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Merci beaucoup, monsieur le président.
Honorables membres du comité, bonjour.
Je voudrais tout d'abord vous remercier de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui devant vous afin de vous parler du programme de la Police fédérale de la GRC. J'aimerais aussi vous présenter la docteur Angela Workman-Stark, qui est responsable de l'équipe qui gère et qui coordonne la réingénierie des programmes fédéraux.
Je vais d'abord vous présenter le programme de la Police fédérale ainsi que son mandat.
La Police fédérale représente une activité centrale de la GRC. Elle s'exerce dans chaque province et territoire du Canada ainsi que dans divers emplacements internationaux. Le mandat de la Police fédérale de la GRC consiste à mener des enquêtes en matière de sécurité nationale, de lutte au crime organisé et à la criminalité économique, élaborer et favoriser l'échange de renseignements criminels, faire respecter les lois fédérales, mener des activités de développement international des capacités de liaison ainsi que de maintien de la paix. Elle doit aussi assurer la sécurité de représentants de l'État, des personnalités de marque, des missions étrangères, des aéronefs canadiens et assurer la sécurité lors d'événements majeurs.
[Traduction]
En pratique, cela signifie que nous sommes responsables d'empêcher et de contrer un large éventail de crimes graves qui menacent l'intérêt national du Canada.
Notre mandat est fort vaste. Il comprend, entre autres, les responsabilités suivantes: enquêter sur des actes extraterritoriaux de corruption de la part d'entreprises canadiennes pour violation de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers; rendre inopérables, par le biais du Centre antifraude du Canada, plus de 100 000 adresses de courriel par année que l'on présume avoir facilité la fraude par marketing de masse; intercepter des cargaisons de drogues internationales; oeuvrer auprès des jeunes partout au pays afin de réduire le plus possible leur implication, comme victimes ou délinquants, dans des crimes de nature fédérale, par exemple en matière de drogue, de terrorisme et de gangs de rue; perturber, avec l'aide de nos partenaires, un groupe criminel d'importance, comme nous venons tout juste de faire la semaine dernière lors d'une célébration du Super Bowl au nord de Toronto.
Au cours des dernières années, les enquêtes qui relèvent de la police fédérale sont devenues de plus en plus complexes. Les menaces sont davantage internationales et multidimensionnelles. Les technologies et la mondialisation qui ont donné des moyens d'agir à beaucoup d'entre nous ont également augmenté le pouvoir des criminels.
Les enquêtes criminelles ne peuvent plus se limiter aux frontières du Canada. Cela comporte son lot de défis lorsqu'il s'agit de mener des opérations à l'étranger. Il faut prendre en considération divers facteurs, comme les droits de la personne, la corruption locale, l'échange d'informations, les différentes normes légales, les normes de formation, les pratiques d'enquêtes distinctes, les problèmes technologiques et, bien entendu, les politiques organisationnelles. À l'étranger, il est plus difficile de déterminer avec qui travailler, à qui nous devons faire confiance et comment développer des relations afin de créer les conditions gagnantes nous permettant d'atteindre nos résultats opérationnels.
Parmi les autres facteurs qui contribuent à la complexité des enquêtes fédérales, notons des normes plus strictes en matière de décisions judiciaires ainsi que la responsabilisation et la surveillance croissantes de la police. Nous nous efforçons constamment de répondre aux attentes de la population et de miser sur nos expériences, ce qui n'est pas facile dans un monde qui évolue si rapidement.
Permettez-moi de vous citer un petit exemple. Il y a 15 ans, une autorisation en vue d'intercepter les communications d'une cible aurait mis en cause un ou deux numéros de téléphone et peut-être une adresse de courriel. De nos jours, une cible possède généralement plusieurs téléphones, plusieurs adresses de courriel, des appareils portables, dont certains comportent des mécanismes publics de cryptage, ce qui nous pose un défi de taille.
La croissance du volume d'informations dans n'importe quelle enquête est ahurissante. Une récente enquête a donné lieu à l'interception de 350 000 conversations téléphoniques et de près d'un million de messages textes. Le temps requis pour compiler ces données, les analyser et faire démonstration de la preuve d'une façon claire et convaincante est bien évidemment considérable. N'oublions pas qu'en tout temps, la GRC mène en parallèle plusieurs enquêtes criminelles complexes de cette nature.
