Il s'agit de la séance no 71 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Nous sommes le jeudi 14 février 2013. Joyeuse Saint-Valentin à chacun d'entre vous.
Nous poursuivons notre étude des aspects économiques liés aux services de police.
Pendant la première heure, nous accueillerons, par vidéoconférence de Staffordshire, en Angleterre, le chef de la police de Staffordshire, M. Michael Cunningham.
Je ne sais pas quelle heure il est en Angleterre, mais ici, il est 8 h 45. Nous sommes très heureux qu'il puisse comparaître ce matin.
Au nom du comité, je remercie nos témoins d'être venus aujourd'hui nous aider dans notre étude sur les services de police au Canada.
Monsieur, je vous invite à faire une déclaration préliminaire avant que nous passions aux questions des membres de notre comité.
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Cela tient sûrement à la technologie, car nous vous entendons clairement malgré l'océan qui nous sépare.
Monsieur le président, je pensais vous décrire le contexte du Service de police de Staffordshire et de la situation au Royaume-Uni, et vous dire de quelle manière nous y faisons face.
Vous savez peut-être que le resserrement des dépenses au Royaume-Uni touche tous les éléments du secteur public, y compris les services de police. Pour vous donner une idée du contexte, le budget de la police de Staffordshire était d'environ 184 millions de livres en avril 2010. À cause des compressions, ce budget sera réduit d'environ 38 millions de livres sur une période de quatre ans. Le défi pour nous consiste à réduire considérablement nos coûts tout en maintenant de hauts niveaux d'activités opérationnelles. Les frais touchant le personnel représentent 86 % de mon budget. Par conséquent, une réduction d'environ 20 % nous oblige à couper dans les coûts salariaux. Cela veut dire que nous aurons 300 policiers de moins et 300 employés civils de moins à la fin de la période de quatre ans. Il se peut qu'il y ait d'autres compressions après 2014, pour lesquelles nous nous préparons.
Cela veut dire que la police de Staffordshire n'a pas recruté de policiers depuis trois ans et nous avons réussi à réduire les effectifs en nous abstenant de recruter et en exigeant que les policiers prennent leur retraite dès qu'ils y sont admissibles. C'est pareil partout au pays. Le nombre de policiers en Angleterre et au pays de Galles a maintenant atteint son niveau le plus bas en 11 ans. D'ici 2015, il y aura environ 15 000 policiers de moins au Royaume-Uni qu'il n'y en avait au début du processus en avril 2010.
Cela nous a obligés à revenir à nos principes fondamentaux. Si nous avions essayé de continuer à maintenir l'ordre comme nous l'avons toujours fait, mais avec considérablement moins d'effectifs, nous aurions tout simplement échoué. L'importance des compressions nous ont obligés à adopter une approche transformationnelle à la prestation des services de police et à modifier notre façon de faire d'une manière qui aurait été impensable auparavant.
En ce qui concerne les principes fondamentaux, ce que j'ai fait ici à Staffordshire a été de demander sur quoi repose le maintien de l'ordre. Il est très clair que le modèle que nous avons adopté ici au Royaume-Uni consiste à régler les problèmes locaux. Ainsi, j'ai pu m'engager à ne pas réduire le nombre d'agents de quartier pendant les deux premières années. En d'autres mots, tous les autres secteurs d'activités ont dû être scrutés pour trouver des économies. Cela nous a obligés à repenser complètement nos processus et à collaborer plus efficacement avec d'autres forces policières et, surtout, avec d'autres organismes du secteur public.
Je dois dire que malgré cette compression budgétaire qui dépasse largement les 15 millions de livres, la criminalité a continué à diminuer, la confiance du public a continué à augmenter et la satisfaction du public à l'égard de nos services est toujours très élevée, puisqu'environ 88 % des personnes qui ont reçu un service se sont dites soient satisfaites ou très satisfaites, et ce, en dépit des réductions considérables que nous subissons.
Nous avons dû examiner très attentivement non pas nécessairement le nombre d'agents que nous avons, mais leur productivité et notre manière de les déployer. Nous avons examiné des questions telles que les horaires, nous avons éliminé le doublement des équipes, sauf lorsque cela était absolument nécessaire, et nous nous demandons quelles nouvelles méthodes nous pourrions utiliser pour rendre nos services encore plus accessibles au public. Par exemple, si je peux réduire mes coûts d'immobilisation d'un million de dollars, je n'aurai alors pas besoin d'aller chercher ce montant dans les coûts salariaux. Chaque fois que c'est possible, nous essayons de partager des points d'accès public et des immeubles avec d'autres organismes du secteur public. En cette période de grande austérité dans le secteur public, il est insensé que le poste de police soit voisin de l'hôtel de ville, qui est lui-même à côté de la bibliothèque, à deux pas d'une école, alors que nous devrions chercher à rationaliser sérieusement les immeubles publics.
Pour ce qui est de nos processus, nous nous sommes tournés vers le secteur privé. La société de conseils KPMG nous a aidés à faire deux choses. Premièrement, grâce à son expertise, elle nous a aidés à repenser complètement nos processus opérationnels afin d'éliminer les aspects inefficaces de nos processus essentiels comme le traitement de base, le traitement en milieu carcéral et la gestion de la criminalité. Elle s'est acquittée de cette tâche avec rapidité, professionnalisme et compétence. Deuxièmement, elle a créé une capacité au sein de mon service de police afin que nous ne devenions pas dépendants des consultants. Cela a été difficile car nous avons dû verser d'importantes sommes d'argent à une époque où il n'y en avait pas beaucoup, mais le rendement a été considérable. Voici les leçons que nous avons tirées de notre collaboration avec le secteur privé. Nos besoins devaient être énoncés très clairement, nous devions renforcer notre capacité et non pas notre dépendance, nous avons mis le secteur privé au défi de trouver de nouvelles façons pour nous de rémunérer ses services et nous avons dû imaginer de nouveaux modèles de collaboration avec le secteur privé qui iraient au-delà de la simple consultation ou de l'impartition.
