SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 7 mars 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. En ce jeudi 7 mars 2013, nous en sommes à la 75e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Aujourd'hui, nous poursuivrons l'étude que nous avons entreprise du projet de loi C-51, loi modifiant le programme canadien de protection des témoins.
Pour notre première table ronde, nous accueillons le sergent d'état-major Abraham Townsend de l'exécutif national du Programme des représentants des relations fonctionnelles de la Gendarmerie royale du Canada.
Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue. Nous sommes heureux de vous revoir devant le comité.
Nous accueillons également Tom Stamatakis, président de l'Association canadienne des policiers. Il comparaît par vidéoconférence ce matin, depuis Vancouver, en Colombie-Britannique.
Merci de vous être levé de si bon matin, monsieur, pour comparaître de nouveau devant le comité.
Pour commencer, je vais inviter nos témoins à faire une brève déclaration préliminaire avant que nous passions aux questions des députés. Nous commencerons par la GRC.
Monsieur Townsend, si vous le voulez bien.
Merci. Bonjour, monsieur le président, mesdames, messieurs.
Nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître devant le comité ce matin. Je parle au nom des 24 000 membres réguliers et civils de la GRC qui servent au Canada et à l'étranger, afin de relayer leur point de vue et leurs observations.
Je m'appelle Abe Townsend. Je compte 32 ans de service. Je suis l'un des deux membres de l'exécutif national du Programme des relations fonctionnelles et je suis représentant élu depuis 2004.
Le programme des relations fonctionnelles est le programme de relations de travail non syndical pour les 24 000 membres de la GRC. Reconnu par la loi, c'est le programme de représentation officiellement reconnu pour toutes les questions ayant trait au bien-être ou à la dignité des membres de la GRC.
J'ai eu l'occasion de travailler dans quatre provinces et dans deux territoires pour assurer des services de police généraux en uniforme, de police fédérale et d'enquête sur les crimes graves.
Au nom de ceux que je représente, je remercie le gouvernement d'avoir présenté le projet de loi C-51, Loi améliorant la sécurité des témoins, qui est dans l'intérêt de la sécurité de tous les Canadiens. Lorsqu'il entrera en vigueur, le projet de loi C-51 permettra de protéger non seulement les policiers, mais aussi les personnes sur qui ils comptent pour s'acquitter de leur devoir de protéger.
Le travail de policier est de plus en plus complexe. Les moyens prévus dans cette mesure législative pour protéger ceux qui communiquent des renseignements permettront de remédier en partie à cette complexité et de réduire le risque que prennent ceux qui ont pour devoir de protéger autrui. J'ai consulté les membres de la GRC qui exercent leurs principales fonctions dans le cadre du Programme de protection des témoins. Ils sont encouragés et ont hâte que le projet de loi C-51 devienne loi puisque cette loi les aidera à s'acquitter de leurs fonctions pour tous les Canadiens.
Encore une fois, merci. Je répondrai avec plaisir à toutes les questions du comité.
Merci beaucoup, monsieur Townsend.
Nous passons maintenant à M. Stamatakis à Vancouver.
Bienvenue encore.
Bonjour, monsieur le président, et bonjour à tous les membres du comité. Je suis reconnaissant de pouvoir comparaître ce matin pour parler du projet de loi C-51, que mon organisation, l'Association canadienne des policiers, appuie fortement.
Je crois que c'est la sixième ou la septième fois que je comparais devant votre comité. Je sais donc que la plupart d'entre vous connaissez l'Association canadienne des policiers. Je me contenterai de mentionner brièvement que j'ai le privilège de représenter plus de 54 000 employés de la police de première ligne de tout le Canada, les policiers et les civils qui servent dans presque tous les services de police fédéraux, provinciaux et municipaux du pays.
Le crime organisé est l'un des domaines qui posent le plus grand défi au personnel policier de première ligne et je n'insisterai jamais assez sur le terme « organisé ». Les groupes qui commettent des infractions criminelles graves, plus particulièrement le trafic de stupéfiants, se donnent souvent beaucoup de mal pour camoufler leurs activités, recourant fréquemment à la violence et à l'intimidation pour empêcher leurs complices de coopérer avec les forces de l'ordre.
Les forces de l'ordre doivent souvent pouvoir compter sur des témoins qui mettent en péril leur sécurité et celle de leur famille en acceptant de communiquer des renseignements qui serviront à traduire en justice ces dangereux délinquants. Or, cette mesure législative nous permettra de mieux protéger les informateurs et, surtout peut-être, de moderniser les moyens dont nous disposons à cette fin.
Comme policiers, l'une des premières choses avec lesquelles nous devons régulièrement composer est l'application de lois qui ont été rédigées il y a 10, 20 et parfois même 30 ans et qui ont rarement été mises à jour. Cela est souvent assez difficile pour nos membres, car les criminels prennent rarement autant de temps à s'adapter à la technologie moderne qu'il n'en faut parfois pour y adapter nos lois.
La Loi sur la protection des témoins est l'une de ces lois. Bien que cette loi remonte à seulement 17 ans, étant entrée en vigueur en 1996, la technologie a depuis fait des pas de géant. Un des aspects les plus importants de cette loi, surtout pour nos membres, concerne la communication de renseignements sur les personnes qui participent au programme ainsi que celles qui assurent leur protection en vertu de cette loi.
Au moment où la loi est entrée en vigueur, il était probablement logique que la seule information protégée ait été le changement de nom et de lieu de résidence. Toutefois, à l'ère de l'information, ce n'est simplement pas suffisant et j'approuve les mesures du projet de loi qui élargissent l'ensemble des renseignements qui seront protégés.
J'ajouterais à ce sujet, que les modifications, dans cette mesure législative, qui exemptent de toute responsabilité ou sanction les personnes qui nient fournir de la protection à des témoins ou aider à leur en fournir profiteront directement aux forces de l'ordre du Canada qui doivent assumer ces responsabilités.
Je signale également que les parties de cette mesure législative qui prévoient d'étendre la portée de la loi à certains programmes provinciaux ou municipaux de protection, de sorte qu'elle ne vise pas seulement les programmes fédéraux, me rappellent des propos que j'ai récemment tenus au comité au sujet des aspects économiques liés aux services de police et de la nécessité d'accroître notre efficience afin d'assurer la meilleure protection possible à coût raisonnable pour le contribuable canadien.
