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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 014 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 novembre 2011

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

     Bonjour et bienvenue à la 14e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, le jeudi, 24 novembre 2011. Nous avons à l'ordre du jour l'étude du projet de loi C-19, loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu.
    Ce matin, nous entendrons des témoins.
    Avant de commencer, j'aimerais juste mentionner que tous les partis avaient convenu que ces séances seraient télévisées. Mais il y a eu une véritable course aux ressources ce matin sur la Colline. Il n'y a que deux salles où l'on puisse téléviser les séances simultanément, et dans chaque cas on nous a dit que nous étions les troisièmes sur la liste, donc la séance d'aujourd'hui ne sera malheureusement pas télévisée.
    Oui?
    J'invoque le Règlement, monsieur le président, je ne pense pas que vous soyez autorisé à vous faire remplacer, monsieur, lorsque vous siégez comme vice-président. Ce serait contraire au Règlement...
    Je ne crois pas que ce soit...
    Vous pouvez inviter des personnes à siéger, bien entendu...
    Je viens de vérifier cela auprès de mon greffier. Nous n'avons encore remplacé personne. Nous avons un membre de plus de ce côté, tout comme dans votre cas, je crois.
    C'est parfait. Merci beaucoup.
    J'aimerais commencer par présenter les témoins.
    Premièrement, nous avons Gary Mauser, professeur émérite, Institute for Canadian Urban Research Studies, de l'Université Simon Fraser.
    Bienvenue, monsieur Mauser.
    Deuxièmement, nous accueillerons M. Greg Illerbrun et M. Kevin Omoth, de la Saskatchewan Wildlife Federation.
    Bonjour.
    Troisièmement, nous entendrons Heidi Rathjen et Nathalie Provost, du Groupe des étudiants et diplômés de Polytechnique pour le contrôle des armes.
    Bienvenue à tous.
    Par vidéoconférence, nous avons également ce matin M. Étienne Blais, professeur agrégé, École de criminologie de l'Université de Montréal.
    Nous allons juste vérifier si M. Blais peut nous entendre clairement et si nous pouvons l'entendre à notre tour.

[Français]

[Traduction]

    Nous vous reviendrons à la fin.
    Nous demanderons à chacun de nos témoins de consacrer environ sept minutes à leurs présentations respectives afin de laisser du temps pour les questions. Nous commencerons avec M. Mauser.
    Bonjour, monsieur le président, membres du comité et chers collègues. Je suis heureux d'avoir cette occasion de comparaître.
    Je m'appelle Gary Mauser, professeur émérite, Université Simon Fraser. Je me trouve ici à titre personnel, comme criminologue venu pour présenter des faits, et non pas des mythes. J'utiliserai mon temps pour mettre en relief certaines des questions auxquelles je fais allusion dans le mémoire plus long que j'ai présenté au greffier.
    Au fil de mes dernières 25 années comme criminologue universitaire, je me suis attaché à évaluer les lois sur les armes à feu. Le gouvernement mérite des louanges pour avoir proposé l'abolition du registre des armes d'épaule. Lorsqu'un programme gouvernemental ne réussit pas à atteindre ses objectifs, il s'agit de l'éliminer au lieu de le laisser continuer à gruger des fonds inutilement.
    Dans ma brève allocution, je me pencherai sur quatre aspects. Premièrement, les propriétaires d'armes à feu responsables sont moins susceptibles d'être inculpés d'homicide que d'autres Canadiens. Deuxièmement, la police n'a pas été en mesure de prouver l'intérêt du registre des armes d'épaule. Troisièmement, le registre des armes d'épaule ne s'est pas avéré efficace pour ce qui est de diminuer le nombre d'homicides. Quatrièmement, les données figurant dans le registre des armes d'épaule sont d'une qualité tellement médiocre qu'elles devraient être détruites.
    Mon premier point donc c'est que les propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi sont moins susceptibles d'être inculpés d'homicide que d'autres Canadiens. Cela ne devrait être guère surprenant. Les antécédents des propriétaires d'armes à feu sont examinés depuis 1979 et, depuis 1992, il est illégal de posséder une arme à feu lorsqu'on a des antécédents de violence.
    On peut dresser une comparaison entre les propriétaires d'armes à feu et d'autres Canadiens en calculant le taux des homicides par 100 000 habitants. À la demande expresse de Statistique Canada, j'ai calculé que les propriétaires d'armes à feu détenant un permis affichaient un taux d'homicide de 0,6 personne par 100 000 titulaires de ces permis, alors que pour la même période, le taux moyen des homicides à l'échelle nationale s'élevait à 1,85 par 100 000 habitants; ainsi, les Canadiens qui ne sont pas titulaires d'un permis de possession d'armes à feu sont environ trois fois plus susceptibles de commettre un meurtre que ceux qui détiennent un tel permis.
    Malgré ces faits, la GRC prévoit un budget annuel de plus de 20 millions de dollars pour les besoins de gestion du registre des armes d'épaule.
    Le deuxième aspect que je tiens à souligner, c'est que la police n'a pas été en mesure de prouver l'intérêt du registre des armes d'épaule. L'abolition du registre ne compromettrait pratiquement pas la capacité de la police à retracer les armes à feu. Les statistiques révèlent que la police ne découvre des armes d'épaule enregistrées que très exceptionnellement dans les cas d'homicide.
    Dans les huit ans qui se sont écoulés de 2003 à 2010, on a compté 4 811 homicides dont 1 485 perpétrés avec des armes à feu. Les données fournies par Statistique Canada révèlent que seules 135 de ces armes étaient enregistrées. Il n'y a eu que 73 cas, c'est-à-dire moins de 5 p. 100 de tous les homicides perpétrés avec une arme à feu où l'arme du crime était enregistrée au nom de l'inculpé et là encore, ces personnes peuvent être déclarées innocentes, bien entendu. Sur ces 73 cas, seuls 45 se rapportaient à des armes d'épaule — c'est-à-dire moins de 1 p. 100 de la totalité des homicides. Par conséquent, le registre des armes d'épaule ne pourrait pas compromettre de manière importante la capacité de la police à retracer les armes à feu.
    La police n'a pas été en mesure de démontrer qu'elle avait résolu ne serait-ce qu'un seul meurtre en retraçant une arme à feu à l'aide du registre des armes d'épaule. Le registre ne s'est pas avéré plus utile pour ce qui est de résoudre le meurtre d'agents de police. Depuis 1961, 123 agents ont été tués par une arme à feu. Parmi ces meurtres, il n'y en a eu qu'un seul où il s'agissait d'une arme d'épaule enregistrée, et cette arme n'appartenait pas au meurtrier. Inutile d'ajouter que les criminels les plus dangereux s'abstiennent d'enregistrer leurs armes à feu. Nul ne s'étonnera donc de constater que les agents de police en fonctions affirment que le registre ne leur est d'aucune utilité.
    Pire encore, le registre des armes d'épaule a diminué l'efficacité de la police en dressant un mur entre elle et les citoyens responsables qui possèdent des armes à feu.
    Le troisième aspect dont je veux vous parler c'est que le registre des armes d'épaule n'a pas contribué à diminuer les taux d'homicide. Il n'existe aucune preuve palpable que le registre ait diminué la violence criminelle. Il n'y a pas une seule étude savante vérifiée par des criminologues ou économistes qui ait trouvé que les lois régissant les armes à feu comportent d'importants avantages.
    Voici deux exemples qui illustrent mes propos: le taux des homicides reculait plus rapidement avant l'enregistrement obligatoire des armes d'épaule et le taux des homicides a reculé plus rapidement aux États-Unis qu'au Canada pendant la même période, c'est-à-dire de 1991 à 2010. Inutile d'ajouter que les États-Unis n'avaient pas les mêmes lois sur les armes que le Canada. Par ailleurs, le taux des meurtres multiples n'a pas varié depuis l'avènement du registre des armes d'épaule.
(1105)
    Quatrièmement, les données figurant dans le registre des armes d'épaule sont d'une qualité tellement médiocre qu'elles devraient être détruites. Les nombreuses erreurs et omissions que contient le registre des armes d'épaule le rendent pratiquement inutile pour les besoins de la police et des tribunaux. Le vérificateur général a trouvé à deux reprises que la GRC ne pouvait pas se fier au registre en raison de la multitude d'erreurs et d'omissions qu'il contenait.
    Enfin, j'aimerais vous remercier de votre attention et vous faire quelques dernières réflexions.
     Le registre des armes d'épaule est mal orienté car il cible les citoyens respectueux de la loi au lieu des criminels violents. Pour faire son travail, la police a besoin du soutien des personnes pour lesquelles elle travaille. L'abolition du registre aidera à réparer la rupture qui s'est produite entre la police et les citoyens responsables. Je vous exhorte à adopter le projet de loi C-19 et à faire en sorte que les données du registre des armes d'épaule soient détruites.
    Soit dit en passant, il existe un précédent très clair de la destruction de telles données. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, toutes les armes à feu, y compris les armes d'épaule, étaient enregistrées. N'ayant plus aucune utilité après la guerre, ces renseignements ont fini par être jetés au rebut.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Mauser. Vous avez largement respecté le temps qui vous a été alloué. Je vous en sais gré.
    Nous passons maintenant à la Saskatchewan Wildlife Federation et M. Illerbrun ou M. Omoth.
    Monsieur Illerbrun.
    Je m'adresse à vous au nom de la Saskatchewan Wildlife Federation.
    Monsieur le président, honorables membres du comité et chers collègues, c'est un véritable honneur et un privilège de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Notre temps est précieux, alors laissez-moi aller droit au but: des milliers de personnes que je représente ici sont en faveur de l'élimination permanente du registre.
    Il s'agit-là d'un premier pas absolument vital pour que le gouvernement commence à respecter sa promesse de remplacer la loi actuelle par une loi qui protège notre droit à suivre un style de vie traditionnel. J'ai une véritable passion pour la chasse et le tir sportif que je partage avec mes trois filles: deux d'entre elles sont des chasseresses accomplies, alors que la troisième se contente de faire la razzia de mon congélateur.
     La chasse est une tradition familiale très répandue en Saskatchewan. Je suis un ancien agent de la GRC ainsi qu'un ancien président provincial de la Saskatchewan Wildlife Federation, qui est l'un des organismes les plus importants de la sorte au monde. Depuis 1995, j'ai été le président du Saskatchewan Recreational Firearms Committee, qui travaille avec des groupes s'intéressant aux armes à feu, des gouvernements locaux et la Federation of Saskatchewan Indian Nations. Ces organismes englobent des personnes toutes simples qui s'intéressent au plein air et aux armes à feu. À l'instar d'autres Canadiens, nous avons foncièrement déploré l'adoption de la Loi sur les armes à feu, que l'on continue à appeler le projet de loi C-68, même 16 ans après son adoption.
    Qu'y a-t-il de tellement insultant dans cette loi?
    L'ancienne vérificatrice générale Sheila Fraser l'a très bien résumé quand elle a affirmé que l'idée au départ consistait à utiliser les renseignements du registre pour cibler les cas à haut risque, mais que cela avait pris une nouvelle ampleur, allant jusqu'à considérer tous les propriétaires d'armes à feu sous un même jour, sous prétexte que l'utilisation d'armes à feu est une « activité sulfureuse » exigeant des contrôles rigoureux. Cette loi cible des citoyens respectueux de la loi, sans pour autant empêcher l'utilisation criminelle des armes à feu. Cette approche est fondamentalement erronée. Prenons l'exemple du registre des armes de poing: voilà deux décennies qu'il est en place, mais l'utilisation des armes de poing par les criminels ne fait qu'augmenter aujourd'hui. Les registres ne servent pas à arrêter le crime. Il suffit de voir ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande.
    Comme vous le savez peut-être, Allan Rock, ancien ministre de la Justice, a affirmé une fois: « Je suis venu à Ottawa... avec la ferme croyance que seuls la police et les militaires devaient posséder des armes à feu. » Ce plan pour débarrasser le Canada des armes à feu privées a été concocté de manière stratégique et concrétisé par le Parti libéral moyennant la création du projet de loi C-68. Les outils ont soigneusement été façonnés sous forme de loi, où ils subsistent à ce jour, en attendant d'être utilisés. Voici un bref survol du libellé actuel de la Loi sur les armes à feu.
    Premièrement, commet un délit quiconque possède une arme à feu, autre qu'un soldat ou un agent de police. Le permis actuel est un permis temporaire qui empêche la police de vous inculper du crime que vous êtes en train de commettre. Il peut être révoqué ou rendu difficile d'obtenir ou de conserver, au gré du gouvernement. Sans ce permis, vous ne pouvez pas posséder une arme à feu.
    De nombreux résidents de la Saskatchewan ont été inculpés simplement parce qu'ils avaient oublié de renouveler leur permis. En ma qualité d'ancien policier, je ne peux pas appuyer le principe d'inculper des agriculteurs qui ont besoin d'une arme à feu pour lutter contre les ravageurs, et je vous rappelle que certaines de ces personnes sont des anciens combattants, qui ne devraient pas voir leur liberté qu'ils ont payé si cher de leur sang, disparaître allègrement sous l'effet d'un coup de plume bureaucratique. Un permis pour porter des armes à feu doit être valable à vie à moins que la personne ne perde ce droit à l'issue d'un acte criminel.
    Deuxièmement, commet un délit quiconque possède une arme à feu non enregistrée. D'aucuns diraient que c'est la même chose qu'enregistrer un chien ou un véhicule. Or, en cas de dérogation, les propriétaires de chien et de véhicule n'ont pas droit à un casier judiciaire. Il n'est pas acceptable d'évoquer le droit pénal pour les besoins de mise en application du contrôle des armes à feu. Malheureusement, nous avons dépensé 2 milliards de dollars pour surveiller des citoyens honnêtes. De grâce, finissez-en avec le registre et utilisez l'argent pour vous occuper de véritables criminels.
    Troisièmement, le gouvernement peut changer tout règlement au moyen d'un décret, y compris en ce qui a trait à la classification des armes à feu. Ainsi, toute arme à feu qui est légale en ce moment peut être reclassifiée et confisquée à l'issue d'une réunion du Cabinet à huis clos. Des confiscations ont eu lieu et elles continueront à avoir lieu tant et aussi longtemps que cette législation insidieuse existera dans sa forme actuelle.
    Quatrièmement, les inspecteurs du gouvernement — non pas les services de police — peuvent pénétrer chez vous sans un mandat de perquisition. Il leur suffit de soupçonner qu'ils y trouveront une arme à feu, des munitions, voire une documentation sur une arme à feu. Vous me saisissez? Je vous demande un peu si les propriétaires d'armes à feu sont traités de la même manière que d'autres Canadiens.
    Cinquièmement, la Loi sur les armes à feu supprime le droit de demeurer silencieux. Les inspecteurs peuvent exiger qu'on leur dise où se trouvent les armes à feu — ou toute autre preuve connexe — et si on ne se montre pas coopératif, on peut être inculpé et emprisonné. On n'a pas le droit de demeurer silencieux. Ce n'est pas parce qu'on est un trafiquant de drogues, un délinquant sexuel ou un meurtrier. C'est parce que la loi vous reconnaît comme le propriétaire légitime d'une arme à feu. Les criminels ont davantage de droits que les propriétaires d'armes à feu.
(1110)
    Existe-t-il de nombreux cas de propriétaires légitimes d'armes à feu qui auraient utilisé ces armes à des fins illicites? La réponse est négative. Le régime tout entier a été mis sur pied pour parer à un risque potentiel qui, je vous l'affirme, n'existe pas aujourd'hui. Le gouvernement libéral antérieur a délibérément conçu ces outils et d'autres encore pour mettre petit à petit un point final à la possession d'armes à feu chez les particuliers Canada. Laissons la loi tel quel, et tôt ou tard le gouvernement se servira de ces outils pour mettre fin à un mode de vie traditionnel et légitime au Canada.
    L'abolition du registre est un excellent premier pas pour commencer à remplacer la Loi sur les armes à feu. J'exhorte le gouvernement à continuer à mener par l'intégrité.
    Tenez votre promesse d'élaborer une loi que tous les Canadiens seront prêts à accepter.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Illerbrun.
    Une fois de plus, on dirait que tout le monde respecte le temps. Cela nous laissera davantage de marge pour les questions. Merci.
    Nous passons maintenant au Groupe des étudiants et diplômés de Polytechnique pour le contrôle des armes.
    Madame Provost.
(1115)