En terminant, monsieur le président, j'aimerais ajouter une ou deux dernières choses. Je pense que les circonstances nous ont donné l'occasion d'avoir des discussions que nous aurions probablement dû avoir de toute manière au sujet de l'utilisation des fonds publics. Il y a une plus grande collaboration au sein du secteur privé pour l'exécution de certaines de nos activités essentielles. L'un des exemples que j'ai mentionnés lors de ma visite, il y a un mois environ, était celui d'un centre de protection multi-agences où des policiers partagent des locaux et travaillent conjointement avec des travailleurs sociaux et des professionnels de la santé pour intervenir rapidement auprès des personnes les plus vulnérables dans nos collectivités, des adultes vulnérables et des enfants à risque.
Cette collaboration a produit deux résultats. Premièrement, nous avons pu réduire nos coûts d'exploitation puisque nous partageons des locaux et que nous assurons une gestion conjointe. Mais par-dessus tout, c'est plus efficace puisque nous pouvons partager l'information et préparer nos interventions de manière beaucoup plus efficace qu'auparavant.
Enfin, j'aimerais vous offrir une réflexion sur l'incidence que tout cela a eu sur le leadership. Diriger en période d'austérité est un défi de taille. Ce que j'ai surtout appris, c'est que nous devons préserver la confiance et l'optimisme des personnes que nous dirigeons si nous voulons pouvoir continuer à offrir des services publics efficaces à des coûts considérablement plus bas. En soi, cela a été tout un défi pour mon leadership. Je ne dis pas que j'ai toujours fait les bons choix, mais nous avons fait de notre mieux.
Merci.
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Nous avons deux catégories de bénévoles. Tout d'abord, il y a les constables spéciaux. Ces agents ont les mêmes pouvoirs que nos agents réguliers. Ils portent des uniformes, ont le pouvoir d'effectuer des arrestations et disposent des mêmes droits qu'un constable. Ils reçoivent une formation juridique et opérationnelle. Ils reçoivent également une formation en matière de sécurité. Bref, ils suivent la même formation qu'un constable.
En temps normal, ils sont déployés de façon à travailler côte à côte avec les agents permanents. Ils travaillent également au sein de nos collectivités, en régions rurales ou urbaines, et servent aussi à assurer la sécurité à l'occasion d'activités spéciales, comme des carnavals, des défilés, etc.
Nous avons fréquemment recours à cette force constabulaire spéciale. Nous avons accru considérablement le nombre de constables spéciaux, mais nous ne pouvons pas nous permettre de dépendre d'eux pour l'exécution du mandat de base de la police. Ils constituent une valeur ajoutée à ce que nous faisons. Je crois que le fait de dépendre de bénévoles constitue un risque élevé dans nos secteurs d'activités.
Ensuite, l'autre catégorie de bénévoles est composée d'agents non assermentés. Il s'agit de citoyens qui travaillent au soutien administratif et qui effectuent certaines tâches au sein des postes de police. Le recours au bénévolat constitue un concept assez nouveau pour nous, et nous sommes encore en train de nous y adapter.
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C'est quelque chose de très important. Nous avons des agents qui travaillent avec les jeunes. Nous cherchons à cibler très tôt ceux qui sont susceptibles de tomber dans la criminalité.
Il faudrait faire plus encore en ce sens, mais j'aimerais parler de deux aspects importants du travail à faire. D'abord, il y a les familles à problème. Pour nous, ce sont les familles qui sont susceptibles de faire appel aux services d'éducation, aux services de police, aux professionnels de la santé et aux services sociaux à diverses étapes des épreuves qu'ils traversent. Ce qu'il faudrait, c'est que les organismes conjuguent leurs efforts et adoptent une approche plus exhaustive pour traiter avec ce genre de familles. Les faits montrent que les membres de ces familles sont plus susceptibles de devenir des criminels ou d'être victimes d'actes criminels, ou encore de souffrir de problèmes de santé mentale comme ceux que nous avons décrits, tout cela au sein d'une même famille.
Un collègue d'un autre service de police a récemment eu à intervenir auprès d'une famille, et a constaté qu'au nombre d'appels à l'aide qu'a faits la famille aux services de police, il aurait été moins coûteux de lui assigner un agent en permanence que de déployer du personnel aussi souvent qu'il a fallu le faire. Ce qu'il faut, c'est de cibler ces familles. Il faut travailler avec elles d'une toute autre façon.
La deuxième chose dont je suis très fier, c'est d'une approche en matière de gestion des délinquants. Nous travaillons en étroite collaboration sur un projet de gestion intégrée des délinquants. Les agents de police travaillent avec les agents de probation, les organismes de bienfaisance, les professionnels de la santé et les autres intervenants auprès des plus grands criminels. Les délinquants n'ont d'autre choix que de participer au programme de gestion des délinquants. Le seul choix qu'ils ont, c'est de collaborer ou non à la démarche. S'ils refusent, nous les ciblons dans nos activités d'application de la loi. S'ils collaborent, nous les aidons à intégrer des programmes de désintoxication et de counselling, nous les aidons à trouver des programmes de formation et nous les détournons de la voie criminelle. Selon les premiers résultats, c'est un moyen des plus productifs de réduire la criminalité.
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C'est une excellente question. En fait, cela a été très difficile.
Tout d'abord, les policiers du Royaume-Uni n'ont pas le droit de grève. C'est un droit auquel ils renoncent quand ils entrent dans la police. Ils ont une fédération — ce n'est pas un syndicat — qui représente les agents de première ligne et le personnel subalterne. Chaque service de police a ses propres représentants de la fédération.
J'ai constaté que le moyen le plus efficace de faire accepter le programme de changement, c'était d'y faire participer activement surtout les représentants officiels de la fédération de police. Ils siégeaient aux conseils d'administration. Ils participaient aux projets, ils assuraient une bonne gouvernance et ils collaboraient avec nous pour que ça marche.
