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Je remercie les membres du comité par l'entremise du président.
Premièrement, comme vous l'avez dit, il est extraordinaire que, à titre de députée nouvellement arrivée à la Chambre, mon numéro ait été tiré au sort si rapidement pour présenter un projet de loi émanant de députés. Je suis donc ravie d'être parmi vous.
Je vais commencer par donner des renseignements généraux, afin de situer le projet de loi dans son contexte.
L'objectif du projet de loi est très simple. Il corrigerait une lacune coûteuse du système correctionnel canadien. Il s'agit d'une petite faille, mais il importe d'y remédier afin que le système soit plus efficace, comme il était censé l'être à l'origine.
Le Service correctionnel du Canada reçoit environ 29 000 griefs par année, qui sont présentés par divers détenus d'un bout à l'autre du pays. Parmi les quelque 23 000 délinquants sous la garde du Service correctionnel du Canada, un petit groupe, composé d'une vingtaine de détenus, présente plus de 100 griefs par année. Cela représente 15 p. 100 de toutes les plaintes. C'est considérable. En fait, dans quelques cas des détenus ont présenté plus de 500 griefs, presque 600 griefs par année.
Si on fait le calcul, il s'agit d'environ 10 griefs par semaine, ou trois griefs aux deux jours. Voilà justement le genre de griefs qui sont visés par ce projet de loi.
L'augmentation du volume de plaintes futiles ralentit considérablement le processus et le temps de réponse aux préoccupations légitimes d'autres détenus. Un volume élevé de plaintes immobilise aussi les ressources et commence à devenir ardu pour les agents des services correctionnels sur le terrain qui travaillent fort.
Le projet de loi permettrait au commissaire du Service correctionnel du Canada de désigner « plaignant quérulent » tout délinquant qui présente un nombre élevé de plaintes ou griefs qui sont vexatoires, mal fondés ou entachés de mauvaise foi. Je suis certaine que le projet de loi permettrait au SCC de minimiser les répercussions de tels griefs et contribuerait à protéger l'intégrité de la procédure de règlement des griefs afin que cette dernière puisse atteindre les objectifs visés.
J'aimerais parler très brièvement de la procédure de règlement des griefs que nous avons au Canada à l'heure actuelle. À la Chambre, on a entendu qu'elle comporte quatre paliers. Les plaintes peuvent être réglées à n'importe quel palier. Toutefois, ce sont les détenus qui décident s'ils sont satisfaits de la décision rendue par n'importe qui à n'importe quel palier.
Le premier palier de la procédure de règlement des griefs est le palier de la plainte. Le prisonnier remplit les formulaires nécessaires au pénitencier. La plainte est ensuite examinée par le chef de service ou de section. Si elle n'est pas réglée, on l'envoie au directeur de l'établissement. Le délai d'examen du dossier est de 15 jours ouvrables pour les cas hautement prioritaires et de 25 jours, pour les dossiers ordinaires.
Le Service correctionnel du Canada définit les cas hautement prioritaires comme étant ceux qui ont des répercussions directes sur la vie, la liberté ou la sécurité de la personne ou qui se rapportent à l'accès du plaignant à la procédure de règlement des plaintes ou des griefs.
Une fois que la plainte a été examinée, une décision est prise par le directeur de l'établissement, qui peut approuver, approuver partiellement ou rejeter la plainte du détenu. Si le prisonnier n'est pas satisfait de la décision, il peut interjeter appel. Parlons plus en détail des différents paliers de la procédure.
Dans la mesure du possible, le traitement des plaintes se fait au tout premier palier. Or, la plainte peut franchir trois étapes, puisqu'elle peut aller du plaignant, au chef de service ou de section, puis au directeur de l'établissement si le plaignant continue d'interjeter appel de la décision rendue précédemment.
Tous les efforts sont faits pour régler les griefs d'un délinquant, mais il est clair que, dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, la gestion efficace du palier de la plainte exige beaucoup de ressources.
Le deuxième palier de la procédure de règlement des griefs se situe au niveau régional. Les dossiers du premier palier sont transmis au bureau régional compétent, où ils sont examinés par le sous-commissaire régional dans les mêmes délais qu'au premier palier. Encore là, un délinquant insatisfait de la décision rendue peut en appeler.
Le troisième palier de la procédure de règlement des griefs est géré par les cadres supérieurs régionaux. Si le plaignant s'acharne à interjeter appel, le sous-commissaire régional principal examine le grief. Au troisième palier, le sous-commissaire régional principal doit évaluer le grief original, les appels du premier et du deuxième palier ainsi que les décisions rendues au premier et au deuxième palier.
Il est très important de signaler qu'une fois rendus là, les griefs auront été traités trois fois et fait l'objet de nombreuses révisions, souvent redondantes, parce que ce sont les détenus qui ont la haute main sur l'ensemble du processus d'appel. Il aura peut-être fallu jusqu'à 150 jours ouvrables pour traiter les griefs et, comme vous pouvez l'imaginer, cela devient un lourd fardeau administratif pour nos agents des services correctionnels qui travaillent dur.