[Français]

    Bonjour. Merci à vous tous de nous accueillir à ce comité.
    Je m'appelle Nathalie Provost. Je suis ingénieure, diplômée de Polytechnique en 1990, et mère de quatre enfants. Je représente, avec Heidi Rathjen, l'Association des étudiants de Polytechnique, l'Association des étudiants des cycles supérieurs de Polytechnique, le CA de l'Association des diplômés de Polytechnique et de nombreux témoins et survivants du massacre ainsi que leur famille.
    J'ai été blessée le 6 décembre 1989 à l'École polytechnique par le tir d'une arme semi-automatique, alors que mes consoeurs blessées plus gravement mouraient à mes côtés. Les armes d'épaule sont dangereuses, je le sais très bien. La fusillade à notre école a déclenché un mouvement canadien pour faire progresser les lois sur le contrôle des armes à feu. Le massacre a mis en évidence les failles de la loi canadienne.
    À l'époque, il était relativement facile, même pour un jeune de 16 ans, d'obtenir l'autorisation d'acquérir un nombre illimité d'armes à feu. Il y avait alors des millions d'armes d'épaule invisibles aux yeux de la police. Ainsi, peu après la tuerie, les étudiants et les étudiantes de Polytechnique ont lancé une vaste pétition afin d'obtenir un meilleur contrôle des armes à feu.
    En 22 ans, nous avons pu contribuer à des progrès législatifs et de sécurité publique très impressionnants, notamment la baisse substantielle des taux de décès et de suicides par armes à feu. Lorsque les politiciens conservateurs prétendent que les armes d'épaule ne constituent pas un problème parce qu'elles ne sont pas l'arme de choix des criminels, ils ignorent les faits et le gros bon sens.
    La Cour suprême a souligné cette évidence qui échappe toujours aux conservateurs.

On ne peut pas diviser clairement les armes à feu en deux catégories — celles qui sont dangereuses et celles qui ne le sont pas. Toutes les armes à feu sont susceptibles d'utilisation criminelle. Elles sont toutes susceptibles de tuer et de mutiler. Toutes les armes à feu sont donc une menace pour la sécurité publique.
    Ainsi, par respect pour la mémoire des victimes d'armes d'épaule, dont les 14 victimes de Polytechnique et par compassion pour toutes les personnes qui, comme moi, ont ressenti la brûlure de la poudre à canon, pourriez-vous, mesdames et messieurs les conservateurs, cesser de prétendre que les armes d'épaule ne constituent pas un problème en lien avec la criminalité?
    En effet, chaque année, la police révoque les permis de possession de plus de 2 000 individus potentiellement dangereux et confisque les armes en leur possession. Le ministre de la Sécurité publique, l'honorable Vic Toews, a dû admettre à la Chambre des communes qu'en un peu plus de deux ans, 4 612 armes d'épaule ont été saisies en lien avec la révocation de permis de possession pour des raisons de sécurité publique. En tout, 111 000 armes à feu sont présentement sous la garde des forces policières dont 87 000, soit près de 80 p. 100 sont des armes d'épaule.
    Ces actions, aidées par le registre, empêchent des tragédies et sauvent des vies. Lesquelles exactement? On ne le sait pas, justement. Elles n'ont pas eu lieu: pas de massacre, pas de manchette, pas de nom de personnes sauvées. Quand les mesures de prévention fonctionnent, il n'y a pas d'incidents à documenter. Cependant, n'osez pas nous dire que le registre n'est pas efficace.
    Dans 11 jours, ce sera le 22e anniversaire du massacre de Polytechnique lors duquel j'ai été blessée et j'ai échappé à la mort. C'est donc avec le coeur très lourd que j'assiste au processus législatif menant au démantèlement d'un des rares effets positifs de cette tragédie, la loi qui contribue à sauver des centaines et des centaines de vies.
    Avec le projet de loi C-19, nous laissons le lobby des armes dicter le type de société dans laquelle nous voulons vivre, une société qui régresse de manière irréversible vers un accès plus facile aux armes à feu, ce qui résultera sans aucun doute en plus de vies et de familles détruites par le simple appui d'une gâchette.

[Traduction]

     Pour le moment, le débat autour du projet de loi C-19 s'est surtout concentré sur l'enregistrement des armes à feu. Or, les conséquences de cette législation vont bien au-delà.
    Par exemple, l'article 11 élimine l'obligation de tenir un registre des transactions de vente des armes d'épaule. Autrement dit, il n'y aura plus la moindre trace papier ou électronique pour démontrer qu'une telle vente a eu lieu. En deux ans, il y a eu plus de 1,5 million de transactions de vente privées de la sorte.
    L'exigence de consigner les ventes a été introduite en 1977 et, en l'absence d'un registre centralisé plus efficace, la démarche pouvait au moins desservir la sécurité publique en aidant la police dans le cadre de certaines enquêtes criminelles. Par exemple, les reçus des ventes ont permis à la police d'identifier l'auteur de la fusillade à l'École polytechnique, qui était méconnaissable car il s'était tiré une balle en plein visage.
    Ainsi, à moins qu'un magasin ne conserve volontairement un registre détaillé des ventes, il n'y aura plus aucun indice reliant le vendeur à un acheteur ou à l'arme à feu qui a été vendue, pas plus qu'un d'indice pour confirmer que cette vente a réellement eu lieu. Les ventes se feront à la faveur de l'obscurité la plus totale.
     Le projet de loi C-19 affaiblira également énormément un deuxième volet essentiel du contrôle des armes à feu: les contrôles sur la propriété ou la délivrance de permis de possession d'armes à feu.
    Lorsque, en 2006, le gouvernement conservateur a déposé le projet de loi C-21, qui était une tentative antérieure d'abolir le registre, il a reconnu l'importance de vérifier la validité d'un permis de possession au moment de vendre ou de transférer une arme à feu — quelqu'en soit le type. Dans la fiche d'information qui accompagnait le projet de loi, les Conservateurs rassuraient le public en affirmant que l'amendement proposé continuerait à « obliger les propriétaires actuels à vérifier, en communiquant avec le contrôleur des armes a feu, que les acheteurs potentiels d'armes à feu ou tout autre futur propriétaire d'une arme à feu sans restriction ont un permis d'armes à feu valide ». On y disait également que « cette mesure aidera à s'assurer que les armes n'aboutissent pas dans les mains d'individus qui ne devraient pas y avoir accès, comme des criminels reconnus ».
    Néanmoins, l'article 11 élimine également l'obligation pour quiconque vend ou transfère une arme d'épaule, qu'il s'agisse d'un commerce ou d'un particulier, de vérifier la validité du permis de possession de l'acheteur. Tout ce qu'il faut c'est que le vendeur n'ait « aucun motif de croire que le cessionnaire n'est pas autorisé à acquérir et à posséder une telle arme ». À toutes fins pratiques, le vendeur ne doit même pas se donner la peine de demander à voir un permis.
    Pour bien comprendre les ramifications de cette incroyable échappatoire, songez à ce qui suit: une personne désireuse de se procurer une arme d'épaule peut se contenter de montrer une carte qui ressemble à un permis. Il pourrait s'agir d'un permis révoqué ou de contrefaçon, ou simplement d'un document plastifié d'apparence officielle qui peut être produit dans n'importe quelle papeterie.
     En vertu du projet de loi C-19, le vendeur n'aurait plus aucune obligation de vérifier la validité du permis auprès du Centre des armes à feu ni de consigner quoi que ce soit à propos du permis, le numéro, la carabine faisant l'objet de la transaction, ni la personne à qui elle est vendue. Il suffit de croire que le nouveau propriétaire est autorisé à posséder une arme à feu. L'acheteur peut convaincre le vendeur: « Je vous promets que j'ai un permis. » Est-ce suffisant?
    Advenant qu'une carabine soit utilisée lors d'un crime, il est pratiquement impossible de responsabiliser la personne qui aura vendu l'arme à feu à une personne non titulaire d'un permis. Tout ce que la personne doit dire c'est: « Oui, j'ai vendu une arme à feu à quelqu'un. Il me semble me souvenir qu'il ou elle avait un permis valable. Du moins c'est ce que je croyais à ce moment-là, mais je n'en ai pas vérifié la validité ni inscrit le numéro de permis, ni le nom de l'acheteur. » En principe, il n'y a pas infraction à la loi à moins que la police ne puisse prouver que cette personne ne croyait pas vraiment aux affirmations de l'acheteur.
(1120)
    Madame Rathjen, malheureusement, votre temps s'est écoulé. Veuillez vous limiter à conclure votre phrase.
    Il ne me faut qu'une minute pour finir.
    Je regrette, nous sommes déjà...
    Vingt-deux ans... Ne pouvez-vous donc pas m'accorder une seule petite minute?
    Non, je regrette. Nous devons accorder la même quantité de temps à chacun des témoins.
    Mme Heidi Rathjen: Je comprends.
    Le vice-président (M. Randall Garrison): Contentez-vous de conclure en une seule phrase, si vous voulez.
    Autrement dit — je vais conclure en disant une seule chose —, ce que les auteurs du projet de loi ont fait est en fait assez incroyable: ils ont conçu un cadre juridique qui maintient la nature illégale de la vente d'une arme d'épaule à une personne non titulaire d'un permis, mais qui rend son inculpation pratiquement impossible à moins que la police ne puisse prouver quelque chose qui est pratiquement impossible de prouver.
    Merci.
    Nous passerons maintenant à notre téléconférence.
    Monsieur Blais, allez-y s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur le président, distingués membres du comité, bonjour.
    Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis Étienne Blais, criminologue et professeur agrégé à l'École de criminologie de l'Université de Montréal. J'ai été embauché en raison de mon expertise dans les domaines des méthodes de recherche et de la prévention du crime.
    Depuis mon entrée en fonction, en 2006, j'ai développé un programme de recherche sur la prévention des crimes et traumatismes liés aux armes à feu. Depuis le début de ma carrière, j'ai eu l'occasion de publier plusieurs articles avec comité de pairs et de donner plusieurs conférences sur la question du contrôle des armes à feu au Canada.
    Avant de présenter ma position sur le projet de loi C-19, j'aimerais rappeler que la problématique des blessés par armes à feu va bien au-delà de celle de la criminalité, voire des violences associées aux groupes criminels. Sur les quelque 800 décès annuels que l'on associe aux armes à feu, 75 p. 100 sont des suicides. De plus, environ 85 p. 100 des suicides par arme à feu impliquent des armes longues. Dans bien des cas, les suicides impliquent des personnes souffrant de troubles mentaux ou qui se trouvent en situation de crise momentanée.
    Les suicides sont bien souvent commis au domicile de la victime. Plusieurs études démontrent que l'accès à une arme à feu au domicile augmente le risque de suicide en général. C'est également le cas des homicides commis entre conjoints. La présence d'une arme à feu au domicile augmente le risque d'homicide conjugal. Dans ces cas d'homicides et de suicides, l'arme à feu représente le facilitateur parfait qui permet d'actualiser les pensées suicidaires ou homicidaires. C'est d'ailleurs dans l'optique de prévenir ces suicides et homicides que s'inscrivent certaines des dispositions de la loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, et ses règlements, notamment lorsqu'on parle d'aviser l'actuel conjoint ou le conjoint des deux dernières années de l'intention d'achat du conjoint ou de l'ex-conjoint et de l'enregistrement de toutes les armes à feu.
    Dans le cadre de mes recherches, je me suis justement intéressé à l'effet de ces lois sur les taux d'homicides et de suicides. Les résultats de mes études ont été publiés dans des revues, avec comités de pairs, ou présentés lors de conférences scientifiques, également avec comités de pairs. Dans l'une de ces études, mes collègues et moi avons évalué l'effet des lois C-51, C-17 et C-68 sur les taux d'homicides et de suicides au Canada entre 1974 et 2004.
    Tout d'abord, nos résultats démontrent que l'adoption de la loi C-68 fut associée à une baisse significative des homicides commis par arme à feu, et plus précisément les homicides impliquant des armes longues. Cette baisse varie entre 5 p. 100 et 10 p. 100, selon les provinces. En nombre, cela correspond à la prévention d'environ 50 homicides par année au Canada.
    L'effet préventif de la loi est d'autant plus probable que la baisse des homicides par arme longue n'est pas compensée par une hausse des homicides commis par d'autres méthodes. De surcroît, cette baisse s'observe uniquement pour les homicides commis par arme longue. Les homicides commis à l'aide d'autres armes, tels les couteaux et les objets contondants, ne bougent pas. Cela signifie que la baisse qui est attribuable à la loi C-68 l'est bel et bien et qu'elle n'est pas attribuable à d'autres facteurs ou mesures de prévention mises en place pour prévenir ces homicides.
    Deuxièmement, la loi C-68 fut associée à une baisse significative des suicides par arme à feu. Encore une fois, il n'y a pas d'augmentation ni de baisse du nombre de suicides commis par d'autres méthodes. Cela suggère que la baisse des suicides par arme à feu n'est pas compensée par une hausse des suicides commis par d'autres méthodes et que la baisse n'est pas attribuable à d'autres mesures de prévention du suicide. Nous estimons à environ 250 le nombre de suicides prévenus par année au Canada depuis l'introduction de la Loi sur les armes à feu en 1998.
    Récemment, nous avons réalisé d'autres évaluations qui viennent consolider nos conclusions voulant que la loi C-68 ait permis de réduire les homicides et les suicides. Ces récents résultats suggèrent même que la loi C-68 a permis de prévenir les homicides conjugaux. Les effets de la loi C-68 se seraient principalement manifestés à partir de 1998, de manière graduelle, soit au fur et à mesure que les dispositions de cette loi furent appliquées.
    Maintenant, plusieurs études ont été réalisées sur l'effet des lois canadiennes en matière de contrôle des armes à feu. Pourquoi considérer nos résultats? En quoi nos résultats sont-ils plus crédibles que ceux des autres études?
    Premièrement, nous tenons compte d'autres facteurs, tels que la proportion de jeunes hommes, la consommation de bière, le nombre de policiers par habitant, les taux d'incarcération et le taux de chômage, pour ne nommer que quelques autres facteurs concomitants.
    Deuxièmement, nous employons des méthodes statistiques permettant d'obtenir des estimés valides.
(1125)
    Troisièmement, nous distinguons les homicides en fonction de l'arme utilisée et de la relation entre les parties. Toutefois, le principal avantage de nos études réside, à mon avis, dans l'emploi de la province comme unité d'analyse, ce que ne font pas plusieurs études.
    Par exemple, dans notre dernière étude, nous tenons compte des divers taux d'homicide des six provinces canadiennes et de la région de l'Atlantique pour la période de 1974 à 2006. Cela nous permet d'avoir un échantillon de 231 observations. Il s'agit d'un échantillon suffisamment grand pour détecter les effets des lois. Un simple échantillon de 30 ou de 35 observations serait complètement insuffisant, faute de puissance statistique.
    De plus, cela nous permet de tenir compte du champ de compétence provinciale en matière d'application des lois. Les lois entrent en vigueur au même moment dans l'ensemble du Canada, mais ce sont les provinces qui ont la responsabilité de les appliquer. Ainsi, toute évaluation des lois en matière de contrôle des armes à feu au Canada doit tenir compte de cette réalité.
    Enfin, employer les provinces comme unité d'analyse permet de tenir compte des variations dans les taux de criminalité entre celles-ci. Le Canada en soi n'est pas représentatif des problématiques vécues dans les provinces.
    En conclusion, les résultats de nos études démontrent que le projet de loi C-68 a permit de prévenir 300 décès par année. Sur la base des données sur les coûts directs et indirects des décès par arme à feu, on estime à plus de 400 millions de dollars par année les coûts épargnés grâce à la prévention de ces 300 décès. Ce montant se compare avantageusement aux 63 millions de dollars annuels consacrés au fonctionnement du Programme canadien des armes à feu, et aux 9,1 millions de dollars consacrés aux activités d'enregistrement, selon le rapport de la GRC.
    Sur la base de nos résultats, nous croyons que le retrait du registre des armes à feu risque de compromettre la santé et la sécurité des Canadiens. L'obtention d'un permis de possession d'arme à feu et l'enregistrement des armes à feu sont deux mesures nécessaires et complémentaires. Ces mesures permettent de lier chaque arme à feu à son propriétaire...
(1130)