J'ai aussi essayé le concept « pas de surprises ». J'ai tenté, parfois en vain, d'être aussi ouvert que possible au sujet des défis que nous affrontons et des changements que nous apportons. J'ai découvert que peu d'agents avaient besoin qu'on leur explique les difficultés financières. Autrement dit, une fois qu'on a dressé le bilan à l'échelle nationale, les policiers ont compris qu'il fallait effectuer un changement radical. En ce sens, nous avons obtenu leur appui. Je ne prétendrai pas que tous les changements ont été bien reçus — et certains ont dû être imposés —, mais nous avons quand même reçu l'appui sans réserve des agents qui pouvaient comprendre ce que nous essayions de faire.
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Trois éléments ont influé sur le moral des agents. C'était, dans presque tous les cas, des interventions nationales.
D'abord, il y a eu une révision complète des modalités d'emploi des agents. C'était un programme de travail dirigé par le gouvernement. Il a été entrepris de façon indépendante par un type appelé Tom Winsor. Dans le rapport Winsor, qui a été publié, on a proposé un tout nouveau cadre de récompense, de reconnaissance et de rémunération pour les agents de police. Les policiers ont contesté, mais ces mesures ont fini par être mises en oeuvre. Le gouvernement les a imposées.
Deuxièmement — et cela a réellement contrarié les policiers —, il y a eu une modification des modalités de pension. Les cotisations des policiers ont beaucoup augmenté. Ils ne peuvent plus prendre leur retraite au moment où ils pensaient pouvoir le faire, et quand ils la prennent, dans certains cas, ils ne touchent pas les prestations auxquelles ils s'attendaient. Les choses ont changé et, je le répète, certaines n'ont pas été très bien accueillies.
Troisièmement, la réduction des effectifs a également eu des répercussions sur le moral des troupes.
En conclusion, une grande partie des problèmes liés au moral, et j'y reviendrai dans un moment, ne sont pas forcément attribuables à mon poste de chef de la police, mais plutôt aux mesures prises par le gouvernement. À ce sujet, nous avons analysé le moral dans le cadre d'une enquête auprès des employés, et nous comptons refaire cet exercice. En passant, je dirais que le moral en a pris un coup, mais en même temps, la grande majorité des agents de police admettent la nécessité du changement et font un travail fantastique dans un contexte des plus difficiles.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Chef Cunningham, je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
J'aimerais parler un peu du public. Les Canadiens, je pense, se font une idée très positive des services policiers britanniques. Je tire ma propre perception de l'émission Coronation Street...
Des voix: Oh, oh!
M. John Rafferty: ... et les policiers y sont illustrés comme étant très efficaces et très polis. Vous dites que la perception publique des services policiers, en dépit des changements mis en oeuvre depuis trois ans, reste très favorable.
J'aimerais vous poser une question sur le passage à un commissaire unique. Est-ce que vous vous inquiétez du manque actuel de participation du public aux services policiers de Staffordshire? Quelle impression avez-vous, compte tenu de l'ensemble du pays?
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Merci beaucoup, chef Cunningham. Il ne nous reste malheureusement plus de temps.
Nous tenons à vous remercier. Je voudrais signaler que notre comité a adopté une motion en vertu de laquelle il se pourrait que nous puissions aller en Grande-Bretagne et constater de nos propres yeux les changements que vous avez apportés là-bas. Ce n'est pas encore sûr. Nous devons encore passer par les voies appropriées, mais, quoi qu'il en soit, nous vous remercions de nous avoir donné un avant-goût de ce que nous pourrons voir si nous vous rendons visite.
Vous avez parlé, à plusieurs reprises, de certains travaux et projets de recherche qui ont fait l'objet de publications. Relativement aux réponses fournies aux questions qui vous ont été posées aujourd'hui, si vous voulez ajouter quoi que ce soit, ne serait-ce qu'en envoyant un courriel pour nous proposer un document que vous jugez utile, ce serait très aimable de votre part. Nous vous en serions reconnaissants.
Merci beaucoup.
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La séance publique reprend.]
Nous reprenons la séance du Comité permanent de la sécurité publique afin de poursuivre notre étude des aspects économiques des services de police au Canada.
Pour la deuxième heure de la séance, nous recevons, par vidéoconférence, un témoignage de Surrey, en Colombie-Britannique. C'est en quelque sorte la deuxième fois que nous voyons ce témoin. La dernière fois, nous n'avons pas pu l'entendre. Nous l'avons vu partir, revenir, et le système de téléconférence a posé quelques problèmes.
À titre personnel, nous accueillons M. Curt Taylor Griffiths. Il est professeur et coordonnateur du programme d'études policières de l'École de criminologie à l'Université Simon Fraser. M. Griffiths est considéré comme un expert des domaines des services policiers, de la communauté, de la justice réparatrice, des mesures correctionnelles, de la réforme juridique et du développement social. Il est coauteur de plus d'une centaine de rapports de recherche et d'articles, et nous sommes très heureux de pouvoir enfin l'entendre aujourd'hui.
Monsieur Griffiths, nous sommes prêts à entendre vos observations préliminaires. Notre comité est impatient de pouvoir vous poser des questions.
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Merci beaucoup. Je suis très heureux que vous puissiez m'entendre cette fois, au lieu de me voir aller et venir sans but dans une salle de classe.
Je vais faire quelques commentaires qui pourront servir de toile de fond à notre discussion de ce matin.
Tout le monde convient, je pense, qu'il faut accroître l'efficacité des services policiers au Canada, mais en tant qu'observateur de cette démarche depuis quelques années, surtout au moment où les aspects économiques des services policiers sont devenus une priorité, je ne suis pas sûr que nous nous y prenions bien. Je vais faire quelques observations à ce sujet, et j'espère qu'à partir de là, nous pourrons discuter de ce qui pourrait être la bonne marche à suivre.
En raison de notre situation au Canada, depuis une trentaine d'années, nous avons systématiquement démantelé nos capacités de recherches policières au pays. Dans les années 1980, par exemple, il existait une unité de recherches policières au sein de ce qui était alors le ministère du Solliciteur général. Cette unité était très efficace et elle faisait un excellent travail. L'autre chose qui est arrivée, depuis une vingtaine d'années, c'est que le gouvernement fédéral a cessé de financer la série de centres universitaires de recherche en criminologie qui existaient d'Halifax à Vancouver. Ils n'existent plus.