Il est difficile de déterminer le coût moyen de chacune de ces enquêtes puisque chaque cas est bien différent. Nous sommes en train de mettre en place des mécanismes afin de mieux relier les projets aux résultats et aux coûts. Il sera intéressant, dans environ un an, de pouvoir évaluer cette information.
Théoriquement, nous reconnaissons que l'ampleur des efforts et des coûts est substantielle, et ce, des projets d'équipe de deux ou trois personnes dans le cadre de OPAPA qui, en 2010, a conduit au démantèlement d'un réseau de traite de personnes à Hamilton, à des projets plus vastes, comme COLISÉE ou OSAGE, qui ont mobilisé des douzaines d'enquêteurs sur de longues périodes et qui ont mené à plusieurs arrestations.
À une plus grande échelle, il est raisonnable de dire que nos projets majeurs consistent généralement en des initiatives de plusieurs millions de dollars. Nous reconnaissons que nous devons nous assurer de rendre des comptes quant aux ressources que nous leur allouons.
Nous reconnaissons depuis longtemps que les coûts élevés associés aux projets majeurs signifient qu'ils ne peuvent pas constituer notre unique approche envers la criminalité. Nous devons continuer à mettre de l'avant des façons novatrices de faire face aux menaces, et nous continuons à le faire, et ce, en améliorant l'intégration, en nous attaquant aux problèmes à leurs racines et en accroissant l'échange d'information. Nous avons entrepris quelques démarches prometteuses dans cette voie et nous pouvons tabler sur ces succès. Par exemple, la RICCO, la Réponse intégrée canadienne au crime organisé, est une initiative conjointe de l'Association canadienne des chefs de police et du Service canadien de renseignements criminels. Elle représente un progrès quant à l'atteinte du but longtemps recherché, à savoir la réelle coordination opérationnelle entre des organismes locaux, municipaux et fédéraux d'application de la loi. Je suis d'avis que les récents efforts par lesquels la RICCO s'est attaquée à quelques menaces très particulières illustrent la coopération efficace et efficiente qui est à l'oeuvre ainsi que les progrès accomplis vers une authentique intégration.
Dans la même veine, l'opération menée par l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé dimanche soir, à Toronto, à laquelle j'ai fait référence il y a quelques minutes, démontre également la pertinence et la force de travailler de concert. L'UMECO représente un véritable exemple de collaboration par lequel huit organismes d'application de la loi se concertent afin de combattre des menaces persistantes.
Laissez-moi vous mentionner un autre exemple où, avec nos partenaires, nous avons déployé des effectifs sur la scène internationale afin d'oeuvrer avec des partenaires étrangers dans le but d'empêcher des navires de passagers illégaux d'entreprendre un voyage dangereux vers les côtes canadiennes. Cet effort a permis de perturber de multiples projets, de sauver des vies et d'éviter de devoir mener des enquêtes nationales coûteuses.
[Français]
Je vais vous donner un dernier exemple. En 2012, nous avons conclu une entente avec la police indienne afin de favoriser l'échange d'informations concernant l'expédition de précurseurs chimiques de drogues synthétiques. Ce cadre, qui respecte les droits canadiens de la personne, fait en sorte que les criminels peuvent de moins en moins exploiter de frontières afin d'éviter d'être décelés puis d'être poursuivis en justice par les autorités.
Je voudrais conclure mes commentaires en m'attardant sur un changement majeur qui est en cours présentement au sein de la Police fédérale. Je parle ici de la restructuration de la Police fédérale.
[Traduction]
La raison d'être de cette restructuration consiste à définir des façons plus efficaces de réaliser les multiples facettes de notre mandat en constituant un programme de police fédérale souple et intégré, à même de faire face aux priorités opérationnelles de manière efficace.
Cela signifie évoluer d'un modèle axé sur les produits et la division traditionnelle du travail vers un modèle tablant sur des secteurs d'expertise se concentrant sur la réalisation de six activités clés: répondre aux demandes de service, ce qui inclut les enquêtes mineures; conduire et appuyer les enquêtes majeures; repérer les nouvelles menaces par le renseignement; établir et exploiter des partenariats; sensibiliser la population et prévenir le crime; et, bien entendu, protéger les lieux, les gens et les biens.
