:
Bonjour à tous, et bienvenue à notre comité.
Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale tient sa 28e séance. Nous sommes le mardi 6 mars 2012.
Nous poursuivons aujourd'hui l'étude sur la surveillance électronique dans le contexte des services correctionnels et de la mise en liberté sous condition ainsi que dans celui de l'application des lois sur l'immigration, dans le but d'en déterminer l'efficacité, d'examiner le rapport coût-efficacité et l'état de préparation de la mise en oeuvre.
Au cours de notre première heure, nous allons entendre Larry Motiuk, conseiller spécial de l'Équipe du renouvellement de l'infrastructure du Service correctionnel du Canada. Il a travaillé pour le Service correctionnel du Canada sur les normes régissant la surveillance des détenus mis en liberté sous condition, sur les ex-détenus, sur les délinquants violents ou à risque élevé ainsi que sur les processus d'évaluation et les programmes de traitement. M. Motiuk est professeur affecté à la recherche à l'Université Carleton et il possède un doctorat en psychologie.
Monsieur, nous vous souhaitons la bienvenue au comité. Nous vous remercions d'être venu. Nous avons déjà entendu des représentants du Service correctionnel du Canada, mais je sais que votre témoignage apporte toujours des éléments nouveaux et nous sommes heureux de pouvoir obtenir des commentaires d'une personne qui a peut-être un point de vue légèrement différent.
Puis-je vous inviter à présenter votre déclaration préliminaire?
:
Je remercie le président et les membres du comité de m'avoir invité à parler aujourd'hui des initiatives du Service correctionnel du Canada en matière de surveillance électronique.
Je m'appelle Larry Motiuk, et je suis actuellement affecté, à titre de conseiller spécial, à l'Équipe de transformation et de renouvellement du Service correctionnel du Canada. Je suis titulaire d'un doctorat en psychologie et d'une maîtrise en psychologie clinique.
Avant cette affectation, j'ai été directeur général des Programmes pour délinquants et de la réinsertion sociale, de 2006 à 2010, à l'administration centrale du SCC. Dans le cadre de mes fonctions, j'ai fourni des conseils sur les politiques, la planification et les dispositions législatives touchant la gestion opérationnelle des délinquants en établissement et dans la collectivité. C'est au cours de cette période que j'ai participé, au sein de notre équipe de gestion, à la mise en place du Programme pilote de surveillance électronique.
Au cours des 25 ans où j'ai travaillé au SCC, j'ai également été directeur général de la recherche pendant 13 ans, au cours desquels j'ai supervisé et évalué des projets de recherche opérationnelle d'envergure nationale. Ces projets portaient notamment sur les normes nationales régissant la surveillance des détenus mis en liberté sous condition, sur la santé mentale, les délinquants sexuels, la gestion du risque et l'efficacité des programmes correctionnels.
J'ai rédigé de nombreuses publications au fil des ans et travaillé en étroite collaboration avec les divers ministères des services correctionnels à l'étranger. De plus, j'ai siégé au conseil d'administration de l'International Community Corrections Association, de 1999 à 2005.
À l'image de l'étude actuellement entreprise par le comité permanent, le Comité d'examen du Service correctionnel du Canada s'est penché, en octobre 2007, sur le recours à la surveillance électronique dans la collectivité et a entendu diverses opinions préconisant l'utilisation de cette technologie pour contrôler tous les délinquants mis en liberté et aussi une utilisation limitée à certains délinquants soumis à une surveillance prolongée par le SCC.
C'est à peu près au moment où le SCC examinait le recours à la surveillance électronique, que, si j'ai bien compris, vous avez entendu parler de l'analyse documentaire sur la surveillance électronique, réalisée par la Direction de la recherche du SCC.
En réponse aux nombreuses observations et recommandations formulées par le comité d'examen, le SCC a lancé le Programme de transformation, une initiative ambitieuse visant à améliorer les activités du SCC et à renforcer la sécurité des Canadiens.
Un grand nombre des initiatives mises en place dans le cadre du Programme de transformation ont été intégrées aux activités et aux plans du SCC, mais le travail n'est pas encore terminé, et le Programme de transformation demeure de la plus haute importance pour le SCC. Le SCC continue de réaliser des progrès dans les initiatives en cours du Programme de transformation qui ont permis au SCC de mieux se positionner afin de gérer efficacement la population de délinquants actuelle et de relever les nouveaux défis.
Ces initiatives interreliées s'inscrivent dans les thèmes suivants: responsabilisation accrue des délinquants, élimination des drogues dans les établissements carcéraux, amélioration des programmes correctionnels et des compétences des délinquants relativement à l'employabilité, modernisation de l'infrastructure physique et renforcement des services correctionnels communautaires.
Le projet pilote de surveillance électronique venait appuyer le Programme de transformation du SCC en augmentant la sécurité de la collectivité et du personnel, tout en accentuant la responsabilisation des délinquants, un élément clé de l'objectif du renforcement des services correctionnels communautaires.
Le Service correctionnel du Canada en est à la phase 3 de son Programme de transformation, qui vise à assurer l'intégration continue des initiatives de transformation.
En septembre 2008, le Programme pilote de surveillance électronique, PPSE, a été mis en oeuvre, et cela, dans un délai relativement court. Une proposition de projet, une charte du projet, un concept des opérations et des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée ont été préparés. Les lignes directrices et les protocoles d'intervention élaborés en appui au PPSE ont été approuvés. On a créé de nombreux formulaires et documents opérationnels afin d'appuyer le projet et d'atténuer les risques.
Plusieurs groupes de travail faisant appel à des intervenants internes ont été mis sur pied: le groupe de travail sur la SE, le groupe de travail des SGISE — notre volet technologie informatique — y compris l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels (AIPRP). Nous avons tenu des réunions hebdomadaires du comité national et un groupe de travail chargé de l'évaluation a été formé.
La formation des agents communautaires de libération conditionnelle a eu lieu dans les bureaux de Hamilton, du centre-ville de Toronto, de l'Est de Toronto, de l'Ouest de Toronto, de London et de Kingston, et 32 employés l'ont suivie.