Dans le cas présent, ce qui fait grimper les coûts pour le système, ce sont les lourdeurs administratives, le fait que les provinces doivent faire une demande à la GRC, demande qui doit être acceptée pour qu'un changement d'identité ou d'adresse puisse entrer en vigueur. Je crois sincèrement que cette mesure législative contribuera à simplifier le travail. Je ne peux qu'espérer que nous verrons davantage ce genre de mesures dans de futurs projets de loi.
En terminant, monsieur le président, membres du comité, le projet de loi C-51 est un exemple de mesure législative qui permettra de mieux coordonner les efforts entre les forces de police de différents niveaux, de mieux protéger les hommes et les femmes qui travaillent dans la police au Canada, d'aider nos membres à contrer le crime organisé et le gangstérisme et de favoriser l'efficacité dans un système qui aurait grand besoin d'être réformé. Pour ces raisons, l'Association canadienne des policiers est en faveur de l'adoption du projet de loi.
Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie les deux témoins d'être venus ici.
Monsieur Stamatakis, je vais commencer par vous. Vous avez parlé brièvement, et en termes clairs, de la difficulté d'appliquer des lois qui, bien souvent, sont vieilles — et 10 ou 20 ans, c'est beaucoup compte tenu de l'évolution technologique — et vous avez parlé de la façon dont les criminels et, comme vous l'avez dit, les membres du crime organisé se conduisent.
Je me demande si vous pourriez, juste pour le comité, expliquer plus amplement les risques que courent vos membres lorsqu'ils administrent et mènent eux-mêmes des enquêtes et qu'ils traitent avec des informateurs — dont certains peuvent participer au programme de protection des témoins — alors que, jusqu'à la présentation de cette mesure législative, les renseignements qui n'étaient pas visés par l'interdiction étaient très peu nombreux. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce que les forces de l'ordre ont dû subir jusqu'à maintenant et comment elles seront mieux protégées? Pourriez-vous expliquer le lien avec le crime organisé et dire quels renseignements peuvent sortir et, le cas échéant, faire courir un risque à vos membres?
En règle générale, et surtout lorsqu'il s'agit des activités d'organisations criminelles, les types d'informateurs dont nous nous sommes occupés et qui participaient à un programme comme celui-ci sont manifestement des gens qui détiennent beaucoup de renseignements. Ces renseignements, lorsqu'ils font gagner un procès, peuvent perturber l'activité des groupes criminels, qui ont manifestement tout intérêt à empêcher que cela se produise.
Dans notre monde actuel, avec la technologie et du fait que les gens possèdent en général un téléphone intelligent ou un appareil du genre, il devient beaucoup plus facile de rendre de l'information accessible — avec Facebook, Twitter et d'autres activités semblables. Pour n'en donner qu'un exemple, vous avez un membre qui mène essentiellement une double vie, qui s'occupe d'un informateur qui a de grands besoins et doit avoir plusieurs résidences et protéger sa famille.
Je pense simplement que le fait de ne plus limiter les renseignements protégés au changement de lieu de résidence et de nom accroît la sécurité pour nos membres. Je ne prétends pas être un expert en la matière, mais je sais, pour avoir parlé à des membres qui participent activement à cette activité, qu'ils sont plutôt soulagés qu'il y ait une mesure législative qui les protège mieux contre le risque de se retrouver dans le pétrin en raison de ce qu'ils font pour protéger la population.
Je vous remercie.
Diriez-vous, alors, que vos policiers courent autant de risque, par exemple, que les informateurs, les gens qui trempent dans le crime organisé et qui peuvent ainsi fournir des renseignements aux forces de police? Est-ce que les policiers et leur famille courent autant de risque que les informateurs?
Oui, absolument. C'est possible, car ils sont souvent avec les informateurs, surtout lors des phases actives d'une enquête. Ils voient régulièrement les informateurs. Les informateurs sont visiblement ciblés par les groupes criminels, qui risquent gros en cas de condamnation. Ils courent autant de risque que les informateurs lorsqu'ils sont avec eux.
Il est tout aussi important, d'après moi et d'après nos policiers, qui souvent sont en relation, sont mariés et ont des enfants, qu'ils puissent avoir la certitude que, peu importe leurs activités, leur famille est protégée de toute conséquence que pourraient avoir leurs activités auprès d'un informateur dans une affaire très grave.
Je peux répéter ce que Tom a dit. Quand on pense aux associations transnationales de criminels, on constate que les choses se sont corsées, y compris pour la protection dont ont besoin nos membres et tous les policiers. Cela ne date pas d'hier. Je vais vous raconter une brève anecdote. Je parlais à mon épouse de ma comparution ici. Nous avons un fils de 19 ans. La première fois qu'il a passé la nuit chez un ami, à l'âge de deux mois, c'était à la suite d'une menace à la bombe à ma résidence qui avait été reliée à un groupe criminel organisé. Ce sont des choses bien réelles, qui arrivent.
Toute mesure législative qui protégera mieux nos policiers contre la communication d'information — et même ceux qui nous aident, y compris ceux des organismes de réglementation provinciaux dont nous avons besoin pour créer des documents et de fausses identités — toute mesure de la sorte, dis-je, est la bienvenue... Cette mesure législative est encourageante pour nous.
Merci.
Monsieur Townsend, dans le cadre des programmes provinciaux, il peut être très difficile, lorsqu'on cherche à mettre une personne sous la protection d'un programme, d'obtenir les documents nécessaires. Pouvez-vous nous dire quelles sont les répercussions pour les personnes qui fournissent des renseignements et qui dès lors demandent à être protégées? En quoi cela nuit-il à la protection dont elles peuvent bénéficier?
D'après ce que je comprends, il y a déjà eu des problèmes. Ce que cette mesure législative fera avec le programme des partenaires provinciaux, c'est qu'elle facilitera la transition, que la protection soit orchestrée au fédéral — et, lorsque je dis « orchestrée », je veux dire « concrètement » — ou au provincial. La mesure législative permettra une transition sans heurts. Elle facilitera simplement l'intégration des efforts de la police.