[Traduction]

    Monsieur Blais, votre temps s'est en fait écoulé. Pourriez-vous conclure en une phrase ou deux?

[Français]

    D'accord.
    Cela est de nature à inciter ces derniers à se conformer au règlement en vigueur relativement à l'achat, à l'entreposage, à la vente, au prêt ou au don d'arme à feu. Le registre permet également de soutenir les policiers dans l'exercice de leurs fonctions. Toutes ces mesures n'empêchent d'ailleurs en rien l'utilisation légitime des armes à feu par leur propriétaire.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Blais.
    Nous passerons maintenant à notre première série de questions.
    Du côté du gouvernement, je crois que nous commencerons avec M. Leef.
    Merci, monsieur le président.
    Je partagerai mon temps avec M. Armstrong aujourd'hui.
    Je remercie tous nos témoins d'être venus.
    Cette question s'adresse à M. Mauser.
    Nous avons entendu le dernier témoignage ici et je me demande si vous pourriez nous faire un commentaire de votre point de vue en tant que criminologue, car j'ai très certainement décelé quelques divergences d'opinion au chapitre de l'attribution de la baisse du nombre d'homicides par arme d'épaule au projet de loi C-68.
    À partir de vos propres constats, pouvez-vous nous dire s'il s'agit d'une coïncidence ou si on peut parler de cause à effet et attribuer la baisse des taux d'homicides par arme d'épaule à l'existence du registre?
    J'aimerais signaler que j'ai parcouru un des articles publiés par M. Blais et il me semble que c'est justement celui dont il s'inspire dans ses propos. J'y ai trouvé de graves erreurs méthodologiques pour ce qui est de définir la variable indépendante, y compris la covariable, en plus de constater l'absence de courbes de tendance, ce qui invalide ses propos à mon sens.
    Si on songe au taux des homicides pris dans l'ensemble, vous remarquez qu'il est en déclin, tel que j'ai indiqué dans mon témoignage. Ce taux reculait rapidement avant l'adoption du projet de loi C-68, c'est-à-dire avant son entrée en vigueur entre 1998 et 2001, et le registre des armes d'épaule a été mis au point en 2003. Si vous utilisez ces années charnières, vous constatez que le taux des homicides reculait beaucoup plus vite avant l'entrée en vigueur de la loi. Par conséquent, on peut vraiment se demander comment il aurait pu augmenter ce taux alors qu'il l'a manifestement réduit.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Illerbrun.
    J'ai juste une chose à mentionner très rapidement. Vous représentez les membres de la Saskatchewan Wildlife Federation. Y a-t-il des femmes qui chassent dans votre organisme?
    J'ai deux filles chasseresses, tel que j'ai dit lors de ma présentation, mais oui, nous avons de plus en plus de femmes qui se joignent à nous, et elles sont parfois plus adroites à la chasse que les hommes.
    Nous pourrions donc conclure que les femmes possèdent également des armes à feu...?
    Oh oui.
    Tout au long des témoignages, nous avons constaté une division entre la tentative de donner l'impression qu'il s'agit d'un enjeu confrontant les hommes aux femmes, d'une part, et les victimes aux criminels, d'autre part. À mon avis, cela ne décrit pas vraiment l'identité des propriétaires d'armes à feu au Canada, alors je vous remercie d'avoir fait cette précision.
    Lors des témoignages récents, nous avons entendu un monsieur des Territoires du Nord-Ouest qui parlait de l'éducation et des taux de littératie chez les gens du nord et du patrimoine culturel et traditionnel de la chasse, qui s'applique très certainement aux Canadiens des régions rurales, voire des régions urbaines. Nous comprenons parfaitement la difficulté que certaines personnes éprouvent à l'heure de remplir les formulaires d'enregistrement.
    Vous avez affirmé que les femmes sont propriétaires d'armes à feu. Ce sont des chasseresses. Ce sont des tireuses. Nous avons entendu le témoignage d'athlètes féminines qui s'adonnent à ce sport.
    Nous avons ensuite entendu parler de gens qui négligent sciemment d'enregistrer leurs armes à feu dans les faits. Compte tenu de ce choix conscient, il est clair que nous n'avons aucune idée du nombre d'armes à feu qui se trouvent un peu partout au Canada. Nous nous contentons donc de déduire que ce chiffre comprendrait des femmes possédant des armes à feu, qui ont décidé d'échapper aux contraintes du registre et qui se sont donc abstenues d'enregistrer leurs armes.
    Lorsque nous songeons à l'éducation, au taux de littératie, aux femmes qui possèdent des armes à feu, à la nécessité de détenir ces armes dans les régions rurales et du Nord pour subvenir aux besoins de leurs familles, aux pratiques culturelles et traditionnelles, au fait que certaines personnes refusent d'enregistrer leurs armes à feu, et enfin aux ramifications criminelles qui en découlent, ne conviendrez-vous pas avec moi, à la lumière de tout cela et des difficultés et inexactitudes du registre, que nous nous exposons gravement — comme nous le faisons depuis des années — à transformer ces Canadiens respectueux de la loi en des criminels? Cela finirait par victimiser les femmes dans les régions rurales et les femmes qui en font un moyen de subsistance, qui misent sur la culture et les pratiques traditionnelles, et qui ont absolument besoin d'armes d'épaule pour maintenir leur mode de vie. Il s'agit parfois de familles monoparentales.
    Pouvez-vous faire un commentaire là-dessus? N'êtes-vous pas d'accord pour dire que nous ne tenons pas à courir le risque de victimiser ces femmes encore davantage?
(1135)
    Je ne pense pas que nous souhaitions courir le risque de victimiser qui que ce soit. Nous sommes tous des criminels, car il suffit de posséder une arme à feu pour être considéré comme tel, alors voilà ce que j'ai à dire à ce sujet.
    Nous sommes en faveur du contrôle des armes à feu; nous tenons simplement à ce que ce contrôle soit efficace et qu'il se concentre sur le véritable problème, sans cibler le propriétaire parfaitement légitime respectueux de la loi. Voilà ce que nous aimerions voir.
    Merci.
    Scott? Je ne sais pas exactement combien de temps il reste.
    Je sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, alors permettez-moi vraiment rapidement, monsieur Mauser, quand je vous ai écouté, vous et M. Blais, il m'a semblé que vos recherches à vous s'articulaient autour du registre des armes d'épaule proprement dit, alors que celles de M. Blais s'occupaient davantage de l'ensemble de la législation sur le contrôle des armes à feu, comme un tout. Pourriez-vous expliquer les différences dans certaines de vos recherches, particulièrement en ce qui a trait aux taux de suicide?
    C'est juste. Je songe uniquement au registre des armes d'épaule.
    Comme vous l'avez pu constater dans le mémoire et lors de ma présentation, mes efforts se sont concentrés sur les statistiques des armes d'épaule enregistrées et donc détenues par des personnes titulaires de permis. Par exemple, seul 1 p. 100 de tous les homicides était perpétré par des armes d'épaule enregistrées. Nous parlons de chiffres vraiment microscopiques, alors je me penche sur les conséquences du processus d'enregistrement. M. Blais examine quant à lui les répercussions de la législation comme un tout.
    Merci.
    Combien de temps nous reste-t-il?
    Vous avez 30 secondes.
    C'est bon.
    Monsieur Illerbrun, une des grandes critiques récemment formulées à l'égard de la législation, c'est que nous sommes en train de détruire les données alors que nous ne devrions pas le faire — il s'agirait de les conserver.
    Les membres de votre organisme, voire les détenteurs d'armes à feu de toutes les régions rurales de ce pays, ont-ils l'impression que le maintien de ces données n'a d'autre but que de lancer un nouveau registre ultérieurement? Qu'il en soit ainsi ou pas, est-ce donc la perception qu'ont les gens des régions rurales de notre pays?
    C'est certainement vrai en partie, n'est-ce pas, mais les données du registre sont...
    M. Scott Armstrong: C'est bon.
    M. Greg Illerbrun: ... alors si vous détruisez le registre, vous devez détruire les données aussi ou le registre n'aura pas été détruit à toutes fins pratiques.
    Si je crois à une résurrection du registre? Il en sera ainsi, je vous le garantis.
    Alors lorsque les gens ont voté partout au pays le 2 mai et élu un gouvernement conservateur majoritaire et que le registre des armes d'épaule était au nombre des grands enjeux de la campagne électorale...
    J'invoque un rappel au Règlement, monsieur le président, il s'agit-là d'une question politique à propos de savoir ce qui a motivé les gens à voter ou non pendant l'élection. Le témoin doit s'abstenir de parler de cela.
    Votre observation n'est malheureusement pas valable.
    Je poursuis.
    Les gens s'attendaient à ce que les données disparaissent en même temps que le registre des armes d'épaule. C'était manifestement ce qu'ils avaient en tête le jour où ils sont allés voter. Diriez-vous que c'est vrai?
    Tout à fait: qui dit registre dit données, et vice versa.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Mauser, dans vos recherches sur les taux de suicide, il y avait une distinction précise à faire entre vos recherches et celles de M. Blais. Pouvez-vous nous dire comment cela s'est produit?
    Les recherches que j'ai présentées aujourd'hui se limitent au registre des armes d'épaule et aux homicides. Je ne me suis pas penché sur le suicide. Côté suicide, vous constaterez en effet que les taux sont en baisse depuis longtemps déjà. Or, si l'utilisation d'armes à feu dans les cas de suicide — qu'il s'agisse d'armes d'épaule ou d'armes de poing — a décliné, voire a commencé à décliner avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-68, sachez par contre que le nombre de pendaisons a augmenté.
    Le problème avec le suicide ne réside pas dans l'accès à telle ou telle méthode, mais dans l'accès à n'importe quelle méthode. Une personne qui veut se pendre peut très facilement avoir accès à une corde et, malheureusement, notre population autochtone a une prédilection culturelle pour les cordes, plutôt que pour les armes à feu. Cela échappe à tout contrôle. C'est on ne peut plus navrant. Nous devons nous attacher à prévenir le suicide au lieu de nous limiter à restreindre l'accès aux armes à feu.
    Merci beaucoup, monsieur Mauser.
    Le temps du côté gouvernement s'est écoulé.
    Nous passerons à l'opposition.
    M. Harris voudrait soit le consentement unanime, soit une formulation différente.
    Nous avons une formulation différente.
    Monsieur Harris, vous avez sept minutes.
(1140)
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins de leurs présentations.
    Premièrement, merci à vous deux qui êtes venus de l'École polytechnique. Sachant les circonstances amères qui vont ont amenées jusqu'ici, je crois que c'est très courageux de votre part. Vous, madame Provost, qui avez vécu les faits, cela doit vous rappeler des souvenirs horribles.
    Madame Rathjen, j'aimerais vous accorder une minute ou deux pour vous permettre de finir toute autre chose que vous aimeriez ajouter.
    Aussi, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du fait que si ce projet de loi est adopté, l'arme à feu qui a été utilisée à l'École polytechnique, la Ruger Mini-14, qui figure dans le registre... Ce modèle d'arme à feu fait partie du registre et il ne sera plus nécessaire de l'enregistrer. Toute information sur ces types d'arme à feu ou de rifles d'assaut sera détruite, avec tout le reste.
    Avec les amendements qui vont être apportés à la loi, il n'y aura que très peu, voire aucune, possibilité de retracer les armes à feu ni de savoir quand ou à qui elles ont été vendues. La GRC a fait valoir qu'en l'impossibilité de suivre et de retracer les armes, la loi serait pour ainsi dire « insusceptible d'application valable ». Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez et nous faire part de vos inquiétudes, le cas échéant?
    Un des problèmes constatés ces dernières années est que le gouvernement n'a pas fait de mise à jour ou reclassé certaines armes qui devraient faire partie des armes à autorisation restreinte ou prohibées. Nous considérons que toutes les armes d'assaut — toutes les armes qui ont des caractéristiques militaires — qui sont conçues pour tuer des gens rapidement et efficacement, devraient être interdites.
    Malheureusement, parmi les sept millions d'armes d'épaule qui seront enlevées du registre, qui deviendront invisibles pour la police, il y en a un certain nombre qui devraient être classées comme armes à autorisation restreinte. La police va en perdre la trace.
    Comme je l'ai dit, le débat sur ce projet de loi a porté principalement sur l'enregistrement, car c'est le motif d'objection dont le gouvernement a parlé pour ce projet de loi. En même temps, le gouvernement professe sa foi dans le permis de possession en disant que c'est ce qui assure un véritable contrôle des armes à feu. Nous ne sommes pas de cet avis, mais nous sommes pour le permis de possession.
    En dissociant la vente d'armes à feu du système de permis, en disant qu'il n'est pas nécessaire de garder des traces de ces ventes et de vérifier la validité du permis de la personne à qui on vend une arme, vous supprimez le mécanisme qui permet à la police d'appliquer les dispositions relatives au permis de possession.
    Le projet de loi est rédigé de telle façon qu'il part du principe que la personne à qui vous vendez l'arme détient un permis de possession valide. C'est seulement si vous avez une raison particulière d'en douter que vous n'êtes pas autorisé à la vendre. Si vous croyez que l'acheteur détient un permis — obtenu on ne sait pas comment —, vous ne violez pas la loi, même si la vente de l'arme à une personne qui ne possède pas un permis valide est illégale. C'est une énorme échappatoire dans laquelle vous pourriez faire passer un train de marchandises et qui sape entièrement les dispositions du système de permis de possession.
    Nous n'en comprenons pas la raison. Quel avantage le gouvernement pourrait-il en tirer? Par le passé, il a affirmé qu'il était essentiel de vérifier les permis de possession pour protéger la sécurité publique.
    Nous n'avons pas de réponse. Nous savons seulement que c'est un pas de plus vers ce que préconisent maintenant de nombreux groupes du lobby des armes, qui prônent également l'abolition du système de permis de possession.
    Merci.
    Monsieur Blais, vous êtes professeur de criminologie, n'est-ce pas?
    Oui.
    Vous êtes professeur de criminologie à l'Université de Montréal?
    Oui.
    Vous avez un diplôme en criminologie?
    J'ai un Ph. D. en criminologie.
(1145)
    Merci. Je voulais seulement le vérifier, car vous dites que les documents que vous avez mentionnés ont été jugés par les pairs.
    Oui.
    Merci.
    Monsieur Mauser, d'après votre site Web, vous êtes un professeur d'administration des affaires et vous êtes l'auteur de deux livres, un sur le marketing politique et un autre sur la manipulation de l'opinion publique, et vous représentez également la National Firearms Association.
    Je me demande seulement à quel titre vous comparaissez ici comme « criminologue, à titre personnel ». Qu'est-ce que cela signifie réellement?
