Nous commençons avec un peu de retard, aujourd'hui. Il y a eu un vote à la suite de la période des questions, à la Chambre des communes, et le service d'autobus étant ce qu'il est, certains de nos membres ne sont peut-être pas encore arrivés. Nous avons le quorum, cependant, et nous allons commencer.
Nous en somme à la 52e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, en ce mercredi 17 octobre 2012.
J'aimerais commencer par rendre hommage à Lori Bowcock et lui offrir mes meilleurs voeux. Il s'agit de la garde-frontière canadienne qui a été blessée par balle jeudi, au poste frontalier de Peace Arch, à Surrey, en Colombie-Britannique.
C'est la première fois de l'histoire canadienne qu'un de nos gardes-frontières en devoir est atteint par balle. Notre comité reconnaît les dangers et les risques du métier de nos gardes-frontières canadiens. Nous les félicitons pour leur courage et pour ce qu'ils font pour protéger notre pays. Nos pensées et nos prières accompagnent Mme Bowcock.
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.
Au cours de la première heure, nous allons entendre les gens de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada. M. Ian McPhail est le président par intérim de la commission.
Le comité vous remercie de votre présence.
Il est accompagné de M. Richard Evans, directeur principal des opérations, et de Mme Lesley McCoy, conseillère juridique, Bureau de la directrice exécutive.
Nous vous remercions de votre présence. Nous sommes impatients d'entendre vos propos. La parole est à vous.
:
Merci, monsieur le président.
Pour commencer, j'aimerais vous remercier, les membres du comité et vous, de nous avoir donné cette occasion de vous faire part des observations de la CPP concernant le projet de loi .
M. Evans et Mme McCoy ont tous deux travaillé de près avec moi à l'examen du projet de loi et de ses effets sur la commission. Mes commentaires seront brefs.
Les travaux des commissions d'enquête Marin et McDonald, dans les années 1970 et 1980, ont jeté les bases de l'actuel modèle d'examen de la GRC, établi en 1988. Par la suite, des rapports parlementaires, des groupes de travail composés d'experts et des enquêtes publiques sont venus améliorer le modèle initial en exigeant un examen civil plus serré et efficace de la GRC.
[Français]
La GRC est une grande organisation, diverse et complexe, en ce qui concerne son mandat et sa compétence.
[Traduction]
Ses activités sont intégrées à celles d'autres organismes d'application de la loi, ce qui ajoute à cette complexité, et sa présence dans tous les coins du pays et à l'étranger est unique, dans les milieux de l'application de la loi. Tout cela a pour effet de rendre l'organisation plus visible et d'accroître les contacts entre ses membres et le public, ce qui l'expose toujours plus aux critiques du public.
[Français]
C'est dans ce contexte que le commissaire Paulson a signalé les défis sérieux auxquels la GRC fait face.
[Traduction]
Il a laissé entendre que l'organisation est sur le point de perdre la confiance du public, alors que cette confiance lui est nécessaire pour faire son travail efficacement.
Aujourd'hui, on estime généralement qu'il faut absolument un mécanisme d'examen civil crédible et indépendant pour maintenir la confiance du public et pour la consolider, peu importe l'organisation policière dont il est question. C'est la raison pour laquelle il faut à la GRC et au public un régime d'examen ferme doté des pouvoirs et des ressources nécessaires pour faire enquête, pour évaluer les faits et pour émettre des conclusions crédibles, quand le public exprime des préoccupations au sujet de la façon dont la GRC s'acquitte de ses responsabilités.
Le régime d'examen doit pouvoir donner lieu à des recommandations constructives et correctives qui répondent aux préoccupations liées à la conduite des membres de la GRC dans l'exécution de leurs fonctions, ainsi qu'aux lacunes en matière de politique, de procédure ou de formation qui risquent de contribuer à des problèmes systémiques.
[Français]
Je crois que le projet de loi répond en grande partie à ces exigences.
[Traduction]
On y trouve de nouveaux pouvoirs qui aideront la nouvelle Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC à réaliser un examen correctif accru. Au premier coup d'oeil, la façon de traiter ces pouvoirs peut sembler complexe. J'estime que cette complexité est essentiellement le reflet nécessaire du paysage légal actuel et qu'elle correspond dans bien des cas aux procédures adoptées par la commission et par la GRC pour combler les lacunes ou les éléments ambigus des mesures législatives existantes.
