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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 061 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 novembre 2012

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Nous tenons en ce lundi 26 novembre 2012 la 61e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Aujourd'hui, notre comité poursuit son étude du projet de loi S-7, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur la protection de l’information. Nous allons devoir écourter de quelques minutes le temps passé avec chaque groupe de témoins, question de nous réserver au moins 15 minutes à la fin de la séance pour les travaux du comité.
    Notre premier groupe de témoins représente l'Agence des services frontaliers du Canada. Geoffrey Leckey est directeur général des Opérations relatives au renseignement et au ciblage et Sébastien Aubertin-Giguère, directeur général de la Division de la gestion du risque et de la prospective à la Direction générale des programmes. Je crois que vous avez préparé les exposés et que vous êtes prêts à répondre à des questions par la suite.
    J'aimerais faire un rappel au Règlement avant que nous ne commencions.
    Monsieur Scott.
    J'aimerais savoir si vous pouvez nous préciser ce qui va se passer pour les témoins de la dernière séance qui ont présenté un exposé, mais à qui nous n'avons pas pu poser des questions ou qui n'ont même pas pu présenter d'exposé.
    Ce sera probablement l'objet de nos discussions administratives un peu plus tard.
    Est-ce que nous allons en discuter à huis clos ou non?
    Toutes les discussions sur les travaux futurs du comité se font à huis clos.
    J'aimerais alors qu'il soit consigné au compte rendu que je propose que nous entendions des témoins du SCRS. Il n'y a pas que les témoins du gouvernement que nous n'avons pas eu la chance d'interroger.
    Bien sûr.
    Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins. Nous avons hâte d'entendre vos observations.
    Monsieur Leckey.
    Merci, monsieur le président. Et honorables sénateurs. Mon collègue et moi sommes heureux d'être avec vous ici aujourd'hui. Je m'appelle Geoff Leckey et je suis directeur général de la Direction des Opérations de l'exécution de la loi et du renseignement de la Direction générale des Opérations à l' Agence des services frontaliers du Canada.
    Je voudrais également vous présenter Sébastien Aubertin-Giguère, directeur exécutif de la Division de la gestion du risque et de la prospection à la Direction générale des programmes.

[Français]

    L'ASFC fait partie du portefeuille de la Sécurité publique. Elle doit assurer la sécurité et la prospérité du Canada en gérant l'accès des personnes et des marchandises qui entrent au Canada et qui en sortent.
    Bien qu'elle ait un rôle minimal à jouer dans l'application du projet de loi S-7, l'agence, dans le cadre de ses opérations courantes, appuie les objectifs du gouvernement en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. Aujourd'hui, mes remarques porteront donc sur le rôle de la gestion frontalière dans le continuum de la sécurité nationale.

[Traduction]

    Depuis sa création, l'ASFC fait partie intégrante de la politique canadienne de sécurité nationale en assurant une gestion frontalière efficace. À cette fin, l'agence maintient une relation étroite et productive avec des partenaires du portefeuille et des autres organismes d'exécution de la loi au Canada et à l'étranger.
    Gérer la frontière dans le monde complexe d'aujourd'hui exige de nos employés qu'ils utilisent une variété de compétences et de technologies de façon efficace et efficiente en arrière plan et lorsqu'ils traitent directement avec les négociants et les voyageurs.
    Comme vous le savez peut-être, l'agence est chargée de l'application de la Loi sur les douanes, de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et de plus de 90 autres lois du Parlement, entre autres, la Loi antiterroriste. Pour bien s'acquitter de ces responsabilités, l'ASFC a récemment ouvert une nouvelle installation de formation à la fine pointe de la technologie à Rigaud, au Québec, où elle formera les agents des services frontaliers sur les techniques d'interrogation, d'examen et d'enquête. Le collège est primordial pour que nous puissions exercer nos fonctions en offrant de l'excellence aux services frontaliers.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt. Le rôle de l'agence dans le cadre de ce projet de loi S-7 est minimal, mais nous offrons notre soutien puisque l'appareil judiciaire et la collectivité des organismes d'exécution de la loi ont besoin de meilleurs outils pour interdire d'entrer au Canada les individus qui prennent part à des activités terroristes.
(1535)

[Français]

    Le rôle que joue l'ASFC à titre d'organisme de sécurité de la frontière est l'un des principaux rouages de la Stratégie antiterroriste du Canada. L'agence n'est pas directement mandatée pour mener des enquêtes sur les terroristes, les identifier, les arrêter et les poursuivre devant les tribunaux, mais elle a deux rôles principaux: interdire l'entrée de terroristes au Canada ainsi que recueillir et communiquer de l'information sur des cibles terroristes.

[Traduction]

    Pour parvenir à ces fins, l'ASFC collabore avec le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS) et Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) dans le filtrage de sécurité des immigrants et l'examen d'interdiction de territoire des terroristes connus ou présumés. Elle effectue aussi un ciblage axé sur le renseignement afin d'appuyer la lutte antiterroriste et les contrôles stratégiques des exportations de marchandises commerciales. Les agents des services frontaliers mettent en application des contrôles à l'exportation relatifs aux marchandises et aux devises.
    De plus, grâce à l'élaboration approfondie de programmes et à une formation poussée sur l'utilisation de technologies de détection, les agents de services frontaliers peuvent mener, lorsque nécessaire, des examens non intrusifs. À titre d'exemple, l'agence utilise les appareils de prise d'empreintes pour saisir les empreintes et les envoyer électroniquement au registre central de la GRC, ce qui accélère et optimise les filtrages préalables de sécurité des individus pouvant être interdits de territoire pour des motifs de criminalité.
    Les représentants de l'agence travaillent régulièrement avec des organisations liées à l'immigration de l'étranger afin de déterminer les nouvelles tendances en matière de migration irrégulière et de documents frauduleux ainsi qu'à la prévention de la prolifération des armes de destruction massive et de leurs systèmes de lancement.
     Le nombre de voyageurs et la quantité de marchandises qui entrent chaque année au Canada sont énormes. L'an dernier, l'agence a traité le passage à la frontière de 93 millions de voyageurs, 29 millions de véhicules et 13 millions d'expéditions commerciales. L'agence doit avoir une approche à plusieurs niveaux en matière de gestion du risque pour ses activités de renseignement et d'exécution de la loi afin d'atteindre un juste équilibre dans son mandat de facilitation et de protection de la sécurité nationale. L'agence peut se concentrer sur les domaines présentant des risques plus élevés ou inconnus en conjuguant ses ressources à celles de ses partenaires clés dont Citoyenneté et Immigration Canada, la GRC, le SCRS et le Service des douanes et de la protection de la frontière des États-Unis.

[Français]

    Comme vous pouvez le constater, les partenariats sont essentiels à l'efficacité de l'ASFC en ce qui concerne la gestion de la frontière et la sécurité nationale. L'agence demeure un partenaire clé en matière d'exécution de la loi en raison de sa capacité à transformer l'information qu'elle recueille en renseignements utiles concernant des menaces possibles à la sécurité nationale, dont le terrorisme. L'agence échange ces renseignements avec ses principaux partenaires intérieurs, dont la GRC et le SCRS.

[Traduction]

