SECU Réunion de comité
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 9 février 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous.
Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale entame sa 23e séance en ce jeudi 9 février 2012. Cet après-midi, nous amorçons notre étude sur un sujet sur lequel nous nous sommes tous entendus lors de notre première séance de l'année.
Je vais vous lire la motion en question. Il a été convenu que « le comité étudie, pendant un minimum de huit séances, l'utilisation de la surveillance électronique à la fois dans le contexte du système correctionnel et de la mise en liberté sous condition et dans le domaine de l'immigration en vue d'en déterminer l'efficacité, la rentabilité, la mise en oeuvre et l'état de préparation ».
Pour la première heure de la séance, nous accueillons, à titre personnel, M. Mike Nellis, professeur émérite de justice pénale et communautaire à la faculté de droit de l'Université de Strathclyde. Il se joint à nous par vidéoconférence depuis Glasgow, au Royaume-Uni.
Monsieur, je crois savoir que vous avez une déclaration liminaire sur le sujet de notre étude. Je vous invite donc à la faire dès maintenant, après quoi, si vous nous le permettez, nous passerons à la période de questions des députés des trois partis politiques représentés ici.
Monsieur, nous vous souhaitons la bienvenue. La parole est à vous.
Bonjour, monsieur Sorenson. Je vous remercie de votre accueil.
Même si je suis en Écosse, je vais plutôt vous parler de l'utilisation de la surveillance électronique en Angleterre et au pays de Galles. Comme vous le savez sans doute, il s'agit de deux administrations distinctes et leurs approches en matière de surveillance électronique sont légèrement différentes. L'Écosse l'utilise à plus petite échelle et ses méthodes sont moins diversifiées qu'en Angleterre et au pays de Galles.
La Grande-Bretagne a commencé à utiliser la surveillance électronique en 1989. À l'époque, c'était le premier pays européen à emboîter le pas aux États-Unis et à lancer un projet pilote de surveillance électronique.
Je me suis intéressé à cette technologie dès le départ, bien que pendant les six premières années, je n'y étais pas du tout favorable, comme la plupart des gens qui ont travaillé dans le domaine de la probation. Je me suis ravisé en 1996, davantage pour des raisons éthiques qu'empiriques, parce que j'en suis venu à la conclusion qu'il fallait essayer de nouvelles formes de surveillance des délinquants dans le cadre de leur probation afin d'avoir moins recours à la détention.
D'après des statistiques qui datent de juin 2011, je peux affirmer que depuis 1999, près de 760 000 personnes ont fait l'objet d'une surveillance électronique en Grande-Bretagne. La radiofréquence est la forme de surveillance électronique la plus courante, et on l'utilise pour s'assurer que les délinquants respectent leurs conditions lorsqu'ils sont détenus à domicile. C'est largement répandu en Europe. D'autres pays européens en font aussi un usage assez courant, mais pas autant que la Grande-Bretagne.
On a utilisé la surveillance électronique à toutes les étapes du système de justice pénale, pendant la mise en liberté sous caution avant le procès et même après la libération, et ce, autant auprès des jeunes que des adultes. Chaque jour, en Grande-Bretagne, 23 000 délinquants sont placés sous surveillance électronique: 34 p. 100 d'entre eux sont en liberté sous caution, 52 p. 100 purgent une peine dans la communauté imposée par le tribunal, et 14 p. 100 sont libérés en vertu d'un permis. La grande majorité de ces délinquants ont purgé une courte peine d'emprisonnement et ont bénéficié d'une libération anticipée, mais certains d'entre eux sont des délinquants à risque élevé en liberté conditionnelle.
Le recours à la surveillance électronique en Grande-Bretagne est à la hausse. Son utilisation s'est accrue de 10 p. 100 entre 2010 et 2011. Tout indique que notre gouvernement veut poursuivre dans cette voie.
Qu'est-ce qui fonctionne bien en Grande-Bretagne? En général, nous utilisons la surveillance électronique sur de courtes périodes, jusqu'à un maximum de 12 mois pour les adultes et de six mois pour les délinquants juvéniles. Nous limitons le nombre d'heures auxquelles une personne est placée sous surveillance électronique. Cela peut varier entre deux et douze heures, mais c'est habituellement plus près des douze heures. La détention à domicile sous surveillance électronique est plus fréquente auprès des personnes en liberté sous caution, c'est-à-dire avant leur procès.
Tous les projets pilotes menés en Grande-Bretagne ont fait l'objet de recherches, sauf dans le contexte des libérations conditionnelles, pour lesquelles on n'a utilisé que très peu la surveillance électronique. Dès le départ, le gouvernement a estimé qu'il y avait suffisamment de preuves — mais pas incontestables — indiquant que la mesure était rentable et efficace. Par « efficacité », on parle du respect des conditions durant la période au cours de laquelle les délinquants sont soumis à la surveillance électronique. Les taux de conformité étaient assez élevés; les gens restaient à la maison comme ils le devaient, parce qu'ils savaient que le centre de surveillance était de toute façon en contact avec eux.
Une seule étude a été entreprise en Grande-Bretagne pour vérifier si la surveillance électronique avait une quelconque incidence après son utilisation, en particulier sur les récidivistes potentiels, sur une plus longue période, c'est-à-dire deux ans. On ne s'étonne pas d'apprendre que la surveillance électronique n'était pas différente des autres mesures visant à réduire le récidivisme lorsque l'âge du délinquant et son casier judiciaire demeuraient constants.
Personne ne devrait s'en étonner, puisque la surveillance électronique est une technologie qui ne permet pas en soi de modifier un comportement comme le ferait, par exemple, la probation, où l'on examine l'attitude et le comportement des délinquants.
Au mieux, la surveillance électronique est un moyen de dissuasion et, d'après de nombreuses études, nous savons que la dissuasion à elle seule ne contribue aucunement à changer le comportement d'une personne. Par ailleurs, il est difficile de savoir le coût réel de la surveillance électronique lorsqu'on examine les dépenses du gouvernement à ce chapitre. Je sais qu'en Grande-Bretagne, nous faisons affaire avec le secteur privé, et que les coûts ont varié au cours des années selon la quantité achetée. Je ne vais pas entrer dans les détails, parce que c'est assez long à expliquer.
Chose certaine, le gouvernement considère la surveillance électronique comme un investissement rentable. En Grande-Bretagne, il y a un organisme, le National Audit Office, qui a mené une étude approfondie sur les peines communautaires et le programme de mise en liberté anticipée. Il a conclu que ces deux mesures, particulièrement le programme de mise en liberté anticipée, avaient fait épargner des millions de dollars au système de justice pénale.
La surveillance électronique fait désormais partie intégrante du système de justice pénale en Grande-Bretagne, principalement parce qu'elle est considérée comme une mesure rentable. Évidemment, c'est discutable. Je ne dis pas que j'appuie nécessairement cette conclusion, mais c'est l'avis du gouvernement, et on ne peut pas dire qu'il ne s'est pas penché sur la question. Le gouvernement a rendu publics des documents sur ses dépenses en matière de surveillance électronique et semble convaincu que la dépense est justifiée.
Qu'est-ce qui fonctionne moins bien en Grande-Bretagne? La surveillance électronique est souvent utilisée toute seule. Elle n'est pas intégrée à d'autres éléments, comme un programme de probation ou d'autres mesures de réhabilitation que l'on pourrait utiliser auprès des délinquants dans la communauté.
La surveillance électronique à elle seule pourrait être une bonne chose dans le cas des personnes en liberté sous caution, qui sont présumées innocentes jusqu'à preuve du contraire, et où il n'est pas justifié d'essayer de changer leur comportement à cette étape du processus. Nous avons déjà abusé des détentions préventives. Le recours à la surveillance électronique pourrait donc permettre de remédier à ce problème.
Cependant, lorsqu'il s'agit d'imposer strictement la surveillance électronique comme sanction communautaire, malgré les meilleures intentions du gouvernement il y a 20 ans pour utiliser cette méthode comme une sanction lourde, elle est plutôt devenue une sanction légère et, par le fait même, ne devrait pas remplacer l'incarcération dans le cas des délinquants qui se seraient vu autrement infliger une autre sanction communautaire ou une amende.
On pourrait défendre cette pratique dans le contexte de la mise en liberté anticipée, selon la définition que vous en donnez. Est-ce un moyen de faciliter la réinsertion sociale du détenu ou plutôt une façon rapide de se débarrasser d'un détenu pour économiser de l'argent? Dans l'ensemble, je pense qu'on retient la deuxième définition; les personnes ont souvent été libérées trop tôt.
On a fait valoir des arguments à propos des personnes bénéficiant d'une libération anticipée sous surveillance électronique. Ne devrions-nous pas leur apporter une certaine forme de soutien? À l'heure actuelle, nous n'offrons rien de cela et, pour cette raison, j'estime que les gens vont percevoir la surveillance électronique comme un moyen de gagner quelques jours, voire quelques mois — un minimum de 30 jours et un maximum de 135 jours — en dehors de la prison, ce qui permet sans aucun doute au gouvernement de réaliser des économies considérables et de désengorger le système carcéral.
Le recours à la surveillance électronique auprès des délinquants en liberté anticipée a suscité une vive controverse dans les médias, car, d'une façon ou d'une autre, on a toujours contesté le fait de relâcher des détenus plus tôt que prévu. Les pires critiques que nous avons reçues relativement à la surveillance électronique sont liées à la mise en liberté anticipée.
Il arrive aussi qu'on intègre la surveillance électronique à d'autres mesures, et c'est ce genre d'utilisation que je préconise.
Nous avons un programme intensif de soutien et de surveillance à l'intention des jeunes contrevenants à risque élevé, et la surveillance électronique en fait partie. Dans ce cas, en principe, on en fait une bonne utilisation. Bien qu'on ajoute un certain élément de surveillance, l'objectif essentiel de ces mesures vise la réhabilitation et le soutien des jeunes contrevenants à risque élevé.
Nous l'intégrons également à d'autres mesures dans le contexte de la libération conditionnelle. La surveillance électronique n'est pas obligatoire dans ce cas; c'est une exigence discrétionnaire prévue dans le certificat de libération conditionnelle, mais pour certains délinquants à risque élevé libérés dans la communauté, y compris des délinquants sexuels, la surveillance électronique peut apporter quelque chose au processus de soutien.
Ce que je sais à ce sujet, je le sais d'après mon expérience, puisque cet aspect de la surveillance électronique n'a pas fait l'objet d'un rapport public d'évaluation au pays.
En Grande-Bretagne, on fait appel au secteur privé pour la prestation des services de surveillance électronique. C'est un choix politique qu'on a fait en 1996 et en 1999. La réalisation des projets pilotes en 1989 était également un choix politique, mais lorsqu'on a envisagé d'utiliser la surveillance électronique à l'échelle nationale, le gouvernement britannique a décidé qu'il allait continuer de faire affaire avec le secteur privé plutôt que de confier cette mesure au service de probation.
Le ministère de la Justice accorde des contrats à des entreprises privées, qui sont actuellement G4S et Serco, puis tous les cinq ans, on lance un nouvel appel d'offres pour déterminer si on continuera de faire affaire avec ces entreprises ou d'utiliser cette technologie. Au moment où l'on se parle, un appel d'offres est en cours.
Le gouvernement est d'avis qu'en lançant de nouveaux appels d'offres, il suscite des changements dans la pratique des entreprises privées et favorise la concurrence, ce qui oblige les entreprises à maintenir les coûts à un faible niveau.
