Bonjour à tous et soyez les bienvenus à cette 59e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, en ce lundi 19 novembre 2012.
Nous entreprenons aujourd'hui notre étude du projet de loi
Notre premier témoin est , ministre de la Justice. Il est accompagné de M. Donald Piragoff, sous-ministre adjoint principal, Secteur des politiques, ministère de la Justice. M. Glenn Gilmour, de la Section de la politique en matière de droit pénal, est également parmi nous.
Nous tenons à remercier le ministre de sa présence à la réunion du Comité de la sécurité publique et nationale. C'est un honneur. Nous accueillons souvent le ministre de la Sécurité publique ici, mais nous souhaitons souligner tout particulièrement votre présence aujourd'hui, monsieur. Nous vous remercions de venir nous aider dans l'étude de ce projet de loi et d'être accompagné des fonctionnaires compétents de votre ministère pour faciliter sa compréhension.
Je crois que vous serez avec nous durant une heure. Vous avez une déclaration préliminaire sur le projet de loi , puis vous répondrez aux questions.
Soyez le bienvenu. Nous avons hâte d'entendre vos observations.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Vous avez raison de dire que je ne comparais pas souvent devant votre comité. En fait, je ne me rappelle pas l'avoir déjà fait, mais c'est un honneur de le faire aujourd'hui.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler de la Loi sur la lutte contre le terrorisme, le projet de loi . Il vise à modifier le Code criminel afin que le Canada ait les outils nécessaires pour lutter contre le terrorisme et protéger ses citoyens.
Le projet de loi propose de rétablir les dispositions relatives à l'investigation et à l'engagement assorti de conditions. En outre, il érigera en infraction le fait de quitter ou de tenter de quitter le Canada pour commettre certaines infractions de terrorisme.
Ces outils ont d'abord été créés dans le cadre de la Loi antiterroriste. L'investigation visait à servir dans le cadre d'une enquête relative à des infractions de terrorisme passées ou futures, tandis que l'engagement assorti de conditions visait à contrecarrer la planification d'une attaque.
La disposition sur l'investigation permettra aux tribunaux d'obliger une personne qui détient des renseignements concernant une infraction de terrorisme passée ou future à se présenter devant un tribunal et à fournir l'information lors de l'interrogatoire.
Les dispositions sur l'engagement assorti de conditions enjoindront une personne à contracter un engagement, devant un juge, à respecter des conditions raisonnables imposées par le juge pour empêcher qu'une activité terroriste ne soit entreprise.
L'investigation et l'engagement assorti de conditions, une fois en vigueur, contiendront de nouvelles mesures de protection en plus de celles qui ont été adoptées initialement en 2001. Permettez-moi d'en nommer quelques-unes.
D'abord, pour ce qui est de l'investigation, le consentement du procureur général compétent sera requis. Ensuite, la personne tenue de se présenter au tribunal aura la possibilité de retenir les services d'un avocat et de lui donner des instructions en tout état de cause.
Dans tous les cas, des efforts raisonnables devront d'abord être déployés pour obtenir les renseignements par d'autres moyens. Les renseignements fournis par la personne et tout ce qui en découlera ne pourront en général être utilisés contre elle dans le cadre de poursuites criminelles.
Si une personne est arrêtée en exécution d'un mandat afin qu'elle assiste à l'audience d'investigation, il y aura des limites claires, fixées dans le projet de loi, quant à la période de détention possible.
Les procureurs généraux fédéral et provinciaux seront tenus de présenter un rapport annuel sur le recours à la disposition relative à l'investigation, et les rapports annuels du procureur général du Canada comprendront une exigence additionnelle prévoyant qu'il énoncera son opinion, étayée par des motifs, quant à savoir si la disposition devrait rester en vigueur.
Je vais maintenant parler de l'engagement assorti de conditions. Encore là, le consentement du procureur général compétent sera requis.
L'arrestation sans mandat d'une personne ne pourra se faire que dans des circonstances très limitées, comme lorsque le dépôt de renseignements devant un juge est rendu difficilement réalisable en raison de l'urgence de la situation et que les agents de la paix ont des motifs raisonnables de soupçonner que la mise sous garde de la personne est nécessaire afin de l'empêcher de se livrer à une activité terroriste.