    Un certain nombre de vos affirmations sont inexactes. Premièrement…
    Je me fie seulement à votre site Web, monsieur.
    … je ne représente aucun organisme. Je ne suis pas membre de la National Firearms Association. Je ne représente aucune organisation d'armes à feu.
    Je témoigne ici comme criminologue, à titre personnel, car j'enseigne dans deux facultés de l'Université Simon Fraser: la faculté de criminologie ainsi que la faculté d'administration des affaires. J'ai reçu une formation en méthodologie statistique. J'ai publié des articles analytiques et statistiques en criminologie, en marketing, en administration des affaires et en économie. J'estime donc être parfaitement qualifié.
    Au cours des 15 dernières années, j'ai publié dans des journaux de criminologie, dans des journaux de criminologie évalués par les pairs et c'est ce dont mon université se sert pour évaluer mes recherches. C'est une preuve de compétence universitaire. Je suis ici en tant que criminologue universitaire.
    Très bien. Je lis simplement dans votre site Web:
Je suis Gary Mauser, professeur émérite de l'Université Simon Fraser… Je représente la National Firearms Association.
    C'est dans votre site Web: garymauser.net.
    Je suis désolé si ces renseignements sont inexacts, mais…
    J'accepte vos excuses.
    … c'est de là qu'ils proviennent.
    J'ai une question a adresser à M. Illerbrun. Je comprends votre position en ce sens que les avis divergent à ce sujet, mais vous décrivez les changements apportés dans cette loi comme une « première étape » pour remplacer le régime de contrôle des armes à feu. Vers quoi pensez-vous qu'il s'agit d'une première étape? Partagez-vous l'opinion dont Mme Rathjen à parlé, à savoir qu'il faudrait un système très différent?
    Nous parlons des propriétaires d'armes à feu respectueux des lois et par définition, bien sûr, les personnes respectueuses des lois ne commettent aucun crime. La plupart des Canadiens sont respectueux des lois et les lois sont faites, je suppose, pour que les gens les respectent et pour que les lois soient respectées. Si c'est la première étape, quelles autres étapes entrevoyez-vous et où pensez-vous que cela nous conduira?
    Je considère que les gens sont respectueux des lois et que cette loi a fait de nous tous des criminels. Elle se sert du Code criminel pour punir les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois.
    Pour ce qui est des étapes que j'envisage, il faut séparer cette loi du Code criminel, cesser de punir les gens respectueux des lois et cesser de nous traiter comme des criminels. Une loi du Parlement piétine la Constitution. Elle nous a privé de notre droit à garder le silence. Le fardeau de la preuve est inversé.
    Merci beaucoup, monsieur Illerbrun.
    C'est la fin de ce tour.
    Nous revenons du côté du gouvernement.
    Madame Hoeppner.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Breitkreuz.
    J'ai juste une très brève question à poser à M. Mauser. Il pourra sans doute y répondre en deux minutes.
    Les policiers de première ligne nous ont dit, de façon assez catégorique, qu'ils craignent que leurs collègues qui se fient au registre des armes d'épaule… ou à qui leurs chefs demandent de se fier aux données du registre des armes d'épaules, risquent sérieusement leur vie. Un policier nous a dit que même si l'abolition du registre des armes d'épaule sauvait la vie d'un seul policier, cela en vaudrait la peine.
    Bien sûr, nous avons aussi entendu l'inverse. Je sais que vous avez suivi ce dossier, monsieur Mauser. Avez-vous jamais entendu parler d'un incident, même récent, où un policier est mort parce qu'il s'est fié à un renseignement inexact contenu dans le registre?
    Oui, et c'est très regrettable. Un instructeur du Collège de police de l'Ontario m'a dit qu'il voit souvent des jeunes stagiaires qui se préparent au métier de policier et qui font entièrement confiance au registre d'enregistrement des armes d'épaule. Ils croient ce qu'ils voient sur l'ordinateur.
    Dans un cas de ce genre, Valérie Gignac, une policière de Laval, au Québec, a vérifié le registre le 14 décembre 2005 avant de répondre à un appel pour trouble de l'ordre public. Lorsqu'elle a frappé à la porte de l'appartement, l'homme en question l'a tuée en lui tirant dessus à travers la porte avec un fusil non enregistré, un fusil dont le registre des armes d'épaule ignorait l'existence, que cet homme n'avait pas le droit de posséder, mais qu'il possédait quand même. De toute évidence, on peut se faire tuer si on fait confiance au registre des armes d'épaule.
    Comme je l'ai montré dans mes statistiques, il est rare que les armes d'épaule soient associées à des cas d'homicide. Nous avons 4 800 homicides dont près de 1 500 ont été commis avec des armes à feu au cours de cette période alors que 73 armes d'épaule ont été enregistrées. C'est tout. Comment un registre des armes d'épaule peut-il avoir des effets?
(1150)
    Merci.
    Cela confirme également ce qu'un policier nous a dit, et c'est un policier de première ligne. Je ne suis pas un policier de première ligne, mais il y en a un ou deux de ce côté-ci — je ne sais pas s'il y en a du côté de l'opposition — et je ne prendrais pas à la légère ce que disent les policiers. Ils disent que si vous vous fiez aux renseignements figurant dans le registre, cela influe sur votre signal d'alarme interne. Le policier en question a dit que cela lui nuirait. Il ne vérifie même pas le registre, car il doit répondre à l'appel en restant sur ses gardes.
    Merci beaucoup. C'est certainement une tragédie.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Le vice-président (M. Randall Garrison): Une minute.
    Mme Candice Hoeppner: Je vais la donner à M. Breitkreuz. Merci.
    Merci beaucoup. J'apprécie d'avoir la parole.
    Ce qu'il y a notamment de regrettable, dans toute cette discussion, c'est qu'on a fait du contrôle des armes à feu l'équivalent ou le synonyme du registre des armes d'épaule et du projet de loi C-68 alors qu'il n'en est rien.
    Monsieur Mauser, je voudrais faire suite à la question que mon collègue vous a posée. J'ai dans ma circonscription des sergents-chefs qui sont venus volontairement me dire qu'ils avaient donné à leurs agents l'ordre de ne pas consulter le registre. Vous avez notamment déclaré que le registre a réduit l'efficacité de la police. Je voudrais que vous nous en disiez plus.
    Je voudrais également que vous nous parliez du fait que le taux d'homicide a diminué plus rapidement aux États-Unis qu'au Canada. Je trouve cela intéressant.
    Vous pourriez peut-être parler de ces deux aspects.
    Oui. Merci beaucoup pour ces questions.
    Premièrement, il est discutable que la seule façon dont le contrôle des armes à feu puisse être efficace, c'est en limitant l'accès aux armes à feu. L'approche est très différente. Aux États-Unis, il y a également un contrôle des armes à feu, mais il n'est pas destiné à limiter l'accès aux armes à feu.
    Les taux d'homicide ont diminué plus rapidement aux États-Unis pendant les années 1990 et 2000. Les Américains ont une série de lois qui incitent les citoyens respectueux des lois à posséder et à porter des armes à feu. La situation est maintenant la même dans pratiquement tous les États. Si c'était une menace pour la paix, le taux d'homicide aurait dû augmenter. Cela n'a pas été le cas.
    Notre contrôle des armes à feu a cherché à criminaliser les citoyens jusque-là respectueux des lois — des chasseurs, des tireurs à la cible — et à limiter l'accès aux armes à feu selon l'hypothèse que cela diminuerait le nombre d'homicides. Ce n'est pas arrivé; on ne peut pas démontrer que c'est ce qui s'est passé.
    Deuxièmement, la notion fondamentale de police n'est pas celle de force militaire d'occupation. La police a pour rôle de coopérer avec les citoyens. Lorsqu'il a créé la police, Sir Robert Peel a clairement déclaré que la police et les citoyens doivent coopérer dans un souci d'efficacité et d'efficience. Dans tous les pays anglo-saxons, en tout cas, la police considère qu'elle doit coopérer et favoriser la coopération avec la police.
    En criminalisant des citoyens respectueux des lois, le projet de loi C-68 a créé un fossé, une rupture entre les citoyens et la police. Cela dissuade les citoyens d'avoir des contacts avec la police. Cela dissuade la coopération et, en ce sens, diminue l'efficacité.
    Troisièmement — et j'en reviens à la question qui a été soulevée au sujet de la confiance dans le registre —, les données présentées par les ordinateurs font figure de parole d'évangile, pour tout le monde et pas seulement la police. Dans le vocabulaire du traitement des données, c'est ce que nous appelons garbage in, gospel out. Vous pouvez publier n'importe quoi. Le point faible du registre — et aussi de l'émission des permis — est qu'on vérifie très peu les données qui sont entrées dans le système.
    Vos propres demandes d'accès à l'information, monsieur Breitkreuz, montrent combien il y a d'erreurs et d'omissions dans le registre et le système de permis. Néanmoins, lorsqu'une personne normale regarde ce qui est affiché sur un écran d'ordinateur, elle a l'impression que ce doit être vrai — cela provient du gouvernement, de l'ordinateur —, n'est-ce pas? Ce n'est pas le cas. Cela met en danger la vie des policiers.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Illerbrun, voici une brève question.
    Monsieur Breitkreuz, votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Scarpaleggia.
(1155)
    Monsieur Mauser, vous avez mentionné que le taux de suicide a diminué.
    Oui.
    Vous avez peut-être raison, mais vous savez que le Comité parlementaire sur les soins palliatifs et soins de compassion a publié son rapport, la semaine dernière. J'ai sous les yeux les statistiques du chapitre sur la prévention du suicide. Je vois qu'en 2007, il y a eu 3 611 suicides; en 2006, 3 512 et en 2005, 3 743. Les chiffres semblent fluctuer. Vous dites qu'il y a réellement une tendance à la baisse du nombre de suicides?
    En ce qui concerne le nombre de suicides, comme vous l'avez dit, il est en augmentation. En 1991, il y a eu 3 593 suicides au Canada. En 2008, c'était 3 700. Comme vous le savez également, la population canadienne a nettement augmenté depuis 1991, si bien que les taux ont diminué même si les chiffres bruts ont augmenté.
    La principale question, bien sûr, est celle de la méthodologie, mais vous ne me l'avez pas posée.
    Vous dites qu'il y a une tendance à la baisse du taux de suicide par habitant.
    En effet.
    Il ne fluctue pas.
    La population a augmenté, comme vous le savez.
    Néanmoins, dans une de ses études, la GRC a dit que la probabilité de la présence d'une arme à feu est deux fois plus grande au domicile des victimes de suicide qu'au domicile des personnes qui font une tentative de suicide et d'un groupe de contrôle. Je suppose que vous contestez cette étude.
    Vous remarquerez qu'elle ne dit pas que la mort a été causée par une arme à feu… Il y a des armes à feu dans de nombreuses maisons situées à l'extérieur des centres urbains. Si la personne s'est suicidée avec une corde, un couteau, le gaz ou autre chose, le fait qu'une arme à feu est présente dans la maison est aussi instructif que s'il y avait une machine à laver.
    Par conséquent, vous dites qu'il n'y a pas de rapport entre la présence d'armes à feu dans une maison et le suicide?
    Des chercheurs qui se penchent sur le suicide, dans le monde, contestent l'argument voulant que les armes à feu soient reliées au suicide, que la possession d'armes à feu soit associée au taux de suicide. Comme vous le savez, nous avons un sérieux problème social, au Canada, dans les communautés autochtones. Les Autochtones préfèrent la pendaison à la carabine et le contrôle des armes à feu est moins efficace dans les réserves autochtones.
    Croyez-vous dans les peines minimales pour les crimes?
    Si je crois dans les peines minimales…? Je pense que le Canada serait plus en sécurité si nous mettions les récidivistes, qui commettent des crimes graves, en prison pendant plus longtemps. Cela leur donne également accès à des programmes de réhabilitation, alors oui, je suis pour…
    M. Francis Scarpaleggia: Des peines minimales…
    M. Gary Mauser: … garder plus longtemps en prison les criminels violents.
    Les criminels violents? Très bien.
    Je ne comprends pas pourquoi vous dénigrez les recherches de M. Blais. Elles ont été évaluées par des pairs…
    Le journal qu'il…
    Excusez-moi. Je voudrais terminer ma question, monsieur Mauser.
    Certainement.
    Elle a été évaluée par des gens titulaires d'un Ph. D., par des statisticiens. Cela me semble plutôt crédible.
    Il peut y avoir des désaccords. De toute évidence, vous n'êtes pas d'accord. Votre analyse vous donne des résultats différents.
    Nous sommes dans le domaine des sciences sociales et non pas dans le domaine des sciences spatiales. Il faut le reconnaître. Il y aura donc des désaccords. Il y aura des marges d'erreur.
    Pourtant, des gens affirment encore catégoriquement, comme si c'était parole d'Évangile… Vous parlez de garbage in et gospel out, mais il y a des gens qui, sur des questions de sciences sociales, font des affirmations catégoriques en disant par exemple que depuis qu'il existe, le registre des armes à feu n'a jamais — c'est impossible, ce n'est même pas imaginable — sauvé une seule vie. Croyez-vous en cette affirmation?
    Oui.
    Des voix: Oh, oh!
    Très bien.
    Le vice-président (M. Randall Garrison): Il vous reste une minute, monsieur Scarpaleggia.
    M. Francis Scarpaleggia: Monsieur Illerbrun, vous ne pensez pas qu'il faudrait révoquer, quelles que soient les circonstances, un certificat d'acquisition d'arme à feu. C'est ce que vous avez dit.
    Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il devrait être émis à vie, à moins que vous ne commettiez un acte criminel, et dans ce cas il devrait être révoqué.
(1200)
    Bien. C'est ce que vous avez dit.
    Si je vous dis cela, c'est parce qu'à l'heure actuelle, des agriculteurs de ma province sont accusés d'infractions criminelles parce que leur permis a expiré.
    Je le comprends.
    Ce n'est pas normal.
    Bien. C'est ce que vous avez dit, mais si nous constatons qu'une personne devient suicidaire ou mentalement instable, vous ne pensez pas que son certificat d'acquisition d'armes à feu devrait être révoqué? Seulement si elle a commis un acte criminel?
    Non, si elle est mentalement instable, elle n'aurait pas dû l'obtenir. Elle ne devrait pas détenir ce permis.
    Non, mais les gens traversent des phases différentes. Parfois, tout va bien au départ, mais ensuite ils peuvent souffrir de troubles mentaux. Vous seriez donc d'accord pour leur enlever leur certificat si un psychiatre ou quelqu'un d'autre dit qu'ils sont suicidaires?
    Absolument.
    Merci à vous deux. Malheureusement, le temps imparti pour cette session est écoulé.
    Je vous remercie tous les témoins pour leurs exposés d'aujourd'hui.
    Nous allons suspendre brièvement la séance pour donner au deuxième groupe le temps de prendre place.
    Merci à vous tous.
(1200)