Il y a sans aucun doute des personnes bonnes et honnêtes qui travaillent dans le secteur privé, et j'en connais moi-même beaucoup depuis plusieurs années, mais selon moi, le fait de recourir au secteur privé plutôt qu'au service de probation a rendu l'intégration de la surveillance électronique à d'autres mesures de réhabilitation plus difficile qu'elle ne l'aurait été autrement.
En 2004, une tragédie est survenue en Grande-Bretagne. Un jeune homme qui était soumis à l'un de ces programmes intensifs de supervision et de soutien a tué quelqu'un au cours d'un vol qualifié. L'enquête a révélé qu'une mauvaise communication entre l'organisme gouvernemental et l'organisme privé était un facteur dans sa tentative d'évasion au contrôle auquel il était assujetti.
Quelques années plus tard, notre bureau d'inspection des probations a fait sa toute première inspection officielle de nos ententes relatives à la surveillance électronique en Grande-Bretagne. C'est un excellent rapport; l'un des meilleurs que vous pouvez lire sur le sujet. Son mandat ne consistait pas à déterminer si le recours au secteur privé était une bonne chose. Il a simplement remis en question cette entente, mais d'une façon très polie.
De 2004 à 2006, nous avons utilisé le système GPS dans le cadre d'un bref projet pilote afin de localiser les délinquants. Le projet pilote ciblait les délinquants sexuels, comme c'est souvent le cas avec le système GPS, et le groupe de gens que l'on considère « délinquants actifs et multirécidivistes » en Grande-Bretagne. En général, ce sont des cambrioleurs à risque élevé. Ce sont souvent des toxicomanes qui doivent voler pour satisfaire leurs besoins de consommation. Ce sont des gens qui vont avoir recours à la violence de façon régulière. Les délinquants actifs et multirécidivistes commettent un grand volume de crimes, qu'on aurait tous intérêt à voir réduire rapidement, surtout lorsque ces individus sortent de prison et risquent de perpétrer d'autres crimes à risque élevé. Nous avons également utilisé cette méthode auprès des jeunes délinquants durant cette même période.
Pour diverses raisons complexes, nous avons abandonné le projet. Ce n'était pas parce que c'était inefficace, mais plutôt parce qu'on s'inquiétait des coûts reliés au système GPS. Toutefois, un système GPS coûte beaucoup moins cher aujourd'hui qu'en 2006.
De toute façon, nous avons abandonné l'emploi du GPS. Au début de l'expérience pilote, en 2004, c'était l'intention du gouvernement, je crois, de continuer de l'utiliser, mais, en 2006, il a changé d'idée.
Cependant, même si cette expérience n'a pas eu de suite, trois petits projets pilotes employant le GPS se poursuivent actuellement en Angleterre et dans le pays de Galles. Ils visent les multirécidivistes. Le National Health Service utilise également le GPS pour surveiller le déplacement des patients d'une unité psychiatrique sécurisée de South London, lorsqu'ils quittent l'hôpital pour de courtes périodes.
On n'utilise pas beaucoup la surveillance électronique de l'immigration en Angleterre et dans le pays de Galles. Je ne pourrais même pas dire si, en ce moment, la pratique existe. Une expérience pilote a eu lieu en même temps que celle de 2004-2006, qui employait le GPS, avec les trois moyens disponibles de surveillance électronique — radiofréquences ordinaires, détention à domicile, GPS, vérification vocale —, mais aucun résultat de la recherche n'a été rendu public. J'ai entendu dire que les chiffres étaient très petits et qu'on ne pouvait rien conclure de significatif.
J'ai également entendu dire qu'on s'en servait pour soustraire les demandeurs d'asile à l'obligation de parcourir de très grandes distances jusqu'au centre auquel ils doivent se présenter en attendant leur déportation du pays. On leur permet ainsi, à eux et à leurs familles, de rester à la maison, sous surveillance électronique, plutôt que de parcourir 50 ou 60 milles, et d'économiser le prix des billets d'autobus et de train.
Personnellement, je ne trouve pas cette utilisation répréhensible, mais elle n'a jamais été répandue à une grande échelle. Les groupes d'appui aux demandeurs d'asile s'y sont beaucoup opposés. L'application soudaine, à leurs protégés, d'une mesure qu'ils assimilaient à la gestion des criminels les offusquait. En fait, rien ne s'oppose à la mise sous surveillance électronique dans divers contextes; néanmoins, il est difficile de la débarrasser de ce stigmate.
J'ai beaucoup de contacts dans les pays d'Europe qui utilisent la surveillance électronique et je suis convaincu que la Suède offre un modèle instructif. Ce pays l'utilise depuis 1996. C'est là qu'on a utilisé, pour la première fois en Europe, un programme tout à fait national, par opposition à la première expérience pilote anglo-galloise. La différence essentielle entre les deux pays, c'est que la Suède a intégré, dès le début, ce programme dans son service de probation et qu'elle n'a utilisé la mise sous surveillance électronique que dans le cadre d'un programme intégré de réadaptation.
Les Suédois l'utilisent en remplacement de la prison, et ils ne s'en cachent pas. Ils l'appliquent aux délinquants condamnés à la prison, mais à qui on a offert de purger leur peine dans la collectivité. Ces délinquants doivent avoir un emploi et, habituellement, ils suivent un programme de réadaptation dans la collectivité pendant leur mise sous surveillance électronique.
Ce projet a subi une évaluation très poussée, au moyen d'une méthode très claire et très robuste, qui a révélé que cette surveillance donnait de très bons résultats. Très modestement, les Suédois admettent ne pas pouvoir conclure avec certitude que le procédé est l'ingrédient qui permet de réduire la récidive. Ils creusent la question, mais tout lecteur attentif ne pourra faire autrement que de se sentir encouragé par les possibilités offertes dans le contexte d'un programme intégré de travail.
De fait, cette utilisation de la surveillance électronique en Suède n'est pas foncièrement différente de ce qu'a préconisé le Canadien James Bonta. Après un travail de recherche effectué en 2000, sur un échantillon très petit, il a proposé de se servir de la surveillance électronique pour stabiliser la vie des délinquants, sous réserve d'un programme de réadaptation, et qu'elle pourrait suffire pour les aider à aller jusqu'au bout du programme et à en retirer les avantages dont ils ne pourraient pas profiter s'ils avaient laissé tomber.
C'était un très petit...
Près de 17 minutes se sont écoulées et, habituellement, les déclarations préliminaires prennent une dizaine de minutes. Vous faisiez allusion à M. James Bonta, qui sera parmi nous dans 30 ou 45 minutes. Nous ne manquerons donc pas de l'entendre.
Un certain nombre de nos membres commencent à montrer des signes de très grande impatience. Ils tiennent à vous questionner et veulent avoir le temps de le faire. Si vous pouviez conclure, nous passerions aux questions.
D'accord. Voici mes conclusions.
De ce qui précède, je conclus que la surveillance électronique vaut la peine d'être essayée comme moyen de valoriser davantage ce que le service de probation a traditionnellement essayé de faire avec les délinquants. La surveillance électronique fait partie d'un tout plutôt que d'être une méthode autonome, sauf dans des circonstances particulières comme la liberté sous caution.
La détention à domicile sous surveillance électronique peut être une mesure coûteuse, et, parfois, il est utile de compter sur l'appui d'un travailleur social ou d'un agent de probation pour aider l'individu surveillé à passer au travers de cette expérience.
La surveillance électronique peut donner de très bons résultats en ce qui concerne le respect de la loi. Cela dépend à la fois de l'efficacité de la technique de surveillance ainsi que de la sévérité et de la légitimité de la réaction à toute infraction, puis de la nature des sanctions ultérieures. Bien que, à l'échelle mondiale, il ne se fasse pas beaucoup de recherche pour justifier empiriquement l'emploi du GPS, je pense que la méthode s'impose dans le cas des délinquants qui présentent un risque élevé de récidive et que les expériences en cours avec les multirécidivistes méritent que nous nous y intéressions autant qu'à l'utilisation de la technique chez le groupe plus traditionnel des délinquants sexuels, normalement ciblés par la surveillance par GPS.
C'était tout ce que je tenais à dire. Merci beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur Nellis. Votre témoignage est le premier que nous entendons sur la question, et je vous remercie pour vos renseignements précis et détaillés. Vous nous avez aidés à comprendre un peu mieux le travail qui se fait non seulement en Écosse et au pays de Galles, mais, également en Suède et dans le reste de l'Europe.
Je cède la parole à un député du parti ministériel d'abord. Monsieur Rathgeber, veuillez commencer. Vous disposez de sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Nellis, de nous avoir bien éclairés sur la question. J'ai besoin de vos lumières, parce que, pour ma part, je ne comprends pas du tout le système.
Vous dites que de 2004 à 2006 l'Angleterre et le pays de Galles ont essayé l'emploi de la surveillance par GPS. Avant et depuis cette expérience, quelle était la technologie utilisée? Est-ce que cela se résume simplement au fait que si un individu sort d'un certain périmètre, une sorte d'alarme est déclenchée et que cette alarme est entendue dans un poste de police?
Si on n'utilise pas le GPS, quelle technique utilise-t-on?
On utilise les radiofréquences. Le délinquant porte un bracelet à la cheville, qui envoie un signal à un émetteur-récepteur installé chez lui. L'appareil renvoie le signal à un centre de surveillance, soit par une ligne téléphonique ou par le réseau de téléphonie cellulaire.
Au centre de surveillance, quelqu'un est en mesure de déterminer si l'émetteur-récepteur capte un signal du bracelet. Si le délinquant est censé être chez lui entre 19 heures et 7 heures, par exemple, le centre de surveillance saura qu'il a respecté ces conditions, parce que le bracelet envoie un signal à l'émetteur-récepteur.
S'il sort de la maison pendant la période où il est censé y rester ou s'il essaie de se débarrasser du bracelet, le centre de surveillance l'apprend.
Il s'agit d'une technique éprouvée.
D'accord. Je comprends.
Sans GPS, ce système de surveillance par radiofréquences permettra aux autorités de déterminer si l'individu était chez lui, mais s'il sort, personne ne saura où il va, faute de technologie GPS.
Est-ce une hypothèse juste?
Oui.
La technique des radiofréquences permet seulement de localiser l'individu chez lui. Le GPS le suit partout.
Très bien.
Bien sûr, j'imagine qu'entre la technique des radiofréquences et le GPS, la différence de coût est énorme. Est-ce pour cette raison qu'on a abandonné l'expérimentation du GPS en 2006?
Ç'a eu peu à voir avec la décision.
De fait, la différence de coût n'est pas si grande qu'on le croirait. Les chiffres qu'on donne pour les États-Unis sont de 5 $ par jour pour les radiofréquences et de 15 $ pour le GPS. Ne vous y attachez pas trop, mais rappelez-vous qu'ils sont dans le rapport de trois à un. Le GPS est habituellement trois fois plus cher que les radiofréquences, mais, dans les deux cas, les coûts ont beaucoup baissé depuis quatre ou cinq ans.
En Angleterre et dans le pays de Galles, l'installation est confiée au privé, à une entreprise liée par contrat, qui fournit le service à l'État.