Est-ce que l'un de vous sait au juste quels sont les documents qu'il faut changer? Les personnes admises au programme de protection des témoins obtiennent-elles de tout nouveaux documents?
J'ai changé de nom dernièrement et j'ai dû obtenir un nouveau permis de conduire, une nouvelle carte santé... Il y a tellement de changements à faire, je ne sais même pas comment ils peuvent s'y prendre, comment ils peuvent continuer de produire leur déclaration de revenus, entre autres. Ce processus me semble bien compliqué.
Il s'agit d'une nouvelle identité protégée. Votre identité serait dorénavant complètement changée dans le respect de la sécurité.
Comme Tom l'a mentionné, il y a maintenant tellement d'information qui se trouve dans le domaine public en raison de Facebook qu'il est de plus en plus difficile pour les gens de faire ces changements d'identité protégée.
Merci beaucoup.
Je remercie également, bien sûr, nos deux témoins aujourd'hui. Il est très utile pour le comité d'obtenir une meilleure perspective de première ligne. Je remercie tout particulièrement M. Stamatakis, qui comme moi vient de la Colombie-Britannique, de se lever si tôt aussi souvent pour nous parler.
Je commencerai avec M. Townsend.
Nous nous sommes entretenus avec des intervenants de première ligne qui s'occupent de la protection des témoins. Il doit y avoir d'autres personnes à la GRC qui traitent de ces cas sur le plan administratif, peut-être même des employés civils. Pourriez-vous nous indiquer quels sont ceux qui pourraient bénéficier des mesures de protection prévues dans le projet de loi?
Au quartier général, les gens du centre national de politiques établissent les politiques qui précisent les responsabilités en vertu de la loi. Sur le terrain, on trouve dans toutes les divisions et dans toutes les provinces des agents qui bénéficient de l'appui d'enquêteurs. Ils ne sont pas nécessairement affectés au programme de protection des témoins à temps plein; il peut s'agir pour eux d'une responsabilité additionnelle.
Ces dernières années, nous avons grandement amélioré la formation donnée à ceux qui sont affectés à ce programme à temps plein. Ces postes suivent l'évolution des services policiers en général. Il est vrai que nous nous sommes énormément perfectionnés avec le temps. Il y a environ 12 ans, je travaillais dans la section des crimes graves, et je peux vous dire que les progrès réalisés dans ce domaine sont énormes.
Qui est responsable d'obtenir les nouveaux documents d'identité et d'aider les gens à se réinstaller ailleurs, des policiers en uniforme ou des employés civils?
Des policiers assermentés s'occupent de ces choses, mais ils ont de l'aide d'autres organismes provinciaux ou fédéraux. Nous ne pouvons pas, par exemple, délivrer de permis de conduire. L'élargissement de la protection prend alors toute son importance. L'employé du centre d'immatriculation des véhicules ne doit pas communiquer de renseignements, il ne doit pas être exposé à des menaces. Il faut à tout le moins réduire les risques.
C'est un point de vue très utile. Je n'avais pas compris qu'on envisageait d'étendre les mesures de protection offertes aux policiers à d'autres fonctionnaires qui les appuient. Il est facile de voir comment le crime organisé pourrait cibler ces gens pour découvrir l'identité d'une personne.
D'accord, je m'adresse maintenant à vous, monsieur Stamatakis.
Vous représentez des policiers municipaux ainsi que des agents de la GRC. Dans le site Web de la GRC, on a longtemps pu lire que les petits services de police ont parfois de la difficulté à utiliser le programme de protection des témoins, parce qu'ils doivent assumer les coûts des services offerts dans le cadre de ce programme. Nous avons demandé à des gens dans les opérations si, selon eux, c'était bien le cas, et si cette pratique avait des conséquences pour ce qui est des enquêtes.
Le coût d'une enquête est un facteur important pour les petits services. À mon avis, dans le contexte de cette mesure législative, quand un petit service se rendrait compte qu'une affaire est suffisamment complexe pour envisager d'offrir à quelqu'un la protection prévue dans le projet de loi, il ferait probablement appel à un organisme plus important. Par conséquent, selon la province, il se tournerait probablement vers la GRC, qui est en fait la police provinciale de la majorité des provinces, exception faite du Québec et de l'Ontario.
Je ne sais trop si ce projet de loi change quoi que ce soit en fait. En réalité, toute enquête importante visant des activités du crime organisé constitue un défi pour un petit service de police. Ce dernier se tourne généralement vers d'autres partenaires qui lui viennent en aide avec des ressources additionnelles. Dans la plupart des cas, il demande même une aide financière de la province.
Le fait que les services de protection des témoins sont facturés est toujours problématique selon vous, et ce projet de loi ne change rien à cette situation.
Non, parce que la protection des témoins coûte très cher. Les corps policiers du pays, y compris la GRC, n'utilisent par le programme de protection des témoins de façon courante. Le sergent d'état-major Townsend pourra vous en dire plus à ce sujet. Il doit y avoir une raison importante, une menace légitime à la sécurité de la personne, à la sécurité d'autres personnes qui participent à l'enquête, surtout quand l'enquête concerne le crime organisé.
Il n'y a rien dans ce projet de loi qui change cette réalité. C'est une option qui coûte cher, et le financement pose toujours problème.
Quand nous pouvons modifier une loi pour mieux refléter la société dans laquelle nous évoluons et tenir ainsi compte de la technologie d'aujourd'hui par rapport à celle d'il y a 10, 20 ou 30 ans, nous faisons une bonne chose. J'ai déjà mentionné quelques-unes des dispositions du projet de loi qui simplifieront les choses et qui pourront peut-être accroître l'efficience des corps policiers, ce qui pourrait réduire certains coûts, mais pas ceux entourant le programme de protection des témoins.
Comme il ne reste que 15 secondes, j'en profiterai pour souligner une autre une fois qu'il nous est très utile d'entendre la perspective des agents à ce sujet. Nous avons entendu aujourd'hui de précieuses observations concernant des réalités sur lesquelles nous ne nous étions pas encore penchés. Merci encore.
Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie également nos deux témoins d'être ici.