Ce changement favorisera une meilleure coordination des enquêtes de priorité nationale, une plus grande cohérence en matière de gouvernance et de surveillance, un meilleur établissement de nos priorités quant à nos activités et à nos ressources, un cadre plus rigoureux de mesure du rendement, de même qu'un engagement renouvelé et accru envers la primauté des opérations, ce qui incarne simplement une philosophie selon laquelle les résultats importent.
Nous sommes bien conscients de l'ampleur de cet effort de réforme. Lors de sa mise en oeuvre, nous continuerons de nous évaluer et de consulter nos partenaires dans le domaine de l'application de la loi et au sein de l'appareil gouvernemental, et ce, aux niveaux local, provincial et national afin de nous assurer que nous demeurons dans la bonne voie.
Manifestement, il reste beaucoup de travail à faire. Nous continuerons d'explorer de nouvelles façons d'amener les criminels devant la justice, d'interdire leurs moyens d'action et leurs méthodes et de perturber leurs opérations en ayant recours à tous les moyens dont nous disposons. Nous sommes déterminés à maintenir un service de police fédérale intégré et simplifié qui mène des enquêtes de façon ciblée et efficace.
C'est ainsi que je termine ma déclaration préliminaire. Je serai ravi de répondre à toutes vos questions.
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En ce qui a trait aux autres ministères, le gouvernement a déclaré qu’il n’y avait pas d’inquiétude à avoir concernant les services de première ligne, car toutes les réductions visaient les bureaux d’appui. Il me semble que, dans votre domaine, les bureaux d’appui sont, de bien des façons, le véritable centre nerveux de vos activités. Il ne s’agit pas d’agents de police en patrouille, mais plutôt d’une bureaucratie d’analystes et d’experts qui repère les crimes interprovinciaux, internationaux, etc.
J’ai du mal à réconcilier dans ma tête le fait que, d’une part, le budget de la GRC est réduit et, d’autre part, la complexité des crimes augmente.
Si l’on examine les crimes financiers seulement, on constate qu’il faut des mois sinon des années pour parvenir au stade où il est possible de porter des accusations contre des personnes, car leurs activités sont très complexes. D’une part, il y a la complexité des transactions financières et, d’autre part, il y a toute la question de la contrefaçon qui connaît une véritable explosion en ce moment. J’ai vu les statistiques. Nous ne nous contentons plus d’imprimer des billets de banque dans des sous-sols — et quand je dis « nous », j’emploie le terme dans son sens royal. Nous suivons maintenant la contrefaçon de produits de consommation ou même de produits électroniques que l’on retrouve maintenant jusque dans l’électronique des aéronefs, etc.
La mondialisation progresse. Personnellement, je considère les services de police un peu comme les soins de santé. Ce ne sont pas tant les salaires qui font augmenter les coûts, mais plutôt la complexité de l’industrie, si on peut l’appeler ainsi. Si l’on commence à rationaliser les soins de santé, quelqu’un en souffrira. Si, en dépit de la hausse des prix des médicaments, on décide de maintenir à leur niveau actuel les coûts du système de soins de santé, des gens mourront, car ils auront attendu trop longtemps avant de recevoir un traitement médical, par exemple. Je doute énormément que nous puissions réduire davantage les coûts du système policier à un moment où nous avons peut-être encore plus besoin de ses services.
Vous avez parlé de réaliser des économies initiales, et je suis certain que vous avez raison, mais il s’agit peut-être simplement d’économies initiales qui ne pourront pas être répétées année après année, une fois qu’elles auront été réalisées. Dès qu’on a restructuré une organisation, on ne peut pas continuer de la restructurer annuellement pour économiser de cette façon. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.
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Bienvenue de nouveau à la 69
e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Nous poursuivons notre étude sur les aspects économiques liés aux services de police au Canada. Pour la deuxième heure, nous avons deux témoins par vidéoconférence. Nous n’en avions pas encore eu jusqu’à maintenant.
