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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 090 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 juin 2013

[Enregistrement électronique]

(0945)

[Traduction]

    Bonjour. Cette réunion est la 90e du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, et nous sommes jeudi 13 juin.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons une étude sur les aspects économiques liés au service de police.
    Nous accueillons nos témoins ce matin par vidéoconférence.
    Du service de police de Thunder Bay, nous accueillons le chef John Paul Levesque. Bonjour.
    Monsieur James Coldren, directeur de projet, Smart Policing Initiative, University Park en Illinois. Bonjour.
    Comme d'habitude, nous allons commencer par vous écouter pendant 10 minutes chacun après quoi nous passerons à la première série de questions.
    Nous allons commencer par le chef Levesque. Vous avez la parole.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, bonjour et merci de me donner l'occasion de témoigner devant le comité.
    Je présume que vous m'avez invité à témoigner pour vous donner une perspective des services de police dans le nord de l'Ontario, Thunder Bay étant la plus grosse municipalité du nord-ouest de l'Ontario. Il faut dire que nous avons des défis différents à relever dans la prestation de services de police dans la région.
    Un des premiers objectifs des services de police dans le nord-ouest de l'Ontario est d'établir des rapports solides et positifs avec les Premières Nations et les communautés autochtones. C'est une tâche colossale. Parfois, un incident se produit qui nous fait régresser. En cas d'incident qui n'est pas toujours positif pour nos relations avec les peuples autochtones, nous faisons deux pas en arrière pour chaque pas en avant.
    Ici, à Thunder Bay, la population autochtone constitue le groupe démographique qui connaît la croissance la plus rapide et particulièrement la tranche d'âge allant de 15 à 35 ans. Le reste de la population de Thunder Bay est vieillissante et la population autochtone est plus jeune.
    Quant aux communautés et aux réserves du Nord, nous nous y rendons et elles éprouvent les mêmes difficultés qui existent à Thunder Bay qui est une ville plus grande. C'est assurément une tâche écrasante pour les services de police des Premières Nations. Je sais qu'il y a des difficultés de recrutement et de rétention des policiers. Je sais que les récents écarts quant à l'allocation de fonds n'ont pas aidé à cet égard.
    Je tiens à souligner l'importance absolue d'une chose: cela ne se limite pas aux communautés du Nord, mais également aux communautés avoisinantes et il s'agit d'un financement adéquat pour les services de police des Premières Nations.
    Je veux aussi mentionner que compte tenu du fait que de plus en plus de gens quittent les communautés du Nord pour s'installer à Thunder Bay, le fédéral devrait attribuer des fonds pour nous aider à aborder les enjeux relatifs aux Autochtones. La population de Thunder Bay compte environ 25 p. 100 d'Autochtones et nous avons beaucoup d'interaction avec eux. Cela dit, nous avons créé une unité de liaison autochtone à laquelle ne sont affectés que deux policiers alors qu'il nous faudrait au moins le double.
    Il faut reconnaître que certaines situations socioéconomiques sont propices à la criminalité et au désordre. Cela n'est pas spécifique à Thunder Bay, mais c'est certainement vrai ici. La santé mentale, la toxicomanie, la pauvreté, l'itinérance sont autant de facteurs qui accroissent la criminalité et qui nous appellent à intervenir dans des situations que nous considérons être des situations de désordre.
    Permettez-moi de vous donner des statistiques qui remontent à l'année dernière. Le service de police de Thunder Bay a effectué près de 3 000 arrestations de personnes en état d'ébriété. Ce nombre est nettement supérieur à la moyenne nationale et il nous place au premier rang de ce type d'arrestation par habitant en Ontario.
    L'autre problème avec lequel nous sommes aux prises non seulement à Thunder Bay mais aussi dans le nord-ouest de l'Ontario est celui de la violence familiale. Récemment, afin de mettre au point un nouveau modèle de déploiement, nous avons fait une recherche sur nos interventions, comment nous intervenons et à quel type d'appels nous répondons. Nous avons découvert qu'un grand nombre des appels auxquels nous répondons — et j'ai parlé des personnes en ébriété — ont pour motif la violence familiale. Thunder Bay a 117 000 habitants et nous recevons annuellement près de 3 000 appels pour cause de violence familiale. Là encore, c'est bien au-dessus de la moyenne nationale et nous sommes au premier rang en Ontario à cet égard.
    Il n'y a pas de nouveau financement. Le conseil d'administration des services de police ici a dit sans ambages qu'il n'y avait pas d'argent frais. Nous avons dû créer une unité en regroupant une autre, si bien que c'est l'unité de gestion des cas de violence familiale qui répond aux appels signalant de tels cas, et ce, à la place des policiers de première ligne. Nous espérons que cette mesure permettra aux policiers en uniforme de faire un travail plus proactif.
    Les appels signalant des cas de violence, d'usage de drogues, le crime organisé et l'exploitation des enfants sont des exemples des véritables tâches policières et cela n'est pas vrai seulement à Thunder Bay mais aussi à l'échelle provinciale et nationale. Toutefois, il nous faut régler des problèmes qui ne correspondent pas aux fonctions fondamentales d'un service de police comme par exemple des cas de désordre, de maladies mentales, et autres cas de ce genre.
    Nos ressources sont mises à contribution de diverses façons. Je constate une intensification de la violence à l'égard des personnes âgées, de la criminalité chez les jeunes, de la pornographie infantile, de l'exploitation sexuelle des enfants, des crimes informatiques et des vols d'identité.
(0950)
    Je dois vous dire que la perte de financement accordé dans le cadre du Fonds de recrutement de policiers n'aide en rien. Nous avons perdu deux agents de police à cause de cette perte de financement.
    Il existe en Ontario une stratégie provinciale visant à lutter contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pornographie juvénile. Une stratégie nationale s'impose pour prévenir ce type de crimes et les combattre. Assurément, il faudra des discussions sérieuses sur le recours à des civils, la privatisation et des services de police à deux niveaux. Voici un exemple: ici à Thunder Bay, nous devons nous occuper de la sécurité au tribunal et du transport des prisonniers. Nous confions cette tâche à sept agents de police première classe qui gagnent chacun 83 000 $ par année et à cinq agents de police spéciaux, qui touchent environ 70 000 $ par année. C'est une aide plutôt coûteuse pour garder des prisonniers et les transporter de la prison de district jusqu'au tribunal.