En conséquence, nos activités de recherche dans le domaine des services policiers au Canada sont dispersées, et il n'y a pas d'effort de coordination. Il existe très peu de liens entre les universités, les gouvernements et les services policiers. La recherche se fait souvent à titre ponctuel, que ce soit par des entreprises privées de services-conseils comme KPMG ou par des universitaires qui travaillent sur un projet unique, puis passent à autre chose. Nous n'avons vraiment pas d'organe de coordination. Nous ne disposons pas de répertoire, pour ainsi dire, en matière de recherches policières, ni d'organisation, d'agence ou d'institut qui pourrait être le point central pour favoriser ces relations de collaboration et, tout aussi important, pour diffuser l'information.
Il existe beaucoup de renseignements sur les services policiers au Canada, mais ils sont très souvent inaccessibles, ramassant de la poussière sur les tablettes ou enfouis dans des revues savantes. Par conséquent, je le répète, quand nous amorçons un dialogue sur les aspects économiques des services policiers, à bien des égards, nous tâtonnons dans le noir parce que nous n'avons pas accès à cet important corpus d'ouvrages.
Pour ce qui est de l'aspect plus opérationnel, la conséquence, c'est que les commissions des services policiers et les responsables des politiques prennent d'importantes décisions au sujet de services policiers, particulièrement en ce qui concerne les commissions de services policiers et les budgets de la police. Les conseils municipaux, eux aussi, prennent des décisions sans avoir la moindre recherche empirique sur laquelle se fonder. Ainsi, on a tendance à commencer le débat en disant quelque chose comme: « La criminalité est en baisse. Les coûts des services policiers sont en hausse, donc les services policiers sont trop coûteux, et ce n'est pas viable ». C'est simplifier un peu trop la complexité du sujet quand on réfléchit aux enjeux liés aux services policiers.
Le deuxième point que j'aimerais faire valoir, c'est qu'au Canada, nous n'avons pas vraiment encore défini ce qu'on entend par « mandat essentiel » des services policiers. Nous n'avons pas vraiment décidé des tâches que les policiers devraient accomplir, ni de celles qu'ils ne devraient pas accomplir. Si on veut parler des aspects économiques des services policiers, il va falloir discuter de la nature du mandat essentiel des services de police.
Dans les années 1980, on a demandé aux services policiers de commencer à mener des initiatives de police communautaire; depuis, on assiste à l'élargissement de leur rôle, qui déborde la stricte définition d'application de la loi et de contrôle de la criminalité. On les a encouragés en ce sens. Ainsi, les policiers participent à un large éventail d'activités qui ne sont pas nécessairement strictement liées à l'application de la loi. Ils participent à des activités de prévention et de partenariat ou de collaboration. Alors, si on va leur demander maintenant de s'en retirer, il faudra avoir une idée assez claire de ce qu'on veut qu'ils fassent.
Une autre chose qui est arrivée et qui, à mon avis, influe sur la nature du mandat des policiers, c'est qu'on est en train de leur refiler un tas de nouvelles responsabilités.
Dès qu'un gouvernement provincial impose ses réductions aux services de travailleurs sociaux, de travailleurs en santé mentale, d'agents de probation et d'autres ressources de prestations de services, ce sont les agents de police qui écopent. Je pense que si on jetait un coup d'oeil aux diverses administrations au Canada, on constaterait que les policiers doivent endosser une quantité croissante de tâches qui, encore une fois, élargissent leur rôle et augmentent leurs activités, tout simplement parce qu'ils représentent le seul organisme qui est disponible tous les jours, 24 heures sur 24, à l'année longue. Au bout du compte, dès qu'il y a des réductions dans les programmes, cela se traduit souvent par un alourdissement du fardeau des policiers.
Il importe vraiment de soulever un autre point dans le cadre de votre débat ce matin, à savoir les services policiers dans les collectivités du Nord et les régions isolées. Une chose qui m'a frappé dans le débat sur les aspects économiques des services policiers, débat que je suis depuis quelques années et auquel je participe, c'est qu'il y est très peu question du Nord. La discussion est vraiment centrée sur le Sud et, comme j'ai déjà pas mal travaillé au nord du 60e parallèle et dans les régions septentrionales des provinces, j'estime impératif qu'on y porte un peu d'attention.
Pour terminer, il est important de comprendre qu'on ne parle pas ici de peccadilles. On parle d'une démarche très complexe touchant les services policiers. Ce qui manque également dans tout ce débat, c'est la collectivité. Dans bien des forums auxquels j'ai assisté, je n'ai pas entendu parler des attentes de la collectivité à l'égard des services policiers, du rôle qu'elle voudrait voir les policiers jouer. C'est pourquoi je vous inciterais à ajouter l'élément communautaire dans ces discussions.
Je vous remercie.
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Comme je l'ai dit, c'est assez fascinant, si je me fie aux travaux que j'ai effectués partout au Canada. C'est intéressant, parce que les services policiers dans le Sud sont, je dirais, anonymes. En d'autres mots, comparons un détachement de la GRC à Surrey, en Colombie-Britannique — le plus grand détachement au Canada, qui comprend plusieurs centaines de membres — à celui de Watson Lake. Les services policiers dans le Nord sont hautement visibles et ont des conséquences importantes, alors que dans le Sud, la situation est moins concentrée et plus anonyme.
Évidemment, les policiers dans les régions septentrionales des provinces et les territoires sont très visibles dans le cadre de leurs fonctions. Comme vous le savez d'après votre expérience, les conséquences de leurs décisions peuvent être beaucoup plus grandes, y compris en ce qui concerne la perception publique de ce que font ces policiers — que tout le monde connaît —, surtout si on regarde le Nunavut où ils sont toujours en devoir et très visibles.