    L'ASFC a aussi des partenariats avec les organisations douanières et liées à l'immigration de l'étranger pour la mise en oeuvre des conditions des accords internationaux. La mise en oeuvre du Plan d'action « Par-delà la frontière  » avec les États-Unis est un excellent exemple de ces partenariats. Elle aidera l'agence et ses homologues des États-Unis dans leurs efforts visant à faciliter le commerce et les déplacements légitimes à la frontière et à fermer celle-ci aux criminels et aux terroristes.
    Monsieur le président, le projet de loi confère à l'agence un rôle minimal, mais comme je l'ai mentionné plus tôt, notre mandat consiste à être la première ligne de défense de la sécurité et de la protection des Canadiens.
    Monsieur le président, ceci met fin à ma présentation.
    M. Aubertin-Giguère et moi pourrons maintenant répondre aux questions du comité.
    Je vous remercie infiniment, monsieur Leckey.
    Nous allons poser une première série de questions, où chacun aura sept minutes.
    Passons d'abord à Mme Findlay, si vous le voulez bien, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie également tous les deux d'être ici.
    Je voudrais simplement clarifier une chose pour commencer: quels sont vos titres respectifs à l'ASFC encore?
    Je suis directeur général de la Direction générale des opérations. Il y a deux principales directions générales à l'ASFC: les opérations et les programmes. Aux opérations, je suis directeur général de ce qu'on appelle l'exécution de la loi et le renseignement. L'exécution de la loi comprend notre division des enquêtes criminelles et notre division de l'application de la loi à l'intérieur du pays.
(1540)
    Et M. Aubertin-Giguère?
    Je suis directeur exécutif de la Division de la gestion du risque et de la prospective à la Direction générale des programmes.
    Quand le professeur Martin Rudner a témoigné devant le comité sénatorial le 2 avril 2012 sur le projet de loi S-7, il a souligné que les diverses organisations terroristes jugeaient nécessaire de recruter de nouvelles ressources humaines dans leur lutte pour l'effondrement des régimes d'apostolat, afin de se préparer pour la prochaine étape, c'est-à-dire la déclaration d'un califat, qui sera suivie par la confrontation totale avec les infidèles.
    Ils essaient tout particulièrement de recruter des citoyens des pays occidentaux, en partie pour avoir accès à leurs passeports (à leur droit de se déplacer librement), en partie pour acquérir des connaissances et des réseaux locaux et en partie pour aller chercher des compétences. Ils ciblent des personnes jeunes, célibataires, en forme physiquement, titulaires de diplômes d'enseignement supérieur, surtout en science et en technologie, des personnes très motivées par la radicalisation et qui adhèrent pleinement à l'idéologie djihadiste.
    À votre avis, est-il vrai que le terrorisme demeure la plus grande menace à la sécurité nationale du Canada en ce moment?
    Je dirais que oui.
    Comme je l'ai expliqué dans mon introduction, nous fondons notre travail sur la gestion du risque, pour déterminer où nous devons concentrer nos ressources pour interdire l'entrée au Canada aux personnes et aux groupes qui menacent le Canada et les Canadiens.
    Quand nous parlons de gestion du risque, nous parlons des menaces, et mon collègue est beaucoup plus versé que moi en la matière. Il y a différentes menaces potentielles à la sécurité du Canada et des Canadiens qu'on peut mettre en lumière. Nous utilisons le mot « risque » dans le sens de « menaces », dans le contexte de leur probabilité et de leur impact.
    Cela dit, il y a beaucoup de menaces très probables, mais susceptibles d'avoir peu d'impact. Il y a aussi beaucoup de menaces qui sont extrêmement improbables, mais qui auraient un impact extrêmement élevé, pensons à l'exemple des événements du 11 septembre.
    Ainsi, nous nous efforçons constamment de réévaluer les menaces et de les examiner par le prisme des profils de risque pour déterminer où investir nos ressources pour protéger le Canada et les Canadiens le mieux possible.
    Nous avons aussi entendu parler, dans les témoignages devant le comité sénatorial sur le projet de loi S-7, de la radicalisation de certains jeunes musulmans Canadiens.
    J'aimerais savoir s'il y a des cas, à votre connaissance, où des Canadiens ont voyagé ou ont tenté de voyager pour se rendre dans d'autres pays (je pense à l'Afghanistan, à la Somalie, au Pakistan, et au Yémen) afin de se joindre à des organisations terroristes et de participer à des activités liées au terrorisme. Y en a-t-il à votre connaissance?
    C'est une réalité.
    Il y a des spécialistes du renseignement de sécurité au Canada qui sont au courant de voyages de ce type qui ont eu lieu. L'existence d'une loi comme celle que propose le S-7 pourrait contribuer à les prévenir, dans la mesure où nous pouvons savoir à l'avance qu'un tel voyage se prépare.
    Il est déjà illégal de participer sciemment aux activités d'un groupe terroriste dans le but de rehausser l'aptitude d'un groupe terroriste à commettre un acte de terrorisme, ce qui peut comprendre de recevoir ou d'offrir de la formation dans un camp d'entraînement terroriste, par exemple. Nous savons à coup sûr qu'en 2008, M. Khawaja a été trouvé coupable d'infraction pour avoir reçu un entraînement au Pakistan, et sa condamnation a été maintenue par la Cour d'appel de l'Ontario. On lui a accordé une autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada.
    Notre gouvernement a décidé de créer de nouvelles infractions, soit de quitter le Canada ou d'essayer de quitter le Canada dans le but de commettre un acte terroriste.
    Cette nouvelle infraction vous paraît-elle pertinente? L'appuyez-vous?
    Oui, absolument, nous l'appuyons.
    Vous avez tout à fait raison, bien sûr, que le fait de suivre un entraînement dans le but d'appuyer les activités d'un groupe terroriste constitue déjà une infraction, et c'est justement pour cette infraction que M. Khawaja a été trouvé coupable.
    Je vous renvoie à la Stratégie antiterroriste du Canada, qui s'intitule Renforcer la résilience face au terrorisme. Cette stratégie se fonde sur quatre principes clés: empêcher, déceler, priver, intervenir. Dans le cas de M. Khawaja, nous sommes surtout intervenus. Je pense que le gouvernement essaie de réorienter ses ressources en renseignement de sécurité pour favoriser davantage les principes « empêcher, déceler et priver », parce qu'il est bien mieux de nous concentrer sur ces éléments. Tout ce que nous pouvons faire pour prévenir ou tuer dans l'oeuf toute activité terroriste potentielle avant qu'elle ne survienne, avant même qu'une personne ne quitte le Canada, nous apparaît comme un renforcement des outils à notre disposition.
(1545)
    Autrement dit, les spécialistes de l'application de la loi et du renseignement doivent être en mesure d'intervenir plus tôt dans le processus de planification. Est-ce bien cela?
    Exactement, c'est l'idéal.
    Mme Kerry-Lynne D. Findlay: Je vous remercie.
    Merci infiniment.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Scott, s'il vous plaît, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux d'être ici.
    J'aimerais mettre un peu l'accent sur le fil conducteur des questions de Mme Findlay, à mon avis, c'est-à-dire la nouvelle infraction, bien qu'elle recoupe parfois beaucoup des infractions déjà existantes, qui consiste à quitter le Canada ou à essayer de le quitter dans le but de commettre certains actes.
    Le Sénat a recueilli des témoignages à ce sujet, notamment, du directeur du SCRS, M. Fadden. Je vais vous dire ce qu'il nous a dit et j'aimerais que vous me disiez à quel point c'est vrai d'après vous ou que vous corrigiez ses propos. En gros, il affirme qu'il n'y a pas de système généralisé pour surveiller les sorties du pays. Je me demande essentiellement si cette nouvelle infraction va avoir des incidences sur le contrôle des sorties: allons-nous envisager un nouveau système, différent de celui qui est déjà en vigueur? Y a-t-il des systèmes que nous étions sur le point de mettre en place? C'est le sens général de ma question.
    Je vais essayer de ne pas en dire plus.
    Je vais simplement citer une chose que M. Fadden a dite:
Je réitère que nous n'avons pas encore mis au point des protocoles [entre les différents organismes]. Nous devrons travailler étroitement avec la GRC pour nous assurer de rester en communication constante avec les services frontaliers.
Un autre facteur qui vient compliquer la donne... est que le Canada n'a aucun système pour surveiller les sorties. Nous n'avons rien de la sorte. Ce genre de projet ferait appel à des organisations autres que l'ASFC, notamment l'ACSTA, l'agence au sein du ministère des Transports qui s'occupe de la sécurité.
    Il ajoute ensuite: « Je ne devrais pas en dire davantage, car je risque de me faire piéger. »
    Je ne sais pas exactement ce qu'il veut dire par cette dernière phrase, mais pouvez-vous nous dire s'il existe déjà des choses et si vous êtes au courant de discussions ou de plans en vue d'un quelconque système généralisé de surveillance des sorties, qui pourrait se fonder sur la déclaration Canada-États-Unis de l'an dernier?
    Parlez-vous de la déclaration faite dans le cadre du Plan d'action « Par-delà la frontière »?
    Oui.
    Eh bien, je vais essayer de ne pas me mettre dans la mauvaise posture que M. Fadden voulait éviter, et de vous répondre au meilleur de mes connaissances.
    Il n'y a pas de plan pour établir un système officiel de surveillance des sorties. Dans le cadre du Plan d'action « Par-delà la frontière », que nous avons signé avec les États-Unis, le Canada va établir un système d'entrée et de sortie grâce auquel le registre des entrées dans un pays va devenir le registre des sorties de l'autre pays. Bien sûr, cela signifie que le gouvernement canadien ne sera informé du départ d'une personne du Canada qu'après coup, très peu après, mais quand même après.
    L'application du projet de loi S-7 se fondera d'abord et avant tout sur des indicateurs tirés du renseignement ou sur des informations recueillies avant qu'une personne ne quitte le Canada.
    Puis-je vous demander de préciser, comme vous étiez probablement sur le point de le faire, comment cette information vous parvient? Vous parlez de collecte de renseignements sur la personne jusqu'à l'aéroport. Y a-t-il un autre système qui vous fournit des noms, vous permet de faire des recherches par nom et d'arrêter des personnes?
    Comment est-ce que tout cela va fonctionner?
    Nous échangeons constamment de l'information avec nos deux principaux partenaires en matière de sécurité et de renseignement: le SCRS et la GRC.
    Pouvez-vous nous expliquer en détail comment les choses se dérouleraient si une personne était soupçonnée d'avoir l'intention de quitter le pays à cette fin? Est-ce que vous recevriez un appel du SCRS à la frontière, qui vous donnerait un nom? Que feriez-vous de ce nom? La personne visée serait-elle littéralement déjà sous surveillance?
    Si une personne est sous la surveillance du SCRS ou de la GRC, elle le reste. Jamais ces organismes ne demanderaient à l'ASFC de la surveiller pour eux.
    Je peux peut-être vous expliquer davantage les pouvoirs que l'ASFC a et n'a pas lorsque des personnes sortent du Canada.
    Pour l'instant, la Loi sur les douanes ne confère pas de pouvoirs d'agents de la paix aux agents des Services frontaliers du Canada. C'est que le libellé de la Loi sur les douanes confère des pouvoirs d'agents de la paix aux agents des services frontaliers quand ils s'acquittent de leurs responsabilités normales à un poste de douanes.
    Selon les avis juridiques que nous avons recueillis, la surveillance des sorties n'entre pas dans la définition des responsabilités normales d'un agent des services frontaliers, parce que la Loi sur les douanes ne confère pas de pouvoirs aux agents de l'ASFC pour ce qui est des voyageurs qui quittent le Canada. Nous avons des pouvoirs particuliers qui nous permettent de surveiller les sorties d'exportations stratégiques et de devises, mais pas de personnes.
    De plus, la Loi sur les douanes dicte assez explicitement que les agents des services frontaliers ne peuvent pas utiliser les pouvoirs que leur confère la Loi sur les douanes dans le seul but de chercher des preuves d'infraction criminelle. C'est inscrit avec moult détails au paragraphe 163.5(4) de la Loi sur les douanes.
    Pour que les agents de l'ASFC puissent intervenir plus activement quand les services de renseignement savent qu'une personne a l'intention de quitter le Canada dans un but terroriste, il faudrait modifier la Loi sur les douanes et peut-être aussi la LIPR. Il pourrait alors s'agir, par exemple, du pouvoir d'arrêter ou de fouiller des personnes.
    Pour l'instant, nous pouvons fournir de l'information à nos partenaires en matière de sécurité de la même façon que nous leur en fournissons à l'heure actuelle. Autrement dit, nous pouvons fournir l'information que nous avons déjà en notre possession, comme l'historique des déplacements d'une personne sur qui nous recevons une demande. Nous pouvons également fournir de l'information sur les allées et venues immédiates d'une cible, si nous en connaissons l'identité. De même, sur demande, nous pouvons émettre des avis de signalement sur des cibles et des personnes d'intérêt de nos organismes partenaires en matière de sécurité.