Si la personne est arrêtée sans mandat, l'agent devra déposer une dénonciation devant le juge, généralement dans les 24 heures, ou mettre la personne en liberté, et avant de déposer la dénonciation, l'agent de la paix devra obtenir le consentement du procureur général.
La personne mise sous garde devra être conduite devant un juge de la cour provinciale dans un délai raisonnable, soit dans les 24 heures de son arrestation, à moins qu'un juge ne soit pas disponible durant cette période, auquel cas la personne devra être conduite devant un juge le plus tôt possible. L'audience devra alors être tenue dans les 48 heures.
Le ministre de la Sécurité publique et le ministre responsable des services de police de chaque province seront tenus de présenter un rapport annuel sur le pouvoir d'arrestation sans mandat, et les procureurs généraux fédéral et provinciaux seront tenus de présenter un rapport annuel sur le recours aux autres éléments de ce régime.
Les rapports annuels du procureur général du Canada et du ministre de la Sécurité publique comprendront une exigence additionnelle prévoyant qu'ils énonceront leur opinion, étayée par des motifs, quant à savoir si les dispositions devraient rester en vigueur.
De plus, le projet de loi propose d'ériger en infraction le fait de quitter ou tenter de quitter le Canada, ou de monter ou tenter de monter dans un moyen de transport dans l'intention de quitter le Canada, dans le but de participer ou de contribuer sciemment aux activités d'un groupe terroriste, de renforcer la capacité d'un groupe terroriste d'entreprendre une activité terroriste, de faciliter sciemment une activité terroriste, de commettre un acte criminel pour le compte d'un groupe terroriste, ou de commettre un acte criminel qui constitue une activité terroriste.
Ces nouvelles infractions visent à renforcer la capacité des forces de l'ordre d'arrêter une personne qui a quitté ou tente de quitter le Canada dans le but de commettre des infractions de terrorisme, et de permettre à la Couronne d'intenter des poursuites contre cette personne.
Enfin, le projet de loi donne également suite à l'examen parlementaire de la Loi antiterroriste qui a été réalisé par les comités de la Chambre des communes et du Sénat entre 2004 et 2007, et il propose des modifications à l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada pour s'assurer qu'il est compatible avec la jurisprudence récente dans ce domaine.
J'aimerais maintenant répondre à certaines critiques qui ont été formulées à l'égard des investigations et de l'engagement assorti de conditions.
On a dit notamment que ces outils ne sont pas nécessaires parce que jusqu'ici, les dispositions actuelles du Code criminel visant à lutter contre le terrorisme se sont avérées suffisantes.
Si, dans la vie, nous partions du principe que puisque nous n'avons subi aucun préjudice, nous ne devons pas nécessairement nous préparer à la possibilité de subir un tel préjudice, nous nous retrouverions dans un monde fort différent. Ce n'est pas le monde dans lequel nous vivons. Nous savons qu'il nous faut prendre des mesures pour réduire le risque de préjudice qui peut soudainement surgir et que, par prudence, nous devons prendre des mesures pour empêcher qu'un tel risque se pose. Le fait que nous n'avons encore subi aucun préjudice ou que les modifications proposées n'ont pas été utilisées n'est pas une raison suffisante pour conclure que ces mesures ne sont pas nécessaires.
Certaines personnes ont affirmé que l'investigation porte atteinte au droit de garder le silence. On a fait valoir expressément cet argument dans le cadre de la contestation constitutionnelle de l'investigation, mais l'argument a été rejeté par la Cour suprême du Canada. La cour a souligné que certains éléments relatifs aux protections contre l'auto-incrimination dans la disposition sur l'investigation débordent même — et je cite — « les exigences de la jurisprudence et confère... une immunité absolue contre l'utilisation de la preuve dérivée, de sorte que la preuve émanant du témoignage livré à l'investigation judiciaire ne peut être produite contre le témoin dans d'autres poursuites ».