Le tribunal lui signale quotidiennement, par télécopieur, le nom de personnes visées par une ordonnance de surveillance électronique, et l'agent ou les agents de surveillance, parce que, parfois, ils travaillent en binôme, se rendent chez elles pour installer le bracelet avant la fin de la journée. Dans le cas d'une mise en liberté anticipée, les autorités carcérales planifient les dates de libération, puis avertissent l'entreprise, qui installe l'équipement et le bracelet à la date de sortie du prisonnier.
C'est ainsi que les choses se passent en Angleterre et dans le pays de Galles. En Suède, l'installation est faite par l'agent de probation.
À quoi ressemble le bracelet? Est-ce que c'est de la taille de ma montre-bracelet? D'un bracelet comme ceux que portent les sportifs? Quelle est sa taille? Sa visibilité?
C'est à peu comme une montre-bracelet. C'est plutôt en plastique gris. J'aurais dû m'en munir d'un. Ils sont beaucoup plus légers maintenant. Votre analogie avec la montre-bracelet est tout à fait juste.
L'appareil prend très peu de place, maintenant, mais la sangle est l'élément important, parce qu'elle comporte habituellement une fibre optique. C'est la rupture de la fibre qui avertit les préposés à la surveillance qu'on a altéré le bracelet.
L'important n'est pas seulement la partie émettrice du bracelet; c'est également la sangle. Certaines sangles sont en parties faites d'acier, qui les rend plus difficiles à enlever.
Est-ce que, en général, on porte le bracelet au poignet ou à la cheville ou ailleurs, sur le corps? Est-il difficile à enlever?
On le fixe habituellement à la cheville, parce qu'on a constaté que certaines personnes pouvaient placer leur pouce d'une façon qui permettait de faire glisser le bracelet de leur poignet. Pour les femmes enceintes dont les chevilles sont susceptibles d'enfler, on a prévu un bracelet pour le poignet.
Les bracelets utilisés en Grande-Bretagne peuvent se couper aux ciseaux. On peut les enlever très facilement. On le fait pour des raisons d'hygiène et de sécurité.
Certains, à juste titre, s'interrogent sur la logique de cette mesure. Les bracelets pour le système GPS qui ont été utilisés dans les expériences pilotes actuelles et dans celle du National Health Service sont donc différents. Ils ne sont pas faits d'une sangle de plastique à fibre optique, mais d'une sangle de cuir avec une bande d'acier que seuls des coupe-boulons industriels peuvent couper. Il faudrait d'abord que le délinquant se munisse de cet outil, puis il lui faudrait encore une vingtaine de minutes pour couper le bracelet, ce qui est énorme.
Il n'y a pas de réponse simple ni unique à votre question sur la facilité d'enlever ce genre de bracelet, parce qu'il existe différents types de bracelets et de sangles.
Dans les pays où on les utilise beaucoup et où les médias en ont assez parlé, on les reconnaîtra très probablement. Il y a toujours des gens qui sont dans l'ignorance, et si on questionne quelqu'un qui porte ce bracelet, il peut le faire passer pour un dispositif médical prescrit par le médecin. Cependant, en général, ces bracelets sont reconnaissables.
Merci beaucoup, monsieur Nellis.
Nous passons à un membre de l'opposition. Monsieur Sandhu, c'est votre tour, pour sept minutes.
Merci de votre témoignage, monsieur Nellis.
Je tiens tout de suite à mentionner que nos whips sont sûrement désireux d'utiliser la technique du GPS.
Vous avez parlé de différents délinquants et mentionné que la surveillance électronique est utilisée pour les personnes en liberté conditionnelle et en liberté sous caution. Y a-t-il d'autres circonstances où on l'utilise?
Non. Je pense que l'Angleterre et le pays de Galles constituent un bon exemple des différents usages auxquels la technique a servi. Je pense que nous l'avons utilisée à toutes les sauces dans le système de justice criminelle, c'est-à-dire sur une gamme très étendue de délinquants, des agresseurs et cambrioleurs aux personnes en liberté conditionnelle qui ont commis des agressions sexuelles graves en passant par les meurtriers. On les met sous surveillance électronique à la fin d'une longue peine de prison. Si on a jugé qu'on pouvait les libérer, la surveillance électronique fait simplement partie d'un processus de mise en liberté anticipée ou de liberté conditionnelle. Je pense que, dans notre pays, nous avons utilisé la surveillance électronique de manière assez minutieuse et éclectique.
En Écosse, par exemple, on ne l'utilise pas pour ceux qui sont libérés sous caution, et on n'a jamais expérimenté la surveillance par GPS. On utilise seulement la surveillance électronique pour les peines à purger dans la collectivité. On utilise également un mécanisme de mise en liberté anticipée. Différents pays ont effectué des choix politiques différents sur les modalités d'utilisation de la surveillance électronique, en fonction des problèmes qu'ils perçoivent comme étant les leurs en matière pénale.
Merci.
Monsieur Nellis, vous avez parlé d'intégrer la surveillance électronique dans d'autres programmes. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?
Prenons le programme de supervision et de surveillance intensives qui existe depuis maintenant une décennie, pour les jeunes délinquants. La surveillance et l'appui fonctionnent au pied de la lettre. En effet, l'appui consiste en programmes d'éducation ou en formation professionnelle et en un programme de gestion des délinquants qui s'attaque à la colère de ces jeunes, à leur impulsivité, à leurs attitudes à l'égard des victimes et du crime en général. Ce programme peut également comporter du mentorat individuel. Voilà pour l'appui.
La surveillance est évidemment électronique, mais il existe également un élément de maintien de l'ordre qui repose sur le renseignement et qui s'applique à ces jeunes également. On sait, en effet, qu'ils présentent des risques élevés — peut-être s'adonnent-ils au commerce de la drogue — et la police, mine de rien, les tient à l'oeil. Périodiquement, pendant qu'ils purgent leurs peines, elle rencontre des travailleurs sociaux et des agents de probation pour discuter des progrès accomplis par tel jeune. Dans ce programme intensif, le jeune est assujetti, le jour, à beaucoup d'activités pratiques et est mis sous surveillance électronique la nuit.
De fait, pendant l'expérience pilote anglo-galloise de 2004, la surveillance par satellite a fait partie de la surveillance électronique, qui n'a pas seulement servi à cantonner les délinquants chez eux la nuit; nous leur avons également interdit la fréquentation de certains secteurs, dans des zones d'exclusion, où, par exemple, ils avaient commis beaucoup de cambriolages, s'étaient bagarrés, avaient vendu de la drogue. Le GPS permet notamment de créer des zones d'exclusion, ce qui est impossible avec la technique classique des radiofréquences, qui contrôle la présence des personnes chez elles.
Je pense que certains ont pensé qu'on imposait ainsi une charge trop lourde à des jeunes, et, d'après moi, cet aspect de l'expérience pilote de 2004-2006 lui a enlevé toute chance de se poursuivre dans un programme en place.
Toutefois, en Angleterre et dans le pays de Galles, nous sommes très à l'aise pour employer la surveillance électronique pour le contrôle des déplacements nocturnes des jeunes délinquants, dont les activités diurnes sont contrôlées grâce aux autres volets du programme.
Vous dites que si l'on envisage la réadaptation des détenus ou des prisonniers au moment de leur libération, en plus de la surveillance, c'est important d'avoir des programmes coordonnés. Vous avez dit que le système de probation devait être intégré à la surveillance, et qu'un organisme gouvernemental serait plus efficace qu'une agence privée.
J'en suis tout à fait convaincu. Je crois fermement que la meilleure façon d'utiliser la surveillance électronique, c'est de l'intégrer au contexte des centres de probation existants, à la manière des Suédois et des Allemands. Un petit élément de surveillance dans le contexte élargi d'un programme de réadaptation est une façon tout à fait intelligente de gérer des personnes parfois difficiles.
Je ne voudrais pas que le service de probation devienne une agence de surveillance complète. Je ne voudrais pas que la surveillance électronique remplace ou déplace des mesures de réadaptation qui fonctionnent bien. Je crois qu'on peut très bien les combiner et, dans une certaine mesure, c'est ce qu'on a fait, en principe, dans le cadre de ce projet de supervision et de surveillance intensives mené en Angleterre et au pays de Galles. Le principe de ce projet est bon.
Toutefois, contrairement à la Suède et à l'Allemagne, nous avons un organisme du secteur privé qui travaille avec un organisme du secteur public pour faire fonctionner le système. Je me demande pourquoi ne pas confier tout cela à l'organisme constitué par la loi. Pourquoi ne pas s'en remettre au service qui est déjà chargé de la réadaptation des délinquants? La réadaptation devrait être l'objectif premier, même si vous devez tenir compte aussi de la protection publique à certains moments. Il vaut mieux utiliser la surveillance électronique comme un outil de réadaptation, et non seulement pour contrôler le comportement des délinquants.
Monsieur Nellis, vous avez dit que la surveillance était utilisée pour les demandeurs d'asile. Est-ce seulement au Royaume-Uni? Avez-vous une idée de ce qui se fait en Suède et dans d'autres pays?
Non, je ne le sais pas. Je ne pense pas que ce soit très répandu en Europe. Si c'était le cas, je crois que je le saurais. Les réseaux de personnes qui utilisent la surveillance électronique, du moins ceux que je connais, ne parlent pas beaucoup de son utilisation à l'égard de l'immigration et des demandeurs d'asile. C'est beaucoup plus répandu aux États-Unis, et je reconnais d'emblée que je ne suis pas très au courant de cette pratique dans ce pays. Je sais qu'elle est très répandue. Je sais que les entreprises privées considèrent que c'est un élément important du marché, et que l'immigration est un marché dans lequel elles sont de plus en plus présentes — elles considèrent qu'il s'agit d'un marché — alors qu'elles ont évolué dans le marché de la justice pénale depuis 20 à 30 ans. Cependant, mes connaissances à ce sujet sont trop limitées. Il vous faudra trouver un autre témoin pour répondre à votre question.
Merci, monsieur Nellis.
Nous allons maintenant revenir au parti ministériel. Nous allons donner la parole à M. Norlock, pour sept minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président et, par votre intermédiaire, je remercie le témoin de sa présence cet après-midi.
J'ai deux ou trois brèves questions à poser. Si vous pouvez donner des réponses brèves, je vous en saurai gré.
Dans votre déclaration préliminaire, je crois que vous avez mentionné que l'utilisation des dispositifs de surveillance électronique et les études dont ils ont fait l'objet ont été examinées par des pairs, ou avez-vous dit le contraire?
Je n'ai pas parlé d'examen par les pairs. Vous m'avez peut-être mal entendu. C'était un projet pilote.
Oui. La recherche du Home Office, la recherche du gouvernement, a été examinée en faisant intervenir les mécanismes internes qu'utilise le Home Office. Ce n'est pas la même chose qu'un examen par les pairs mené dans un cadre universitaire, mais il serait juste de dire que c'était une recherche gouvernementale de grande qualité.
On s'est concentré sur le projet pilote, d'où les limites de la recherche. Nous n'avons pas mené d'étude sur la surveillance électronique dans la pratique courante autant qu'à ses tout premiers débuts. Je crois qu'on est toujours plus susceptible d'obtenir de meilleurs résultats dans le cadre d'un projet pilote que lorsqu'on étudie l'utilisation courante de la même technologie. Toutefois, je ne voudrais pas dénigrer la recherche.
Merci.
Vous me paraissez plutôt convaincu qu'une recherche raisonnable a été menée, même si elle n'a pas fait l'objet d'un examen par les pairs à proprement parler.