    Un peu plus tard, nous sommes également responsables des expulsions. Quand quelqu'un est jugé inadmissible au Canada en raison de son association avec...
(1550)
    C'est une façon différente de sortir du pays.
    Très bien. Votre temps est pratiquement écoulé.
    Nous allons écouter Mme Bergen, puis M. Scarpaleggia.
    Merci, monsieur le président. Merci à nos deux témoins de leur présence.
    Monsieur Leckey, je pense qu'il est important que vous nous rappeliez la différence entre cette mesure et le plan d'action Par-delà la frontière que nous avons avec les États-Unis, dans le cadre duquel nous échangeons des renseignements à certains endroits sur les entrées et les sorties. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre cela et ce dont il est question dans ce projet de loi par rapport aux gens qui veulent quitter le pays afin de participer à des activités terroristes?
    Le système de gestion des entrées et des sorties auquel nous travaillons avec nos homologues américains vise l'échange de renseignements sur les personnes qui sont entrées au pays. Ces renseignements seront échangés. En fait, dans le cadre d'un projet pilote en cours actuellement, les données sont transmises au pays que la personne vient de quitter. Il s'agit d'un échange de renseignements. Il permet de savoir qu'une personne a quitté notre pays, fait que nous n'aurions pas su auparavant.
    Grâce à ce système, nous pouvons maintenant boucler le dossier des antécédents de voyage d'une personne. Nous pouvons suivre la trace des personnes et savoir qu'elles restent au pays après l'expiration de leur visa. Nous pouvons surveiller le départ des personnes visées par une mesure de renvoi. Nous pouvons aussi contrôler le respect des exigences en matière de résidence pour les candidats à l'immigration. De plus, le système servira à établir les antécédents de respect de la loi pour les voyageurs légitimes.
    Dans cette mesure, il ne s'agit pas d'un système de contrôle des sorties; aucun pouvoir n'est exercé pour empêcher quelqu'un de quitter le pays ou pour lui permettre de le faire.
(1555)
    Merci beaucoup de la précision.
    J'aimerais maintenant revenir sur le projet de loi S-7, sur trois des parties principales et sur les modifications — les mises à jour, vraiment — qui permettent aux forces de l'ordre de lutter efficacement contre le terrorisme et de protéger les Canadiens. Je trouve important que vous répétiez quel est votre rôle. Certains pensent peut-être que vous êtes seulement à la frontière; ainsi, si des terroristes entrent au pays et vous ne savez pas qui ils sont, comment pouvez-vous aider à les arrêter? Pouvez-vous parler de l'approche intégrée que vous employez avec les autres organismes d'application de la loi?
    Plus précisément, vous avez mentionné une approche à plusieurs niveaux et la gestion du risque. Je pense que c'est important que vous nous parliez du rôle de l'ASFC dans la lutte contre le terrorisme et de la nécessité des modifications proposées.
    Merci de me donner l'occasion d'aborder ce sujet.
    L'agence est responsable de refuser l'entrée aux étrangers qui sont des terroristes connus ou soupçonnés. De plus, en vertu de l'article 34 de la LIPR, un résident permanent ou un étranger peut être interdit de territoire pour des raisons liées au terrorisme s'il s'est livré au terrorisme ou s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'il s'y livrera.
    Le programme de renvoi de l'ASFC se concentre d'abord et avant tout sur les personnes qui représentent un risque élevé pour la sécurité nationale, par exemple, les cas dans lesquels nous découvrons qu'une personne entrée au pays est associée au terrorisme. Leur renvoi est notre priorité.
    Les programmes principaux de l'ASFC qui aident à identifier et à renvoyer les terroristes incluent la détection à l'arrivée, dont j'ai déjà parlé; les activités internationales, c'est-à-dire les renseignements recueillis par nos agents de liaison dans quelque 49 pays; et notre programme de ciblage, qui repose sur l'analyse des renseignements sur les passagers à bord de vols à destination du Canada. Bien sûr, il y a également les contrôles aux points d'entrée et le programme de renvoi.
    L'ASFC est présente et active à chaque étape des voyages.
    Entre autres, le projet de loi S-7 rétablit les dispositions concernant les investigations et les engagements assortis de conditions. Selon les témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant, c'est important que ces dispositions soient rétablies puisque les organismes d'application de la loi en ont besoin pour lutter efficacement contre le terrorisme et pour arrêter les activités terroristes.
    L'ASFC appuie-t-elle ces mesures? Je pense surtout à l'engagement assorti de conditions. Votre service de renseignements pourrait découvrir que des activités ont lieu ou auront lieu, et je présume qu'il est très important pour les forces de l'ordre de pouvoir arrêter ces activités rapidement. Êtes-vous d'accord? L'ASFC appuie-t-elle ces parties du projet de loi?
    Oui. En fait, nous appuyons l'ensemble du projet de loi, mais l'ASFC aura probablement un rôle marginal à jouer par rapport à ces dispositions.
    Vous n'auriez pas un rôle direct, mais un rôle indirect. Je présume que c'est parce que vous pourriez découvrir qui risque d'entrer au pays, aussi par l'intermédiaire du service de renseignements.
    L'autre témoin veut peut-être parler de la gestion du risque. Pour que je comprenne bien votre rôle, y a-t-il un lien entre ce que vous faites et l'engagement assorti de conditions?
    Mon rôle est d'examiner comment l'ASFC affecte les ressources à la frontière et d'employer une approche fondée sur le risque pour répartir les ressources de manière stratégique; j'ai donc un point de vue plus détaché. Or, je dirais de façon générale que plus les renseignements sont exacts, plus nous pouvons identifier tôt, au tout début du voyage, les personnes qui représentent une menace pour la sécurité nationale du Canada.
    La réponse est donc oui.
    Il vous reste 40 secondes.
    Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant.
    Merci.
    Je donne maintenant la parole à M. Scarpaleggia. Vous avez sept minutes.
    Comme tout le monde ici présent, j'essaie de comprendre ce système très complexe.
    Ai-je bien compris qu'à l'heure actuelle, si vous apprenez qu'une personne quitte le Canada pour s'entraîner au sein d'une organisation terroriste, vous n'avez pas le pouvoir de l'arrêter?
(1600)
    C'est exact.
    La mesure vous donnera donc le pouvoir de l'arrêter.
    Les nouvelles infractions auront-elles des répercussions importantes sur le fonctionnement de l'ASFC, ou s'agit-il plutôt d'un changement mineur de la façon dont vous réagirez dans certaines situations? La mesure aura-t-elle un plus grand effet que de simplement vous permettre d'empêcher quelqu'un de monter à bord d'un avion?
    J'aimerais souligner que sous sa forme actuelle, le projet de loi S-7 ne donne pas le pouvoir à l'ASFC d'arrêter les gens.
    Il faudrait donc que vous appeliez la GRC.
    C'est toujours la GRC qui détiendrait ce pouvoir.
    En fait, l'effet du projet de loi S-7 sur les activités de l'ASFC sera minime.
    Ainsi, il vous donne le pouvoir d'avertir la GRC que vous avez entendu dire que la personne part, disons, pour un camp de terroristes.
    De fait, il ne nous donne pas de nouveaux pouvoirs. Nous avons déjà ce pouvoir-là. Si nous obtenons des renseignements selon lesquels une personne prévoit quitter le pays à des fins terroristes — ce qui est peu probable puisque c'est la fonction principale de deux autres organismes —, nous les transmettons à la GRC et au SCRS.
    En ce moment, vous n'êtes pas autorisés à leur transmettre ces renseignements?
    Oui, nous le sommes. Nous avons un certain nombre de pouvoirs d'échange de renseignements.
    Pardonnez-moi, mais je ne comprends toujours pas quelle incidence le projet de loi aura sur vos activités quotidiennes.
    Le projet de loi ne nous donne pas de nouveaux pouvoirs et il aura très peu d'incidence sur nos activités quotidiennes. Nous serons appelés à intervenir si la GRC ou le SCRS mène une opération et nous demande de l'aide au point d'entrée ou de sortie.
    En ce moment, ils ne peuvent pas vous demander de l'aide?
    Oui, ils le peuvent.
    D'accord, donc le fonctionnement changera très peu.
    Vous avez utilisé une phrase qui a attiré mon attention. Une fois le projet de loi adopté, vous pourrez « établir les antécédents de respect de la loi pour les voyageurs légitimes ». Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là? Autrement dit, la mesure vous permettra-t-elle de consigner dans une base de données le nombre de fois que j'ai quitté le pays sans incident?
    Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire par « établir les antécédents de respect de la loi pour les voyageurs légitimes »?
    Puisque votre départ n'est consigné nulle part, nous ne savons pas si vous avez quitté le pays ou non. Ainsi, si vous êtes, par exemple, un demandeur d'asile et votre demande a été rejetée, nous ignorons si vous êtes parti. Pour que le programme d'immigration fonctionne bien, c'est important que nous sachions si vous avez quitté le pays, disons pour aller aux États-Unis, afin que nous puissions boucler votre dossier. Il en va de même pour les gens qui restent au pays après l'expiration de leur visa.
    Le but est donc d'assurer le bon fonctionnement du programme d'immigration, et non de créer un outil d'évaluation du risque fondé sur les statistiques.
    La mesure vous permettra donc de vérifier si le demandeur d'asile débouté a quitté le pays. Ce sera plus simple. On pourra vous remettre une liste de personnes dont le visa est expiré et vous pourrez faire une recherche. Que chercheriez-vous?
    Je ne comprends pas ce que vous entendez par « recherche ».
    Disons que le gouvernement vous remet une liste de demandeurs d'asile déboutés. Nous ignorons où ils sont ou si leur visa est expiré. Que feriez-vous de ces renseignements? Consulteriez-vous une base de données pour voir s'ils ont quitté le pays récemment?
    Les renseignements recueillis à la sortie serviraient à boucler le dossier et à déterminer qui a quitté le pays. L'organisme d'application de la loi ajouterait les noms de ceux qui ne sont pas partis à une liste de personnes recherchées.
(1605)
    Ce que je comprends, c'est que vous créerez une base de données que vous pourrez consulter si le ministre de l'Immigration vous donne une liste de personnes dont le visa est expiré.
    Quel genre de renseignements échangez-vous quotidiennement avec les États-Unis?
    Nous échangeons des renseignements avec les États-Unis de différentes façons. Nous leur transmettons des renseignements de sécurité et sur des arrivées signalées par notre programme de ciblage. Nous échangeons des renseignements de différentes façons, pour des raisons variées, en vertu de divers protocoles d'entente.
    Ainsi, l'échange ne se fait pas automatiquement, mais plutôt de manière ciblée.
    C'est au cas par cas.
    J'aimerais passer à la sécurité portuaire. Quelques articles ont été publiés récemment dans lesquels on présente différents points de vue sur la sécurité de nos ports en ce qui concerne l'entrée de marchandises dangereuses et le sabotage. Certains disent que seulement 1 p. 100 des marchandises sont inspectées, ce qui est acceptable puisque la menace terroriste ne pèse pas fortement contre les cours d'eau et les ports d'entrée.
    Merci, monsieur Scarpaleggia.
    Malheureusement, il faudra intégrer ce point dans une autre réponse, car votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Scott.
    M. Garrison va commencer.
    Pardon, monsieur Garrison.
    Merci de votre présence.
    Vous avez affirmé clairement que la mesure législative ne modifie aucunement les procédures de sortie. La Chambre est aussi saisie du projet de loi C-45, qui modifie le paragraphe 107.1(1) de la Loi sur les douanes. M. Champagne, de l'Agence des services frontaliers du Canada, nous a dit que le changement proposé permettra à l'ASFC d'obtenir des renseignements avant le départ de moyens de transport à destination du Canada. Ma question est peut-être injuste puisque vous n'êtes pas M. Champagne et il n'est pas question ici du projet de loi C-45, mais j'aimerais savoir si l'inverse est vrai: la modification proposée dans le projet de loi C-45 permettra-t-elle à l'ASFC d'obtenir des renseignements préalables sur les personnes qui quittent le Canada?
    Je préfère ne pas m'avancer là-dessus. Je peux essayer de trouver la réponse exacte et la transmettre au comité.
    Si la réponse est oui, le projet de loi C-45 pourrait avoir une incidence sur les limites étroites fixées ici. Il pourrait permettre un plus grand contrôle des sorties que ce que la mesure prévoit.
    Je cède la parole à M. Scott.
    N'oubliez pas que nous examinons aujourd'hui le projet de loi S-7, mais s'il y a un lien entre les deux, cela va.