Des séances d'information ont été organisées dans différents établissements de la région de l'Ontario et avec des partenaires des services de police dans la région métropolitaine de Toronto. Tous les intervenants externes ont été informés au moyen d'une lettre personnelle et de la distribution de dépliants d'information sur le PPSE, en plus d'être invités à demander de plus amples renseignements.
Le programme pilote, initialement mis en oeuvre dans le District central de l'Ontario, a par la suite été étendu pour englober la plus grande partie de l'Ontario et le district du Nunavut.
Les agents de libération conditionnelle ont permis au SCC de suivre jusqu'à 30 délinquants en même temps. Le SCC a obtenu ces services dans le cadre d'une lettre d'entente avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, qui a fourni l'expertise en technologie.
L'entente initiale conclue avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a expiré en septembre 2009, mais les services associés au projet pilote fournis par la Nouvelle-Écosse ont été prolongés d'un an, jusqu'en août 2010.
Ma participation directe au projet pilote de surveillance électronique a pris fin en mars 2009. À ce moment-là, 22 délinquants ayant participé au PPSE n'ont entraîné aucun incident notable, ni soulevé de préoccupations importantes. Trois délinquants ont terminé le programme avec succès, et leurs bracelets ont été retirés.
J'aimerais conclure ma déclaration préliminaire en mentionnant que le Canada a toujours pu s'enorgueillir d'être un chef de file mondial dans le domaine de la recherche correctionnelle et de la réadaptation. Que ce soit pour la mise au point d'outils d'évaluation scientifique pour le classement des détenus selon le niveau de sécurité, l'affectation aux programmes et le risque lié à la mise en liberté ou pour la conception et la prestation de programmes de réadaptation et de méthodes de surveillance à la fine pointe du progrès, nos spécialistes des services correctionnels ont toujours été à l'avant-garde.
C'est grâce au talent et aux efforts des chercheurs et des spécialistes que le Canada obtient autant de succès. Nous devons plus que jamais miser sur l'avantage que nous possédons sur les plans de la technologie et de la recherche en matière correctionnelle.
Je suis impatient de discuter avec vous de ces questions. Il est important que le point de vue correctionnel soit présenté à ce genre de réunion et que toutes les composantes du système de justice pénale travaillent ensemble pour obtenir des résultats efficaces et positifs en ce qui concerne la sécurité publique.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, Monsieur Motiuk, d'être venu aujourd'hui.
Au cours de notre dernière séance, nous avons entendu le témoignage d'un de vos collègues, qui, je crois a aussi participé à cette étude, M. Brian Grant, et il nous a donné une idée de la nature de l'étude effectuée en 2007.
Je me demande si vous pouvez nous donner un aperçu général, basé sur votre participation à la collecte de... Je crois savoir que l'étude consistait à recenser la recherche et les autres études pour préparer ce rapport.
Dans cette optique et également en vous fondant sur votre expérience sur le plan de l'aide fournie aux délinquants pour qu'ils retournent dans la société en étant réadaptés, pouvez-vous nous dire, quels sont, à votre avis, les avantages et les points forts de la surveillance électronique? J'aimerais également savoir quelles seraient les composantes et les aspects négatifs qui ne seraient pas très utiles pour ce qui est de réadapter les délinquants et de réduire la récidive?
:
Pour répondre à la première partie de la question au sujet de l'examen de la recherche sur la surveillance électronique qui a été fait en 2007 et publié par la direction de la recherche, je le connais très bien parce que cet examen a en fait été lancé au moment où j'étais directeur général de la recherche.
À cette époque, nous recherchions constamment de nouvelles méthodes et de nouvelles technologies applicables à la surveillance des délinquants et la façon de faire habituelle consiste à procéder à un examen systématique de la recherche effectuée, à explorer toute une gamme de questions et à prévoir les difficultés et le reste. Un des aspects les plus notables, si l'on se reporte à l'année 2006-2007, était que nous n'utilisions pas la technologie de la surveillance électronique, alors que de nombreux autres pays le faisaient tout comme, sur le plan national, certaines provinces.
La technologie et son application ont soulevé à l'époque une certaine controverse. Nous avons néanmoins entrepris d'effectuer un examen systématique et approfondi. Je crois savoir que cet examen vous a été communiqué; on peut le consulter sur Internet, sur le site Web de la direction de la recherche du SCC. J'imagine que M. Grant vous a donné un résumé des points saillants de l'examen et des observations qu'il contient.
Un des aspects à considérer qui est ressorti de la recherche portait sur l'efficacité de la SE pour réaliser tous les objectifs recherchés. Les résultats tirés de l'examen de la recherche étaient équivoques et mitigés. Lorsque l'on dit équivoques et mitigés, cela veut dire qu'il ne s'agit pas d'expérimenter, de démontrer ou d'adopter la technologie pour voir quelle orientation choisir. Les principaux facteurs justifiant la mise en oeuvre de cette technologie qui ressortaient de cet examen de la recherche étaient, dans l'ensemble, la volonté de réduire la population carcérale dans les autres pays ou de trouver les moyens de réduire les coûts. L'examen de la recherche effectué à l'époque indiquait qu'il y avait encore beaucoup à faire. La recherche ne disait pas que cela ne se ferait pas, mais que c'était encore à faire.
Aspect classique de la plupart des examens de la recherche, nous avons également constaté que nous avions besoin d'études utilisant une méthodologie plus raffinée pour être en mesure de suivre des nouvelles technologies. Je peux vous garantir que cette technologie a considérablement progressé ces dernières années. Il a été frappant de constater qu'au moment où les évaluations et les études ont été publiées, la technologie avait déjà considérablement évolué.
À cette époque, les aspects étudiés étaient la différence entre la technologie des émetteurs de fréquence radio et celle du GPS; personne n'avait beaucoup d'expérience dans l'utilisation de cette technologie, mais celle-ci suscitait énormément d'intérêt. Il existait également à l'époque une technologie qui combinait les deux. L'idée de base est que nous voulions utiliser la technologie la plus moderne possible et adopter une approche axée sur la technologie GPS. J'ai pensé qu'il serait intéressant de lancer un projet pilote qui aurait pour but de tester cette technologie.