Passons maintenant aux choses de base. Quel serait le coût par unité et quel est le coût par personne, si on utilise le modèle britannique et peut-être le modèle suédois? Vous pouvez nous présenter les coûts en livres, si vous êtes plus à l'aise avec cette devise, ou en dollars canadiens; une livre correspond à environ 1,50 dollar canadien.
Je ne connais pas la réponse exacte à cette question, puisque les coûts ont varié au fil des années, selon les arrangements financiers que le gouvernement britannique a conclus avec les entreprises privées. Ce n'est donc pas facile de donner un chiffre, et je ne sais vraiment pas quels sont les coûts en Suède.
J'ai entendu dire que le coût actuel d'un GPS en Angleterre serait de 2 livres par jour. On parlerait ici des projets pilotes qui sont en cours avec des délinquants récidivistes et prolifiques. Il en coûte 2 livres par jour pour utiliser un système de surveillance par GPS sur des délinquants à très haut risque. Je peux le dire parce que la personne chargée de ce projet m'a donné ce chiffre récemment, mais autrement, je ne peux vous donner de chiffre absolu sur le coût quotidien.
Merci. Je sais qu'il est difficile de répondre de façon succincte.
Vous dites qu'il en coûte 2 livres par jour pour une personne à haut risque.
M. Mike Nellis: Oui.
M. Rick Norlock: Aurais-je raison de dire que la solution de rechange serait l'incarcération? Pourriez-vous nous dire, d'après votre expérience, ce que sont les coûts par jour de l'incarcération? Je crois qu'ils seraient beaucoup plus élevés.
Pour répondre simplement et rapidement à la question, oui, ces personnes seraient restées en prison plus longtemps, puisque le GPS permet de les surveiller lorsqu'elles sont remises en liberté. Si elles n'étaient pas surveillées par GPS, elles seraient fort probablement incarcérées plus longtemps.
Pour ce qui est du coût quotidien de l'incarcération en Angleterre et au pays de Galles, je suis désolé de ne pas pouvoir vous donner ce chiffre. Je dois faire le calcul; on compte de 35 000 à 40 000 livres par année, et aucune...
Merci.
Selon vous, entre la détention préventive, la libération conditionnelle et la libération anticipée, laquelle de ces situations serait la plus appropriée pour la surveillance électronique, ou est-ce qu'elles le sont toutes les trois? De façon générale, si vous deviez répondre rapidement, quelle serait la meilleure situation, en allant de la première à la troisième?
La meilleure situation est le cautionnement, parce que je peux accepter qu'on ait recours à la seule surveillance électronique si les établissements de détention provisoire sont surpeuplés. La deuxième option serait une peine à purger dans la communauté, si vous l'utilisez avec d'autres mesures. La troisième serait la libération anticipée, conjuguée de préférence à d’autres mesures.
Quand vous parlez d'autres mesures, est-ce que ce sont d'autres conditions, comme celle d'interdire à un délinquant sexuel ou à un pédophile de ne pas avoir de contact avec des personnes de moins de 18 ans?
Non, je parle de soutien. Vous pouvez intégrer toutes sortes de conditions semblables à la surveillance électronique. Dans certains cas, vous pouvez vous servir de la surveillance électronique pour voir si les conditions sont respectées. Toutefois, je parle ici des mesures de soutien et de réadaptation qui seraient utilisées parallèlement à une technologie de surveillance.
J'hésite à préconiser le seul recours à la surveillance électronique. Je préfère qu'elle soit utilisée de concert avec des mesures de réadaptation et de soutien.
Ces mesures pourraient comprendre le traitement des toxicomanies, ou encore un programme d'éducation si la personne n'a pas terminé un minimum d'études secondaires ou une autre formation. Il pourrait s'agir aussi d'une aide à la recherche d'emploi. Est-ce ce dont vous parlez?
Oui. Il pourrait s'agir d'un traitement pour toxicomanie ou alcoolisme, d'un traitement pour maladie mentale, d'un mentorat, d'un travail d'éducation ou d'une formation professionnelle. Tout cela est beaucoup plus important pour réduire les récidives que la surveillance électronique en soi, mais la surveillance électronique peut ajouter un élément de contrôle à ces mesures de travail social, que ces mesures n'ont pas d'elles-mêmes.
M. Rick Norlock: Merci beaucoup.
Merci, monsieur Norlock.
Nous allons donner la parole encore une fois à l'opposition.
Monsieur Scarpaleggia, nous vous écoutons.
Pouvez-vous expliquer cette dernière affirmation? Vous avez dit qu'on pouvait ainsi ajouter un élément de contrôle à ces mesures de réadaptation.
Je crois comprendre ce que vous voulez dire, mais pouvez-vous me donner un exemple concret de ce que signifie « ajouter un élément de contrôle aux mesures de réadaptation »? Intuitivement, je comprends que ce sera plus efficace d'utiliser la surveillance électronique dans le cadre d'un programme de réadaptation, mais je ne sais pas exactement comment cela se fait en pratique.
Pour vous donner un exemple, je vous dirai simplement ceci: si une personne est assujettie à une ordonnance de probation qui l'oblige à faire un certain travail communautaire, à suivre un traitement pour toxicomanie et à se soumettre à un programme de dépistage, lorsque toutes ces choses sont terminées à la fin de la journée, que se passe-t-il la nuit?
La probation, ce n'est habituellement pas l'affaire d'un organisme qui travaille la nuit. Les foyers de probation travaillent la nuit. Périodiquement, des projets de probation sont menés avec des voleurs de voitures, par exemple, qui fonctionnent la nuit ou le soir, mais de façon générale, la probation est une activité de jour. Il n'y avait aucune façon de contrôler l'endroit où se trouvait un délinquant durant la nuit. L'idée d'établir des couvre-feux qui seraient surveillés électroniquement — parce que c'était surtout perçu comme une mesure de nuit, à l'origine — était sans nul doute séduisante.
Voici une façon plus créative d'ajouter un contrôle. L'exemple nous vient de l'Écosse, et non de l'Angleterre et du pays de Galles, mais cette façon de faire pourrait être utilisée également en Angleterre et au pays de Galles. Il y avait une personne dont le crime consistait à voler des voitures sur commande. D'autres criminels lui demandaient de voler un type particulier de voiture et de conduire le véhicule à un endroit précis. Je ne sais pas pourquoi cette personne n'a pas reçu une peine d'emprisonnement pour un crime pareil, mais elle devait purger une peine dans la communauté.
La surveillance électronique a été utilisée de façon très créative. Au lieu de le forcer à rester à l'intérieur pendant 12 heures la nuit, le juge a divisé ces 12 heures en bloc de deux heures. Le délinquant ne pouvait donc effectuer que des trajets d'une heure avant de retourner chez lui, ce qui limitait ses déplacements. Il ne pouvait donc parcourir les distances qu'il faisait auparavant pour voler des voitures. Parallèlement à son programme de réadaptation, on a limité de façon très stricte son champ de manoeuvre, qui lui permettait de commettre un certain type de crime.
Je peux comprendre comment on peut prévenir ainsi le vol d'une voiture, mais comment renforce-t-on ici la réadaptation du délinquant du point de vue psychologique? On présume qu'il ne rencontre pas plus souvent l'agent de libération conditionnelle. Vous savez seulement s'il s'approche d'un terrain de stationnement.
C'est une question tout à fait légitime. La surveillance électronique motive-t-elle davantage une personne qui souhaite se réadapter et s'éloigner du crime? Certaines preuves montrent que la surveillance électronique peut jouer dans ce sens. Nous avons mené une recherche, cette fois-ci à l'extérieur du gouvernement, qui montre que, pour certains délinquants, la surveillance électronique permet de rompre avec leur style de vie antérieur. Le fait d'être forcés de rester à la maison, plus près des membres compatissants de leur famille, et le simple fait de devoir rester à l'intérieur plus souvent et d'être exposés aux points de vue de leur famille, qu'ils ne prenaient peut-être pas trop en compte, les aidait à penser qu'ils devaient changer leur mode de vie et leur comportement.
Pour certains délinquants, la surveillance électronique a créé une ouverture qui leur a permis de remettre en question leur implication dans des activités criminelles. Elle a contribué aux programmes de réadaptation auxquels ils ont été soumis.
On ne peut pas surévaluer cet effet. On ne peut pas dire qu'on obtiendra systématiquement ce résultat, mais c'est ce qui s'est produit chez certains délinquants. La surveillance électronique a permis de contrôler leur comportement. Elle les a exposés aux influences bénéfiques de leur famille. Elle les a amenés à réfléchir à deux fois.
Ce n'est pas exactement ce que vous dites, mais d'une certaine façon, il s'agit de créer de nouvelles habitudes. Diriez-vous cela? Est-ce trop pavlovien?
Il s'agit de perdre de vieilles habitudes autant que d'en créer de nouvelles. « Perdre l'habitude » est une bonne façon de décrire la chose.
Je ne peux pas imaginer qu'on préviendrait ainsi la consommation de drogues, par exemple, chez une personne en liberté conditionnelle. Même si la personne reste dans une zone définie, cela ne veut pas dire qu'elle ne consommera pas de drogue. Ce moyen ne pourrait pas être efficace.
C'est vrai. C'est la même chose pour la consommation d'alcool. Vous pouvez en consommer à l'excès chez vous. Vous avez raison. La surveillance électronique n'est pas une solution à un comportement criminel ou inacceptable que l'on peut avoir à la maison.
Vous avez dit que les personnes soumises à une telle surveillance pourraient bénéficier de l'aide d'un travailleur social ou peut-être d'un psychologue — je ne suis pas certain que vous avez parlé d'un psychologue — pour s'adapter à ce nouveau mode de vie. Le fait de porter un bracelet est-il stressant pour le délinquant?
Oui. En particulier pour un délinquant qui n'a pas l'habitude de rester à la maison, l'expérience peut être très stressante, et pas seulement pour lui...
... mais aussi pour les membres techniquement innocents de sa famille. Beaucoup de stress et de tension peuvent en résulter.
Le délinquant et sa famille ont un numéro de téléphone qu'ils peuvent composer pour rejoindre le centre de surveillance et dire: « Écoutez, je ne peux plus supporter cet homme dans la maison. Il doit partir. Je sais qu'il doit respecter un couvre-feu, mais je ne veux plus de lui ici. Je veux qu'il s'en aille pendant 24 heures et qu'il disparaisse de ma vue. »
Eh bien, il ne peut pas faire cela, alors je crois que vous avez besoin d'une personne à qui parler, ne serait-ce qu'au téléphone. La solution n'est peut-être pas aussi simple, et le travailleur social ou l'agent de libération conditionnelle qui aide le délinquant à d'autres égards pourrait aussi l'aider dans ce sens.
Merci beaucoup.
Nous allons donner maintenant la parole à M. Chicoine.
[Français]
Monsieur Chicoine, vous disposez de sept minutes.
[Traduction]
À notre invité, j'espère que vous êtes prêt pour la traduction. A-t-il son écouteur pour l'interprétation?
Très bien. Allez-y, Sylvain.
[Français]
Merci, monsieur le président. Je remercie également notre témoin de répondre à nos questions ici aujourd'hui.
Dans votre exposé, vous avez parlé de l'expérience de la Suède. Vous avez aussi fait des comparaisons avec l'expérience canadienne. J'aimerais que vous reveniez sur cet exposé et que vous continuiez à faire des comparaisons avec l'expérience canadienne.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je ne prétends pas être très au fait de toutes les expériences menées au Canada, mais la recherche que j'ai mentionnée, qu'a effectuée M. Bonta, avec qui vous vous entretiendrez un peu plus tard, est l'une des premières recherches sur la surveillance électronique reposant sur une méthodologie sûre. Parmi les premières recherches effectuées, beaucoup n'avaient tout simplement pas été menées selon une méthodologie sûre.
