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Bonjour à tous et bienvenue.
Je me sens encouragé par l'intérêt soulevé par notre séance d'aujourd'hui, dont témoignent l'assistance assez nombreuse ainsi que la présence de caméras et des médias.
Ceci est la deuxième séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale en ce jeudi 17 novembre 2011. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi .
Dans le premier groupe de témoins que nous entendrons aujourd'hui, nous accueillons M. Robert Dutil, ministre de la Sécurité publique du Québec.
Bienvenue à Ottawa et à notre comité.
Nous accueillons également les représentants de l'Association canadienne des chefs de police: le chef de police du Service de police de Gatineau et vice-président de l'association, M. Mario Harel; le chef de police du Service régional de la police de Waterloo, M. Matthew Torigian. La Canadian Shooting Sports Association nous a délégué son directeur exécutif, M. Tony Bernardo, et sa directrice de l'administration, Diana Cabrera. Nous accueillons également la coordonnatrice bénévole du programme La chasse au féminin de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs, Mme Hélène Larente.
Notre comité tient à vous remercier tous d'être venus. Si j'ai bien compris, un membre de chacun des groupes que vous représentez fera un exposé devant le comité. Nous vous en remercions d'avance. Nous essayons de limiter leur durée à sept ou huit minutes. Je vous préviendrai quand vous serez rendus à sept minutes et demie, pour que nous ayons le temps de poser le plus grand nombre possible de questions.
J'aimerais débuter par le ministre de la Sécurité publique du Québec.
Monsieur Dutil, je vous en prie.
[Français]
Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour cette présentation. Je salue tous les membres du comité.
Je vais faire un peu le tour des diverses positions relatives au registre des armes à feu. On sait que depuis 2006, la position du gouvernement conservateur concernant le registre des armes à feu est claire. À maintes reprises, il a présenté plusieurs projets de loi visant l'abolition du registre des armes à feu sans restriction. Il faut toutefois bien comprendre que notre position, au Québec, est également claire. Nous croyons en un système d'enregistrement universel des armes à feu, lequel est très utile pour la prévention du crime et le travail des policiers. D'ailleurs, cette position est partagée par l'ensemble des parlementaires québécois, à l'unanimité, les organisations policières du Québec, les organismes qui oeuvrent en matière de santé et de sécurité publique et les familles des victimes de tragédies survenues au Québec.
Outre la position ferme du gouvernement conservateur d'abolir le registre, le gouvernement fédéral a décrété en 2006 une amnistie à l'égard de l'enregistrement des armes d'épaule, amnistie renouvelée depuis tous les ans, ce qui a contribué à affaiblir l'application de la Loi sur les armes à feu.
Le projet de loi , tel que présenté et étudié, vise non seulement à abolir le registre des armes à feu, mais prévoit également la destruction de toutes les données relatives à l'enregistrement des armes à feu sans restriction inscrites au registre depuis sa création, destruction que nous déplorons.
Le projet de loi C-19 constitue même un recul par rapport aux règles qui existaient avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les armes à feu, en 1998. En effet, avant cette date, il y avait l'obligation pour le marchand de tenir un registre de leur inventaire d'armes à feu, lequel consignait aussi les transactions liées à la vente des armes, dont des données sur l'acquéreur. Le projet de loi C-19 ne prévoit pas remettre en place cette obligation. Selon le projet de loi C-19, lorsqu'un acheteur d'arme se présentera chez le marchand, ce dernier n'aura plus l'obligation de vérifier si l'acquéreur détient un permis d'acquisition et de possession d'arme à feu, ce qui constitue, selon nous, un recul important.
Permettez-moi un rappel historique des évènements. Depuis 1984, plusieurs familles québécoises ont vécu des tragédies impliquant des armes à feu. Il y a eu la prise d'assaut de l'Assemblée nationale, le 8 mai 1984; la tuerie à l'École Polytechnique de Montréal, le 6 décembre 1989; la fusillade à l'Université Concordia, le 24 août 1992; et la tragédie du Collège Dawson, le 13 septembre 2006.
Depuis ces tragédies, nous avons, de notre côté, renforcé les mesures visant à exercer un meilleur contrôle des armes à feu sur le territoire du Québec et participé activement à l'élaboration de la Loi sur les armes à feu qui est entrée en vigueur, comme vous le savez, le 1er décembre 1998. Après la fusillade survenue au Collège Dawson, à Montréal, le Québec a adopté, de plus, la Loi visant à favoriser la protection des personnes à l'égard d'une activité impliquant des armes à feu et modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports, une loi qui fut appelée la « Loi Anastasia », en mémoire de la jeune étudiante Anastasia De Sousa décédée lors de cet évènement.
Le Québec a également mis en place des mesures opérationnelles, entre autres, le renforcement du module de cybersurveillance et de vigie de la Sûreté du Québec. Il a mis sur pied une unité mixte de lutte contre la contrebande d'armes à feu. Cependant, cela n'est pas suffisant. Le registre des armes à feu constitue un outil essentiel pour les enquêtes et les interventions policières. Selon les dernières statistiques de 2011, le registre est interrogé plus de 700 fois par jour par les policiers du Québec, non pas de façon automatique — je tiens à le préciser —, mais par une interrogation volontaire des policiers qui ont besoin de cet outil.
La consultation du registre soutient la prise de décisions éclairées lors d'opérations policières en permettant, notamment, d'établir le nombre et le type d'armes à feu détenus par les individus visés par les interventions, et d'intervenir en conséquence.
L'interrogation du registre peut également constituer le point de départ d'une enquête, lorsqu'une arme à feu récupérée sur une scène de crime, et ainsi contribuer à établir la chaîne de possession. Jusqu'à maintenant, 1 560 359 armes à feu sans restriction ont été enregistrées par des particuliers au Québec, soit 91,2 p. 100 de toutes les armes à feu. L'abolition de l'enregistrement de celles-ci nous ferait perdre la trace de ces armes.
La violence conjugale est un phénomène de notre société, et le registre contribue aussi à la prévention des drames et de crimes contre la personne. Au Québec, entre 2006 et 2010, nous avons recensé 264 évènements de violence conjugale impliquant des carabines ou des fusils. Les statistiques démontrent que les armes de chasse sont plus souvent utilisées que les armes de poing dans le cas de violence conjugale. Lorsque des policiers interviennent dans une telle situation, une consultation au registre leur permet de savoir rapidement si un conjoint violent est en possession d'armes à feu.
En conséquence, les policiers peuvent moduler leurs interventions ou encore les retirer de façon préventive.
Quant au suicide, les statistiques de l'Institut national de santé publique du Québec démontrent que, parmi les 650 suicides commis par arme à feu répertoriés au Québec sur une période de quatre ans, 565 l'ont été avec une arme à feu sans restriction, soit près de neuf suicides sur dix.
Le registre des armes à feu est donc un outil très important de prévention du suicide. Le fait d'enregistrer les armes à feu sans restriction vise à les rendre moins accessibles aux personnes susceptibles d'en faire une mauvaise utilisation, par exemple les personnes dépressives.
Il contribue également à la protection des personnes atteintes de troubles mentaux et de leurs proches. L'enregistrement universel permet au contrôleur des armes à feu du Québec de vérifier si des armes à feu sont possédées par des personnes visées par une ordonnance de garde en établissement ou d'évaluation psychiatrique.
En vertu de la Loi Anastasia, le contrôleur des armes à feu est systématiquement informé de ces demandes. Entre le 1er janvier 2008 et le 1er novembre 2011, 18 661 demandes d'ordonnance lui ont été signalées, et la consultation du registre a permis d'effectuer plus de 1 000 interventions afin d'assurer la sécurité des personnes. Je suis persuadé qu'ainsi, plusieurs vies ont pu être sauvées. Le fait d'abolir le registre va limiter l'application de la Loi Anastasia.
Pour toutes ces raisons et bien d'autres que je ne peux énumérer faute de temps, je tiens à réitérer que le gouvernement est contre l'abolition du registre des armes à feu.
Nous ne remettons aucunement en question la légitimité d'activités telles que la chasse ou le tir à la cible, pratiquées dans le respect des lois. Nous visons plutôt à sensibiliser les citoyens à la nécessité et à l'importance d'enregistrer leurs armes à feu, comme ils acceptent, d'ailleurs, d'enregistrer leurs autres biens personnels.
J'en profite aussi pour vous mentionner que, dans la plupart des cas, il ne suffit que d'environ trois minutes pour procéder à cet enregistrement.
En terminant, le registre canadien des armes à feu est d'une importance considérable pour le Québec. C'est l'ensemble des Canadiens, dont les Québécois, qui y ont participé financièrement.
Pour l'ensemble des raisons évoquées, je réitère la position du gouvernement du Québec et demande le maintien intégral du registre des armes à feu et de décriminaliser toute omission d'enregistrement des armes à feu sans restriction.