Pour répondre à la question portant sur les résultats de cette recherche, je dirais que nous avons constaté qu'il fallait faire encore davantage de recherche pour suivre les nouvelles technologies et pour bien comprendre à quoi serait associée la composante de valeur ajoutée de cette technologie, une fois intégrée aux stratégies existantes de surveillance communautaire.
C'est l'examen de la recherche qui a été effectué à l'époque. Pour en revenir à la question de savoir ce que nous a appris notre examen de la recherche, je répondrai de la façon suivante à la question sur la surveillance communautaire et l'expérience acquise dans ce domaine.
Dès que j'ai commencé à travailler pour le service correctionnel du Canada, j'ai été affecté au projet d'élaboration des normes régissant la surveillance des détenus mis en liberté sous condition. À l'époque, je venais du système provincial qui avait adopté une technologie basée sur l'évaluation du risque et des besoins de délinquants pour déterminer la fréquence optimale des contacts avec les probationnaires et les libérés conditionnels pour ce qui est des normes de surveillance dans le système provincial ontarien et nous envisagions d'en faire une norme de surveillance — nous voulions établir la fréquence optimale des contacts pour les délinquants fédéraux qui étaient surveillés dans la collectivité.
La plus grosse partie de ce travail faisait suite à une grande enquête qui avait été tenue au milieu des années 1980, l'enquête Ruygrok, qui avait formulé des recommandations importantes au sujet des normes de surveillance communautaire des délinquants et des façons d'améliorer nos stratégies de surveillance. C'est ce qui a constitué le défi permanent des services correctionnels communautaires, à savoir améliorer les normes et les pratiques, améliorer la réponse aux préoccupations en matière de sécurité publique, réduire le risque de récidive des délinquants faisant l'objet d'une surveillance dans la collectivité et favoriser une réintégration plus sûre et la transition entre les établissements et la collectivité.
Le Service correctionnel du Canada a lancé de nombreuses autres initiatives pendant toutes ces années. Je me souviens des stratégies de gestion communautaire des délinquants et de la stratégie correctionnelle qui remontent au début des années 1990 et qui examinaient l'intégration par rapport à la continuité des soins du point de vue de la gestion des cas, de l'évaluation initiale à l'admission jusqu'à la surveillance et l'intervention institutionnelles pendant l'incarcération, la préparation des cas, la préparation de la mise en liberté et ensuite, la surveillance communautaire.
Dans chacun de ces domaines, de grandes initiatives ont été lancées pour rechercher les moyens de réduire les coûts, pour améliorer l'efficacité et apporter des améliorations.
Je dirais sans doute qu'un des principaux domaines dans lequel les progrès les plus importants ont été réalisés est celui des programmes correctionnels au sein du Service correctionnel du Canada. Nous avons des programmes correctionnels de pointe. Ils sont basés, évalués et étudiés à partir de données scientifiques; ils sont internationalement reconnus et il a été démontré qu'ils entraînaient une réduction importante de la récidive.
:
Comme vous le savez, le projet pilote a été évalué en examinant un certain nombre d'aspects. Je crois savoir que le comité a distribué ce document, qui examine de façon approfondie des aspects comme l'utilité de la technologie de la surveillance électronique et la question de savoir si elle est conforme aux priorités du gouvernement énoncées dans notre document de mission. Cette technologie a été déclarée être conforme aux priorités du gouvernement en matière de protection du public et de sécurité, ainsi qu'à notre document de mission pour ce qui est de ce que nous essayions d'obtenir.
Sur le plan de la mise en oeuvre, l'évaluation a fait ressortir un certain nombre d'aspects comme des défis technologiques — qui vont de la pile au poids de l'appareil lui-même jusqu'à la dérive du signal et à l'alarme de sabotage.
Un des principaux objectifs du projet pilote était de tester la technologie, d'acquérir de l'expérience avec chacun de ces modèles sur le plan de la durée de vie de la pile, de la dérive du signal, l'incommodité du port du bracelet et des appareils, tout cela jusqu'aux alarmes de sabotage et aux fausses alarmes.
En utilisant cet équipement, nos agents opérationnels ont acquis une grande expérience de la façon de s'en servir. Le projet pilote a donné des résultats extrêmement utiles: il a permis de trouver des solutions technologiques et de les utiliser. D'après ce que je comprends, il existe une meilleure technologie et de meilleures façons de s'en servir. D'après ce que m'ont dit mes collaborateurs et les rapports qu'ils m'ont fournis pendant le projet pilote, je pense qu'il est possible de résoudre la plupart de ces problèmes, même si nous continuerons à connaître certaines difficultés. C'était là un des problèmes techniques mentionnés par la plupart des intéressés.
En ce qui concerne le succès du projet pilote, l'évaluation a permis de constater qu'il n'était pas concluant, ce qui est conforme aux conclusions des autres études. Il n'a toujours pas été démontré que ces technologies permettent de faire des économies et offrent d'autres avantages. C'était un projet pilote qui portait sur un petit groupe d'individus choisis. Nous ne pourrons pas faire véritablement des économies sans mettre en oeuvre ce projet à l'échelon national et sans l'appliquer à un plus grand nombre d'individus, ce qui permettrait d'en retirer ces avantages. Le potentiel existe toujours. C'est donc un aspect qui n'est pas démontré et qui ne pourra l'être, si nous n'élargissons pas la portée du projet.
Nous avons toutefois obtenu quelques avantages inattendus. Certains délinquants ont déclaré en avoir retiré un avantage personnel, dans le sens que cette surveillance a amélioré leurs possibilités de réinsertion sociale et les a aidés dans ce domaine. Ils ont passé des entrevues et ont été interrogés sur certains sujets de ce genre au cours de l'évaluation. Le projet pourrait donc offrir certains avantages dans ce domaine.