Il y a un incroyable potentiel de participation de la part de la collectivité, et celle-ci en profite. Il s'agit de services policiers hautement visibles, ce qui a des conséquences importantes. Je pense que ce que l'on voit maintenant, dans le Yukon par exemple, ce sont des collectivités qui participent au processus, jusqu'au point de choisir les agents qui seront affectés dans leurs collectivités. C'est impossible dans le Sud. Mais dans le modèle des services policiers du Nord, il y a beaucoup de potentiel pour faire des choses. Comme vous le savez, la situation démographique, l'environnement et la géographie sont différents.
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Merci, monsieur le président.
Un peu à la blague, je dois déclarer un genre de conflit d'intérêts car j'ai utilisé le manuel de M. Griffiths pendant plus d'une décennie lorsque j'enseignais et j'ai profité de ses recherches tant à titre de membre du conseil de police que de conseiller municipal.
Étant donné certaines déclarations faites hier, je vais prendre une minute pour dire que mon bilan en tant que membre du conseil de police et conseiller municipal est très clair: je n'ai jamais appuyé une réduction ou proposé une motion pour réduire les ressources policières en aucun temps lorsque je siégeais au conseil de police ou au conseil municipal; je ne voulais pas que cela interfère avec nos discussions d'aujourd'hui.
Ayant pris le temps d'apporter cette précision, j'aimerais revenir au sujet devant nous. Je veux vous remercier d'avoir souligné le problème que nous avons en matière de recherche sur les services policiers. Notre comité fait justement face au manque de renseignements organisés sur les services policiers.
Y a-t-il des pratiques exemplaires précises que vous connaissez et que vous nous proposez d'examiner, mis à part le Nord, dont vous venez de parler?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Et merci à vous, monsieur Griffiths, d'être des nôtres aujourd'hui.
Lorsque nous parlons des aspects économiques des services policiers, une partie de cet exercice consiste, bien sûr, à se demander comment en faire plus avec moins. Je m'intéresse à ce que vous avez dit concernant les services policiers dans le Nord et dans les régions rurales, en particulier les services policiers des Premières Nations. Je ne sais pas si vous connaissez bien ces services, mais ils sont généralement terriblement sous-financés.
Selon votre connaissance des services policiers des Premières Nations, j'aimerais vous poser la question suivante: le modèle actuel de ces services fonctionne-t-il? Ou devrions-nous proposer un nouveau modèle de services policiers pour les Premières Nations, tout en gardant à l'esprit que ces services constituent un pas vers l'autonomie gouvernementale? Je crois que personne ne recommanderait de se débarrasser des services policiers des Premières Nations, parce que ce serait un recul par rapport à cet objectif, mais je me demande si vous avez des observations à faire à ce sujet.
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Je pense que si l'on examine les trois dernières décennies d'expérience avec les services policiers autonomes des Premières Nations, et je présume que c'est ce dont vous parlez...
M. John Rafferty: Oui.
M. Curt Taylor Griffiths: ... les résultats sont mitigés. Cela tient, en grande partie, à des problèmes plus graves de leadership et de capacité qui existent dans les réserves des Premières Nations. Au cours des deux dernières décennies en particulier, je sais que la GRC et les deux forces policières provinciales ont déployé beaucoup d'efforts pour bâtir cette capacité et aider les services policiers autonomes des Premières Nations.
Je pense qu'il faut continuer à leur offrir un appui, non seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan du développement et de la succession du leadership, tout en assurant qu'ils ne sont pas isolés. Parfois, ils deviennent isolés, non seulement à cause de leur situation géographique, mais aussi parce qu'ils ne participent pas aux discussions, comme vous l'avez mentionné. Il y a différentes façons d'améliorer l'initiative des forces policières autonomes des Premières Nations qui, comme vous l'avez dit, est liée à la situation plus générale d'autonomie gouvernementale. Il y a des exemples où c'est ce qui s'est produit.
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Cette étude à Vancouver nous a permis de réviser le modèle pour déterminer le genre de recherche qui doit être menée au sein de tout service de police lorsque l'on parle des aspects économiques des services policiers. L'étude a été déclenchée en raison de la demande faite par la police de Vancouver auprès du conseil municipal pour embaucher plus de 400 nouveaux agents; le conseil municipal a alors demandé qu'on examine ce qui se passait au service de police de Vancouver.
Les services policiers doivent pouvoir répondre à deux questions avant de demander des ressources additionnelles. Premièrement, comment utilisent-ils les ressources dont ils disposent déjà? Font-ils l'utilisation la plus efficace des ressources à leur disposition? Deuxièmement, ont-ils la capacité de surveiller cela de façon continue? On s'éloigne ainsi d'une série sans fin de demandes auprès du conseil municipal pour 100 ou 200 agents supplémentaires. Car le conseil municipal répond: « Qu'avez-vous fait avec les 100 derniers que nous vous avons donnés? »... « Eh bien, ils sont sur le terrain, ils sont occupés à faire leur travail de policier. »
Nous avons examiné différents aspects du service de police de Vancouver, notamment le recours à des heures supplémentaires, l'utilisation des civils et le déploiement des patrouilles. Nous avons examiné un autre élément, dont on tient rarement compte, mais qui est à l'origine de la majorité des heures supplémentaires dans la plupart des services policiers, à savoir les unités spéciales.
Au sujet du déploiement, une chose que nous avons constatée très rapidement, c'est que la police de Vancouver avait un délai d'intervention de 13 minutes pour les appels de priorité un. Il s'agirait d'incidents comme de la violence familiale en cours. Le meilleur délai d'intervention est d'environ sept minutes. Alors, soit Vancouver n'avait pas assez d'agents pour se rendre sur place en moins de 13 minutes, soit la ville ne déployait pas ses agents de façon efficace.
La demande de 122 agents a découlé de notre analyse de leur déploiement. Nous avons conclu qu'ils faisaient le mieux qu'ils pouvaient avec ce qu'ils avaient. Mais ils n'avaient pas assez d'agents. Nous avons demandé au conseil municipal ce qu'il voulait acheter. Vous représentez les citoyens de Vancouver; que voulez-vous acheter pour une intervention de priorité un? Le délai d'intervention actuel est de 13 minutes. Voulez-vous que ce soit 11, 10, 9 ou 8 minutes? Puis nous avons fourni aux décideurs les renseignements qu'ils pouvaient utiliser pour prendre une décision. Ils ont alors décidé de dépenser pour un délai d'intervention de 10 minutes. Bien, pour avoir un délai d'intervention de 10 minutes dans le cas d'appels de priorité un, il fallait 122 agents supplémentaires. Ils effectueront un suivi et examineront l'an prochain les résultats obtenus avec ces 122 agents de plus.
