SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 20 octobre 2011
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour. Encore une fois aujourd'hui, notre séance est diffusée en direct.
Nous nous excusons auprès des témoins qui attendent patiemment de comparaître par vidéoconférence. Il y a eu un vote ce matin à la Chambre des communes; c'est pourquoi nous n'avons pas pu commencer nos travaux à l'heure prévue.
Nous allons poursuivre notre étude sur la question des drogues et de l'alcool dans les prisons, les moyens par lesquels ces substances y entrent et les impacts qu'elles ont sur la réadaptation des délinquants, la sécurité des agents de correction et la criminalité dans les établissements correctionnels.
Notre premier groupe de témoins se joindra à nous par vidéoconférence, de Toronto, en Ontario. Les membres du comité sont très heureux que des témoins puissent comparaître devant le comité au moyen de cette nouvelle technologie.
Nous allons entendre Ka Hon Chu, analyste principale des politiques, du Réseau juridique canadien VIH-sida, et Seth Clarke, coordonnateur du développement de la communauté, du Prisoners with HIV/AIDS Support Action Network.
Je crois savoir que vous avez chacun une déclaration liminaire. Nous enchaînerons ensuite avec une période de questions. Cette portion durera environ 35 minutes. Nous avons dû abréger la séance, compte tenu du vote qui a eu lieu ce matin et des autres témoins qui sont à venir.
Soyez les bienvenus et merci à vous. Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire.
Merci, monsieur le président.
Si vous me le permettez, je vais commencer.
Je tiens avant tout à vous remercier de nous avoir permis de faire cet exposé. Je représente le Réseau juridique canadien VIH-sida. Nous sommes une organisation nationale non gouvernementale qui fait la promotion des droits des personnes vivant avec le VIH-sida ou vulnérables à une infection par le VIH au Canada et à l'étranger, et ce, par l'entremise de recherches, d'analyses juridiques et politiques, de sensibilisation et de mobilisation des collectivités. Notre organisation compte 150 membres partout au Canada, dont bon nombre sont des organismes d'aide aux personnes atteintes du sida.
Nous nous intéressons à la prévalence du VIH dans les prisons depuis de nombreuses années, et plus récemment, nous nous sommes particulièrement attardés à la situation des établissements fédéraux. Il y a deux ans, nous avons publié un rapport relatant les expériences de détenus et d'anciens détenus au sujet de l'utilisation de drogues injectables. Étant donné qu'on a clairement établi des liens entre la consommation de drogues injectables et les épidémies de VIH et d'hépatite C dans les prisons, nous nous sommes également penchés sur les programmes d'échange de seringues qui sont en place dans les prisons. En 2006, nous avons rendu public le rapport le plus exhaustif qui soit sur la question, dans une perspective mondiale. L'an dernier, lorsque j'ai comparu devant le comité dans le cadre de son étude sur la santé mentale et la toxicomanie dans les prisons, j'ai insisté sur l'urgence de mettre sur pied de tels programmes.
Je voudrais maintenant exposer rapidement les conclusions auxquelles nous en sommes arrivés. Malgré les nombreux efforts déployés par les systèmes carcéraux pour prévenir l'entrée et l'utilisation des drogues dans les prisons, les détenus en consomment. C'est ce que nous ont rapporté tous les autres témoins qui ont comparu lors de séances précédentes, y compris ceux qui travaillent dans des établissements correctionnels. Bien que les analyses d'échantillons d'urine révèlent un taux de consommation à la baisse, le taux de VIH et d'hépatite C en prison, quant à lui, est à la hausse. Les chiffres de 2010 publiés par le SCC indiquent que 4,6 p. 100 des prisonniers sont infectés par le VIH. Ce pourcentage est 15 fois supérieur à la prévalence du VIH au sein de la population. C'est chez les femmes autochtones qu'on a observé le taux d'infection par le VIH le plus élevé, avec 11,7 p. 100. Parmi celles qui ont subi un test de dépistage de l'hépatite C, 31 p. 100 ont obtenu un résultat positif, ce qui est 39 fois plus élevé que dans le reste de la population. Encore une fois, ce sont les femmes autochtones qui affichent le taux d'infection par l'hépatite C le plus élevé, avec 49,1 p. 100. C'est pratiquement une femme autochtone sur deux.
Ces taux sont comparables à ceux enregistrés en Afrique du Sud du Sahara. Les gens arrivent en prison non seulement infectés par le VIH ou l'hépatite C, mais ils vont aussi séroconvertir à l'intérieur, et je connais plusieurs médecins en prison qui pourraient en témoigner.
Lorsque nous avons interrogé des détenus et d'anciens détenus à l'échelle du Canada, beaucoup d'entre eux nous ont confirmé l'accessibilité des drogues, l'ampleur de la toxicomanie et l'omniprésence des drogues injectables en prison. Compte tenu de la rareté du matériel d'injection dans les prisons, les gens qui s'injectent des drogues, y compris ceux aux prises avec une dépendance, sont plus susceptibles de partager leur matériel que les gens au sein de la population, ce qui fait en sorte que le risque de contracter le VIH et l'hépatite C est accru.
Le rapport du SCC paru en 2010 auquel j'ai fait référence plus tôt a révélé que 17 p. 100 des hommes et 14 p. 100 des femmes s'injectaient des drogues en prison. Près de la moitié d'entre eux partageaient leur matériel, même avec ceux dont ils savaient qu'ils étaient atteints du VIH, de l'hépatite C ou d'une autre infection inconnue.
Même si ces chiffres sont élevés, il est fort probable qu'ils minimisent la prévalence de cette pratique, étant donné les conséquences pour les détenus qui admettent avoir ce comportement illégal. De plus, ces chiffres démontrent une augmentation de l'utilisation de drogues injectables par rapport au sondage mené par le SCC en 1995. D'après ce sondage, 11 p. 100 des détenus s'injectaient des drogues. Il s'agit donc d'une augmentation considérable.
Par conséquent, il est important de mettre en oeuvre des programmes qui fournissent du matériel d'injection stérile aux détenus afin de réduire le risque d'infection par le VIH et l'hépatite C. Jusqu'à présent, ces programmes ont été mis sur pied dans plus de 60 prisons d'au moins 11 pays. J'en ai parlé dans mon rapport, mais je vais rapidement vous les mentionner: la Suède, l'Espagne, la Moldavie, le Bélarus, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l'Allemagne, le Luxembourg, l'Iran, la Roumanie et l'Arménie. Nous savons que ces programmes sont en place au sein de divers systèmes carcéraux, qu'ils soient bien financés ou sous-financés, civils ou militaires, dans des établissements pour femmes et pour hommes, des prisons de tous les niveaux de sécurité et de toutes les tailles, ainsi que des établissements à l'aménagement nettement différent.
Les établissements ont recours à diverses méthodes pour distribuer les seringues. Certains font appel aux infirmeries pour distribuer le matériel par l'entremise de l'infirmière ou du médecin de la prison. D'autres utilisent des machines de distributions automatisées. Dans certains cas, des travailleurs en santé auprès des pairs ou d'autres prisonniers en font directement la distribution. Et dans d'autres cas, des intervenants externes d'ONG ou d'autres professionnels de la santé distribuent le matériel d'injection à l'intérieur de la prison.
Tout indique que ces programmes sont efficaces. Non seulement ils permettent de réduire les comportements à risque et les maladies, mais ils n'augmentent pas la consommation ou l'injection de drogues et ne mettent pas en péril la sécurité du personnel ou des détenus — et je pense qu'il est important de le mentionner car je connais un agent de correction qui, lors de sa comparution, a indiqué qu'il s'inquiétait du risque que cela posait pour le personnel. Ces programmes apportent d'autres résultats positifs pour les détenus, y compris des aiguillages vers des programmes de traitement de la toxicomanie.