Permettez-moi de vous parler d'une autre critique formulée à l'égard du projet de loi . Le projet de loi propose de créer quatre nouvelles infractions concernant le fait de quitter et de tenter de quitter le Canada pour commettre des infractions de terrorisme à l'extérieur du pays. Certaines personnes ont dit craindre que la création de ces infractions aille à l'encontre des obligations internationales du Canada dans l'éventualité où un jeune — c'est-à-dire une personne de moins de 18 ans — serait accusé de l'une de ces infractions, mais comme vous le savez, il existe une mesure législative qui s'applique expressément aux jeunes accusés de crimes, et il s'agit, bien sûr, de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Le projet de loi S-7 n'y change absolument rien. En fait, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents précise que malgré toute autre loi fédérale, mais sous réserve de la Loi sur les contraventions et de la Loi sur la défense nationale, elle a compétence exclusive pour toute infraction qu'une personne aurait commise au cours de son adolescence.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents reconnaît que le système de justice pour les adolescents doit être distinct de celui pour les adultes et être fondé sur le principe de culpabilité morale moins élevée pour les jeunes. Elle met l'accent sur la réadaptation et la réinsertion sociale, les interventions justes et proportionnelles à l'égard de la délinquance et la prise de mesures opportunes pour les jeunes. Elle contient un certain nombre de garanties juridiques visant à s'assurer que les jeunes sont traités de façon équitable et que leurs droits sont protégés. Elle établit également des principes précis et des options de détermination de la peine.
Merci beaucoup. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
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Oui. C’est l’une des questions dont les tribunaux seront saisis, à savoir si la mesure était raisonnable, si d’autres recours et d’autres tentatives avaient été envisagés auparavant.
Cela ne dépendra pas seulement de l’agent d’enquête, mais aussi, comme je l’ai indiqué, du consentement soit du procureur général provincial, soit du procureur général fédéral. Comme je l’ai signalé dans ma déclaration préliminaire, un certain nombre de mesures de protection ont été mises en place, et elles s’ajoutent à celles qui existaient il y a 10 ans, lorsque la mesure législative a été présentée au Parlement.
Je pense que ces mesures sont raisonnables parce qu’en fin de compte, nous avons tous intérêt à prévenir et à démanteler les activités terroristes éventuelles. C’est l’univers dans lequel nous vivons, et nous le comprenons. Des outils doivent être disponibles. Toutefois, comme je l’ai mentionné, nous sommes tenus d’examiner ces actes d’une manière raisonnable; ce processus sera contrôlé par le tribunal, et il requerra le consentement du procureur général.
Comme je l’ai indiqué également, ces mesures ne seront pas prises entièrement en vase clos, en ce sens qu’elles ne feront l’objet d’aucun contrôle. Non, ce ne sera pas le cas. Chaque année, le procureur général établira des rapports et procédera à des évaluations. Le Parlement pourra vérifier régulièrement ce qui se passe. Quant au public, il saura si ces mesures ont été employées et à quel moment elles l’ont été, et il pourra juger de leur utilité.
Encore une fois, je pense qu’il est important de disposer de ces outils.
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Ces mesures ont été adoptées afin de répondre aux problèmes que la planète a dû affronter au début des années 2000. Comme vous le savez, elles ont été examinées et, en 2007, un certain nombre de personnes se sont manifestées. Vous devriez peut-être examiner ce document. À l’époque, le gouvernement a proposé que nous continuions. Nous avons étudié les mesures nous-mêmes, et nous avons organisé des discussions à leur sujet, comme je le fais toujours lorsque je parcours le pays. Je rencontre toujours des représentants d’organismes d’application de la loi, des procureurs généraux et des gens préoccupés par le terrorisme ou la criminalité au Canada.
Nous nous sommes employés à établir cet équilibre que vous avez évoqué dans la question que vous m’avez posée. Vous constaterez que les mesures de protection sont présentes partout. Pour être honnête, cette disposition est assortie d’un plus grand nombre de mesures de protection que les dispositions ordinaires du droit pénal. Vous pouvez être accusé en vertu du Code criminel sans qu’il soit nécessaire d’obtenir le consentement du procureur général fédéral, du procureur général provincial ou de leurs agents. Dans le cas qui nous occupe, il faut obtenir ce consentement. Par conséquent, la disposition bénéficie d’une mesure de protection supplémentaire, par rapport à ce qui pourrait être envisagé normalement.
Donc, avons-nous trouvé un juste équilibre? Oui, je le crois, et je pense que votre enquête le confirmera. Je vous ai signalé une demi-douzaine de facteurs à cet égard et, lorsque vous jetterez un coup d’oeil à la mesure législative, je pense que vous parviendrez à la même conclusion que mes collègues et moi, à savoir que celle-ci est très raisonnable et qu’il est bon de disposer de ces outils.