    En terminant, il faudrait des dispositions législatives et des investissements en immobilisation pour que l'application de la loi ait davantage recours à des moyens technologiques pour assurer le respect du code de la route, par exemple. Cela libérerait des agents de police et permettrait de réaliser des économies de fonds publics.
    Merci.
    Merci beaucoup, chef Levesque.
    Nous allons passer maintenant à M. Coldren.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'aimerais également vous remercier de me donner l'occasion de prendre la parole pendant quelques instants ce matin sur des questions portant sur les aspects économiques des services de police et visant l'efficacité de ces services.
    J'aimerais vous donner quelques détails sur mes antécédents et comment j'en suis venu à m'intéresser aux services de police. Je suis sociologue travaillant à l'Université de Chicago. Je fais de la recherche, surtout de la recherche en évaluation sur le système de justice pénale depuis 30 ans. Depuis 1997 environ, je participe à la recherche et à l'élaboration de programmes sur les services de police communautaires, les approches stratégiques sur la sécurité communautaire, la sécurité des quartiers ici aux États-Unis et, je travaille présentement dans le domaine des stratégies efficaces en matière de services de police, j'y reviendrai dans une minute.
    En plus de mon rôle de professeur en justice pénale ici à Governors State University, je suis également directeur national de la formation et de l'aide technique auprès du CNA pour le Bureau of Justice Assistance Smart Policing Initiative.
    Une des tendances en cours aux États-Unis dernièrement, et c'est probablement le cas ailleurs, porte sur la mesure et la recherche dans les services de police. Malgré plusieurs générations de progrès et d'innovation des services de police, on connaît peu de choses sur ce qui fonctionne en matière de stratégies et de tactiques policières. Il existe une longue tradition de ce que j'appellerais une analyse superficielle en plus de lacunes dans la méthodologie de recherche visant à évaluer l'efficacité des policiers. Nous avons constaté, ces 10 dernières années, un certain progrès dans ces domaines, mais il reste beaucoup à faire.
    Je le souligne parce que pour comprendre l'efficience et les paramètres économiques des services de police, nous devons améliorer nos méthodes de mesure et les intégrer à la culture policière. À titre d'exemple, une étude américaine publiée en 2010 comportait plus de 5 000 rapports de recherche sur l'efficacité des tactiques policières. Cette étude a conclu que seulement 11 de ces plus de 5 000 rapports avaient suffisamment de rigueur méthodologique pour qu'on puisse accepter leurs conclusions. Le résultat m'a étonné. Comment peut-on prendre des décisions concernant l'efficience si nous ne savons pas avec certitude quelles sont les approches policières qui ont les effets voulus?
    Depuis les quatre dernières années, je suis partie prenante aux États-Unis d'une approche appelée stratégies efficaces en matière de services de police, ce qui peut paraître curieux comme nom. Ce n'est pas le contraire de services de police inefficaces. À notre avis, cette approche représente une évolution naturelle des services de police qui s'appuie fortement sur des méthodes de recherche scientifiques. En termes simples, les stratégies efficaces en matière de services de police encouragent les services de police à collaborer avec les chercheurs dans plusieurs domaines clés: l'analyse de la criminalité; l'élaboration d'une intervention; la conception de solutions et d'interventions; la surveillance et l'évaluation de ces interventions, ce que nous appelons communément évaluation du processus ce qui consiste en une rétroaction en temps réel des services de police; les résultats et les conséquences de l'évaluation; et, très important, l'étude de la question de la validité externe. Si une tactique ou une stratégie policière est mise en oeuvre dans un champ de recherche, qu'elle fait l'objet d'une étude approfondie, puis est déclarée efficace, nous devons nous demander si elle pourrait être appliquée dans une autre administration.
    Plus précisément, les services de police qui adoptent une stratégie efficace adoptent également l'une ou plusieurs des approches suivantes dans le cadre d'un processus de planification stratégique. Il y a notamment l'analyse approfondie du crime et de l'ordre public et les problèmes de qualité de vie dans leur administration. Cela mène souvent à la collecte et l'analyse de nouvelles données. Il y a la mise en oeuvre d'initiatives de gestion intégrée territoriale, de prévention et d'intervention axées sur le délinquant. Plus récemment, nous avons constaté que ces deux initiatives vont de pair. De plus, nous constatons une amélioration de l'analyse de la criminalité et du renseignement en plus de la communication rapide des résultats de cette analyse aux patrouilles. À cela s'ajoutent des améliorations technologiques de toutes sortes.
(0955)
    Il y a des efforts concertés pour non seulement élaborer de nouvelles approches, mais aussi les intégrer dans le service pour qu'elles soient viables.
    Pour ce qui est de la collaboration et de la sensibilisation, je crois que nous devons inventer une expression sur les stratégies efficaces en matière de services de police. Nous parlons de sensibilisation à l'interne. Cela signifie que si vous introduisez des innovations dans un service de police, vous devez communiquer et collaborer tant avec les personnes au sein de ce service qu'avec celles à l'extérieur de ce service.
    Je puis également ajouter que si vous regardez ce qui se fait sur le plan des stratégies efficaces en matière de services de police, très peu de ces stratégies sont nouvelles ou novatrices. C'est la participation du chercheur qui est différente. Il s'agit de l'amélioration de l'analyse de la criminalité et du renseignement au sein du service qui est différente. Il s'agit de l'utilisation de la technologie pour acheminer des renseignements plus pertinents aux policiers dans la rue qui est différente. C'est l'évaluation des conséquences grâce à l'utilisation de concepts de recherche rigoureux qui est différente.
    Je ne sais trop s'il me reste du temps, mais je pourrais parler pendant quelques minutes de quelques applications de stratégies efficaces en matière de services de police s'il reste du temps.
    Il vous reste environ trois minutes.
    D'accord, j'en mentionnerai une. Cette application a été plutôt bien documentée par un chercheur de l'Université Harvard. Vous le connaissez peut-être. Il s'appelle Anthony Braga. Il est le partenaire de recherche pour la Smart Policing Initiative à Boston. Il se livre à l'analyse de la criminalité dans ce qu'il appelle « micro places » ou lieux précis à Boston. Il a circonscrit plus de 8 000 segments routiers à Boston et à réussi à colliger 30 années de données sur les crimes violents, triés et analysés dans ces lieux précis.