Ces programmes ont été mis en oeuvre pour la première fois en 1992 dans une prison en Suisse, et depuis ce temps, on a signalé aucun incident où du matériel d'injection aurait été utilisé pour attaquer un membre du personnel ou un autre détenu. En fait, on demande aux détenus de garder leur matériel dans un endroit prédéterminé de leur cellule. Cela facilite les fouilles et réduit le nombre d'accidents causés par des aiguilles. Il y a moins de risque qu'un membre du personnel tombe sur une aiguille qui a été cachée dans la cellule d'un prisonnier et qu'il se pique accidentellement sur une aiguille qui a été partagée par de nombreuses personnes. Ces observations ont été confirmées dans le document intitulé Prison Needle Exchange: Review of the Evidence, une étude réalisée en 2006 par l'Agence de la santé publique du Canada à la demande du Service correctionnel du Canada.
Si on mise sur l'interdiction des drogues et l'abstinence, particulièrement dans un contexte carcéral où il y a des listes d'attente pour les programmes de traitement de la toxicomanie, on se trouve à ignorer de nombreuses recherches qui démontrent que la toxicomanie est une maladie récurrente chronique qui découle de nombreux facteurs comportementaux et sociaux. En refusant de mettre en oeuvre des programmes d'échange de seringues dans les prisons, le SCC place inutilement les grands toxicomanes à risque d'infection grave par le VIH et l'hépatite C.
Les programmes d'échange de seringues sont offerts dans la communauté depuis bon nombre d'années. Vous savez sans doute qu'on compte plus de 200 de ces programmes au Canada, et qu'il y en a de nombreux autres en développement. Ils ont tous reçu l'appui de tous les ordres de gouvernement et tout indique qu'ils sont efficaces.
Le fait de refuser des programmes d'échange de seringues dans les prisons est discriminatoire à l'égard des détenus qui s'injectent des drogues et augmente les risques pour la santé publique associés à l'usage dangereux de drogues. Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, les détenus présentent un grand nombre des caractéristiques qui figurent sur la liste des motifs de distinction illicite. Le refus de ces programmes dans les prisons touche particulièrement les Autochtones, qui sont surreprésentés dans les prisons canadiennes, ainsi que dans la communauté parmi les utilisateurs de drogues injectables et les personnes atteintes du VIH.
Ces problèmes touchent également les femmes de façon démesurée. Même si elles constituent une minorité dans les prisons du Canada, un pourcentage élevé des femmes qui ont été incarcérées pour des infractions liées à l'utilisation de drogues ont souvent subi de la violence physique et sexuelle. On enregistre invariablement un passé de consommation de drogues injectables plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes dans les prisons canadiennes.
Le taux d'infection par le VIH et l'hépatite C est plus élevé chez les femmes détenues que chez les hommes au Canada. Comme la Commission canadienne des droits de la personne l'a indiqué: « Même si le partage de seringues usagées constitue un risque pour tout détenu, l'incidence sur les femmes est plus marquée en raison du taux plus élevé de toxicomanie et d'infection par le VIH au sein de cette population. (...) Ces effets sont peut-être particulièrement notables chez les femmes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral. »
Compte tenu de la hausse des taux d'infection par le VIH et l'hépatite C, la société assume le coût des traitements pour les personnes qui en sont atteintes. Selon le SCC, il en coûte 22 000 $ pour traiter une personne en prison pour l'hépatite C et 29 000 $ pour traiter une personne atteinte du VIH par année. C'est donc un coût à vie. Il est bien plus efficace de fournir du matériel d'injection stérile que de traiter une personne pour une infection par le VIH et l'hépatite C.
L'Organisation mondiale de la santé a fourni une donnée non officielle concernant le coût du matériel d'injection. Il en coûterait entre quatre et dix dollars américains par personne par année. Ce sont les coûts des programmes au sein de la population, mais je pense qu'ils s'appliquent également au système carcéral.
En 2006, plus de 2 000 personnes atteintes de l'hépatite C et plus de 200 autres atteintes du VIH ont été libérées dans la collectivité. La santé dans les prisons relève de la santé publique. Il n'y a aucune raison de traiter les prisonniers qui sont aux prises avec un problème de dépendance différemment des toxicomanes dans la collectivité qui ont accès aux programmes d'échange de seringues. En réduisant les risques d'infection par le VIH et l'hépatite C chez les utilisateurs de drogues dans les prisons, les risques que les Canadiens contractent ces maladies sont moindres.
Merci.
Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
PASAN est un organisme communautaire qui offre des services de soutien, de prévention et de sensibilisation auprès des prisonniers concernant les maladies infectieuses, particulièrement le VIH-sida et l'hépatite C.
Aujourd'hui, je vais plutôt m'attarder sur la consommation de drogues et la toxicomanie dans les prisons, qui découlent souvent de problèmes et de besoins de gérer la douleur.
La population carcérale sous responsabilité fédérale est assez diversifiée et regroupe une proportion démesurée de personnes à faible revenu, de minorités raciales et de personnes ayant une déficience. Et évidemment, comme vous le savez sans doute, il y a une surreprésentation des Autochtones dans les établissements fédéraux. Cela s'explique pas le fait que beaucoup d'entre eux ont souffert de traumatismes et ont survécu aux pensionnats indiens. On retrouve également beaucoup de gens aux prises avec des problèmes de santé mentale, qu'ils soient diagnostiqués ou non, des habitudes de consommation de drogues et des dépendances. De toute évidence, un grand nombre de détenus ont perpétré des crimes liés à la drogue, de la simple possession à la possession dans le but d'en faire le trafic, mais beaucoup d'autres ont commis des fraudes ou des vols en vue de subvenir à leurs besoins de drogue.
Tout d'abord, je tiens à préciser qu'à leur admission, les prisonniers ont déjà subi un certain traumatisme et sont aux prises avec toutes sortes de problèmes. Il y a aussi le fait qu'en prison, ils sont isolés de leur famille et de leur communauté. Chose certaine, ils sont dans un milieu hostile où il est difficile de faire confiance et de recevoir du soutien. Tous ces facteurs jouent un rôle dans la capacité du détenu à maintenir une bonne santé.
Je vais rapidement vous exposer quelques conclusions des études qui ont été réalisées...
Un rapport a été commandé par le SCC. C'est une évaluation des besoins en soins de santé des détenus purgeant une peine de ressort fédéral au Canada qui a révélé que les détenus étaient trente fois plus susceptibles de s'injecter des drogues, de deux à dix fois plus susceptibles d'avoir une dépendance aux drogues ou à l'alcool, plus de vingt fois susceptibles d'être infectés par le virus de l'hépatite C, dix fois plus susceptibles d'être infectés par le VIH, plus de deux fois plus susceptibles d'avoir un problème de santé mentale et quatre fois plus susceptibles de se suicider que le reste de la population.
Ces chiffres montrent à quel point les prisons ne sont pas un endroit où il est facile de maintenir une bonne santé. De plus, selon le rapport de l'enquêteur correctionnel de 2009-2010, le taux d'infection par l'hépatite C a augmenté de 50 p. 100 entre 2000 et 2008, et il est bien réel que le VIH et le virus de l'hépatite C sont contractés, transmis et répandus dans les prisons.
J'aimerais parler un peu des problèmes de gestion de la douleur dans les prisons en général. Les détenus, comme le reste de la population, éprouveront différents problèmes de gestion de la douleur au cours de leur vie. Cela peut être une douleur physique, émotive, psychologique ou de la détresse. Comme je l'ai dit plus tôt, de nombreux prisonniers ont vécu des traumatismes et de l'abus par le passé. Ce qui est difficile à gérer, entre autres, c'est le fait que beaucoup de prisonniers ont déjà des habitudes de consommation qu'ils doivent traiter à leur arrivée. Lorsqu'il s'agit de consommation de drogues, dans les prisons, on adopte plus souvent approche punitive que thérapeutique. Évidemment, les politiques visent à réduire la consommation de drogues et à tenter, d'abord et avant tout, du point de vue de la sécurité, de contrôler la situation.
De part et d'autre, la méfiance est bien présente, ce qui est tout à fait conforme à la culture carcérale. Les niveaux de confiance sont faibles, tant chez les détenus que chez le personnel.