Le fait qu’ils ne soient pas nécessaires ne me convainc pas qu’ils sont inutiles. Si nous étions victimes d’une attaque terroriste qui aurait pu être évitée si des outils comme ceux-ci avaient été disponibles, nous ferions l’objet de critiques, comme vous pouvez l’imaginer, et nous aurions à affronter l’horreur du public canadien qui soutiendrait que toutes les mesures requises doivent être prises pour prévenir de tels actes.
Les changements qui peuvent être apportés à nos lois pour prévenir des tragédies et des crimes suscitent énormément mon intérêt. Vous avez peut-être examiné les dispositions qui visent à protéger les enfants. Les deux nouvelles infractions que nous avons ajoutées au code sont conçues pour mettre un terme à tout genre d’activités qui peut précéder une atteinte à la pudeur d’un enfant, comme deux adultes qui complotent ensemble des activités en ce sens ou une personne qui remet à un enfant des productions explicites du point de vue sexuel. Encore une fois, certaines personnes nous demandent pourquoi cela est nécessaire. Eh bien, nous souhaitons interrompre l’activité avant que l’enfant soit molesté. Les dispositions qui nous occupent sont dans la même veine. Nous voulons disposer des outils dont nous avons besoin pour arrêter toute activité terroriste éventuelle avant qu’elle ne survienne et pour enquêter sur celle-ci.
Encore une fois, j’estime que ces mesures sont très raisonnables. Elles l’étaient il y a 10 ans lorsqu’elles avaient été présentées par le gouvernement de l’époque et, comme vous le savez peut-être, monsieur le président, c’est la quatrième fois que nous tentons de les présenter. Je pense qu’il est important que nous disposions de ces outils et, en ce qui concerne l’équilibre que vous avez mentionné, j’ai souligné une demi-douzaine de facteurs à cet égard au cours de ma déclaration préliminaire. Je crois que votre étude le confirmera.
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Je le répète, ce sont des pouvoirs additionnels qui sont confiés aux tribunaux et qui sont reliés directement à la menace terroriste à laquelle nous devons faire face.
En fait, c'est la raison qui a été invoquée il y a 10 ans lorsque le gouvernement de l'époque a entériné ces mesures, c'est-à-dire que ces pouvoirs spéciaux sont nécessaires pour affronter les menaces qui planent sur la planète.
À l'époque, ces pouvoirs étaient assortis d'une disposition de caducité après cinq ans. Je n'y vois pas d'inconvénient, si vous voulez proposer un amendement pour supprimer...
M. Francis Scarpaleggia: Non...
L'hon. Rob Nicholson: Je voulais simplement clarifier les choses, monsieur Scarpaleggia, mais je crois que cette disposition de caducité après cinq ans est une mesure raisonnable.
Et ce n'est pas tout. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, à titre de procureur général du Canada, je déposerai un rapport annuel sur le sujet, et le ministre de la Sécurité publique déposera aussi un rapport annuel sur les dispositions qui relèvent de sa compétence.
Je crois que cela est juste et approprié. Toutefois, si dans cinq ans vous êtes absolument convaincu que ces mesures sont toujours nécessaires, vous pourriez présenter un projet de loi d'initiative parlementaire pour abolir la disposition de caducité après cinq ans. Nous examinerons certainement la question attentivement.
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Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur le ministre, et merci aussi à vos collaborateurs d'être ici aujourd'hui.
Certains sont d'avis que cette mesure est inutile parce qu'elle n'a jamais été utilisée — et l'analogie de M. Scarpaleggia au sujet du coussin gonflable était très pertinente, selon moi — ou encore qu'elle s'applique aux États-Unis, que le Canada n'est pas menacé, que les événements du 11 septembre ne se sont pas produits ici. Eh bien, il y a 24 familles canadiennes qui pourraient bien être en désaccord avec cela.
