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Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Bonjour à ceux d'entre vous qui participent par vidéoconférence. Je m'appelle Anthony Housefather. Je suis le président du Comité. Je vais vous présenter les intervenants au fur et à mesure qu'ils vous poseront des questions, mais soyez assurés que tous les membres du Parti libéral, du Parti conservateur et du NPD sont ici pour vous entendre. Nous avons tous très hâte d'entendre vos témoignages. Merci beaucoup d'être là aujourd'hui.
Nous recevons aujourd'hui dans la salle une seule témoin, Shanaaz Gokool, directrice générale de Dying with Dignity Canada.
Bienvenue.
Par vidéoconférence, nous accueillons trois groupes. Nous accueillons Derek Ross, directeur exécutif, et Jonathan Sikkema, avocat-conseil associé, de l'Alliance des chrétiens en droit de London, en Ontario.
Bienvenue.
Nous accueillons le cardinal Thomas Collins, archevêque de l'Archidiocèse de Toronto, et Laurence Worthen, directeur exécutif de la Christian Medical and Dental Society of Canada, qui représentent tous deux la Coalition for HealthCARE and Conscience.
Bienvenue à vous aussi.
Enfin, nous accueillons Cara Zwibel, directrice du programme Libertés fondamentales de l'Association canadienne des libertés civiles.
Bienvenue.
Puisque nous allons commencer par les témoins qui comparaissent par vidéoconférence, nous voulons nous assurer de le faire dans les temps. Vous avez tous huit minutes pour présenter votre déclaration préliminaire — il y a quatre groupes, qui ont chacun huit minutes —; ensuite, tous les membres du Comité poseront des questions par rotation: six minutes pour les conservateurs, six pour les libéraux et six au NPD, puis six à nouveau aux libéraux. De plus, les questions peuvent passer de l'un à l'autre.
Nous allons commencer par l'Alliance des chrétiens en droit.
Monsieur Ross et monsieur Sikkema, allez-y s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Derek Ross. Je suis directeur exécutif et conseiller juridique de l'Alliance des chrétiens en droit. Je suis en compagnie de Jon Sikkema, avocat-conseil associé de l'ACD.
Nous souhaitons remercier les membres du Comité de nous donner l'occasion de présenter nos observations.
L'ACD est un organisme de bienfaisance enregistré et une association nationale comptant plus de 600 professionnels du domaine juridique qui partagent un engagement à l'égard de la foi chrétienne. En tant qu'organisation réunissant des avocats, nous tentons de promouvoir la justice et le bien public en attirant l'attention sur les principes fondamentaux du droit.
Un de ces principes centraux est le caractère sacré de la vie, que la Cour suprême a reconnu comme étant l'un des plus importants principes de société dans l'arrêt Carter. Selon ce principe, la vie de chaque personne — peu importe son âge, ses handicaps ou ses infirmités — a la même valeur et la même importance intrinsèques.
Comme la Cour suprême l'a reconnu dans l'arrêt Rodriguez, la participation active d'une personne dans la mort d'une autre est une faute intrinsèque et morale sur le plan juridique. Ce principe, exprimé par le juge Sopinka, n'a pas été contesté ni infirmé dans l'arrêt Carter, même si celui-ci permet maintenant une exception légale dans certaines situations.
Pour nous — et pour les membres du Comité et du Parlement —, le défi consiste à déterminer de quelle façon nous pouvons le mieux protéger et préserver la valeur égale et l'importance intrinsèque de chaque personne au Canada après l'arrêt Carter.
Pour répondre à cette question, nous avons rédigé nos observations en présumant que le Parlement légalisera l'euthanasie et le suicide assisté — ce qu'on appellera l'AMM — dans certaines circonstances, même si le Parlement a d'autres options et que, selon nous, certaines sont plus appropriées, comme nous l'avons expliqué ailleurs.
Cependant, puisque, dans le projet de loi dont est saisi le Comité, on a opté pour la légalisation, nous exhortons le Parlement à faire preuve de prévoyance et à mettre en place des mesures de protection proactives contre certaines des éventuelles répercussions négatives — qui sont peut-être imprévues ou non intentionnelles — du projet de loi , des répercussions négatives que l'on peut, du moins en partie, atténuer grâce à certains amendements que nous et d'autres intervenants recommandons.
Nous demandons au Parlement de réfléchir aux questions qui suivent.
En quoi la légalisation de l'AMM influera-t-elle sur les attitudes de la société à l'égard du suicide?
En quoi cela pourrait-il contribuer à normaliser le suicide en tant qu'option raisonnable, non seulement dans le contexte de l'AMM, mais de façon générale?
Nous savons que les rédacteurs du projet de loi sont conscients de cet enjeu, puisque le préambule reconnaît que le suicide est un enjeu de santé publique — pas seulement un enjeu privé — et le document d'information du ministère de la Justice mentionne aussi que l'AMM ne sera pas accessible dans un large éventail des situations, parce que cela pourrait miner les initiatives de prévention du suicide et normaliser le suicide en tant que solution à de nombreuses formes de souffrance.
Le gouvernement a raison d'être préoccupé par ces conséquences potentielles et doit agir de façon encore plus proactive pour se prémunir de ces dernières. Nous devons protéger les efforts des médecins, des organisations sanitaires et des organismes de bienfaisance qui luttent contre le suicide. Nous craignons que de tels groupes évitent d'essayer de convaincre les personnes d'abandonner leurs pensées suicidaires de crainte que leurs efforts soient considérés comme une entrave à l'AMM ou à l'accès à une telle aide.
C'est une situation évidente au Québec, où l'ordre des médecins a récemment découvert que des urgentologues laissaient des personnes qui avaient tenté de se suicider mourir alors qu'un traitement salvateur était accessible. Dans les médias, on mentionnait que la légalisation de l'aide à mourir dans cette province créait de l'ambiguïté au sujet du besoin d'intervenir. Le Parlement doit éliminer de telles ambiguïtés ici et jouer un rôle de premier plan pour combattre la normalisation du suicide.
Que peur faire précisément le Comité dans le contexte de ce projet de loi?
Selon nous, le Parlement devrait affirmer clairement dans le préambule du projet de loi que la prévention du suicide reste un objectif de politique publique important. De plus, le préambule devrait souligner que le caractère sacré de la vie reste l'un des principes sociétaux les plus fondamentaux du Canada, qu'il n'est pas contraire à l'intérêt public d'exprimer le point de vue selon lequel la participation au décès d'une personne est intrinsèquement, moralement et légalement fautive et que l'AMM devrait seulement être considérée comme une solution de dernier recours, et non pas comme une mesure à présenter à des patients comme étant simplement une option de traitement parmi d'autres.
Selon nous, c'est une façon importante de communiquer clairement — même si le Parlement choisit de permettre l'AMM — que l'AMM ne doit pas être considérée comme une nouvelle intervention médicale normale pour apaiser la souffrance ni même comme une option égale aux autres. Cela signifie aussi que le Parlement devrait protéger le statut d'organismes de bienfaisance des organisations qui luttent contre le suicide et des organisations religieuses et des institutions confessionnelles de soins de santé qui refusent de fournir l'AMM dans leurs installations. Il faut le faire en apportant des modifications claires à la Loi de l'impôt sur le revenu, ce que nous avons décrit dans notre mémoire.
Ces modifications permettront de promouvoir non seulement la liberté de religion, la liberté de conscience et la liberté d'expression, mais — ce qui est tout aussi important — le respect et la préservation de la culture médicale et sociale selon laquelle le traitement est la solution à préconiser pour lutter contre la souffrance, pas le suicide.