Il n'est pas rare que des détenus ayant besoin de soulager des douleurs de toutes sortes passent pour des individus en manque de drogues et puissent faire l'objet d'une surveillance plus soutenue de la part des gardiens et du système correctionnel parce que l'on considère qu'ils posent un risque plus élevé.
Comme ils sont conscients de ces conséquences possibles, les détenus risquent davantage d'adopter des pratiques plus dangereuses — s'ils consomment des drogues, ils vont le faire plus rapidement. Dans un contexte où les équipements et services de réduction des méfaits sont insuffisants, les détenus se retrouvent dans une situation où ils risquent beaucoup plus de contracter et de propager des maladies infectieuses.
Il y a aussi l'allégation voulant que ces détenus présumément en quête de médicaments puissent en faire le trafic auprès de codétenus. Pour les autorités carcérales, c'est une raison de plus de resserrer la surveillance. Il y a de nombreuses conséquences lorsque les soupçons de consommation ou de trafic de drogues peuvent être confirmés, notamment au moyen d'une analyse d'urine. Parmi les conséquences possibles, on note la perte de l'emploi en milieu carcéral, un déplacement au sein de l'établissement ou un transfert dans un autre lieu de détention, voire une période d'isolement, la perte des droits de visite et un éloignement encore plus marqué de la famille, sans compter les accusations pouvant être portées.
Compte tenu de l'inclusion de ces mesures dans la stratégie de lutte contre la drogue, il y a encore moins de chances que des détenus prennent l'initiative de demander un traitement pour leur problème de toxicomanie ou d'automédication.
Même si, comme je l'ai mentionné, la toxicomanie est considérée comme une incapacité, il est important de souligner que la première intervention est souvent punitive, plutôt que thérapeutique. La vague de programmes offerts dans les prisons pour les problèmes de toxicomanie des détenus est plutôt restreinte. Plus souvent qu'autrement, les listes d'attente sont longues pour l'accès aux programmes existants.
Il est aussi fréquent que les gens aient besoin d'un certain soutien pour apporter des changements dans leur vie. Très souvent, les options thérapeutiques ne sont pas suffisamment variées et ne tiennent pas compte des difficultés que vivent ces individus qui doivent gérer leurs douleurs tout en cherchant à repartir sur de nouvelles bases pour avoir de meilleures chances de demeurer en liberté une fois qu'ils sortiront de prison.
Dans ce genre de dossier, les considérations touchant la sécurité l'emportent souvent sur les besoins médicaux des détenus. Selon moi, il n'existe pas de stratégie universelle pour régler les problèmes de toxicomanie. Dans la collectivité, les gens à la recherche de soins pour leur toxicomanie ont habituellement accès à une gamme d'options plus complète. J'estime que c'est important, dans un souci d'équité, car on veut toujours que les mesures accessibles aux détenus se rapprochent le plus possible de ce qui est offert à l'extérieur des murs.
Si on compare à tout ce qui est accessible dans la collectivité, des services de réduction des méfaits jusqu'aux traitements en passant par les services de soutien, on ne peut pas dire qu'il y a équivalence. Quant à la possibilité de faire des choix, un point très important, il faut souligner qu'une grande proportion des services accessibles aux détenus relativement à la consommation de drogues sont offerts par des organisations communautaires qui se rendent dans les établissements pénitentiaires. Les détenus ont ainsi accès à des options différentes qui ne les exposent pas nécessairement à un système où ils ont tout lieu de s'inquiéter des risques de conséquences punitives.
Je veux seulement vous donner un bref exemple...
Permettez-moi de vous interrompre un instant.
Pourriez-vous conclure rapidement? Nous devons passer à la période des questions. Plusieurs membres du comité souhaitent vous en poser. Peut-être que dans vos réponses à quelques-unes de ces questions, vous pourrez glisser les renseignements que vous souhaitez encore nous communiquer.
Pouvez-vous conclure en quelques phrases?
Je veux simplement dire qu'une stratégie antidrogue exhaustive devrait inclure un examen des procédures de gestion de la douleur et de la liste des médicaments accessible aux détenus; une expansion des services de réduction des méfaits, y compris des programmes de distribution de seringues en établissement; un niveau accru de soutien à l'égard des options de traitement pour les détenus, y compris le recours à des organisations communautaires dans le cadre de partenariats avec les institutions pénitentiaires.
Merci beaucoup.
Merci à vous deux, madame Chu et monsieur Clarke.
Nous débutons le premier tour de questions avec Mme Hoeppner.
Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Norlock.
Comme j'ai très peu de temps, mes questions seront plutôt brèves. J'espère que vous pourrez également y répondre brièvement.
Madame Chu, dans le cadre de sa politique de lutte contre les drogues, notre gouvernement s'est engagé à appliquer la tolérance zéro dans les prisons. Nous sommes conscients que c'est un objectif très difficile à atteindre, mais nous croyons préférable de nous fixer des buts élevés.
Convenez-vous avec moi que la tolérance zéro est sans doute la meilleure politique que nous puissions nous donner dans nos établissements de détention?
Je pense que c'est irréaliste. Bien que la tolérance zéro s'applique pour la consommation de drogues dans la collectivité, nous offrons des programmes d'échange de seringues pour protéger la santé des toxicomanes.
Je vous parle toutefois de ce qui se passe dans les prisons. Ce sont des endroits où les choses... Par exemple, la consommation de tabac est autorisée à l'extérieur de ces établissements. Il y a différentes normes qui s'appliquent selon que l'on vive en détention ou au sein de la collectivité.
Je voulais seulement savoir si vous êtes favorable à une politique de tolérance zéro pour les drogues à l'intérieur des pénitenciers.
Je crois que c'est un objectif louable mais irréaliste. Les problèmes de toxicomanie sont sans doute plus criants chez les détenus car, comme Seth le mentionnait, bon nombre d'entre eux sont incarcérés pour des infractions liées aux stupéfiants. L'enquêteur correctionnel a souligné que 15 p. 100 des détenus sont en traitement.
Vous pouvez toujours chercher à appliquer une politique de tolérance zéro mais, pendant ce temps-là, des gens vont être infectés par le VIH.
Je comprends. Merci. J'ai entendu votre exposé, alors je sais quelle est votre position. Je voulais juste savoir si vous pouviez souscrire à ce grand objectif, même s'il est bien évidemment très difficile à réaliser. Dans un monde idéal, il serait formidable que nos prisons soient exemptes de drogues. N'êtes-vous pas d'accord?
Je crois qu'en visant un tel objectif, on va compromettre la santé des gens. C'est-à-dire que si l'on ne met pas en oeuvre d'autres programmes...
Vous n'êtes donc pas de cet avis. Vous nous dites que vous n'êtes pas d'accord. Est-ce que je vous comprends bien?
Je dis simplement que c'est irréaliste. Il n'y a pas une seule prison au monde où il n'y a pas de drogues.
D'accord, je vous remercie.
Passons à un autre sujet... Je vois d'un très mauvais oeil le grand déséquilibre apparent entre l'aide offerte aux détenus toxicomanes pour qu'ils aient accès à davantage de drogues et à tout l'attirail requis pour s'administrer ces drogues, et l'importance accordée aux préoccupations relatives à la sécurité des agents de détention qui risquent leur vie chaque jour dans l'exercice de leurs fonctions.
Ce sont des citoyens respectueux des lois. Ils n'ont commis aucun crime. Ils ont peut-être aussi vécu des problèmes qui auraient pu les amener à s'écarter du droit chemin, mais ils travaillent maintenant au bénéfice de tous les Canadiens. Si j'en crois votre exposé, vous semblez ne tenir aucun compte de la nécessité d'assurer leur sécurité.
Je me demandais si vous pouviez me dire — et je vous prie de ne pas citer l'étude suédoise, car je ne l'ai pas en main — comment vous pourriez dans la pratique... Vous parlez d'objectifs irréalistes. Comment pouvez-vous affirmer et espérer nous convaincre que les seringues ne seront pas utilisées comme des armes contre les gardiens?