Je lui vois toutefois au moins un point fort, celui d'ajout intéressant aux outils de surveillance. À tout le moins, cette technologie modernise notre capacité de savoir où se trouvent les individus qui doivent respecter certaines conditions en matière de zone géographique — des zones d'inclusion ou d'exclusion ou les endroits où ils doivent en théorie se trouver. Cela réduit également les efforts que nous devons déployer pour chercher le moyen d'intervenir, dans le cas où une alarme se déclencherait.
Nous savons également que cela renforce ce que nous appelons « la responsabilisation des délinquants ». Pour un bon nombre de délinquants, la responsabilisation est associée à leur attitude, à leur comportement et à une compréhension de la façon dont ils agissent. Le fait que les délinquants aient été surveillés pendant toute cette période les a amenés à être extrêmement conscients du fait que nous savions où ils se trouvaient, et ils ont eu tendance à respecter ce genre de restriction.
Cette technologie offre également d'autres possibilités à long terme. Nous savons qu'elle peut avoir pour effet de réduire la durée de l'application des conditions en matière de résidence. Elle pourrait être utilisée pour renforcer les stratégies communautaires et être intégrée à d'autres éléments, comme les rapports entre l'agent de libération conditionnelle et le délinquant. Nous savons également qu'elle peut être intégrée à une stratégie comportant des programmes communautaires, d'autres mécanismes de soutien, et qu'elle pourrait également renforcer ces mesures. Nous savons encore qu'elle peut offrir une solution de rechange à la suspension ou à la révocation de la libération, selon la situation particulière de l'individu concerné.
Offre-t-elle donc des avantages de ce côté? Je dirais que oui. Sur le plan de la technologie, pour ce qui est des coûts, nous savons que les coûts diminueront si nous élargissons la portée du programme et renforçons notre capacité de l'utiliser pour différents types de délinquants.
Le projet pilote était limité à certains types de délinquant, pour la plupart les délinquants représentant un risque faible parmi tous les délinquants fédéraux faisant l'objet d'une surveillance. Il ne visait pas une clientèle à risque élevé, pour laquelle cette technologie pourrait fort bien offrir des avantages à l'avenir. Il faudra attendre une autre évaluation pour obtenir des éclaircissements sur cette question.
:
Merci, monsieur le président. Je m'adresse à vous pour remercier le témoin d'avoir comparu.
Je vais essayer de poser une brève question. Vous y avez déjà répondu en partie de différentes façons, mais j'aimerais avoir des réponses claires.
Lorsque nous avons décidé au départ d'étudier ce programme, j'ai pensé que c'était un outil qui permettrait de faire des économies. Je suis une personne qui aime se donner des objectifs et je dirais donc que l'objectif général est celui que vous avez décrit: responsabiliser davantage la personne qui doit se réadapter, tout en essayant de réduire les coûts.
C'est donc sur cet objectif que j'ai axé ma réflexion parce qu'il me semble particulièrement intéressant que ce programme offre la possibilité d'épargner beaucoup d'argent. Je crois que certains témoins nous ont déclaré que le coût par jour était d'environ 20 $, alors que la détention d'un détenu dans une cellule coûte entre 100 et 200 $ par jour. Cela m'indique dès le départ qu'il serait important de faire certaines choses en dehors des établissements correctionnels.
Cela dit, et étant donné que votre programme a donné des résultats qui ne sont pas concluants, j'imagine que mettre sur pied un programme national — en fixant certaines limites de temps, parce que dans notre monde où il y a des gouvernements et une opposition, il n'est pas possible de mettre sur pied un programme permanent s'il ne vous donne pas les résultats... Serait-ce d'après vous une bonne idée que le comité propose, parmi ses recommandations, que l'on mette sur pied qu'un programme national qui s'appliquerait à la majorité des types de contrevenants pendant une certaine période — et je vais vous laisser décider quelle devrait être la durée souhaitable de cette période, mais je dirais que 18 mois à deux ans devraient suffire — en se fondant sur certaines choses que j'ai dites?
:
Je dirais dès le départ que la mise en oeuvre, à l'échelon national, de la surveillance électronique et l'évaluation d'un tel programme deux ou trois ans après seraient des mesures extrêmement utiles. Cela nous permettrait d'élargir les critères de sélection au-delà des individus qui représentent un risque faible, ce qui nous empêche de démontrer qu'un tel programme a des répercussions intéressantes sur le plan des résultats dans le domaine de la mise en liberté sous condition pour cette raison.
Recommander un programme de portée nationale au Canada est un aspect important à cause de l'étendue géographique de notre pays et de l'éloignement des lieux où nous devons assurer une surveillance. Cela est vraiment une excellente idée, du point de vue opérationnel, mais également du point de vue méthodologique.
Pour ce qui est des délais, vous avez raison de penser que nous avons besoin de temps pour lancer une initiative de surveillance électronique et la mettre en oeuvre. En général, une période de deux à trois ans est idéale.
Dans notre environnement opérationnel, il est assez courant de procéder à des évaluations cycliques pour examiner l'application dans le temps de nos programmes. Ces évaluations s'effectuent sur une période de trois à cinq ans pour un programme ou une mesure du genre. Il faut qu'elles soient bien conçues, bien gérées et qu'elles intègrent la mesure de plusieurs résultats pertinents. Il serait extrêmement important de mesurer certains résultats. Il serait bon de suivre les délinquants qui ont fait l'objet d'une suspension ou d'une révocation de leur mise en liberté et qui ont été renvoyés dans un établissement; ce pourrait être un des résultats qu'il faudrait examiner.
Le respect des conditions de résidence qui sont imposées aux délinquants serait peut-être un autre résultat à mesurer. Un tel programme permettrait peut-être de réduire la durée d'application des conditions, ce qui veut dire que, même dans la collectivité, les coûts associés à l'accueil d'un détenu dans une maison de transition ou dans un centre correctionnel communautaire pourraient également être réduits.
De sorte que, oui, une mise en oeuvre à l'échelon national pourrait offrir certains avantages.