Dans un même ordre d’idées, nous devons protéger les patients afin qu'ils ne se sentent pas obligés d'accepter l'AMM. Judicieusement, il a été décidé que le fait de conseiller à une personne de se suicider ou l'aider à le faire reste illégal au titre du projet de loi. La disposition en question, l'alinéa 241a), concerne seulement le suicide et ne semble pas concerner des choses comme l'euthanasie volontaire, qui est considérée comme un homicide et non un suicide. Il s'agit peut-être d'une erreur de rédaction, mais, d'une façon ou d'une autre, il faut la corriger. Concrètement, les patients seront confrontés à des pressions externes pour obtenir et recevoir l'AMM. Le projet de loi le reconnaît. Au titre de ce projet de loi, tel qu'il est rédigé, lorsque cela se produit, la seule conséquence, c'est qu'un patient peut être considéré comme n'étant pas admissible à l'AMM, et seulement si le médecin du patient détermine que la demande a été présentée en raison de pressions externes subies ou à la suite de telles pressions. Même si le médecin détermine que le patient n'est pas admissible, ce dernier peut tout de même tenter d'obtenir l'AMM d'un autre médecin, et ce, peut-être parce qu'il continue à être confronté aux pressions d'une même tierce partie. Le deuxième, ou le dixième, ou le vingtième médecin peut ne pas détecter les pressions externes que subit le patient. Respectueusement, il s'agit d'un oubli important, qui fait en sorte que même les formes les plus malveillantes et récurrentes de pressions et de contraintes restent à l'abri, semble-t-il, de toute poursuite. Nous recommandons d'ajouter des dispositions précises pour éliminer toute ambiguïté à cet égard et de faire en sorte que l'acte de conseiller, d'encourager ou d'obliger une personne à mourir par suicide ou homicide, y compris l'euthanasie, ou de l'intimider pour qu'elle le fasse est une infraction.
Nous demandons aussi au Parlement de protéger explicitement les droits de ceux qui refusent de participer à l'AMM, comme les fournisseurs de soins de santé. Je sais que d'autres personnes aborderont ce sujet cet après-midi. En légalisant l'euthanasie, le projet de loi fait courir un risque aux membres les plus vulnérables de la société. L'ACD souscrit aux recommandations contenues dans la Norme sur la protection des personnes vulnérables. De plus, nous recommandons un certain nombre d'amendements au projet de loi C-14 pour protéger les personnes les plus vulnérables de tout abus. Ces amendements figurent dans notre mémoire. Nous affirmons que la décision de la Cour dans l'arrêt Carter n'empêche pas le Parlement de faire toutes ces choses. De plus, selon nous, l'ensemble de ces dispositions et amendements sont nécessaires, non seulement pour protéger les personnes les plus vulnérables, mais pour préserver une culture qui célèbre la valeur égale et inhérente de chaque vie.
Merci.
Monsieur le président, honorables membres du Comité, je tiens à vous remercier, au nom de l'Association canadienne des libertés civiles de nous avoir invités à présenter des observations sur le projet de loi .
L'ACLC lutte pour les libertés civiles, les droits de la personne et les libertés démocratiques de toutes les personnes au Canada. Créée en 1964, l'association est une organisation nationale indépendante et non gouvernementale. Nous oeuvrons dans les tribunaux, devant des comités législatifs, dans des salles de classe et dans la rue pour protéger les droits et libertés dont bénéficient les Canadiens et qui sont garantis dans notre Constitution. Les principaux objectifs de l'ACLC incluent la promotion et la protection juridique de la liberté et de la dignité individuelles. Au cours des 51 dernières années, nous nous sommes efforcés d'atteindre ces objectifs.
Comme beaucoup de groupes et de particuliers que vous rencontrerez peut-être, l'ACLC est intervenue dans le dossier Carter. Dans ce dossier, nous avons fait valoir que l'interdiction absolue de l'aide médicale à mourir était une violation de l'article 7 de la Charte qui ne pouvait être maintenue. Dans sa décision, la Cour suprême a affirmé clairement que c'est bel et bien le cas et a reconnu que le fait de refuser d'aider des personnes qui souffrent d'affections médicales graves et irrémédiables constitue une violation de leurs droits les plus fondamentaux.
La décision du gouvernement de déposer le projet de loi reconnaît le besoin d'adopter une loi nationale sur cette question, et dans une certaine mesure, certaines des dispositions dans le projet de loi sont, selon nous, conformes à la décision de la Cour suprême.
Nous sommes préoccupés par certains des aspects du projet de loi et, selon nous, il contient au moins une lacune importante et fatale; c'est le premier sujet que je vais aborder dans le cadre de mes observations.
Le projet de loi définit qui est admissible à l'aide médicale à mourir en exigeant la présence de « problèmes de santé graves et irrémédiables ». Ce libellé est conforme au libellé utilisé par la Cour dans l'arrêt Carter. Cependant, le projet de loi définit par la suite les critères requis pour établir une telle condition en affirmant, au sujet de la personne que:
sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie.
Selon nous, cette exigence ne respecte ni le libellé ni l'esprit de la décision de la Cour dans l'arrêt Carter. La décision mettait l'accent sur la souffrance et la qualité de vie, pas la quantité. L'exigence liée au caractère raisonnablement prévisible causera de la confusion, est inutile et, selon nous, cette exigence s'éloigne considérablement de la décision de la Cour, et ce problème doit être reconnu et réglé par le Comité.
L'expression « raisonnement prévisible » est vague dans le contexte de la vie et de la mort: le décès de chaque humain est raisonnablement prévisible. Cette exigence renvoie probablement à une certaine proximité du décès naturel, mais on peut difficilement savoir de quelle façon cela sera interprété ou évalué.
Pour ajouter à la confusion, le gouvernement a produit des documents d'information et le ministre a fait des discours qui donnent à penser que cette exigence ne devrait pas être un obstacle pour des personnes comme Kay Carter, qui souffrait de sténose du canal rachidien et qui était l'une des personnes au centre de l'affaire Carter. Selon nous, ces explications et justifications ne correspondent pas bien au libellé actuel du projet de loi.
Si le gouvernement ne veut pas créer un obstacle ici, le Parlement devrait modifier le projet de loi en conséquence. Nous avons inclus une recommandation précise à ce sujet dans notre mémoire.
Plus précisément, nous proposons de modifier le paragraphe 241.2(2) du Code criminel pour retirer l'alinéa d) afin que les alinéas restants constituent les seuls critères permettant de définir en quoi consistent des problèmes de santé graves et irrémédiables. Nous avons inclus certains passages qui, selon nous, devraient être ajoutés pour plus de certitude.
Le deuxième point que je veux aborder rapidement concerne l'exclusion dans le projet de loi des mineurs matures et le fait de ne pas permettre de demandes anticipées.
Même si la présentation du projet de loi par le gouvernement était accompagnée d'un engagement à étudier de façon plus poussée ces enjeux, nous craignons que cette étude plus poussée n'entraîne des retards et de la souffrance pour des personnes.
Comme il me semble que nous le savons tous, la question de l'aide à mourir est un enjeu controversé. Dans le passé, le Parlement n'a pas voulu s'attaquer à cette question sans l'impulsion d'une décision judiciaire. Selon nous, le fait que la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Carter n'aborde pas directement la question des mineurs matures ou des demandes anticipées n'élimine pas les obligations du gouvernement ou du Parlement à respecter les droits garantis par la Charte ou à protéger les gens contre des souffrances inutiles.
Selon l'ACLC, il n'y a aucune raison fondée de faire une distinction entre des mineurs matures et des adultes compétents, puisque la définition d'un mineur mature est quelqu'un qu'on juge capable de prendre une décision liée à un traitement précis. Selon nous, des amendements devraient être apportés pour permettre les demandes anticipées d'aide médicale à mourir lorsqu'une personne est admissible par ailleurs. Nous ne voyons aucun motif fondé d'exclure une demande anticipée lorsque de telles demandes sont déjà permises pour permettre à une personne de consentir à la cessation d'un traitement qui la maintient en vie.