À défaut, je vous demande de modifier le projet de loi en y retirant les dispositions relatives à la destruction des données et d'entreprendre dans les meilleurs délais des discussions visant le transfert des données au Québec, données pour lesquelles les citoyens de cette province ont payé.
Si l'enregistrement des armes à feu sans restriction ne devait sauver qu'une seule vie, nous sommes justifiés, sur le plan moral, de continuer nos démarches afin de le maintenir. Toutefois, on sait d'ores et déjà que le registre des armes à feu a sauvé beaucoup plus qu'une seule vie. Il en a sauvé plusieurs.
Merci.
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Bonjour. L'Association canadienne des chefs de police a toujours donné son appui au registre des armes d'épaule. Permettez-moi de vous rappeler pourquoi.
Premièrement, nous considérons que c'est une question de sécurité publique, à la lumière de notre responsabilité d'assurer la sécurité de nos collectivités, de nos agents et de nos citoyens les plus vulnérables.
Deuxièmement, le registre représente une valeur ajoutée certaine sur le plan de l'application de la loi et pour les collectivités que nous desservons, parce qu'il est utile à la prévention et aux enquêtes.
Troisièmement, en dépit des coûts initiaux élevés lors de sa mise en place, le registre des armes d'épaule fonctionne aujourd'hui de façon très économique, comme le précise une vérification interne de la GRC.
Quatrièmement, nous croyons que le registre favorise la responsabilité et la responsabilisation des propriétaires d'armes à feu.
Enfin, il assure un équilibre raisonnable entre l'exercice d'un privilège individuel et le droit général de la société à la sécurité.
Il y a à peine un an, le Programme canadien des armes à feu de la GRC indiquait que les agents d'application de la loi consultaient le registre 11 000 fois par jour. Aujourd'hui, ce chiffre a augmenté à 17 000 fois par jour. Il est vrai qu'une part de ces consultations est attribuable à des interrogations automatiques. Toutefois, il ne s'agit que de rares cas, ce qui confirme, à notre avis, que les responsables de l'application de la loi voient dans cet outil une source d'informations précieuse, un élément qui, combiné à d'autres renseignements, aide à évaluer une situation à laquelle peut être confronté un agent.
Nous nous inquiétons du fait qu'en cas du démantèlement du registre des armes d'épaule, on peut se demander quel moyen de contrôle empêcherait des personnes d'amasser des stocks d'armes à feu et des organisations criminelles d'y accéder, si nous n'avons pas ces informations.
Nous nous inquiétons du fait qu'il n'y aura aucune trace documentaire des transferts d'armes d'épaule. Or nous savons que, de 2006 à 2009, 1,85 million d'armes d'épaule ont changé de main.
Nous nous inquiétons aussi de notre capacité d'assurer la mise en application d'ordonnance d'interdiction. D'importants coûts s'ajouteront à nos enquêtes, à la charge des services de police, ce qui pourrait mener à des délais cruciaux dans l'obtention de renseignements nécessaires aux enquêtes.
Ces inquiétudes ne constituent que quelques exemples. Il n'y aura plus de documentation obligatoire indiquant quelles armes à feu ont été vendues, à qui ou en quelle quantité elles l'ont été. Nombreux sont ceux qui se demandent si le registre des armes à feu a sauvé des vies. Comme dans le cas de nos lois sur l'alcool au volant et même du Code criminel, les répercussions ne sont jamais révélées par des chiffres qualifiés, mais nous savons que le registre sauve des vies.
Le fait est que le taux d'homicides avec une arme d'épaule a considérablement baissé. Statistique Canada indique que les suicides à l'aide d'une arme à feu ont baissé de 48 p. 100 depuis l'entrée en vigueur de la loi, en 1995. Nous espérons que la tendance va se poursuivre. Avant la création du registre des armes d'épaule, les vendeurs d'armes à feu étaient obligés d'enregistrer leurs ventes. Maintenant, ils n'auront plus à le faire. Imaginez la somme et les coûts des efforts qui seront requis pour retracer les armes à feu dans le cadre d'une enquête. Il s'agit d'un dossier qui nous tient profondément à coeur.
Nous savons que rien de ce que nous dirons aujourd'hui n'empêchera l'adoption de ce projet de loi par le gouvernement. Nous reconnaissons également que, en ce qui concerne l'abolition du registre des armes d'épaule, le gouvernement n'a rien caché aux Canadiens de son intention d'adopter ce projet de loi.
Dans notre système parlementaire, dans notre grande démocratie, nous devons respecter les souhaits des Canadiens qui ont élu ce gouvernement et qui ont appuyé ses objectifs déclarés.
Nous, de l'Association canadienne des chefs de police, nous avons appuyé de nombreuses mesures proposées par ce gouvernement contre la criminalité. Pas plus tard que le mois dernier, quatre de nos représentants ont été appelés à s'exprimer en faveur du projet de loi sur la sécurité des rues et des communautés. Dans le cadre de l'appui général de notre association à ce projet de loi, le chef Dale McFee, président de l'association, a affirmé qu'elle continuait d'appuyer les modifications législatives qui aident à assurer la sécurité des collectivités canadiennes. La différence, en ce qui concerne le registre des armes d'épaule, c'est qu'il a une utilité sur le plan de la prévention plutôt que, uniquement, sur celui de l'accroissement des peines.
Durant le débat sur le registre, on a tenté, de façon troublante, de discréditer le point de vue de la police et des chefs de police et de créer des divisions. Un député a publié un communiqué sur un sondage très peu scientifique, dans lequel il affirmait que l'immense majorité des policiers souhaitaient la fin du registre. Il ajoutait, au sujet de notre association, qu'il fallait se demander au nom de qui elle s'exprimait.
Vous ne pouvez pas accepter notre opinion quand elle est utile à vos objectifs, puis la rejeter quand elle s'y oppose. Nous vous demandons de la respecter ou, à tout le moins, d'accepter respectueusement que nous ne soyons pas d'accord avec vous. Ici, nous ne nous adressons pas uniquement au gouvernement, mais à tous les députés, que ce soit dans ce dossier ou dans tout dossier touchant l'application de la loi.
En ce qui concerne notre souhait de préserver le registre des armes d'épaule, les dirigeants policiers de partout au pays, à l'échelon fédéral, provincial et municipal, ont démontré une solidarité sans précédent. Les prises de position de notre association sont adoptées en fonction des points de vue de la majorité de nos membres. Les prises de position individuelles sont respectées, et les membres sont libres de s'exprimer. En fait, lors de notre assemblée générale annuelle de 2010, l'unanimité s'est faite à l'appui du maintien de cet outil très efficace. Certains, au gouvernement, préfèrent entendre les rares voix discordantes et prétendre qu'elles représentent la véritable opinion des services policiers.
Si incroyable que cela vous paraisse, on n'a absolument pas consulté la police dans le dossier du registre des armes d'épaule. En mai, notre comité national des armes à feu a reconnu, dans une lettre envoyée au gouvernement, son intention de démanteler le registre. Nous lui avons offert de faire partie de la solution pour l'avenir et nous avons présenté des propositions sur la façon d'atténuer l'incidence de sa décision sur l'application de la loi et la sécurité publique. Malgré nos nombreux rappels, il ne nous a accordé aucune chance d'en discuter.
Dans cette lettre, nous proposions des options visant la conservation des données existantes; l'enregistrement des ventes par les commerces d'armes à feu; les transferts d'armes à feu entre particuliers; l'intégration de représentants de la police dans le Comité consultatif des armes à feu du gouvernement.
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Bonjour, je m'appelle Hélène Larente. Je suis de Rapides-des-Joachims, au Québec. Je suis une femme chasseuse très impliquée dans la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs du Québec. Je suis monitrice pour le Programme d'éducation en sécurité et en conservation de la faune. Je suis monitrice pour le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, et je suis l'instigatrice et la coordonnatrice du Programme la chasse au féminin. Je suis impliquée depuis plus de 25 ans dans des organismes de chasse et de pêche, et dans la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs qui défend l'intérêt des chasseurs et des pêcheurs au Québec.
Je suis ici aujourd'hui à titre de Québécoise et Canadienne pour dire, comme la fédération, que j'appuie le projet de loi C-19 sur l'abolition du registre des armes longues, les armes d'épaule. Je crois que le maintien d'un tel registre est inutile pour plusieurs raisons. Je ne crois pas qu'il protège les femmes ni la société. Il donne un faux sentiment de sécurité, car le fait que l'arme soit enregistrée n'empêche pas l'utilisation de cette dernière pour commettre l'irréversible. C'est se mettre la tête dans le sable que de penser cela. Quant aux agents de la paix, ils doivent et devront toujours agir comme s'il y avait des armes dans les endroits où ils doivent intervenir, car les armes non enregistrées existent et existeront toujours, même avec un registre. Le registre des armes longues n'a été d'aucune efficacité pour atteindre l'objectif de base de réduire la criminalité. Malheureusement, le fameux registre n'a pas empêché d'autres actes déplorables, similaires à celui qui a entraîné le drame de l'École polytechnique de Montréal, d'être commis.