Je suis tout à fait d'accord avec vous: la sécurité du personnel doit passer avant tout.
Notre travail est basé sur des données probantes. Nous avons examiné les différents programmes de distribution de seringues qui existent depuis 1992. Voilà donc près de 20 ans que des programmes semblables sont offerts dans différents contextes et différents endroits du monde, et il n'y a toujours pas eu un seul cas où une seringue a été utilisée comme arme.
J'aurais un exemple à vous proposer à ce sujet. En Allemagne, le personnel pénitentiaire était lui aussi tout à fait contre l'idée. Ces gens-là étaient inquiets et c'est tout à fait compréhensible: les seringues peuvent effectivement servir d'arme. Mais une fois le programme mis en oeuvre en Allemagne, le personnel a totalement souscrit à l'initiative, car il sentait qu'il était bien protégé en fin de compte. Il y a moins de risques qu'une seringue puisse causer des blessures malencontreuses lorsqu'elle est conservée au même endroit dans chacune des cellules. Les gardiens savent ainsi qu'ils ne se feront pas poignarder lorsqu'ils doivent effectuer une fouille. Et si jamais cela devait se produire, Dieu nous en préserve, ce ne sera pas avec une seringue qui a été utilisée par plusieurs personnes et qui risque d'être infectée par le VIH ou l'hépatite C.
Malheureusement, je ne sais pas si cet exemple sera suffisant pour rassurer les Canadiens. Si vous mettez entre les mains de détenus qui ont déjà montré qu'ils avaient de la difficulté à obéir aux lois, même les plus simples, et qui n'arrivent pas toujours à respecter la sécurité et les droits de leurs congénères... Je pense que c'est très...
Encore là, on pousse les choses à la limite. Il faut essayer de se persuader que les seringues ne seront pas utilisées comme des armes; c'est vraiment difficile pour moi.
Merci, madame Hoeppner.
Nous passons maintenant à Mme Morin.
[Français]
Madame Morin, vous avez cinq minutes.
Bonjour. D'abord, je veux remercier notre témoin de sa présentation qui était très intéressante.
En vous écoutant, j'ai eu à nouveau la confirmation que la réduction des méfaits fonctionne beaucoup mieux qu'une tolérance zéro étant donné qu'elle est moins répressive pour les prisonniers. Suivant cette approche, ces derniers sont beaucoup moins portés à se retourner contre les gardiens en utilisant des seringues comme armes étant donné qu'ils sont un peu moins réprimés.
Les échanges de seringues, dont on parlait plus tôt, pourraient-elles devenir nécessaires pour la sécurité de la population? Je m'explique. Étant donné qu'il y a de très longues listes d'attente pour les soins psychologiques et les programmes d'intervention en toxicomanie, pourrait-il arriver qu'une personne qui a été libérée ait contracté sans le savoir le VIH-sida en prison? Le cas échéant, il y aurait plus de chances qu'elle contamine la population. Ainsi, pourrions-nous dire que l'échange de seringues est nécessaire pour la sécurité de la population et également celle des gardiens ?
[Traduction]
Tout à fait. Nous insistons toujours sur le fait que la santé dans les prisons et la santé publique sont indissociables.
J'ai parlé à différents médecins qui traitent dans les pénitenciers canadiens des personnes atteintes du VIH et de l'hépatite C qui disent être absolument certains que ces patients ont été infectés pendant leur détention alors qu'ils étaient en attente d'un traitement. Au Canada, la population pénitentiaire finit par être libérée dans une proportion de plus de 90 p. 100. Ce n'est pas comme si on jetait les gens en prison pour les oublier à jamais. La santé des détenus est intimement liée à la santé de leurs concitoyens.
[Français]
Merci.
Ma prochaine question s'adresse à M. Clarke.
J'ai trouvé très intéressant de vous entendre plus tôt au sujet d'une stratégie globale qui serait une bonne solution pour, du moins, diminuer les drogues dans les prisons et ainsi rendre ces dernières plus sécuritaires. Pourriez-vous élaborer un peu plus sur le sujet étant donné que vous n'avez pas vraiment eu le temps d'en parler?
[Traduction]
Désolé, mais pourriez-vous répéter la première partie de votre question? De quelle stratégie parlez-vous? De la stratégie antidrogue?
Je dis qu'une stratégie antidrogue efficace doit tenir compte des problèmes de gestion de la douleur chez les détenus. Je ne parle pas ici de la seule douleur physique, mais de la douleur en général, laquelle témoigne des expériences vécues par certains détenus avant leur incarcération. Bien des gens commencent à consommer des drogues pour essayer de masquer quelque chose; ils font de l'automédication en raison de problèmes sous-jacents qui pourraient fort bien nécessiter une aide psychiatrique. Dans bien des cas, les problèmes de santé étaient déjà présents avant la détention, mais s'enveniment au fil de l'expérience carcérale.
Quant au degré d'isolement, j'ai toujours soutenu que les personnes qui n'avaient pas de problème de santé mentale au moment de leur incarcération en auront fort probablement à leur sortie de prison à l'issue d'une peine fédérale.
Alors une stratégie antidrogue devrait assurément tenir compte des problèmes de gestion de la douleur et de santé mentale des détenus et inclure de plus vastes options de traitement et de programmes dont une large proportion devrait — notamment pour contourner la méfiance et les craintes — être offerts par des organisations communautaires qui se déplacent pour dispenser leurs services dans l'établissement. On irait ainsi dans le sens de l'objectif d'équivalence qui veut que l'on offre aux détenus des services de santé comparables à ceux qui existent dans la collectivité.
Dans le cadre d'une stratégie efficace de lutte contre les drogues, il faudrait aussi offrir aux détenus des services complets de réduction des méfaits, ce qui pourrait les mettre à l'abri — et éventuellement protéger la collectivité lors de leur libération — d'une prévalence beaucoup plus élevée du VIH et du VHC au sein de la population carcérale.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Norlock qui sera suivi de M. Scarpaleggia pour terminer le premier tour.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
Monsieur Clarke, j'ai noté quelques-uns de vos commentaires.
Je dois d'abord dire que l'État doit s'assurer que les individus qu'il incarcère en raison de crimes commis contre la société... que l'État doit tout mettre en oeuvre pour voir à ce que ces individus quittent nos établissements pénitentiaires avec tous les outils nécessaires pour ne pas se retrouver à nouveau en prison.
Vous avez dit qu'il était difficile de rester en santé lorsqu'on séjourne en prison. J'ai visité de nombreux établissements canadiens et j'ai notamment pu constater que certains détenus parviennent à conserver un corps tout à fait sain grâce aux exercices qu'ils peuvent faire dans les installations de conditionnement physique accessibles, et à la faveur d'une alimentation adéquate.
Je me demandais si vous pouviez nous expliquer très brièvement — car j'ai plusieurs autres points à aborder — pourquoi vous disiez qu'il est difficile pour les détenus de rester en bonne santé.
Je dirais qu'en général la possibilité de faire du conditionnement physique est plutôt restreinte pour bien des détenus. Très souvent, ils sont confinés à leur cellule pendant de longues heures. Ils n'ont pas nécessairement toujours accès aux installations — bien que cet accès existe bel et bien, cela ne fait aucun doute. J'ajouterais que l'alimentation des détenus laisse à désirer.
Quant à mes observations sur la difficulté de rester en bonne santé, je crois que le fait d'être isolé, de sa famille et de la collectivité...
D'accord, je vois où vous voulez en venir. Vous et moi pourrions discuter longuement de la possibilité de faire des redressements assis, des pompes et toutes sortes d'autres exercices dans un espace confiné, comme bien des Canadiens le font à la maison. Il y a des raisons...
L'autre commentaire que j'ai noté concernait la gestion de la douleur. Vous avez déclaré que la gestion de la douleur devait également être associée aux problèmes d'anxiété découlant du confinement carcéral, une situation nocive pour les détenus.