Je commencerai par m'entretenir avec M. Stamatakis de l'importance de la souplesse pour ce genre de mesures législatives et de l'impact de la technologie. Si je ne m'abuse, la dernière mise à jour remonte à 17 ans. Étant donné les progrès fulgurants sur la plan de la technologie, et je sais que vous ne pouvez savoir avec certitude ce que l'avenir nous réserve, mais trouvez-vous tout ce que vous souhaitiez dans le projet de loi actuel ou avons-nous omis quelque chose? La dernière modification remonte à 17 ans. Peut-on dire selon vous qu'étant donné les progrès technologiques actuels, les prochaines modifications seront apportées avant que 17 autres années ne se soient écoulées?
Évidemment, personne ne peut prédire comment la technologie évoluera, mais elle a tellement progressé durant ma carrière, et c'est là une grande différence par rapport au passé. À mes débuts, il y a environ 25 ans, très peu de gens avaient des cellulaires, on utilisait des téléavertisseurs vocaux. Des enfants de 8, 9 et 10 ans ont maintenant des téléphones intelligents, les gens ont des portables ou des tablettes qui leur donnent facilement accès à Internet, et tout ça s'est produit assez rapidement. À l'avenir, selon moi, les gouvernements auront la lourde tâche de déterminer s'ils devront procéder à des mises à jour plus régulières, comme vous le dites, compte tenu des percées technologiques qui pourraient survenir.
Sergent d'état-major Townsend, je veux parler brièvement des risques pour les policiers, entre autres. Les possibilités de fuites sont tellement nombreuses qu'il est difficile d'imaginer comment l'information peut être protégée.
En ce qui concerne la sécurité au sein des organisations policières, les gens à la GRC ou dans les services de police civile savent-ils tous qui s'occupe de la protection des témoins ?
En cherchant suffisamment, il est possible de trouver qui est responsable d'un programme de protection des témoins et des sources. Nous avons tous des postes d'attache. Si vous creusez assez, vous trouverez.
Cela dit, d'après mon expérience, si vous demandez à de nombreux membres de la GRC qui est responsable du programme de protection des témoins et des sources pour la province d'Alberta, ils ne le sauront pas. Ils ne le sauront pas à moins d'avoir cherché cette information.
J'ajouterai que les membres du crime organisé peuvent vouloir cette information. Pour l'obtenir, ils peuvent s'adresser à des gens qui travaillent dans les milieux policiers, tant des civils que des agents de police. Même si le demandeur intéressé n'a pas facilement accès à l'information, il n'en demeure pas moins que c'est très réel. On peut trouver l'information.
Évidemment, le demandeur intéressé est le crime organisé.
Avez-vous bien dit que l'agent qui s'occupe d'un dossier actif mène aussi une vie parallèle?
Je n'ai pas dit cela, mais je peux vous donner des précisions à ce sujet.
Les agents vivent une vie parallèle dans la mesure où ils ne parlent pas de leur travail dans leur vie civile. Il n'y a pas de chevauchement. Ce ne sont pas les policiers qui sont entraîneurs de hockey et que tout le monde connaît. Ils ont en quelque sorte une vie professionnelle secrète, qui est coupée de leur vie privée dans la mesure du possible.
Évidemment, le crime organisé voudrait connaître l'identité de l'agent pour retracer le témoin, si possible.
Si vous trouvez l'agent, vous avez de bonnes chances de trouver la personne que vous cherchez.
Je m'entretiens avec des gens du domaine. Ils craignent constamment que leur femme et leur famille se trouvent sous la menace d'un fusil pendant qu'un membre du crime organisé leur demande au téléphone: « Où est Johnny? » C'est un domaine d'activité qui comporte des risques élevés pour les policiers.
Tout à fait.
Monsieur Stamatakis, il a été question du soutien administratif fourni pour changer d'identité et le reste. C'est énorme. Comme Mme Bergen l'a dit, il faut tout changer, même les déclarations de revenus.
Est-il juste de dire que les employés des organismes administratifs comme l'ARC et les bureaux d'immatriculation, entre autres, ne connaissent pas l'identité précédente des gens? Ils savent simplement qu'ils créent une nouvelle identité.
Ils ne peuvent pas faire de liens, n'est-ce pas?
Oui, c'est exact. On doit minimiser le nombre de personnes qui connaissent la raison des changements. Ces autorisations viennent de très haut. Les employés qui traitent les changements ne savent pas qu'ils contribuent à changer l'identité d'un informateur.
Il faut parfois aussi fournir aux agents de police qui participent au programme de protection des témoins une autre identité, une autre série de données personnelles qu'ils peuvent utiliser pour un permis de conduire ou l'immatriculation d'un véhicule. On cherche ainsi à atténuer le risque que des tierces parties intéressées puissent surveiller les activités des agents pendant qu'ils traitent avec un informateur.
Les gens qui font ce genre de travail doivent pratiquement mener une double vie pour pouvoir séparer complètement leurs activités professionnelles et leurs activités personnelles, comme M. Townsend l'a indiqué.
C'est un type de travail qui comporte un niveau très élevé de risque et de stress. Je connais moins les politiques de la GRC, mais je sais que dans les corps policiers municipaux et provinciaux, les gens occupent généralement ce genre de postes pour de courtes périodes, selon les dossiers dont ils s'occupent. On tente de réduire le plus possible le niveau de stress dans l'organisation.
J'aimerais poursuivre dans la même veine.
Sergent Townsend, vous avez dit, ou quelqu'un d'autre a dit, mais je ne me souviens plus qui, qu'il arrive que la personne qui gère le témoin, et j'imagine que c'est au tout... À quelle étape est-ce qu'on gère le témoin, quand il n'est pas encore admis au programme de protection des témoins? Une fois dans le programme, je suppose qu'on envoie le témoin dans une autre région du pays.
Quand vous parlez de gérer le témoin, voulez-vous dire au tout début du processus? Quelqu'un a dit que la personne qui gère le témoin doit avoir une résidence secondaire et ainsi de suite, à quelle étape est-ce que cela se produit? Que veut-on dire par gérer le témoin?
La loi actuelle prévoit une protection d'urgence. Aux termes du nouveau projet de loi, il sera possible de prolonger la durée de cette protection, ce qui pourrait être nécessaire dans le cadre d'une enquête qui évolue très rapidement.