Le troisième point que je voulais aborder est plus restreint, et il concerne l'une des mesures de sauvegarde incluses dans le projet de loi selon laquelle la demande d'aide médicale à mourir d'une personne doit être signée devant deux témoins indépendants. Le projet de loi exclut par la suite certaines personnes, qui ne peuvent agir à titre de témoins indépendants. Pour être clair, l'ACLC ne s'oppose pas en principe à ce type de mesure de sauvegarde, mais, en examinant le libellé de la disposition et en examinant les personnes ne pouvant agir à titre de témoins indépendants, nous craignons qu'il puisse être difficile de trouver des personnes pouvant agir à ce titre. Je ne sais pas quelle est la meilleure façon pour le Parlement de régler ce problème. On pourrait inclure une solution en accordant au un pouvoir réglementaire concernant la permission des témoins. Nous comprenons qu'il y a des enjeux liés à la répartition des compétences ici, mais je voulais porter cet enjeu à l'attention du Comité. Selon nous, le fait de ne pas y voir pourrait créer un obstacle concret à la mise en oeuvre efficace du projet de loi.
Enfin, j'aimerais parler du processus devant le Comité. Les témoins qui ont été invités à présenter des mémoires devant le Comité ont bénéficié d'un très court préavis, et on leur a demandé de présenter des mémoires brefs. J'apprécie que vous teniez une séance-marathon ce soir, et il y a pas mal de réunions qui auront lieu au cours des prochains jours, mais le Comité ne consacre que quatre jours consécutifs à cet enjeu important. Les limites imposées quant à la portée des observations et le peu de temps accordé à l'étude du projet de loi sont autant de sources de préoccupation. Nous reconnaissons que le comité externe fédéral et le groupe consultatif interprovincial ont fait beaucoup de travail, tout comme le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, mais, concrètement, l'étude du Comité est la première occasion qu'a quiconque d'examiner le texte législatif, de l'évaluer et de formuler des observations connexes. Il s'agit d'un enjeu qui concerne tous les Canadiens, et un processus d'étude de la législation plus solide est justifié. Nous le disons parce que nous croyons que le fait que la déclaration d'invalidité entrera en vigueur au début de juin créera un vide juridique.
Le , en présentant le projet de loi, a dit que le texte correspond aux paramètres de l'arrêt Carter, mais que si aucune loi fédérale n'est adoptée le 6 juin, ce sont les paramètres de cette décision qui seront appliqués. Même si nous croyons qu'une loi nationale sur cette question est importante et sera bénéfique pour diverses raisons, cela ne signifie pas qu'il faut se dépêcher à adopter une loi qui n'a pas fait l'objet d'une étude suffisante dans le cadre d'un processus démocratique véritable.
Merci.
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Bonjour, et merci de nous donner l'occasion de discuter avec vous du projet de loi , un texte législatif qui aura un impact majeur sur la société canadienne pour les années à venir.
Je comparais aujourd'hui au nom de la Coalition for HealthCARE and Conscience. Je suis accompagné de mon collègue Larry Worthen, qui est le directeur exécutif de la Christian Medical and Dental Society of Canada, une entité membre de notre coalition. Nous représentons plus de 5 000 médecins partout au Canada, plus de 110 installations de soins de santé et près de 18 000 places de soins et 60 000 employés.
Nous avons déjà déclaré que, en raison de notre mission et de nos convictions morales, nous ne pouvons pas soutenir ni tolérer le suicide assisté et l'euthanasie. Nous comprenons, cependant, que la Cour suprême du Canada a demandé au gouvernement fédéral d'adopter une loi sur l'euthanasie et le suicide assisté d'ici le 6 juin et que le projet de loi découle de cette décision.
Aujourd'hui, nous parlerons du besoin d'apporter des amendements au projet de loi pour protéger les droits de conscience des médecins et des installations de soins de santé. Nos membres sont déterminés à prendre soin de leurs patients à chaque étape de la vie. Nous savons ce que signifie d'avoir à accompagner ceux qui font face à d'immenses souffrances, tant dans leur esprit que dans leur corps. Nous sommes déterminés à servir ceux qui souffrent avec l'amour et la compassion qui découlent de notre foi, ce que nous exprimons grâce à la prestation des meilleurs soins médicaux possible.
Ce que nos membres ne peuvent pas faire et ce à quoi ils ne peuvent pas participer, c'est ce qu'on appelle l'aide médicale à mourir. Pour que ce soit clair, par « participation », je veux aussi dire jouer un rôle dans le décès d'une personne en prenant des arrangements pour que la procédure soit réalisée par quelqu'un d'autre par l'intermédiaire d'un renvoi.
Nous reconnaissons que l'ébauche du projet de loi déposé le 14 avril ne contient pas — du moins, pour le moment — certaines des recommandations les plus troublantes du comité parlementaire mixte. Cependant, nous restons préoccupés par le fait que le projet de loi ne protège pas les droits de conscience des fournisseurs de soins de santé et des installations qui s'opposent à l'euthanasie et au suicide assisté pour des raisons morales.
Nous ne voyons aucune référence aux droits de conscience dans le projet de loi . Le préambule du texte précise que le gouvernement respecte « les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé ». Même si ce respect est apprécié, il n'a pas le même poids juridique qu'une protection législative. Aucune administration étrangère dans le monde qui a légalisé l'euthanasie et le suicide assisté n'oblige les travailleurs de la santé, les hôpitaux, les maisons de soins infirmiers ni les centres de soins palliatifs à agir contre leur conscience, leur mission et leurs valeurs.
Il semble que le gouvernement fédéral a décidé de laisser les provinces et les territoires s'occuper de cette question, mais si le gouvernement fédéral adopte une loi qui permet l'euthanasie et le suicide assisté partout au Canada, il doit offrir une protection solide des droits de conscience partout au Canada.
Il faut absolument que le gouvernement s'assure que les professionnels de la santé bénéficient d'une protection efficace quant aux droits de conscience, tant les institutions que les particuliers. Ce n'est pas bien ni juste de dire à une personne: « Vous n'avez pas à agir de façon contraire à vos convictions, mais vous devez vous assurer que ça arrive. » Il est tout aussi injuste d'exiger d'une installation de soins de santé qu'elle désavoue ses convictions institutionnelles ou sa mission. Nous tenons à souligner qu'aucune installation de soins de santé au Canada n'offre toutes les procédures possibles à ses patients.
Nous continuerons à accompagner avec amour nos patients tous les jours. Nous vous demandons de protéger tous les travailleurs de la santé et les institutions qui sont les successeurs des pionniers des soins de santé au pays de façon à ce que nous puissions nous assurer qu'ils peuvent continuer à réaliser leur mission en matière de prestation de soins et de guérison.
Larry.
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Merci, cardinal Collins.
Les membres de notre coalition appuient le droit des patients de refuser ou d'arrêter un traitement en fin de vie pour permettre à une maladie latente de suivre son cours.
Nous voulons dire clairement que, si le Parlement légalise l'aide médicale à mourir, nous n'allons d'aucune façon empêcher les patients qui le décident d'obtenir cette procédure et nous ne les abandonnerons jamais.
Nous savons qu'il y a de nombreuses façons de respecter les décisions des patients sans bafouer les convictions de travailleurs de la santé ou des institutions. L'Association médicale canadienne et d'autres experts ont dit qu'un conflit entre ces deux valeurs n'est pas nécessaire.
Notre proposition à nous recommande d'utiliser un processus de transfert des soins et l'accès direct des patients, afin que les patients aient le choix de rester avec leur médecin ou d'être transférés sous les soins d'un autre médecin.
Les instituts qui ne veulent pas la procédure dans leurs installations sont prêts à faciliter le transfert des patients vers l'installation de leur choix si c'est ce qu'ils désirent.