(1205)
    Pourrions-nous reprendre s'il vous plaît?
    Pourrais-je demander à ceux qui donnent des interviews aux médias de bien vouloir le faire à l'extérieur? Merci beaucoup.
    C'est le deuxième groupe de témoins que nous recevons aujourd'hui. Comme il y a eu quelques changements, je vais essayer de présenter les témoins, mais excusez-moi si je me trompe.
    Ce sont: M. Caillin Langmann, résident en médecine d'urgence à l'Université McMaster, qui comparaît comme médecin; M. Duane Rutledge, du Service de police de New Glasgow, qui comparaît à titre personnel; M. Bruno Marchand, de l'Association québécoise de prévention du suicide ainsi que Manon Monastesse et Ève-Marie Lacasse, de la Fédération des femmes du Québec.
    Bienvenue.
    Nous allons commencer par le M. Langmann. Par manque de temps, je vais devoir vous limiter à environ six minutes chacun et nous devrons également raccourcir les questions.
    La parole est à vous.
    Merci de me permettre de présenter mes recherches au sujet de la législation canadienne sur les armes à feu. Je suis médecin urgentiste à Hamilton. Je traite quotidiennement des cas de suicide et de violence.
     Au cours des sept prochaines minutes, je vais résumer mes recherches dont la publication a récemment été acceptée dans le Journal of Interpersonal Violence, un journal évalué par les pairs, au sujet des effets de la législation canadienne relative aux armes à feu sur le taux d'homicide entre 1974 et 2008. J'insisterai particulièrement sur le registre des armes d'épaules. Je vais présenter également quelques précisions et une brève analyse du lien entre le registre des armes d'épaule et le suicide.
    Je vais citer plusieurs chiffres en présentant ce mémoire au comité. Je vous demanderais d'examiner les chiffres dont je vais parler.
    Pour être bref, trois méthodes statistiques ont été utilisées pour chercher un lien entre la législation sur les armes à feu et le registre des armes d'épaule, en 1978, 1991 et 1995. Il est important de mentionner que le registre des armes d'épaule a été mis en place en 1999 et qu'il est devenu obligatoire en 2003. Cette étude est importante et c'est la seule étude évaluée par des pairs portant sur la période de 1994 à 2008 et la seule qui utilise trois méthodes pour confirmer les résultats. La recherche d'effets a été menée sur plusieurs années. Les lois connexes — ainsi que les effets graduels — ont été examinées étant donné que certaines dispositions comme celle touchant le permis de possession et d'acquisition, ont été mises en oeuvre sur plusieurs années.
    Pour résumer les résultats, aucun effet bénéfique statistiquement important n'a été constaté entre la législation sur les armes à feu et les homicides commis avec des armes à feu faisant partie de la sous-catégorie des armes d'épaule, les homicides entre conjoints ainsi que l'accusation criminelle de « décharger intentionnellement une arme à feu ».
    Dans les cinq prochaines acétates, je vais essayer de présenter certains résultats se rapportant au registre des armes d'épaule sous forme de graphiques, car j'espère que ce sera plus facile à comprendre et à interpréter.
     La figure 1 représente une analyse de régression des homicides. Dans cet exemple, le taux d'homicide avant l'intervention est désigné par B1. Au moment de l'intervention, B2, il y a un effet soudain, une diminution du taux d'homicide. La tendance au déclin du taux d'homicide après l'intervention, B3, se maintient après l'intervention. L'analyse statistique vise à établir si les effets à B2 et B3 sont importants et ne sont pas dûs à des variations annuelles. Les effets positifs de la loi devraient être visibles dans ce graphique.
    La figure 2 montre le taux d'homicide commis avec des armes à feu, moins les effets de variables comme le vieillissement de la population, au bas du graphique. Comme vous pouvez le voir, au bas du graphique, il n'y a pas de changement soudain ou de déclin correspondant aux effets d'une loi associée aux armes à feu. Par exemple, lorsque l'âge médian de la population augmente d'une année, le taux d'homicide diminue de 8 p. 100.
    La figure 3 présente une analyse bidimensionnelle de régression des facteurs associés aux homicides commis avec des armes à feu tels que les facteurs socioéconomiques ainsi que le registre des armes d'épaule. Après la mise en place du registre des armes d'épaule, en 1999, il n'y a pas de diminution immédiate importante ou de diminution graduelle. En fait, comme vous pouvez le voir, le taux d'homicide augmente.
    La figure 4 montre la même chose pour les homicides commis avec des armes d'épaule. Avant l'existence du registre des armes d'épaule, il y a une diminution des homicides. Une fois le registre mis en place, il n'y a pas d'effet statistiquement important; il n'y a pas de tendance à la baisse.
    La figure 5 décrit la même chose pour les homicides entre conjoints. Là encore, il s'agit d'une analyse à variables multiples qui tient compte de facteurs socioéconomiques multiples. Encore une fois, il n'y a pas de diminution importante en 1999 et par la suite. En fait, la tendance augmente.
    La même analyse porte sur le taux de suicide après 1991 pour tenir compte des effets potentiels de la loi mise en oeuvre au début des années 1990.
    La figure 6 représente l'ensemble de suicides. En 1999, il n'y a pas d'effet immédiat statistiquement important ou d'effet graduel. Ces tendances ne sont pas importantes.
    La figure 7 représente les suicides commis avec des armes à feu. Il n'y a pas d'effet important en 1999 quand le registre des armes d'épaule est mis en place et il n'y a pas de diminution par la suite; les tendances restent les mêmes. La même analyse a été faite par Gagné et al.
    J'en arrive à ma conclusion. À mon humble avis, l'argent qui a été dépensé pour le registre des armes d'épaule a été malheureusement gaspillé; toutefois, nous pouvons éviter de gaspiller davantage en consacrant l'argent que nous dépensons actuellement pour le registre des armes d'épaule à des choses jugées bénéfiques pour sauver plus d'une vie dans la littérature scientifique. Ces choses sont les refuges pour les femmes; la formation de la police pour traiter les cas de violence conjugale et les soins psychiatriques qui manquent sérieusement dans notre pays. Nous ne gagnons pas le combat contre le suicide.
(1210)
    Pour citer les paroles du chef d'un service d'urgence: « Dans une ville où il y a plus de 15 000 armes à feu enregistrées — et sans doute autant qui ne sont pas enregistrées — et 22 trains qui traversent la ville par 24 heures, devinez ce dont on se sert le plus souvent pour se suicider? Nous avons besoin de plus de ressources pour financer la santé mentale et les soins psychiatriques que pour enregistrer des objets inanimés dans nos régions rurales. Les psychiatres et les travailleurs de proximité offrent des résultats tangibles qui sauvent des vies, ce qu'aucun registre des armes à feu ne peut apporter. » C'est ce qu'a déclaré le Dr Ramirez, chef du Stevenson Memorial Hospital.
    Merci beaucoup, M. Langmann.
    Nous passons maintenant à M. Rutledge. Encore une fois, je vous demanderais d'essayer de vous en tenir à six minutes afin qu'il nous reste du temps pour poser des questions.
    Je voudrais remercier le comité de me permettre de prendre la parole aujourd'hui.
    Je m'appelle Duane Ruthledge. Je suis policier, sergent au Service de police de New Glasgow, en Nouvelle-Écosse. J'ai plus de 30 ans d'expérience dans le domaine de l'application de la loi et je continue, aujourd'hui, d'être un policier de première ligne. J'ai travaillé aux services généraux, aux enquêtes sur la drogue ainsi qu'aux enquêtes générales et aux crimes majeurs. Je fais partie de l'équipe d'intervention d'urgence. Pour le moment, je suis conducteur de chien de police. Pour la plupart des gens, c'est ce qu'on appelle l'unité K-9.
    J'ai possédé et utilisé des armes à feu depuis l'âge de 8 ans, mais maintenant, je les utilise seulement au travail. Je voudrais parler brièvement du fait que le registre des armes à feu n'a pas réussi à protéger le public et la police contre l'utilisation illégale d'armes à feu dans notre pays.
    Au début, quand ce registre a été proposé, je pense que tous ceux qui possédaient une arme à feu au Canada savaient que l'enregistrement d'une arme ne la rendrait pas plus sûre. Ce sont les gens qui continuent de poser un problème. Ce n'est pas l'arme choisie, que ce soit une arme à feu, une arme tranchante, un explosif ou ce que des gens utilisent lorsqu'ils sont dépravés au point d'enlever la vie à un autre être humain.
    Je pense que nous avons gaspillé beaucoup d'argent, ce que tout le monde semble comprendre. Même ceux qui étaient pour sont horrifiés de voir ce qui a été dépensé pour si peu d'effets. À mon avis, les propriétaires d'armes à feu ont eu le sentiment qu'on leur mentait en leur disant que le registre améliorerait la sécurité et cela les a poussés à cacher leurs armes.
    En tant que policier de première ligne, je crois qu'il y a davantage d'armes cachées aujourd'hui qu'il n'y en avait quand cette loi a été adoptée. Par conséquent, cela rend la situation plus dangereuse pour moi, car je prends un risque chaque fois que je vais dans une maison, si je me fie au registre pour savoir ce qu'il en est. Je ne crois pas que le registre peut jouer ce rôle, simplement parce qu'il y a beaucoup de gens qui n'ont pas enregistré leurs armes.
    Avant de venir ici, j'ai pris la peine de parler à un certain nombre de personnes. J'ai parlé à un juge et à un procureur de la Couronne. J'ai parlé au public de ma région. J'ai vécu toute ma vie à l'endroit où je travaille. Cela fait plus de 30 ans que je suis au service de mes concitoyens et que je les protège. Je voulais leur opinion au sujet du registre des armes à feu.
    J'ai parlé avec une dame qui gère notre foyer de transition, Tearmann House et qui fait un excellent travail pour les femmes battues. Je lui ai dit que je venais ici témoigner du fait que je ne croyais pas dans le registre des armes à feu.
    Je prends cette question très au sérieux. J'ai reçu des opinions de tout le monde, même de certains de ceux que j'ai arrêtés. Je leur ai demandé leur opinion au sujet du registre et de ses effets. Ils trouvent cela plutôt risible. Quand le gouvernement annonce ce qu'il va faire et quel en sera le résultat, le Canadien moyen voit que cela ne s'est pas passé…
    Certaines personnes ont enregistré toutes leurs armes. D'autres en ont enregistré seulement quelques-unes. C'est là que réside le problème. Quand vous vérifiez un registre où seulement certaines armes sont enregistrées, comme dans le cas de la policière qui a été tuée au Québec… Elle a vérifié le registre et vu qu'un homme n'avait pas le droit de posséder des armes à feu, mais il avait obtenu le droit d'en posséder une pour tuer les animaux qu'il piégeait, ce qui constitue une énorme lacune dans le système. Elle l'a payé de sa vie.
    Également, certaines personnes n'ont enregistré aucune de leurs armes. J'y réfléchissais en venant. Quand j'ai pris l'avion hier, pour venir ici, si j'avais eu seulement une chance sur deux de m'en sortir vivant, je ne serais pas venu ici aujourd'hui, mais malheureusement, quand nos agents répondent maintenant à des appels, tel est le risque auquel ils sont confrontés.
    Je plains les policiers des grandes villes qui ne connaissent pas vraiment la population qu'ils desservent. J'ai vécu toute ma vie dans ma communauté et je connais donc bien les gens que nous desservons. Je sais que je vis dans l'est; l'ouest et le nord du pays sont des régions de chasse où on s'attend à voir des armes à feu. En route vers l'aéroport hier, nous avons croisé de nombreuses camionnettes sur les routes secondaires et sans doute que dans une camionnette sur deux, il y avait une carabine puissante sur le siège avant.
    Nous ne paniquons pas lorsque nous entendons parler d'armes à feu, comme certains le croient. Il est fréquent que des gens aient des armes à feu. Également, 90 p. 100 des citoyens de notre pays sont des braves gens qui ne feront rien de mal. Quant aux criminels, il y en aura toujours. D'autre part, quand des braves gens souffrent de troubles mentaux et commettent un acte criminel, c'est une chose contre laquelle nous ne pourrons jamais rien faire non plus. Je pense que nous avons ciblé les mauvaises personnes.
(1215)
    Je suis tout à fait d'accord avec les permis, comme la plupart de mes gars. Il faut effectivement chercher à faire en sorte que les gens qui ne doivent pas posséder de fusils n'en aient pas, mais ils vont utiliser d'autres armes.
    J'ai examiné des données recueillies après l'entrée en vigueur du projet de loi C-17, en 1991, sur la sécurité d'entreposage, la manutention, l'éducation et la formation dans le cas des propriétaires d'armes à feu et l'on a alors assisté à de profonds changements dans la criminalité par arme à feu. Dans la plupart des cas, quand un policier se présente à la porte d'une résidence où quelque chose s'est passé, il faut 30 à 45 secondes pour que le locataire des lieux se défoule et qu'il y ait désescalade. Je peux affirmer que le fait d'avoir imposé l'entreposage des armes dans une armoire, avec un verrou de détente, à part des munitions, a eu beaucoup plus d'impact au Canada sur la sécurité relative aux armes à feu que cette nouvelle loi imposant l'enregistrement des armes. Je ne vois pas en quoi celle-ci a pu contribuer à améliorer la sécurité de qui que ce soit et, malheureusement, je n'ai pas plus de certitude aujourd'hui qu'il y a 30 ans, quand j'ai commencé.
    Voilà ce que je voulais dire. Merci.
    Merci, monsieur Rutledge.