Je vais laisser l'anxiété et la douleur aux victimes des crimes qui ont causé l'incarcération de ces hommes et de ces femmes qui vivent dans nos prisons. Mais êtes-vous en train de nous dire qu'en cas de douleur physique, provenant d'une blessure subie en détention où à l'extérieur de la prison, un détenu n'aurait pas accès aux médicaments appropriés comme l'aspirine, l'ibuprofène et toutes ces choses que l'on peut trouver dans les cliniques médicales de nos établissements de détention? Prétendez-vous que des gens souffrent parce qu'ils n'ont pas accès aux traitements appropriés d'une infirmière ou d'un médecin?
Je dis simplement que les services accessibles pour la gestion de la douleur physique ne sont pas les mêmes que ceux offerts dans la collectivité. Il n'est pas rare que des détenus soient brusquement sevrés de certains médicaments. C'est notamment le cas du Kadian lors de l'arrivée en prison. Le détenu doit alors se prêter à un nouveau processus avec les services de santé de l'établissement pour définir exactement ses besoins en matière de gestion de la douleur et, dans certains cas, essayer d'obtenir à nouveau un médicament qu'il prend déjà depuis plusieurs années.
Si j’ai bien compris, ce que vous dites, c’est que certains médicaments créent la dépendance et donc vous poussent vers d’autres médicaments…
Vous avez dit aussi que, lorsque les responsables des prisons font des fouilles pour trouver des drogues, entre autres, cela crée une atmosphère de méfiance. Les deux parties se méfient l’une de l’autre.
Vous devez comprendre que cette séance est publique et que les gens qui ne sont pas dans le milieu vont se demander: « N’est-il pas normal et nécessaire de faire des fouilles pour trouver des drogues illégales introduites dans les prisons? » Les prisonniers démoralisés par ces fouilles ont la capacité d’apaiser cette méfiance: ils peuvent participer aux programmes offerts dans les prisons et être reconnaissants envers les autorités qui tentent d’empêcher l’introduction de drogues illicites dans les établissements.
Si l’on regarde la situation d’un angle différent, il y aurait beaucoup moins de méfiance si les responsables des prisons n’avaient pas à faire ces fouilles.
Merci, monsieur Norlock. Malheureusement, je dois vous interrompre, car nous sommes limités dans le temps.
Passons à M. Scarpaleggia qui vous posera quelques questions.
Bienvenue au comité.
Ma question est un peu simple, et peut-être un peu naïve, mais comment fait-on pour introduire des aiguilles dans les prisons? On peut comprendre comment les gens s’y prennent pour introduire des substances, des comprimés ou de la marijuana, mais pour les aiguilles, comment y parviennent-ils? Je crois que j’aurais de la difficulté à déjouer les dispositifs de sécurité dans les aéroports avec une aiguille sur moi. Comment un membre de la famille d’un prisonnier, par exemple, arrive-t-il à le faire dans une prison? Je ne comprends tout simplement pas.
Pour savoir comment les drogues et les aiguilles sont introduites dans les prisons, il faut regarder qui a accès aux établissements. Il y a les employés, les visiteurs et ceux qui assurent les services et donnent les programmes offerts aux détenus. En ce qui concerne les aiguilles, chaque établissement possède une unité de soins de santé. Évidemment, on y retrouve des aiguilles qui doivent servir à des fins médicales, mais elles peuvent aussi être utilisées à d’autres fins…
Il y a bien des façons d’introduire des choses dans les prisons. Tous les autres disent que ça s’est toujours fait.
J’en ai déjà parlé… Souvent, le matériel d’injection est fabriqué à partir de stylos BIC ou d’autres objets que l’on trouve dans les prisons. Nous avons de nombreux exemples de dispositifs que les prisonniers ont fabriqués avec les objets auxquels ils ont déjà accès.
Vous avez mentionné une chose que je n’ai pas entendu concernant les formulaires pharmaceutiques dans les prisons. Un de vous en a parlé dans sa déclaration préliminaire. Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit? Je n’ai pas entendu.
Certainement. SCC a un formulaire pharmaceutique. Il s’agit essentiellement d’une liste des médicaments dont la prescription est autorisée dans les pénitenciers. Les détenus n'ont pas accès à certains médicaments offerts au grand public, entre autres parce qu'ils posent un risque pour la sécurité ou parce qu'elles créent une plus grande dépendance. Donc, le formulaire pharmaceutique de SCC dresse la liste des médicaments disponibles dans les pénitenciers. Cette liste est revue assez régulièrement.
D’accord. Je m’interroge au sujet des prisonniers qui sont en sevrage. Nous en avons parlé un peu lors de la dernière séance et M. Leef a soulevé un point intéressant. Lorsqu’ils arrivent au pénitencier, ces détenus ont passé un certain temps dans une cellule de détention provisoire ou vécu une autre forme de détention, peut-être en attente de leur procès. Par conséquent, ils n'ont pas besoin de médicaments pour les aider dans leur sevrage. Pourquoi est-ce différent dans les pénitenciers fédéraux?
Ce n’est pas nécessairement le cas. Évidemment, la plupart des prisonniers ont passé un certain temps en détention dans une prison provinciale ou un autre établissement avant d’être amenés dans un pénitencier fédéral, mais cela dépend probablement des médicaments qu'on leur a administré avant. En ce qui concerne les drogues illicites, la grande majorité des détenus n’y auraient pas eu accès. Les opinions diffèrent quant à la disponibilité des drogues illicites dans les prisons provinciales.
Mais comme vous l’avez souligné, souvent des prisonniers sont transférés dans un pénitencier fédéral où l’on modifie leur médicament — comme je l’ai déjà dit, la consommation de médicaments antidouleur, notamment le Kadian, est progressivement réduite. On reçoit des appels de détenus qui ont de la difficulté à vivre une situation semblable. Certains nous disent qu’ils n’ont pas vraiment consommé depuis longtemps. Tous nos clients sont séropositif pour le VIH, et certains ont aussi…
Ils disent qu’ils sont en sevrage et qu’ils songent à utiliser le réseau de drogue clandestin qui existe dans les établissements carcéraux. Encore une fois, cela augmente les risques de…
Mais, reçoivent-ils l’aide dont ils ont besoin quand ils sont en sevrage et qu’ils songent à utiliser ce réseau? Est-ce qu’on intervient à ce moment critique?
Je crois que ce n'est pas cohérent. De nombreux détenus disent qu’on ne les aide pas à ce moment-là. Parfois, ils tentent d’obtenir de la méthadone ou un autre médicament semblable, mais ça se fait rarement en douceur. Dans certains cas, le prisonnier est sevré sans médicament. Je dirais donc que ce n'est pas cohérent.
Merci beaucoup.
J’aimerais remercier M. Clark et Mme Chu d’avoir accepté notre invitation. Encore une fois, je suis désolé d’avoir écourté votre présence en raison des votes qu’il y a eu ce matin à la Chambre. Mais, merci pour les points que vous avez présentés.
Aucun autre témoin avant vous n’a soulevé la question du soulagement de la douleur. Peut-être que l’on pourra explorer davantage cette question. Quelques membres du comité avaient des questions à poser à ce sujet.
J’aimerais inviter le nouveau groupe de témoins à s’avancer à la table.
Au cours de la deuxième heure, nous accueillons, M. Don Head, commissaire de Service correctionnel du Canada, et M. Christer McLauchlan, agent de renseignements de sécurité à l’établissement de Stony Mountain.
J’ai déjà précisé le sujet de l’étude au début de la première heure, alors, je ne le répéterai pas. Merci d’être venus de nouveau témoigner dans le cadre de cette étude. Nous vous sommes reconnaissants de l’aide que vous nous apportez en nous offrant votre témoignage et celui des membres de votre personnel, comme M. McLauchlan.
Monsieur le commissaire, vous avez la parole. Encore une fois, merci.
Merci, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir de nouveau invité à discuter de ce que fait Service correctionnel du Canada pour contre la présence de drogues dans les pénitenciers fédéraux.