Du point de vue de la technologie, il nous faudra trouver les appareils et l'équipement et avoir les ressources pour les acquérir. Je pense que l'état de préparation opérationnel qui était le but du projet pilote initial, à savoir prouver que cela est possible... mais il faudrait également l'étendre au-delà d'une seule région pour pouvoir vraiment en mesurer l'impact. En allant au-delà d'une région, qui était la région de l'Ontario pour notre organisation, nous pourrions alors vraiment savoir quels seraient les résultats.
:
J'ai moi-même constaté certaines de ces limites au début de la mise en oeuvre du projet pilote à laquelle j'ai participé. Nous étions en train de surveiller des délinquants au centre-ville de Toronto et il arrivait qu'ils disparaissent tout à coup dans le métro. Mais ils doivent tout de même réapparaître à un moment donné. Nous avons progressivement appris à reconnaître leurs types de comportement. Nos agents de libération conditionnelle sont devenus très habiles, tout comme le centre de surveillance, à discerner ces comportements et à en tirer des déductions.
Sur le plan opérationnel, il existe certaines façons de régler ces problèmes à mesure que l'on acquiert de l'expérience avec la surveillance, en particulier pour ces zones mortes dans les édifices de grande hauteur et ailleurs.
Pour ce qui est des zones rurales, nous avons surtout visé, dans les débuts du projet pilote, la région du Grand Toronto. Je pense qu'aujourd'hui, la technologie a fait des progrès. Je crois qu'il existe des façons de surmonter ces obstacles. C'est la raison pour laquelle nous lançons des projets pilotes, pour acquérir cette expérience de façon à mieux cerner les limites de cette technologie.
Je dirais également au sujet des alertes de sabotage, auxquelles il ne faut pas toujours nécessairement répondre mais plutôt disposer de moyens supplémentaires pour vérifier ce qui se passe, il peut parfois suffire de faire un appel téléphonique. On pourrait également demander à une source d'information de vérifier où se trouve réellement l'individu en question, plutôt que d'envoyer un protocole d'intervention au service de police pour l'arrêter.
Il existe également d'autres mécanismes de vérification, d'autres façons de réagir à ce genre de situation. Il faut approuver cette technologie, en comprendre les limites, chercher à l'améliorer et apprendre à en contourner les faiblesses, comme nous le disons, à l'égard des limites de ces appareils.
:
Si l'élargissement du recours à la surveillance électronique fait déjà partie du projet de loi , cela veut dire qu'il était déjà prévu d'élargir cette utilisation. J'imagine que cette décision était fondée sur des données scientifiques indiquant qu'elle est efficace. Je crois que nous nous trouvons dans une sorte de cercle vicieux puisque le gouvernement va de l'avant avec la surveillance électronique étant donné qu'il a même inclus des dispositions à ce sujet dans son projet de loi. Vous semblez aller de l'avant pour ce qui est de financer d'autres recherches et puis nous intervenons pour vous recommander de poursuivre dans cette direction. Je ne comprends pas très bien ce qui se passe.
Les résultats sont mitigés. Vous avez parlé de résultats mitigés ou équivoques. Mais il y a un domaine où, je vous le dis franchement, l'application de cette technologie n'est pas compliquée — elle ne mettrait personne directement en danger, même si le système n'est pas parfait — elle consisterait à suivre les déplacements de certaines personnes. Si vous preniez une population qui représente un risque très faible, et que vous vouliez simplement savoir où elle se trouve à un moment donné, ce serait, je pense, une excellente technologie. Elle ne serait pas dangereuse parce que les personnes que vous suivez ne sont pas nécessairement des délinquants dangereux, ni même vraiment des délinquants.
Par exemple, pensez-vous que cette technologie pourrait s'appliquer plus facilement au domaine de l'immigration? On pourrait vouloir suivre les demandeurs d'asile déboutés, pour lesquels le gouvernement s'attend à ce qu'ils quittent le pays et même peut-être, pour lesquels le gouvernement a pris une mesure d'expulsion. Ne serait-ce pas là une utilisation qui représenterait le risque le plus faible et qui sera peut-être la plus efficace, étant donné que, dans les autres domaines, les résultats sont mitigés et que vous pourriez connaître des problèmes si la technologie n'est pas parfaite et que vous l'appliquez à des délinquants à risque élevé, cela pourrait créer un danger pour la sécurité publique si les choses ne fonctionnent pas comme on le souhaiterait?
Ne pensez-vous pas que la meilleure façon d'utiliser cette technologie est simplement de suivre les déplacements de certaines personnes pour savoir où elles se trouvent?
:
Je répondrai à cette question en disant qu'il est toujours difficile de faire des comparaisons parfaites entre ce qui se fait ici et ce qui se fait ailleurs, sur le plan des objectifs recherchés avec ces diverses technologies.
Certains pays estiment que cette technologie est utile pour certains genres d'affaires pour lesquelles nous ne l'avons pas encore essayée. Un exemple classique serait les personnes déclarées coupables d'une infraction sexuelle qui font l'objet d'une surveillance, par exemple, parce qu'elles représentent un risque plus élevé que d'autres pour ce qui est du respect des restrictions géographiques ou des zones d'exclusion concernant leurs déplacements.
Nous n'avons pas d'expérience dans ce domaine, ni même dans le cadre de notre projet pilote. Néanmoins, dans l'ensemble, d'autres pays ont testé la technologie, parce qu'ils recherchaient des solutions à certains problèmes très courants, comme l'augmentation des coûts associés à l'incarcération, la recherche d'autres moyens de surveiller les délinquants, d'empêcher ces personnes de retourner trop tôt dans la société. Il existe peut-être d'autres solutions et ces pays les explorent.
Si nous regardons ce que font la plupart des autres pays, nous constatons qu'ils font face aux mêmes défis. Ils comprennent l'augmentation des coûts, l'augmentation des populations carcérales à gérer, ainsi que la gestion des populations de délinquants à caractéristiques complexes.
Nous ajoutons les aspects reliés aux restrictions géographiques. Dans certains cas, les autorités ne font pas face aux mêmes défis, parce qu'il s'agit de zones relativement peu étendues, sur le plan géographique. Pour nous, la situation est différente.