En tant que chasseuse, je trouve injuste que nous soyons traités comme des criminels et que nous soyons pénalisés à leur place, puisque les vrais criminels détournent les lois et n'enregistrent pas leurs armes. J'irais même jusqu'à dire que le registre a pour effet d'encourager la contrebande. De plus, les débats entourant ce fameux registre entretiennent une vision négative des chasseurs. Ce n'est pas l'arme même qui est dangereuse, mais la personne qui l'utilise. Le fait que l'arme soit enregistrée ne change rien.
À ce jour, des milliards de dollars ont été dépensés inutilement, et ce sont les mauvaises personnes qui ont été ciblées. Le maintien d'un tel registre coûtera encore des millions de dollars aux contribuables. Toutefois, il n'est jamais trop tard pour corriger positivement les choses. Je suis convaincue que ces fonds doivent être utilisés ailleurs, là où ils peuvent réellement servir à protéger ou à aider les Canadiens. Afin de faire de la sécurité publique une priorité, ces sommes d'argent devraient servir à poser des actions ayant réellement une portée sur le contrôle de la criminalité; à augmenter la présence policière dans nos rues; à effectuer un meilleur suivi auprès des contrevenants; à soutenir les programmes sociaux et la lutte contre les crimes; à créer des programmes d'éducation, de sensibilisation et de responsabilisation.
L'éducation et la sensibilisation sont des éléments essentiels pour que la violence soit dénoncée avant que les tragédies n'arrivent. Il faut aussi considérer et mettre en place des outils et des moyens pour contrer la violence qui est encore trop présente dans les familles, dans les cours d'écoles et particulièrement dans les milieux défavorisés. Il faut que les gens aient le sentiment qu'ils sont écoutés et appuyés dans leurs démarches de dénonciation. Il faut offrir les ressources nécessaires supplémentaires pour aider les gens en détresse qui sont souvent laissés à eux-mêmes. Il faut inciter les gens à faire l'entreposage sécuritaire de leurs armes en tout temps. En effet, en situation de désespoir ou autre, le temps de réaction et les obstacles qui retardent la prise de possession d'une arme peuvent changer le cours des événements. Quelques minutes, à la limite quelques secondes, peuvent faire toute la différence et permettre d'éviter une tragédie. Tout ça pour dire que si une arme est entreposée adéquatement, ça peut permettre de sauver des vies.
II est important de rappeler que le taux de suicide par armes à feu diminue depuis quelques années. Cela est attribuable aux obligations légales d'entreposage des armes à feux et aux campagnes d'éducation. Des études, du professeur Jean Caron, de I'UQAT, ont démontré que l'entreposage des armes à feu a un effet direct sur le taux de suicide. J'aimerais aussi souligner que nous sommes déjà soumis à un moyen de contrôle relativement à la possession d'armes, soit le permis de possession et d'acquisition qui est obligatoire. Une enquête est automatiquement effectuée par la GRC sur chaque personne qui fait une demande de permis. Comme la FédéCP, je crois que la qualification obligatoire des propriétaires d'armes à feu doit être maintenue.
Bien que je sympathise avec les familles touchées par les événements de l'École polytechnique, je crois qu'il faut arrêter de se fermer les yeux et de prendre des décisions uniquement par compassion pour des gens d'une certaine catégorie. C'est beaucoup plus sérieux que ça. Comme ces familles, je crois aussi qu'il faut trouver de vraies solutions pour lutter contre la criminalité et la violence gratuite. Il faut investir dans les bonnes choses pour protéger davantage les Canadiens, les citoyens et citoyennes, et aider les gens en détresse et ceux qui sont malades.
Je vous remercie de votre écoute.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous remercier ainsi que les membres du comité de nous avoir invités, mon collègue et moi, pour présenter le point de vue de nos membres sur le projet de loi et répondre à vos éventuelles questions.
Je suis Diana Cabrera. Je suis tireuse sportive de niveau international. Je suis canadienne, mais je fais partie de l'équipe nationale de l'Uruguay, parce que le Canada refuse de me défrayer de mon entraînement.
J'appuie entièrement les changements apportés par le projet de loi. Ils aident à atteindre les objectifs solennels d'un système qui consacre efficacement ses précieuses ressources à de véritables besoins et qui vise l'utilisation criminelle des armes à feu et non les propriétaires d'armes à feu responsables qui possèdent un permis.
La difficulté d'atteindre les objectifs de sécurité publique de la Loi sur les armes à feu dépend en grande partie d'un certain nombre de problèmes relatifs à l'usage des armes à feu et de la collaboration de ceux qui sont les plus touchés par cette loi. Ces problèmes sont très préoccupants: la crainte de la confiscation, la perception d'une stigmatisation et d'une démonisation de la possession des armes à feu par la société, les nombreux coûts et la lourdeur des formalités.
Le projet de loi contribuera beaucoup à restaurer le lien de confiance mis à mal par des législateurs zélés qui se sont trompés de cible. C'est en s'attaquant à ces sujets de préoccupation qu'on fera le mieux respecter la Loi sur les armes à feu.
J'aimerais maintenant surtout parler de l'effet de l'enregistrement des armes d'épaule sur les tireurs sportifs et les autres utilisateurs honnêtes de ces armes. Il est indéniable que le registre a nui à l'éclosion de vocations sportives. Ils sont nombreux ceux qui croient que c'était l'un de ses premiers objectifs. L'inclusion, dans le registre, des armes spéciales de tir aux cibles lancées et d'armes chargées par la bouche semble avoir été à cette intention. Ce genre d'armes à feu n'est presque jamais utilisé pour la commission de crimes, en raison de leur coût et de leurs caractéristiques. Pourtant, en vertu d'un zèle excessif, la loi les traite sur le même pied que les armes à feu plus répandues.
Partout dans le monde, la loi a prévu des exceptions pour ces armes. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, leur possession et leur utilisation sont beaucoup moins réglementées qu'au Canada. Beaucoup de ces armes ne sont même pas considérées comme des armes à feu et ne sont presque pas réglementées, parce que leur utilisation criminelle est très rare. Pourtant, au Canada, il faut les enregistrer, et elles sont soumises aux mêmes contraintes réglementaires que les autres armes à feu.
Pour les sportifs de niveau international, ces règlements exigent une paperasse touffue, longue à remplir. Ils présentent des difficultés considérables pour nos jeunes tireurs, qui n'ont pas le droit de posséder d'armes pneumatiques dont la vitesse des projectiles dépasse 152,4 mètres à la seconde. C'est pourquoi un adulte ou l'entraîneur doit se taper toutes les formalités pour l'achat d'une arme de compétition. Le jeune ne peut pas être le détenteur de l'arme; c'est pourquoi l'entraîneur et le jeune doivent prendre la responsabilité légale de l'arme pendant son utilisation par le jeune.
Partout dans le monde, la reconstitution historique de batailles et les spectacles de tirs entre cow-boys connaissent une vogue croissante. Les participants portent des accoutrements et des armes d'époque, de celles qui se chargent par la bouche à celles de la Deuxième Guerre mondiale ou, dans le cas des cow-boys, possèdent des talents de tir et un penchant pour l'histoire de l'Ouest.
Pour les tireurs sportifs, la principale crainte, omniprésente, est celle de passer pour un criminel. Même si tous leurs papiers sont en ordre, ils peuvent facilement tomber sur des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada ou des policiers mal informés. Toute erreur d'écriture peut mener à une détention temporaire, à des confiscations ou leur faire manquer l'avion, les empêcher de participer à des concours. Chaque fois qu'on me demande mes papiers, j'éprouve l'envie primitive de rentrer sous terre, tant je crains que les agents n'y aillent de leur interprétation personnelle de nos lois déroutantes.
L'application de la loi et les médias ont aggravé la situation. Par sensationnalisme, les médias qualifient d'arsenal toute petite collection très ordinaire d'armes à feu. À Toronto, au cours de la campagne récente de ramassage des armes à feu, la police a utilisé de vieux dossiers informatiques pour traquer des propriétaires sans histoire qui avaient tout simplement omis de mettre à jour la paperasse qui s'appliquait à eux. Ils ont prétendu que l'opération visait à sortir les armes à feu de la rue et ils l'ont qualifié de triomphe pour le registre des armes d'épaule, comme s'ils étaient en train de prévenir un crime.