D'autres types d'enquêtes, notamment les enquêtes entourant le crime organisé, progressent plus lentement. Il faut gérer la relation qui se crée pendant qu'on évalue le potentiel d'un agent ou d'un témoin et qu'on amène cette personne à répondre aux besoins des Canadiens en matière de sécurité publique. Une fois que la personne a été évaluée et admise au programme de protection des témoins, il faut continuer de gérer ou d'entretenir cette relation. Bref, on ne saurait trop insister sur l'importance des relations humaines pour obtenir l'information au départ, et assurer la protection par la suite dans le cadre du régime.
À mon avis, nous mettons en place des mesures plus rigoureuses pour aider cette personne. Nous ne voulons pas l'abandonner en cours de route, ce qui porterait nécessairement un dur coup à la crédibilité des policiers et nuirait à ceux qui viennent vers nous et nous aident.
Normalement, dans notre organisation il s'agit d'un policier qui, avec le temps, a accumulé toute une gamme d'expériences, généralement au sein de la police fédérale où les activités secrètes et les activités d'infiltration ne manquent pas. C'est un policier d'expérience que nous formons en vue de ces fonctions particulières.
Le policier qui gère la relation, qui doit avoir une résidence secondaire et qui s'emploie à séparer sa vie professionnelle et sa vie familiale serait-il connu du crime organisé? Son identité secrète serait-elle si bien établie que la résidence secondaire est en quelque sorte une police d'assurance, car personne ne saurait réellement qu'il est policier?
En fait, même si ce policier a une résidence secondaire, si on le soupçonne d'être un policier, on pourrait le suivre jusqu'à sa résidence principale.
On peut avoir recours à une résidence secondaire — en fait, je préfère parler d'un local secret —, que ce soit une chambre d'hôtel payée sous une identité secrète ou un appartement loué sous une identité secrète. Il s'agit d'un endroit de rencontre secret, non associé à la police, où on peut conseiller quelqu'un et lui fournir le soutien nécessaire.
Le policier doit séparer sa vie professionnelle et sa vie personnelle, et à l'intérieur même de sa vie professionnelle il doit séparer le rôle qu'il joue et l'identité de l'organisation pour laquelle il joue ce rôle.
Nous parlions de la délégation d'une plus grande variété de renseignements. Est-ce que ceux qui traitent des renseignements liés à la protection des témoins, dans un bureau provincial des permis par exemple, savent qu'ils participent à ce processus?
Si ce n'est pas le cas, alors comment peuvent-ils savoir qu'ils enfreignent la loi en communiquant des renseignements? Savent-ils qu'ils sont impliqués dans une situation très délicate et qu'ils devraient être prudents? Ou sont-ils totalement inconscients de tout cela?
Nos intervenants, ceux qui travaillent à temps plein [...] Ce sont là certains des liens et des protocoles d'entente que nous avons avec d'autres organismes de réglementation.
Comme Tom l'a dit, tout cela est tenu à un niveau aussi élevé et discret ou secret que possible. Cette mesure législative procure un niveau supplémentaire de protection contre la communication à l'intention de ceux qui évoluent dans ce qui est manifestement un monde très secret. Vous commencez une seconde vie dès que vous entrez dans le programme.
Tous ceux qui, par exemple, participent au processus, qu'ils fassent partie d'un service de police fédéral ou d'un organisme provincial, savent qu'ils s'occupent d'un dossier de nature délicate et qu'ils ne devraient pas communiquer l'information. Règle générale, ils le sauraient. Cette loi prévoit un rappel supplémentaire: s'ils communiquent l'information, c'est non seulement un manque de professionnalisme et pas très futé, mais c'est aussi un acte criminel.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Townsend et monsieur Stamatakis, j'aimerais vous remercier d'être avec nous aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-51. Nous en sommes très heureux.
Ma première question s'adresserait à vous deux directement.
En 2007, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale s'était déjà penché sur le programme fédéral de protection des témoins et en avait fait l'examen. Dans le rapport qu'il a fait à la suite de cet examen, quelques questions sont restées sans réponse. Notamment, on n'a pas déterminé si le programme pourrait accueillir un adolescent membre d'un gang de rue dont la sécurité serait menacée en raison de sa collaboration avec les autorités.
Je commencerais peut-être par vous, monsieur Stamatakis. Tout d'abord, quel type de réponse pourriez-vous donner à cette question? Est-ce que le programme pourrait bien accueillir quelqu'un de moins de 18 ans qui est membre d'un gang de rue? J'aimerais aussi savoir si vous avez déjà vu des cas où des mineurs avaient utilisé le programme de protection des témoins non pas en tant qu'enfants de gens à qui on offrait la protection, mais en tant que témoins eux-mêmes dans un procès ou autre chose.
[Traduction]
Je dirais que, de façon générale, si quelqu'un a besoin de protection, nous prenons toutes les mesures nécessaires pour assurer cette protection.
Cela dit, il y a beaucoup plus de défis lorsqu'il s'agit d'un jeune, car il faut être certain qu'il comprend les décisions qu'il prend. Nous devons faire en sorte que le jeune obtient l'avis d'un parent ou d'un adulte en qui il a confiance. Je crois que cela complique les choses.
Pour être franc, je n'ai jamais personnellement eu à m'occuper d'un jeune qui aurait fait partie du programme de protection des témoins, ou d'une situation comme celle dont il a été question ce matin. Je pourrais certainement me renseigner et faire un suivi. Je ne sais pas si M. Townsend a autre chose à dire à ce sujet, mais je crois qu'un jeune poserait des défis différents, surtout si les parents entrent en ligne de compte. Nous serions obligés de les faire participer à toutes les discussions. Cela poserait également certains défis si on souhaitait utiliser un jeune comme informateur dans le cadre d'une enquête policière.
Ma réponse ne sera pas très utile. Nous avons des dispositions concernant le recours aux jeunes en tant qu'informateurs ou agents rémunérés. Il est rare qu'ils aient à participer à un point où ils pourraient avoir besoin du programme de protection des témoins, à moins qu'il s'agisse des enfants de témoins protégés, comme vous l'avez indiqué.
Pour une réponse plus complète, il serait probablement plus utile d'entendre un autre témoin ayant de l'expérience dans ce domaine.