[Français]

    Nous allons maintenant passer à notre prochain témoin, M. Marchand.
    En plus d'être directeur général de l'Association québécoise de prévention du suicide, je suis également membre de l'Association canadienne de prévention du suicide.
    Le suicide est un problème de santé publique majeur, important, reconnu par tous, qui emporte avec lui 10 Canadiens par jour. Demain, il y aura encore 10 personnes qui mourront et après demain également. Il emporte de même avec lui trois Québécois chaque jour. Contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, au Québec, le taux de suicide n'est pas en baisse depuis les années 1960 ou 1970. Le taux de suicide a été à la hausse jusqu'en 1999. La baisse a commencé à compter de cette année et s'est poursuivie jusqu'en 2008.
    Nous sommes en défaveur du projet de loi C-19et profondément inquiets de ses conséquences. Le suicide est un problème complexe et on ne le réglera pas uniquement par le contrôle des armes à feu. Cependant, il s'agit là d'un des moyens qui peut compter dans la vie de nos concitoyens, dans la vie de vos concitoyens.
    Je me permets de citer l'Organisation mondiale de la santé qui, sur son site, à la question « Comment peut-on prévenir le suicide? » dit ceci:
S'il n'est pas possible de prévenir tous les suicides, la majorité peuvent être évités. Différentes mesures peuvent être prises aux niveaux communautaire et national pour réduire les risques, et notamment:
rendre moins accessibles les moyens de se suicider (par exemple [...] les armes à feu) [...]
    Je vous précise que c'est la première mesure qui est évoquée. Pourquoi en est-ce ainsi? Parce qu'en tant que personnes rationnelles qui bénéficient d'une bonne santé mentale, on pourrait penser que le moyen n'est qu'un moyen et que si une arme à feu n'est pas disponible, il y aura une corde ou des médicaments. Dans le cas de la personne vulnérable, de la personne qui s'engage dans un processus de constriction cognitive et qui va de moins en moins bien et qui ne trouve pas dans sa vie des façons de mettre fin à sa souffrance autrement qu'en pensant à cette mauvaise option, le moyen n'est pas qu'un moyen. Ce n'est pas comme s'il s'agissait de choisir un véhicule, un moyen de transport pour se rendre d'un endroit à un autre, mais c'est beaucoup plus que cela. Si on éloigne ce moyen de la personne, on risque fortement de la garder en vie et de la garder avec nous.
    Par un processus à la fois rationnel et irrationnel, conscient et inconscient, qui fait référence aux valeurs, à la culture, à la personne, une personne choisit un moyen. Lorsqu'elle a choisi les armes à feu, si on réduit cet accès, on fait en sorte d'avoir un avantage certain. C'est la raison pour laquelle on est convaincus d'avoir prévenu des suicides en mettant des barrières anti-suicide sur le pont Jacques-Cartier à Montréal. En fait, la personne pour qui c'était le moyen de suicider, à compter du moment où le moyen n'était pas accessible, n'en a pas pris un autre, malgré la disponibilité des ponts qui entourent l'île de Montréal.
    Il en va de même à Toronto relativement au métro et aux barrières anti-suicide. Il en est allé de même dans les pays du Nord de l'Europe, lorsqu'on a diminué la quantité d'acétaminophène et d'ibuprofène disponible en vente libre. Oui, la personne pouvait retourner 50 fois à la pharmacie. Mais cela a eu un effet direct sur le nombre de suicides parce qu'on faisait en sorte de mettre des barrières à cette personne qui était vulnérable et qui voulait poser un geste permanent pour régler des problèmes temporaires.
    Le registre des armes à feu et l'ensemble de ses composantes a permis de prévenir 250 suicides par année. M. Blais en est arrivé à ce chiffre et c'est aussi ce nous croyons puisque nous voyons que la tendance a baissé. On ne peut pas comparer cela avec l'importance relative des autres moyens utilisés. Évidemment, moins les armes à feu sont utilisées dans les suicides, même si le nombre reste sensiblement le même, plus l'importance relative accordée à la pendaison augmente en pourcentage.
    Le registre permet de gagner du temps en ce qui concerne la personne vulnérable. Il permet d'intervenir. Il permet aux autorités de poser des gestes lorsque l'exige la situation, mais il permet également de lier l'arme à feu à son propriétaire. Le registre permet d'avoir une imputabilité et une traçabilité qui nous permettent assurément de faire prendre conscience aux gens qui possèdent une arme et qui ont tout à fait le droit d'en avoir une, qu'ils doivent le faire convenablement en protégeant les gens autour d'eux.
    Le registre nous permet de poser des actions que ne nous permettraient pas d'autres moyens, comme de retirer des armes à feu à des gens qui, temporairement, sont dans des périodes difficiles de leur vie et qui, en possession d'une arme, pourraient commettre un geste irréparable.
    Nous pensons fortement que le registre a eu des incidences positives. Nous en sommes convaincus. Je me permets de citer un document de Sécurité publique Canada, du gouvernement de l'époque, 2006, lorsqu'il voulait apporter des modifications au registre:
Les modifications apportées au projet de loi déposé aujourd'hui obligeront les propriétaires actuels à vérifier, en communiquant avec le contrôleur des armes à feu, que les acheteurs potentiels d'armes à feu ou tout autre futur propriétaire d'une arme à feu sans restriction ont un permis d'armes à feu valide. Cette mesure aidera à s'assurer que les armes n'aboutissent pas dans les mains d'individus qui ne devraient pas y avoir accès, [...]
(1220)
    Monsieur Marchand, pouvez-vous parler plus lentement s'il vous plaît, pour les interprètes?
    Merci.
    À l'époque, on parlait déjà de cette mesure comme une façon de ne pas mettre, dans les mains de gens qui ne devraient pas y avoir accès, une arme à feu, un outil pour mettre fin à sa vie.
    Pour terminer, le 4 octobre dernier vous avez tous voté — conservateurs, néo-démocrates et libéraux — une mesure en faveur d'une stratégie nationale de prévention du suicide. Aujourd'hui, demain, si ce projet de loi est adopté, vous irez à l'encontre de cette mesure que vous avez tous ensemble approuvée, parce que vous croyez à la prévention du suicide.
    Je ne sais pas comment vous allez faire, dans un ou deux ans, pour regarder dans les yeux le père qui aura perdu sa fille ou son fils par arme à feu à cause de la grande disponibilité des armes à feu, parce qu'il aura été plus facile d'acheter une arme à feu et moins difficile que d'aller louer un livre à la bibliothèque. Je ne sais ce que vous allez pouvoir dire à cette personne, mais vous ne pourrez pas dire que vous ne le saviez pas. Merci.
    Merci, monsieur Marchand.
    Nous passons au dernier témoin d'aujourd'hui, Mme Monastesse ou Mme Lacasse.
    Bonjour. Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Nous sommes reconnaissantes envers les députés de l'opposition qui se sont rangés du côté de la sécurité publique. Nous prenons acte du fait que ce n'est pas ce qu'a choisi de faire le gouvernement.
    La Fédération des femmes du Québec poursuit l'objectif de lutter contre toutes les formes de violence et défend le droit de vivre dans un climat exempt de cette violence, surtout pour les femmes, et le droit à la sécurité et à la vie. Nous sommes d'avis que ce projet de loi va à l'encontre de ces droits fondamentaux. La violence, et particulièrement la violence par arme à feu, affecte toujours un trop grand nombre de femmes. Au Québec, de 1997 à 2006, les armes à feu ont été le moyen utilisé dans presque le tiers des homicides conjugaux et familiaux, alors qu'au Canada elles ont été à l'origine de près du quart des homicides conjugaux ou familiaux entre 2000 et 2009.
    Par contre, nous constatons que le contrôle sur les armes à feu fonctionne parce que, malgré ces proportions élevées, le nombre d'homicides avec fusil de chasse ou carabine a globalement diminué de 41 p. 100 depuis 1995, alors que le nombre d'homicides sans arme à feu n'a chuté que de 6 p. 100. La Loi sur les armes à feu a conduit à d'importants progrès en faisant diminuer, notamment, le nombre d'agressions armées dans un contexte de violence conjugale ou familiale.
    Ainsi, le nombre de meurtres de femmes tuées par balle a chuté de près de 50 p. 100, passant de 43 p. 100 en 1995 à 22 p. 100 en 2008. Quant au taux de meurtres de conjointes avec arme à feu, il a diminué de 70 p. 100. Bien qu'il peut être évident que cette diminution soit attribuable à plusieurs facteurs, comme une plus grande disponibilité des ressources offertes aux femmes victimes de violence, une sensibilisation accrue du public et une amélioration de la situation socioéconomique des femmes qui leur permet de quitter une relation violente plus facilement, il n'en demeure pas moins que les changements de politique relatifs au contrôle des armes à feu ont eu une incidence majeure et sont en partie responsable de cette importante réduction.
    En matière de prévention de la violence envers les femmes, sans les informations contenues dans le registre des armes d'épaule qui permet aux autorités de savoir qui possède de telles armes, combien on en possède et de quel type d'armes non restreintes il s'agit, et ce, en temps réel — selon une étude très récente de la GRC, les policiers canadiens consultent le registre en moyenne 17 000 fois par jour —, les policiers pourront difficilement mettre en oeuvre les ordonnances d'interdiction imposées par les tribunaux sur le port d'arme.
    Alors que le gouvernement prétend que le projet de loi C-19 est un projet de loi non complexe qui vise simplement à éliminer la procédure d'enregistrement, il est clair que ce n'est pas le cas. Les changements proposés, entre autres par l'article 23, auront de sérieuses conséquences sur la sécurité publique. Cet article vise à rendre optionnelle la vérification des permis d'arme à feu par les marchands d'armes lors de l'achat ou du transfert d'une arme. Seule une vérification auprès du contrôleur révélera si le permis est non valide, si l'individu, qui souhaite acheter une arme à feu, fait l'objet d'une ordonnance d'interdiction ou si le permis présenté est contrefait. Sans vérification, un individu dangereux pourra ainsi aisément acheter une ou plusieurs armes non restreintes. Le fait qu'il y avait 254 036 ordonnances d'interdiction de posséder une arme à feu en 2009 ne met-il pas en lumière la nécessité de garder ce type de prévention, notamment la nécessité de vérifier la validité des permis? Les vérifications, lors de l'achat d'un fusil, devraient être d'un degré plus élevé que celles effectuées lors d'un achat ou de l'emprunt d'un livre à la bibliothèque. Je me sers de l'exemple du monsieur qui est assis à mes côté. J'aimerais également rappeler que la vérification des permis est devenue une mesure obligatoire en 1998 pour combler les lacunes des anciennes mesures, par suite de l'assassinat d'une femme par son conjoint.
    En terminant, nous croyons fermement que la sécurité des Canadiennes et des Canadiens doit prévaloir par rapport à ce que certains considèrent comme des tracasseries administratives, des tracasseries pour sauver des vies. Selon nous, la question ne devrait pas se poser.
(1225)
    Je suis Manon Monastesse, de la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec. Nous avons accueilli, l'année dernière, 9 000 femmes et enfants victimes de violence dans nos 37 maisons d'hébergement. Je vous remercie de nous recevoir, tout spécialement en cette veille de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, le 25 novembre.
    J'aimerais ajouter ceci à ce que vient de dire ma collègue. Les carabines et les fusils de chasse sont également les armes les plus souvent utilisées pour menacer les femmes et les enfants. Les menaces par arme à feu ne sont pas comptabilisées dans les statistiques, et pourtant, leurs ravages sont bien réels. Combien de femmes en maison d'hébergement nous ont dit que le seul fait que la carabine soit à côté de la porte constituait une menace constante à leur sécurité! C'est grâce au fait que les policiers ont saisi les armes à feu qu'elles ont eu accès au service et qu'elles ont pu venir en maison d'hébergement pour assurer leur pleine et entière sécurité et leur intégrité physique.
    Sur la scène internationale, le Canada a souvent été cité en exemple comme un leader en matière de contrôle des armes. Les tentatives répétées des dernières années de démanteler le contrôle des armes à feu indiquent un changement marqué d'attitude. La liberté de vivre à l'abri de la peur est un droit de l'homme fondamental. La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la prévention des violations des droits de l'homme commises à l'aide d'armes de petit calibre et d'armes légères ainsi que la Rapporteuse spéciale des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les femmes ont souligné que les États qui ne réglementaient pas adéquatement les armes ne respectaient pas leurs obligations au regard du droit international.
    Nous croyons fermement que la sécurité des Canadiennes et des Québécoises doit prévaloir sur ce que certains considèrent être des « tracasseries administratives » et qui nous apparaissent comme des formalités essentielles faisant partie intégrante d'une démocratie fonctionnelle. Des tracasseries pour sauver des vies —, la question ne devrait pas se poser.
    Depuis 1995, le Québec est la seule province qui a une politique d'intervention en matière de violence conjugale. Elle s'appelle « Politique d’intervention en matière de violence conjugale : Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale ». Elle enjoignait les policiers à:
Assurer la sécurité et la protection des victimes et de leurs proches: [...]

en procédant, si possible, à la saisie des armes à feu dès l’arrestation ou, à défaut, en s’assurant que les conditions de mise en liberté provisoire en prévoient la remise sans délai à un agent de la paix désigné;
    C'est pour cette raison que nous vous demandons, expressément, de respecter la position qui a été prise le 22 septembre...
(1230)
    Madame Monastesse, pouvez-vous conclure s'il vous plaît?
    C'est bien, je conclus.
    Cette décision a été prise le 22 septembre 2010, à la Chambre des communes. Il s'agissait du maintien intégral du registre des armes à feu.