Le fait de forcer les fournisseurs à agir contre leurs convictions morales est une violation de l'article 2 de la Charte des droits et libertés. Nous savons que des hôpitaux et des organismes de réglementation partout au pays élaborent actuellement des politiques à ce sujet. Par exemple, l'Ordre des médecins et des chirurgiens de l'Ontario a déjà préparé une politique provisoire qui exigera des médecins qu'ils fournissent une recommandation en matière d'euthanasie et de suicide assisté. En même temps, au moins sept autres ordres provinciaux n'ont pas opté pour une telle approche.
La loi du Parlement devrait envoyer un message clair selon lequel les droits garantis par la Charte des fournisseurs de soins partout au Canada peuvent être protégés. Les Canadiens ne devraient pas avoir à composer avec une approche disparate.
Dans le passé, le Parlement a déjà légiféré sur des questions qui chevauchent les compétences provinciales et territoriales. Prenez l'exemple de la Loi sur le mariage civil adoptée par le Parlement en 2005 pour légaliser et réglementer les mariages de conjoints de même sexe. Même si le mariage est une compétence provinciale, c'est une loi fédérale qui régit le mariage. La Loi le souligne dans son préambule et contient une clause précise reconnaissant que les autorités religieuses ont le droit de refuser de célébrer des mariages qui ne sont pas conformes à leurs croyances religieuses.
Notre coalition recommande au Parlement d'utiliser la même approche législative dans le projet de loi , y compris une mention dans le préambule du projet de loi et une clause précise qui confirme que les personnes ou les institutions de soins de santé confessionnelles qui s'opposent à l'euthanasie ou au suicide assisté ne soient pas obligées d'adopter de telles pratiques et ne fassent pas l'objet d'une discrimination en raison de leur opposition.
Nos amendements proposés au préambule du projet de loi sont libellés comme suit. Pour ne pas prendre trop de temps, je vais lire deux des propositions qui figurent dans notre mémoire.
Attendu que le Parlement respecte et affirme la liberté de conscience et de religion des professionnels de la santé et des institutions confessionnelles et attendu que rien dans la présente loi n'influe sur le droit garanti à la liberté de conscience et de religion, et en particulier la liberté des professionnels de la santé et des institutions constitutionnelles de refuser de fournir une aide médicale à mourir ou de participer à la prestation d'une telle aide.
Nos amendements proposés dans le corps de la Loi seraient ainsi libellés:
Il est reconnu que les professionnels de la santé ont le droit de refuser de participer au processus d'aide médicale à mourir, directement ou indirectement, si cela va à l'encontre de leurs convictions ou de leurs croyances religieuses.
Il est entendu qu'aucune personne et aucune organisation ne seront privées d'un avantage ou fera l'objet de toute obligation ou de toute sanction au titre d'une loi du Parlement du Canada uniquement en raison de l'exercice ou du refus d'exercer relativement à l'aide médicale à mourir de leur liberté de conscience et de leur liberté de religion garanties par la Charte canadienne des droits et libertés.
En conclusion, je tiens à souligner que l'arrêt Carter précise clairement qu'aucun médecin ne devrait être forcé à participer à un décès assisté. La Cour a aussi déclaré qu'il s'agissait d'un dossier qui fait intervenir la liberté de conscience et la liberté de religion garanties par la Charte.
La discrimination contre des personnes en fonction uniquement de leurs convictions morales et de leurs croyances religieuses n'est pas dans l'intérêt public. Cela ne crée pas le genre de société tolérante, inclusive et pluraliste que les Canadiens méritent.
Merci.
Je tiens à remercier le comité de la justice et des droits de la personne d'avoir invité Dying with Dignity Canada à l'audience d'aujourd'hui.
Nous travaillons sur le dossier de l'aide à mourir depuis bien plus de 30 ans. Si quelqu'un peut comprendre le caractère historique de ce qui se passe actuellement au pays, c'est bien nous. Cependant, nous sommes très préoccupés par le projet de loi qui s'éloigne sans raison de bon nombre des principales recommandations du comité parlementaire mixte spécial.
Nous craignons que la définition du gouvernement de « grave et irrémédiable » ne respecte pas les normes minimales de l'arrêt Carter. Si l'arrêt Carter représente le niveau plancher en matière d'aide à mourir, alors nous sommes maintenant au sous-sol. Nous sommes aussi tout particulièrement préoccupés par le fait qu'il n'y a pas de dispositions liées au consentement préalable à l'intention des personnes qui ont reçu un diagnostic lié à un problème de santé « grave et irrémédiable », comme la démence ou la maladie de Huntington.
Même si les politiques de Dying With Dignity Canada s'appuient sur les recommandations de notre conseil consultatif de médecins, nous ne sommes pas des médecins ni des avocats. Nous représentons les 85 % de Canadiens qui sont favorables à l'arrêt Carter et les 80 % de Canadiens qui appuient la possibilité de donner un consentement préalable lorsqu'il y a un diagnostic. Par conséquent, notre organisation a la responsabilité de discuter des groupes de personnes vulnérables qui seront laissées pour compte si le projet de loi n'est pas modifié de façon importante. Les personnes que je vais mentionner aujourd'hui ne sont que quelques exemples des milliers de Canadiens qui ne pourront pas trouver de réconfort dans le projet de loi C-14 et qui devront peut-être aller devant les tribunaux pour établir leur droit garanti par la Charte de mourir.
La liste de préoccupations qui suit n'est pas exhaustive, mais elle souligne certaines des principales exclusions.
Le projet de loi du gouvernement redéfinit l'expression « grave et irrémédiable » et introduit de nouvelles notions, comme « incurable », « déclin avancé et irréversible » et « raisonnablement prévisible ». Ces nouvelles expressions excluront des personnes qui ont des affections chroniques graves et des personnes qui ne sont pas sur le point de mourir.
De qui parlons-nous donc? Qui sera exclu?
Voici Linda Jarrett. À 50 ans, Linda a reçu un diagnostic lié à une sclérose en plaques progressive secondaire. À 68 ans, elle ne peut plus marcher, et les années qui l'attendent la troublent profondément. Elle ne veut pas rester 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 en établissement de soins prolongés pendant, possiblement, des années et des années. Elle veut pouvoir choisir et elle veut le réconfort de savoir qu'elle pourra choisir, si son état et sa souffrance deviennent intenables.
Voici Ronald Phelps et sa fille, Laura. Il a été victime d'un AVC foudroyant qui l'a confiné au lit et il a perdu la capacité de parler. D'autres complications ont fait en sorte que les médecins ont dû amputer ses deux bras et ses deux jambes. Il a plutôt choisi de mourir de faim et de déshydratation, ce qui, comme sa fille Laura l'a dit, est un peu comme ajouter sévices par-dessus sévices. D'autres personnes comme Ronald Phelps méritent notre compassion et méritent d'avoir le choix de ne plus souffrir et de trouver la paix.
Voici Drew Sperry, qui est décédé douloureusement de sclérose latérale amyotrophique et dont la plus grande crainte était non pas de mourir, mais de vivre — comme il l'a dit lui-même — « emprisonné dans mon corps en haletant comme un poisson sur un quai ».
Et n'oublions pas Jean Brault, un Québécois qui a eu un caillot au cerveau et qui, sur un certain nombre d'années, a souffert d'une série d'AVC foudroyants. M. Brault pensait, lorsque la loi est entrée en vigueur au Québec, qu'il allait pouvoir mettre fin à ses tourments. Ses médecins lui ont dit qu'il respectait les critères: il ne pouvait pas marcher, il perdait sa capacité de parler et il souffrait énormément. Cependant, on lui a aussi dit qu'il ne mourait pas assez vite, et il a donc arrêté de manger pendant 53 jours et arrêté de s'hydrater pendant 8 jours avant qu'il puisse être admissible à l'aide à mourir. Il a dit aux médias qu'il devait s'automutiler pour être libéré de ses souffrances.