Une minute et demie, d'accord.
[Français]
En fait, j'étendrais peut-être la question à l'aspect de la famille. On parle souvent de familles complètes qui vont être protégées. Je sais que peu d'études ont été faites sur la façon dont les enfants d'un témoin adulte vont réagir. C'est d'ailleurs un autre point qui a été soulevé. Est-ce facile à gérer? Je sais que parfois les adultes vont vouloir sortir du programme parce que c'est trop compliqué pour les enfants. Est-ce quand même facile à gérer? Je ne le sais pas.
[Traduction]
Je crois que dès que cela implique des enfants, les choses deviennent beaucoup plus compliquées et difficiles.
Ce serait tout aussi difficile que ce l'est pour une personne d'aller dire à un enfant ou un adolescent « En passant, nous allons quitter cet endroit et aller vivre dans un endroit totalement différent où tu devras tout recommencer à zéro. »
Cela pose certainement de nombreux défis, mais je ne connais pas de recherches ou d'études qui auraient porté sur la question.
Merci beaucoup, madame Lefebvre.
Nous allons maintenant revenir à M. Leef. Vous disposez de cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux de venir témoigner aujourd'hui.
Chef d'état-major Townsend, vous avez parlé brièvement de relations en répondant aux questions de M. Scarpaleggia. La confiance est manifestement un facteur très important entre les officiers traitants et les informateurs. Elle doit débuter avant même le programme de protection des témoins, puis se poursuivre tout au long de la durée de ce programme.
Le commissaire adjoint Shean nous a dit que les agents de la GRC chargés de la protection des témoins bénéficient maintenant de la formation la plus progressiste et poussée dans ce domaine au pays. De toute évidence, la formation joue un grand rôle dans l'établissement de cette confiance, car l'officier traitant est alors en mesure d'affirmer à ses informateurs et à ses collaborateurs qu'il est effectivement préparé et bien formé à cette tâche.
Comment décririez-vous la formation et le programme de la GRC par rapport à ce qui est offert ailleurs au pays, et peut-être même à l'étranger?
J'ai vraiment eu une agréable surprise en faisant des recherches dans ce domaine en vue de cette rencontre.
On parle d'agents d'expérience qui ont déjà reçu une bonne formation. Ils ont deux semaines de formation dans ce domaine, puis ils passent douze mois sur le terrain à faire ce travail, puis ensuite trois semaines, et une formation tactique continue.
J'ai été vraiment impressionné par le fait que nous avons amélioré notre formation, compte tenu des exigences et de la complexité des demandes des 10 ou 15 dernières années, en fait depuis que je travaille dans ce domaine.
En ce qui concerne le niveau de formation offert par d'autres services de police au Canada, je sais que nous formons des agents d'autres services de police dans le cadre de l'intégration. C'est ce que nous avons fait et que nous continuons de faire.
Sur le plan international, notre formation se compare à celle d'autres pays disposant de lois semblables, et elle n'a rien à leur envier jusqu'à présent.
Si je peux me permettre, je crois qu'il est important que le comité sache que j'ai parlé à plusieurs intervenants qui connaissent bien le projet de loi C-51. En tant que représentant, je leur ai naturellement demandé s'il manquait quelque chose au projet de loi C-51, s'ils auraient voulu y voir autre chose? Pour être franc, ils ont tous répondu que ce qu'ils comprenaient du projet de loi leur plaisait et qu'ils ne voyaient pas ce qu'ils voudraient y ajouter.
Merci.
Monsieur Stamatakis, vous pourriez peut-être poursuivre dans cette veine. Avez-vous eu l'occasion de poser la même question à vos membres, et si c'est le cas, vous ont-ils proposé des ajouts à ce projet de loi?
Non, personne ne m'a dit que ce projet de loi comportait des lacunes. Je suis du même avis que M. Townsend. J'ajouterai toutefois que, selon moi, les intervenants municipaux et provinciaux sont maintenant plus efficaces en matière de protection des témoins.
La plupart des provinces se tournent maintenant vers une unité provinciale coordonnée. Il est ainsi possible d'améliorer et d'uniformiser la formation. Il y a beaucoup d'intégration entre les forces municipales et provinciales et la GRC afin que la formation soit uniforme et que le programme soit offert partout de la même façon.
Je crois donc que la situation actuelle est bonne dans ce domaine, et ce, partout au pays.
Chef d'état-major Townsend, si un témoin décide de changer d'identité et de déménager, cela entraîne bien des choses. De toute évidence, les questions de protection, de législation et de qualité des officiers traitants constituent des variables importantes dans tout cela et dans les relations qu'ils bâtissent.
Mais seriez-vous d'accord pour dire que lorsqu'une personne décide de témoigner contre le crime organisé, et donc de bouleverser sa vie au point de la mettre en danger, elle doit notamment tenir compte du fait que son témoignage aura véritablement un impact et qu'il fera une différence? Je veux dire que la peine imposée à la personne reconnue coupable grâce à son témoignage devrait être significative et suffisante? Vous voyez probablement où je veux en venir, d'autres mesures législatives prévoyant des peines significatives et suffisantes.
Quels sont vos commentaires au sujet de cette pièce du casse-tête?
D'après mon expérience, ceux qui se laissent convaincre d'opter pour la sécurité du public tournent définitivement le dos à leur ancienne vie — cela coûte très cher. Ils sont mieux placés que quiconque pour savoir quelles répercussions leur décision a sur nous tous. Pour la petite histoire, lorsqu'ils choisissent de tourner le dos à leur ancienne vie, ils prennent conscience des torts qu'ils ont causés en ayant vécu cette vie ou des torts que ce genre de vie a pu causer à autrui. Ils prônent — je veux éviter de parler de « châtiment » ou de « vengeance » — la reddition de comptes.
Merci beaucoup. Nous allons devoir en rester là pour aujourd'hui.
J'aimerais vous remercier tous deux d'avoir comparu aujourd'hui. Je pense que la pertinence de votre témoignage ne se limite pas au projet de loi C-51. Il y a parmi nous des députés nouvellement élus et nouvellement membres du comité. Ce comité est responsable d'examiner les questions relatives aux services correctionnels, à la libération sous condition, à la police, au SCRS et à la protection des frontières. Je pense que vous nous avez tous deux donné un aperçu du travail qu'accomplissent les forces policières et que vous avez très bien résumé les objectifs du projet de loi C-51.