Notre premier témoin se trouve à Burnaby, en Colombie-Britannique; nous avons Curt Taylor Griffiths qui est professeur à l’école de criminologie et coordinateur du programme d’études en techniques policières de l’Université Simon Fraser à Vancouver, au Canada. Il témoigne à titre personnel. À Vancouver, il est actuellement 6 h 45. Il arrivera donc avec nous sous peu. On m’a informé que M. Griffiths est considéré comme un spécialiste dans le domaine des services de police, de la justice communautaire et réparatrice, des services correctionnels, de la réforme judiciaire et du développement social. Il a coécrit divers livres, divers travaux de recherche et divers articles.
Le deuxième témoin se trouve à Carbondale, en Illinois; nous accueillons également par vidéoconférence Joseph Schafer qui est professeur agrégé au Centre d’études sur la criminalité, la délinquance et les services correctionnels de l’Université du sud de l’Illinois, à Carbondale. Il est président de la Society of Police Futurists International; il est membre du Futures Working Group; et il est futuriste en résidence au département des sciences du comportement de l’Académie du FBI à Quantico, en Virginie. Ses recherches se concentrent sur le leadership policier, le pouvoir discrétionnaire de la police, les organisations policières et l’évaluation des programmes.
Nous vous remercions de nous aider dans notre étude sur les aspects économiques liés aux services de police au Canada.
Bienvenue, monsieur Schafer. Nous débuterons par votre exposé.
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Merci, monsieur le président, et merci aussi aux membres du comité de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je sais que vous avez déjà entendu des témoignages importants et instructifs, alors je serai bref compte tenu du temps limité dont nous disposons et par souci de ne pas répéter des points que vous avez déjà entendus.
Les questions d'économie, de viabilité, de coûts et de valeur liées aux services de police sont d'une importance capitale lorsque l'on envisage l'avenir des services de sécurité publique d'une nation. Malheureusement, j'estime que ces questions n'ont généralement pas été prises en compte. Il est plus courant d'injecter des ressources dans les services de police ou autres organismes de sécurité publique ou d'en retrancher sans bien comprendre la façon de maximiser les avantages et de minimiser les inconvénients lorsque ces types de démarches sont nécessaires.
En conséquence, nous n'avons pas vraiment une idée claire de la bonne façon de procéder pour faire en sorte d'utiliser au meilleur escient possible les fonds publics affectés à la sécurité publique. À mon avis, les aspects économiques liés aux services de police sont d'abord et avant tout des questions de coûts et de valeur. Les coûts sont faciles à comprendre et relativement faciles à mesurer. J'ai raison de croire qu'ils motivent bien des conversations concernant les aspects économiques des services de police et qu'ils sous-tendent fréquemment les décisions budgétaires dans ce domaine.
Cela dit, les coûts ne donnent pas aux décideurs tous les renseignements dont ils ont besoin pour faire leur travail avec toute la diligence voulue. Les discussions concernant l'aspect économique des services de police doivent aussi tenir compte de la valeur. C'est une question plus subjective mais, en général, quelle est la valeur ou le rendement de l'investissement de fonds destinés à couvrir les dépenses en matière de sécurité publique?
Ce matin, je me limiterai à cinq thèmes. J'aimerais vous faire remarquer que mon orientation est certainement conditionnée par ma perspective américaine sur la question; il se peut qu'elle vous soit utile par moments et à d'autres, pas. Mon travail, qui consiste à examiner les questions futures s'agissant des services de police, influe aussi sur mon orientation. Je vous encourage, dans le cadre de vos travaux, à ne pas simplement tenir compte de la réalité économique actuelle du maintien de l'ordre et de la sécurité publique au Canada, mais à aussi prendre en compte la façon dont ces réalités peuvent se manifester à l'avenir, situation qui peut parfois être diamétralement opposée à la situation actuelle.
Premièrement, les mesures du rendement dont nous disposons dans le domaine du maintien de l'ordre sont utiles, même si elles sont imparfaites et d'une portée limitée. Elles ne nous donnent qu'une petite partie des renseignements concernant la capacité des agents de police et des organismes d'influencer les collectivités qu'ils desservent. Bien qu'il soit relativement facile de cerner d'autres indicateurs de rendement qui peuvent nous permettre de bien comprendre l'influence des services de police sur les collectivités, comme la peur de la criminalité, un sentiment de sécurité parmi les citoyens, la prestation de services judiciaires, ces indicateurs sont difficiles à mesurer tant au plan pratique que fiscal.