    Il a pu identifier avec une certaine précision les points chauds à Boston. En fait, ce n'était pas simplement les points chauds, mais de très petites zones géographiques qui avaient constamment été problématiques depuis une trentaine d'années. La stabilité de ces secteurs plus agités, ces points chauds, était incroyable. Ils ont créé une approche par équipe pour que celle-ci focalise sur les problèmes dans ces points chauds. Un des aspects les plus intéressants qu'il a découvert en menant cette étude, portait sur le fait que lorsque ces équipes agissaient de leur propre chef et adoptaient une approche axée sur le problème, elles étaient davantage portées à avoir recours à une forme d'engagement social plutôt qu'à des méthodes de répression. Elles ont obtenu d'excellents résultats grâce à une analyse comparative démontrant la réduction de 17 p. 100 des vols dans la rue et des crimes de rue violents.
    Je peux vous confirmer grâce au travail que j'ai fait à Boston, qu'il y a là un chercheur qui fait partie intégrante du service de police et qui est écouté par le commissaire de police et aussi des sergents, des lieutenants et des capitaines. M. Braga fait l'analyse de la situation dans les rues de Boston et les policiers modifient leurs tactiques et leurs approches en fonction de cette analyse. Voilà un exemple de stratégie efficace en matière de services de police.
(1000)
    Merci beaucoup, monsieur Coldren.
    Nous allons maintenant passer à la première série de questions. Vous disposerez de sept minutes pour les questions et réponses. Nous commencerons par M. Leef du parti ministériel.
    Merci, monsieur le président.
    Merci et bienvenue à nos deux témoins.
    Chef Levesque, de nombreux services de police de partout au pays ont témoigné au comité. Ce qui ressort bien sûr, c'est les pressions exercées sur les budgets de ces services et la demande en suspens de ressources supplémentaires, tant financières qu'humaines. Nous entendons un thème récurrent et vous-même l'avez soulevé encore aujourd'hui, les policiers interviennent dans des situations qui ne sont pas relatives à leurs activités principales. Ainsi, au fil des années, le service est devenu l'organisme de choix; pas nécessairement le dernier ou le meilleur. Malgré la volonté de certains services de police d'obtenir du soutien financier supplémentaire, certains d'entre eux ont reconnu que là n'est pas la solution visant le meilleur modèle de service de police.
    Selon mon expérience comme policier au Yukon dans les communautés autochtones du Nord, nous disions que si nous pouvions doubler l'effectif policier, nous pourrions régler les problèmes, mais en vérité, lorsqu'il s'agit de santé mentale, de toxicomanie et de violence familiale, ce sont des problèmes sociaux qui doivent être réglés ailleurs, avant l'intervention des services de police.
    Je ne crois pas que vous ayez soulevé la question dans votre déclaration préliminaire, mais que fait le service de police de Thunder Bay relativement à une approche intégrée avec les services de santé mentale, les groupes communautaires et les services sociaux? Vous avez parlé d'itinérance et de pauvreté. Que faites-vous à cet égard? Que fait-on à Thunder Bay pour mobiliser ces groupes, pour travailler avec eux afin que, par exemple, des policiers qui ne sont pas spécialisés en santé mentale s'occupent de tels problèmes et aussi que des policiers qui ne sont pas spécialisés en toxicomanie et en alcoolisme prennent constamment en charge les mêmes clients et ce, d'une perspective policière?
    Par votre entremise monsieur le président, je peux penser immédiatement à deux initiatives.
    Le service de police de Thunder Bay appartient au Conseil pour la prévention du crime de Thunder Bay auquel participent plus de 30 agences: les services de santé mentale, de soins de santé, de toxicomanie, etc.
    Le professeur a parlé de la recherche. Ce comité est géré par une dame qui a un doctorat en recherche et nous aide avec ce genre de choses. Voilà pour une chose.
    L'autre chose, c'est que nous prenons très au sérieux la toxicomanie. Je peux vous donner un exemple. À Thunder Bay en 2011, dans le cadre du programme d'échange de seringues, 660 000 seringues ont été remises mais seulement 220 000 ont été récupérées. Nous recevons constamment des appels pour ramasser les seringues souillées. Ce n'est pas à la police de le faire.
    En outre, un programme de gestion de l'alcoolisme a récemment été lancé. J'ai mentionné plus tôt que nous effectuons 3 000 arrestations par an de personnes en état d'ébriété. Il y a probablement 50 personnes qui constituent environ 80 p. 100 de ces 3 000 arrestations. Le programme de gestion de l'alcoolisme est offert dans le cadre d'un établissement doté de 15 lits. On tente d'inscrire au programme les personnes qui ont la plus forte dépendance à l'alcool pour gérer leur alcoolisme et donner aux ressources policières le temps de s'occuper d'autres choses.
(1005)
    Merci.
    Vous avez parlé du programme d'échange de seringues. Je connais très bien ce type de programme dans notre territoire. J'ignore s'ils l'ont présenté de la même façon qu'à Thunder Bay, mais c'était essentiellement présenté dans la collectivité comme un programme d'échange de seringues sécuritaire. La promotion indiquait que c'était un échange d'une seringue pour une autre, ce qui a donné l'impression à la collectivité qu'un toxicomane devait rendre une seringue avant d'en obtenir une.
    A-t-on fait la promotion de cette même façon à Thunder Bay? Évidemment, vous avez indiqué qu'il y en a une certaine quantité qui sont remises mais pas autant qui reviennent. Pourriez-vous en parler?
    Y a-t-il un moyen par lequel le gouvernement peut intervenir à différents niveaux ou doit-on adopter une façon différente de sensibiliser les gens pour faire en sorte que ce soit un échange d'une seringue contre une autre de façon concrète plutôt qu'en théorie? C'est bien sûr non seulement une perte de temps pour les policiers, mais c'est un problème de sécurité grave pour la collectivité lorsqu'on trouve des seringues qui traînent.
    Monsieur le président, je suis désolé j'ai raté la première partie de la question. J'ai probablement raté les cinq premières secondes mais je crois avoir compris l'essentiel.
    Je le qualifie de programme d'échange de seringues ici à Thunder Bay. Il est clair que ce n'est pas le cas. Lorsque vous remettez plus de 600 000 seringues et que vous n'en récupérez que 200 000, ce n'est pas un programme d'échange. Ce n'est certainement pas un échange d'une seringue pour une autre. Superior Points qui gère le programme ne le qualifie pas de programme d'échange. S'il existait une politique qui stipule que c'est une pour une plutôt que de remettre une boîte de 20 seringues à une personne à la fois et de ne pas en récupérer, cela nous aiderait beaucoup.