Il y a plusieurs opinions sur la façon dont nous pourrions probablement renforcer la protection de la société en adoptant toutes les technologies, en les essayant et en voyant comment elles peuvent améliorer les résultats.
:
J'ai un commentaire et ensuite, une question.
Parmi les témoins que nous avons entendus, il y en avait un certain nombre qui était favorable à la surveillance électronique, mais aucun d'entre eux n'a déclaré qu'il s'agissait d'une solution magique qui allait réduire la récidive ou la criminalité ou encore favoriser la réadaptation des délinquants, à moins qu'elle ne soit associée à d'excellents programmes. Je pense que cela nous a été répété de nombreuses fois. Ceux qui critiquaient la surveillance électronique insistaient surtout sur l'idée que ce sont les programmes personnalisés qui sont l'élément essentiel en matière de réadaptation sociale.
On nous a dit, même ceux qui critiquaient ces technologies, que la surveillance électronique est un outil utile dans le contexte dont vous avez parlé, à savoir la surveillance de ces individus pour savoir s'ils respectent leurs conditions. Si nous prenons un peu de recul et examinons l'ensemble de ces témoignages, on peut dire qu'ils vont tous dans le même sens. On nous a dit et répété que ce n'était pas une solution magique. Ce n'est pas une solution applicable à toutes les situations. Cela fait partie d'un ensemble et des mesures que le gouvernement peut prendre pour obtenir de meilleurs résultats dans le domaine correctionnel.
Voici ma brève question, s'il me reste un moment. Nous avons entendu dire qu'au Manitoba, on utilisait la surveillance électronique pour les jeunes délinquants qui avaient volé des voitures. Je ne sais même pas s'il s'agissait d'un projet pilote officiel. Le problème est qu'ils se contentaient de retirer l'appareil. Ils retiraient ces dispositifs et il ne semblait pas y avoir de conséquences. Je me demande si la mise en liberté sous condition des jeunes contrevenants s'effectue différemment que celle des délinquants adultes.
Dans les études que vous avez examinées, a-t-on mentionné le problème qui venait du fait que les délinquants adultes retiraient tout simplement leur bracelet? Ou est-ce que peut-être ils ne le faisaient pas à cause des conséquences?
:
On vous entend très bien.
Mme Jackman participe activement au programme de formation juridique permanente de l'Association du Barreau canadien ainsi qu'aux travaux du Barreau du Haut-Canada et des congrès universitaires et communautaires. Elle est bien connue au Canada en tant que militante sur les questions liées à la pratique du droit de l'immigration et des réfugiés, du profilage racial, du rôle et des pratiques de la Cour fédérale et de la Cour suprême du Canada, des questions portant sur l'immigration et la sécurité nationale du Canada, ainsi que sur les normes et les pratiques nationales et internationales en matière de droits de la personne.
Nous espérons pouvoir aussi accueillir cet après-midi, Lorne Waldman. Je vais vous le présenter tout de suite, même si j'ai cru comprendre qu'il n'était pas encore arrivé. C'est un avocat spécialisé en droit de l'immigration canadienne et en droits de la personne. M. Waldman a comparu à maintes reprises devant les tribunaux canadiens à tous les niveaux et il a été le défenseur dans nombre de procès importants touchant le droit de l'immigration et les réfugiés. Il est connu au Canada en tant que conseiller intervenant fréquemment dans les médias sur les questions liées à l'immigration et aux réfugiés. En août 2007, M. Waldman s'est vu décerner par l'Association du Barreau canadien le prix Louis Saint-Laurent au titre de sa contribution au sein de la profession juridique.
Notre comité est impatient d'entendre son témoignage ainsi que celui de Mme Jackman.
Nous allons vous écouter en premier lieu, madame Jackman.
Nous savons, simplement pour que les membres du comité en soient informés, que M. Waldman doit venir témoigner après sa sortie du tribunal. Nous espérons qu'il sera en mesure de comparaître.
Madame Jackman, vous avez la parole.
:
On m'a dit de présenter un exposé, après quoi les membres du comité me poseraient éventuellement des questions.
Je vais tout d'abord vous faire part de mon expérience en ce qui a trait à la surveillance électronique. J'ai représenté trois clients qui ont été soumis à une surveillance électronique dans le cadre de la politique d'immigration. Deux d'entre eux posaient un problème de sécurité nationale et le troisième était accusé d'avoir été mêlé aux activités d'un gang de rue un certain nombre d'années auparavant sans que ce soit le cas au moment considéré. Ces hommes ont été soumis à une surveillance électronique, en plus de se voir imposer d'autres conditions.
Dans les deux affaires impliquant la sécurité nationale auxquelles j'ai pris part et qui ont fait appel à une surveillance électronique, celle-ci s'est poursuivie du printemps 2007 à l'heure actuelle, de sorte que ces personnes portent un bracelet GPS depuis environ cinq ans. L'homme qui a été soumis à une surveillance électronique en raison d'une criminalité antérieure dans une affaire d'immigration a dû porter un bracelet pendant plus de deux ans.
Si j'en crois mon expérience, je ne recommanderais jamais cette solution, à moins que ce soit à court terme, pendant une période fixe, pour des individus pour lesquels elle ne représente que la seule solution de rechange à une détention permanente dans le cadre de l'immigration. Je considère que cette solution peut être bonne dans certains cas, mais il faut que ce soit sur une période limitée. Lorsque cette mesure est appliquée indéfiniment, elle peut être cruelle, surtout lorsqu'elle vient s'ajouter à d'autres mesures, telles que l'assignation à résidence. À certains égards, j'estime qu'elle est plus cruelle que le fait de maintenir ces individus en détention, parce qu'ils sont hors du système carcéral et, à partir du moment où ils sont assignés à résidence tout en devant porter un bracelet GPS, ils sont détenus à leur propre domicile. C'est leur famille qui devient leur gardien, de même que la personne sans visage qui les surveille quelque part sur un écran GPS.