Comme vous l'avez déjà souligné, je suis accompagné ce matin de l'un de nos agents du renseignement de sécurité, Chris McLauchlan, qui travaille à l'établissement à sécurité moyenne de Stony Mountain, à Winnipeg. J'ajouterais que M. McLauchlan a également été maître-chien pour l'équipe de chiens détecteurs de drogue et agent de correction. Il a donc beaucoup d'expérience en première ligne. Il vous parlera de son expérience personnelle en matière de détection et d'interception de drogues au sein du système correctionnel fédéral.
Monsieur le président, comme je l'ai déjà dit, pour régler le problème de la drogue dans les pénitenciers fédéraux, le SCC a adopté une approche à trois volets axée sur la prévention, le traitement et l'interception. Cette approche nous aide à relever les défis quotidiens importants qu'apporte une population carcérale complexe et diversifiée. Bon nombre de détenus ont de graves problèmes de toxicomanie.
Les gens de l'extérieur qui trouvent toujours de nouvelles façons d'introduire la drogue dans les établissements représentent un autre problème considérable. Nous avons récemment intercepté de la drogue introduite, entre autres, au moyen d'oiseaux morts, de flèches et de balles de tennis.
D'ailleurs, il y a à peine trois jours, le personnel de l'établissement de Matsqui, dans la région du Pacifique, a récupéré un paquet contenant de la drogue et des accessoires servant à la consommation de drogues qui avait été lancé à l'intérieur des murs du pénitencier. Une enquête est en cours pour déterminer comment le paquet a pu franchir une telle distance, mais on soupçonne qu'un lance-patate a été utilisé. Le paquet contenait de la marijuana, de l'héroïne et une balance numérique, le tout d'une valeur estimée à 21 000 $ en établissement.
Aussi, l'autre jour, le personnel de l'établissement Leclerc, au Québec, a réussi à intercepter de la drogue dont la valeur en établissement est estimée à 28 900 $. Ils y sont parvenu avant qu'elle ne tombe entre les mains des détenus.
Je continue d'être extrêmement fier de l'excellent travail que le personnel de SCC effectue chaque jour pour assurer la sécurité de nos établissements.
Le SCC est également aux prises avec une augmentation du nombre de détenus affiliés à un gang. À l'heure actuelle, environ 2 200 détenus sont affiliés à un gang et plus de 50 gangs sont présents dans nos établissements. La majorité des détenus étaient affiliés à un gang avant leur incarcération, la plupart étant membres d'un gang de rue. Ils sont maintenant plus nombreux que ceux qui sont membres d'un gang de motards criminalisés ou d'une organisation criminelle traditionnelle.
Monsieur le président, je sais que le comité s'intéresse particulièrement au lien entre la drogue et les gangs. Je peux vous dire qu'environ le quart des détenus affiliés à un gang ont été condamnés pour des infractions liées à la drogue, notamment pour possession, importation et trafic de drogue.
Je transmettrai au comité un schéma qui montre comment les gangs procèdent pour introduire de la drogue dans un pénitencier. Je crois que les membres du comité en ont déjà une copie devant eux.
Le SCC dispose d'une panoplie d'outils pour détecter et intercepter les tentatives d'introduction de drogue dans nos établissements. Nos effectifs d'agents du renseignement de sécurité, comme M. McLauchlan, ont augmenté au cours des dernières années et continueront de croître. Les 250 agents que nous prévoyons avoir en poste à la grandeur du pays d'ici 2012-2013 nous aideront à détecter les livraisons possibles de drogue et nous permettront d'accroître nos connaissances du problème de la drogue. Chris et ses collègues pourront donc mieux mettre en commun l'information dans toutes les régions.
Par ailleurs, nos agents du renseignement de sécurité, de même que nos agents correctionnels, reçoivent une nouvelle formation qui mise davantage sur la sécurité active et la gestion des gangs.
Comme je l'ai mentionné lors de ma dernière comparution, nous sommes en train d'accroître le nombre de nos équipes canines, de renforcer la sécurité au périmètre des établissements,et de mieux utiliser la technologie pour empêcher l'introduction de drogues.
Ce ne sont là que quelques exemples d'une approche intégrée et complexe visant à empêcher l'introduction de drogues dans les pénitenciers fédéraux.
Monsieur le président, les employés de SCC de partout au pays veillent quotidiennement à ce que les établissements soient sûrs et exempts de drogue pour favoriser la réadaptation et faire en sorte que les Canadiens puissent vivre dans des collectivités plus sûres. Je suis fier de nos employés dévoués qui, comme Chris, incarnent parfaitement notre mission, notre mandat, nos valeurs et notre sens de l'éthique.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, M. McLauchlan et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Encore une fois, merci, monsieur le commissaire.
Merci d'être venu, monsieur McLauchlan.
Même s'il n'a pas prononcé de discours préliminaire, M. McLauchlan pourra répondre à toutes vos questions au sujet de son poste et de ses responsabilités dans les prisons.
Nous allons amorcé la première série de question. Monsieur Leef, vous avez la parole.
Merci beaucoup, messieurs, d'avoir accepté notre invitation.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. McLauchlan qui participe à cette étude pour la première fois.
Merci beaucoup pour ce schéma. Il nous en apprend beaucoup sur le niveau d'organisation nécessaire pour introduire des drogues dans les pénitenciers fédéraux et nous montre à quel point cela est complexe.
Jusqu'à maintenant, l'étude s'est concentrée en grande partie sur les besoins en matière de traitement et de réadaptation. J'aime bien l'approche à trois volets du SCC: la prévention, le traitement et l'interception. Je crois que tous les membres du comité conviennent que la réadaptation et le traitement sont des éléments essentiels en matière correctionnelle. Mais on dirait presque que l'on a oublié le niveau d'organisation nécessaire et à quel point ce système est complexe. Cela va au-delà du détenu victime des circonstances de sa vie, qui se retrouve toxicomane et qui participe à un programme de soulagement de la douleur ou à un autre programme semblable. Il est de plus en plus question d'organisations criminelles, de gangs, de gens qui choisissent une vie de crime. C'est une grande partie du problème dans nos établissements.
Avons-nous de la difficulté à trouver l'équilibre entre le traitement des dépendances et le besoin essentiel de s'attaquer à ceux qui choisissent une vie de crime au sein d'une organisation criminelle? Quel genre de relation cela crée-t-il entre le personnel des établissements carcéraux et les détenus?
Comme vous le savez, les membres du personnel des prisons travaillent fort pour exécuter ces programmes, qu'il s'agisse de supervision directe ou de vivre et de travailler avec les détenus au quotidien. Mais, parallèlement, ils doivent dépenser beaucoup d'énergie à lutter contre ceux qui ont choisi une vie de crime au sein d'organisations criminelles, au lieu de traiter ceux qui ont vraiment des problèmes de dépendance et qui on un besoin réel de réadaptation.
Je crois que le personnel des prison est confronté à un défi considérable. Il doit trouver un juste équilibre entre traiter ceux qui veulent régler les problèmes qui leur ont causé des démêlés avec la justice pénale, dans ce cas-ci l'abus d'alcool ou d'autres drogues, et ceux qui participent à l'économie clandestine et criminelle au sein des établissements carcéraux.
C'est une des raisons pour lesquelles nous avons adopté cette approche à trois volets. Elle nous permet d'aider ceux qui veulent remettre de l'ordre dans leur vie, participer au programme et changer les choses. Nous avons maintenant la capacité — par exemple, avec M. McLauchlan, les agents de renseignement de sécurité, l'équipe de chiens détecteurs de drogue et même nos agents de correction de première ligne — de nous attaquer à ceux qui participent activement aux activités criminelles ou qui introduisent de la drogue dans les établissements carcéraux.
Il y a des moment où c'est plus difficile de trouver ce juste équilibre. M. McLauchlan pourra vous parler de certains des problèmes graves que l'on trouve dans les institutions, alors que les gangs autochtones importants tentent régulièrement d'introduire de la drogue dans les prisons.