Je vous remercie de votre présence et du témoignage que vous avez livré aujourd'hui. C'est toujours un plaisir de pouvoir vous compter parmi nous.
Merci.
Nous allons suspendre la séance avant d'entendre un témoin d'Halifax par vidéoconférence.
La séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale reprend. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-51, Loi modifiant la Loi sur le programme de protection des témoins. Dans le cadre de cette table ronde, nous entendrons le témoignage de Micki Ruth, membre de l'Association canadienne des commissions de police. Elle se trouve à Halifax, en Nouvelle-Écosse et comparaît devant nous par vidéoconférence.
Bienvenue et merci de prendre le temps de nous parler ce matin. Je m'excuse d'avance, Mme Ruth, car il risque d'y avoir des votes à la Chambre ce matin, ce qui nous forcerait à lever la séance. Rien n'est certain, mais c'est une possibilité avec laquelle nous devons composer. Nous vous invitons à faire votre présentation. Nous sommes impatients de vous entendre, mais je vous avertis simplement que je devrai peut-être vous interrompre.
Mme Ruth, vous avez la parole.
Monsieur le président, membres du comité, je m'appelle Micki Ruth. Je témoigne aujourd'hui au nom de l'Association canadienne des commissions de police, l'ACCP. Je profite de cette occasion pour vous remercier, monsieur le président et membres du comité, de me donner la parole aujourd'hui.
L'ACCP est consciente que vous jouez tous un rôle important et je suis heureuse de pouvoir participer à cette discussion.
Permettez-moi tout d'abord de me présenter un peu plus en détail. Je suis membre du conseil d'administration de l'ACCP et de son Comité de surveillance policière et de justice. De plus, je suis la vice-présidente du bureau des commissionnaires de police de Halifax. J'ai également été policière dans le passé, mais c'était il y a longtemps.
L'ACCP est un organisme national sans but lucratif créé en 1989 afin que les personnes chargées de la gouvernance des services de police puissent trouver un terrain d’entente sur des questions d’intérêt commun ayant une incidence nationale.
L'ACCP travaille en collaboration et de manière proactive à l'amélioration de la gouvernance policière au Canada et à la mise en oeuvre de changements qui renforceront la sécurité de tous les Canadiens. Les services de police de plus de 75 % des municipalités relèvent des commissions de police, lesquelles sont membres de l'ACCP. Ces commissions gèrent les services de police de leurs municipalités, engagent les chefs de police, fixent les priorités, élaborent les politiques et représentent l'intérêt public.
L'ACCP est reconnue comme étant le principal porte-parole national en matière de surveillance civile des services de police au Canada. Je comparais devant vous pour parler du projet de loi C-51, la Loi améliorant la sécurité des témoins.
L'ACCP félicite le gouvernement d'avoir présenté des modifications au programme de protection des témoins et nous appuyons le principe du projet de loi. Cependant, certaines modifications apportées par le projet de loi, surtout celles concernant le financement, nous préoccupent. Je vais passer en revue les cinq principales modifications prévues dans le projet de loi.
Nous appuyons la modification visant à désigner des programmes provinciaux ou municipaux de protection des témoins dans la Loi sur le programme de protection des témoins.
L'ACCP est content que le gouvernement reconnaisse que la possibilité, pour les témoins, de changer d'identité en toute sécurité sans avoir besoin d'être admis dans le programme fédéral et de devoir composer avec des retards et possiblement avec la mauvaise gestion, comporte de nombreux avantages.
En outre, l'ACCP accueille favorablement l'intention de simplifier et d'accélérer l'émission de documents d'identité de sécurité par la GRC. Grâce à la désignation de programmes provinciaux de protection des témoins, il sera plus rapide et facile d'obtenir ces documents.
La troisième modification concernant la protection et la communication de renseignements est également une mesure indispensable. En effet, en 2007, M. Alok Mukherjee, président de la Commission des services policiers de Toronto et actuel président de l'ACCP, s'est rendu sur la Colline du Parlement pour demander instamment au gouvernement d'allouer davantage de fonds au programme de protection des témoins. À l'époque, il a insisté sur le fait qu'il est vital, pour la sécurité des collectivités, d'assurer la sécurité des témoins et de protéger leur identité. M. Mukherjee avait recommandé de modifier la loi afin que les processus judiciaires encouragent et appuient les témoins qui fournissent des preuves lors de procédures judiciaires. Il a prôné la modification des règles de divulgation applicables aux procès criminels afin de protéger l'identité des témoins qui livrent un témoignage clé pour la poursuite.
Si nous voulons que des témoins se présentent et fournissent des preuves, il faut pouvoir leur garantir l'anonymat, c'est essentiel. Si un juge établit que l'identité du témoin n'a aucune incidence sur l'affaire et que, par conséquent, ne porte pas préjudice à l'accusé, le témoin devrait pouvoir garder l'anonymat et seules les preuves qu'il a fournies devraient être divulguées. Certaines personnes ne veulent pas être déracinées et s'installer ailleurs, mais elles veulent conserver l'anonymat.
La quatrième modification, que nous appuyons également, vise à étendre la définition de témoin admissible aux personnes qui fournissent de l'aide à un organisme exerçant des fonctions liées à la sécurité.
Les autres modifications prévues dans le projet de loi C-51 concernent des questions opérationnelles, notamment l'abandon volontaire de la protection et l'allongement de la période durant laquelle une protection d'urgence peut être accordée. Même si nous ne savons pas précisément quelles répercussions ces modifications auraient sur le programme de protection des témoins, nous croyons qu'elles visent forcément à améliorer l'efficacité du programme, afin qu'il soit correctement mis en oeuvre.
Nous sommes ravis de constater que le gouvernement modernise et améliore cette loi importante, en mettant en oeuvre les modifications réclamées par les forces de l'ordre depuis une décennie.
Selon les statistiques, la criminalité est en baisse, mais le crime organisé, les crimes liés aux activités des gangs et les crimes violents sont des questions qui préoccupent beaucoup de citoyens et de collectivités au Canada.