Cette mesure peut être utile dans certains cas, mais il faut vraiment se demander si elle est justifiée. Ainsi, il peut être utile de mettre pendant un certain temps un bracelet GPS à des jeunes accusés d'avoir fait partie de gangs de rue, lorsqu'ils sont libérés sous caution, ou même dans le cadre de l'immigration, lorsqu'ils font face à un renvoi, plutôt que de les incarcérer, en les soumettant à un couvre-feu. S'ils ont un couvre-feu de 11 heures, on peut savoir s'ils sont rentrés chez eux à cette heure-là, en raison du GPS. Dans ce cas, le risque c'est qu'ils se retrouvent avec leur bande et d'autres jeunes en soirée pour commettre des délits. Il y a des raisons de recourir à cette technique dans des situations bien précises — non pas lorsqu'elle vient s'ajouter à une assignation à résidence, mais lorsqu'on impose un couvre-feu.
Elle peut être aussi utile, non pas seulement dans le cadre de la justice pénale, mais pour des personnes qui souffrent de problèmes mentaux et dont on veut assurer la sécurité. C'est une façon de les localiser. Le procédé peut être utile lorsque l'on ne veut pas que des pédophiles, par exemple, fréquentent certains secteurs. On veut les éloigner des parcs et des établissements scolaires. On peut donc, de cette façon, vérifier à l'aide du GPS s'ils se tiennent à l'écart de ces secteurs. On peut savoir s'ils vont à tel ou tel endroit.
Dans la plupart des cas, je ne pense pas que ce soit nécessaire, et on risque véritablement de perdre de vue dans quel but cette mesure a été imposée au départ. C'est ce qui s'est passé dans les affaires qui nous ont occupés. Je n'ai pas lu la transcription de tous les témoignages qui vous ont été présentés, mais j'ai pu relever que John Hutton avait déclaré que c'étaient les infractions sur des points de détail qui posaient un problème. C'est ce qui s'est passé dans nos affaires.
Si vous consultez la jurisprudence des requêtes en révision présentées devant la Cour fédérale en ce qui concerne les certificats de sécurité faisant l'objet d'une surveillance par GPS, vous constaterez que c'est avant tout le non-respect des conditions fixées qui posait problème et non pas les infractions éventuelles à la sécurité nationale.
Nous avons passé des jours et des jours à plaider devant les tribunaux en gaspillant l'argent du gouvernement. Dans l'une de ces affaires, l'intéressé n'avait pas le droit de prendre le bateau. On l'a retrouvé sur un pédalo. S'agissait-il ou non d'une infraction aux conditions fixées? L'intéressé peut aussi rentrer dans un bâtiment qui bloque les ondes du GPS. Il faut savoir que le GPS ne fonctionne pas dans le métro ou dans les centres commerciaux. Il est vraiment inutile pour nombre d'activités courantes. Dans des cas de ce genre, y a-t-il ou non infraction aux conditions fixées? Il faut éviter de gaspiller trois ou quatre jours devant un tribunal à faire venir des experts pour savoir si l'on a respecté ou non une condition, plutôt que de parler de sécurité nationale, qui est la véritable raison de l'imposition au départ de la surveillance GPS.
Personne d'entre nous n'y avait pensé, cependant. Tout est parti de l'affaire Harkat. Par la suite, d'autres avocats ainsi que les tribunaux ont pris le relais et se sont dit que plutôt que de détenir ces personnes pendant une longue période, il était peut-être préférable d'essayer la surveillance GPS couplée avec une assignation à résidence. Avec le recul, je me garderais bien de proposer une telle solution dans ce genre d'affaires.
Dans l'une des affaires dont je me suis occupée, l'homme en cause a fait deux tentatives de suicide. Ce n'était pas simplement dû à la surveillance GPS; il y avait aussi l'assignation à résidence. Si la famille est quelque peu dysfonctionnelle, cela exacerbe les tensions. L'intéressé ne peut pas sortir de son domicile sans être accompagné par un surveillant, et s'il ne s'entend pas avec celui-ci, il est bloqué chez lui. De nombreux problèmes se posent sur une longue période.
J'estime par ailleurs que cette méthode n'offre pas la protection qu'elle est censée accorder. Ainsi, la préoccupation dans nos affaires était que l'on ne voulait pas que ces individus aient de mauvaises fréquentations. Dans la pratique, on ne peut pas savoir avec le GPS s'ils communiquent ou non avec d'autres. On ne peut que les localiser et savoir où ils vont, et non pas avec qui ils parlent. Le but recherché n'est alors pas atteint. Cette solution est onéreuse, et elle n'en vaut pas la peine.
Je pense que dans nos affaires c'est devenu en fait une béquille. Parce que la méthode existe, on s'en sert, qu'on en ait besoin ou non. Nous avons donc des clients qui sont soumis depuis cinq ans à une surveillance GPS. D'après ce que j'ai pu entendre dans l'ensemble au sujet de la surveillance GPS, on a en général recours à cette méthode que sur des périodes bien précises. Ce n'est pas le cas, toutefois, dans nos affaires. Je ne suis donc pas en faveur de ce procédé, sauf dans des cas très rares.
En matière d'immigration, il y a d'autres modes de contrôle, tels que l'obligation de parler directement avec un responsable. On peut obliger l'intéressé à téléphoner tous les jours si on veut pouvoir le localiser. On demande assez souvent à l'intéressé de se présenter en personne. On peut rattacher les gens à un programme de libération sous caution — même si le programme de libération sous caution de Toronto, qui donne de très bons résultats, n'est pas autorisé à prendre en charge certaines affaires. Malheureusement, ce sont justement celles qu'il devrait prendre en charge, telles que les affaires liées aux bandes organisées et à la sécurité, parce qu'il assure une bonne supervision et oblige les gens à rester directement en contact avec certains responsables.
Voilà tout ce que j'avais à dire.
:
Les agents retrouvent généralement très rapidement ce genre de personnes — bon nombre d'entre elles.