Il y a deux choses qui se passent ici. Premièrement, le service de police améliore sa capacité de savoir ce qu'il fait avec ses ressources. Deuxièmement, et c'est tout aussi important, les conseillers municipaux qui souvent, malgré eux, ne savent pas grand-chose à propos des services policiers, mis à part ce qu'ils lisent dans les médias ou voient à la télévision, sont sensibilisés aux questions en matière d'efficacité et obtiennent des renseignements qu'ils peuvent utiliser. Mais c'est inhabituel. Normalement, les décisions budgétaires, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, et les décisions en matière de politiques sont prises à l'aveugle. Alors, voilà en quoi consistait l'étude sur le déploiement à Vancouver et quels étaient ses objectifs. On pourrait la refaire n'importe où.
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Je pense qu'il y a de bons exemples ailleurs dans le monde. J'ai parlé de l'Australia New Zealand Policing Advisory Agency. J'ai mentionné deux ou trois plateformes aux États-Unis qui préparent de tels documents. L'une d'entre elles est Crime Solutions, et il y en a deux autres disponibles en ligne qui présentent un résumé de stratégies particulières et d'indicateurs sur leur efficacité. On y voit un crochet vert ou rouge à côté de chaque stratégie.
Je répète que c'est de la très bonne information générale à avoir. Je pense qu'on peut en profiter. J'aimerais qu'à la lumière des renseignements qui existent déjà, nous créions notre propre plateforme au Canada, parce qu'il y a des aspects uniques aux services policiers ici qui n'existent pas en Écosse, par exemple. Je pense que l'on peut utiliser ce que les autres ont fait comme base. C'est facilement accessible sur le Web.
Pour l'instant, le problème est que nous n'avons rien au Canada pour rassembler tous ces renseignements, même pas un serveur central qui serait accessible. Le résultat est que nous dépendons beaucoup de la recherche aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie pour prendre des décisions en matière de politiques au Canada. Je ne pense pas que ce soit une situation très utile. Mais oui, de telles choses existent.
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Absolument. Le problème du transfert des responsabilités m'a vraiment frappé dans une région administrative du Nord où je travaillais. Si les gens appelaient les services sociaux après 17 heures, la fin de semaine ou lors d'un jour férié, ils entendaient un message qui disait: « Bonjour, ici les services sociaux. Nous ne sommes pas disponibles. Si vous avez une urgence, appelez la GRC ». Cela m'a vraiment amené à réfléchir à la question du transfert des responsabilités.
Les municipalités soulèvent souvent un problème très légitime: une grande partie de leur budget est accaparée par les services policiers, mais la réalité est que les municipalités ne sont généralement responsables que pour les services de police, d'incendie et de secours. Tout le reste est fait par la province. Comme je l'ai mentionné, lorsque les gouvernements provinciaux réduisent les budgets, les villes écopent. Vraiment. Je pense qu'il faut qu'il y ait une discussion entre les municipalités et leur gouvernement provincial respectif à propos des fonctions policières et des capacités que les services policiers devraient avoir pour s'en occuper.
Je dois aussi ajouter que de nombreux services policiers ont vécu des difficultés lorsqu'ils ont essayé d'établir des liens de collaboration avec les homologues provinciaux. Il y a souvent des difficultés, et les services policiers ont été à l'avant-plan dans de nombreuses provinces pour créer ces partenariats afin de ne pas avoir à s'occuper seuls des problèmes des personnes souffrant de troubles mentaux qui vivent dans la rue, par exemple.
Je pense qu'il faut lancer un dialogue entre les municipalités et leur gouvernement provincial respectif. Je ne pense pas que ce dialogue ait eu lieu, et je crois que les services policiers finissent par assumer beaucoup de responsabilités par défaut.
Et je conviens qu'il faut discuter des fonctions policières essentielles. À l'heure actuelle, les fonctions policières essentielles sont très vastes et elles ne se résument pas au taux de criminalité. Il s'agit aussi d'offrir des services sociaux; il s'agit de beaucoup d'autres choses que le taux de criminalité. C'est pourquoi j'ai dit qu'il ne fallait pas rester pris dans cette notion de la hausse ou de la baisse du taux de criminalité et toute la question de savoir s'il faut modifier le nombre d'agents en conséquence.
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Je me demande si je peux vous poser une question sur un domaine dans lequel vous êtes un expert: la justice réparatrice dans son ensemble.
C'est un concept dont on a beaucoup discuté et pour lequel on a créé beaucoup de modèles il y a 10 à 15 ans. On en parle très peu maintenant. C'est peut-être aussi la conséquence de ce que vous avez décrit, à savoir le démantèlement de notre capacité de recherche, y compris celui de la Commission du droit du Canada qui avait fait beaucoup de recommandations au sujet de la justice réparatrice. Selon vous, si nous rétablissions cette organisation, si nous la révisions et si nous l'invoquions, cela permettrait-il d'accroître l'efficacité des services policiers?
Et comme je n'aurai peut-être pas le temps pour une troisième question, je vais essayer de faire un lien avec ce qui suit, bien qu'il n'y en ait peut-être pas.
Hier, on a rendu public un rapport intitulé Ceux qui nous emmènent: abus policiers et lacunes dans la protection des femmes et filles autochtones dans le nord de la Colombie-Britannique, Canada. Le rapport traite de la disparition et de l'assassinat des femmes autochtones le long de ce qu'on appelle maintenant l'autoroute des larmes dans le nord de la Colombie-Britannique. Les deux principaux constats du rapport sont troublants. D'une part, la GRC ne semble pas protéger les femmes autochtones et, d'autre part, elle semble parfois avoir commis des actes violents envers les femmes autochtones.