Le gouvernement doit se demander si ce sont les seuls choix qui s'offrent à des gens comme Linda, Ronald, Drew et Jean: de souffrir horriblement pendant des années peut-être même des décennies avant de mourir d'une longue et douloureuse agonie ou d'arrêter de manger et de s'hydrater jusqu'à ce que mort s'ensuive et, maintenant, en raison de ce projet de loi restreint et restrictif, de trouver le courage malgré leurs souffrances de se présenter devant les tribunaux pour lutter pour leur droit de mourir?
Nous demandons que l'article 241.2 proposé soit modifié en fonction du libellé de la Cour dans l'arrêt Carter et qu'on en retire les expressions « incurable », « déclin avancé et irréversible » et « sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible ».
Je vais maintenant passer à la question du consentement préalable. Sans consentement préalable, des gens qui ont reçu un diagnostic de « problème de santé grave et irrémédiable » comme la démence, la maladie de Huntington ou la maladie de Parkinson auront un choix cruel à faire.
C'est un choix que la Cour a tenté d'éviter dans l'arrêt Carter, soit d'exiger des gens qu'ils se suicident beaucoup trop rapidement alors qu'ils ont peut-être encore des mois ou même des années devant eux, mais qu'ils décident de passer à l'acte pendant qu'ils sont encore physiquement et mentalement capables de le faire s'ils ne veulent pas mourir d'une façon qu'ils décriraient comme étant horrible.
Voici Gillian Bennett, une femme de la Colombie-Britannique qui a reçu un diagnostic de démence. Durant l'été de 2014, elle s'est suicidée pendant qu'elle était encore capable de le faire et, pour reprendre ses mots: « Je, Gillian, ne serai plus ici. Que faut-il faire de ma carcasse? Elle sera physiquement en vie, mais il n'y aura plus personne à l'intérieur. »
Voici Margot Bentley, une ancienne infirmière qui s'occupait de patients déments qui, dans un cruel coup du sort, a dit qu'elle voulait avoir le droit de mourir si jamais elle était atteinte de démence. Elle vit et meurt lentement de démence depuis maintenant 17 ans. Comme sa fille Katherine l'a dit, elle est bel et bien en phase terminale, tout comme d'autres personnes comme elle. En 2011, au Canada, plus de 740 000 Canadiens étaient atteints de démence. C'est 15 % de la population âgée de plus de 65 ans. Ils sont complètement exclus du projet de loi. Ils ne peuvent pas demander une aide à mourir d'avance au titre du projet de loi, et ils ne peuvent pas la demander pendant qu'ils sont encore compétents. Ils ne seront pas admissibles.
À l'été de 2015, Lee-Anne Peters, qui avait 30 ans, s'est enlevé la vie après un certain nombre de tentatives. Elle était aux étapes intermédiaires de la maladie de Huntington et elle savait ce qui l'attendait. Sa mère Lisa a dit que Lee-Anne priait chaque jour pour qu'on lui permette de choisir elle-même quand elle n'allait plus pouvoir apprécier la vie, mais, puisqu'il n'y avait pas de loi, elle a dû mettre fin à ses jours plus rapidement, seule, et sans amis ni famille, pendant qu'elle était encore capable de le faire.
Gillian, Margot et Lee-Anne sont comme des centaines de milliers de Canadiens qui sont déjà condamnés à mort. En excluant le consentement préalable, le gouvernement fédéral reconnaît que leurs droits garantis par la Charte seront violés. Le projet de loi doit être modifié immédiatement pour inclure le consentement préalable ou le gouvernement doit s'engager sincèrement à s'assurer que des groupes entiers de personnes qui ne sont pas admissibles uniquement en raison de leur affection médicale ne feront pas l'objet d'une discrimination et ajoutera un mandat législatif obligatoire exigeant une étude d'experts indépendants sur ces questions en vue d'en faire part au Parlement dans un délai prescrit de 18 mois relativement à de possibles amendements au Code criminel. Cette solution de rechange pourrait aussi s'appliquer à l'inclusion des maladies mentales et des mineurs compétents.
En conclusion, si le projet de loi n'est pas modifié de façon importante, alors on peut s'attendre à ce que plus de Canadiens gravement malades, atteints de maladie chronique, malades et mourants se tournent à nouveau vers les tribunaux pour faire respecter ce que nous croyons être leurs droits garantis par la Charte. N'y a-t-il pas déjà eu assez de personnes malades et mourantes qui ont déjà tant sacrifié de choses pour nous? Ne se sont-elles pas déjà présentées devant les tribunaux pour faire reconnaître les droits garantis par la Charte des personnes qui sont atteintes de maladies graves et irrémédiables?
Merci.
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Nous sommes d'avis que la question des mineurs en est une qui est traitée régulièrement par les gens qui exercent dans le domaine des soins de santé. Les décisions prises au sujet de qui est un mineur mature et de qui peut prendre des décisions relatives au traitement sont des décisions que les fournisseurs de soins de santé prennent régulièrement.
Je pense qu’il est raisonnable de le présumer, et il est important de comprendre que la décision concernant la maturité d’un mineur n’est pas une estampille que l’on reçoit à un certain âge ou à un certain moment. En général, l’évaluation de la maturité d’un mineur s’effectue relativement à une décision particulière concernant le traitement. La personne serait évaluée relativement à cette décision particulière concernant le traitement. Est-elle capable de prendre la décision de demander l’aide médicale à mourir?
Je pense qu'il est raisonnable de présumer que les médecins qui sont chargés de prendre ces décisions sont susceptibles de mettre la barre plus haut qu'ils le feraient dans le cas d'autres types de décisions relatives au traitement, comme: « pouvez-vous consentir à une transfusion de sang? » ou « pouvez-vous consentir à subir une intervention chirurgicale ou un traitement d'urgence? »
L'idée qui sous-tend l'évaluation de la maturité d'un mineur est que vous êtes une personne qui peut prendre une décision avec la même capacité qu'un adulte, et, à notre avis, la distinction n'est fondée sur aucun principe.
Je comprends qu'il y a des préoccupations. Je suppose que je suis convaincue que nos professionnels médicaux ne vont pas prendre cette décision à la légère. Ils vont prendre cette responsabilité très au sérieux. Selon moi, c'est implicite dans le fait que le projet de loi confère un si grand pouvoir et une si grande influence aux évaluations des professionnels de la santé. Nous pensons que c'est ainsi qu'on traiterait la question.
Je comprends qu'il s'agit d'un enjeu complexe, que des gens sont préoccupés à ce sujet et que cela rend certainement les gens mal à l'aise que de penser à des jeunes qui choisissent de mettre fin à leurs jours. Dans la mesure où le Comité décidera que cette question requiert une étude approfondie, je souscris certainement à l'opinion de Mme Gokool, de Dying with Dignity, selon laquelle un délai devrait être appliqué à cette considération, afin que nous n'attendions pas pendant que des gens souffrent parce que le Parlement est incapable d'agir.
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Je pense que la première chose que je dirais, c'est que, quand nous parlons de personnes vulnérables, il semble y avoir ce dialogue concernant le fait qu'il y a des personnes vulnérables, puis qu'il y a des personnes qui souffrent et qui ont besoin d’aide pour mourir. Il s’agit du même groupe de personnes. Les personnes qui souffrent de façon intolérable et qui endurent la souffrance sont également très vulnérables.
Si les politiques et les protocoles qui doivent être élaborés dans la pratique médicale afin de régler la question du consentement avancé de mineurs matures et compétents suscitent un certain questionnement, je dirais que, dans le cas de notre organisation — et nous travaillons sur cette question depuis des décennies —, la question de la maladie mentale comme seul critère et celle des mineurs compétents sont des volets assez nouveaux de la discussion. Même pour nous, c’est assez nouveau.