James Bonta a mené une recherche avec un très petit échantillonnage. Comme je l'ai dit, ces travaux ont montré que la surveillance électronique pouvait permettre de stabiliser la vie quelque peu chaotique de certains délinquants difficiles qui, autrement, ne termineraient pas un programme de réadaptation, ce qui signifie qu'ils ne seraient pas en mesure d'en tirer des effets positifs. Toutefois, si la surveillance électronique peut aider les gens à terminer ce programme, ce serait une très bonne façon de l'utiliser pour appuyer une mesure de réadaptation.
Je ne crois pas que cette recherche ait retenu l'attention en Angleterre et au pays de Galles, et certaines personnes l'ont facilement balayée du revers de la main parce que l'échantillonnage était trop petit. Toutefois, sur le continent européen, bon nombre de pays tenaient beaucoup plus que l'Angleterre et le pays de Galles à utiliser la surveillance électronique de façon intégrée, et je crois qu'ils se sont accrochés à cette étude. C'était une recherche à petite échelle, mais elle était prometteuse.
La Suède n'a jamais songé à utiliser la surveillance électronique autrement qu'en l'intégrant à des services de réadaptation et de soutien. Je ne dis pas nécessairement que la recherche de James Bonta a servi de catalyseur pour les Suédois — ils s'étaient déjà engagés dans ce sens de toute façon —, mais ils ont pu se servir de l'étude de James Bonta pour justifier empiriquement ce qu'ils faisaient. Ils ont ensuite mener leur propre recherche empirique sur l'utilisation de la surveillance électronique dans un programme intégré, et ils ont obtenu des résultats encore meilleurs que ceux de M. Bonta.
Voilà le lien que je fais entre cette première recherche canadienne et l'expérience suédoise de la surveillance électronique.
[Français]
J'aimerais que vous m'expliquiez en quoi consistent les mesures intégrées. Je n'ai pas tout à fait saisi en quoi cela consistait au juste.
[Traduction]
En Suède, les mesures intégrées, c'est l'emploi: pour pouvoir être admissible à leur programme de surveillance électronique, comme solution de rechange à l'incarcération, il faut avoir un emploi. Il est probable qu'on ait été condamné pour un genre de crime en particulier, qui peut avoir été lié à l'alcool, aux drogues ou à la colère et à l'agressivité. En plus d'occuper un emploi le jour et d'être assujetti à un couvre-feu la nuit, il faut aussi participer à un programme comme ceux qu'offrent les services de probation du monde entier pour régler les problèmes liés à l'alcool, les drogues et la colère et pour traiter des questions sur la formation et l'emploi. Voilà quelles seraient les mesures intégrées.
En réalité, le système suédois est très simple. Ce n'est pas un ensemble complexe de mesures. L'élément essentiel, c'est qu'en Suède, on vous occupe toute la semaine, de sorte que vous n'avez pas beaucoup de temps libre, tandis qu'en Angleterre et au pays de Galles, vous pourriez être assujetti à la surveillance électronique la nuit, mais n'avoir rien à faire le jour. Vous pourriez flâner, à faire toutes sortes de choses parce que vous n'êtes qu'assujetti à un couvre-feu la nuit. Le système suédois ne le permet pas; si vous participez au programme de surveillance électronique, vous restez à domicile la nuit, mais le jour, vous êtes occupé à satisfaire à d'autres aspects de la peine.
Merci beaucoup.
Nous allons devoir terminer ici. La première heure est écoulée.
Monsieur Nellis, nous tenons à vous remercier d'avoir brisé la glace et de nous avoir fourni la multitude de renseignements que vous avez à ce sujet. J'ai remarqué que je vous ai interrompu; votre témoignage ne figurera peut-être pas entièrement au compte rendu. Si vous avez autre chose à présenter, par courriel ou autrement, nous vous en serions certainement reconnaissants.
Merci beaucoup d'avoir comparu par vidéoconférence aujourd'hui. Nous vous adressons nos meilleurs voeux.
Nous allons suspendre la séance pour deux minutes.
Nous demanderons à M. Bonta de prendre place. Nous sommes impatients d'entendre son témoignage.
Reprenons.
Nous allons entreprendre la deuxième heure de notre étude de la surveillance électronique.
Nous sommes heureux d'accueillir M. James Bonta, qui est directeur, Groupe de la recherche correctionnelle, au ministère de la Sécurité publique. M. Bonta a eu l'occasion d'être dans la salle pendant la première heure et d'entendre son travail être cité. Nous vous sommes certainement reconnaissants du travail que vous avez fait.
Je dirais aussi que nous avons, je crois, un ou deux exemplaires du rapport dont M. Nellis a parlé plus tôt. Nous espérons pouvoir les faire circuler, même si nous n'avons pas un exemplaire pour tout le monde en ce moment. Nous n'avons qu'un ou deux exemplaires. Nous verrons ce qu'on peut faire; si nous en trouvons d'autres, quiconque en voudra un exemplaire pourra le demander.
Monsieur Bonta, je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire. Nous sommes impatients de l'entendre. Ensuite, nous vous demanderons de répondre à des questions, selon notre procédure habituelle.
Monsieur Bonta, bienvenue au Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Merci beaucoup. J'aimerais remercier le comité de me donner l'occasion de témoigner à ce sujet.
Ce que j'ai apporté est un résumé de deux pages de la recherche que nous avons faite auparavant, à la fin des années 1990. J'ai seulement apporté trois exemplaires du rapport intégral parce que j'ai pensé que tout le monde le trouverait ennuyeux, et le résumé est beaucoup mieux.
En guise de prélude à mon témoignage, mon sujet de prédilection — et celui du groupe de recherche correctionnelle —, c'est d'examiner les façons de favoriser la sécurité publique et de le faire de manière efficiente. Voilà le mandat général lié à ce que nous cherchons à faire.
À la fin des années 1990, j'ai participé à un groupe de recherche qui a procédé à l'évaluation de trois programmes de surveillance électronique dans trois provinces canadiennes. Il s'agissait de la plus importante évaluation de ce genre. J'ai donc une expérience concrète du fonctionnement de la surveillance électronique et des conclusions auxquelles nous sommes arrivés.
Après le rapport, j'ai pensé que la question de la surveillance électronique avait été reléguée aux oubliettes, pour ainsi dire, mais de toute évidence, les gens s'y intéressent de nouveau. Ces dernières années, j'ai participé à un projet pilote mis en oeuvre par le Service correctionnel du Canada, qui consistait à faire des essais sur la surveillance électronique. J'étais conseiller auprès du comité d'évaluation; je ferai donc des commentaires sur le projet.
J'aimerais vous faire un très bref résumé des renseignements que nous avons à ce sujet. Que savons-nous de l'efficacité de la surveillance électronique?
Je ne suis pas certain que beaucoup d'entre vous connaissent l'histoire de la surveillance électronique. Elle a été proposée pour la première fois en 1967, comme mode de surveillance des délinquants juvéniles et pour surveiller des gens dans les hôpitaux psychiatriques et d'autres endroits. Cependant, l'idée n'a jamais fait son chemin dans le secteur correctionnel avant 1983. D'après ce qu'on raconte — et je n'invente rien —, c'est à ce moment qu'un juge du Nouveau-Mexique qui lisait une bande dessinée de Spider-Man a remarqué que le méchant avait mis un dispositif de repérage sur Spider-Man, ce qui lui permettait d'aller là où Spider-Man n'était pas. Le bon vieux juge a pensé: « Inversons la situation et mettons un bracelet sur les méchants, et ce seront les bons qui se chargeront de la surveillance. » Et il l'a fait avec cinq délinquants.
Depuis, la surveillance électronique a progressé à pas de géant. Dans le monde, il y a probablement des centaines de milliers de personnes qui sont assujetties à une forme de surveillance électronique ou une autre. Au Canada, sept provinces ont un programme de surveillance électronique. Certains sont relativement petits et comptent moins de 35 personnes, et d'autres sont plutôt importants. En Ontario, près de 230 probationnaires pourraient faire l'objet de surveillance électronique.
En général, la surveillance électronique a deux objectifs. Le premier, c'est qu'elle serve de solution de rechange rentable à l'emprisonnement; il est moins coûteux d'assigner une personne à résidence avec un bracelet à la cheville que de l'emprisonner. Le deuxième objectif important, évidemment, c'est de réduire le taux de récidive et d'accroître la sécurité publique.
Que savons-nous sur ces deux questions? Premièrement, l'utilisation de la surveillance électronique comme solution de rechange rentable à l'emprisonnement nous porte à croire que les personnes que l'on assujettit à la surveillance électronique sont des délinquants à risque moyen ou élevé qui, normalement, se retrouveraient en prison, ce qui coûterait beaucoup d'argent.
Malheureusement, les données indiquent qu'en général, beaucoup de personnes qui font l'objet de surveillance électronique sont des délinquants à faible risque. Ce sont des gens qui s'en sortiraient relativement bien sans qu'on ait le coût additionnel du bracelet électronique et de toute la technologie de surveillance qui s'y rattache. Les chercheurs appellent cela l'élargissement du filet. Il y a plus d'interventions inutiles et on fait entrer dans le système correctionnel des gens pour lesquels ce ne serait pas nécessaire. Agir ainsi a une incidence sur le coût des services correctionnels.
À titre d'exemple, permettez-moi de vous parler de l'évaluation qu'a faite le SCC de son propre projet pilote. Le rapport d'évaluation remonte à 2009 et portait sur une période d'un an, de 2007 à 2008. Dans le cadre du projet, 46 délinquants ont été assujettis à la surveillance électronique. Selon l'évaluation qu'on utilise — et c'est dans le rapport —, les coûts s'élevaient jusqu'à un million de dollars, ce qui signifie que la surveillance électronique n'est pas bon marché.
L'autre point qu'il importe d'étudier, c'est de savoir à quoi sert l'argent. Aux États-Unis, les services de probation ont beaucoup recours à la surveillance électronique. La Californie a mené une étude sur l'emploi du temps des agents de probation qui s'occupent de délinquants sous surveillance électronique. Il en ressort que 44 p. 100 du temps est consacré à examiner les dossiers, les données des services de surveillance. Seulement 12 p. 100 du temps est utilisé pour parler et travailler avec les délinquants.
Cela permet-il de réduire le taux de récidive? C'est le deuxième objectif. Dans l'étude que je vous ai distribuée, nous avons évalué les programmes de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et de Terre-Neuve. Nous n'avons constaté aucune réduction du taux de récidive attribuable au recours à la surveillance électronique. La seule réduction que nous avons observée était à Terre-Neuve, et c'est ce dont M. Nellis a parlé. C'était la seule province où on a combiné la réadaptation du délinquant et la surveillance électronique. Pendant huit semaines, à raison de quatre fois par semaine, le matin, les gens devaient participer à un programme portant sur la gestion de la colère, la toxicomanie et toutes ces choses. La recherche démontre clairement que ce sont les programmes de réadaptation qui favorisent la réduction du taux de récidive. Aucune autre forme d'intervention ne donne de tels résultats, y compris la surveillance électronique.