Si jamais on a été justifié de détruire les vieux dossiers, c'est bien dans ce cas-là. Que pensez-vous que ressentent les propriétaires honnêtes d'armes à feu? Suis-je la prochaine sur la liste? Est-ce que j'ai oublié un petit détail dans la paperasse que j'avais à remplir, qui m'attirera une visite de la police? Est-ce que mon visage apparaîtra au bulletin de nouvelles de 18 heures et qu'on me diffamera aux yeux de mes amis, de ma famille et de mes collègues? Est-ce que je deviendrai une paria si quelqu'un découvre que je possède des armes à feu? Serai-je ciblée à un point de contrôle de la circulation si, d'après une vérification au Centre d'information de la police canadienne, je suis propriétaire d'armes à feu? Les propriétaires d'armes à feu vivent dans ce genre de craintes tous les jours, tout cela pour justifier un système inefficace, qui n'a jamais empêché la commission d'un crime.
En conclusion, je vous prie de bien vouloir repartir à zéro, de vous occuper surtout des parties de la loi qui sont mieux en mesure de protéger le public et de diriger les fonds publics vers les secteurs les plus capables de faire du Canada un endroit plus sûr pour tous.
Merci. Je cède maintenant la parole à mon collègue.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Merci d'avoir permis à notre association de venir témoigner devant vous.
Je suis Tony Bernardo. Vous avez entendu beaucoup de choses sur les bienfaits qui étaient censés découler de l'existence du registre des armes à feu. J'aimerais vous parler de quelques inconvénients qu'il présente.
Je dois d'abord situer le contexte. D'après un sondage pour le Centre des armes à feu Canada, il y avait, au Canada, en 1998, 3,3 millions de propriétaires d'armes à feu. Le 1er janvier 2001, 40 p. 100 d'entre eux, soit plus d'un million de personnes, sont instantanément devenus des criminels.
En prévision de ces statistiques, le centre s'était empressé de calculer le taux d'adhésion à la loi, à partir des résultats d'un sondage mené à l'automne de 2000, selon lequel le nombre de propriétaires d'armes à feu au Canada avait sensiblement diminué depuis 1998, et qu'il n'en restait que 2,3 millions dans seulement 17 p. 100 des ménages. Ce résultat a été obtenu à partir des réponses à cette question: « Quelqu'un, chez vous, possède-t-il une arme à feu, en état de fonctionner? » C'était un sondage téléphonique. À l'intention de ceux d'entre vous qui connaissent mal la flétrissure que la société rattache à la possession d'une arme à feu, je précise qu'il n'est pas question de renseigner un inconnu au téléphone sur les armes à feu qu'on possède.
Pour croire à la diminution du nombre de propriétaires, il faut également accepter, sans autre preuve, que la diminution a été d'un million en deux ans. Des sondages antérieurs avaient révélé que chaque propriétaire possédait en moyenne 2,87 armes à feu, ce qui est peu, d'après les statistiques actuelles du centre, lesquelles révèlent que la moyenne est maintenant de quatre. Si un million de personnes s'étaient débarrassées de 2,87 millions d'armes à feu, la police l'aurait remarqué et, bien sûr, les commerces d'armes à feu du Canada, chez qui on en aurait retourné d'énormes quantités. À l'époque, nos calculs nous ont montré que ce nombre d'armes était suffisant pour recouvrir chaque poste de police du Canada d'une épaisseur de 33 pieds d'armes. C'est énorme.
En 1976, le ministre libéral de la Justice Ron Basford a déposé, au Parlement, un document dans lequel était précisé le nombre d'armes détenues au Canada. En tenant compte des importations depuis ce rapport et en les ajoutant à la production nationale, en soustrayant toutes les exportations, les destructions et les vols, nous pouvons estimer de façon assez honnête le nombre d'armes à feu actuellement au Canada en affectant le tout d'un taux généreux d'erreur de 15 p. 100 pour tenir compte des pertes, des destructions et des déclarations erronées...
Pourquoi est-ce important? Moins de la moitié des armes à feu au Canada sont effectivement fichées dans le registre. Il y en a des tonnes qui ne le sont pas.
Je tenais également à vous parler d'un autre sujet très important. Il faut parler des répercussions que la loi a eues sur les rapports entre les propriétaires d'armes à feu et la police.
L'année dernière, nous avons sondé 2 018 propriétaires honnêtes d'armes à feu, au hasard, pour savoir qui ils craignaient le plus, la police ou les criminels. 63,93 p. 100 des sondés, c'est-à-dire 64 p. 100, ont répondu que c'était la police.
On leur a demandé: « Depuis la mise en oeuvre de la Loi sur les armes à feu, avez-vous confiance dans la police canadienne? », 75 p. 100 ont répondu par la négative. On leur a demandé: « Croyez-vous que les associations de policiers représentent l'opinion de leurs membres? » À cette question, 94 p. 100 ont répondu non. À la question: « Est-ce que le registre canadien des armes d'épaule permet effectivement de diminuer la criminalité? », 96 p. 100 ont répondu non.
À la question « Croyez-vous que la police cible les propriétaires d'armes à feu? », 83 p. 100 ont répondu par l'affirmative. Quand on leur a demandé s'ils connaissaient personnellement — je dis bien personnellement — quelqu'un qui avait été accusé injustement d'une infraction concernant les armes à feu, 46 p. 100 ont répondu oui. C'est la moitié des sondés.
Je pense que je dois maintenant m'arrêter...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui.
De prime abord, je tiens à vous remercier, monsieur Harel. Après presque trois ans à dire que votre organisation consulte le registre 11 000 fois par jour, et aujourd'hui, apparemment jusqu'à 17 000 fois, vous reconnaissez enfin qu'une part de ces consultations est attribuable à des interrogations automatiques. Il en est ainsi partout au pays. De plus, chaque fois que le registre des armes à feu est interrogé, même lorsqu'il s'agit d'un appel au centre des armes à feu, cela constitue une interrogation. Par conséquent, je vous remercie d'avoir fait cette déclaration aujourd'hui.
Il y a toutefois un problème, monsieur Torigian. Nous avons énormément de respect pour votre organisation, car vous rendez un grand service à notre pays et aux villes que vous représentez. Vous portez un uniforme et, lorsque les Canadiens vous voient à la télévision, ils croient ce que vous dites. Par conséquent, lorsque vous affirmez, devant les caméras, que la police consulte le registre 17 000 fois par jour, vous ne dites pas tout à fait la vérité et vous nuisez beaucoup à ce débat. Quand vous déclarez que les chefs de police appuient à l'unanimité le registre des armes à feu à Edmonton, encore une fois, tout dépend de la question qu'on leur a posée. On leur a demandé s'ils étaient favorables au Programme canadien des armes à feu et non pas au registre des armes d'épaule.
Donc, messieurs, je considère que nous avons des vues très différentes sur la question. Il y a un écart considérable entre votre position et celle du gouvernement, et malheureusement, nous n'avons pas réussi à concilier nos points de vue.
J'aimerais maintenant adresser une question à M. Bernardo. Certaines informations erronées ont circulé aujourd'hui concernant la vente ou le transfert d'une arme à feu à des personnes qui n'ont pas les qualifications requises pour en faire l'acquisition ou en posséder une. Je sais que vous connaissez très bien le projet de loi. Pourriez-vous nous entretenir des exigences prévues par la loi? Pourriez-vous dire à tous ceux qui nous écoutent — de même qu'au groupe ici — quelles sont les exigences relatives au transfert des armes à feu? Est-ce qu'un propriétaire de magasin peut vendre une arme à feu à une personne qui ne détient pas de permis?
Je remercie les témoins de s'être déplacés aujourd'hui.
Je vais essayer d'être très brève parce que c'est tout le processus ici, au Parlement... Je ne pensais jamais qu'on était aussi rapides, mais il semble qu'on fonctionne à l'allure d'un train à grande vitesse, qui n'existe toujours pas au Canada.
C'est le monde à l'envers. Je siège à deux comités, c'est-à-dire celui-ci pour étudier l'abolition du registre des armes à feu et de ses données, et celui du Comité permanent de la justice et des droits de la personne — j'en viens —, qui est en train de faire l'analyse du projet de loi , où l'on parle de la sécurité dans les rues. J'ai été très sensible, chef Torigian, à ce que vous avez mentionné. Car c'est le propos que je tiens dans chacun de ces comités. Je dis que c'est le monde à l'envers. J'entends les témoins ici être en faveur de la vision du gouvernement. Pourtant, quand je vais aux rencontres relatives au projet de loi C-10, ils sont contre la vision du gouvernement et vice-versa. Quand ils sont contre cela ici, ils sont en faveur de cela là-bas.
Cela me pose un problème. Vous dites qu'il ne faut pas seulement prendre ce qu'on dit quand cela fait notre affaire, mais qu'on doit aussi l'accepter sur le plan de la crédibilité.
J'ai pris bonne note que ma collègue a remis en jeu votre crédibilité en disant que vous n'indiquiez pas ce qu'est la vérité. Cela revient à dire en pleine face à quelqu'un qu'il ment. Je trouve cela fort. La même association ment-elle ici ou là-bas? Je trouve que c'est un peu dangereux de suivre cette pente à ce sujet.