Nous, les membres de l'ACCP, devons veiller à ce que nos employés — les policiers en uniforme — possèdent les outils dont ils ont besoin pour faire appliquer la loi, résoudre les crimes et protéger le public. La protection des témoins est un outil très important, mais c'est un outil trop onéreux pour bon nombre de services de police et de municipalités à l'heure actuelle.
Les gouvernements et administrations se heurtent à de nombreux problèmes, dont le financement qui est l'un des plus importants et des plus difficiles à résoudre. Le projet de loi C-51 ne s'attaque pas aux problèmes soulevés en 2007 concernant le financement insuffisant de l'actuel programme de protection des témoins. Malheureusement, nous constatons qu'il est difficile pour certains services de police municipaux de se prévaloir du programme de protection des témoins, parce qu'ils manquent de fonds.
Actuellement, lorsqu'une municipalité a recours à un programme provincial de protection des témoins et qu'il s'agit d'une infraction fédérale ou d'une infraction liée aux stupéfiants, la GRC est saisie de l'enquête et facture le plein tarif aux services de police locaux, mais bon nombre d'entre eux n'ont pas les fonds nécessaires. Selon le site Web de la GRC, le coût de protection des témoins entrave parfois les enquêtes, surtout dans les petits services de police qui ont un budget serré.
Nous recommandons donc que vous teniez compte de ce qui suit lors de l'examen du projet de loi C-51.
Premièrement, puisque la protection des témoins est essentielle pour assurer les services policiers de première ligne, le programme devrait être bien financé et facile d'accès, en plus de renforcer la sécurité publique. Deuxièmement, la surveillance, l'évaluation et la protection des intérêts des témoins devraient être renforcées. Troisièmement, il faudrait mentionner dans le programme qu'il s'adresse également aux personnes qui tournent le dos aux gangs de rue. Finalement, le programme devrait faire l'objet d'une surveillance indépendante. En effet, la GRC ne devrait pas avoir le pouvoir de décider qui est admissible au programme, puisqu'elle est chargée de mener les enquêtes.
Je tiens à souligner que même si l'ACCP appuie l'intention du projet de loi C-51, elle doit veiller à ce que les mesures législatives adoptées par le gouvernement n'entraînent pas des transferts de coûts supplémentaires aux services de police municipaux qu'elle représente. C'est un aspect important de notre travail sur le coût de la prestation de services de police, un sujet que vous connaissez déjà très bien.
À notre avis, à moins de régler le problème du financement adéquat du programme de protection des témoins, le projet de loi ne portera pas ses fruits.
Merci beaucoup, madame Ruth, de votre témoignage.
Nous allons passer à la première ronde de questions. M. Norlock a la parole pour sept minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie, Mme Ruth, de comparaître devant nous aujourd'hui.
L'argent était au centre de votre témoignage d'aujourd'hui, car c'est un problème auquel les commissions de services de police se heurtent quotidiennement. Puisque le contribuable qui paie est toujours le même — que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal — ce sont forcément les citoyens, ceux-là mêmes qui vivent dans votre ville, qui passeront à la caisse si vous demandez plus d'argent.
Tout d'abord, bon nombre de témoins ont comparu devant le comité pour donner leur avis sur ce projet de loi, surtout des policiers chargés d'appliquer le programme, et ils n'avaient que des bons mots pour cette mesure législative.
Deuxièmement, le chef de la police de la plus grande ville du Canada et deux ministres de la Justice ont livré des témoignages approbateurs au sujet du projet de loi — et je suis convaincu que la plupart des ministres de la Justice et des procureurs partout au Canada partagent leur avis.
Je crois que tous ceux à qui vous poserez la question vous diront que l'argent ne suffit jamais à la tâche. Or, en mettant de côté l'aspect financier, les gens qui sont sur le terrain nous disent que la plupart de leurs problèmes découlent des lacunes que comporte la loi actuelle, que ce projet de loi vise à modifier. Je fais référence au sergent d'état-major Townsend qui est aux premières loges et qui a déclaré que le projet de loi répond aux attentes des policiers. Il a déclaré, un peu plus tôt, dans son témoignage, qu'il a consulté les agents de première ligne, qui sont à l'oeuvre tous les jours, et leur a demandé si ce projet de loi comporte des lacunes.
Outre l'argent, à quoi faisiez-vous référence lorsque vous avez déclaré qu'il faut mieux protéger les témoins qui comparaissent devant un tribunal?
Je vous remercie de votre question.
J'aimerais tout d'abord répéter que nous appuyons le projet de loi. C'est la vérité.
En ce qui concerne le financement, il est vrai que c'est toujours le même contribuable qui paie. Cependant, si le financement était assuré par le gouvernement fédéral, ce serait plus équitable, car toutes les municipalités auraient accès au programme de protection des témoins. Actuellement, seule une partie des municipalités ont les fonds nécessaires. Cela pose problème dans plusieurs régions.
Vous m'avez demandé ce à quoi je faisais référence lorsque j'ai dit qu'il faut « mieux protéger » les témoins. Ce projet de loi prévoit d'excellentes protections. Je félicite le gouvernement des mesures qu'il propose. Or il faut quand même offrir une forme de protection aux témoins qui ne sont pas admis au programme, ou qui ne peuvent l'être pour diverses raisons — pas nécessairement pour des raisons financières —, et qui comparaissent devant le tribunal. Même si ce projet de loi résout certains problèmes liés à la protection des témoins, il ne couvre pas tous les témoins et toutes les situations.
Merci, Mme Ruth.
Ce qui devait arriver est arrivé. Les cloches sonnent et les lumières clignotent.
Nous vous remercions d'avoir témoigné. Je suis content que vous ayez pu faire votre déclaration préliminaire et que M. Norlock ait pu vous poser une question. Nous ne pourrons pas poursuivre la séance aujourd'hui, nous sommes désolés. Je vous remercie de nous avoir donné matière à réflexion.
Comm. Micki Ruth: Merci beaucoup.
Le président: Mesdames et messieurs, nous allons lever la séance et nous rendre le plus rapidement possible à la Chambre. Si j'ai bien compris, un vote important est sur le point d'avoir lieu.
La séance est levée.
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