Les nouveaux pouvoir qui sont prévus dans le projet de loi touchent cinq grands aspects. Premièrement, le projet de loi énonce clairement le droit de la nouvelle commission pour ce qui est d'accéder à l'information que détient la GRC et de déterminer l'information qui est pertinente à une enquête ou à un examen. Même si, dernièrement, la GRC coopère de plus en plus avec la commission sur ce plan, il n'en a pas toujours été ainsi. La définition claire que donne le projet de loi C-42 concernant le droit d'accès de la nouvelle commission à l'information que détient la GRC dissipera toute ambiguïté, en plus de faire disparaître une source de conflit possible entre les deux organisations. En cas de différend, le projet de loi prévoit un mécanisme de résolution en guise de solution de rechange au processus judiciaire, fort long et coûteux.
Deuxièmement, le projet de loi donne à la nouvelle commission le pouvoir d'entreprendre des examens portant sur des activités particulières de la GRC. La nouvelle commission pourra ainsi cerner les problèmes et suggérer des façons d'améliorer les politiques et les méthodes avant qu'il y ait plaintes du public ou situations d'urgence pouvant ébranler la confiance du public dans la GRC.
Troisièmement, la GRC pourra assigner des témoins, contraindre des témoins à comparaître et à faire sous serment des dépositions orales et examiner des dossiers, tout cela sans devoir prendre la mesure extraordinaire de réclamer une enquête publique.
Quatrièmement, le projet de loi C-42 permet à la nouvelle commission de travailler de concert avec les provinces qui utilisent à contrat les services de la GRC. La nouvelle commission sera en mesure d'échanger de l'information et des rapports avec les ministères et les homologues provinciaux dans tous les cas où il convient de le faire. Elle aura aussi le pouvoir de mener des enquêtes, des examens ou des audiences conjointement avec d'autres organismes d'examen de l'application de la loi. Je pense que le projet de loi C-42 répond dans une grande mesure à ces exigences.
Enfin, le projet de loi permet à la nouvelle commission d'exercer un meilleur contrôle sur le processus de plainte. Par exemple, en vertu des mesures législatives actuelles, il n'y a pas de délai prescrit pour le dépôt d'une plainte. Le projet de loi C-42 impose un délai d'un an, mais une prolongation du délai est possible pour les plaintes et les examens, dans les cas où c'est raisonnable.
Ces améliorations répondent effectivement à bon nombre des faiblesses du régime d'examen actuel, mais j'ai quelques observations à faire au comité.
Ma première préoccupation, qui est personnelle — je l'admets —, est liée à l'immunité de la présidence de la commission. Le projet de loi C-42 assure une certaine immunité aux membres de la nouvelle commission, dans l'exercice de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités, mais pas à la présidence de la commission. Je crois que ce serait facile à régler. Je serais heureux — tout comme mes successeurs, j'en suis sûr —, si je ne risquais pas la prison chaque jour que je passe au bureau.
La deuxième chose que j'aimerais soulever est liée aux dispositions du projet de loi qui donne au commissaire de la GRC ou à son délégué le pouvoir de refuser d'enquêter sur une plainte qui, selon le président de la nouvelle commission, relève de l'intérêt du public. En vertu de l'actuelle Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, la GRC n'a pas cette possibilité: une plainte soumise par le président doit faire l'objet d'une enquête. N'importe quel processus d'examen civil perdra sa crédibilité si l'organisation soumise à l'examen est en mesure de déterminer si des enquêtes sont menées ou pas. Je crois qu'un simple amendement résoudrait facilement la question.
Troisièmement, je me préoccupe de ce que le projet de loi exige de la nouvelle commission qu'elle protège les renseignements protégés qu'elle obtient de la GRC, sans toutefois exiger de la GRC qu'elle indique les renseignements qui sont protégés. La nature confidentielle des renseignements n'est pas toujours évidente à première vue, d'autant plus que la définition que donne le projet de loi des renseignements protégés n'est pas limitative. La commission reconnaît l'importance de protéger les renseignements protégés. Cependant, pour que ces mesures soient convenablement appliquées, il faut que la GRC soit tenue d'en informer la nouvelle commission lorsqu'elle lui transmet des renseignements protégés.
Enfin, on accepte généralement le principe selon lequel l'examen civil, pour être efficace, doit être opportun. La commission a adopté ce principe et s'impose des délais stricts pour toutes les étapes du processus de plainte. Elle dépose annuellement un rapport public sur son propre rendement concernant ces délais.