Deuxièmement, en regardant les États-Unis, on peut trouver de nombreux exemples de collectivités perturbées qui ont réduit sensiblement les services de police au cours des cinq dernières années et dont les taux de criminalité violente ont monté en flèche. Parallèlement, on peut aussi trouver des exemples d'organismes qui ont fait des réductions de personnel semblables et qui n'ont pas connu une hausse importante de la criminalité grave. La question de savoir si ces distinctions sont une conséquence dans la première administration ou s'il y a d'autres conséquences, comme une hausse des cas de désordre public ou des crimes mineurs est discutable. Il n'existe pas toujours de lien manifeste entre le nombre d'employés d'un poste de police et le taux de criminalité. La réduction de la criminalité, qu'elle soit liée au nombre d'employés ou à d'autres considérations, se fait en fonction de la composition d'une collectivité, des capacités et des compétences d'une force policière et, par-dessus tout, de la façon dont les ressources policières sont orientées et utilisées.
Là où je veux en venir est que le fait d'augmenter ou de réduire le nombre d'employés en tant que tel n'influe peut-être pas directement sur les taux de criminalité et les cas de désordre public subséquents. Nous croyons comprendre que le lien entre le nombre d'employés et la criminalité est lacunaire. Nous avons besoin d'acquérir plus d'expérience en la matière et de recueillir plus de preuves pour mieux comprendre. Je ferais remarquer que nos connaissances à cet égard se fondent en grande partie sur les données relatives aux zones urbaines. La dynamique pourrait être toute autre dans les administrations qui desservent des petites collectivités rurales ou des Premières Nations. Nous ne le savons tout simplement pas.
Troisièmement, il est important que l'on ne juge pas seulement la réussite en fonction du taux de criminalité lorsque l'on aborde l'aspect économique des services de police. Les services de police ont des résultats moins évidents, comme ceux de susciter et de maintenir la confiance du public, de donner un sentiment d'appartenance, de créer un environnement dans lequel les gens se sentent raisonnablement en sécurité et d'offrir aux citoyens des services gouvernementaux de qualité qui répondent à leurs besoins et à leurs attentes.
Tous ces éléments sont très difficiles à mesurer et, les difficultés économiques que nous avons récemment éprouvées, du moins aux États-Unis, ne montrent pas clairement si les changements récents au budget et à la dotation ont influé sur ces éléments intangibles.
La valeur tirée des investissements du gouvernement dans la sécurité publique se trouve peut-être au-delà des taux de criminalité et des cas de désordre public signalés. À mon avis, nous ne voulons pas d'une collectivité dont les citoyens sont objectivement en sécurité, mais vivent dans la peur et ne font pas confiance à leurs services de police.
Quatrièmement, je crois qu'on m'a demandé de témoigner aujourd'hui, car l'un de mes domaines de spécialisation porte sur les études futures relatives aux services de police. Prévoir l'avenir n'est pas un processus qui vise strictement à faire des prédictions; il s'agit plutôt d'un processus pour nous aider à prendre de meilleures décisions dans l'immédiat. Dans les faits, c'est un type de planification stratégique.
Par souci de concision, je dirais qu'une implication importante des études de l'avenir est le fait qu'on a observé que lorsque les groupes amorcent des discussions concernant l'aspect économique des services de police, il est crucial qu'ils ne tiennent pas toujours pour acquis que les changements futurs seront constants et même linéaires.
Je vous encourage à examiner plusieurs questions. Par exemple, quels sont les enjeux et les possibilités qui émergeront s'agissant de la perpétration et de la prévention des crimes futurs? Quand, où et comment est-il probable que les citoyens souhaitent bénéficier de services de maintien de l'ordre, situation qui pourrait être très différente de celle que l'on voit aujourd'hui? En quoi les technologies émergentes créeront des enjeux et des possibilités pour ce qui est d'offrir des services de sécurité publique de qualité et aussi de répondre aux besoins auxiliaires, comme la formation et l'éducation du personnel policier? Comment les différences générationnelles entre les personnes qui se trouvent actuellement sur le marché du travail et celles qui y entrent pourraient-elles changer les valeurs et motivations du personnel policier?