Or, ce n'est qu'une étude importante. Dans un examen de la littérature, Marc Renzema et son collègue Evan Mayo-Wilson ont réalisé ce qu'on appelle une méta-analyse, une analyse quantitative de la littérature. N'importe lequel d'entre vous pourrait trouver une étude pour étayer sa thèse. Vous pouvez trouver une étude sur la surveillance où on dit que c'est merveilleux, que c'est la meilleure invention depuis le pain tranché; eh bien, il faut la comparer à toutes les autres études. Winston Churchill a bu et a fumé toute sa vie et il a vécu jusqu'à un âge vénérable, mais les médecins vous diront tout de même qu'en général, il ne faut pas agir ainsi. Ils se fondent sur des analyses quantitatives de la littérature.
Renzema et Mayo-Wilson ont réalisé une analyse de la littérature, et c'était stupéfiant. Ils ont étudié plus de 2 600 rapports. Ils avaient des critères sur ce qui devait être inclus dans leur étude: il fallait que le document soit un rapport d'évaluation. Le nombre a donc été réduit à 119. Ils avaient aussi des critères par rapport à la méthodologie: ce ne pouvait être n'importe quelle vieille étude; elle devait avoir un certain niveau de complexité. Le nombre a été réduit davantage. En fin de compte, ils ont examiné trois études de très haute qualité. Ils ont conclu que la surveillance électronique n'a aucun effet sur la récidive.
Robert Lilly a dit que la surveillance est l'activité commerciale du secteur correctionnel. Beaucoup de choses ont été écrites sur la surveillance électronique et une bonne partie est parrainée par l'industrie.
Lorsqu'on examine l'évaluation qu'a faite le SCC de son projet pilote, on remarque qu'on n'a constaté aucune diminution du taux de récidive chez le groupe témoin qui n'était pas assujetti à la surveillance électronique.
Pour résumer et soulever quelques points sur la marche à suivre à l'avenir, est-ce une solution de rechange moins coûteuse à l'incarcération? La recherche indique que non. Permet-elle de réduire le taux de récidive? Encore une fois, la réponse est: non.
J'aimerais aussi attirer votre attention sur le fait qu'on pense parfois que la technologie est parfaite. Elle ne l'est pas. Il y a beaucoup de problèmes. En Arizona, 70 p. 100 des alertes sont de fausses alertes. Pouvez-vous imaginer une situation où on appelle la police ou un agent de probation et l'incidence que cela aurait sur les ressources?
L'évaluation du projet pilote du SCC a aussi révélé un nombre élevé de fausses alertes. Il y a même eu ce qu'on appelle une dérive. On utilisait la technologie GPS; donc, on pense que l'individu est à un endroit, mais dans un cas, il était à 70 kilomètres de là, dans une autre direction. Dans une ville comme Toronto, si l'individu emprunte le métro, on prie pour qu'il en ressorte au bon endroit le long de la ligne de métro.
La surveillance électronique peut-elle être utile? Au milieu des années 1990, j'ai écrit un article dans lequel j'avançais qu'elle pourrait être utilisée dans les cas où on voudrait inciter les délinquants à risque moyen et élevé — et non les délinquants à faible risque — à intégrer des programmes de traitement et à y rester.
Le traitement peut réduire le taux de récidive. Aux États-Unis, certains chercheurs craignent que la croissance des programmes de surveillance électronique ne nuise aux programmes de traitement. On croirait presque que la surveillance permettra de tout régler et qu'il n'est plus nécessaire d'offrir des programmes de réadaptation. Je pense que c'est une grave erreur.
Nous devons faire des expériences et voir de quelle façon la surveillance électronique peut être utilisée dans les cas à risque plus élevé. Ce sont les cas qui posent le plus problème à la société. Comment peut-on les inciter à intégrer des programmes de traitement et à y rester? Nous pourrions peut-être utiliser la surveillance électronique comme une autre façon de favoriser ce genre de comportement.
Merci.
Merci beaucoup.
J'ai trouvé que c'était fascinant des deux côtés, tant par rapport aux avantages qu'aux inconvénients.
Nous passons au premier tour. Monsieur Alexander, bienvenue au comité. Nous sommes impatients d'entendre votre question.
Merci de m'accueillir parmi vous, monsieur le président.
Merci de cet exposé vraiment enrichissant.
Comme la plupart d'entre nous, je suis un fervent admirateur de Spider-Man, mais de toute évidence, la question est beaucoup plus complexe que l'amusante anecdote que vous nous avez présentée d'entrée de jeu. Cela nous rappelle qu'il faut étudier attentivement les répercussions, les statistiques et les évaluations liées à ces programmes. Dans certains pays, ils ont pris une grande importance et il semble y en avoir ici aussi, mais à moins grande échelle, pour le moment.
Monsieur Bonta, j'aimerais aborder la question du coût et de l'effet sur la récidive plus en détail pour m'assurer de bien comprendre vos conclusions. M. Nellis et vous avez dit que si elle n'est pas accompagnée d'un traitement, la surveillance électronique n'a aucun effet. M. Nellis a dit qu'à une échelle relativement grande, la surveillance électronique combinée à des traitements peut permettre de réduire à la fois le coût et le taux de récidive. Selon ce que vous avez constaté au Canada, où les chiffres semblent plus petits, vous avez dit que cela pourrait réduire le taux de récidive s'il s'agissait d'un traitement adéquat, de haute qualité, mais que cela ne permettrait pas nécessairement de réduire le coût.
Dites-nous ce que vous pensez des expériences suédoises et anglo-galloises, où on y a recours à plus grande échelle. Pensez-vous, comme M. Nellis l'a dit dans son témoignage, qu'une économie de coût est possible avec un très grand échantillonnage?
Je tenterai de vous répondre de mon mieux.
Tout d’abord, je n’ai pas examiné aussi attentivement l’expérience européenne; je ne la connais donc pas très bien. Je ne veux pas paraître comme quelqu’un qui s’y connaît. Je suis plus au fait de l’expérience américaine et de ce qui se passe au Canada.
À mon avis, M. Nellis dit qu’il faut inclure un programme de réadaptation, sans quoi la surveillance électronique ne sert à rien. Je propose d’ajouter un tel programme, mais il faut prendre des clients à risque moyen ou élevé. Les gens à faible risque le sont pour une bonne raison. Ils n’ont pas besoin du traitement. Ne perdrez pas votre argent dans leur cas.
Nous disposons d’une quantité suffisante de données pour dire que le traitement de délinquants à risque moyen et élevé peut faire économiser énormément d’argent. Selon une étude américaine, si on réussit à traiter un jeune délinquant à risque élevé, on économise un million de dollars, notamment, en frais de tribunaux.
Bref, je crois qu’on peut ainsi économiser de l’argent, mais ce n’est pas grâce à la surveillance électronique; c’est grâce au traitement.
Je suis d’accord.
Vous êtes psychologue clinicien. Vous avez déjà travaillé avec des délinquants à risque élevé, particulièrement de jeunes délinquants. Quel est le meilleur environnement pour le traitement entre être dans la collectivité sous surveillance électronique ou être dans un établissement correctionnel?
Ce serait certainement mieux à la maison.
Dans nos recherches, les traitements offerts dans la collectivité sont environ deux fois plus efficaces que ceux offerts en milieu carcéral. Les bons programmes fonctionnent en prison, mais ils sont plus efficaces dans la collectivité.
M. Nellis n’a pas répondu à une question. Existe-t-il une étude sur le taux de violence familiale parmi les délinquants à risque moyen et élevé qui sont à la maison sous surveillance électronique?
Il a dit que parfois ces délinquants veulent sortir de la maison, mais ils n’en ont pas le droit, ou que leur famille veut qu’ils quittent la maison, mais ils ne peuvent pas à certains moments. A-t-on constaté de tels effets négatifs?
Il faut se rappeler que les délinquants coupables de violence domestique ne sont pas admissibles à bon nombre de programmes de surveillance électronique, parce que cela pourrait bien entendu être problématique.
Nous n’avons donc pas vraiment de données à ce chapitre.
Pourriez-vous me préciser un élément? M. Nellis a dit au début de son exposé qu’un très grand nombre de personnes ont fait l’objet de surveillance électronique en Angleterre et au Pays de Galles. Je ne suis pas certain s’il a dit 750 000 personnes ou 76 000 personnes. L’avez-vous compris?
J’ai une dernière question. Selon vous, avons-nous au Canada suffisamment de délinquants à risque moyen et élevé potentiellement admissibles à la surveillance électronique pour nous permettre d’économiser, si cette surveillance est combinée à un traitement adéquat? Il y a des économies d’échelle. Autrement dit, en avons-nous suffisamment pour obtenir des résultats semblables à ceux qu’apparemment la Suède, l’Angleterre et le Pays de Galles ont obtenus?
Nous avons certainement beaucoup de délinquants à risque moyen et élevé; ils représentent environ au moins 60 p. 100 de la population carcérale. Nous devrons faire des recherches pour savoir si nous pouvons réaliser des économies grâce à une surveillance électronique combinée à un traitement.
Je ne connais pas d’études qui ont systématiquement et précisément porté sur la surveillance électronique de délinquants à risque élevé et qui en ont également calculé les économies potentielles. Vous pourriez en faire la proposition à mon sous-ministre.
Des voix: Oh, oh!
Merci beaucoup, monsieur Alexander et monsieur Bonta.
Monsieur Garrison, vous avez la parole, s’il vous plaît.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur Bonta. J’ai trouvé votre exposé très intéressant.
Nous avons entendu M. Nellis dire qu’en Suède la surveillance électronique faisait toujours partie des programmes intégrés de réadaptation. Vous avez brièvement mentionné qu’à Terre-Neuve c’était le cas. Je présume que ce ne l’était pas en Saskatchewan et en Colombie-Britannique.
De plus, vous dites qu’il n’y a pas d’effets positifs dans tous les cas. Est-ce que l’étude sur Terre-Neuve y correspond, ou est-ce que, comme M. Nellis l’a dit, cela fonctionne lorsque c’est combiné?
Pour répondre à votre première question, c’était seulement Terre-Neuve qui exigeait qu’une personne suive un traitement pour sortir de prison. C’était en vigueur pour les libérations anticipées. Voilà comment les autorités l’utilisaient. Les autorités disaient aux délinquants qu’ils allaient les libérer plus tôt à la condition qu’ils portent un bracelet et qu’ils participent à un programme intensif. Voilà ce qui se passait.
Dans notre analyse des trois provinces, nous avions un échantillon de plus de 200 cas et nous n’avons pas constaté de réduction dans le taux de récidive en moyenne dans les trois provinces. Par contre, en examinant seulement les données sur Terre-Neuve, nous avons été en mesure de comprendre pourquoi il y avait une diminution du taux de récidive. Était-ce en raison du port du bracelet électronique ou en raison du traitement? Nous croyons que c’était en raison du traitement. Le port seul du bracelet n’avait aucun effet.
Certains avancent que nous aurions pu les libérer, sans leur imposer le port du bracelet; on aurait ainsi pu économiser de l’argent, tout en les faisant participer au programme de traitement.
Cependant, M. Nellis a dit que la surveillance électronique a peut-être fait en sorte d’augmenter la probabilité qu’une personne termine son traitement.
C’est possible. Nous ne disposons pas de données tangibles pour savoir si la surveillance électronique motive réellement les gens à suivre et à terminer leur traitement. Selon moi, c’est un test. Il faut mener une étude pour déterminer à quel point la surveillance électronique améliore les résultats.