Parlons des certitudes. À mes yeux, il ne fait aucun doute que la menace terroriste plane toujours à l'heure actuelle. Je porte plusieurs chapeaux, dont celui de coprésident canadien de la Commission permanente canado-américaine de défense, et nous examinons notamment la question des infrastructures essentielles. Le Canada et les États-Unis ont, essentiellement, un seul et même réseau d'infrastructures, qu'il s'agisse de pipelines, d'énergie, de télécommunications, d'information, d'Internet, etc. Un individu pourrait s'en prendre aux États-Unis en s'en prenant au Canada, très facilement. Donc, si nous n'adoptons pas ces mesures de protection et restons vulnérables, ne présentons-nous pas en fait une menace pour les États-Unis, car un individu pourrait cibler les infrastructures au Canada pour s'en prendre indirectement aux États-Unis?
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C'est tout à fait exact, et je vous remercie, madame Findlay, de l'avoir dit. Je pense que c'est important. Chaque fois que nous modifions le droit criminel de notre pays, on nous rappelle ce qui se fait à l'étranger.
Je comprends. Chaque pays doit trouver une solution à ce genre de problèmes. Ces questions sont toujours d'actualité dans les pays au système judiciaire semblable au nôtre, et vous avez fait remarquer que, en Grande-Bretagne, par exemple, un individu peut être détenu 14 jours; il n'y a pas si longtemps, c'était 28 jours. Nous ne sommes pas les seuls à changer.
Cela étant dit, c'est un peu comme les enquêtes sur le cautionnement. Nous tenons à faire comparaître les accusés en justice criminelle. Nous voulons les faire juger. Nous voulons qu'ils puissent protéger leurs droits. Encore une fois, je vous ai fait observer que l'individu a droit à un avocat. Ce n'est que juste et approprié dans notre système judiciaire.
La comparution doit se faire dans les meilleurs délais. Je pense que c'est juste à tous les points de vue. Nous voulons obtenir l'information, protéger les Canadiens contre le terrorisme, tout en faisant en sorte qu'un processus convenable protège à la fois les droits de l'individu et ceux des Canadiens.
Notre système diffère en cela de celui de la Grande-Bretagne et de l'Australie, mais c'est néanmoins une réponse suffisante, assortie de garanties considérables. Votre analyse, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, confirmera, je crois, les observations que j'ai formulées: cette mesure peut et devrait faire de nouveau partie des lois de notre pays.
Elle en a fait partie cinq ans, mais ce n'est pas le gouvernement actuel qui l'a adoptée. J'aurais aimé être au pouvoir au cours des 10 dernières années, mais ça n'a pas été le cas. Nous n'étions pas les auteurs de cette mesure, mais, je pense qu'elle était importante. Tous mes voeux de réussite vous accompagnent, vous et le comité. Cependant, je crois que votre analyse confirmera le caractère très raisonnable de ces mesures qui sont exactement ce dont le pays a besoin et dont il devrait se doter.
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Merci, monsieur le président.
Comme l'a dit monsieur le ministre, tous les droits exposés dans la Charte canadienne des droits et libertés découlent de son article premier, qui garantit les droits et libertés qui y sont énoncés et qui dit qu'ils ne peuvent être restreints que dans des limites raisonnables, dans le cadre d'une société libre et démocratique. Le gouvernement pense qu'il s'agit d'une limite raisonnable au droit des Canadiens de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir, s'ils en sortent pour faciliter un acte terroriste, y participer ou vraiment en commettre un.
Cela ne se limite pas au terrorisme à l'étranger. Cela englobe aussi l'entraînement à l'étranger, puis le retour au Canada pour menacer la vie et la sécurité des Canadiens, grâce à cet entraînement reçu d'un groupe terroriste.
Dans le contexte de la sécurité publique, on peut avancer de bons arguments pour montrer que c'est une limite raisonnable pour empêcher un départ à l'étranger motivé par des projets terroristes et non pour des vacances ni des motifs personnels. Nous devrions pouvoir arrêter ce genre de départs.
Nos lois sur l'immigration empêchent les individus qui ont des projets criminels ou terroristes de venir au pays. Le gouvernement croit qu'on impose aussi une limite raisonnable à ceux qui quittent le pays et qui ont des projets terroristes et même à ceux qui reviennent au pays. C'est une limite raisonnable. C'est une question d'équilibre, comme le ministre l'a dit.
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La nature des conditions dépend essentiellement des circonstances. Les exemples que vous avez donnés portent sur l’utilisation malveillante d’un ordinateur. Le Parlement s’est déjà penché sur l'imposition de conditions à des individus qui utilisent l’ordinateur pour communiquer avec des enfants à des fins de leurre, par exemple. À cet égard, le Parlement a notamment pris des mesures permettant d'imposer des conditions ou une interdiction concernant l’utilisation d’un ordinateur.
