouver que des policiers ont couru un risque pour s'être fié au registre des armes d'épaule.
J'irais même jusqu'à dire que nous n'avons entendu aucune preuve contraire. D'ailleurs, l'une des témoins du premier groupe — et, honnêtement, une bonne témoin — a admis qu'il n'est pas possible de prouver que le registre des armes d'épaule a permis de sauver des vies parce qu'on ne peut prouver ce qui ne s'est pas produit étant donné l'absence de grands titres. J'accepte les raisons qu'elle a invoquées pour dire qu'il n'est pas possible de prouver que le registre des armes d'épaule a permis de sauver des vies, mais elle a tout de même reconnu que rien ne prouve non plus que le registre des armes d'épaule a permis de sauver des vies.
Je vais poser quelques questions.
[Français]
Monsieur Marchand, permettez que je m'adresse à vous en anglais.
[Traduction]
Vous avez dit que, dans votre profession, c'est-à-dire la prévention du suicide, profession que je respecte et qui, je crois est très difficile... Si je vous ai bien compris, vous avez dit être très préoccupé par le fait que le taux de suicide ne soit pas à la baisse au Québec.