Dans le document de deux pages que vous nous avez fait parvenir, à la troisième répercussion politique, vous dites que:
les mesures correctionnelles qui réduisent le comportement criminel sont plus susceptibles de provenir de l’application de programmes de traitement que de programmes de surveillance intensive.
Est-ce que cela s’applique aussi à d’autres mesures qui ont été proposées pour réduire le comportement criminel, comme les peines minimales obligatoires et les peines plus sévères?
Les examens des publications ont porté sur ce que nous appelons en général les sanctions. Dans ces études, les sanctions prennent diverses formes, y compris la surveillance électronique, des sentences plus sévères, des camps de redressement et des programmes de peur pour remettre les gens sur le droit chemin. Dans l’ensemble, ces sanctions n’aident pas à réduire le taux de récidive. En moyenne, nous constatons plutôt une faible hausse de l’ordre de 3 p. 100 du taux de récidive.
J’ai une dernière question. Vous avez parlé d’un vaste examen de 2 600 études, dont trois études ont été retenues. Ces trois dernières portaient-elles sur la surveillance électronique combinée à un programme intégré de réadaptation?
Les trois études qui ont été retenues répondaient à des normes méthodologiques élevées. L’une d’elles incluait un programme de réadaptation, et cette étude a révélé une diminution du taux de récidive, tandis que ce n’était bien entendu pas le cas des deux autres. Donc, c’est...
Toutefois, dans le cas de l’étude sur Terre-Neuve et de la vaste étude, si nous n’examinons que les exemples qui incluent un programme intégré, nous obtenons des résultats positifs.
Oui. En fait, les auteurs du rapport qui ont examiné les divers articles ont aussi fait une recommandation. Si nous souhaitons recourir à la surveillance électronique, nous devrions envisager de l’utiliser en combinaison avec un programme de traitement.
Merci, monsieur Garrison.
Il reste deux minutes à la disposition des députés de l’opposition, si quelqu’un a...
Oui, madame. Bienvenue au comité. Vous avez deux ou trois minutes.
Nous avons entendu M. Nellis aborder brièvement l’utilisation de la surveillance électronique dans le cas d’immigrants. Que pensez-vous d’y avoir recours, par exemple, dans le cas de demandeurs d’asile?
Je ne suis pas au fait des publications à ce sujet. Je n’ai jamais vu d’étude qui en examinait l’utilisation dans le cas d’immigrants. Je crois que ce serait préférable de laisser quelqu’un qui s’y connaît davantage vous répondre.
Pour revenir sur la dernière question, certains demandeurs d’asile peuvent en fait être des gens à très faible risque. Croyez-vous que ces gens entrent dans la même catégorie que les délinquants à très faible risque? Selon vous, y a-t-il des similitudes possibles entre ces deux groupes?
Je dirais que oui. Je ne vois pas pourquoi ce serait vraiment différent. Je suis certain que les demandeurs d’asile varient également par rapport aux risques qu’ils récidivent ou qu’ils s’enfuient.
Merci de votre question, et merci d’avoir soulevé l’aspect de l’immigration.
Monsieur Leef, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Bonta, de votre témoignage jusqu’à présent.
Des gens ont parlé de privatiser la surveillance électronique. Y a-t-il eu une privatisation des services de surveillance au Canada?
Au Canada, les autorités provinciales achètent l’équipement d’une entreprise privée. C’est la procédure normale. L’entreprise privée fournit l’équipement. Elle explique au personnel, normalement les agents de probation, comment installer le bracelet à la cheville et comment lire l’équipement de surveillance. Dans certains cas, elle s’occupe même de la surveillance qui peut se faire à partir des États-Unis. Le centre de surveillance principal peut ne pas se trouver au Canada. Il peut être aux États-Unis.
Voulez-vous dire que le délinquant au Canada est en fait surveillé par un organisme aux États-Unis qui nous appellera pour nous donner les détails après le fait?
Je ne connais pas tous les détails précis. Il en existe divers types. J’espère que votre question sera posée aux futurs témoins qui en connaissent les détails techniques. Toutefois, je sais qu’il y a un centre de surveillance aux États-Unis qui fournit des renseignements aux autorités canadiennes.
Par conséquent, si un délinquant doit être chez lui, par exemple, en raison d’un couvre-feu et que l’alarme retentit, parce qu’il sort de chez lui durant la nuit ou que le bracelet de cheville a été coupé, les agents de probation n’en seront peut-être pas immédiatement avertis. Il est possible qu’ils aillent vérifier seulement le lendemain. Je me pose seulement des questions par rapport au personnel dans un tel contexte.
Je ne crois pas que les responsables attendraient aussi longtemps, étant donné qu’il s’agit de centres 24 heures, mais il est bien entendu possible qu’un certain temps s’écoule entre le moment où l’agent de probation en est informé et le moment où il confirme qu’il s’agit d’une fausse alerte, d’un bris d’équipement ou qu’il faut appeler la police. En ce sens, une telle surveillance ne peut pas prévenir les crimes.
J’imagine que cela nous donne une idée du niveau d’efficacité avec lequel nous devons composer.
Nous parlions des études et nous cherchions à déterminer s’il existe un lien entre le taux de récidive et la surveillance électronique. Existe-t-il une étude à ce chapitre? Pensez-vous qu’il serait préférable de comparer le nombre de manquements à une ordonnance de probation qui surviennent avec et sans surveillance électronique pour un certain nombre de délinquants dans une région précise?
Il existe peut-être quelques études avant-après. Je ne connais pas beaucoup ce domaine. À mon avis, il serait plus pertinent de seulement comparer pour une même période le nombre de manquements à une ordonnance de probation entre un groupe qui porte un bracelet à la cheville et un autre qui n’en porte pas.
Les études semblent aller dans tous les sens. Certaines démontrent une réduction du nombre de manquements à une ordonnance de probation, peut-être parce que le délinquant a peur et qu’il est un bon garçon, tandis que d’autres indiquent parfois une augmentation du nombre de manquements à une ordonnance de probation, parce que dans le cas d’une fausse alarme, on appelle les policiers et on présume qu’il s’agit d’un manquement à une ordonnance de probation. De nombreux facteurs existent.
C’est dans ce contexte que je cherchais à savoir s’il était préférable de nous concentrer sur le présent ou le long terme en ce qui concerne la mesure du taux de récidive, qui peut également être modifié par de nombreux facteurs, mais vous dites que les résultats des études vont dans tous les sens.
Croyez-vous que nous ayons des problèmes méthodologiques concernant précisément l’étude de cet enjeu, ou s’agit-il seulement d’un enjeu qui nous donnera des résultats qui vont dans tous les sens, peu importe comment nous l’abordons?
Comme je l’ai mentionné, dans la vaste enquête de Marc Renzema, il a retenu trois études de grande qualité. Nous constatons que des évaluations existent, mais que la majorité d’entre elles sont problématiques. Est-ce en raison d’une mesure déficiente ou nonchalante des manquements à une ordonnance de probation? Est-ce, parce qu’une étude porte sur un type précis de délinquants, par exemple les personnes reconnues coupables de conduite en état d’ébriété, alors qu’une autre se concentre sur les délinquants sexuels? Quelle est la cause?
Je n’ai encore jamais vu d’analyses qui tentent de vérifier si les différences dans le taux de manquement à une ordonnance de probation sont liées à la catégorie de délinquants ou aux politiques en place dans une région donnée pour confirmer les manquements à une ordonnance de probation.
Selon vous, nous recommanderiez-vous d’établir un ensemble défini de lignes directrices et d’objectifs pour resserrer le tout, puis de mener une autre étude pour en tester l’efficacité?
Oui. Je suis d’accord. Ce serait un aspect. Il nous faut des évaluations menées rondement, et pour ce faire, il faut, notamment, définir très clairement l’échantillon et les résultats, soit les manquements à une ordonnance de probation, l’assiduité au programme de traitement ou la bonne entente à la maison. Il existe diverses mesures.
D’accord. Merci.
Je ne voulais pas vous interrompre, monsieur Bonta; je voulais simplement m’assurer que M. Leef savait qu’il n’aurait pas le temps de poser une autre question.
Monsieur Scarpaleggia, vous avez la parole, s’il vous plaît.
Merci.
Je ne suis pas encore habitué à l’ordre. Je ne suis pas certain de le comprendre. L’ordre des interventions est très mêlant.
C'est ce qui arrive quand vous êtes le dernier intervenant.
Pour revenir à la remarque de M. Leef, ai-je raison de croire que nous ne savons pas vraiment si le fait de porter un bracelet réduit la récidive ou non, car les fausses alertes présentent des problèmes en pouvant provoquer la fuite? Ai-je raison de conclure que nous ne savons pas vraiment si le porteur d'un bracelet va commettre un crime, car nous ne pouvons pas le prévoir?
Aucune bonne évaluation n'en fait état clairement. Il me semble raisonnable, je crois, de s'attendre à ce qu'on ait un comportement impeccable, tout au moins lorsque le bracelet est à la cheville, mais les évaluations ne l'indiquent pas clairement. On ne peut pas dire avec certitude que le port du bracelet réduit la criminalité. Il est toutefois très bien établi qu'une fois le bracelet enlevé, il n'y a pas de répercussions à long terme.
On pourrait s'attendre logiquement à ce que le port du bracelet ait un effet dissuasif. Si ce n'est pas le cas, je dirais que cela soulève bien des questions à propos des mesures de dissuasion.
Vous m'entraînez sur un autre sujet.
Puis-je vous résumer en deux minutes la psychologie de la punition?
La punition peut décourager ou supprimer des comportements, mais seulement dans certaines conditions. Cette constatation découle des études faites en laboratoire sur des êtres humains et des animaux. Pour être efficace, la punition doit être immédiate et proportionnée à l'acte qu'elle sanctionne, elle doit être prévisible et imposée à la bonne personne. Posons-nous donc maintenant ces questions par rapport au système de justice pénale. Est-ce que la punition est immédiate? Est-elle prévisible? Est-ce que vous vous attendez à ce genre de punition?
Pour quel type de personne la punition fonctionne-t-elle? Elle fonctionne très bien pour ceux qui pensent dans l'avenir, qui ont très peu d'antécédents de punitions et qui réfléchissent à ce qu'ils font. Est-ce le cas du délinquant typique? Les délinquants sont plutôt des gens pragmatiques qui pensent dans l'immédiat. Ils ont de lourds antécédents de punitions. La plupart d'entre eux ont été élevés dans des familles où ils étaient maltraités physiquement. Certains d'entre eux ont été agressés sexuellement. Après réflexion, on se dit: « Bon, on va leur faire porter un bracelet. » Vont-ils soudainement avoir peur? On a tout essayé avec ces gens-là et ça ne les a pas fait renoncer à la criminalité.
Je vous le dis, vous ne devez surtout pas vous attendre à ce que la dissuasion ait beaucoup d'effet sur le comportement des délinquants à risque modéré ou élevé. Vous devez plutôt mettre vos espoirs et votre argent dans des programmes de réadaptation.
Voilà une réponse bien intéressante.
Vous dites aussi que le bracelet ne serait pas beaucoup plus utile pour suivre les délinquants dangereux et endurcis qui ont purgé leur peine.
Je n'en vois qu'une seule utilité: surveiller leurs déplacements. On serait vite alerté si un délinquant sexuel s'approchait d'un terrain de jeu ou si un chef de gang quittait son domicile pour faire Dieu sait quoi. Le bracelet permettrait peut-être d'alerter rapidement les autorités et d'intervenir avant que quelque chose de grave n'arrive, mais il ne servira à rien pour changer les comportements à long terme ou rendre les délinquants plus sociables.