De même, si un individu aide des organisations terroristes en distribuant du matériel ou en agissant sur le Web, entre autres, il serait alors raisonnable de lui en interdire l’accès, ou de lui permettre de l’utiliser sous supervision seulement; ce pourrait être une condition raisonnable. Tout dépend des circonstances. En revanche, si l’activité n’a rien à voir avec les ordinateurs, il ne serait pas raisonnable d’interdire à l’individu de communiquer au moyen d’un ordinateur. C’est donc une question de circonstances.
Vous m’avez aussi demandé quel est le but de l’engagement assorti de conditions. Comme le ministre l’a dit, l’objectif n’est pas de mettre l’individu sous garde ou en détention préventive. Il s’agit d’un engagement assorti de conditions.
Le but est de soumettre l’individu à un contrôle judiciaire et de lui imposer des conditions. Ce n’est pas de l’envoyer en détention sous garde prolongée en espérant que ces 14 jours suffiront à réunir les éléments de preuve nécessaires pour porter accusation. Là n’est pas l’objectif. Comme le ministre l’a dit, la disposition sert surtout à interrompre l’activité d’une personne si elle n’a pas encore commis de crime, ou si la preuve ne suffit pas à déposer une accusation contre elle, entre autres. C’est un moyen d’exercer un contrôle judiciaire sur l’individu.
Naturellement, ce contrôle judiciaire informe par le fait même les complices que les autorités font enquête et savent qu’il se passe quelque chose, ce qui pourrait les dissuader de participer au méfait et de passer à l’acte.
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C’est le Comité sénatorial spécial qui a recommandé que l’investigation et l’engagement assorti de conditions soient ajoutés au rapport annuel, et que le ministre de la Justice, ou le procureur général du Canada dans ce cas-ci, soit tenu de donner les motifs pour lesquels il considère que les deux pouvoirs devraient être prorogés. Nous avons intégré ces recommandations au projet de loi .
Dans son rapport, la Chambre des communes recommandait une prorogation de cinq ans, qui se trouve elle aussi dans le projet de loi . À la suite de la tentative initiale de réactiver les dispositions après leur date d’expiration dans la première version du projet de loi, le Sénat a modifié le texte législatif de façon à ce que les deux pouvoirs fassent obligatoirement l’objet d’un examen parlementaire avant leur expiration. Le Sénat a apporté cet amendement au projet de loi avant de l’adopter.
En ce qui concerne l’investigation, vous n’êtes pas sans savoir que les dispositions originales adoptées en 2001 étaient déjà accompagnées de garanties législatives importantes, y compris la disposition très solide d’immunité contre l'utilisation de la preuve et contre l'utilisation de la preuve dérivée, dont le ministre a parlé tout à l’heure.
De plus, nous avons apporté quelques modifications supplémentaires à la lumière des recommandations du comité de la Chambre, qui a lui aussi déposé un rapport spécial sur ces deux pouvoirs en 2005 ou en 2006, je crois.
La première portait sur une ancienne exigence voulant que l’investigation serve à obtenir de l’information sur une future infraction de terrorisme. La condition était que des efforts raisonnables devaient avoir été déployés pour obtenir les renseignements par d’autres moyens. Nous avons décidé d’appliquer cette condition non seulement aux futures infractions de terrorisme, mais aussi aux actes terroristes passés. Ainsi, chaque fois que la police veut avoir recours à l’investigation, qu’il s’agisse d’une infraction de terrorisme passée ou à venir, elle devra déployer des efforts raisonnables pour obtenir les renseignements par d’autres moyens.
Nous avons apporté une autre modification faisant suite à une préoccupation liée à l’investigation soulevée devant le comité de la Chambre des communes qui se penchait justement sur ces deux pouvoirs de la Loi antiterroriste. Par exemple, il est possible d’obtenir un mandat d’arrestation pour une personne sur le point de s’esquiver sans se présenter à l’audience. La question était la suivante: combien de temps la personne sous mandat d’arrestation peut-elle être détenue sous garde?