Voici le lien que j'essaie d'établir. La justice réparatrice serait-elle pertinente pour une telle situation? J'essaie de trouver un fil conducteur pour pouvoir vous poser mes deux questions. Elles n'ont peut-être rien en commun.
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Combien de temps ai-je pour répondre?
Sur la question de la justice réparatrice, je crois qu'il y a des initiatives à l'échelle locale partout au pays, des régions du Sud jusqu'aux territoires.
À moins de connaître des gens qui participent à ces initiatives, vous ne verrez jamais de rapport. Vous n'aurez jamais accès à l'information qui les identifiera. Quelqu'un qui s'intéresse à ce genre d'initiatives au nord-ouest de l'Ontario pourrait, sans le savoir, faire la même chose que quelqu'un au Yukon. Encore une fois, je propose la création d'un centre d'échange d'information, d'idées et de ressources. De cette façon, si quelqu'un veut élaborer une initiative sur la justice réparatrice, il pourra trouver d'autres personnes qui s'en occupent déjà.
On effectue des travaux en ce sens au Royaume-Uni. Là-bas, on vous dit: « Voici un projet. Voici les résultats obtenus. Voici où vous pouvez obtenir le rapport. Voici qui a réalisé l'étude. Si cela vous intéresse, appelez les personnes responsables ou envoyez-leur un courriel. » Il s'agit de faciliter ce genre de liens.
La justice réparatrice est utilisée de différentes façons dans l'ensemble du pays, et cette notion a évolué au fil des ans. La police participe très activement à des initiatives de justice réparatrice dans bien des régions administratives, en organisant des conférences pour les familles. Les agents de liaison dans les écoles mobilisent les enfants et organisent des conférences et des réunions de médiation. Encore une fois, c'est très peu connu. À mon avis, on peut faire plus, mais en matière de justice réparatrice, presque tout dépend du contexte communautaire.
Nous avons constaté que, dans le Nord — par exemple, dans le cas des cercles de détermination de la peine —, certaines collectivités sont aptes ou disposées à mener ce genre d'initiatives, tandis que d'autres ne le sont pas, pour différentes raisons.
Il faut s'assurer que la collectivité dispose de la capacité nécessaire pour s'atteler à la tâche. Je n'avais pas vraiment pensé à faire un lien avec le rapport qui est sorti hier. J'ai lu les documents, et je crois que l'idée d'utiliser la justice réparatrice pour s'attaquer aux questions soulevées dans le rapport est certes une possibilité.
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Plusieurs initiatives seraient utiles, à mon avis. D'abord, comme je l'ai dit, il faut un dialogue entre les municipalités et les gouvernements provinciaux et territoriaux sur la question du transfert des responsabilités.
Deuxièmement, il faut un mécanisme pour inclure les collectivités dans ces discussions. Selon mon expérience en tant que participant aux travaux communautaires et organisateur de groupes de discussion, la plupart des gens ne savent pas du tout ce que fait la police. Ils ne voient la police que rarement, lors d'un contrôle routier, et ils se demandent s'ils ont eu une contravention; tout le reste provient des médias.
Lorsqu'on tient un groupe de discussion avec les résidents d'une collectivité, qu'on leur dit qu'il faut faire des choix quant au travail de leurs policiers et qu'on explique que les ressources sont limitées, bref lorsqu'on les fait participer à ce genre de dialogue, on voit qu'ils ont de bonnes idées sur comment procéder.
Dans mes observations préliminaires d'aujourd'hui, j'ai dit que de façon générale, les collectivités avaient été exclues de ces discussions. Surtout les collectivités représentant des minorités culturelles et visibles qui n'assistent pas souvent à ce genre de réunions communautaires, à micro ouvert, qui ne sont pas très utiles ni productives, selon moi.
Je crois que nous pouvons faire bien des choses pour définir la question. La situation varie d'une collectivité à une autre; il n'y a pas de solution unique pour dire ce que la police devrait ou ne devrait pas faire.
Il ne faut pas non plus oublier que dans certaines collectivités, les conseils sont disposés à dépenser plus, par exemple, pour adopter une approche selon laquelle « aucun appel n'est insignifiant ». Les policiers ne vont pas littéralement aider à faire descendre un chat d'un arbre, mais ils répondent à tous les appels reçus. La solution doit être adaptée à la collectivité, mais je crois que celle-ci doit avoir la possibilité de contribuer des idées. Comme je viens de le dire, je n'aime pas vraiment des réunions communautaires à micro ouvert, car certains des acteurs clés ne s'y présentent pas.
Vous parlez ici de communautés. Pour ma part, je m'interroge beaucoup sur la présence, un peu partout au pays, du crime organisé, des gangs de rue, de la mafia. Il y a aussi eu, à une certaine époque, le problème des Hells Angels, qui était pratiquement d'envergure nationale. Je me questionne sur l'implication des jeunes dans le cercle vicieux du crime organisé.
Sommes-nous bien outillés pour aider nos jeunes à ne pas entrer dans ce cercle vicieux? Est-ce qu'il existe des initiatives, une meilleure façon de procéder, selon vous?
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Vous soulevez un point valable.
L'objectif, c'est l'intervention rapide et la prévention. Identifier des jeunes à risque n'est pas difficile. Bien des policiers et des travailleurs sociaux... Les jeunes à risque attirent l'attention de divers organismes. Il s'agit de coordonner la réponse. Depuis toujours, les ressources pour contrer le problème au début du système sont insuffisantes. On dépense beaucoup d'argent à la fin, si on tient compte des coûts opérationnels des services correctionnels; il s'agit de plusieurs millions de dollars. Nous n'investissons pas de l'argent au début. Il y a des exemples de programmes qui visent à aider les jeunes à sortir des gangs. Or, ces programmes ne reçoivent que très peu de financement et ils ne sont pas très bien connus.