Monsieur McLauchlan, des détenus ont-ils déjà demandé à vos subordonnés ou à vous de vous attaquer vraiment au problème de la drogue, de trouver des stratégies pertinentes pour mettre fin à ce fléau, de mettre un terme à la circulation et à l'entrée de drogues dans les établissements ainsi que de prendre des mesures pour diminuer les pressions s'exerçant sur les membres de leur famille et sur eux-mêmes? Des détenus vous ont-ils déjà demandé directement d'intervenir en ce sens?
Absolument. Des détenus nous demandent d'intervenir parce qu'ils sont dans une situation difficile: soit ils ont déjà fait entrer de la drogue dans l'établissement, soit ils font l'objet de pressions en ce sens. Nous nous attaquons au problème sous l'angle du renseignement de sécurité, c'est-à-dire que nous utilisons l'information que ces détenus nous donnent pour leur venir en aide et lutter contre l'entrée de drogue dans l'établissement.
Des détenus m’ont déjà demandé ceci: « J'espère que vous pouvez prendre des mesures pour que les drogues n'entrent plus dans l'établissement. Je suis toxicomane. Si des drogues y circulent, je vais donc en consommer. » Des détenus m’ont déjà dit qu'ils espéraient que nous resserrions les mesures.
J'ai donc effectivement reçu de telles demandes.
Je vous remercie de comparaître encore une fois devant nous.
Lors de la séance de mardi, j'ai indiqué qu'il était très difficile d'envisager les conséquences des drogues et de l'alcool dans les établissements sans une approche globale. Nous constatons que nous sommes aux prises avec une situation complexe, que la drogue fait partie intégrante de la vie carcérale.
Le problème de la drogue dans les prisons comporte des corollaires: la réadaptation, l'accès aux programmes, la propagation des maladies, la santé mentale et la sécurité des prisonniers ou des gardiens. Notre comité veut améliorer la sécurité publique, ce qui devrait être l'objectif de toute étude que nous entreprenons. Nous devons manifestement adopter une approche qui tienne compte et de la réadaptation et de l'interdiction.
Les ministériels ne cessent de répéter qu'il faut des établissements sans drogue. C'est génial, et c'est ce que je souhaite également. Ma question s'adresse au commissaire: Est-ce possible? Dans quelle mesure est-ce réaliste?
Ce sera difficile d'y arriver, je sais, mais je crois que c'est possible. Je vous donne un exemple: dans certains de nos établissements, des détenus cherchent à fuir la sous-culture évoquée par M. McLauchlan. De concert avec les employés, je me suis employé activement à créer des espaces exempts de drogue dans les établissements.
Par exemple, dans celui de M. McLauchlan, les détenus autochtones ont accès au Sentier autochtone, qui favorise la guérison. Nous pouvons procéder à des analyses d'urine aléatoires parmi les détenus autochtones soupçonnés de consommer de la drogue, mais les personnes ayant accès au Sentier autochtone se soumettent volontairement à ces analyses pour prouver qu'ils mènent toujours une vie exempte de drogues. Si nous pouvons mettre un frein à l'entrée de drogues dans les établissements, comme l'a signalé M. McLauchlan, et créer un environnement sûr, davantage de détenus seront disposés à affronter les facteurs crimogènes qui les ont conduits en prison.
Plus je pourrai créer un tel environnement, plus je me rapprocherai de l'objectif d'une prison sans drogue. J'estime que c'est possible, mais des embûches se dressent.
Si les prisons deviennent exemptes de drogues, vous faudra-t-il davantage de programmes de désintoxication?
C'est une partie du problème, car 80 p. 100 des détenus ont souffert de toxicomanie à un moment donné dans leur vie. Un peu plus de la moitié des personnes incarcérées étaient intoxiquées lorsqu'ils ont commis leur crime. Nous devons donc les convaincre de participer à ce programme.
En mettant un frein à l'entrée de drogue dans nos établissements, nous devons avoir les mesures d'intervention, les programmes et les services qui permettront à ces détenus de se réadapter pour ensuite retourner dans la collectivité pour y vivre sans constituer un danger pour les autres Canadiens.
J'aimerais que les prisons soient exemptes de drogues. J'ai beaucoup de difficulté à croire que cela soit possible. J'en doute, et les chiffres sont là pour le confirmer. Néanmoins, de quelles ressources auriez-vous besoin pour atteindre cet objectif?
Nous avons besoin que vous continuiez à nous appuyer dans notre stratégie à trois volets, soit la prévention, le traitement et l'interdiction. Le gouvernement nous a accordé 122 millions de dollars il y a quelques années pour nous aider à nous attaquer au problème des drogues. Nous avons constaté une diminution certaine mais pas complète du nombre d'analyses d'urine positives, mais le nombre de saisies a augmenté. Parallèlement, nous avons reçu des crédits pour accroître le nombre de programmes dans nos établissements.
Il s'est donc dégagé certains résultats positifs, mais nous devons conserver cette assise financière afin de poursuivre dans la même veine.
Je vais répéter ma question. Si nous voulions une tolérance zéro à l'égard des drogues dans les prisons, vous airiez besoin de fonds pour vos programmes d'interdiction et de réadaptation. Combien vous faudrait-il?
Je ne peux pas vous donner un chiffre précis, mais les moyens dont nous disposons actuellement nous aident à prendre l'orientation pertinente. Malheureusement, je ne peux pas vous préciser le montant exact aujourd'hui.
Diriez-vous que les montants que vous consacrez à l'interdiction vont finir par donner un rendement décroissant?
Je n'irais pas nécessairement jusque-là. Les personnes incarcérées ont des besoins multiples. On cherche toujours à leur offrir des moyens ou des solutions pour les aider à les satisfaire dans une certaine mesure. Ce problème ne disparaîtra pas.
Est-ce que je vous ai bien compris? Vous dites au comité que, si nous vous accordons un montant x de dollars, nous aurons des prisons sans drogues.
Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Nous vous sommes reconnaissants de pouvoir profiter de vos compétences et de votre aide dans le cadre de nos travaux.
Il y a quelques semaines, un témoin représentant l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry a fait valoir que la fouille à nu d'un témoin dans le but de lutter contre la contrebande équivalait à une agression sexuelle cautionnée par l'État. Monsieur McLauchlan, vous qui intervenez directement dans la lutte contre la contrebande dans nos établissements, pouvez-vous nous dire ce que pensez-vous de ces fouilles à nu?
Certainement.
Pour introduire de la drogue dans un établissement et pour l'y dissimuler, ils ont bien sûr recours à toutes sortes de stratagèmes pour contrer nos mesures de détection. Il est fort peu probable que nous trouverons de la drogue sur eux lors d'une fouille par palpation.
Il reste que la fouille à nu est nécessaire dans certaines circonstances. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition assujettit la fouille à nu à des conditions très rigoureuses. Nous devons avoir des motifs raisonnables de croire que la personne est en possession d'un produit de contrebande et que la fouille à nu s'impose. En fin de compte, nous devons chaque fois en convaincre la direction de l'établissement. On ne peut pas décider qu'un visiteur en fera l'objet.
La LSCMLC nous autorise à procéder à des fouilles à nu dans des circonstances précises. Je n'irais certes pas jusqu'à dire qu'il s'agit là d'une agression sexuelle. C'est plutôt un outil nécessaire qui nous permet de lutter contre la contrebande dans nos établissements.
Vous me permettrez d'apporter une précision. J'ignore si vous avez les photos dans votre documentation, mais vous apercevrez, au bas de la troisième page, cinq paquets de drogues, qui avaient été camouflés dans des cavités corporelles. Sans la fouille à nu, la drogue circulerait plus librement dans mon établissement, et quelqu'un risquerait de perdre la vie.
Si la loi ne nous autorisait pas à procéder à la fouille à nu qui, je le répète, est assortie de conditions très rigoureuses et si les quantités de drogue ainsi saisies s'étaient retrouvées dans l'établissement, quelqu'un aurait perdu la vie.