Nous sommes pressés parce qu'on ne sait pas si on se fera faire le même coup qu'on est en train de se faire faire avec le projet de loi . C'est-à-dire que 208 articles vont être étudiés d'ici 23 h 59, car telle est la motion présentée par le gouvernement. Pourtant, je me souviens très bien que l'actuel premier ministre s'objectait à tour de bras quand l'ancien gouvernement libéral majoritaire faisait ce genre de coup.
Cela nous montre dans quel système « démocratique » nous sommes. Je place le mot entre guillemets parce que j'ai des doutes sérieux. J'ai en ma compagnie une jeune demoiselle de l'Université McGill, qui — pauvre elle — ne savait pas que la journée choisie pour venir nous voir et nous suivre, nous, les députés, allait offrir une leçon en matière de démocratie. Je regrette de lui dire que c'est un drôle de système.
Mes questions s'adressent au ministre parce qu'on sait que c'est exceptionnel. On sait que les gens d'autres territoires de compétence n'aiment pas tellement venir dire à d'autres personnes d'un territoire de compétence différent qu'ils ne sont pas d'accord sur ce qu'elles font ou suggèrent, et essayer de leur faire entendre raison.
Avez-vous eu des discussions avec votre homologue fédéral sur cette question précise de la vision du Québec au sujet de la motion unanime, en ce qui concerne l'abolition du registre des armes à feu et la destruction des données de ce registre?
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En fait, nous avons eu une brève conversation téléphonique avant d'apprendre que la loi prévoyait la destruction du registre. Je pense que c'est l'objet du plus grand débat.
Je tiens à rappeler que M. Paradis a répondu à M. Blaney, à la Chambre, à une question sur ce sujet.
M. Christian Paradis a dit ceci:
Monsieur le président, c'est clair, on a toujours dit vouloir abolir le registre des armes d'épaule qui criminalise le fait pour des honnêtes chasseurs et agriculteurs de ne pas enregistrer leurs armes. En décriminalisant, il est certain que le Parlement canadien n'a plus de juridiction. Cela étant, si des provinces veulent avoir le registre des armes d'épaule, c'est libre à elles. L'enregistrement des biens et propriétés relève de la compétence provinciale.
C'est là où nous intervenons davantage. Nous voyons bien que le gouvernement est décidé à abolir le registre des armes à feu canadien et nous le déplorons. Or nous sommes en démocratie, il est majoritaire et il semble vouloir imposer ce programme. Que voulez-vous qu'on y fasse?
Nous avons compris, dès ce moment, qu'on pourrait avoir un registre qui serait décriminalisé, car s'il s'agirait d'un registre provincial. Autrement dit, ce ne serait plus une infraction criminelle, mais plutôt une infraction pénale, ce à quoi nous tenons.
L'année passée, 9 000 armes à feu ont été retirées de personnes qui ne pouvaient plus les posséder pour des raisons valables, comme un diagnostic psychiatrique ou une raison semblable. Ça existe aussi pour la conduite automobile. C'est malheureux, mais parfois on retire des permis de conduire à certaines personnes pour des raisons de maladie. Par exemple, les personnes qui font des crises d'épilepsie ne peuvent pas conduire. Les personnes trop âgées ne peuvent plus conduire et se font retirer leur permis.
Je suis certain qu'ici, autour de la table, il y a des gens qui sont désolés parce que leurs parents ont perdu leur permis de conduire et qu'ils considèrent que c'est un drame. L'objectif est d'assurer la sécurité des citoyens et celle de la personne qui n'est plus en mesure de conduire et qui ne le sait pas.
Alors, je pense que l'analogie fonctionne pour les armes à feu.
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Nous reprenons la séance.
Le groupe de cet après-midi est formé de gens qui témoignent à titre individuel. Nous invitons tous les témoins à prendre place à la table.
Nous accueillons Randall Kuntz, policier, Service de police d'Edmonton.
Nous recevons également à titre individuel Donald Weltz, agent de conservation à la retraite depuis 2007, après 32 ans au ministère des Ressources naturelles de l'Ontario. M. Weltz a été nommé agent de l'année en 2007.
Félicitations et bienvenue.
Nous recevons Wendy Cukier, présidente, et Barbara J. Kane, psychiatre, Coalition pour le contrôle des armes à feu.
Bienvenue à vous aussi.
Nous accueillons Audrey Deveault, présidente, et Mathieu Murphy-Perron, directeur exécutif, Dawson Student Union.
Nous vous remercions tous de votre présence aujourd'hui. Certains d'entre vous vont présenter un bref exposé avant que les députés posent des questions. Nous vous demandons d'essayer de limiter votre exposé à sept ou huit minutes. Je vais tenter de vous avertir lorsqu'il vous restera 30 secondes. Nous sommes impatients d'entendre vos commentaires.
Commençons par Mme Cukier.
Je vais essayer d'être brève, car je veux laisser du temps de parole à ma collègue, la Dre Barbara Kane.
La Coalition pour le contrôle des armes est un organisme sans but lucratif fondé il y a plus de 20 ans. Sa position à l'égard de la réglementation des armes à feu est appuyée par plus de 300 organisations de sécurité publique et organisations communautaires partout au pays. Selon nous, la version actuelle de la Loi sur les armes à feu est un élément important de notre stratégie nationale pour prévenir les crimes et les blessures par armes à feu et soutenir l'application des lois. Une panoplie d'études a démontré une corrélation entre une réglementation efficace des armes à feu et la réduction des homicides, des suicides, des accidents et des crimes par armes à feu.
À notre avis, les modifications contenues dans le projet de loi mettront la vie des Canadiens en danger. Au même titre que les anciens projets de loi visant à supprimer l'exigence d'enregistrer ses armes à feu sans restriction — comme le puissant Ruger Mini-14 semi-automatique, utilisé durant le massacre à Montréal, les fusils de tireur d'élite et certaines variantes de calibre .50 —, ce projet de loi va permettre à une personne qui détient un permis d'acquérir un nombre illimité d'armes à feu sans même qu'on vérifie si son permis est valide, ce qui constituait une amélioration importante dans la loi de 1995. Il n'y aura également aucun moyen de savoir qui possède ces armes, qui les a vendues et combien d'armes les gens possèdent.
Les policiers ne seront plus en mesure de remonter au propriétaire du fusil trouvé sur les lieux d'un crime. Ils perdent non seulement un important outil de sécurité publique, mais aussi un important outil d'enquête.
Grosso modo, l'enregistrement de toutes les armes à feu sans restriction au nom de leurs propriétaires légitimes est essentiel pour parvenir à une politique efficace de contrôle des fusils, qui sont employés pour tuer ou se suicider et qui causent des blessures involontaires. Les fusils représentent une proportion considérable des armes à feu trouvées sur les scènes de crime et la majorité des armes à feu utilisées pour tuer des femmes et des policiers ou se suicider. La question ne concerne pas seulement les villes, comme la Dre Kane vous le dira. Il importe de souligner que les dispositions sur l'enregistrement renforcent celles sur la délivrance des permis, réduisant aussi les risques que des gens qui n'ont pas de permis obtiennent des armes à feu de propriétaires légitimes.
L'indissociabilité de la délivrance des permis et de l'enregistrement des armes à feu a été réaffirmée par la Cour suprême du Canada en 2000 dans une décision unanime concernant la Loi sur les armes à feu. Il a été démontré que le registre des armes à feu aidait à retirer les armes à feu des mains d'individus dangereux. Ce registre, très utile pour les enquêtes policières, a aidé à poursuivre deux complices dans le meurtre de quatre agents de la GRC à Mayerthorpe, en Alberta.
Au Canada, les taux de décès et de blessures par armes à feu ont chuté de manière spectaculaire grâce à des règlements toujours plus stricts. Les coûts associés au maintien de l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse sont éclipsés par les coûts qu'entraînent les décès et les blessures par armes à feu.
Toutefois, le projet de loi fait bien plus que de simplement abroger certaines dispositions du projet de loi , la loi de 1995. Il élimine des mesures cruciales mises en oeuvre depuis 1977, dont les suivantes.
Ce projet de loi élimine l'obligation pour les entreprises de tenir un registre des ventes d'armes à feu, obligation mise en oeuvre par le gouvernement en 1977. Il ne demande pas le rétablissement d'une telle obligation.
Ce projet de loi élimine aussi la vérification obligatoire du permis de ceux qui achètent des fusils. Il augmente les risques que ceux à qui il est interdit de posséder des armes et qui représentent un danger pour la sécurité publique aient accès à des armes à feu.
Il est particulièrement préoccupant que le projet de loi actuel exige la destruction des données sur les 7,1 millions de carabines et de fusils sans restriction déjà enregistrés, même si les données constituent un outil essentiel aux enquêtes policières. Plusieurs traités internationaux exigent que les pays conservent de telles données.