    Monsieur Scott.
    C'est clair qu'il y a peut-être un lien. J'aimerais savoir si deux programmes existants sont employés ou pourraient l'être par rapport à la question des personnes qui ont quitté le pays. Le premier — je n'y connais presque rien —, c'est le programme de l'information préalable sur les voyageurs et du dossier passager. Le deuxième, c'est la liste d'interdiction de vol. Est-ce que ces programmes pourraient servir, partiellement ou considérablement, à trouver les gens qui quittent le pays et qui vous ont été signalés par le SCRS ou la GRC?
    J'aimerais citer le témoignage de notre ami M. Fadden devant le Sénat. Selon lui: « D'après le programme actuel de listes d'interdiction de vol, il faut présenter un risque pour l'aviation. »
    Évidemment, cela ne cadre pas parfaitement ici. Il ajoute: « J'ai cru comprendre que des fonctionnaires préparaient un ensemble de propositions à soumettre au ministre pour essayer de rendre la liste un peu subtile, mais je ne sais pas où ils en sont dans ce projet. »
    Je ne présume pas que vous avez de l'information privilégiée sur les travaux des ministres, mais savez-vous si des discussions ou des études sont en cours sur la possibilité de modifier la nature de la liste d'interdiction de vol par rapport à la question des personnes qui quittent le pays?
    J'ai bien peur de ne pas être dans le secret des dieux, comme on dit.
    Je peux seulement vous dire que les lignes aériennes fournissent au Canada différentes données dans le cadre du programme IPV/DP, mais c'est seulement à l'arrivée.
    Seulement à l'arrivée.
    Oui. C'est l'information dont se sert l'ASFC pour appliquer ses méthodes d'évaluation afin de déterminer quels individus présentant un risque élevé doivent faire l'objet d'un examen aux points de contrôle.
(1610)
    Désolé de vous interrompre, mais n'y aurait-il pas moyen de faire en sorte que le système fonctionne dans les deux sens? Lorsqu'un avion décolle du Canada, vous devez fournir ces renseignements au pays de destination; il suffirait simplement d'accélérer le processus pour qu'ils soient disponibles avant le départ, n'est-ce pas?
    Si ces informations étaient fournies avant le décollage, nous pourrions identifier les individus suspects qui ont pris l'avion, mais ce n'est pas possible pour l'instant.
    La procédure n'existe pas, mais rien n'empêche...
    Nous n'avons pas pour l'instant la capacité technique requise.
    Pas pour l'instant, mais c'est sans doute une amélioration possible pour l'avenir.
    Dans l'état actuel des choses, pensez-vous que la liste des personnes interdites de vol peut avoir une incidence quelconque relativement à cette nouvelle infraction pour les gens qui quittent le pays?
    Cette liste permet d'identifier les individus pouvant poser une menace pour le voyage lui-même.
    Alors, elle n'est pas vraiment pertinente.
    Elle pourrait le devenir. Il faudrait que je me penche sur la question, mais la liste des interdits de vol a pour but d'identifier les individus pouvant constituer une menace pour l'avion lui-même s'ils montent à bord, plutôt qu'en raison d'éventuelles activités reliées au terrorisme qu'ils pourraient mener.
    Monsieur Leckey, vous aviez quelque chose à ajouter?
    Concernant cette liste des interdits de vol, il est important de savoir qu'elle est tout aussi valable pour les individus qui viennent au Canada à partir de l'étranger que pour ceux qui prennent l'avion pour quitter le pays.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Leef. Comme nous amorçons le second tour de questions, vous avez droit à cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    Lors d'une séance précédente, nous avons entendu le témoignage de Mme Beauregard du Centre intégré d'évaluation du terrorisme (CIET). Elle a indiqué qu'il ne faisait aucun doute que la coopération et l'échange d'information dans tout le gouvernement du Canada sont essentiels à notre sécurité nationale.
    Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Nous sommes tout à fait d'accord. Nous avons d'ailleurs deux agents en détachement au CIET. Nous collaborons pleinement à cette initiative conjointe, et nous fournissons tous les renseignements à notre disposition pouvant être pertinents pour le CIET.
    Cela confirme certes le témoignage de Mme Beauregard qui a indiqué que son centre obtenait de l'information auprès de diverses entités du gouvernement du Canada, dont l'ASFC, le Centre de la sécurité des télécommunications, la GRC, Affaires étrangères et Commerce international Canada, l'ARC, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières et le Bureau du Conseil privé. Et ce ne sont là que quelques exemples.
    M. Scarpaleggia vous a interrogé au sujet de votre rôle. Convenez-vous avec moi que même si les projets de loi ou les mesures législatives n'ont pas un impact direct sur vos opérations courantes ou votre mandat, il demeure essentiel, compte tenu de la coopération qui règne dans le milieu du renseignement et des services de sécurité, que vous vous teniez au fait des changements qui se produisent de manière à pouvoir les commenter comme vous le faites aujourd'hui?
    Je confirme qu'il y a effectivement des accords d'échange d'information entre différentes composantes de la communauté du renseignement de sécurité au Canada, et que tout fonctionne si bien au quotidien que les modifications législatives qui sont apportées n'exigent pas nécessairement un nouveau protocole d'entente lorsqu'un nouveau domaine est ouvert aux échanges de renseignements. Très souvent, les accords déjà en vigueur sont suffisants.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Oui, et vous vous assurez toujours, bien évidemment, lorsque des changements législatifs sont apportés, qu'ils concernent directement ou non votre mandat, d'en prendre connaissance de manière à connaître les répercussions sur vos agences partenaires et sur les gens qui travaillent avec vous.
    Tout à fait.
    Pour ce qui est des changements particuliers qui vous concernent, savez-vous s'ils entraîneront des coûts pour l'ASFC?
    Nous n'avons pu déterminer aucun coût supplémentaire pour l'ASFC à la suite de la mise en oeuvre du projet de loi S7.
    Étant donné votre collaboration avec les agences responsables des investigations, pensez-vous que l'ASFC pourrait bénéficier des renseignements pouvant ressortir de telles audiences au sujet des comportements terroristes antérieurs et des risques potentiels pour la sécurité des Canadiens?
(1615)
    Absolument, et ce, à différents égards. D'abord et avant tout, l'ASFC émet des avis de signalement qui sont en quelque sorte des mises en garde ou des avertissements au sujet d'un individu. Si vous faites l'objet d'un tel avis et que votre passeport est scanné à votre arrivée au Canada, vous serez automatiquement dirigé vers un deuxième examen. Ce n'est rien de définitif. C'est simplement une indication, souvent fondée sur les données du renseignement, que l'individu en question doit faire l'objet d'un examen plus approfondi avant d'être admis au Canada. Nous recevons fréquemment de nos collègues du renseignement des informations de la sorte pouvant servir de base à un avis de signalement.
    Par ailleurs, les données reçues de nos partenaires peuvent aussi nous aider à remplir notre rôle de pivot du système de filtrage de sécurité du gouvernement du Canada. Les demandes de visa, que ce soit à titre de résident temporaire ou permanent du Canada, sont traitées par un système au centre duquel on retrouve une unité de l'ASFC qui, après consultation avec nos partenaires du renseignement de sécurité, recommande que la personne soit admise ou non. Il va de soi que les informations reçues de nos partenaires nous aident grandement dans la formulation de ces recommandations.
    Merci beaucoup, monsieur Leckey.
    Nous revenons maintenant à M. Garrison pour une période de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Si j'ai bien compris M. Leckey, il a offert de nous transmettre de l'information pouvant nous aider à mieux saisir les liens entre les modifications prévues dans les projets de loi C-45 et S-7. Pour être plus précis, j'aimerais connaître non seulement votre évaluation de ces liens, mais aussi votre point de vue sur la possibilité évoquée de ce côté-ci qu'il y ait des incidences sur la capacité de recueillir plus tôt les renseignements préalables au départ, ce qui pourrait nous permettre d'exercer tout au moins une certaine forme de contrôle à la sortie. Si vous êtes disposés à nous répondre à ce sujet, nous vous en serions très reconnaissants.
    Oui, j'ai pris note de cette demande et je vais certes répondre à tous les volets de votre question.
    Je vous rappelle que vous devez faire parvenir votre réponse au greffier de notre comité qui nous la communiquera par la suite.
    Merci beaucoup.
    Je crois donc que je vais laisser la parole à M. Scott.
    Il vous reste quatre minutes.
    Je pense que j'aurais peut-être besoin d'un genre de guide pour les nuls ici. Au départ, vous avez expliqué assez clairement mais plutôt rapidement comment les choses se dérouleraient si une enquête de la GRC ou du SCRS déterminait qu'un individu, un jeune par exemple, a l'intention de quitter le pays pour commettre une quelconque infraction à l'étranger. On connaît le nom de cette personne, mais on ne la suit pas à proprement parler. On ne sait pas où elle se trouve, mais on pense qu'elle cherche à quitter le pays. En pareil cas, comment les choses se passent-elles? Quels renseignements vous sont communiqués et qu'en fait l'ASFC? Ou qu'en feriez-vous compte tenu de la nouvelle infraction proposée?
    Je vais vous donner quelques exemples de situations possibles dans un tel scénario. Si les gens du SCRS ou de la GRC nous indiquent qu'ils s'intéressent à un certain individu pouvant être terroriste qui prévoit quitter le pays, ils peuvent s'adresser à nous pour nous présenter une demande ponctuelle. Pour vous donner un exemple du genre d'information que nous détenons et que ces agences-là n'ont pas nécessairement, elles pourraient nous demander l'historique de voyage de l'individu. À l'heure actuelle, nous n'avons accès qu'à la moitié de cet historique. Nous savons seulement quand un individu entre au Canada. Si on sait que l'individu est arrivé au Canada en provenance de différentes destinations étrangères à neuf reprises au cours des trois dernières années, c'est peut-être un élément fondamental pour l'enquête.
    Y compris savoir quelle ligne aérienne est utilisée pour quitter le pays.
    Oui, cela peut aussi souvent être important.
    En outre, si l'on croit que l'individu est sur le point de quitter le pays, on peut nous demander, du fait de notre présence à l'aéroport, s'il nous est possible de le repérer. Comme je l'expliquais, nous ne pouvons toutefois pas à l'heure actuelle l'intercepter, l'arrêter ou le fouiller.
(1620)
    Très bien.
    Monsieur Giguère, vous vouliez ajouter quelque chose?
    Seulement pour préciser que comme il nous est impossible de savoir à l'avance qu'une personne va prendre l'avion, nous ne pouvons pas exercer un contrôle systématique, ce qui nous oblige à nous fier aux renseignements transmis par les autorités policières ou le SCRS.
    D'accord.
    Est-ce qu'il me reste une minute?
    Une minute et demie.
    Je vais revenir à la question que je posais tout à l'heure.
    Il apparaît très évident qu'une liste des personnes interdites de vol pourrait devenir, si on modifiait son orientation, un outil fort utile qui étendrait la portée de votre rôle actuel. Vous semblez très bien connaître le système d'information préalable sur les voyageurs. Vous avez dit quelque chose de très intéressant. Tant que l'avion n'a pas décollé, si l'information est disponible, on pourrait déterminer... Vous pourriez en informer la GRC. Les agents de la GRC pourraient entrer dans l'avion et arrêter un individu avant le décollage, n'est-ce pas?
    Il faut donc se demander pourquoi le système actuel fait en sorte que les renseignements relatifs aux avions qui quittent le Canada ne sont généralement disponibles qu'après le décollage. Est-ce simplement la façon de procéder ou y a-t-il vraiment des obstacles logistiques qui empêchent d'avoir accès à ces renseignements avant le départ de l'avion?
    Merci, monsieur Scott.
    Vous pouvez répondre.
    Pour l'instant, c'est simplement la façon de procéder. Nous recevons les données sur les passagers une fois que l'avion est décollé. Pour un vol transatlantique, par exemple, cela signifie que nous disposons de six ou sept heures pour examiner ces données et déterminer s'il y a sur l'avion un individu pouvant représenter une menace, être un terroriste ou quoi que ce soit, de telle sorte qu'il fasse l'objet d'un deuxième examen à son arrivée.
    Cela se ferait alors dans un autre pays.
    Merci. Nous allons en rester là pour l'instant.
    Nous n'avons plus de temps. Nous vous remercions de votre comparution et nous sommes reconnaissants pour vos commentaires et votre témoignage.
    Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants le temps que nos prochains témoins prennent place.
(1620)