Merci. Vos propos sont rassurants.
Vous me permettrez d'apporter une brève précision. Comme mon collègue, M. Leef, l'a indiqué, nous vous remercions du tableau sur la sous-culture institutionnelle. Monsieur Head, pourriez-vous nous décrire brièvement les principaux éléments de ce tableau pour que je comprenne bien la situation?
En fait, je vais demander à M. McLauchlan de le faire. Je peux certes vous donner des explications, mais ce genre de tableau, c'est son pain quotidien.
Différents aspects ressortent du tableau. Il y a tout d'abord le chef qui n'est pas nécessairement impliqué dans l'introduction de la drogue dans l'établissement. Il met plutôt à contribution ses contacts de l'extérieur. Il peut demander à sa femme de prendre les mesures pour que la drogue soit livrée.
Naturellement, quelqu'un dans la collectivité doit se procurer la drogue, soit parce qu'il fait l'objet d'intimidation, soit parce qu'on le paie. Il peut s'agir des copines de détenus, qui doivent négocier avec les fournisseurs de l'extérieur de l'établissement.
Il s'agit ensuite de trouver un moyen d'introduire la drogue dans l'établissement. On peut le demander à un détenu qui fait partie d'une équipe travaillant à l'extérieur de l'établissement ou exercer des pressions pour qu’un membre de la famille d’un détenu s’en charge. On peut également corrompre un membre du personnel en lui offrant suffisamment d'argent pour qu'il le fasse.
La drogue peut être introduite par un détenu lorsqu'il revient à l'établissement à sécurité moyenne après avoir suivi un programme dans un établissement à sécurité minimale.
Il s'agit en fait d'un modèle relativement simple. D'autres sont beaucoup plus complexes, mais ils nécessitent l'intervention de plusieurs personnes dans la collectivité et au sein de l'établissement. Il est très rare qu'une personne introduise de la drogue à des fins personnelles.
Je me pose encore des questions sur la façon dont la drogue est introduite dans les établissements. Je voudrais poursuivre dans la foulée des propos de M. Sandhu à propos des prisons sans drogues. Cet objectif serait réalisable si les détenus n'avaient plus accès à l'extérieur et si vous exerciez une surveillance de leurs conversations téléphoniques avec leurs épouses, comme d'autres l'ont proposé, mais de toute évidence, vous n'êtes pas prêt, je crois, à prendre des mesures d'une telle ampleur, n'est-ce pas?
M. Don Head: Effectivement.
M. Francis Scarpaleggia: Ce qui m’intrigue, c'est la façon dont les seringues sont introduites dans un établissement. Je sais que certaines sont fabriquées à l'intérieur de l'établissement. Je comprends qu’un visiteur ou quelqu'un d'autre peut dissimuler la drogue pour ce faire, mais n'est-il pas beaucoup plus difficile d'introduire une seringue que de la cocaïne ou de l'héroïne notamment? J'imagine que chaque visiteur doit passer par un détecteur de métal. Je ne pourrais pas embarquer à bord d'un avion en transportant une seringue. Je ne vois donc pas comment on peut y parvenir dans un établissement. Je peux comprendre qu'on puisse le faire avec des substances, mais pas avec les seringues, ça me dépasse.
Les seringues qui ne sont pas de fabrication artisanale peuvent-elles provenir des cliniques médicales notamment?
Je répondrai à votre question en précisant deux ou trois points. Vous vous rappelez la photo montrant les paquets de drogues qui avaient été camouflés dans des cavités corporelles. Une personne pourrait utiliser ce stratagème pour introduire des seringues avec de la drogue sans que cela ne mette nécessairement en danger sa santé. La seringue contient trop peu de métal pour être détectée. Il y en a davantage dans la boucle, relativement petite, de ma ceinture, et si je passais dans le détecteur d’un aéroport, rien d'anormal ne serait détecté. L'aiguille en métal étant plus petite que ma boucle, la seringue ne serait donc pas détectée. J'espère n'avoir dévoilé aucun secret sur la sécurité dans un aéroport.
C'est donc possible. Au fil des ans, nous avons notamment observé une diminution du nombre de seringues médicales introduites dans l'établissement. Par contre, comme M. McLauchlan peut le confirmer, le nombre de seringues de fabrication artisanale a augmenté.
Toujours en ce qui concerne les seringues, je voudrais apporter une précision sur une question abordée par les témoins précédents. Les seringues constituent un danger. Nous devons fournir à nos employés des gants de protection, qu'ils doivent porter lors d’une fouille dans une cellule parce que, si un employé se blesse avec une seringue artisanale souillée, il doit se rendre à l'hôpital pour y être astreint à un protocole rigoureux et prendre un cocktail de médicaments afin de traiter toute infection qu'il aurait pu contracter.
La dernière fois que vous avez comparu devant nous avec M. Mallette, président du syndicat des agents correctionnels, j'ai demandé à ce dernier si des gardiens étaient affectés dans les tours la nuit pour détecter la drogue lancée dans la cour des pénitenciers. Il a répondu que, parfois, on affecte ces gardiens ailleurs dans l'établissement.
On dirait que vous êtes aux prises avec des restrictions qui vous empêchent d'exercer une surveillance à l'extérieur pour détecter la drogue éventuellement lancée dans la cour des établissements. Est-ce exact?
Oui. C'est intéressant. Nous avons enlevé ces tours il y a de nombreuses années. Elles avaient été installées pour empêcher les détenus de s'évader. Nous les avons remplacés par du matériel de surveillance périmétrique et d'autres moyens — systèmes de détection à la clôture, systèmes de détection des mouvements interpérimétriques et patrouilles mobiles armées — pour mieux réagir aux menaces d’évasion.
Jadis, nous ne nous inquiétions jamais des intrusions dans nos établissements. C'est un phénomène récent, qui remonte à environ cinq ans. Cela change la donne. Dans certains de nos établissements, nous avons de nouveau érigé des tours. Dans d'autres, nous avons recours à la nouvelle technologie. À Drumheller et à l’un des établissements au Québec, nous avons fait l'essai d'un système d'imagerie thermique pour détecter tout mouvement près de nos clôtures. Les résultats préliminaires sont très positifs, et nous envisageons la possibilité d'installer ce système dans d'autres établissements.
Abordons la question des programmes de traitement. De nombreux postes de psychologue correctionnel ne seraient pas pourvus. Est-ce vrai? Êtes-vous incapable de trouver des psychologues pour travailler dans votre milieu ou êtes-vous aux prises avec des contraintes financières?
Ce n'est pas tellement un problème de contraintes financières. Nous avons plutôt de la difficulté à trouver des psychologues correctionnels pour certains endroits très isolés, notamment l'établissement de Port-Cartier au Québec. Il est même difficile de recruter des psychologues ordinaires pour cette ville. Nous avons donc un problème pour les pénitenciers dans des endroits éloignés.
Avant que la séance ne soit levée, je voudrais formuler une proposition.
J'ignore ce qu'il en est pour les autres membres du comité, mais je sais que M. Scarpaleggia ne comprend toujours pas comment il se peut que de telles introductions soient possibles. J'aurais de nombreuses autres questions à poser. Ce tableau est fort pertinent et très instructif. Nous aurions pu nous entretenir avec vous deux, messieurs, pendant deux bonnes heures.
Nous venons de prolonger notre étude de six séances supplémentaires. Par votre intermédiaire, monsieur le président, je propose à ces deux témoins de comparaître de nouveau pour régler les questions en suspens. Il faut, je pense, tirer au clair la façon dont les drogues sont introduites dans nos établissements et le rôle joué par les gangs à l'extérieur de ceux-ci. C'est impossible de le faire en 30 minutes.
Merci beaucoup.
Nous serions ravis d'entendre de nouveau M. Head. Dans son tableau, il est question de la demande de drogues. Lors de sa prochaine comparution, nous souhaiterions beaucoup qu'il aborde les moyens mis en oeuvre pour réduire cette demande. C'est avec plaisir que nous l'accueillerons de nouveau.
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