Je pense qu’il n’est pas déraisonnable pour le gouvernement d’avoir besoin de plus de temps pour comprendre, grâce à d'autres consultations auprès des gens qui vont être des travailleurs sociaux et des fournisseurs de soins de santé… comment des paramètres peuvent être élaborés afin que nous puissions nous assurer que nous n’agissons pas de façon discriminatoire à l’égard de certaines personnes, de façon arbitraire en fonction de l’âge, ou bien en fonction de leur état de santé.
Dans le préambule et la partie non législative du projet de loi, le gouvernement a indiqué qu’il étudierait cette question d’ici cinq ans. Nous sommes nombreux à avoir l’impression qu’il ne fait ainsi que reporter le problème à l’infini. Il faisait preuve d'un engagement sincère, et il comprenait qu’une discussion approfondie pourrait être nécessaire afin de comprendre la nature possible de ces politiques et protocoles, et qu’il y aurait un délai de 18 mois pour la mise sur pied d’un comité, et je dirais... dans les trois prochains mois, pour procéder à une étude et rendre des comptes en présentant des lignes directrices législatives. Nous ne connaissons pas la réponse à toutes ces questions, mais, en même temps, nous ne voulons pas exclure des gens arbitrairement et ne pas trouver des façons de nous assurer que leurs droits prévus dans la Charte ne seront pas violés.
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J'aimerais répondre à cette question.
Le problème, dans ce débat, tient en partie à la définition du terme « aiguillage ». Quand nous parlons d'aiguillage, nous voulons parler d'une demande de consultation officielle, qui constitue essentiellement une recommandation.
Si les patients se trouvent dans un établissement qui ne peut pas fournir l'aide à mourir sur les lieux, nos croyances morales nous permettent, à nous et aux médecins de l'établissement en question, de faciliter le transfert du patient vers l'établissement de son choix, où il pourra avoir accès à cette intervention.
De même, si un patient se présente au cabinet d'un médecin, et qu'il veut obtenir une aide médicale à mourir et que le médecin est un objecteur de conscience, il y a un certain nombre de façons de faire face à cette situation. L'une d'entre elles consiste à aiguiller le patient vers un autre médecin. Dans un autre cas, si le gouvernement provincial élaborait un processus d'accès direct à ce service, le patient pourrait conserver son médecin.
Nous pouvons nous assurer par de nombreux moyens que les demandes des patients sont respectées, tout en protégeant la conscience.
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Nous allons reprendre nos travaux. Je voudrais remercier nos prochains témoins, qui comparaissent tous par vidéoconférence, de s'être joints à nous. J'espère que vous pouvez tous m'entendre.
Je m'appelle Anthony Housefather, et je suis le président du Comité.
À mesure que nous avancerons, je vais vous présenter aux personnes qui vont vous poser des questions. Pour commencer, chacun d'entre vous — ou chaque organisation — disposera de huit minutes pour présenter un exposé: il y en a trois. Ces exposés seront suivis d'une série de questions, dans le cadre de laquelle les conservateurs poseront des questions pendant six minutes, les libéraux, pendant six minutes, le NPD, pour les six minutes suivantes, et les libéraux, pour une autre période de six minutes. Ensuite, nous allons voir s'il nous reste du temps pour une série de questions rapides.
Je vous demanderais à tous de limiter vos déclarations à huit minutes. Ce serait grandement apprécié. Si vous vous en teniez aux modifications proposées au projet de loi, plutôt qu'aux aperçus généraux qui pourraient avoir été présentés au comité spécial, cela serait aussi apprécié. Nous ne sommes pas là pour réinventer ce qu'a entendu le comité spécial. Nous sommes là pour discuter du projet de loi proposé.
J'aimerais vous présenter Mme Carrie Bourassa, qui est professeure à la faculté d'Études sur la santé indigène de la First Nations University of Canada et qui comparaît à titre personnel. Bienvenue.
Les représentants de l'Alliance of People with Disabilities Who Are Supportive of Legal Assisted Dying Society que nous accueillons sont Margaret Birrell, qui est membre du conseil d'administration, et Angus M. Gunn, qui est avocat.
Nous accueillons aussi Hazel Self, qui est la présidente du conseil d'administration d'Accès Troubles de la Communication Canada.
Bienvenue à tous.
Nous allons commencer par Mme Bourassa. Vous avez la parole.
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J'espère avoir bien préparé mon exposé. Je m'excuse si ce n'est pas le cas. Lors de la dernière séance de comité parlementaire à laquelle on m'avait demandé d'en présenter un, j'ai lu quelque chose dans un format semblable, mais le contenu était différent. Pardonnez-moi si je ne l'ai pas fait adéquatement.
Je commence par dire que, en ce qui concerne le projet de loi qui est proposé, un grand nombre de collectivités autochtones ne sont pas pleinement préparées à la mise en oeuvre du projet de loi . D'ailleurs, à mon avis, le système de santé canadien ne l'est pas non plus, en raison de l'interdépendance de l'oppression constante, surtout les effets intergénérationnels du système de pensionnats et l'absence de sensibilisation générale à l'égard de cette oppression constante, ainsi que du besoin d'élaborer davantage de modèles de sécurité culturels dans les systèmes de soins de santé.
L'autorité sanitaire des Premières Nations affirme qu'aujourd'hui les Autochtones sont encore affectés par la colonisation et l'assimilation, par la discrimination systémique et le racisme, par l'appréhension des enfants, par la dépossession de leurs terres, par la perte de leurs traditions, de leur langue et de leur culture, par l'héritage des pensionnats et par le traumatisme intergénérationnel et ses effets. Le système de pensionnats et le traumatisme intergénérationnel éclipsent souvent les autres formes d'oppression constante, et à juste titre, en raison de la conclusion récente de la Commission de vérité et de réconciliation.
En conséquence du système de pensionnats et de ses effets intergénérationnels, les Premières Nations sont susceptibles d'avoir des problèmes de santé mentale, y compris la dépression et les idées suicidaires. Cela comprend la population d'Autochtones âgés. Alors qu'on a récemment concentré notre attention sur l'épidémie de suicides de jeunes dans des collectivités autochtones, dans le monde, le taux de suicide dans de nombreux pays est aussi élevé, voire plus élevé que celui des jeunes. En raison des lacunes actuelles au chapitre de la recherche dans le domaine du vieillissement et des populations autochtones âgées, il s'agit clairement d'un domaine ayant besoin de faire l'objet de recherches plus poussées afin que nous puissions comprendre comment les personnes âgées sont touchées par le suicide.
La population d'Autochtones âgés pourrait être plus à risque d'avoir des idées suicidaires en raison du génocide culturel engendré par le système de pensionnats, dont la perte des compétences parentales qui permettaient aux enfants de grandir dans le milieu d'un foyer traditionnel et d'apprendre les normes culturelles, la perte des méthodes de guérison traditionnelles et la perte des connaissances traditionnelles et de l'histoire — y compris les rôles sexuels et le rôle des personnes âgées dans la société — sont des conséquences importantes.
Comme les connaissances traditionnelles et l'histoire ont été perdues, on ne sait pas si l'aide à mourir était pratiquée et, le cas échéant, dans quelles circonstances. Les taux élevés de suicide dans les collectivités autochtones, associés à la perte des éléments que je viens de mentionner, créent une situation où l'adoption de pratiques d'aide à mourir légiférées pourrait entraîner des problèmes importants. Comment les taux élevés de suicide chez les personnes âgées influeront-ils sur la capacité des Autochtones de déterminer de façon neutre le droit de mourir? Comment le manque de connaissance des coutumes traditionnelles influera-t-il sur la capacité des personnes âgées de déterminer si elles ont le droit de mourir?
Les conséquences intergénérationnelles du système de pensionnats que j'ai évoquées relativement aux personnes âgées s'appliquent tout autant aux malades et aux handicapés. Comment une perte importante — le génocide culturel du système de pensionnats — influe-t-elle aujourd'hui dans la valeur que les Premières Nations accordent à leur propre vie?