(1620)
    Nous reprenons nos travaux.
    Nous en sommes au second groupe de témoins pour aujourd'hui. Nous poursuivons notre étude du projet de loi S-7, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur la protection de l’information. Nous souhaitons la bienvenue à M. James Malizia de la Gendarmerie royale du Canada. Il est commissaire adjoint, direction des enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale et service divisionnaire de la police de protection. Bienvenue également à l'inspecteur Stephen Irwin de la Section des renseignements du service de police de Toronto.
    Je crois que vous avez de brèves déclarations à nous faire avant que nous passions à la période des questions.
    Monsieur Malizia.
    Je vous remercie me d'avoir invité à me prononcer sur le projet de loi S-7, Loi sur la lutte contre le terrorisme. Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de fournir des réponses à vos questions au sujet des répercussions de ce projet de loi sur les services de police.
    La GRC estime que le projet de loi S-7 contient des outils importants qui pourraient améliorer notre capacité de détecter, prévenir et contrer les menaces terroristes et d'y réagir. En ce qui a trait au terrorisme, surtout si on le compare à d'autres formes d'activités criminelles, il est essentiel que nous travaillions afin de prévenir les attaques avant qu'elles ne surviennent.
(1625)

[Français]

    La sécurité nationale du Canada demeure une priorité stratégique pour la GRC. Nous avons obtenu des résultats positifs dans un certain nombre de poursuites judiciaires en vertu de la Loi antiterroriste depuis sa mise en vigueur, en 2001. Les trois articles du Code criminel les plus souvent utilisés ont été les suivants, à savoir l'article 83.18: participation à une activité d'un groupe terroriste; l'article 83.2: perpétration d'un acte criminel au profit d'un groupe terroriste, et l'article 83.19: faciliter sciemment une activité d'un groupe terroriste.

[Traduction]

    La radicalisation de Canadiens vers des activités criminelles d'extrémisme continue de poser un défi à notre société, et la GRC travaille assidûment afin de contrer le discours extrémiste par l'entremise de ses efforts de communication auprès d'un certain nombre de collectivités vulnérables partout au pays.
    La proposition de nouvelles infractions qui consistent à quitter ou à tenter de quitter le Canada afin de participer à des activités d'un groupe terroriste aidera les services de police à interrompre les activités de terroristes potentiels à une phase précoce de leurs préparatifs, avant qu'ils quittent le Canada pour joindre un camp d'entraînement terroriste ou pour causer des préjudices ailleurs.
    La proposition fournira aux services de police un outil de prévention en harmonie avec la Stratégie antiterroriste du Canada. Nous comprenons et reconnaissons la responsabilité que ces modifications entraînent pour les services de police relativement au paragraphe 6(1) de la Charte canadienne des droits et libertés: le droit des citoyens canadiens de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir.
    Des préoccupations ont été soulevées concernant la possibilité d'abuser des dispositions relatives aux investigations et aux engagements assortis de conditions de façon à contraindre les personnes à témoigner ou à livrer autrement des renseignements. Il a été avancé que ces dispositions constituent des instruments superflus parce qu'elles n'ont jamais été utilisées.
    Nous reconnaissons que les dispositions relatives aux investigations sont susceptibles d'être utilisées dans de rares situations où nous savons qu'un témoin détient de l'information critique, mais est réticent à coopérer avec les services de police. Par exemple, ces témoins pourraient ne pas vouloir aider les autorités, ou ils pourraient en fait participer à un complot terroriste, ou en être informés.
    La politique opérationnelle actuelle de la GRC décrit les étapes, les mesures de contrôle et les processus de responsabilisation en place afin de s'assurer que les pouvoirs affectés aux agents de la paix sont utilisés en conformité avec les lois et de façon appropriée.
    Eu égard aux dispositions relatives aux investigations, la GRC avait au préalable inclus dans sa politique un certain nombre de garanties pour son usage, et nous croyons qu'il y a d'importants mécanismes de surveillance intégrés dans la politique afin de régir son utilisation potentielle.
    Advenant que les dispositions soient remises en vigueur par le Parlement, la GRC mettra à jour, de façon expéditive, sa politique et continuera de mettre l'accent sur les répercussions potentielles sur les droits et libertés des Canadiens, et insistera pour que la prudence et la discrétion soient de mise au moment d'envisager son utilisation. La formation sera également mise à jour en conséquence. Notre gouvernance centralisée des enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale à la direction générale permettrait d'assurer une responsabilité et une imputabilité constantes à l'égard de ces pouvoirs.
    Les dispositions relatives aux engagements assortis de conditions permettent à une personne d'être détenue pendant un maximum de 72 heures; cette période pourrait revêtir une importance essentielle afin de prévenir la perpétration d'un acte terroriste. Comme pour les dispositions relatives aux investigations, un certain nombre de garanties associées à leur utilisation sont en place, notamment le fait d'obtenir l'approbation du procureur général, la nécessité d'une autorisation judiciaire et les rapports annuels.
    En bref, les diverses propositions de modification contenues dans le projet de loi depuis les examens législatifs de la Loi antiterroriste en 2001 sont souhaitées par la GRC parce que les droits en matière de procédure, les droits en matière d'appel et la responsabilité devant le Parlement ont été améliorés, ce qui contribue à rassurer le public au sujet de ces mesures.
    Préserver le système d'audience publique et le droit à un procès équitable constitue une dimension fondamentale des traditions démocratiques que nous chérissons tous dans ce pays.

[Français]

    Il est important de garder à l'esprit les mots de la Commission internationale de juristes dans son rapport de 2009 sur le terrorisme, le contre-terrorisme et les droits de la personne, au moment où les États invoquent de nouvelles lois antiterroristes. Un système de justice pénale efficace fondé sur le respect des droits de la personne et la primauté du droit est, à long terme, la meilleure protection possible de la société contre le terrorisme.

[Traduction]