    Vous dites que vos policiers s'occupent des transferts à la cour et du transport des détenus. Y a-t-il des modèles disponibles ou d'autres agences à Thunder Bay qui, par exemple la GRC, participent à un programme grâce auquel des employés des Services correctionnels sont affectés à ces tâches? Cela dépend bien sûr si du personnel correctionnel est disponible ou non, mais ne pouvez-vous pas confier cette responsabilité à un sous-traitant?
    Par cette entremise monsieur le président, il y a deux aspects qui entrent en jeu.
    Tout d'abord, aux termes de la loi, il nous incombe d'offrir des services de sécurité à la cour mais pas vraiment le transport des détenus. En tant que service de police, nous devons assurer la sécurité à la cour puisque celle-ci est située dans notre municipalité.
    L'autre aspect est le transfert des tâches à des civils ou la privatisation qui est une tâche difficile dans le cadre des conventions collectives des associations de police. Il est très difficile d'avoir des policiers à temps partiel ou de faire intervenir des agences civiles, ou d'avoir recours à la sous-traitance étant donné le libellé rigide dans nos conventions collectives.
    Soyez très bref s'il vous plaît, monsieur Leef.
    S'il ne me reste pas beaucoup de temps alors je n'ai plus de questions.
    Merci, messieurs, pour le temps que vous nous avez accordé ce matin.
    Nous allons maintenant donner la parole à l'opposition pendant sept minutes.
    Monsieur Rafferty.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous deux de vous être déplacés.
    J'ai une question pour M. Coldren.
    Concernant les stratégies efficaces en matière de services de police, vous avez parlé de Boston, du travail ciblé et de l'évaluation qu'on a faits là-bas. À la lumière des tactiques qui ont changé à Boston, savez-vous s'il y avait un moyen de mesurer les économies financières réalisées?
    C'est une excellente question.
    Si j'avais à mentionner une des difficultés que nous posent les stratégies efficaces en matière de services de police et la recherche générale dans le domaine, ce serait l'aspect coût-bénéfice. Boston n'a pas mené, ou du moins n'a pas publié à ma connaissance, une analyse coût-bénéfice sur le sujet.
    Nous connaissons un certain nombre d'études réalisées et si le comité ne les a pas vues, je serai ravi de vous les envoyer. Plusieurs études ont été faites sur le coût des services policiers et le coût de traitement par la justice pénale de différents types de crime. J'avais pris quelques notes sur le sujet et les coûts varient grandement.
    Une étude estimait le coût d'un meurtre à 1,4 million de dollars et une autre étude estimait le coût à 8,6 millions. Ainsi, on suppose que si vous réduisez votre taux d'homicides de 10 p. 100, vous pouvez réaliser des économies de 10, 20 ou 30 millions de dollars. Mais cette méthodologie n'est pas tout à fait à point. Aujourd'hui, il est difficile de dire avec certitude quelle est la réduction des coûts liés à ces crimes.
(1010)
    Chef Levesque, j'aimerais vous poser une question rapidement concernant le programme de gestion de l'alcoolisme. C'est plutôt nouveau; je sais exactement à quel moment on a lancé ce programme car l'édifice est situé juste en face de mon bureau. C'est un édifice plutôt petit.
    Pourriez-vous nous dire, ou est-ce trop tôt ou impossible à déterminer, si cela a réduit le nombre d'appels que vous recevez provenant de ce secteur de la ville?
    Malheureusement, je ne peux répondre à cette question. Comme l'a indiqué M. Rafferty, le programme en est à ses débuts. Une étude exhaustive dont les résultats seront publiés en décembre est en cours.
    Vous avez parlé de l'unité de gestion des cas de violence familiale et de l'inclusion d'autres employés au sein de cette unité. Ai-je raison de croire qu'il ne s'agit pas uniquement d'agents qui travaillent dans l'unité mais qu'il y a aussi des professionnels de la santé mentale ou des gens particulièrement compétents en matière de violence familiale? En d'autres mots, pouvez-vous nous parler davantage de cette unité?
    Je vais m'adresser à la présidence pour vous répondre. Il n'y a aucun civil dans l'unité. Cinq gendarmes-détectives et un sergent gèrent l'unité. Nous engageons des civils et d'autres agences pour la formation et d'autres questions connexes. Mis à part les intervenants chargés d'assister les victimes, qui se présentent quand nous les appelons, ces civils ne se déplacent pas dans le même véhicule que nos agents. Donc la réponse à votre question est non.
    L'unité de gestion des cas de violence familiale a été établie pour libérer les agents de première ligne. En Ontario, pour un signalement de violence familiale pour lequel des accusations sont faites, il faut entre quatre et six heures pour remplir tous les documents; ce qui occupe deux agents en uniforme pendant tout ce temps. Nous essayons de faire en sorte que les agents soient présents pour la partie urgente de l'appel, c'est-à-dire calmer les choses et séparer les parties. Par la suite, l'unité s'occuperait de tout le travail de suivi, ce qui libérerait les agents pour du travail de police plus préventif et être plus présents dans les rues.
    Pouvez-vous nous parler des pressions budgétaires exercées sur votre service et des raisons qui les expliquent. Je sais que nos services policiers partout au Canada, particulièrement les services municipaux, se font demander par les maires et les conseils ainsi que par les contribuables de ne pas demander d'augmentation année après année. J'aimerais savoir si vous pourriez nous en parler ou simplement étoffer vos commentaires précédents.
    Ici en Ontario, c'est intéressant pour les chefs de police car ce sont les associations de police qui négocient les contrats avec la Commission des services policiers. La commission établit les contrats et les chefs doivent composer avec le résultat. Par exemple, l'année dernière nos agents ont reçu une augmentation salariale de 3 p. 100 qui, accompagnée de l'augmentation des avantages sociaux, se chiffrait finalement à 3,5 p. 100. La directive de la commission était de viser une augmentation nulle du budget dans la mesure du possible. Eh bien, les salaires et avantages sociaux représentent 90 p. 100 de notre budget. Donc sans éliminer d'emplois, il était presque impossible d'avoir une augmentation nulle. J'étais en fait plutôt satisfait de pouvoir réaliser l'augmentation de 3,5 p. 100 et ce, avec un budget assez dépouillé.
    Je comprends bien qu'il faut chercher à être efficace. Il est tout à fait clair qu'il n'y a aucun nouveau fonds. Nous espérons libérer des ressources grâce à l'unité de gestion des cas de violence familiale. Ainsi, nous ne devrons pas payer autant de temps supplémentaire pour certains signalements.
    Très souvent, nous devons passer des heures à l'hôpital à attendre qu'un prisonnier soit traité par le médecin. Il s'agit de ce genre de choses. Nous sommes en négociation avec l'hôpital local pour essayer de libérer nos agents dans ce genre de situation.