Quand les collectivités autochtones pourront affirmer avec conviction qu'elles sont en période de stabilisation au chapitre du mieux-être communautaire, peut-être que le moment sera venu d'envisager l'adoption d'une telle loi, mais pas maintenant, quand un si grand nombre de collectivités commencent tout juste à se rétablir d'une oppression constante, et en particulier, de celle du système de pensionnats.
Le Conseil canadien de la santé demande que l'on fasse preuve de conscience et de compréhension à l'égard de l'histoire de la colonisation, de la discrimination institutionnelle et des rapports de force inégaux au moment d'élaborer et de mettre en oeuvre des modèles de sécurité culturels. L'oppression constante des Premières Nations n'est pas bien connue du grand public canadien ou des praticiens de la santé, malgré le déploiement de certains efforts, y compris la compréhension de cette situation, comme les cours obligatoires d'initiation à la santé autochtone pour les étudiants en soins infirmiers que nous offrons, à la First Nations University of Canada.
Sans égard à ces efforts initiaux, l'humilité culturelle, un élément clé de la sécurité culturelle, nous rappelle qu'un cours de quatre mois ou de 12 heures n'équivaut pas à une vie entière passée à subir les conséquences d'une oppression constante. Des relations continues doivent être établies entre les patients et les praticiens de la santé et être maintenues afin de donner confiance aux patients.
Il faut du temps pour créer de telles relations.
Des données probantes concernant l'absence générale de sensibilisation et de sensibilité culturelles sont faciles à trouver dans les médias, quand d'anciennes figures politiques familières offrent des stratégies de relocalisation à la suite des épidémies de suicides de jeunes, dans les collectivités autochtones éloignées, dans le Nord. L'absence de protestations de la part du public canadien à l'égard de cette stratégie est une indication des problèmes systémiques qui doivent être surmontés.
Si aucun modèle de sécurité culturelle pertinent n'est mis en oeuvre pour permettre aux praticiens de la santé de compenser les points de vue formés dans le passé concernant les Premières Nations dans la société et le milieu universitaire, quels genres de relations les praticiens de la santé entretiendront-ils avec les patients autochtones qui sont âgés, malades ou handicapés? S'agira-t-il d'une relation à long terme, ou bien de celle de deux étrangers qui se rencontrent pour prendre une décision de vie ou de mort?
Nous rappellerons-nous que les Premières Nations possèdent une mine de connaissances et une histoire qui doivent parfois être ravivées en raison des effets de l'oppression constante, surtout du système de pensionnats? Nous souviendrons-nous de la résilience des Premières Nations, qui nous rappelle clairement comment ces peuples ont enduré et surmonté l'adversité?
Si nous ne comprenons pas cela, ne serait-il pas trop facile pour un client d'accepter l'aide médicale à mourir sans vraiment donner un consentement éclairé, ou pour un professionnel de la santé d'accepter un consentement aussi déficient?
Meegwetch, et merci.
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Mesdames et messieurs les honorables députés, monsieur le président, je vous remercie de nous donner la possibilité de comparaître devant vous cet après-midi. Vous avez devant vous Margaret Birrell, qui est la présidente de l'alliance. Je m'appelle Angus Gunn, et j'agis à titre d'avocat plaidant pour l'alliance depuis 2011.
On m'a demandé de préparer et de prononcer une déclaration, et Mme Birrell sera heureuse de répondre à toute question que le Comité pourrait lui poser.
Les membres de l'alliance que je représente sont de grands défenseurs des droits des personnes handicapées. L'alliance a demandé et obtenu le statut d'intervenant aux trois échelons du système judiciaire dans l'affaire Carter afin de défendre le droit qui a fini par être reconnu par la Cour suprême du Canada.
Dans la déclaration que j'ai préparée, l'alliance formule quatre recommandations d'amendements qu'elle suggère d'apporter au projet de loi . Le premier consiste à rétablir l'efficacité des directives anticipées. Le projet de loi C-14 ne tient pas compte de la recommandation du comité mixte spécial selon laquelle le recours à des demandes anticipées devrait être permis. Les droits prévus par la Charte des personnes qui sont atteintes de démence ne méritent pas moins d'être protégés du simple fait que leurs souffrances persistantes et intolérables découlent d'une maladie qui les prive également de leur capacité décisionnelle.
Le gouvernement a fourni deux justifications concernant l'exclusion des directives anticipées, et aucune des deux, selon nous, ne résiste à un examen minutieux. La première est la suivante:
Les directives anticipées n’offrent généralement pas une preuve fiable du consentement d’une personne au moment de la prestation de l’aide médicale à mourir.
Les directives anticipées offrent une preuve hautement fiable du consentement d’une personne pendant que sa capacité de donner son consentement est intacte. La démence finit par détruire cette capacité. Insister sur un tel consentement au moment de l’aide médicale à mourir, c'est exiger l’impossible. Y a-t-il vraiment des personnes qui ont décidé qu’elles préféreraient mourir que de subir les ravages de l’Alzheimer, par exemple, mais qui, plus tard, changent d’idée parce que l’Alzheimer, ça n’est pas si mal, après tout? Même s’il existe de telles personnes, pourquoi leur vulnérabilité l’emporterait-elle sur celle des milliers de personnes dont les souhaits n’ont pas changé, mais dont la maladie leur enlève la capacité de confirmer ce fait? Pourquoi l’interdiction générale rejetée par la Cour suprême du Canada pour les personnes atteintes de SLA est-elle acceptable pour les personnes atteintes de démence? L’exclusion des directives anticipées causera une souffrance inutile pour des milliers de Canadiens et nous condamnera à de longs litiges fondés sur la Charte simplement pour définir le périmètre du choix cruel de l’affaire Carter.
La deuxième justification offerte par le gouvernement, c’est que l’interdiction des directives anticipées protège contre les effets néfastes d’hypothèses erronées quant à la qualité et la valeur de la vie. La réalité de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé n'a rien d'une hypothèse. Si une personne compétente prend une décision éclairée selon laquelle, à un certain stade de déclin, la qualité et la valeur de la vie se seront dégradées au point où elle souhaitera obtenir l’aide médicale à mourir, pourquoi cette décision n’a-t-elle pas droit au respect? Qui est en position d’écarter cette décision en affirmant qu’elle reflète des hypothèses erronées? L’alliance exhorte le Comité à rétablir les directives anticipées relativement à l’aide médicale à mourir.
Le deuxième amendement consiste à retirer l'exigence selon laquelle la mort doit être raisonnablement prévisible. Le projet de loi limite l'accessibilité de l'aide médicale à mourir aux situations où la mort naturelle de la personne est raisonnablement prévisible. Cette exigence n'est visible nulle part dans la décision Carter. Au contraire, Kay Carter était atteinte d'une maladie non terminale qui n'allait pas limiter la durée de sa vie; la sténose du canal rachidien.
Le gouvernement laisse entendre que le fait de permettre à des personnes qui ne sont pas à l'approche d'une mort naturelle de bénéficier de l'aide médicale à mourir pourrait miner les initiatives de prévention du suicide, normaliser la mort comme solution à de nombreuses formes de souffrance ou faire en sorte que le respect pour la vie humaine et l'égalité ne soient plus une priorité.
Ces objectifs sont déjà bien servis par d'autres éléments du critère établi dans l'arrêt Carter, y compris la nécessité qu'il s'agisse d'une maladie ou d'un état grave et irrémédiable, que la personne endure une souffrance physique ou psychologique intolérable... il faut que la souffrance soit impossible à soulager, et l'opinion d'un praticien en médecine ou en soins infirmiers et un délai de carence de 15 jours sont nécessaires. La controverse concernant la possibilité que Mme Carter ait pu remporter sa cause, mais être inadmissible au titre du projet de loi , illustre le problème que pose cette disposition.