    Je vous remercie encore une fois de m'avoir invité à participer à ces importantes audiences.
    Merci beaucoup, monsieur Malizia.
    Monsieur Irwin.
    Un grand merci de m'avoir invité à comparaître et à prendre la parole devant les membres du comité.
    Je comparais devant vous en ma qualité d'agent de police de la ville de Toronto. Je suis actuellement en détachement à la GRC où je travaille au sein du programme de sécurité nationale. Je contribue à la lutte au terrorisme au niveau municipal depuis 1995, alors qu'on a créé la première sous-section responsable de ces questions au sein de notre unité du renseignement.
    Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que vous a dit le commissaire adjoint Malizia. Je pense qu'il a été très clair en vous indiquant que la remise en vigueur de ces dispositions du Code criminel serait bénéfique pour les autorités policières. J'espère aujourd'hui pouvoir répondre à vos questions concernant les impacts sur les services de police municipaux, dans le cadre de mon rôle de policier torontois, plutôt que de mon détachement à la GRC.
    La police de Toronto estime que ces dispositions du code contribueront grandement à ses efforts de partenariat avec la GRC pour toutes les questions liées à la sécurité nationale et à la menace du terrorisme, tant au Canada qu'à son endroit, de même que pour contrer la radicalisation de ceux qui entendent quitter le pays pour commettre des actes terroristes ou participer à des activités terroristes dans d'autres régions du globe.
    Je vous remercie à nouveau et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
(1630)
    Merci, monsieur Irwin.
    Nous allons débuter le premier tour de questions avec Mme Bergen. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos deux témoins d'être ici.
    Inspecteur Irwin, vous venez d'aborder brièvement la question de la radicalisation des jeunes. Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure ce phénomène a évolué? Vous nous avez dit que vous travaillez dans le secteur depuis 1995. Est-ce bien cela?
    C'est exact.
    Pourriez-vous nous dire comment les choses ont changé entre 1995 et 2007, puis entre 2007 et aujourd'hui, et en quoi la menace est encore plus grande maintenant?
    Certainement, je peux remonter jusqu'à mon arrivée au service du renseignement de la police de Toronto en 1993 lorsqu'on a mis sur pied notre unité de lutte contre les crimes haineux. Nous devions alors composer avec un problème d'ordre uniquement national: les tenants de la suprématie blanche. Il y avait au Canada un groupe qui s'employait activement à faire valoir de telles croyances idéologiques. Le mouvement a connu une certaine croissance pendant une très courte période pour atteindre son apogée en 1995 avant de décliner par la suite.
    La ville de Toronto s'est d'abord dotée d'une section antiterroriste à la suite des premières attaques contre le World Trade Center. Un de mes anciens supérieurs a alors reconnu qu'il y avait un problème avec lequel nous aurions à composer. Nous avons tout mis en oeuvre pour établir la distinction entre l'extrémisme criminel et le terrorisme. Les événements du 11 septembre 2001 ont certes changé la donne. Je crois que le choc que nous avons tous ressenti ce jour-là a influé sur notre façon de voir les choses; nous voyons désormais l'importance d'assurer notre propre sécurité en Amérique du Nord. Nous nous inquiétions alors de la menace qui pesait sur nous.
    Onze ans plus tard, nous constatons maintenant — et il est certes possible de dégager des tendances en ce sens — que différentes communautés présentes au Canada voient leurs membres quitter vers d'autres parties du monde pour se joindre à des entités terroristes ou participer à des combats au sein de tels groupes. Nous ne perdons toutefois pas de vue le fait qu'il y a des terroristes au Canada et qu'ils peuvent mettre notre sécurité en péril. C'est simplement qu'on n'en parle pas autant et qu'on ne dispose pas de beaucoup de statistiques à leur sujet. Nous pouvons certes relever des incidents, comme j'ai moi-même pu le faire, qui sont le fait d'un nombre croissant d'individus qui ciblent le Canada, ses prises de position politiques et sa présence ailleurs dans le monde dans l'espoir de nous porter préjudice, notamment via le soutien à des groupes terroristes.
    C'est un phénomène croissant. Les comportements et activités extrémistes prennent de l'ampleur et les incidents graves se multiplient. Lorsque nous mettons au jour une situation pouvant porter atteinte à la sécurité nationale, nous communiquons le tout à la GRC pour qu'une enquête criminelle soit menée, lorsque les critères à cet effet sont remplis, ou nous transmettons l'information au SCRS, lorsque c'est un problème de renseignement.
(1635)
    Vous avez témoigné devant le comité sénatorial en mai dernier. Vous vous êtes alors dit déçu de l'élimination de ces dispositions que nous proposons maintenant de remettre en vigueur. Pourriez-vous nous dire en quoi elles sont importantes? Je crois qu'il est primordial que nous sachions pourquoi il est important de les rétablir maintenant.
    J'ai beaucoup réfléchi aux circonstances avec lesquelles nous devons composer lorsque des Canadiens sont radicalisés, parfois en étant piégés, et se rendent ailleurs dans le monde pour participer à des conflits ou à des activités terroristes. Je crois qu'il y en a un certain nombre qui sont effectivement induits en erreur.
    La remise en vigueur de ces dispositions, et notamment de l'engagement assorti de conditions, pourrait selon moi permettre d'empêcher que ces gens soient mobilisés et se rendent à l'étranger pour ces raisons-là.
    Je pourrais vous donner différents exemples de scénarios possibles. Disons que nous apprenons d'un des services de renseignements ou d'un pays partenaire qu'un groupe de jeunes se préparent à quitter le Canada. Ils vont prendre l'avion pour aller suivre ce qu'ils estiment être une formation éducative. Mais nous savons ou apprenons, et ce, sans avoir beaucoup de temps pour réagir, qu'il y a un problème du fait de leur destination et de ce qui se produira à leur arrivée là-bas où on va les radicaliser et peut-être les obliger à combattre ou à joindre les rangs d'un groupe. Il va de soi qu'il serait très utile en pareil cas de pouvoir compter sur un engagement assorti de conditions et procéder à des arrestations à ce titre.
    Ces individus ne savent peut-être pas ce qui les attend, mais il est possible que nous le sachions, et cela relèverait certes davantage de la GRC qui pourrait être mise au courant par ses partenaires internationaux. Reste quand même qu'il s'agit assurément d'un outil très précieux.
    Il y a aussi des individus pour lesquels, s'ils reviennent au Canada après avoir été associés à des groupes terroristes ou actifs au sein de tels groupes d'après l'information que nous avons pu obtenir, on ne dispose pas d'éléments suffisants pour les poursuivre au criminel en raison de la région du monde d'où ils viennent. Cependant, il est certes possible qu'il existe assez de renseignements pour les amener devant un tribunal et leur faire imposer des conditions afin de s'assurer qu'ils ne représentent pas une menace pour la sécurité publique au Canada.
    J'aimerais que ces conditions prévoient en outre des services de counseling ou une autre forme d'aide imposée par le tribunal de telle sorte que ces individus puissent peut-être en venir à s'écarter de leurs croyances extrémistes ou de l'aspect terroriste de leurs croyances.
    Je crois par ailleurs...
    Très brièvement, s'il vous plaît.
    D'accord, désolé.
    L'aspect prévention est l'autre considération importante par rapport à ces dispositions. Il faut que chacun sache qu'il peut être tenu responsable de ses actes. Des conditions sont imposées aux gens qui ont dépassé les bornes pour se retrouver du côté des criminels. Ce serait également une mesure dissuasive fort bénéfique.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Scott qui dispose de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux continuer à parler de ces individus qui quittent le pays. À la lumière de ce que vous nous avez dit et d'autres témoignages que nous avons entendus, nous savons qu'une certaine tendance se dessine: des jeunes quittent le Canada à des fins terroristes. C'est du moins ce que nous craignons.
    Je me demande simplement de quel type de preuves on aura besoin pour établir qu'un individu a quitté ou tenté de quitter le Canada pour commettre un crime. Vous nous avez tout de suite donné l'exemple du renseignement de sécurité. Je vous soumets le problème suivant qui prévaut depuis quelques décennies, et qui est notamment ressorti dans le cas d'Air India. Lorsque les éléments de preuve proviennent du secteur du renseignement, tout semble devenir confus devant le tribunal. Les autorités policières et les services du renseignement n'apprécient pas vraiment que les tribunaux soient saisis d'éléments qui mettent au jour certaines de leurs sources.
    Il y a eu un cas récent, l'affaire Harkat, mais d'autres facteurs amènent à s'interroger encore davantage sur le fait que les sources du renseignement de sécurité ne seront pas nécessairement gardées secrètes lors d'un procès.
    La dynamique devient telle qu'il y a tout lieu de se demander quelles sont les chances qu'il y ait effectivement des poursuites lorsqu'un individu est arrêté principalement sur la base de renseignements de sécurité indiquant qu'il s'apprête à quitter le pays à des fins bien précises. S'il ne doit pas y avoir de poursuite, le système ne devient-il pas en quelque sorte une mesure de prévention visant à perturber les activités? Il n'est pas vraiment question de poursuites.
    Pouvez-vous me convaincre que les éléments de preuve disponibles vont effectivement permettre d'intenter des poursuites?
(1640)
    Il va de soi que nous recueillons de l'information de différentes manières. Nous pouvons notamment dans le cadre d'une enquête mettre quelqu'un sur écoute et intercepter une conversation incriminante. Certaines informations proviennent effectivement des forces du renseignement de sécurité, mais il y en a également qui émanent de nos propres enquêtes. En outre, lorsque des informations nous sont transmises, nous essayons de les confirmer auprès d'autres sources. Ainsi, lorsqu'une enquête est en cours, nous pouvons utiliser les informations déjà en notre possession pour confirmer celles qu'on nous transmet.
    En quoi cela peut-il nous permettre de saisir le tribunal d'un dossier? Chaque cas est unique. Tout dépend de l'ensemble des circonstances. En fait, il s'agit d'un outil qui nous permettra de prévenir un acte terroriste, et d'assurer que l'individu est représenté par un avocat et se présente devant un juge qui pourra notamment lui imposer des conditions, une fois le consentement du procureur général obtenu, bien évidemment.
    Il y a tout un système de freins et contrepoids en place pour s'assurer que l'information est valide et crédible, non seulement de notre point de vue, mais aussi de l'opinion du procureur général et du juge, pour qu'on puisse aller de l'avant.
    Je comprends. Vous présumez que le système habituel pourra fonctionner et que les poursuites vont demeurer l'objectif.
    Vous avez parlé des conditions imposées. Je me demande s'il n'y a pas une certaine confusion quand on dit qu'on va arrêter les individus qui tentent de quitter le pays ou s'apprêtent à le faire pour commettre un crime, leur intenter des poursuites et, par ailleurs, imposer un engagement assorti de conditions à quelqu'un lorsque vous croyez qu'il s'apprête à quitter le Canada à cette fin. A-t-on l'intention de se servir des dispositions touchant l'engagement pour contrôler la sortie de ces individus? Au Royaume-Uni, on impose des mesures restrictives. Les gens se voient notamment retirer leur passeport. Est-ce qu'on hésite à laisser les dispositions sur les infractions et celles sur l'engagement assorti de conditions que vous considérez comme cruciales?
    Comme vous le savez, on aura recours à l'engagement assorti de conditions uniquement dans de très rares cas lorsqu'il y a menace imminente pour la sécurité publique. Si nous devions recevoir des informations en ce sens...
    La sécurité des Canadiens, ou est-ce que cela pourrait être à l'étranger?
    En l'espèce, ce serait... Est-ce que vous voulez savoir si la menace viendrait de l'étranger?
    Non. Il s'agit surtout de déterminer si, dans l'éventualité où quelqu'un quitte le pays pour aller commettre un acte terroriste, ce serait une circonstance où l'on pourrait imposer un engagement assorti de conditions.
    Je pense que l'on pourrait avoir recours à un tel engagement dans une situation semblable où un individu essaierait de quitter le Canada pour aller commettre un acte terroriste. Je crois que c'est envisageable.
    Est-ce que j'ai encore une minute?
    Il vous en reste deux.
    Devant le Sénat, le ministre Nicholson a mentionné ces nouvelles dispositions remises en vigueur, et les investigations et les engagements assortis de conditions comme sources possibles d'éléments de preuve pour discerner chez l'individu une intention de quitter le pays. Les sénateurs se sont interrogés longuement sur la façon dont on s'y prendra pour en établir la preuve. Du côté opérationnel, c'est vous deux, ou tout au moins des gens qui relèvent de vous, qui devraient demander qu'une investigation soit tenue ou suggérer qu'elle est nécessaire. Il en ressort clairement... Je ne peux m'imaginer que le ministre songe à s'en servir comme mesure de perturbation. Il doit penser que l'on pourra convoquer un individu détenant de l'information au sujet de quelqu'un d'autre qui pourrait quitter le pays ou que l'on soupçonne de vouloir le faire, recueillir des preuves à cet effet pour s'en servir afin d'établir qu'il y avait intention. En pareil cas, il y a tout lieu de se demander dans quel bassin on pourra puiser — famille, collectivité, voisinage — pour convoquer à l'investigation des gens capables de fournir des preuves de la sorte.