Puisque nous voulions que la période de détention soit très claire dans le code, nous avons utilisé la limite qui s’applique à la détention des témoins dans le cadre d’un procès criminel. Nous avons donc intégré à la disposition sur l’investigation l’article 707 du Code criminel, qui régit la détention d’un témoin. Par exemple, si un témoin a reçu signification d'une sommation dans le cadre d’un procès criminel, mais qu’on a la preuve qu’il est sur le point de s’esquiver sans témoigner, on peut l’arrêter au moyen d’un mandat. Par contre, la durée maximale de détention du témoin est de 90 jours; à vrai dire, elle est de 30 jours, mais la période peut être renouvelée jusqu’à concurrence de 90 jours à la suite d’une révision judiciaire. Voilà donc une protection additionnelle.
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Si vous me le permettez, je vais tenter de répondre à la question.
D'abord, à savoir comment notre processus d'audience d'investigation se compare aux autres, il est juste d'affirmer à mon avis qu'il équivaut aux autres, quand sa portée n'est pas plus limitée.
Aux États-Unis, il y a évidemment la procédure du grand jury, qui peut astreindre une personne à témoigner en vue de déterminer s'il y a lieu de déposer des accusations criminelles.
L'Australie a l'équivalent d'un système d'audience d'investigation, qui est comparable au nôtre tout en ayant ses particularités. Là-bas, ce système est régi par la loi sur les renseignements de sécurité, mais c'est équivalent à ce qu'on a ici.
Le Royaume-Uni a un système très différent du nôtre. M. Piragoff a indiqué que notre processus d'audience d'investigation ne prévoyait pas de sanctions criminelles, peu importe l'infraction. Il s'agit simplement de faire comparaître quelqu'un devant le juge, et cette personne doit répondre aux questions de la Couronne. Au Royaume-Uni, c'est une infraction d'omettre de divulguer à la police de l'information à propos d'un geste terroriste potentiel, ou même d'un geste terroriste passé. Omettre de divulguer cette information constitue une infraction criminelle en soi, comme le prévoit un amendement apporté à la loi sur le terrorisme du Royaume-Uni, adoptée en 2000. Il serait donc juste de dire que le Royaume-Uni adhère à une politique plus ferme que la nôtre en ce qui a trait aux sanctions et à la criminalisation.
Je suis désolé, j'ai oublié la première partie de votre question.
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Il y a des similitudes. La disposition proposée vise à lutter contre la radicalisation des jeunes et tente de les empêcher de quitter le Canada pour participer à un camp terroriste ou prendre part à des activités terroristes.
Comme nous l’avons déjà souligné, ce projet de loi propose quatre nouvelles infractions liées au terrorisme.
Premièrement: est coupable d’un acte criminel quiconque quitte ou tente de quitter le Canada dans le but de commettre un acte criminel, conformément à l’article 83.18 du Code criminel, c'est-à-dire quiconque, sciemment, participe à une activité d’un groupe terroriste ou y contribue dans le but d’accroître la capacité de tout groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste.
Deuxièmement: est coupable d’un acte criminel quiconque quitte ou tente de quitter le Canada dans le but de faciliter sciemment une activité terroriste.
Troisièmement: est coupable d’un acte criminel quiconque quitte ou tente de quitter le Canada dans le but de commettre un acte à l’étranger au profit ou sous la direction d’un groupe terroriste ou en association avec lui.
Quatrièmement: est coupable d’un acte criminel quiconque quitte ou tente de quitter le Canada dans le but de commettre un acte criminel qui constitue, selon les éléments du dossier, un acte terroriste. En d’autres mots, toute infraction qui cadre avec la définition d’acte terroriste fournie à l’article 83.01 du Code criminel est considérée comme un acte criminel.
Ces nouvelles infractions entraînent une peine justifiée pour quiconque tente de quitter le pays pour commettre un de ces actes terroristes. Comme l’a souligné le ministre, je crois, ceux qui nous inquiètent — et il en est question dans le rapport annuel du SCRS —, ce sont les Canadiens qui quittent le pays dans le but de participer à des activités terroristes, comme ceux qui rallient les rangs d’al-Shabaab, en Somalie. Ces dispositions nous aident à sévir contre ces infractions. Nous espérons que ces dispositions auront un effet dissuasif et qu'elles montreront clairement que les Canadiens considèrent que ce comportement est criminel et qu’il doit être puni.