Il est peut-être impossible de prouver le nombre exact de vies que le registre permet de sauver. Mais c'est clair que le registre des armes à feu n'a jamais tué personne. Ce projet de loi pourrait mettre la vie des Canadiens en danger.
Je vais donner le temps qui me reste à la Dre Kane.
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Merci, monsieur le président et membres du comité.
Je m'appelle Audrey Deveault et je suis la présidente du syndicat des étudiants du Collège Dawson, à Westmount, au Québec. Le syndicat représente 10 500 étudiants.
En tant qu'étudiants, on nous encourage à être curieux, critiques, respectueux et engagés envers le monde qui nous entoure. On nous apprend que cela est la base d'une société fonctionnelle.
Le 13 septembre dernier, à l'occasion du 5e anniversaire de la fusillade à notre école, nous avons tenté d'obtenir un rendez-vous avec le premier ministre afin de discuter du plan de son gouvernement relativement au registre des armes d'épaule.
Nous espérions qu'en tant que premier ministre, il démontrerait une volonté de s'engager avec nous, ses électeurs. Notre invitation, nos appels téléphoniques et nos courriels ont été ignorés. On ne nous a pas refusé le rendez-vous; on nous a complètement ignorés. La façon dont le gouvernement précipite l'adoption du projet de loi et tous les autres projets de loi est très inquiétante.
L'école nous apprend à être méticuleux et compréhensifs, et nous constatons pourtant une vision fermée et bornée de la part de nos élus. Nous croyons que la société est mieux servie quand un gouvernement s'engage dans des consultations auprès des individus et des groupes.
Un pays ne peut être dirigé pendant quatre ans suivant les bases d'une campagne électorale de trois semaines. Nous sommes inquiets du refus de notre gouvernement à s'engager d'une manière importante auprès d'un peu plus de 300 groupes qui ont des données à partager relativement à l'efficacité du registre des armes d'épaule.
Nous sommes inquiets que notre gouvernement écarte si ouvertement des rapports de docteurs, infirmiers, psychologues et agents du maintien de l'ordre.
Nous sommes inquiets que notre gouvernement préfère orchestrer une guerre qui sème la discorde entre les Canadiens, plutôt que de nous aider à trouver des points communs.
Nous sommes inquiets que non seulement notre gouvernement refuse de s'engager auprès des Canadiens, mais qu'il utilise aussi la procédure pour essayer de faire taire les partis de l'opposition et ses collègues élus.
Quand nous regardons la façon dont le gouvernement traite les projets de loi et , doublée de l'étouffement de Statistique Canada, ainsi que l'élimination de la version longue du formulaire de recensement, nous avons de la difficulté, en tant qu'étudiants, de ne pas être sceptiques lorsque nos élus choisissent de gouverner dans le noir.
Les statistiques, la recherche et les sciences doivent être les piliers sur lesquels reposent les politiques. Les étudiants conseillent fortement à tous les élus de s'éloigner des jeux politiques qui ont pour but de faire taire tous ceux qui ne sont pas favorables aux idéologies d'un individu contrôlant et axé sur le pouvoir.
Faites ce qui est juste. Ne vous soumettez pas aux ordres d'adopter le projet de loi en vitesse pour qu'il ait force de loi. Laissez-vous le temps et l'opportunité, à vous et à vos électeurs, d'examiner à fond le projet de loi C-19 et ses répercussions sur la santé publique. Vous avez été élus pour écouter, débattre et faire preuve d'engagement.
S'il vous plaît, prenez en considération que les étudiants et la jeunesse du pays vous regardent et vous prennent en exemple pour savoir comment devrait fonctionner la société. Rappelez-vous cela dans les prochains jours, mois et années à venir.
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Certaines personnes pourraient bien soutenir que le débat nécessaire a été mené, puisque les incarnations précédentes du projet de loi sont apparues devant le Parlement. Cependant, ces incarnations précédentes ne contenaient pas de mesures enlevant les contrôles obligatoires de vérification de permis pour des individus qui achètent des armes, ni l'enregistrement obligatoire des vendeurs de soldes d'armes à feu, une mesure qui date de 1977.
Ces mesures sont d'une nature saine et rationnelle. Éliminer ces mesures en vitesse, dans l'ombre du débat sur le registre des armes d'épaule, est très inquiétant, surtout étant donné le débat limité qu'a tenu le gouvernement sur ce projet de loi.
Au Syndicat des étudiantes et étudiants du Collège Dawson, nous sommes habitués à entendre le refrain selon lequel le registre n'a pas empêché la fusillade dans notre école. Aux cyniques, nous répondons que c'est précisément parce que nous avons été victimes de violence causée par les armes que nous avons un intérêt profond à travailler avec tous les paliers de gouvernement afin d'améliorer les systèmes en place et de réduire la possibilité de futures fusillades.
Considérez ce qui suit. Des mois avant la fusillade survenue à notre école, Kimveer Gill faisait une demande pour s'engager dans les Forces canadiennes. Il a été rejeté pour cause d'instabilité mentale. Si les contrôles de sécurité du permis avaient inclus l'échange d'informations entre nos forces militaires et le registre, le dossier de M. Gill aurait sonné l'alarme et les événements du 13 septembre 2006 auraient pu ne jamais avoir eu lieu.
Quand nos lois nous déçoivent, nous ne devons pas hausser les bras et déclarer la défaite. Nous avons la responsabilité collective de trouver les trous dans le système, qui doivent être bouchés. Les étudiants le savent. Les étudiants savent aussi qu'il vaut mieux réparer et améliorer qu'oublier et rejeter. Les élus doivent le savoir aussi. Ils ne doivent pas se laisser simplement diriger par l'idéologie. Ils ont une responsabilité morale de renforcer les programmes dans lesquels a investi la société.
Tous les Canadiens ont payé pour le registre. Le Québec a payé pour le registre. Pour le Québec, le registre représente un élément intégral de ses valeurs pacifistes. À trois reprises, l'Assemblée nationale du Québec a voté à l'unanimité pour maintenir les données du registre afin de faciliter la création de son propre système provincial. Chaque élu de la nation du Québec a voté pour maintenir le registre des armes d'épaule.
Comment notre gouvernement fédéral suppose-t-il avoir le pouvoir de refuser à une Assemblée nationale l'information payée par ses électeurs?
Même la poignée de députés conservateurs québécois a parfois exprimé son soutien pour le droit du Québec à maintenir le registre. Le gouvernement fédéral n'a aucune raison de nier au Québec sa part des données dans lesquelles il a investi. Le coût pour maintenir le registre en vigueur est de moins de 4 millions de dollars par année, soit 15 ¢ par an par Canadien.
Au Collège Dawson, une enquête a été menée 18 mois après la fusillade du 13 septembre. Près de 1 000 individus ont participé à cette recherche. Cinquante pour cent des répondants ont indiqué avoir entendu des coups de feu, 54 p. 100 se sont cachés durant la fusillade, 35 p. 100 ont été témoins d'une blessure ou du meurtre, 13 p. 100 ont vu le tireur et, enfin, 24 personnes ont aidé un blessé.
Dix-huit pour cent des gens interviewés ont démontré des signes de développement de problèmes psychologiques après la fusillade. Ces désordres s'étendent du syndrome de stress post-traumatique à la phobie sociale, en passant par la dépendance à l'alcool et les tendances suicidaires.
Plusieurs répondants ont aussi avoué avoir tenté de se suicider dans les 18 mois qui ont suivi la fusillade. Ces personnes sont des étudiants, des professeurs, des administrateurs, des cantinières et des employés d'entretien. Ce sont toutes de vraies personnes qui ont gardé des cicatrices très profondes et parfois irréversibles des événements du 13 septembre.
Nous parlons de milliers d'adolescents qui vivront toujours avec la souvenir des balles sifflant dans les couloirs de leur école. Nous parlons de centaines d'étudiants ayant en mémoire une image du tireur courant le long de leur école. Nous parlons de dizaines de gens qui ont aidé à faire sortir leurs camarades ensanglantés au matin du 13 septembre.
Les vies perdues et blessées par cet événement ne doivent pas l'avoir été en vain. Si le registre peut aider à sauver une vie de plus ou aider à marquer une personne de moins, ne vaut-il pas le prix de sa préservation?
Avec un coût de fonctionnement si bas, pourquoi faire autrement que d'essayer d'améliorer le système?
Nous avons eu des discussions fructueuses avec des membres du NPD, du Bloc québécois et du Parti libéral. Tous ont des idées très intéressantes sur la façon d'améliorer ce registre pour mieux servir tous les Canadiens.
Nous comprenons que certains Canadiens ont des réticences à propos de la pertinence du programme. Nous comprenons que quelques Canadiens considèrent qu'enregistrer leurs armes à feu est une tâche lourde et difficile. À vous, nous tendons la main avec un esprit ouvert au dialogue, afin de trouver des points communs.
Nous avons assisté au vote menant au renvoi du projet de loi à ce comité.