Encore une fois, comme nous n'avons pas de centre d'échange d'information, nous ne savons pas où aller pour savoir où commencer. On finit par parler à quelqu'un à Los Angeles. C'est intéressant, et il y a peut-être des aspects communs. Mais je crois que nous avons amplement d'exemples pour pouvoir trouver des solutions ici. Évidemment, nous avons des choses à apprendre des autres pratiques. Il existe des exemples de programmes précis qui devraient faire partie d'un outil facilement accessible en ligne.
Monsieur le président, j'aimerais remercier le témoin de venir comparaître aujourd'hui.
J'ai trouvé très intéressant de vous entendre dire, dans vos observations préliminaires, qu'on doit faire plus avec moins. Ce n'est pas quelque chose de nouveau pour moi. Au milieu des années 1990, lorsque le gouvernement fédéral a réduit de 25 milliards de dollars les paiements de transfert aux provinces, c'est exactement ce qui s'est passé dans une force policière déployée pour laquelle je travaillais. C'était une phrase que notre commissaire répétait souvent: « Nous devons faire plus avec moins ». Et en effet, nous avons fait plus avec moins.
Une des choses à laquelle vous avez peut-être fait allusion, mais sans trop vous y attarder, c'est toute l'idée des attentes que nous avons à l'égard des services policiers. Une partie des coûts, ou de l'augmentation des coûts, était attribuable à la spécialisation. Vous devez sûrement savoir, et vous pourriez nous en parler, qu'en Ontario, la raison pour laquelle nous avons des agents policiers formés spécialement pour enquêter sur les agressions sexuelles... Dans des cas de violence familiale, il y a d'abord un agent qui répond à l'appel, mais le suivi est fait par des agents spécialement formés. Ces mesures ont été prises parce que des gens comme nous et les coroners ont dit que les policiers devraient faire ceci et cela, et qu'ils ont besoin de plus de formation pour composer avec des personnes souffrant de troubles mentaux. Tout cela fait augmenter graduellement les coûts des services policiers. Ensuite, en période de crise économique, on réduit les budgets de tout le monde. Du coup, on a une idée brillante: les services policiers ne devraient pas faire certaines choses et ils devraient être mieux formés. Alors, ce qui est vieux devient nouveau, et nous retournons dans les années 1990. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Deuxièmement, la réduction des coûts dans les services policiers n'est pas quelque chose de nouveau. Je me souviens que, dans ma région, trois détachements ont été regroupés sous un même toit administratif. Je me rappelle que, dans un petit comté, nous avons réduit les coûts des services policiers de 5 millions de dollars en ayant moins de superviseurs sous une administration plus grande afin de garder plus d'agents de première ligne.
Qu'est-ce qu'il y a de nouveau? Nous faisons cela depuis très longtemps.
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Ce qu'il y a de nouveau, c'est que les pressions financières sont beaucoup plus grandes. Je crois que l'époque des chèques en blanc est, bien sûr, révolue pour les services policiers. Il y a des services policiers qui comprennent cela. Certains services policiers au Canada ont développé la capacité nécessaire pour se présenter devant les commissions de police et les conseils municipaux afin de leur montrer ce qu'ils font, comment ils réduisent leurs coûts, comment ils font le suivi des heures supplémentaires et comment ils assurent le déploiement efficace de leurs agents policiers. Toutefois, il y a d'autres services policiers qui n'ont pas cette capacité. Par conséquent, les services policiers qui n'ont pas la capacité de produire ce genre de renseignements et d'informer leurs instances décisionnelles en matière de finances se retrouvent dans une situation difficile.
Vous avez raison de dire que les questions d'efficacité ont toujours existé, mais dans le système de justice pénale du secteur public, par exemple, on a toujours eu plus de mal à développer la capacité nécessaire pour surveiller ce qu'on fait et comment on le fait avec les ressources dont on dispose, comparativement au secteur privé.
J'ajouterais ceci. La solution ne réside pas dans l'impartition. La sécurité privée a un rôle à jouer, ainsi que les programmes de police communautaire, mais la réponse n'est pas l'impartition. Je sais qu'on exerce de plus en plus de pression pour se servir de l'impartition, comme c'est le cas au Royaume-Uni. Toutefois, au Royaume-Uni, le travail est toujours en cours. Nous ne savons pas quel en sera le résultat. Les services policiers britanniques sont en train de confier bon nombre de ces activités au secteur privé.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup monsieur Griffiths de vous être déplacé.
[Français]
Ma première question porte sur le partage des responsabilités.
Dans mon comté, qui est situé dans le Sud du Québec, il y a l'Agence des services frontaliers du Canada au point d'entrée, la Sûreté du Québec, les corps municipaux et la Gendarmerie royale du Canada. À cause des ressources humaines, matérielles et technologiques limitées, on assiste parfois à des situations où le corps municipal ou la GRC doit appuyer l'Agence des services frontaliers.
Comment évaluez-vous et considérez-vous le partage des responsabilités dans de telles situations, d'autant plus que nous n'avons pas de réelle vision globale de nos corps policiers?
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Vous soulevez un élément des plus importants. Je crois qu'on peut être plus efficace en réunissant ces divers services de police, en se penchant sur la situation que vous avez décrite et en leur posant des questions sur ce qu'ils font présentement: dans quelle mesure effectuent-ils leurs tâches efficacement et à quels égards pourrait-on être plus efficace? Le rendement pourrait être accru si un des organismes assumait certaines responsabilités et un autre organisme en assumait d'autres.
Ce qui pose problème, c'est que nous n'avons pas les cadres nécessaires pour étudier la situation et déterminer si les services de police utilisent de façon efficace et efficiente les ressources à leur disposition. Dans certains cas, comme le cas de Vancouver, on constate que, oui, les services de police utilisent de façon efficiente et efficace les ressources dont ils disposent, et on recense les aspects qu'ils doivent améliorer ainsi que les indicateurs qui permettront d'évaluer leur rendement.
C'est le genre de questions que je poserais si je me rendais dans cette région. C'est le genre de renseignements que je colligerais pour déterminer si leur rendement pourrait être accru, dans quelle mesure les services sont efficaces, et pour déterminer si les pratiques exemplaires sont utilisées.