(1015)
    Plusieurs services de police nous ont parlé assez longuement des dépenses associées au palais de justice. Il ne s'agit pas simplement d'y travailler, mais bien d'attendre toute une journée dans la salle d'audience qu'une cause soit instruite. Ensuite, il arrive souvent qu'elle fasse l'objet d'une ordonnance de renvoi. Souvent il s'agit de temps supplémentaire pour l'agent. Comment caractérisez-vous ce genre de dépenses à Thunder Bay? Avez-vous pensé à des solutions de rechange?
    Par votre entremise, monsieur le président, nous venons de faire une étude tout récemment concernant la question que vous soulevez. Quatre-vingt-deux pour cent de nos agents qui se présentent au tribunal ne témoignent jamais. Il s'agit d'un genre de jeu des gobelets avec les avocats de la défense. Ils se présentent et lorsqu'ils voient que tous les agents convoqués sont présents pour témoigner, ils conseillent à leurs clients de plaider coupables. Nos agents ici à Thunder Bay reçoivent automatiquement quatre heures de travail à temps et demi, donc six heures de salaire seulement pour se présenter.
    Nous, le chef adjoint et moi, avons récemment rencontré l'avocat de la Couronne régional afin de discuter de la question. Nous espérons que les nombreux systèmes automatisés du nouveau palais de justice nous permettront de réduire ce fardeau. Le simple fait de porter attention aux dossiers et de déterminer exactement quels agents devront être présents pour témoigner sera utile.
    Nous passons maintenant à M. Gill pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux aussi remercier nos témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    J'ai une question pour le chef Levesque. Pouvez-vous nous aider à mieux comprendre la composition de votre collectivité? Vous avez dit que la population comptait 25 p. 100 d'Autochtones. Votre collectivité vous pose-t-elle d'autres problèmes dont vous voulez nous faire part?
    Par votre entremise, monsieur le président, dans ma déclaration préliminaire j'ai abordé deux défis extrêmement importants pour nous: la toxicomanie et la santé mentale. Nous passons beaucoup de temps à aider les gens dans toutes sortes de situations. Quelqu'un a dit un peu plus tôt que la police répond à toutes sortes de signalements et que nous sommes devenus un genre de filet de sécurité sociale. Les gens ne savent pas qui appeler. Ils trouvent quelques seringues souillées dans un parc et ils appellent la police.
    Nous nous occupons de toutes sortes de choses qui ne devraient pas faire partie du travail d'un service de police et cela nuit à notre capacité de faire des enquêtes pour des choses sérieuses comme l'exploitation sexuelle des enfants, les crimes violents, etc.
    J'ai parlé de la composition de notre municipalité. J'ai dit que la communauté autochtone est la communauté qui connaît la plus forte croissance. J'ai aussi dit que notre population prend de l'âge. Nous voyons donc une augmentation importante de crimes commis contre des personnes âgées, en particulier la fraude. Dans certains cas, il y a aussi de la violence familiale.
    Quelle est la population actuelle de Thunder Bay?
    La population actuelle de Thunder Bay est de 117 000 habitants.
    Pouvez-vous aussi nous dire combien d'agents de police et de civils vous employez? De quel genre de budget annuel disposez-vous?
    Oui, par votre entremise, monsieur le président, nous avions 224 agents assermentés. Nous avons perdu notre financement du Fonds de recrutement de policiers et depuis, nous sommes à 222. Nous avons 93 civils en plus des agents. Notre budget est d'environ 38 millions de dollars.
    Pouvez-vous nous donner une brève répartition de votre budget? Quel pourcentage est consacré aux salaires et aux autres opérations?
    Monsieur le président, 90 p. 100 de notre budget est consacré aux salaires et aux avantages sociaux. Les 10 p. 100 restants, un très petit pourcentage et qui n'est assurément pas discrétionnaire... nous connaissons une augmentation des frais juridiques associés à des questions disciplinaires. Nous avons une enquête importante qui commencera bientôt. Cela nous coûtera beaucoup en frais juridiques.
    Une foule de nouvelles dépenses viennent gruger notre budget à l'heure actuelle.
    Votre force policière dispose-t-elle d'un programme d'agents volontaires ou auxiliaires?
(1020)
    Pas pour l'instant. Nous avons récemment fait une étude de déploiement. Comme résultat de cette étude, nous avons lancé une nouvelle initiative qui s'intitule programme Zone Watch. Il s'agit d'un programme virtuel de police de quartier. La municipalité sera divisée en cinq zones. Les habitants et les entreprises du secteur peuvent se joindre au programme Zone Watch. Nous leur offrons de la formation. En outre, les mêmes agents seront affectés à ces zones pendant un à deux ans. Nous espérons qu'ils feront connaissance avec les gens et les entreprises du secteur. Ils maintiendront le contact avec les gens du programme Zone Watch grâce à notre site Web.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez abordé la difficulté à recruter et à maintenir les agents en poste. Pouvez-vous nous parler de ces défis?
    Oui. En fait, je parlais particulièrement des policiers autochtones. Les Nishnawbe Aski et les Anishinabekare ont toutes sortes de difficultés à recruter et maintenir des agents en poste.
    Nous avons également certaines difficultés de recrutement. Nous ne voyons pas le même engouement qu'auparavant. Si l'on souhaite qu'un service de police représente bien la collectivité qu'il sert, alors 25 p. 100 de nos agents devraient être autochtones. Ce n'est pas le cas. Nous ne sommes même pas près de ce chiffre.
    Nous essayons très fort de recruter des gens, mais la majorité des jeunes Autochtones ne penseraient même pas à s'intéresser à notre profession.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez d'une approche qui mobiliserait toute la collectivité afin de mettre en commun les renseignements de la police, de l'appareil judiciaire, des écoles, des professionnels de la santé mentale et d'autres?
    Pardon. Si vous cherchez...
    J'ai parlé de notre conseil pour la prévention du crime. Plusieurs agences partenaires y participent, comme les sociétés d'aide aux enfants, le Centre familial Dilico Anishinabek, ainsi que des groupes communautaires. Nous nous réunissons régulièrement. Je ne suis pas sûr que c'est ce que vous demandiez.
    Est-ce ce genre de participation communautaire que vous vouliez savoir?
    Oui.
    De plus, nos agents participent activement à divers conseils et comités dans les collectivités et la province. Nos agents siègent à plus de 90 conseils et comités de niveau provincial et municipal.
    En tant que chef de police, vous composez avec divers problèmes. Vous devez trouver le juste équilibre entre les besoins et souhaits de la communauté et les ressources disponibles pour faire votre travail. Je suppose que vous devez souvent prendre des décisions visant à augmenter l'efficacité de votre force policière et de ses opérations.