Voulez-vous dire que même si le bracelet indiquait qu'un délinquant sexuel endurci s'approchait d'un terrain de jeu et que la collectivité avait la possibilité d'intervenir grâce à la police, cela ne serait pas nécessairement plus utile?
Mon commentaire était d'ordre général. Oui, c'est très possible d'empêcher que certains crimes ne se commettent, mais si le moniteur vous indique qu'un délinquant sexuel est à proximité d'un terrain de jeu, pourrez-vous arriver assez rapidement pour intervenir et empêcher que quelque chose n'arrive, ou le délinquant aura-t-il déjà enlevé un enfant et sera hors de portée à l'arrivée de la police?
Vous indiquez dans votre rapport que la technologie n'est pas toujours fiable. À moins d'avoir mal compris M. Nellis, il semblait dire d'emblée que la technologie était à toute épreuve…
Je ne vois pas en quoi cela importe. En fait, plus large est l'échantillon, plus grand est le risque d'erreur, parce que c'est difficile de tout contrôler. Lorsque l'étude d'évaluation est faite avec un petit échantillon, vous pouvez mieux surveiller les choses et faire en sorte que tout se passe comme prévu.
Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, on a constaté un nombre énorme de fausses alertes dans l'étude faite en Arizona. Dans celle du Service correctionnel du Canada, il y avait des erreurs: la personne que l'on pensait être dans l'Est de Toronto, se trouvait dans l'Ouest.
Les experts et ingénieurs que vous allez entendre pourront en parler, car il y a plus d'un type de dispositif de télésurveillance. Il y en a en fait beaucoup. Ils ont tous leurs avantages et leurs inconvénients, mais aucun, à ce que je sache, n'est à toute épreuve et exact à 99 p. 100.
C'est très instructif. J'ai bien aimé votre explication des quatre éléments de la psychologie de la punition. J'ai appris des choses. Vous avez consacré deux minutes à ce sujet, mais voudriez-vous en parler deux minutes de plus?
Quand j'ai commencé ma formation de psychologue, dans le bon vieux temps de la fin des années 1960, nous avions l'autorisation de faire des expériences de punition sur des animaux et des gens. On ne peut plus le faire aujourd'hui, mais nous avions appris tellement de choses sur la façon dont la punition fonctionne que vers la fin des années 1970, je crois, les psychologues avaient cessé ces expériences. Il n'y avait plus rien à étudier. Nous savions quand la punition fonctionnait et quand elle ne fonctionnait pas.
Aujourd'hui, les universités ne donnent plus de cours sur la psychologie de la punition. Ce qui est décevant, c'est que le secteur de la justice pénale n'a pas accordé d'attention à cette recherche. De leur côté, les Américains n'y ont pas non plus prêté attention à la fin des années 1970, car s'ils avaient consulté les psychologues, ces derniers leur auraient dit que l'accumulation des punitions, sous quelque forme que ce soit — une « sainte peur », des camps d'entraînement de type militaire, etc. —, ne vont pas décourager les comportements criminels. Les preuves sont on ne peut plus claires.
Aujourd'hui et après 30 ans d'expérimentation aux États-Unis, nous avons suffisamment d'études sur la justice pénale — il y en a des centaines — qui montrent que les sanctions ne découragent pas le crime.
Eh bien, si je devais en faire une étude, je choisirais des délinquants à risque moyen et élevé qui ont du mal à rester dans les programmes de traitement. Je leur ferais porter un bracelet et m'assurerais qu'ils suivent un très bon programme de traitement.
Ce que je veux souligner, c'est que s'il y a de nombreux traitements offerts, tous ne sont pas bons. Il ne suffit pas que cela s'appelle un traitement pour que ce soit bon. Il y en a d'horribles, mais il y en a d'excellents. Dans un bon programme, les intervenants ont le don de motiver les gens à venir et à y rester.
Combiné à un bon traitement, où les intervenants sont compétents et savent comment motiver les clients, une certaine crainte du bracelet électronique pourrait être l'élément déterminant pour suivre le traitement et devenir des citoyens plus sociables. C'est cela que vise un bon programme.
Tout peut faire l'objet d'une analyse de rentabilité et Frank a mentionné les dépenses. De quelle façon la collectivité profite-t-elle d'un tel régime? Est-ce que cela rend nos collectivités plus sûres, ou un petit peu plus dangereuses?
Je pense que plus on aura de délinquants à risque moyen et élevé en traitement, plus sûres seront les collectivités, car tôt ou tard, ces délinquants sortent de prison. Si on ne les traite pas convenablement, ils vont…
Dans l'un de mes articles, je compare la prison à un congélateur. À son arrivée, le prisonnier est congelé et, à sa sortie, on le dégèle. Aucun changement ne s'opère à moins de lui offrir un excellent traitement en prison et à moins de s'assurer, au moment où il redevient progressivement libre, que la collectivité peut lui offrir ce même traitement. Dans ces conditions, le public ne s'en trouvera que mieux.
Je vous remercie beaucoup.
Je vous prie de m'excuser, car je ne sais pas si je dois dire « monsieur » ou « docteur », mais je…
Ce n'est pas grave, c'est ma femme qui insiste pour qu'on m'appelle ainsi, mais je ne suis pas médecin.
Des voix: Oh, oh!
Excusez-moi.
Je me contenterai de dire que, dans ma vie, je crois avoir certainement profité de la psychologie de la punition. À un très jeune âge, mon père m'a très bien expliqué ce qui arriverait si je faisais certaines choses. En constatant que cela arrivait effectivement, j'ai changé mes façons de faire et tout est bien.
C'est ce que je voulais dire, la punition marche très bien pour des gens comme nous.
Des voix: Oh, oh!
D'accord. On n'en dira rien à nos whips, qui pourraient se servir de la blague que M. Garrison a faite aujourd'hui.
J'ai deux questions à vous poser. Premièrement et en vous écoutant, je me demande si cela ne va pas influer sur le temps dont disposent les agents de probation ou nécessiter un plus grand nombre d'entre eux. Si des alertes survenaient, j'ose espérer qu'on n'attendrait pas le lendemain pour réagir. Cela va-t-il nécessiter un accroissement des ressources?
Oui. Pour reprendre l'exemple déjà mentionné, une étude californienne indique qu'un pourcentage important du temps est uniquement consacré à étudier les rapports de la télésurveillance et d'autres éléments du genre. D'autres études arrivent aux mêmes conclusions. Je dirais donc que oui, vous pourriez avoir à engager du personnel supplémentaire, qui se consacrera entièrement à ce travail. Dans certaines situations, vous pourriez avoir du personnel en service 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, personnel qui s'ajouterait à celui qui offre les services ordinaires.
D'accord.
Mon autre question porte sur les fausses alertes. Est-il prouvé qu'elles pourraient nuire, sinon à la réadaptation, du moins à la réintégration dans la société? Une fausse alerte pourrait-elle être une tache au dossier du délinquant? Est-ce que ce dernier les craindrait? Peut-être n'y a-t-il pas de données à ce sujet.
Les fausses alertes ont deux effets. Lorsque les agents de police ou de probation interviennent en cas de fausse alerte — qui pourrait être causée par une pile que le délinquant a oublié de recharger ou un autre problème du genre —, le délinquant se dit: « Bon sang, l'alerte a sonné, ils envoient quelqu'un et constatent qu'il n'y a rien d'anormal; peut-être que la prochaine fois ils n'enverront personne. »
Il en va de même pour les agents de probation ou de libération conditionnelle. Si les fausses alertes sont trop nombreuses, ils ne savent plus s'il faut les traiter sérieusement et finissent par se demander s'ils doivent y consacrer tout leur temps.
J'essaie d'être juste dans l'exercice de mes fonctions, mais je viens d'une école qui croit beaucoup dans la protection de la société. Je ne veux certainement pas dire par là que les prisons devraient être un lieu de punition, mais de notre point de vue, leur fonction est de protéger la société.
Nous ne parlons pas nécessairement des gens qui seraient assignés à résidence ou libérés, mais de ceux qui pourraient, soit en prison soit à l'extérieur, être équipés d'un dispositif de télésurveillance. À cet égard, il ne s'agit pas seulement de les relâcher dans la rue ou dans la collectivité, ou même de les assigner à résidence. Il s'agit de les garder en prison, ou de les libérer en les munissant d'un tel dispositif. Quelle serait à votre avis la meilleure solution?
Si vous choisissez les bons candidats, il est préférable de réduire leur temps d'emprisonnement et de les laisser plus longtemps dans la collectivité où ils peuvent apprendre à être plus sociables.
D'accord, merci.
Nous allons essayer de revenir à M. Norlock, mais bonne chance, j'ai pris tout votre temps, monsieur Norlock.
Nous passons à M. Chicoine, qui a quatre ou cinq minutes.
[Français]
D'accord.
Au Canada, les seules expériences qui ont eu lieu étaient, je crois, des projets-pilotes. Croyez-vous qu'il est encore valable de faire des projets-pilotes ou que c'est déjà concluant et qu'il ne vaut pas la peine de continuer ce genre de projets?
Je m'excuse.
[Traduction]
J'écoute l'interprétation en anglais et ce que vous dites en français, mais je préfère parler anglais pour ne pas trop mélanger les choses. Je comprends 80 p. 100 de ce que vous dites.
Dans notre étude, il n'y avait pas de projet-pilote. Celui de la Colombie-Britannique était de vaste portée et s'adressait à environ 300 personnes. En Saskatchewan, il s'agissait d'un programme régulier déployé à l'échelle provinciale et dirigé par les tribunaux. Même chose à Terre-Neuve.
C'était des projets ordinaires et opérationnels. Les provinces nous ont demandé de les examiner et de voir si leurs résultats étaient positifs. C'est ce qui nous a amenés à faire cette évaluation.
Ce n'était pas des projets-pilotes, mais des programmes en bonne et due forme.
[Français]
Vous dites donc qu'il ne s'agissait pas de projets-pilotes. Les programmes de surveillance électronique continuent-ils? Cela a-t-il encore lieu aujourd'hui?
[Traduction]
D'accord, je comprends mieux la question. Vous me demandez si nous avons encore des projets-pilotes.
Comme je l'ai mentionné précédemment, sept provinces ont des programmes de surveillance électronique qui ne sont pas des projets-pilotes, mais des programmes qu'elles ont officiellement adoptés.
Le seul projet-pilote récent était celui qu'a mené, il y a à peu près deux ans, Service correctionnel du Canada. C'était le seul. Le ministre d'alors, Stockwell Day, avait annoncé qu'on allait le tester pour voir s'il fonctionnait et un projet-pilote a été mené dans la région de l'Ontario, et non pas dans tout le pays.
Merci beaucoup, monsieur Chicoine.
Je vois que le temps est presque écoulé, même si l'horloge indique qu'il nous reste une minute.
Monsieur Norlock, voulez-vous essayer…
D'accord.
Merci beaucoup, monsieur Bonta, de votre témoignage.
Encore une fois, je serais heureux d'entendre tout autre témoignage que vous voudriez faire au comité. Vous avez cité un certain nombre d'ouvrages que nous essaierons de nous procurer, et si vous pouviez nous fournir d'autres informations, nous les examinerions certainement.
Merci.
La séance est levée.
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