Je suis content de voir que le projet de loi englobe le principe des normes de service pour la nouvelle commission. Je crois qu'il serait bon d'adopter des normes de services pour la GRC aussi.
Outre mes observations, je suis d'avis que le projet de loi codifie de bien des façons diverses pratiques adoptées par la GRC et par la commission au cours des dernières années. Je dirais que ces pratiques sont évidentes, compte tenu de l'appui croissant que donne la GRC à l'examen externe, et parce qu'elle reconnaît que nous travaillons tous à réaliser le même objectif: une GRC plus responsable et qui inspire davantage confiance.
Cette reconnaissance a certainement contribué à l'efficacité du travail de la commission depuis que j'en suis le président par intérim. Je vous assure que nous n'avons pas manqué de travail.
En plus de répondre au nombre toujours croissant de contacts avec le public concernant la conduite de membres de la GRC, la commission a réagi à un certain nombre d'incidents très médiatisés, comme les décès de Raymond Silverfox, John Simon et Clay Willey alors qu'ils étaient détenus, ainsi que les actes des agents de la GRC dans le contexte des sommets du G-8 et du G-20.
La commission a aussi réalisé un examen complet des services de police de la GRC au Yukon, et nous avons continué de produire annuellement un rapport de notre analyse de l'utilisation que fait la GRC des dispositifs à impulsions.
La commission mène actuellement une enquête sur la façon dont la GRC a traité les allégations de harcèlement au travail. Dans le contexte de cette enquête, nous avons examiné environ un millier de dossiers de la GRC et 70 soumissions publiques individuelles à ce sujet.
Nous nous penchons sur la façon dont la GRC répond aux plaintes de harcèlement au travail et sur la mesure dans laquelle leurs politiques leur permettent de traiter ces plaintes. Nous comptons terminer notre rapport vers la fin de l'année civile.
Je suis très fier de tout cela. Il me tarde de voir la nouvelle commission poursuivre ce travail et en faire encore plus, grâce à ses pouvoirs accrus et à la régularisation de son financement. Comme vous le savez, depuis plusieurs années, la commission compte sur un financement provisoire qu'il faut renouveler chaque année pour s'acquitter de son mandat. Dans de telles circonstances, il est difficile pour la commission de maintenir son orientation stratégique tout en s'assurant de réagir dans toute la mesure requise aux nouveaux enjeux importants. J'estime, cependant, que grâce aux pouvoirs accrus qui sont prévus dans le projet de loi , conjugués à un financement stable et légèrement plus élevé, la commission sera mieux en mesure d'en faire encore plus pour la GRC et les Canadiens.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci.
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Je suis très heureux de répondre à vos deux questions.
Premièrement, en termes d'indépendance, le projet de loi accroîtra en fait, selon moi, l'indépendance de la commission en lui confiant les pouvoirs élargis dont j'ai parlé un peu plus tôt, et de plus, en lui accordant un budget stable et un peu plus important qu'à l'heure actuelle.
Il est intéressant de noter également qu'en accroissant la collaboration avec les provinces et leurs responsabilités, on accroît du même coup l'indépendance de la commission, car en ayant à se justifier auprès de plus d'instances et à leur rendre compte, elle devient plus autonome.
En ce qui a trait aux préoccupations des provinces, le projet de loi C-42 y répond de diverses façons. Tout d'abord, lorsque la commission reçoit une plainte, elle fera parvenir un avis à l'organe d'examen de la province concernée. Le ministre responsable des services de police dans la province recevra en outre une copie de tous les rapports. Cela sera tout particulièrement utile, car lorsqu'une plainte fait les manchettes, il est logique que les autorités provinciales comprennent les démarches d'enquête de la commission, ainsi que ses conclusions et ses recommandations. Il ne faut pas oublier que la GRC joue un rôle de police provinciale dans 7 des 10 provinces, en plus de son rôle de police nationale. Comme la commission n'a pas ces pouvoirs à l'heure actuelle, je crois que c'est un grand pas en avant.
De plus, la nature des services policiers est devenue plus complexe au cours des dernières années. Les opérations policières conjointes sont plus nombreuses. Je peux vous donner l'exemple d'une opération conjointe menée par la GRC en Colombie-Britannique, à titre de police provinciale, et les services de police de la ville de Vancouver. Cela n'a pas eu lieu, mais si un examen avait été nécessaire ou qu'une plainte avait été déposée auprès d'un organe comme celui-ci en vertu de la nouvelle loi, la CPP, ou la CCETP suivant le nouveau nom qu'elle portera, pourra mener son enquête en collaboration avec les instances provinciales. L'organe d'examen provincial pourra donc participer pleinement à l'examen et l'enquête.