    Pouvez-vous nous décrire certaines initiatives en cours ou initiatives que vous souhaiteriez voir?
    Nous n'avons le temps que pour une courte réponse.
    Monsieur le président, j'ai mentionné quelques initiatives. Nous essayons d'optimiser l'utilisation de nos ressources en évitant que nos agents de première ligne soient retenus pour des tâches qui ne relèvent pas des réelles fonctions d'un policier.
    Nous passons maintenant du côté de l'opposition. Monsieur Scarpaleggia, vous avez sept minutes.
    Chef Levesque, vous avez dit dès le départ que votre financement de base a été coupé. Vous ai-je bien compris?
    Oui, nous avions du financement pour deux policiers, mais il a été coupé à la fin mars.
    Quel était ce financement de base? S'agissait-il d'une composante fédérale, du Fonds de recrutement de policiers ou d'une réduction de l'aide financière versée à votre service par la municipalité? Pouvez-vous nous dire exactement de quoi il s'agissait?
    Pardon. Je parlais du Fonds de recrutement de policiers. C'est ce financement et non notre financement de base qui a été coupé.
    Je vois.
    Vous avez indiqué qu'il serait possible de demander à des civils plutôt qu'à des agents de police de s'acquitter de certaines tâches, comme recueillir les seringues. Qu'est-ce qui vous empêche de créer une unité spéciale, une unité constituée de civils, pour ce genre de travail?
    À l'heure actuelle, vous envoyez des policiers et vous dites qu'il serait moins coûteux de confier ces tâches à des civils. Qu'est-ce qui empêche votre service de mettre sur pied son propre groupe de civils pour ce genre de fonctions? Vous faudrait-il une autorisation spéciale de la province? Qu'est-ce qui vous empêche de réduire les coûts en procédant ainsi?
(1025)
    Monsieur le président, je ne crois pas que la cueillette de seringues sales ou usagées soit une tâche qui relève de la police. Je n'envisagerais pas...
    Je comprends cela...
    Je n'envisagerais jamais de créer une unité constituée uniquement d'employés civils qui auraient la responsabilité première de s'acquitter de ces fonctions.
    Vous dites que vous acquitter de ces fonctions, c'est coûteux pour vous. Que pourriez-vous faire pour ne plus avoir à remplir ce genre de tâche? Comment pourriez-vous faire en sorte que cela ne relève plus de vous?
    Monsieur le président, l'organisation Superior Points, qui dirige le programme d'échange de seringues ici fait ce travail-là pendant le jour. C'est une agence civile.
    Alors, cela se fait déjà.
    C'est après les heures normales de travail que la situation...
    Avez-vous tenté de trouver une solution? Vous semblez hésiter: d'une part, vous ne voulez pas faire ce travail et vous ne croyez pas qu'il devrait vous incomber, mais, d'autre part, vous ne voyez pas qui d'autre pourrait le faire à votre place.
    À moins de payer cette organisation pour qu'elle s'en occupe 24 heures sur 24, sept jours par semaine, je ne vois pas comment les choses pourraient changer. Nous, nous répondons aux appels en tout temps.
    Je vois.
    Vous avez indiqué que, selon vous, les enquêtes sur l'exploitation sexuelle des enfants ne devraient plus se faire au niveau local mais plutôt au niveau national. Vous ai-je bien compris?
    L'Ontario a une stratégie provinciale concernant la plupart des grands crimes. Dans ce domaine, il faut une stratégie nationale, car c'est un crime qui est commis pas seulement aux niveaux municipal, provincial ou national mais aussi à l'échelle internationale et dont la croissance est exponentielle.
    J'ai rencontré le chef de ce service d'enquêtes à la PPO plus tôt cette semaine, et même pour moi qui ai 27 ans d'expérience, l'étendue du phénomène de l'exploitation sexuelle des enfants et du leurre d'enfants est renversante.
    À l'heure actuelle, vous n'avez pas accès aux ressources fédérales, que ce soit aux bases de données ou à l'aide technique de la GRC. Vous n'avez pas accès à ces ressources, n'est-ce pas?
     Puisque vous souhaitez que ces enquêtes soient menées au niveau national, est-ce que cela signifie que vous ne disposez pas d'aide des services fédéraux, seulement de la police provinciale?
    Monsieur le président, deux de mes agents font partie de l'unité des crimes informatiques qui a été créée dans le cadre de la stratégie provinciale de lutte contre le leurre et l'exploitation sexuelle des enfants. Je n'irai pas jusqu'à dire que la GRC ne nous offre pas de ressources quand nous en avons besoin, mais elle ne fait pas partie de ce groupe de travail. Au niveau local, nous avons d'excellentes relations avec la GRC et la police provinciale de l'Ontario et nous leur demandons souvent de nous fournir des ressources.
    Mais vous semblez dire que ce groupe de travail local devrait compter aussi des membres de la GRC?
    Ce serait extrêmement utile car elle dispose de beaucoup plus de ressources que nous; de ressources que nous n'aurons jamais.
    Merci.
    Selon vous, Monsieur Coldren, comment pourraient s'articuler dans la pratique ces stratégies pour une police plus efficace?
    Chaque corps de police pourrait faire appel à un chercheur, pas toute une équipe car ce serait trop coûteux, mais quelqu'un qui pourrait quantifier le coût des mesures prises et les avantages en découlant.
    Vous semblez dire qu'il faudrait intégrer à chaque corps policier un poste voué à ce type d'analyse. Est-ce ainsi que vous imaginez la mise en oeuvre? Chaque service de police au pays compterait ainsi sur au moins un chercheur qui pourrait s'inspirer des études les plus récentes menées en la matière par des universitaires ou des groupes de réflexion régionaux ou nationaux. Est-ce bien ce que vous proposez?
    J'envisage cela sous différents angles.
    Dans une perspective générale, il importe de se demander comment on pourra améliorer la capacité d'analyse de nos corps de police. Là encore, mon expérience a été essentiellement acquise aux États-Unis. Comme la plupart des services de police des États-Unis sont en fait de petite et moyenne taille, on voit mal comment chacun pourrait retenir les services d'un chercheur détenant un doctorat.
    Je trouve intéressante l'interaction entre un chercheur — dans un cadre universitaire ou autre — et la fonction d'analyse des crimes ou d'analyse des renseignements dans un service de police. Lorsque la fonction d'analyse du corps policier est vraiment solide, les services d'un chercheur deviennent moins nécessaires. Dans d'autres cas, la capacité d'analyse à l'interne est tellement réduite que l'aide extérieure devient sans doute indispensable.
    Je veux faire valoir encore une fois que les décideurs devraient investir davantage dans la capacité de recherche et d'analyse des services de police, ce qui se traduirait par des gains d'efficience.
(1030)
    Merci beaucoup, monsieur Coldren.