[Traduction]

    Si nous obtenons la collaboration de tous, nous pourrons peut-être parvenir au terme d'une première série de questions. Nous allons donc commencer pour six minutes et demie.
    Madame Hoeppner, je vous en prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec mon collègue, M. Aspin.
    Monsieur Langmann, je tiens d'abord à vous remercier pour la recherche que vous avez effectuée. Nous voulons vous poser des questions à ce sujet, mais je vais laisser le soin à mes collègues de le faire, parce qu'il semble y avoir une véritable contradiction entre ce que vous nous avez remis par écrit — et que nous avons sous les yeux — et votre témoignage verbal. Je vais laisser le soin à mes collègues de traiter de ça.
    Monsieur Marchand, je ne saurais être on ne peut plus d'accord avec vous quant à la nécessité de réduire ce genre d'accès, par n'importe quelle méthode... Je crois vous avoir entendu dire qu'il fallait faire en sorte que les armes à feu soient moins accessibles pour les individus suicidaires ou risquant de commettre des actes violents contre eux-mêmes ou contre toute autre personne, leur conjoint ou conjointe, leurs enfants ou un étranger.
    Moi qui ai lutté contre le registre des armes d'épaule jusqu'au bout et qui ai parfois été critiquée pour cela, je suis particulièrement convaincue de la nécessité de resserrer le processus d'octroi de permis. Nous devons, je pense, veiller à ce que toute personne désireuse de posséder une arme à feu soit soumise à une entrevue en personne, entre quatre yeux. C'est ce que je crois personnellement. Je suis donc d'accord avec vous et je suis parfaitement votre raisonnement à cet égard.
    Là où nous ne sommes pas d'accord, en revanche, c'est que rien ne m'a encore persuadée jusqu'ici qu'après avoir accordé un permis de possession d'arme à une personne on puisse dire qu'elle ne pose plus de risques, qu'elle ne va pas se retourner contre un conjoint ou contre elle-même et qu'elle peut donc posséder une arme à feu, qu'il n'y a aucun lien entre le fait d'inscrire dans un registre l'arme ou les armes que possède cette personne — pour deux ou trois raisons. D'abord, rien ne l'empêchera de commettre un acte, souvent spontané — parfois aussi prémédité, comme dans le cas d'un suicide ou d'un acte de violence familiale —, sans compter que la majorité de ces gens-là n'enregistrent que la moitié des armes qu'ils possèdent.
    Je suis consciente qu'on pourrait argumenter à cet égard — et je reviendrai au sergent Rutledge quand j'en aurai terminé avec cette déclaration pour savoir ce qu'un policier de terrain a à dire — mais notre gouvernement est convaincu qu'en matière de prévention du suicide, le mieux consiste à aider les personnes atteinte de troubles mentaux et à intervenir au niveau des problèmes qu'elles éprouvent, pour ensuite s'intéresser aux méthodes qu'elles utilisent. Cela concerne notamment les médecins qui prescrivent des médicaments à des patients qui vont les prendre pour se suicider. Il s'agit d'un dossier très vaste qui, je crois, exige la tenue d'un débat sérieux sur la façon dont nous pourrions aider les gens et prévenir le suicide.
    Sergent Rutledge, je veux vous poser deux questions ou vous demander de décrire deux situations. D'abord, supposons que vous soyez dépêché quelque part pour faire appliquer une ordonnance d'interdiction. Quelqu'un détient un permis de possession d'arme à feu qui a été révoqué et vous devez exécuter l'ordonnance. Consultez-vous le registre pour voir si la personne possède des armes enregistrées avant de récupérer deux armes à feu et c'est tout? Comment faites-vous respecter cette ordonnance d'interdiction?
    Il faut se présenter à la résidence de l'individu et perquisitionner. On ne peut mettre la main que sur ce qui se trouve sur place. À l'expérience, j'ai constaté que ces gens-là ne gardent pas leurs armes sur place et qu'ils les passent à leurs amis et à des membres de leur famille. D'autres qu'eux conservent les armes en leur nom. C'est un des problèmes que nous avons avec le registre. Quelqu'un va enregistrer des armes, mais il est absolument impossible de s'assurer que la personne les conserve sur place. Candice Hoeppner a des armes: où sont-elles? On ne sait absolument pas où sont vos armes. Il est très difficile d'exécuter une ordonnance d'interdiction. La personne doit être honnête et dire: « Voilà toutes mes armes. »
    Comme je le disais, la plupart des gens n'enregistrent que quelques armes et cachent les autres. C'est ce que nous constatons chez tous ceux qui ont hérité. Ils enregistrent éventuellement les fusils qu'ils utilisent pour la chasse, mais ils cachent les autres. Disons les choses comme elles sont: ils n'ont foncièrement pas confiance envers le gouvernement et croient que celui-ci va saisir leurs fusils. Je ne suis personnellement pas très porté sur les armes d'épaule, mais qui suis-je pour empêcher celui qui aime pratiquer le tir de se livrer à cette activité? Personnellement, je ne comprends pas pourquoi les gens jouent au golf, mais ce n'est pas pour cela que je vais le leur empêcher.
(1235)
    Que se passe-t-il lors d'une intervention pour violence familiale? Si on vous appelle pour intervenir dans ce genre de situation, c'est la même chose. Vous nous avez dit que vous ne comptez pas sur le registre, mais...
    Non...
    ... pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe? Si quelqu'un vous appelle et dit avoir peur, avoir été menacé, comment vous assurerez-vous qu'il n'y a aucun danger lié à la présence éventuelle d'une arme?
    Chaque fois que nous sommes appelés à intervenir sur un cas de violence familiale, qu'il s'agisse d'une menace de violence ou d'un acte de violence, nous intervenons. En Nouvelle-Écosse, il existe une politique provinciale qui est favorable à l'enquête, favorable aux accusations et favorable à l'arrestation. Nous prenons cela très au sérieux.
    On se présente sur place pour effectuer une perquisition de la résidence dans des circonstances exigeantes. On fouille la résidence pour voir s'il y a des armes à feu. La plupart du temps, si l'on peut éloigner la victime du conjoint ou du petit ami, c'est la première personne à qui l'on va poser des questions, c'est elle qui sait ce qui se passe dans la maison... La plupart du temps, la personne répond honnêtement et l'on peut obtenir sa collaboration. C'est comme ça que nous nous y prenons.
    Revenons-en au cas de la policière qui a été abattue au Québec. Elle savait parfaitement que l'individu en face d'elle faisait l'objet d'une interdiction de possession d'armes à feu, mais elle a relâché sa garde. C'est souvent à cause de la suffisance que les policiers se font tuer. Je préfère n'entretenir aucun espoir qu'entretenir de faux espoirs.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Aspin, allez-y.
    Monsieur Langmann, j'ai été particulièrement impressionné par votre analyse de l'association entre le registre des armes d'épaule et le suicide par arme à feu. Comme j'ai une formation de mathématicien, j'aime m'appuyer sur des preuves empiriques.
    Je vais vous lire un extrait du témoignage d'un représentant du Congrès du travail du Canada:
Pour les forces de l'ordre, les pompiers, le personnel d'intervention d'urgence et les travailleurs sociaux, il est essentiel de disposer de renseignements sur les risques potentiels afin de garantir leur sécurité au travail. Comme tout autre travailleur, ils ont droit à un milieu de travail sûr. En leur niant le droit d'accéder à des renseignements susceptibles d'indiquer la présence d'armes dans une résidence, cette loi menace leur sécurité.
    Que pensez-vous de cela et de l'incidence sur la sécurité au travail?
    Donnez-nous une réponse brève, monsieur Langmann.
    En ma qualité de médecin, je n'ai pas accès au registre des armes d'épaule. Par ailleurs, je ne peux divulguer aucune information confidentielle concernant un patient. Si un patient est suicidaire, je ne peux l'orienter vers la police ni demander aux policiers d'aller chez lui.
    Je pourrais être tenu pour responsable et, si je divulguais tout renseignement confidentiel, ma licence pourrait m'être retirée par le Collège des médecins. Le mieux que je puisse faire — et c'est ce que j'ai fait —, c'est d'inviter le patient à demander à des amis de le débarrasser de ses armes à feu. Il n'empêche que j'ai connu des patients qui se sont pendus après que leur arme leur ait été retirée.
    Il faut davantage...
    Monsieur Langmann, malheureusement, c'est tout le temps que nous avons.
    Je me tourne vers Mme Boivin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les différents témoins.
    Je fais remarquer à tout le monde que c'est le dernier groupe de témoins de ce processus que j'associe à un train à grande vitesse. On a eu cinq petites sessions. En fait, c'est quatre, car la prochaine session sera l'étude article par article du projet de loi. Ce projet de loi divise beaucoup et entraîne autant d'arguments de part et d'autre. Je trouve ça particulièrement aberrant et absolument abominable.
    Comme le disait l'une des représentantes de la Fédération des femmes du Québec et de la Fédération des ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, nous sommes à l'aube de la période la plus noire. C'est la période de l'année où l'on se remémore de tristes événements. On se remémore à quel point la violence faite aux femmes et aux filles est encore très présente dans notre société. Je vous avoue que ça me bouleverse énormément.
     Je sors d'une conférence de presse menée par la YWCA. Elle lançait sa campagne des roses qui vise à faire cesser la violence à l'égard des femmes. Vous allez voir des tonnes de politiciens porter le beau bouton et le ruban blanc.
    Or quelle réponse concrète donne-t-on aux femmes qui demandent le maintien du registre, sans que ça fasse mal à qui que ce soit? En tous cas, personne ne m'a prouvé, en quatre séances, que quelqu'un était mort à cause du registre. Tandis qu'à l'inverse, on peut avoir des doutes, mais on ne peut pas avoir de certitude. Alors, je préfère toujours aller vers ce qui est le plus sûr plutôt que vers le moins sûr.
    Comme vous le présentiez plus tôt, on oppose les tracasseries administratives au fait de sauver des vies. Il me semble que — vous me pardonnerez l'anglais — c'est un no brainer.
    Bref, vous allez voir ces rubans à la boutonnière des politiciens. Or que fait-on? On abolit le registre. C'est ce qu'on répond aux femmes du Canada, aux femmes du Québec, aux associations de victimes. On les utilise, par contre, pour soutenir d'autres projets de loi, comme le projet de loi C-10. Alors, cette démarche est d'une inconséquence absolument incroyable.
    Il semble y avoir de l'incompréhension aussi. Ils essaient de diviser les gens qui nous disent que ce n'est pas parfait. Je suis d'accord avec vous. Le registre n'est pas parfait. D'abord, vous, les conservateurs, avez imposé un moratoire. C'est bien certain qu'il n'est pas à jour. Il n'est pas à jour, parce que vous avez imposé un moratoire, il y a cinq ans. Pendant cinq ans, on n'a pas accumulé de données. C'est donc bien évident qu'il n'est pas à jour.
    Si on ne peut pas se servir d'un argument, en droit, on dit que nul ne peut plaider sa propre turpitude. Toutefois, c'est ce qu'ils font. Ils nous servent l'argument de l'absence de mises à jour. C'est pourtant une chose qui se corrige et qui s'améliore. S'il y a des erreurs parce qu'un code postal ne fonctionne pas, ça s'arrange.
    Plusieurs de nos policiers sont venus ici nous dire à plus finir que c'est dangereux de se fier au registre. De grâce, j'espère qu'il n'y a pas un policier assez épais pour consulter un registre qui n'est plus mis à jour depuis cinq ans, puis se rendre dans une résidence en pensant qu'il n'y a là qu'une arme à feu. Voyons donc! J'ose croire que personne ne fera une affaire comme ça. J'imagine que nos policiers sont beaucoup plus professionnels que ça.
    Le registre est un outil. Si le registre nous dit qu'il y a trois armes, c'est déjà mieux que de ne rien savoir du tout.
    Cela étant dit, il me semble qu'encore une fois, on oppose tracasseries administratives et sauver des vies. Je n'en reviens pas. L'Association canadienne des chefs de police est venue nous dire que c'est un outil. Personne n'a dit que c'était le seul outil, mais c'est un outil.
    M. Marchand, de l'Association québécoise de prévention du suicide, nous l'a dit et les statistiques le démontrent. Personne ne peut dire le contraire. Personne ne peut le prouver à 100 p. 100, ni d'un côté ni de l'autre. Toutefois, ne doit-on pas favoriser la vie, plutôt que de simplement se ranger de l'autre côté? Il est là, le débat, de mon point de vue. Malheureusement, nos amis conservateurs s'en sont servi pour tenter de diviser. Je ne suis pas anti-chasseurs. J'en mange de la viande et j'aime ça, saint-simonac!
    Cela étant dit, si le chasseur enregistre son arme et qu'on n'en fasse pas un criminel, ça doit régler le problème, il me semble. Si je règle les choses qui ne fonctionnent pas dans le registre, il me semble que ça va régler le problème.
    Des survivantes de l'École polytechnique étaient ici, plus tôt. Les gens de la Fédération des femmes du Québec nous disent que le registre est important, il aide et des statistiques le démontrent, ça a diminué le taux.
(1240)
    Ce n'est peut-être pas entièrement dû au registre. Mais si ça l'était? Pour ma part, je ne veux pas avoir ça sur la conscience. C'est aussi simple que ça. Ça ne vous dérange peut-être pas, mais ce n'est pas mon cas. Je m'excuse. J'aurais dû consacrer beaucoup de temps à vous poser une foule de questions, mais je commence à en avoir ras le bol de voir qu'on essaie de donner l'impression de vouloir criminaliser des chasseurs, alors que c'est faux.
     On tente d'en arriver à des positions. On voit que l'article 11 cause problème. Vous l'avez soulevé. On essaie de mêler le permis de port d'arme à l'achat d'une arme au moyen de l'enregistrement. Voyons donc! Imaginez ça: je suis chasseur, j'ai un permis, mais je n'ai plus envie de chasser et j'ai besoin d'argent. Je veux vendre mon arme à M. Rutledge. Je le fais donc par l'entremise d'eBay, sans qu'il me montre quoi que ce soit. Comment prouverez-vous que j'ai vérifié s'il avait le droit d'acquérir cette arme, une fois que celle-ci ne sera plus enregistrée? Ça ne se fera tout simplement pas.
     Cette loi comporte des problèmes et le gouvernement ne s'en rend même pas compte. On va vivre la même chose que dans le cas du projet de loi C-10. Mes collègues et moi allons travailler comme des forcenés pour présenter des amendements qui ont du sens et qui vont dans le sens de ce qu'a présentée le Québec qui veut récupérer le registre. Mais non, on va le jeter! Tiens, allez! Il ne faudrait quand même pas qu'on y touche et que ça sauve des vies! On va donc présenter des amendements, et comme de petites machines, ils vont lever le bras pour dire « rejeté, rejeté, rejeté ». Dommage.
(1245)

[Traduction]

[Français]

    Merci. C'était ma dernière intervention avant l'étude article par article.