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Merci, monsieur le président.
J’assure la présidence du Comité externe d’examen de la Gendarmerie royale du Canada depuis maintenant sept ans, soit depuis 2005.
Je suis heureuse d’avoir à mes côtés M. David Paradiso, directeur exécutif et avocat principal.
Je vais d’abord prononcer une brève déclaration.
[Français]
Monsieur le président, chers membres du comité, c'est avec plaisir que je prends la parole devant vous à titre de présidente du Comité externe d'examen de la GRC, ou CEE.
La rédaction du projet de loi est d'un grand intérêt pour le CEE, et je me réjouis de pouvoir vous présenter mon propre point de vue à ce sujet.
[Traduction]
Créé en 1986, le Comité externe d’examen de la GRC, ou le CEE, est un tribunal des relations de travail indépendant et autonome pour les gestionnaires, les membres réguliers et le personnel civil de la GRC. Depuis près de 25 ans, le CEE offre un service d'examen des plaintes hautement spécialisé, objectif et neutre. Fait singulier, il permet également au grand public de prendre connaissance des mécanismes de résolution de conflits de travail à la GRC, ce qui est tout aussi important.
La GRC est le seul corps policier non syndiqué au pays. Il est donc essentiel que le CEE ne soit pas assujetti aux processus internes de la GRC afin de rendre des décisions équitables et neutres dans le cas de griefs et de mesures disciplinaires.
Peu importe le dossier, le CEE effectue un examen complet et impartial en s’appuyant sur les faits qui lui sont présentés, y compris les documents originaux, les présentations des parties concernées et la décision rendue. À cet égard, il fonctionne un peu comme une cour d’appel, puisqu’il ne tient compte que du dossier de la preuve. Cependant, contrairement à une cour d’appel, il ne rend pas de décisions; il fait des recommandations. L'opinion du CEE n’a pas force de loi. Le comité fait part de ses conclusions et recommandations aux parties concernées et au commissaire de la GRC. En vertu de la loi, le commissaire doit tenir compte des recommandations du CEE, mais n’est pas tenu de les appliquer. C'est lui qui rend la décision sans appel dans tous les dossiers.
Traditionnellement, le commissaire accepte environ 85 p. 100 des recommandations du CEE. S’il décide de ne pas y souscrire, il doit en expliquer les raisons par écrit.
Passons maintenant au sujet du jour, soit le projet de loi .
Cette mesure législative propose de donner à la GRC le pouvoir de créer et de mettre en place un système restructuré de mesures disciplinaires et de traitement des griefs. En vertu du projet de loi , le processus disciplinaire serait simplifié et les cadres supérieurs disposeraient de plus d’options leur permettant de sanctionner immédiatement les employés visés. Les cas sérieux continueraient d’être renvoyés à un comité d’examen des écarts de conduite. On propose aussi de donner à ce comité le pouvoir discrétionnaire de résoudre certains dossiers sans tenir une audience formelle.
La GRC élaborera un nouveau système de traitement des griefs, dont les détails ne seront connus qu’une fois les changements apportés et le projet de loi adopté.
[Français]
Nous sommes heureux de pouvoir contribuer au renouvellement et à la simplification des processus de la GRC. Quels que soient les changements que le gouvernement juge bon d'apporter, l'approche du CEE demeurera la même. Le CEE s'engage à fournir à la direction et au personnel de la GRC toutes les protections prévues par la loi et à veiller à ce que les deux parties soient toujours égales devant la loi.
[Traduction]
Pour la plupart d’entre nous, la GRC est une institution nationale et un des meilleurs corps policiers au monde. Pour les milliers de membres réguliers, d'employés civils et de fonctionnaires, c’est aussi leur employeur. Nous savons que la qualité du lieu de travail a un impact sur la qualité des services offerts. Depuis 25 ans, le CEE résout les conflits de travail à la GRC de façon objective et claire.
Plus que jamais, il est essentiel d’offrir une vision externe indépendante pour convaincre les gestionnaires et employés que les processus internes sont équilibrés, et montrer au public que la GRC prend au sérieux ses responsabilités d'employeur.
[Français]
Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant disposée à répondre à vos questions.
Merci.