    J'aimerais seulement que vous nous disiez ce que vous en pensez et que vous nous parliez des risques encourus, d'autant plus que vous avez insisté sur le fait que ces dispositions ne devaient pas être utilisées à la légère.
(1645)
    Vous soulevez un excellent point.
    Comme vous le savez, il n'existe actuellement aucun mécanisme permettant d'obliger un témoin à comparaître dans le cadre d'une investigation concernant le terrorisme. Bien évidemment, l'investigation elle-même pourrait servir à obliger un témoin à comparaître concernant un acte terroriste imminent.
    Mais il s'agit en fait d'une décision stratégique qui doit être prise au moment de l'enquête alors qu'il faut évaluer, d'abord et avant tout... Disons qu'il ne s'agit pas d'une menace imminente, mais qu'il faut obtenir des informations aux fins de l'investigation ou concernant un acte terroriste passé ou sur le point de survenir. Il faut alors déterminer si cette façon de faire les choses risque de nuire à l'enquête.
    De nombreux facteurs doivent bien sûr être pris en compte. S'il y a de l'écoute électronique ou si des indicateurs et des agents sont en cause, il faut s'assurer de ne pas les mettre en danger. De nombreux éléments en jeu. C'est donc selon les circonstances particulières à chaque cas que l'on décidera s'il faut opter pour une investigation pour un témoin particulier ou pour une personne d'intérêt à cette étape.
    Merci.
    C'est maintenant autour de M. Norlock. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'aujourd'hui pour leur comparution.
    Mes premières questions seront peut-être brèves, mais n'hésitez pas à formuler une réponse plus détaillée si cela est nécessaire.
    Si je me fie à votre uniforme, vous avez accumulé une trentaine d'années de service au sein de la police de Toronto. Je suis pas mal certain que vous avez dû être témoin de certains changements. Mes questions vont porter sur l'ethnicité du service de police de Toronto, dans le sens de certaines autres questions qui sont posées à des témoins concernant non seulement ce projet de loi-ci, mais aussi d'autres mesures législatives proposées par le gouvernement.
    Je sais que votre service de police a un programme de rayonnement auprès de la gamme très variée de communautés ethniques que compte votre ville et notamment des gens de confession musulmane.
    Tout à fait.
    Je note aussi que le service de Toronto compte maintenant dans ses rangs bon nombre d'agents se disant de confession musulmane.
    Oui, c'est exact.
    Croyez-vous que les membres de la communauté musulmane torontoise dans son ensemble, et plus particulièrement les agents de police, considèrent que ce projet de loi — ou toute autre mesure législative récente concernant le terrorisme et visant à faire du Canada un endroit plus sûr — cible de façon inéquitable ou injustifiée les citoyens de confession musulmane?
    Je vous ramène à mes débuts au sein de l'unité des crimes haineux en 1993. Il va de soi que différents groupes se sentent touchés par des mesures législatives comme celles-ci et les initiatives d'application de la loi qui s'ensuivent.
    Il ne fait aucun doute qu'actuellement, alors que l'on s'inquiète de la menace en provenance des extrémistes islamiques ou des individus de confession musulmane, les efforts de rapprochement avec eux, non seulement par la police de Toronto, mais comme je le disais précédemment... Je ne vais pas entrer dans les détails concernant la GRC, mais je connais très bien le programme de rayonnement de la ville de Toronto, de l'Ontario en fait, avec l'équipe de la sécurité nationale de la division O. De fait, nous avons collaboré très étroitement avec ces gens-là dans le cadre de différentes initiatives d'approche auprès de la communauté musulmane tant dans leurs écoles privées que dans leurs mosquées.
    Pas plus tard que samedi dernier, dans le secteur de Trethewey Drive et Black Creek Drive à Toronto, quelque 200 membres de la communauté musulmane sont venus participer à une activité de rayonnement organisée conjointement par les services de sécurité nationale de la GRC, la police de Toronto et l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Je pense qu'il importe surtout de tendre la main à ces gens-là afin qu'ils comprennent bien qui nous sommes et ce que nous faisons, et qu'ils sachent que cette loi ne cible pas leur communauté, mais bien un problème à régler. C'est grâce aux communications et à des activités de la sorte que nous y parviendrons.
    Le service de police de Toronto mène plusieurs initiatives d'approche auprès des musulmans et d'autres communautés concernées, et ce, pas seulement par les questions de sécurité nationale. Notre chef peut compter sur l'appui de comités consultatifs, dont un qui est musulman devant lequel j'ai pris la parole à quelques reprises au fil des ans pour traiter notamment de questions touchant la haine et les crimes haineux.
(1650)
    Quel message avez-vous entendu et quel message avez-vous communiqué? Veuillez être le plus concis possible, car j'ai une question à poser par la suite.
    D'accord.
    Certainement, il a été question que ce projet de loi s'applique expressément à eux, et il est très clair que ce n'est pas le cas. Un grand nombre de membres de cette communauté sont très favorables aux efforts d'application de la loi, à ce pays, au Canada et à nos initiatives, et veulent finalement travailler à l'édification de meilleures relations avec nous pour que l'ensemble de la communauté comprenne mieux que nous ne la prenons pas pour cible.
    Avez-vous l'impression que le message passe?
    Oui, je le crois. En fait, la situation s'améliore. Je dirais que tous les quatre ou cinq mois, nous réalisons un progrès très important pour nous.
    Merci.
    Quand vous avez comparu devant le comité sénatorial au sujet du projet de loi S-7, vous avez fait remarquer qu'un certain nombre de jeunes musulmans canadiens se radicalisent à Toronto et quittent le Canada pour se joindre à des camps terroristes dans des pays comme la Somalie et le Pakistan.
    Avez-vous entendu parler de Canadiens qui ont quitté ou tenté de quitter le Canada à destination d'autres pays, comme l'Afghanistan, la Somalie, le Pakistan ou le Yémen, pour se joindre à des organisations terroristes et participer à des activités liées au terrorisme?
    Je répondrais brièvement que oui, j'en ai entendu parler, mais il y a des limites à ce que je peux dire. Des enquêtes sont en cours.
    Je le comprends.
    Je suppose que j'essaie de savoir s'il y a, selon vous, une recrudescence de ce genre de recrutement et d'activité.
    Le commissaire adjoint peut ajouter un mot s'il le souhaite.
    Je répondrais encore brièvement que oui, nous observons une recrudescence, et c'est tout ce que je puis dire.
    Le commissaire adjoint pourrait peut-être ajouter des détails.
    Eh bien, monsieur, il ne fait aucun doute que les événements internationaux ont une influence sur le nombre et les types d'enquêtes que vous évoquez. Nous constatons qu'un nombre constant de personnes radicalisées cherchent à se rendre à l'étranger pour commettre des actes terroristes, pour jouer un rôle à cet égard ou pour s'entraîner à cette fin.
    Bref, oui, c'est un phénomène que nous observons et qui nous inquiète fortement, car si nous ne pouvons empêcher ces personnes de quitter le pays, elles pourraient se rendre dans des régions du globe où nous risquons de les perdre de vue. Une fois qu'elles auront suivi leur entraînement, qui sait le tort qu'elles pourront causer à nos alliés ou à nous-mêmes si elles décident de revenir au Canada? C'est une préoccupation constante pour nous.
    Merci beaucoup.
    Je suis heureux que vous ayez souligné l'aspect préventif de ce projet de loi, car il s'agit d'une mesure préventive.
    Si vous n'y voyez pas d'objection, j'aimerais revenir à l'inspecteur. Il me semble, inspecteur, que la communauté en général — notamment les parents et les proches qui ont de l'affection pour certains de ces jeunes qui pourraient être attirés par le terrorisme — devrait vous appuyer quand vous faites votre exposé.
    Diriez-vous que c'est ce qui se passe une fois que ces personnes savent ce que fait la mesure législative?
    Merci, monsieur Norlock.
    Très brièvement, je vous prie.
    Oui, je crois que c'est tout à fait le cas, monsieur, et c'est un important facteur quand les parents réalisent ce qu'ont fait leurs fils ou leurs filles, leurs fils surtout. Il y a évidemment lieu de craindre que certains d'entre eux meurent dans des conflits à l'étranger, à l'appui de ce qui est une organisation terroriste.
(1655)
    Merci, inspecteur.
    Nous accorderons maintenant la parole à M. Scarpaleggia pour sept minutes.
    Il s'agit, ici encore, d'un point que j'essaie de clarifier.
    En vertu du Code criminel, commet une infraction quiconque quitte le Canada pour commettre une infraction de terrorisme. Je présume toutefois que le fardeau de la preuve, ou la norme de preuve, est légèrement plus élevé que celui de la nouvelle disposition, car cette dernière n'indique pas que la personne va immédiatement commettre une infraction, mais bien qu'elle va s'entraîner. C'est là que réside la véritable valeur de la nouvelle infraction: le fardeau de la preuve est moins élevé et, comme vous le dites, on peut garder la trace de ceux qui pourraient disparaître à l'étranger sans qu'on sache où ils sont.
    Est-ce une bonne interprétation de la disposition?
    Oui, je serais d'accord avec cette interprétation, monsieur.
    Par le passé, en invoquant l'infraction que prévoit actuellement le Code criminel, avez-vous pu accuser des personnes de s'être rendues à l'étranger dans le but de commettre une infraction si elles ne sont pas passées à l'acte? Avez-vous réussi dans certains cas à vous prévaloir de cette partie du code, ou est-ce rarissime?
    Monsieur, les cas que je connais sont ceux de personnes qui ont quitté le Canada et qui ont suivi un entraînement; à ce moment, nous avons pu réunir suffisamment de renseignements relatifs à l'affaire pour porter des accusations contre elles après le fait.
    Si vous le permettez, je ferais respectueusement remarquer qu'il y a une personne...
    Excusez-moi.
    Est-ce après qu'elles ont commis l'infraction?
    Après leur entraînement, oui.
    Il y a en fait une personne de Toronto, appréhendée à l'aéroport de Toronto alors qu'elle tentait de quitter le pays, qui est devant les tribunaux en ce moment même. Le commissaire adjoint Malizia s'est joint récemment au programme et n'est peut-être pas au fait de l'affaire. C'est la police de Toronto qui est intervenue en premier, puis elle a transmis le dossier à la GRC. L'individu en question est devant les tribunaux
    Mais êtes-vous en train de nous dire que vous avez pu atteindre le même objectif sans la nouvelle disposition?
    Il est devant les tribunaux. Les procédures n'ont pas réussi, mais il est certainement accusé de tentative...
    Ainsi, selon votre expérience et vos connaissances, vous considérez qu'au lieu de diminuer — car la rumeur veut qu'al-Qaïda ne soit plus l'organisme qu'il était et souffre de désorganisation —, le nombre de jeunes qui se tournent vers le terrorisme et qui souhaitent se joindre à ce genre d'activité augmente?
    Je dirais que le nombre augmente. Un nombre croissant de jeunes attirent notre attention.
    Commissaire adjoint Malizia, vous avez indiqué que les deux nouvelles dispositions que nous rétablissons, celles sur l'investigation et l'engagement assorti de conditions, prévoient davantage de mesures de contrôle que lorsqu'elles ont été initialement instaurées, il y a quelques années. Vous ai-je entendu dire dans votre exposé initial que notre système démocratique a adopté de nouvelles mesures de contrôle pour mieux prévenir les abus de ces dispositions? Est-ce vrai?
    Oui, des mesures adéquates...
    Pourriez-vous nous en dire davantage?
    En ce qui concerne le nombre de mesures de contrôle mises en place, si nous commençons par les mesures élémentaires, nous aurions besoin de l'autorisation du procureur général pour agir. Il faudrait ensuite obtenir une autorisation judiciaire. Au sein de la GRC, une politique — qu'il faudrait mettre à jour — exigeait que les inspecteurs reçoivent les approbations et le soutien internes avant de s'adresser au procureur général. Il existe donc des mesures de contrôle pour assurer l'application appropriée des dispositions.
    Initialement, à l'époque à laquelle elles ont été instaurées, l'autorisation du procureur général n'était pas nécessaire?
(1700)
    Non, je faisais référence à la politique interne de la GRC. Il y avait, je crois, un domaine où nous ne disposions pas de politique interne, en ce qui a trait précisément à certaines exigences d'une des dispositions. Donc, si ces dispositions sont adoptées, nous devrons évidemment mettre à jour nos politiques en conséquence.
    Certains font valoir à l'occasion que ces dispositions pourraient être utilisées lorsqu'on n'est pas confronté à une menace terroriste imminente, peut-être en cas de désordre public ou d'émeute. On craint qu'elles ne servent dans des situations qui, techniquement, ne relèvent pas de ce que nous considérons comme du terrorisme, mais du désordre civil.
    Avez-vous entendu cet argument? Je l'ai lu et j'ignore dans quelle mesure il est crédible.