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Merci de l'invitation. C'est une fierté pour moi de témoigner ici.
Avant la mise en oeuvre du registre des armes d'épaules, j'ai rencontré l'ancien ministre de la Justice, le libéral Allan Rock, au poste du quartier Sud-Est du Service de police d'Edmonton. Il y avait environ 20 policiers. J'ai réussi à demander au ministre si le registre des armes d'épaule permettrait de sauver des vies. C'était ma principale préoccupation. Le ministre n'a pas confirmé que le registre permettrait de sauver une seule vie. Après 16 ans, je comprends pourquoi.
L'Association canadienne des chefs de police a dit que les policiers appuyaient le registre. Quant à moi, je ne l'appuie pas. Avec mes propres moyens, j'ai envoyé un courriel au travail à 2 631 policiers partout au pays. Entre mars 2009 et juin 2010, 2 410 d'entre eux m'ont répondu qu'ils étaient pour l'abolition du registre des armes d'épaule. En avril 2011, 81 p. 100 des membres de l'Association des policiers d'Edmonton ont voté pour la suppression de ce registre.
Le registre des armes d'épaule ne se fonde que sur les biens que les gens possèdent. Certains considèrent que c'est une liste de délinquants potentiels axée sur leurs biens enregistrés. Cela revient au même que d'enregistrer tous les hommes au Canada à titre de délinquants sexuels potentiels et de prendre un échantillon de leur ADN; que d'enregistrer toutes les femmes qui ont souffert de dépression post-partum, parce qu'elles pourraient tuer leurs enfants; que de désigner à titre de pédophiles potentiels tous les membres du clergé, tous les entraîneurs de soccer, de hockey ou de football, tous les guides scouts ou tous les enseignants. On pourrait aussi déclarer tous les militaires délinquants sexuels et meurtriers en série potentiels.
Maintenant que j'ai offensé environ 99 p. 100 des Canadiens en proposant un tel registre, il faut comprendre que le registre des armes à feu a été adopté et mis en oeuvre uniquement en fonction des biens que les gens possèdent.
Une arme à feu est une arme à feu. Elle ne constitue un danger que si on l'utilise contre autrui. Je vous assure que, dans certains cas, la montre que je porte peut servir d'arme. Si on pose la question à une centaine de personnes, tout le monde dira qu'il s'agit d'une montre-bracelet. De même, une arme à feu ne présente pas de danger en tant que tel.
Ce sont les gens qui tuent. Les façons de tuer n'ont pas d'autre limite que leur imagination.
Je dois dire que je suis aussi une victime sur deux plans: 15 de mes amis, de mes coéquipiers, de mes camarades de classe et de mes collègues se sont suicidés à l'aide une arme à feu; trois de mes amis ont été tués avec une arme à feu.
C'est plus que les personnes tuées au collège Dawson et à l'École Polytechnique réunies. Malgré tout, j'affirme devant vous qu'il faut abolir le registre des armes à feu, qui ne permet pas de sauver des vies. Les chefs de police disent que le registre favorise la sécurité publique, mais ce n'est pas le cas.
Le Canada a dépensé deux milliards de dollars pour le registre et il en dépense encore des millions et des millions chaque année. Mais nous n'avons rien obtenu en retour. Cependant, il n'est jamais question du montant de plus de deux milliards de dollars. Je pense que les seules personnes qui vont regretter le registre des armes d'épaule, ce sont celles qui ont perçu ce montant.
Je sais qu'il me reste beaucoup de temps, mais je n'en ai pas besoin.
Merci.
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Je veux remercier le président et les membres du comité de me donner l'occasion de témoigner devant eux aujourd'hui.
Je m'appelle Donald Weltz. Je suis ici pour exprimer mon appui au projet de loi .
Je tenterai de vous expliquer brièvement dans quel contexte j'ai appris à manier les armes à feu. Je vous parlerai également de ma carrière au sein des forces de l'ordre, afin de vous donner une meilleure idée de mon expérience avec les armes d'épaule.
Comme on l'a indiqué tout à l'heure, j'ai pris ma retraite en 2007, après 32 années de service à titre d'agent de protection de la nature au ministère des Ressources naturelles de l'Ontario. J'ai d'ailleurs été nommé « agent de l'année » en 2007.
Je possède des armes d'épaule depuis l'âge de 12 ans et j'ai été formé au maniement sécuritaire de ces armes par un sergent du Département de police de Kitchener, comme on l'appelait à l'époque, et un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, qui est devenu un grand ami et une figure paternelle pendant 46 ans, jusqu'à son décès en février 2009. Je suis aussi un adepte de la chasse, même si je suis de moins en moins assidu à mesure que les années passent.
Au cours de mes 32 années de carrière comme agent de protection de la nature en Ontario, ma principale fonction a été de faire respecter la Loi sur la protection du poisson et de la faune. On m'a remis un pistolet, qui faisait partie de mon uniforme, et je devais me qualifier chaque année pour son utilisation. J'ai reçu une formation semblable à celle de la Police provinciale de l'Ontario et j'étais autorisé au terme de la loi à procéder à des arrestations, à des fouilles et à des saisies. En 1975, j'ai suivi une formation de base sur l'exécution de la loi au Collège de police de l'Ontario à Aylmer, en Ontario.
Tout au long de ma carrière d'agent de protection de la nature, j'ai personnellement contrôlé des milliers d'armes d'épaule utilisées par des chasseurs sur le terrain, et j'ai exécuté de nombreux mandats de perquisition dans des résidences et d'autres immeubles afin de recueillir des éléments de preuve. J'ai fouillé, entre autres, des bâtiments sur des terrains boisés dans les régions éloignées de la province, ainsi que des logements, des bâtiments accessoires et des immeubles commerciaux dans les centres urbains et ruraux.
Je peux vous affirmer que ma sécurité en tant qu'agent de protection de la nature n'a pas été améliorée grâce au registre des armes d'épaule. Que l'on procède à une seule perquisition ou à 2 000 au cours de sa carrière, cela n'a pas d'importance; les exigences législatives sont les mêmes, et on risque toujours de se heurter à la résistance et à la violence de l'occupant de l'immeuble que l'on s'apprête à perquisitionner. Procéder à une perquisition avec une attitude quelque peu complaisante, en croyant qu'une personne ne possède pas d'armes parce que le registre n'en recense pas, peut s'avérer une erreur fatale, pour soi-même et pour ses collègues. Le registre crée en effet un faux sentiment de sécurité.
En tant qu'agent, j'étais formé pour être prêt à tout imprévu, et je préférais m'en remettre à ma formation, à mes collègues et à ma présence d'esprit, sachant très bien ce qui pouvait m'attendre. Un agent qui baisse sa garde lorsqu'il perquisitionne un immeuble, parce qu'il sait qu'aucune arme à feu n'est enregistrée à cette adresse, se place lui-même, en même temps que ses collègues, dans une situation extrêmement dangereuse.
Bien que mon titre d'agent de protection de la nature me permettait de faire des vérifications dans le registre des armes à feu, à mon souvenir, je ne l'ai fait qu'une ou deux fois, et c'était pour déterminer si le chasseur que j'avais intercepté pour une vérification de routine était légalement propriétaire de l'arme d'épaule qu'il avait en sa possession.
De la même façon, le registre des armes d'épaule ne crée pas un environnement plus sûr pour la population. Qu'une arme d'épaule soit enregistrée ou non, elle peut tout de même tomber entre les mains d'un individu aux intentions criminelles. L'arme n'est pas responsable de l'acte criminel; il faut jeter le blâme sur la personne qui s'en sert pour commettre un crime, que ce soit de façon spontanée ou préméditée.
Comment le registre peut-il empêcher quelqu'un en proie à un accès de colère, provoqué par une consommation de drogues ou d'alcool ou encore par une dépression nerveuse, d'ouvrir l'armoire fermée à clé, de prendre l'arme d'épaule, d'enlever le cran de sécurité, de charger l'arme et d'aller faire feu sur les personnes qu'il ou elle juge responsables de ses malheurs? L'enregistrement des armes d'épaule ne permet pas d'éviter ce genre de situation.
Certains se demandent ce qu'il y a de si contrariant à enregistrer ses armes d'épaule. Il faut bien enregistrer nos véhicules, disent-ils, où est la différence? À ceux qui utilisent cette analogie, je poserais cette question: est-ce que le fait d'enregistrer nos véhicules a permis de réduire le nombre de conducteurs aux facultés affaiblies sur les routes? Lorsqu'un conducteur en état d'ébriété prend le volant, faut-il blâmer la voiture ou le conducteur lui-même?
À ce que je sache, aucun criminel n'enregistrera une arme à feu qu'il a l'intention d'utiliser à des fins criminelles. Les armes d'épaule ne sont rien de plus que des armes d'épaule. Elle ne constituent pas une arme de choix pour les criminels, car elle sont difficiles à dissimuler. Elles sont généralement utilisés par des chasseurs, des tireurs sur cible ou des agriculteurs, normalement tous des citoyens respectueux de la loi.