[Français]

    Nous passons maintenant au deuxième tour pour des périodes de questions d'une durée de cinq minutes. Nous commençons par M. Rousseau.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Messieurs, bienvenue.

[Français]

    Monsieur Coldren, en vous écoutant, je me suis rendu compte que nous ne mesurons pas suffisamment l'efficacité de nos corps policiers puisque ce n'est pas dans leur culture.
    Je vais prêcher pour ma propre paroisse. J'ai étudié en relations de travail, en organisation du travail et en gestion des ressources. L'une des grandes erreurs des organisations est souvent le manque d'analyses et d'approches holistiques et, je dirais même, de planification des ressources. La gestion des ressources, ce n'est pas seulement la gestion financière, mais également la gestion du matériel attribué à nos ressources humaines. Or il n'y a pas de contrôle à cet égard.
    Il y a trois questions que je me pose souvent comme gestionnaire. Qu'est-ce que font nos ressources humaines sur le terrain? Sont-elles efficaces et utiles? Font-elles bien leur travail?
    Je vais vous laisser tout le temps qui reste pour convaincre mes collègues. Cette étude tire à sa fin et je crois que ma principale conclusion, c'est qu'il manque une bonne gestion des ressources, tant humaines que matérielles et financières.

[Traduction]

    Merci, monsieur. J'aimerais répondre à vos observations de deux façons.
    J'ai tendance à être d'accord avec vous. J'estime que les chefs et les gestionnaires des services de police modernes doivent maîtriser cette approche, le type d'analyse que vous évoquez; mais je ne crois pas qu'ils aient la formation requise pour ce faire. Je sais que les chefs qui deviennent cadres suivent une formation assez poussée pour parfaire leurs compétences en leadership et en gestion de la dynamique organisationnelle. Cette démarche ne semble toutefois pas vouloir se concrétiser de façon systématique au sein des différents corps de police aux États-Unis. Nous militons pour une approche plus holistique des services de police et de l'analyse. Comme je l'ai déjà dit, nous estimons qu'il en découlera des gains d'efficience.
    Permettez-moi de renvoyer le comité à une étude, que je serai heureux de vous fournir si vous ne l'avez pas encore. Cette étude réalisée en 2010 par la Harvard Kennedy School of Government portait sur la hausse des coûts des services de police et mentionnait plusieurs raisons à l’origine de leur augmentation graduelle sur une période de 10 à 15 ans.
    Le chef Levesque a raison. Cet accroissement des coûts est en grande partie attribuable au fait que l'on demande de plus en plus aux policiers d'accomplir des tâches qui ne sont pas nécessairement reliées directement au maintien de l'ordre ou à la sécurité publique. À la lumière de ce constat, il apparaît assez évident que les gains d'efficience visés ne deviendront possibles que si l'on repense du tout au tout nos attentes envers les services policiers et la manière dont nous les articulons. L'étude dont je vous parle soulève ainsi plusieurs points très intéressants sur les moyens à prendre pour optimiser nos investissements en maximisant l'efficience de nos services.
    Par exemple, les auteurs soulignent que le recours à la technologie pour accroître l'efficience — ce qu'on appelle un multiplicateur de force — se traduit en fait dans la pratique par des gains minimes, vite absorbés par la hausse des coûts due à l'inflation. Pour véritablement optimiser l'efficience de nos services de police, il faut repenser complètement les rôles de l'agent de police et du corps policier dans la société, ainsi que nos attentes à leur égard.
    Je ne pense pas que...
(1035)
    Merci, monsieur Coldren. Je dois vous arrêter.
    Nous passons aux ministériels. M. Hawn a la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Et merci à nos deux témoins de leur présence aujourd'hui.
    Chef Levesque, avant de passer aux questions, j'aimerais vous demander si vous pourriez nous envoyer votre étude sur les coûts de la présence d'agents de police lors de procès et sur les ressources affectées à cela. Sauf erreur de ma part, vous avez indiqué que 82 p. 100 du temps de cette présence est gaspillé. Pourriez-vous nous faire parvenir cette étude?
    Monsieur le président, je ne demande pas mieux.
    Merci beaucoup.
    Il a été beaucoup question de la façon de réagir au crime. J'aimerais parler un peu de prévention. Comme vous l'avez dit, votre corps de police compte 315 employés civils et policiers. Il en comptait 317 avant que le financement temporaire apporté par le Fonds de recrutement des policiers ne prenne fin, comme c'était clairement prévu. La réduction a été de moins d'un pour cent, pour vous.
    Vous avez deux agents de police dans votre bureau de liaison autochtone. Quel pourcentage de crimes sont commis par les Autochtones de Thunder Bay, qui représente 25 p. 100 de la population totale? Vous avez des chiffres?
    Monsieur le président, je regrette, mais je n'ai pas ces chiffres.
    Diriez-vous que le pourcentage est disproportionné par rapport au fait que les Autochtones représentent 25 p. 100 de la population totale?
    Monsieur le président, je préfère éviter de me lancer dans des suppositions. Comme je n'ai pas les chiffres devant moi, je pense qu'il vaut mieux ne pas émettre de conjectures.
    Je comprends. Je suis un peu surpris, vu la forte proportion d'Autochtones dans la population de Thunder Bay et vu la situation dans l'ensemble du pays — je parle en fonction de la réalité d'Edmonton, sans avoir de chiffres précis. Je sais que les Autochtones sont représentés de façon disproportionnée dans le système de justice pénale. C'est un fait généralement reconnu au pays.
    Ne serait-il pas logique d'affecter à cette unité une ou deux personnes de plus parmi vos 222 agents en uniforme? Vous avez dit que vous aimeriez doubler ce nombre. N'en récolteriez-vous pas les fruits à plus long terme, sur le plan de la réduction des...? Vous avez signalé que 50 personnes étaient responsables de 80 p. 100 des arrestations pour ébriété. Ne pensez-vous pas qu'affecter d'autres agents à cette unité de liaison autochtone porterait des fruits à long terme?
    Monsieur le président, je crois que ce serait sûrement utile, au moins pour tisser des liens avec les Autochtones. Les agents de liaison ne s'occupent pas beaucoup de faire respecter la loi. Ce sont véritablement des agents de liaison, qui font beaucoup de travail communautaire. Je serais ravi de tout montant provincial, fédéral ou municipal me permettant d'augmenter l'effectif de l'unité. Mais je ne crois pas qu'il y en aura.
    Sans connaître les réalités comme vous puisque vous vivez là-bas contrairement à moi, je vous fais valoir qu'un petit effort à court terme serait susceptible de porter des fruits à long terme.
    Vous avez parlé de représentation dans différents conseils en matière de réseau social, de logement, de santé mentale, etc. D'autres corps policiers — je pense à celui de Prince Albert — ont une approche beaucoup plus systématique et affectent non seulement des agents de police mais des personnes chargées du logement, de la santé mentale, des dépendances, de l'éducation, etc., sur le terrain, pour intervenir auprès du petit pourcentage de personnes ou de familles représentées de façon disproportionnée dans le système de justice pénale. Cette approche vous semblerait-elle logique?
(1040)
    Par votre entremise, monsieur le président, je connais le modèle de Prince Albert. Je suis d'accord que c'est quelque chose que nous pourrions envisager et que nous envisageons en fait. Le chef de police adjoint ici à Thunder Bay est membre du Conseil pour la prévention du crime local. C'est une question qu'il soulèvera lors de la prochaine réunion du conseil.
    La raison est fort simple, vous avez les intervenants clés à la table. C'est un endroit pour soulever la question pour voir quelle est la rétroaction et pour savoir si les autres agences souhaitent y participer.
    Je vous encourage à le faire puisque, selon notre expérience au comité et nos visites ailleurs, les autres services de police — je sais je parle encore d'Edmonton — souhaitent participer. Je serais étonné que ce ne soit pas le cas à Thunder Bay.
    Monsieur Coldren, vous avez parlé de sensibilisation à l'interne. J'estime que c'est très important. Vous devez bien sûr avoir l'assentiment des gens qui font le travail. Selon votre expérience, et puisque vous devez travailler au sein de différents services de police, y a-t-il eu des moments révélateurs, « Ça alors, j'ai compris; c'est tout-à-fait logique »?
    Il vous reste seulement le temps de répondre très brièvement.
    Je crois que c'est vrai. Je vais vous donner un exemple.
    À Memphis au Tennessee, ils étaient confrontés à un grave problème de cambriolage résidentiel. Ils ont fait ce que j'appelle une analyse superficielle et ont découvert que les districts de police avec les plus hauts taux de cambriolage résidentiel étaient les districts où les délinquants allaient à leur sortie de prison. C'est une analyse très commune aux États-Unis; cela se fait probablement au Canada aussi. Ils ont immédiatement décidé de collaborer avec les services de libération conditionnelle et les services de police pour régler ce problème de cambriolage. Ils ont embauché un chercheur de l'Université de Memphis qui s'est penché sur la question de façon plus détaillée. Il a trouvé un lien étroit entre l'absentéisme scolaire et les cambriolages résidentiels commis par des jeunes.
    En très peu de temps ils se sont rendu compte qu'ils étaient sur la mauvaise piste compte tenu de données traditionnelles sur lesquelles ils se fiaient pour analyser ces problèmes. Suite à du travail d'enquête, des groupes de consultation dans la collectivité et du travail de collaboration, ils avaient une compréhension tout à fait différente du problème auquel ils faisaient face. Ils ont clairement adopté une approche très différente.
    Ce genre de choses arrive très fréquemment.
    Merci monsieur Coldren.