Il vous faut considérer les statistiques. Bien sûr, il y a des gens qui se perdent dans la nature, et il peut y avoir là un problème. Dans ce cas, si vous estimez qu'une personne risque de se perdre dans la nature, une surveillance GPS peut être utile, mais pas dans tous les cas. Comme je vous l'ai dit, il faut que ce soit pour une période déterminée.
Prenons le cas d'une personne qui vient déposer une demande de réfugié. Cela englobe toute une famille. Vous savez que la situation dans le pays d'origine est très mauvaise. Vous avez peur au bout du compte que ces gens aient peur de retourner chez eux, même si on leur refuse la condition de réfugié. Si vous estimez qu'une surveillance GPS peut être utile, imposez-la à la fin de la procédure, lorsqu'il faut procéder à un examen des risques avant renvoi et non pendant les cinq années de leur présence au Canada. Limitez la chose pendant le temps qu'il vous paraît nécessaire.
Là encore, il faut que ce soit justifié. C'est à un juge de l'immigration de se prononcer, et non pas à un agent de l'ASFC qui décide arbitrairement d'imposer cette mesure. C'est trop contraignant.
J'écoute avec intérêt votre témoignage. Je dois dire que d'autres témoins que nous avons entendus au sujet des délinquants ne sont pas d'accord avec vous et contredisent votre témoignage sur le fait, par exemple, que les pédophiles sont de bons candidats pour la surveillance électronique — et cela pour diverses raisons, notamment parce que cela n'aide pas en fait la réinsertion étant donné que le système correctionnel court un grand risque lorsqu'il laisse sortir un pédophile en espérant qu'il se tiendra à l'écart des lieux susceptibles de l'amener à récidiver.
Je suis aussi très surprise par le fait que vous nous disiez que les malades mentaux pourraient aussi tirer profit de la surveillance électronique. Une des choses qui me préoccupe aussi — et je comprends bien que lorsqu'on impose des conditions à quelqu'un, ce peut être gênant... Mais il y a des raisons pour lesquelles on impose des conditions à une personne, qu'elle fasse l'objet d'une mesure de renvoi parce qu'elle se trouve illégalement au Canada ou parce qu'elle a enfreint la loi. Ce sont des conséquences dont nous reconnaissons évidemment l'importance.
Nous voulons que les gens qui arrivent illégalement au Canada et qui font l'objet d'une mesure de renvoi quittent le pays. Je suis sûre que vous savez qu'il y a à l'heure actuelle 44 000 mandats d'arrestation de personnes qui se trouvent illégalement au Canada et qui sont perdues dans la nature — nous ne savons pas où elles se trouvent.
Mon objection en vous écoutant — et j'essaie de tout concilier — c'est qu'il y a des individus qui se trouvent illégalement au Canada alors qu'ils sont venus en tant que réfugiés ou pour d'autres raisons et qu'on leur a demandé de partir... Ils sont là illégalement; ce ne sont pas des citoyens canadiens qui ont enfreint la loi et que l'on s'efforce de réinsérer. En réalité, on cherche à faire en sorte qu'ils quittent le pays comme cela leur a été ordonné.
Que peut-on faire, si on ne leur impose aucune condition — vous ne voulez pas qu'on les assigne à résidence, parce que cela les dérange et constitue une gêne — et si on n’est pas censé leur imposer une surveillance électronique…? Ils sont 44 000 au Canada qui font l'objet d'un mandat. Que proposez-vous...? Vous ne voulez pas non plus qu'on les mette en prison. Vous vous indignez parce que l'on propose éventuellement de placer de grands groupes en détention lorsque le ministre juge qu'il a besoin de plus de temps pour procéder à une évaluation. C'est une chose sur laquelle vous avez beaucoup insisté en parlant avec M. Scarpaleggia.
Il ne faut donc pas que ces personnes soient détenues; elles ne doivent pas faire l'objet d'une assignation à résidence; vous ne voulez pas qu'elles soient tenues de communiquer avec un responsable, solution qui vous a paru inquiétante. Quelle est donc la solution que vous préconisez pour que 44 000 personnes ne vivent pas illégalement au Canada et ne soient pas perdues dans la nature?
:
Je ne dis pas que vous avez inventé ce chiffre. Je vous dis que ce n'est pas parce que certaines personnes ont enfreint les conditions fixées, qu'il faut partir du principe que c'est le cas de toutes.
Laissez-moi ajouter une chose. Je ne me prononce pas — je ne suis pas une spécialiste — au sujet des pédophiles. J'ai juste lancé une idée. Je sais par contre que les dispositifs de surveillance GPS sont employés au sujet des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer, parce qu'elles s'enfuient de chez elles. Cela permet au personnel de savoir qu'elles ne sont plus là où elles étaient censées se trouver, et ce dispositif est utile dans ce cadre. Je vous dis donc qu'il donne des résultats dans certaines situations.
En ce qui concerne les personnes qui se trouvent illégalement au Canada, on peut exiger des garanties. C'est la même chose que pour les libérations sous caution dans les procès pénaux, les amis et la famille déposent un certain montant d'argent qu'ils perdent si le justiciable se perd dans la nature.
On peut exiger que l'intéressé communique avec un responsable — ne me faites pas dire ce que je ne veux pas dire... Je n'exclus pas cette solution; je dis simplement qu'il ne faut pas l'imposer à tous tout simplement parce qu'elle existe. Nous devons adapter les conditions imposées, quelles qu'elles soient, aux différents individus, et la meilleure façon de le faire est de demander à un membre de la section de l'immigration d'en évaluer la nécessité. Il peut être très utile de demander à l'intéressé de communiquer régulièrement avec un responsable, et cette mesure ne manque pas d'être employée.
On peut avoir recours pour certaines personnes au programme de cautionnement qui implique une surveillance active et des visites régulières. Il y a de nombreux mécanismes qui sont en place.
La surveillance GPS n'est d'ailleurs pas la panacée pour protéger le Canada contre tout le monde. Ce n'est pas le genre de mesure que l'on peut appliquer à tous; il faut examiner chaque cas en particulier. Je n'aime pas cette mesure, parce que j'ai vu quelles en étaient les conséquences sur mes clients.