Je suis par ailleurs en faveur de la destruction des données à la suite de l'abrogation du registre des armes d'épaule, puisqu'il n'y aura pas de raison légitime de les conserver. Les services de police ont déjà dans leurs dossiers les numéros de permis de conduire et les données d'immatriculation de millions de personnes au Canada.
Dans toutes les tragédies impliquant des armes à feu qui se sont produites au Canada, peut-on blâmer l'arme à feu, ou la personne qui s'en est servie pour commettre ces actes horribles qui ont bouleversé la vie de tant de gens?
En conclusion, je crois que les propriétaires d'armes à feu devraient détenir un permis, et que les armes devraient être entreposées de façon sécuritaire. Ces deux mesures contribueront grandement à réduire le nombre d'accidents dûs à la négligence. Je pense également que le registre des armes d'épaule et le système actuel d'enregistrement coûtent des millions de dollars aux contribuables chaque année, sans pour autant accroître la sécurité des agents de police ni celle de la population. C'est pourquoi je demanderais au gouvernement d'abroger le registre des armes d'épaule.
Merci encore une fois de m'avoir permis de m'adresser à vous.
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On parle donc de la vérification quand il y a transfert d'armes. En vertu de l'ancien programme d'autorisation d'acquisition d'armes à feu mis sur pied en 1977 et consolidé par le gouvernement conservateur en 1991, les gens devaient, en théorie tout au moins, présenter leur autorisation d'acquisition d'armes à feu au moment de l'achat. Dans les commerces, on tenait un registre des personnes qui achetaient des armes, en indiquant lesquelles exactement, et ces dossiers étaient conservés pendant un certain temps.
Le problème... Si on se rappelle ce que disaient les agents de la paix à l'époque, il arrivait souvent que ces autorisations avaient été émises cinq ans auparavant et que les détenteurs avaient commis entre-temps des actes criminels tout en conservant leur autorisation.
L'autre problème vient du fait que l'application des règles était très difficile. Par exemple, il n'était pas rare de voir des gens acheter des armes à feu dans des ventes de garage dans le Nord de l'Ontario. En théorie, le vendeur aurait dû vérifier que l'acheteur détenait une autorisation d'acquisition valide, mais comme on ne conservait aucun registre des armes à feu ainsi transférées, il n'y avait aucune façon de vraiment tenir le propriétaire initial responsable de son arme. Aux États-Unis, les achats par des prête-noms et le détournement d'armes légalement acquises à des fins illégales ne cessent de poser problème. La même chose se produit au Canada. Les forces de l'ordre soulignent en outre la problématique des armes à feu qui sont volées sans que le vol ne soit signalé.
Les répercussions de ce projet de loi ne se limitent pas à la suppression du registre et des mesures de responsabilisation qui, comme les instances policières l'ont répété à maintes reprises, à quelques exceptions près, sont essentielles à l'accomplissement de leur travail et à la sécurité publique. Il faut aussi s'inquiéter du fait que l'on supprime l'obligation de vérifier la validité du permis lors de l'achat d'une arme à feu. Supposons que j'ai obtenu mon permis en 1999 et acheté une arme quelques années plus tard. On aurait alors automatiquement procédé à une vérification pour s'assurer que mon permis était valide, qu'aucune ordonnance d'interdiction ne pesait contre moi et qu'il n'y avait pas d'autres problèmes. Avec le nouveau système, on ne fonctionnera plus de cette manière.
Le témoignage des gens qui travaillent au centre des armes à feu nous a appris que ce processus de vérification au moment de la vente d'une arme à feu a permis dans certains cas de porter des accusations criminelles. Par exemple, une très vaste opération de trafic d'armes a été arrêtée à Toronto parce que la vérification du permis au moment de la transaction a déclenché des alertes dans le système.
Avec la loi proposée, les dispositions en ce sens vont disparaître. Les gens ont indiqué qu'ils étaient favorables à la délivrance de permis. Eh bien, ce projet de loi va grandement miner ce processus d'octroi des permis.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Je précise immédiatement que je vais partager mon temps de parole avec M. Norlock.
Premièrement, pour remettre les pendules à l'heure, je ne crois pas qu'on puisse parler de quelques exceptions quand 2 631 répondants ont voté en faveur de l'abolition du registre, surtout quand on pense que 98 p. 100 des membres interrogés de la fédération des policiers de la Saskatchewan, selon les témoignages que nous avons entendus plus tôt cette semaine, ont répondu exactement la même chose. De plus, je dirais que la très grande majorité des policiers de première ligne de ma circonscription du Yukon tiennent exactement le même discours que MM. Kuntz et Weltz.
Il y a un point sur lequel j'aimerais formuler un commentaire, plutôt que de poser une question. L'opposition sème terriblement la confusion à propos des différences entre le registre, la Loi sur les armes à feu et la délivrance de permis. La Loi sur les armes à feu contient encore des dispositions fermes et sévères, et cela demeure une infraction grave d'y contrevenir.
On parle de contrebande, d'organisations criminelles et d'opérations criminelles; il est question des organisations et des personnes qui n'enregistrent pas leurs armes. C'est tromper les Canadiens et se montrer irresponsable de laisser entendre que le registre, la délivrance de permis et la Loi sur les armes à feu ne font qu'un. Les dispositions de la loi demeurent et continueront à protéger les Canadiens.
On néglige aussi de parler des liens de cause à effet, et c'est très inquiétant selon moi. Nous sommes tous des adultes, et nous savons qu'il y a une énorme différence entre une coïncidence et une analyse scientifique des causes et des effets. On nous sert des déclarations fracassantes comme quoi le registre a permis d'éviter 650 suicides, mais sans jamais nous présenter de preuve empirique qui pourrait nous le démontrer. Personne n'a encore fait la preuve devant le comité qu'il y a une relation de cause à effet et qu'il ne s'agit pas simplement d'une coïncidence.
On passe ensuite à l'idée générale de la prévention du crime, mais encore là, aucune preuve empirique ne nous démontre scientifiquement que le déclin du taux de criminalité du pays, qui était en baisse bien avant l'arrivée du registre des armes d'épaule, est en fait plus qu'une coïncidence, mais le résultat d'un lien de cause à effet. Rien ne le prouve, et le comité n'a jamais rien entendu à cet effet.
Je me demandais si M. Kuntz pouvait nous dire, d'après ses recherches sur le sujet, si des études menées sur le suicide au Canada avaient rapporté la présence d'armes à feu sur les lieux, alors que les victimes avaient choisi une autre arme pour s'enlever la vie? Est-ce que ce des études de ce genre ont été effectuées? Un de mes très bons amis s'est suicidé en janvier de cette année, et même si une arme à feu se trouvait dans sa maison, ce n'est pas l'arme qu'il a choisie pour s'enlever la vie. Les armes à feu étaient enregistrées, mais elles n'ont pas servi au suicide.
Comment peut-on affirmer que le registre a permis d'éviter 650 suicides au pays? Détenez-vous des preuves empiriques qui pourraient le démontrer au comité?
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Si les commerçants devaient bel et bien consigner ces données, on ne ferait que décentraliser le registre des armes à feu, qui passerait aux mains des commerçants. Sous la responsabilité du gouvernement, le registre est assujetti, entre autres, à des politiques de protection des renseignements personnels.
J'aimerais vous poser une question, monsieur Weltz.
Je m'adresse en fait à M. Kuntz et à M. Weltz. Je reconnais que vous avez tous les deux une expérience directe des questions étudiées, et je respecte grandement vos connaissances. Nous touchons toutefois à la sphère des sciences sociales. M. Leef a déclaré que nous ne pouvions pas assurément établir un lien de cause à effet, mais dans le monde des sciences sociales, ce n'est jamais possible.
Vous avez affirmé que l'obligation d'immatriculer les voitures n'avait pas permis de réduire le nombre de conducteurs aux facultés affaiblies sur les routes. Mais nous n'avons aucun moyen de le savoir. Si les gens pensaient pouvoir conduire en état d'ébriété, heurter quelqu'un à mort, pour ensuite abandonner leur véhicule dans un champ quelque part, parce qu'il n'y a aucun moyen d'en retracer le propriétaire, qui sait comment ils se comporteraient?
Vous avez aussi dit quelque chose que je trouve quelque peu contradictoire. Vous avez déclaré être en faveur de l'entreposage sécuritaire des armes. Mais vous avez donné l'exemple hypothétique que si une personne décide de se venger de quelqu'un, rien ne l'empêchera de s'emparer de son arme, qu'elle soit bien rangée ou non.
Des données montrent que le taux de suicide a chuté depuis la mise en place du registre des armes à feu. Existe-t-il des preuves démontrant que le registre n'a pas contribué à cette baisse?