[Français]

    Je cède la parole à Mme Michaud, qui dispose des quatre dernières minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens remercier nos deux témoins de leur présentation.
    Mes questions s'adresseront à M. Levesque.
    Au comité, on semble vous avoir recommandé très fortement de faire plus d'efforts et d'essayer d'appliquer des modèles un peu différents, entre autres le modèle de Prince Albert. Selon vous, quelles contraintes vous empêcheraient de pleinement mettre en oeuvre ce modèle?
    Vous avez déjà parlé de financement. Si vous n'avez pas mentionné certaines choses à cet égard, vous pourriez le faire maintenant.
    En somme, d'autres contraintes vous empêchent-elles de mettre en oeuvre un tel modèle?

[Traduction]

    Par votre entremise, monsieur le président, je ne suis pas certain que ce soit simplement notre organisme, mais il y a des limites aux ressources accordées et les souhaits des autres agences qui entrent en jeu. Comme un des membres du comité l'a suggéré et comme vous l'avez constaté, d'autres collectivités y sont très intéressées. Comme je l'ai dit, nous allons le présenter comme un concept de prévention pour encourager les organismes communautaires à nous aider.

[Français]

    Merci.
    Tout à l'heure, dans votre présentation, vous nous avez parlé du Thunder Bay Crime Prevention Council, qui regroupe une trentaine d'organisations dans votre région. Celles-ci se réunissent pour discuter de certains problèmes. Pourriez-vous parler davantage du travail qu'elles effectuent actuellement?

[Traduction]

    Monsieur le président, le groupe fait le lien avec les autres agences qui, d'après nous, devraient être à la table. Je siégeais moi-même au comité lorsque j'étais chef adjoint.
    Il s'agit de liens avec d'autres organismes, de discussions sur des sujets qui ne touchent pas la police, toutefois, ce sont des enjeux discutés avec d'autres agences sociales, notamment les sociétés d'aide à l'enfance. Il se fait du travail en matière de politique. Il se fait du travail avec les groupes communautaires comme l'embellissement des lieux et la prévention du crime par le biais... Il se fait un développement ergonomique. C'est le genre de travail que réalise ce conseil.
(1045)

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons ce matin. Nos analystes seront en contact avec le chef Levesque et M. Coldren pour des documents complémentaires. J'aimerais aviser le comité qu'il pourrait y avoir des retards dans la distribution, car nous supposons que le matériel venant des États-Unis est disponible seulement en anglais et devra être traduit avant d'être distribué.
    J'aimerais remercier nos deux témoins pour une séance très intéressante ce matin. Nous allons vous contacter.
    La séance est levée.
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