Comment les changements sociaux et technologiques pourraient-ils se manifester dans la façon dont les citoyens souhaitent accéder aux services de police? Aujourd'hui, nous pourrions être portés à croire que la plupart des citoyens préféreraient voir un agent de police en personne lorsqu'ils signalent une expérience dont ils ont été victime. En 2025, par exemple, la victime typique d'un crime pourrait être tout à fait satisfaite de signaler son expérience par voie électronique ou même au moyen d'un système d'intelligence artificielle. Si tel est le cas, cela a des implications de taille pour la prestation de futurs services policiers.
Comment les transformations émergentes aux plans technologique et social influeront-elles sur les coûts auxiliaires des services de police? Par exemple, comment pourrait-on utiliser les technologies éducatives pour harmoniser le moment où le personnel de police sera formé et la façon dont il le sera?
Le cinquième et dernier point que j'aimerais soulever est que cette conversation ne devrait pas simplement porter sur la réduction des services de police, du personnel de police ou des deux. Elle devrait tenir compte d'autres façons acceptables d'offrir les services et de les faire offrir par d'autres personnes que le personnel assermenté. Il pourrait s'agir d'utiliser la technologie pour faciliter des échanges entre les policiers et les citoyens qui ne soient pas toujours directs ou en personne. Il pourrait s'agir de faire appel à du personnel civil et bénévole.
Si l'on envisage cette solution, il ne faudrait pas se borner à ne confier que des tâches ingrates au personnel non assermenté, comme on le fait habituellement. Les civils et les bénévoles pourraient avoir les qualités idéales pour assumer certaines des tâches et des mandats les plus exigeants auxquels les services de police moderne sont confrontés.
Bien que nous devions mettre ces stratégies en oeuvre avec circonspection, nous devons aussi reconnaître qu'il est possible qu'elles ne puissent pas toujours être appliquées dans les petites administrations en milieu rural.
J'aimerais insister sur le fait que les coûts ne devraient pas être la seule considération lorsque l'on envisage ces types de transformations. Le comité doit déterminer si le public sera bien servi et raisonnablement satisfait de pareils changements. Estimera-t-il que les services de sécurité publique qu'il reçoit lui en donnent pour son argent?
Je terminerai en formulant trois petites suggestions.
Premièrement, je vous encourage à amorcer cette tâche en faisant preuve de clairvoyance. Ne présumez pas qu'il y aura une continuité quant au moment, à l'endroit et à la façon dont les opérations policières seront menées. Ne présumez pas que les attentes du public en matière de sécurité resteront les mêmes. Ne présumez pas que la motivation et les compétences des policiers seront stables. Ne présumez pas que, dans 20 ans, la nature et le nombre de crimes seront les mêmes qu'il y a 20 ans. L'avenir nous offre à la fois des défis et des possibilités. Soyez conscients des défis et trouvez des façons de tirer parti des possibilités.
Deuxièmement, gardez à l'esprit qu'il faut parfois beaucoup de temps pour corriger des erreurs lorsqu'il est question de sécurité publique. La décision de ne plus envoyer de premiers intervenants sur les lieux d'un crime pour prendre un signalement pourrait être assez impopulaire au fil du temps, mais il est probable que les conséquences de cette erreur soient minimales et relativement faciles à corriger. En revanche, une décision qui fait en sorte que les comportements délinquants émergents chez les jeunes ne sont pas pris en mains pourrait engendrer une génération de contrevenants futurs, ce qui pourrait prendre des années à corriger.
Enfin, même si les ressources sont limitées, je vous encourage, en tant qu'universitaire, à continuer de chercher des solutions fondées sur des preuves et à demander l'évaluation fondée sur des preuves de tout changement qui est fait. En 1936, le sociologue Robert Merton a rédigé une dissertation classique dans laquelle il a parlé de ce qu'il qualifiait de « conséquences inattendues du changement social calculé ». Ce que cela signifie dans votre cas, c'est qu'il est important de laisser les preuves et l'expérience guider vos choix. À l'avenir, il sera aussi important d'utiliser des preuves pour faire en sorte que les changements donnent les résultats escomptés. Et par-dessus tout, lorsque l'on cherche à surveiller les résultats, il importe de chercher des choses inattendues, de chercher à détecter les erreurs qui ont peut-être été commises et les avantages inattendus dont on a bénéficié.