Nous arrivons au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs, soit le dernier. Si le plaignant en appelle de nouveau d'une décision, le grief atteint le quatrième palier et est envoyé au commissaire du SCC. À cette étape, les griefs sont approuvés, approuvés en partie ou rejetés. Le délai d'examen est beaucoup plus court puisque le bureau du commissaire reçoit des sommaires des décisions rendues aux autres paliers afin de l'aider à rendre la décision finale. De plus, le délai est plus court parce que le bureau du commissaire compte plus d'employés et a plus d'experts à sa disposition.
Permettez-moi de donner un aperçu de certaines des lacunes du système actuel.
D'abord et avant tout, le système actuel n'exige pas que les griefs soient formulés de bonne foi. L'article 90 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit ceci:
Est établie [...] une procédure de règlement juste et expéditif des griefs des délinquants sur des questions relevant du commissaire.
Il est très important de le souligner parce qu'un système qui prévoit le traitement de tous les griefs, quels que soient leurs mérites, et qui permet aux détenus d'avoir la haute main sur ce système, va en fait à l'encontre de l'objectif visé par l'article 90, soit évidemment le règlement juste et expéditif des plaintes légitimes. Si nous voulons nous assurer de l'efficacité de l'article 90, nous devons veiller à corriger cette lacune.
Comme je l'ai expliqué, en modifiant l'article 91 pour qu'un délinquant puisse être désigné plaignant quérulent, on améliorerait, pour les délinquants, la possibilité de règlement juste et expéditif en vertu de l'article 90 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition — objectif qui est au coeur du projet de loi dont nous sommes saisis.
Par ailleurs, j'aimerais souligner que le système actuel représente une lourde charge financière pour les contribuables. On gaspille des ressources et de l'argent des contribuables en quantités faramineuses si on permet aux délinquants d'avoir la haute main sur un système qui prévoit quatre examens et un traitement qui peut s'étaler sur 150 jours. Nous sommes tous des contribuables. Je pense que nous voudrions tous que le système soit plus efficace, comme il était censé l'être au départ.
En outre, permettre aux prisonniers de présenter de nombreuses plaintes mal fondées les distrait de leur véritable objectif, soit leur réadaptation. Je suis convaincue que les détenus devraient se concentrer sur leur plan correctionnel qui vise à assurer leur entière réintégration dans la société. Si les détenus ont pour passe-temps de présenter des griefs non fondés, à mon avis ils se moquent du système correctionnel et de toute la procédure de règlement.
Enfin, je souligne que le fonctionnement actuel du système a des répercussions négatives sur le moral des employés qui doivent traiter les griefs. Comme vous pouvez l'imaginer, certains détenus présentent des griefs dans le seul but de causer des problèmes. On comprend comment doivent se sentir les gens qui sont aux prises avec cette situation tous les jours, alors qu'ils savent que leur but devrait être de traiter les plaintes légitimes.
Dans le cadre de la rédaction de ce projet de loi, j'ai eu l'occasion de visiter des établissements pénitenciers, et les employés de première ligne m'ont fait part du défi que représente le fait de devoir consacrer beaucoup de temps à traiter des plaintes sans fondement. Je souligne qu'ils sont absolument convaincus que le système carcéral doit disposer d'une procédure de règlement des griefs qui atteint les objectifs qui avaient été fixés au départ. Je le répète, ce projet de loi vise seulement les griefs mal fondés et vexatoires, non pas les griefs légitimes qui doivent être entendus.
Je tiens à préciser encore une fois que le projet de loi vise à corriger le système actuel en s'en prenant à un tout petit nombre de détenus et non pas, évidemment, à toute la population carcérale.
Essentiellement, le projet de loi permettrait au commissaire du Service correctionnel du Canada ou à son représentant de désigner un délinquant comme plaignant quérulent. Le délinquant serait alors tenu de fournir des preuves plus solides dans ses plaintes futures.
Je le répète, cela ne viserait qu'un petit groupe de détenus.
Un détenu désigné comme plaignant quérulent verrait sa plainte rejetée au premier des quatre paliers de traitement des plaintes, si l'établissement décide que la plainte est vexatoire et n'a pas été faite de bonne foi. Je suis certaine que le projet de loi améliorerait considérablement le traitement des plaintes dans le système correctionnel et ferait en sorte que les griefs légitimes soient entendus en temps opportun.
Je crois également que le projet de loi responsabiliserait davantage les contrevenants, serait plus respectueux des contribuables et dispenserait d'un fardeau superflu les agents de première ligne des services correctionnels, qui travaillent fort.
En conclusion, essentiellement, ce projet de loi supprimerait cette lacune très coûteuse de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui existe depuis un certain temps. À mon avis, dès que nous corrigerons cette lacune, le système sera beaucoup plus efficace, comme il était censé l'être au départ.
Maintenant, monsieur le président, par votre entremise, j'aimerais remercier les députés présents qui ont appuyé ce projet de loi et l'ont renvoyé au comité. Comme je l'ai dit au début, j'en suis fort ravie. Je vous invite à poser toutes les questions auxquelles vous souhaitez trouver réponse.