    Toute infraction qui ferait l'objet de poursuites en vertu de ces dispositions devrait certainement satisfaire au critère figurant à l'article 83, qui donne la définition précise d'une infraction de terrorisme.
    D'accord. Je vois.
    Votre question portait également sur le consentement du procureur général. Connaissant les dispositions relatives à la propagande haineuse du Code criminel, qui exigent le consentement du procureur général, ce dernier est certainement l'instance habilitée à déterminer ce qu'est ce critère. Sans son consentement, nous ne pourrions entreprendre de procédures.
    Très intéressant.
    Très brièvement.
    C'est beau, j'ai terminé.
    Merci beaucoup, monsieur Scarpelaggia.
    Nous revenons maintenant à M. Garrison pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également le commissaire adjoint Malizia et l'inspecteur Irwin de comparaître aujourd'hui.
    Je veux revenir à l'affaire qui est devant les tribunaux à Toronto, sans entrer dans les détails. Je considère que c'est une affaire très importante, que j'avais l'intention d'aborder. À mon avis, elle semble indiquer que les pouvoirs actuels sont suffisants pour entreprendre des poursuites. Ainsi, l'issue de l'affaire dépend des faits en l'espèce et non d'une question dont nous débattrions aujourd'hui. Il semble toutefois que du point de vue juridique, ce n'est pas la capacité qui manque pour entreprendre des poursuites devant les tribunaux. Est-ce exact?
    Je crois que je dirais que le critère pour intenter des poursuites a été satisfait et n'a pas encore été mis à l'épreuve. Cette affaire nous donnera un bon indice pour voir si nous repoussons les limites et si le critère est satisfait, selon les tribunaux qui prendront une décision. Chose certaine, la mesure législative et le rétablissement de ces dispositions éclairciraient le critère déterminant ce qu'est un criminel et permettraient d'appliquer la loi.
    Mais l'affaire est devant les tribunaux, et c'est aux autorités d'application de la loi qu'incombe le fardeau de la preuve pour l'instant. Aucun obstacle juridique ne les empêchait d'entreprendre des procédures, à ce que je comprends. Sans entrer dans les détails de l'affaire, le pouvoir de porter des accusations n'a pas été remis en question.
    Non, c'est le type d'enquête et ce qu'il fallait faire pour recueillir les preuves pour satisfaire au critère qui sont en cause; or, c'est l'aspect dont nous ne pouvons parler.
    En effet. Je sais que je vous mets dans une position quelque peu difficile.
    Je suppose que je me demande si même les nouvelles dispositions relatives aux sorties que comprend ce projet de loi sont réellement nécessaires.
    Normalement, si on veut empêcher quelqu'un de quitter le pays pour un motif qui est déjà illégal, vous n'avez qu'à délivrer un mandat d'arrestation, n'est-ce pas?
    Il faudrait que la personne concernée ait commis une infraction pour que nous puissions avoir un mandat.
    Ce serait la procédure normale, qu'on suivrait à l'heure actuelle et qu'on a en quelque sorte suivi dans l'affaire dont nous ne parlons pas.
    Oui.
    Alors je ne comprends pas pourquoi il faut ajouter la nouvelle infraction.
    Si je peux me permettre d'intervenir, monsieur, parlez-vous précisément des nouvelles infractions ou des dispositions relatives aux investigations et à l'engagement assorti de conditions?
    Je parle des infractions dont il est question dans cette affaire, en essayant de m'y tenir. Que ce soit ou non une infraction de se rendre à l'étranger pour participer à des activités terroristes ou à une activité illégale quelconque figurant déjà dans le Code criminel, on peut demander un mandat d'arrestation et empêcher la personne d'aller y prendre part. Qu'il s'agisse du crime organisé, d'une menace d'assassinat...
    Je dirais que chaque affaire est différente et qu'on ignore encore si on peut s'appuyer sur une d'elles pour déterminer si l'application de ces dispositions à des fins préventives pourrait s'étendre à la majorité.
    De plus, en ce qui concerne la période d'emprisonnement véritable, une personne qui s'expose à une peine d'emprisonnement parce qu'elle a fait une tentative purgerait en fait la moitié de la sentence. En présumant qu'elle soit accusée d'avoir commis une infraction habituellement punissable d'une peine de 14 ans...
(1705)
    Les peines sont donc différentes?
    ..., la peine serait de sept ans si elle a tenté de participer à un acte terroriste, alors qu'en vertu du nouveau projet de loi, elle écoperait de 14 ans.
    Dans nos échanges d'aujourd'hui, les mots « jeune » et « musulman » sont revenus souvent. Or, ce qui préoccupe les jeunes et les communautés musulmanes à propos de ces dispositions, c'est que peu importe les mérites des démarches de prévention du terrorisme, on risque de recourir au profilage racial et à suspecter un trop grand nombre de gens.
    Par exemple, les services de sécurité israéliens utilisent un profilage fondé sur le comportement plutôt que sur les caractéristiques, et sont donc à l'affût de certains comportements. Selon eux, l'emploi de mots comme « jeune » et « musulman » engendre un surcroît de travail, puisqu'il faut mettre hors cause un grand nombre d'innocents qui n'ont rien à voir avec ces activités et qui ne cadreraient jamais avec ce profil. Il faut appliquer un profil bien plus précis et beaucoup plus axé sur le comportement.
    Je suppose que la question que je me pose à propos de ces dispositions, c'est comment nous pouvons éviter d'appliquer un profilage trop large? Comment pouvons-nous élaborer un mécanisme axé sur le comportement applicable dans le cas présent?
    C'est une excellente question, car c'est une facette primordiale dans nos enquêtes, dans le cadre des efforts que nous déployons pour tendre la main à notre communauté et assurer la sécurité. Je dirais simplement que l'approche que nous utilisons actuellement repose sur la menace.
    Et au chapitre de la menace, c'est al-Qaïda et ses groupes affiliés que nous avons à l'oeil, car ils ont infiltré de nombreuses communautés. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec ces dernières pour apprendre l'un de l'autre à ce sujet.
    Merci beaucoup.
    Je vous rappellerais à tous que nous faisons des interventions de cinq minutes. C'est donc un peu moins long qu'au cours du premier tour.
    Monsieur Hawn, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie tous deux de témoigner.
     Avant de poursuivre, je tiens à remercier vos deux organismes pour l'excellent travail qu'ils ont accompli à Toronto ce week-end. La situation est restée sous contrôle, et vous avez eu l'indulgence de laisser les gens s'amuser, indulgence dont je n'ai pas eu à me prévaloir, je tiens à ce que ce soit clair.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Laurie Hawn: De toute évidence, quand il est question de sécurité et de lutte contre le terrorisme, la sensibilisation et l'intervention précoce sont essentielles. Il va sans dire que vous appuyez tous les deux ces nouvelles mesures, car les choses évoluent au fil du temps. Selon vous, est-il urgent de les adopter? Quand devraient-elles être en place?
    Je commencerai par le commissaire adjoint Malizia.
    Monsieur, je ne peux me prononcer à ce sujet. La décision reviendra évidemment au comité et au Parlement. Je peux toutefois traiter brièvement de l'environnement empreint de menace et de ce que nous y observons.
    Comme je l'ai indiqué plus tôt, cet environnement évolue en raison des événements internationaux, des incidents, de la technologie et de la capacité qu'ont les gens d'échanger ou de recevoir de l'information et de s'informer mutuellement grâce à Internet.
    Ici encore, le nombre de gens qui se rendent à l'étranger demeure une source de préoccupations très réelles et fort sérieuses, tout comme l'est le nombre de ceux qui pourraient disparaître dans la nature une fois en dehors du pays. Il faut donc s'efforcer de collaborer avec les services de renseignements de sécurité afin de disposer des mécanismes pour déterminer si ces personnes sont revenues et, le cas échéant, dans quelles intentions.
    Comme vous l'avez souligné, l'avantage des mesures préventives, c'est qu'elles nous permettent d'interdire et de perturber les menaces potentielles plus tôt. C'est un immense avantage pour la sécurité publique, pas seulement la nôtre, mais celle de nos alliés également.
    D'accord.
    Inspecteur Irwin, si je vous ai bien compris, vous avez indiqué que certaines personnes se rendent à l'étranger pour poursuivre leur éducation, alors qu'elles sont en fait soumises à de l'endoctrinement. D'après ce que vous avez pu voir, l'ignorent-elles quand elles partent?
    D'après ce que nous avons pu voir, dans une certaine mesure, des aînés des communautés viennent à la recherche de jeunes pour les envoyer appuyer la cause nationale, dans certains cas. Nous avons certainement vu des jeunes partir, et nous avons su par après qu'ils ignoraient dans quelle galère ils s'embarquaient. On peut presque parler de naïveté; ils ont été exploités ou se sont fait manipuler par des aînés.
    Nous parlons actuellement de la communauté musulmane et de cette menace, mais je me rappelle que pour les suprémacistes blancs, les néo-nazis et les jeunesses hitlériennes, présents à Toronto depuis 1993, les mêmes méthodes ont été employées pour influencer les jeunes laissés-pour-compte. Je peux voir comment certains jeunes tombent entre les griffes des gangs de rue: ils ont un sentiment d'appartenance.
(1710)
    Évidemment, il est vrai que nous ne savez pas ce que vous ne savez pas.
    Commissaire adjoint Malizia, quelle confiance accordez-vous aux accords d'échange d'information liant les organismes nationaux ou internationaux? L'adoption de ces deux mesures aura-t-elle une incidence à cet égard, ou s'agit-il d'une question distincte?
    C'est une question distincte, je crois. L'échange d'information n'a jamais été aussi bien. Je parle avec le SCRS; les rapports sont excellents. Je pense à nos unités intégrées, que nous appelons équipes intégrées de la sécurité nationale, ou EISN, dont font partie un agent opérationnel relevant de l'inspecteur Irwin, des forces de police intégrées de diverses régions et l'ASFC. Ces équipes fonctionnent extrêmement bien.
    Nous avons fait des pas de géant, et nous avons réussi à obtenir plusieurs condamnations devant les tribunaux. Je crois donc que les choses vont très bien de ce côté.
    Inspecteur Irwin, vous avez évoqué certains de vos programmes de sensibilisation à Toronto. Je sais que vous ne pouvez pas parler au nom des autres corps de police du pays, mais vous travaillez en collaboration avec certains d'entre eux à cet égard. Visitez-vous des écoles?
    Oui, nous allons dans les écoles, assurément dans la grande région de Toronto et dans le reste de la province. L'équipe intégrée de la sécurité nationale sert toute la province de l'Ontario — elle est en transition, je crois —, sauf la région de la capitale nationale. Mais nous visitons certainement les écoles, à Hamilton, à Winsor et à Niagara. La GRC met en oeuvre un excellent programme de sensibilisation semblable en Colombie-Britannique. L'initiative prend de l'ampleur.
    Merci.
    Merci beaucoup, messieurs Hawn et Irwin.
    Monsieur Garrison, je vous accorde encore deux minutes. Je vous rappelle à tous que nous examinerons ensuite les travaux du comité.
    Vous ne disposerez pas de cinq minutes, mais allez-y.
    Je n'ai qu'une question.
    J'ai noté que dans leurs propos, M. Norlock et le commissaire adjoint Malizia ont employé le terme « préventif ».
    Selon mon expérience de membre de commission de police et de conseiller municipal, les mesures préventives ne se limitent pas à ce dont M. Irwin a parlé. Les mesures auxquelles vous faites référence en employant ce terme visent à perturber les activités terroristes plutôt qu'à éliminer les causes. Or, d'après mon expérience des services de police, les mesures préventives ont pour but de s'attaquer aux causes. Il existe une catégorie intermédiaire qui devient souvent problématique pour la police quand vient le temps de perturber certaines activités, comme on peut le voir dans les controverses entourant le crime organisé: participe-t-on ou non?
    Je me demande si vous voyez une distinction entre les mesures préventives et les techniques de perturbation, pour voir s'il est utile de faire la distinction ici.
    Vous avez raison de parler de dualité dans l'application des dispositions. L'inspecteur Irwin a effleuré la question dans une affaire pouvant mettre un jeune en cause. Peut-être que l'engagement pourrait aider le jeune à obtenir des conseils adéquats. Mais cette mesure pourrait également aider quelqu'un qui s'apprête à commettre une attaque terroriste. Je crois donc qu'il existe une certaine dualité à cet égard. Il faut en tenir compte et déterminer où cette mesure pourrait être utile.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Je veux vous remercier tous les deux d'avoir témoigné aujourd'hui.
    Inspecteur Irwin, je sais que vous avez retardé vos vacances pour pouvoir comparaître devant le comité. Je tiens à vous dire que nous sommes heureux que vous ayez saisi l'occasion de témoigner aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants. Vous nous avez tous les deux apporté une aide inestimable dans le cadre de nos délibération et de notre étude du projet de loi.
    Profitez bien du reste de vos vacances, et merci d'avoir témoigné.
    Je demanderai au comité de ne pas trop s'éloigner, car nous allons nous réunir à huis clos.
    Pour tous les autres, nous devons déclarer le huis clos quand nous examinons les travaux du comité. Nous allons donc suspendre la séance quelques instants.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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