Je félicite le comité et ses membres d'avoir entrepris cette tâche importante et ardue. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
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Absolument. Je serai mieux en mesure de vous donner le nom d'organismes précis lorsque j'aurai eu la chance d'examiner des documents après la séance d'aujourd'hui.
La seule mise en garde que j'ai faite dans ma déclaration préliminaire et que je vais répéter est la suivante: Ce que nous savons de l'expérience américaine provient ordinairement d'organismes d'assez grande taille ou en milieu urbain, peut-être pas de Chicago, mais d'une banlieue de Chicago. Ce que nous savons sur ces questions dans des municipalités de plus petite taille, dans des régions plus rurales, et ce qui pourrait être efficace ou non dans les territoires des Premières Nations, c'est une toute autre histoire, je pense. Nous devons faire attention, tant aux États-Unis qu'au Canada, de ne pas tenir pour acquis que ces expériences s'appliqueront dans tous les cas.
En ce qui concerne Colorado Springs, j'ai eu l'occasion de visiter cette communauté il y a environ un an et demi. L'une des questions qui a donné du fil à retordre aux services de police, c'était celle des compressions budgétaires radicales et de l'effet domino qu'aurait une réduction du nombre de patrouilleurs.
Ils ont réagi en créant des solutions de rechange pour gérer des priorités courantes mais faibles, ce que l'on qualifie souvent d'infractions à faible solvabilité. Les vols dont la valeur est inférieure à un montant donné, les cas où il n'y a aucun témoin ni de preuve médico-légale et les crimes de ce genre ont malheureusement peu de chances d'être résolus. Au lieu d'envoyer un agent en uniforme lorsqu'un incident est signalé, on encourage les citoyens à se rendre sur un site Web pour discuter avec un agent qui est en service réduit à la station de police et qui remplira un rapport par téléphone. D'après leur expérience, ce type d'incidents peut bien souvent être réglé sans être obligé d'envoyer un policier sur place. Cependant, le personnel de ce service vous mettra sans doute en garde que même si les policiers ont fait du bon travail et ont pu s'assurer que les patrouilleurs peuvent se concentrer sur les crimes graves et violents, on craint d'avoir sacrifié dans une certaine mesure la qualité du travail dans les infractions mineures contre les biens pour privilégier le travail à l'égard des crimes graves et violents.
Je peux certainement mettre votre personnel en contact avec certaines personnes de cet organisme avec qui j'ai travaillé. Je suis convaincu qu'elles seront ravies de vous parler de leurs expériences.
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Merci beaucoup, monsieur Gill.
Merci beaucoup, monsieur Schafer.
Avant de retourner à M. Garrison, j'aimerais poser une petite question.
Nous avons un peu parlé de la façon dont différentes autorités ont réduit les coûts. Je peux vous raconter une anecdote.
Je devais avoir une rencontre avec un sergent d'état-major et la réunion a été reportée parce qu'il devait faire un trajet d'une heure et demie pour comparaître devant le tribunal. La réunion n'a pas eu lieu. Plus tard, j'ai appris qu'il avait conduit jusqu'à Edmonton et que la personne — le défendant, je suppose — ne s'est pas présentée. Le sergent d'état-major a voyagé deux heures pour s'y rendre, deux heures pour en revenir. Il a dit que c'était la deuxième fois que cela se produisait dans ce dossier.
Manifestement, il y a un coût énorme associé au fait de demander à un sergent d'état-major de la GRC de parcourir une telle distance et de consacrer autant de temps en vain, parce que la personne ne se présente pas.
D'autres ministères jouent sans doute un rôle dans la mise en oeuvre des compressions, dans ce cas, pas seulement pour ce qui est de l'application de la loi, mais aussi du système judiciaire. Y a-t-il des études qui démontrent de quelle façon on peut réduire les coûts dans d'autres ministères? Nous avons déjà entendu parler de l'incidence énorme de la santé mentale sur le coût des services de police. Connaissez-vous des études qui pourraient aider le comité à réduire les coûts dans d'autres secteurs, comme la justice, par exemple?