[Traduction]

    Nous allons changer de côté. Je suppose que M. Breitkreuz ne remplace plus M. Rathgeber.
    Monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins.
    J'ai écouté très attentivement l'intervention de Mme Boivin et, malgré tout le respect que je lui dois, je signale que moi aussi je cherche la voie de la vérité et que je suis en quête de preuves valables plutôt que d'hyperboles et de demi-vérités. Cela étant, monsieur le président, je me sens obligé de corriger certaines choses.
    Pour Mme Boivin, personne n'a indiqué que le registre des armes à feu a contribué à des pertes de vie. Elle avait, cependant, pris soin de préciser avant cela qu'elle avait dû assister à une autre rencontre ce matin, ce qui est parfait. Ce faisant, je crois qu'elle a raté le témoignage de M. Mauser qui nous a dit très clairement qu'en 2005, à Laval, dans la province de Mme Boivin, une policière qui s'était fiée sur les données...
    Une voix: C'est ça le problème...
    M. Brent Rathgeber: J'ai le président, si ça ne vous dérange pas...
    Une voix: La parole...
    M. Brent Rathgeber: Excusez-moi — j'ai la parole.
    Une voix: C'est vrai.
    M. Brent Rathgeber: Cette policière s'était fiée sur le registre des armes d'épaule, à ses risques et périls. Elle avait vérifié le registre avant de se présenter sur la scène d'un crime signalé. Le registre lui avait indiqué qu'il n'y avait pas d'armes enregistrées à ce domicile. Elle s'y est donc présentée et a été abattue par l'occupant, qui a utilisé une arme à feu non enregistrée, ce qui tend à prouver que des policiers ont couru un risque pour s'être fié au registre des armes d'épaule.
    J'irais même jusqu'à dire que nous n'avons entendu aucune preuve contraire. D'ailleurs, l'une des témoins du premier groupe — et, honnêtement, une bonne témoin — a admis qu'il n'est pas possible de prouver que le registre des armes d'épaule a permis de sauver des vies parce qu'on ne peut prouver ce qui ne s'est pas produit étant donné l'absence de grands titres. J'accepte les raisons qu'elle a invoquées pour dire qu'il n'est pas possible de prouver que le registre des armes d'épaule a permis de sauver des vies, mais elle a tout de même reconnu que rien ne prouve non plus que le registre des armes d'épaule a permis de sauver des vies.
    Je vais poser quelques questions.

[Français]

    Monsieur Marchand, permettez que je m'adresse à vous en anglais.

[Traduction]

    Vous avez dit que, dans votre profession, c'est-à-dire la prévention du suicide, profession que je respecte et qui, je crois est très difficile... Si je vous ai bien compris, vous avez dit être très préoccupé par le fait que le taux de suicide ne soit pas à la baisse au Québec.

[Français]

    Non, en fait, il baisse depuis 1999.

[Traduction]

    C'est exact et cela tend donc à confirmer les conclusions des recherches de M. Langmann. La loi sur le registre des armes d'épaule a été adoptée en 1995, mais sa mise en oeuvre a été retardée. Quoi qu'il en soit, depuis 2000 ou à peu près, cette loi exige que toutes les armes d'épaule soient enregistrées et cela n'a rien fait pour infléchir l'incidence du suicide dans votre province. C'est ce que vous confirmez.

[Français]

    Pas du tout. On est en train de dire que le registre est entré en vigueur en 1995, que la mise en vigueur de l'ensemble des composantes a pris quelques années et qu'à partir de 1999 au Québec, le taux de suicide s'est mis à baisser. On a sauvé plus de 500 vies entre 1999 et 2009. Je ne comprends pas comment vous établissez que le registre n'a pas eu d'impact.

[Traduction]

    Je suis confus. Il y a peut-être un problème d'interprétation. N'avez-vous pas dit dans vos remarques liminaires que les taux de suicide au Québec n'ont pas diminué?

[Français]

    Non. Au Québec, le taux de suicide baisse. Le nombre et les taux baissent depuis 1999.

[Traduction]

    Parfait. Alors je vous ai mal compris. Excusez-moi.
    Toutefois, je vous ai entendu dire quelque chose qui est foncièrement faux, mais cela est peut-être encore une fois dû à l'interprétation. Vous avez dit que, si le projet de loi C-19devient loi, il ne sera pas plus difficile de se procurer une arme à feu que d'acheter un livre à la bibliothèque. Eh bien, ça n'est pas vrai, monsieur, parce que comme vous le savez ou devriez le savoir — et si vous ne le savez pas, je vais vous l'apprendre — rien dans le projet de loi C-19 ne vient modifier les dispositions relatives à l'octroi de permis. Toute personne désireuse d'acquérir une arme à feu ou des munitions pour une arme devra d'abord obtenir un certificat
    Je vous invite à reconsidérer votre déclaration selon laquelle il ne sera pas plus difficile d'acheter une arme à feu que d'acheter un livre à la bibliothèque.
(1250)

[Français]

    Je vous renvoie à l'édition du Courrier Parlementaire de cette semaine, publié le lundi, dans lequel on dit exactement le contraire de ce que vous venez de dire. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est dans le Courrier Parlementaire.

[Traduction]

    Si vous lisez le projet de loi... Je vais vous donner un conseil: il ne faut pas croire tout ce que racontent les médias. Si vous avez lu le projet de loi qui est public... rien dans le projet de loi C-19 ne modifie les dispositions relatives à l'octroi de permis pour l'acquisition d'armes à feu. Il n'y a que l'enregistrement qui est changé.
    Vous avez dit la même chose, madame Lacasse. Dites-moi une chose, parce que vous comparaissez tous deux à titre de témoins opposés au projet de loi C-19. Est-ce vraiment ainsi que vous comprenez les choses, c'est-à-dire que si le projet de loi C-19 était adopté, il ne serait pas plus difficile d'acheter une arme à feu que

[Français]

emprunter un livre à la bibliothèque?
    Je vous renvoie à votre propre projet de loi. Ce n'est pas l'obtention des permis qui sera plus difficile, mais la vérification du permis lors de l'achat d'une arme. La vérification par le marchand d'armes ne sera plus obligatoire; elle sera seulement optionnelle. Ce dernier pourra décider de se fier à la bonne foi de l'acheteur, qui ne sera donc plus obligé de montrer son permis, que ce soit pour prouver qu'il est encore valide, ou tout simplement pour montrer qu'il en a un. C'est en ce sens que votre projet de loi favorisera énormément la circulation et l'achat d'armes par des gens qui ne devraient probablement pas en avoir et qui ont reçu une interdiction de la cour d'en posséder une.

[Traduction]

    Votre interprétation du projet de loi C-19 diffère de la mienne et très certainement de celle des rédacteurs de ce texte et d'autres qui sont venus témoigner devant le comité, mais je vais en rester là.
    Monsieur Langmann...
    Soyez bref, s'il vous plaît, monsieur Rathgeber.
    Combien de temps ai-je?
    Très bien. Ça va.
    Merci à tous les témoins pour leur visite.
    Nous allons passer à M. Scarpaleggia.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Langmann, corrigez-moi si j'ai tort, mais d'après le National Post, votre étude démontre que les vérifications du casier judiciaire, la période de latence de 28 jours et le registre des armes d'épaule n'ont absolument rien fait pour infléchir les taux d'homicide par arme à feu au Canada. Autrement dit, aucune de ces trois lois, soit le projet de loi de 1977 ayant rendu obligatoire la vérification du casier judiciaire, le projet de loi de 1991 ayant imposé des cours de sécurité et la période de latence de 28 jours, n'a eu aucun effet. Est-ce bien ce que prouve votre recherche?
    Vous pouvez vous-même vérifier les chiffres, n'est-ce pas?
    Mais c'est votre conclusion.
    Il n'y a pas de lien statistique...
    Ça va.
    ... entre n'importe laquelle de ces mesures législatives et un impact immédiat ou une tendance constatée après l'adoption de ces textes en matière de réduction du nombre d'homicides par arme à feu.
    M. Francis Scarpaleggia: Bien.
    M. Caillin Langmann: Cela est essentiellement dû à des facteurs socioéconomiques, comme l'âge, la pauvreté... ça va?
    Très bien. Donc, vous vous opposez au registre à partir de ce que vous avez constaté dans votre étude.
    Je suis contre le registre pour deux raisons.
    Je ne fais que vous poser la question. C'est une des raisons.
    Eh bien, je ne suis pas contre le registre uniquement à cause des résultats de l'étude. Je suis également opposé au registre parce qu'il coûte cher à une époque où nous avons...
    C'est un tout autre problème.
    Vous feriez mieux de dépenser cet argent en soins psychiatriques, monsieur.
    Tout à fait. Je vous invite à noter au passage que c'est le Parti libéral qui avait présenté...
    Vous n'avez pas affaire à ces patients au quotidien. Moi oui.
    ... la stratégie nationale sur le suicide, ce qui veut dire que nous sommes tous favorables à la prévention et que nous sommes pour ces stratégies.
    Ce faisant, vous êtes également contre le projet de loi de 1977 parce que dites avoir constaté dans votre étude qu'il n'a pas eu d'effets. Vous vous opposez à la vérification du casier judiciaire et à l'imposition de périodes de latence de 28 jours sur la foi de votre analyse. C'est exact?
    Il faut se fier aux données scientifiques. Ces données-là ne font ressortir aucun avantage du point de vue statistique. L'Académie nationale des sciences a aussi réalisé une analyse de la question et elle en est venue à la même conclusion. M. Mauser, lui aussi, a étudié la chose et il en est arrivé à la même conclusion.
    M. Francis Scarpaleggia: Et, évidemment...
    M. Caillin Langmann: Mon avis personnel ne compte pas.
(1255)
    Évidemment, le gouvernement se fie sur des études comme la vôtre et comme celle de M. Mauser qui montrent que ni le registre ni la vérification du casier judiciaire ni même les certificats d'acquisition d'arme à feu n'ont changé quoi que ce soit. Force est de constater, cependant, qu'il sélectionne les preuves qui l'arrange et qu'il affirme, pour des motifs politiques, qu'il faut se débarrasser du registre, mais qu'il faut conserver les certificats d'acquisition d'arme à feu parce que, sinon, ce serait aller à l'encontre de l'opinion publique pour l'instant. Il demeure qu'il y a des gens dans cette salle qui travaillent dans ce sens.
    Monsieur Rutledge, il y a une étude que j'aime citer:

La décision de tuer est plus facile et plus sûre à appliquer au moyen d'un fusil que de n'importe quelle arme courante disponible. Il y a moins de danger que la victime résiste efficacement lors de l'attaque, il est plus rapide et plus impersonnel de donner la mort et c'est aussi moins exigeant qu'une agression à coups de couteau ou avec un objet contondant.
    Vous êtes d'accord ou pas avec cette affirmation?
    Oh, je suis d'accord avec vous.
    Parfait.
    Il se trouve que beaucoup de témoins qui sont venus ici s'opposer au registre ont dit... La remarque dont on nous rebat les oreilles — apparemment, vous n'êtes pas tombé dans ce travers et je vous en félicite — consiste à dire que ce ne sont pas les armes à feu qui tuent, mais les gens. C'est évidemment une lapalissade, puisqu'il y a forcément quelqu'un qui appuie sur la gâchette. Cependant, c'est plus facile de tuer avec un fusil qu'avec tout autre objet. Je pense que c'est...
    Eh bien, je n'ai jamais été jusque-là...
    Non, mais...
    Sur le plan physique, on peut utiliser une arme... une arme qui tue à distance, tandis qu'un couteau, c'est une arme de contact.

[Français]

    Monsieur Marchand, vous avez acquis une solide expérience dans ce domaine au cours des années. Ils ne sont peut-être pas à portée de la main en ce moment, mais vous devez avoir des exemples de cas précis où, selon vous, la probabilité est très grande qu'une vie ait été sauvée parce qu'une personne n'avait pas accès à une arme à feu ou parce que l'arme avait été enlevée peu avant que la personne ne tente de se suicider.
    Vous arrive-t-il de faire ce genre de constatations?
    C'est exact. Par exemple, il y a un cas qui s'est produit à Montréal. Un père avait menacé de se suicider et l'avait dit à sa fille. Cette dernière a téléphoné aux policiers et ceux-ci ont pu vérifier qu'il possédait des armes. Ils se sont rendus au chalet de cet homme et ils ont pu l'empêcher de commettre ce geste dramatique à l'aide des armes qui se trouvaient dans le chalet. Le registre nous a permis d'en savoir plus pour mieux intervenir.
    C'est un cas spécifique, c'est un cas concret.
    Oui.
    Madame Monastesse, vous avez indiqué connaître des gens qui ont déclaré qu'ils se sentaient plus libres d'avoir recours à vos services parce que l'arme qui était à côté de la porte avait été enlevée,  grâce au registre, je présume.
    Est-ce bien ce que vous avez dit?
    Oui.
    Les gens qui prônent l'abolition du registre des armes à feu disent que vous fonctionnez sur une base émotive. L'opinion des médecins d'urgence, de ceux qui travaillent pour prévenir le suicide et des gens qui travaillent dans les maisons d'hébergement ne compte pour rien, parce qu'elle n'est pas basée sur la science. Vous savez que c'est de cette manière qu'on vous traite. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    D'une part, je trouve que ce genre de propos est un peu déplacé parce qu'on met en doute la parole des victimes qui sont les premières concernées. Tous les jours, on a des exemples concrets que le registre sauve des vies. C'est justement à titre préventif que les femmes viennent dans nos maisons d'hébergement. C'est grâce, entre autres, au fait que des armes à feu ont été saisies.
    D'autre part, comme je vous le disais, le gouvernement du Québec est la seule province qui a une politique en matière de violence conjugale, dont un des principes directeurs est d'assurer la sécurité des victimes dans un contexte de violence conjugale. Il y a trois plans d'action qui ont été mis en place et dans lesquels on retrouve des mesures spécifiques qui s'adressent aux policiers, au système socio-judiciaire. C'est le gouvernement qui a mis en place ces mesures dans le Guide des pratiques policières, indiquant que les policiers doivent saisir les armes. Alors, on ne parle plus d'émotivité, mais d'une directive politique du gouvernement à ce sujet.
    On l'a prouvé. Des associations de directeurs de police sont tout à fait favorables au maintien du registre des armes à feu. Le gouvernement du Québec serait même prêt à récupérer les données. Donc, ils ont la conviction à la fois politique et pratique. Alors, on ne parle plus d'émotivité.
(1300)

[Traduction]

Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Merci à tous les témoins pour leur témoignage d'aujourd'hui.
    Merci aux députés pour leur coopération à l'occasion de ma première réunion en qualité de président.
    La séance est levée.
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