Lorsqu’on entre dans ce débat, le droit pénal canadien respecte le principe de la certitude. La conduite interdite doit être fixée, et il doit être possible de la connaître à l’avance. La criminalisation d’une conduite par l’application au cas par cas de notions ambiguës comme le caractère « raisonnablement prévisible » et « pas trop éloigné », est un affront à ce principe. Les Canadiens qui éprouvent une souffrance intolérable, et les médecins qui souhaitent les aider, ne devraient pas avoir à deviner si leurs actes sont criminels selon une application rétroactive de notions n’ayant aucun sens établi. L’alliance exhorte le Comité à retirer l’exigence selon laquelle la mort naturelle doit être raisonnablement prévisible.
La troisième réforme est que des recommandations indépendantes sur les mineurs matures et la maladie mentale devraient être exigées par la loi. En ce moment, le préambule du projet de loi ne contient qu'une promesse non contraignante d'étudier ces autres situations, mais ces sujets sont trop importants pour être laissés à un processus incertain. Nous sommes d'avis que le projet de loi devrait mandater un groupe d'experts indépendants à qui on demanderait de formuler des recommandations sur ces deux sujets dans des délais définis et limités.
Enfin, l'alliance insiste pour que deux choix de rédaction législative qui sont visibles dans la version anglaise du projet de loi soient amendés. Tout d'abord, la version anglaise prête à confusion par son emploi du terme « they » pour désigner des personnes. Le paragraphe 227(1) en est un exemple; il est ainsi libellé:
227 (1) No medical practitioner or nurse practitioner commits culpable homicide if they provide a person with medical assistance in dying in accordance with section 241 (2).
En plus de nous faire saigner des yeux et des oreilles, cette utilisation du simple terme « they » n'est pas harmonisée avec le libellé du Code criminel dans son ensemble, qui adopte généralement un genre neutre non pas en ayant recours à un simple « they », mais plutôt par l'utilisation d'expressions telles que « that person », « the person », « he or she » ou « his or her ». Par ailleurs, les dispositions peuvent tout simplement être reformulées afin d'éviter le problème: « No valuable practitioner commits culpable homicide who provides a person with medical assistance in dying. »
En outre, plusieurs dispositions du projet de loi comportent des tirets, lesquels complexifient et allongent les dispositions, qui doivent être lues plusieurs fois simplement pour que l'on puisse les comprendre. Ils minimisent aussi — comme s'il s'agissait d'un aparté — un libellé qui joue un rôle important dans le projet de loi en tant que tel. La clarté et la facilité de consultation exigeraient le recours à des sous-alinéas au lieu des tirets.
L'alliance vous remercie encore une fois de la possibilité de prononcer la déclaration qu'elle a préparée et de participer au travail important du Comité.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je veux présenter une justification et proposer deux amendements au projet de loi pour m'assurer que les personnes ayant un trouble de la parole et du langage bénéficient de mesures d'adaptation appropriées en matière de communication et qu'elles reçoivent les services de soutien nécessaires pour donner un consentement éclairé dans le contexte de l'aide médicale à mourir.
Je suis présidente du conseil d'administration d'Accès Troubles de la Communication Canada, qui est une organisation nationale sans but lucratif faisant la promotion de l'accessibilité et des droits de la personne pour plus de 450 000 Canadiens qui présentent un trouble de la parole et du langage en raison de maladies telles que la paralysie cérébrale, le trouble du spectre de l'autisme, le syndrome d'alcoolisation foetale, les retards de développement cognitif, le syndrome de Down, le traumatisme cérébral, l'aphasie consécutive à un AVC, la démence, la SLA, la maladie de Parkinson, la chorée de Huntington et la sclérose en plaques.
N'oubliez pas que, en plus de toutes les maladies que je viens de mentionner, la personne pourrait également être atteinte d'un cancer en phase terminale. Elle pourrait être atteinte de paralysie cérébrale, mais aussi avoir le cancer.
Une personne qui présente un trouble de la communication pourrait avoir un trouble de l'élocution ou parler d'une façon qui est difficile à comprendre, ou bien elle pourrait ne pratiquement pas pouvoir parler, et communiquer en pointant vers des lettres, des symboles ou des images ou à l'aide d'un dispositif de communication. Certains troubles de la communication, comme l'aphasie consécutive à un AVC, influent sur la capacité d'une personne de comprendre et de traiter ce que disent les autres personnes, mais pas sa capacité cognitive de prendre des décisions.
L'incidence des troubles de la parole et du langage augmente avec l'âge et inclut les personnes atteintes de troubles préexistants et liés à l'âge, de même que des difficultés de communication liées au vieillissement typique, comme la perte d'audition et de vision, une compréhension réduite des phrases complexes et la difficulté à trouver le bon mot.
Une communication efficace est essentielle pour tous les patients qui doivent prendre des décisions liées à la fin de vie. Une communication réussie est un processus bilatéral dans le cadre duquel les messages sont compris avec exactitude et sans ambiguïté par le patient et par le praticien médical. Cette communication comprend l'obtention et la compréhension de renseignements au sujet de son diagnostic, de son pronostic, du traitement et des options palliatives, la pondération des renseignements pour parvenir à une décision et la communication de cette décision et des motifs qui s'y rattachent.
Ces problèmes de communication sont complexes pour n'importe qui, et ils sont exacerbés pour les personnes dont les capacités de parole et de langage sont compromises en raison de troubles qui nuisent à leur capacité de comprendre le langage parlé et écrit, de retenir les options et d'évaluer leurs conséquences ainsi que de poser des questions, de formuler des opinions et de communiquer une décision. Toutefois, grâce à des mesures d'adaptation adéquates et à des services de soutien en matière de communications, de nombreuses personnes ayant un trouble de la parole et du langage peuvent prendre et communiquer des décisions éclairées.
Il a été amplement démontré que de nombreuses personnes atteintes d'un trouble de la parole et du langage font face à des obstacles importants au moment d'interagir avec les praticiens médicaux au sujet de leurs soins de santé, et surtout dans les situations où elles doivent donner un consentement éclairé. Contrairement aux personnes qui sont sourdes et qui pourraient avoir besoin d'un interprète du langage gestuel ou aux personnes qui ont besoin d'un traducteur oral, aucun protocole ni aucune directive n'est actuellement en place pour que l'on puisse s'assurer que les personnes ayant un trouble de la parole et du langage bénéficient de mesures d'adaptation appropriées et de services de soutien en matière de communication.
Les gens qui ont un trouble de la parole et du langage affirment que les professionnels de la santé ne tiennent souvent pas compte de leurs souhaits ou les comprennent mal. Ils sont très inquiets au sujet de l’absence de mesures de sauvegarde dans le projet de loi . Ces personnes affirment que les praticiens médicaux ne savent souvent pas comment rendre des renseignements parlés ou écrits accessibles pour elles; qu'ils ne comprennent pas ce qu’elles communiquent lorsqu’elles utilisent d’autres moyens que la parole pour transmettre leurs messages; qu’ils présument que le trouble de la parole et du langage de la personne dénote une incapacité cognitive; qu’ils sous-estiment leur capacité de prendre leurs propres décisions et de donner des directives concernant la fin de la vie; qu’ils s’en remettent aux membres de la famille et aux employés de soutien personnels pour communiquer en leur nom; et qu’ils comptent sur des personnes non qualifiées pour faciliter leurs communications, alors qu’un assistant en communications indépendant, professionnel, qualifié et mutuel est requis. En outre, ils n’accordent habituellement pas assez de valeur à la qualité de leur vie et à leur besoin d’interventions en soins de santé.
L'ATCC demande de renforcer les mesures de sauvegarde pour les personnes atteintes de troubles de communication. On doit ajouter aux mesures de sauvegarde une directive selon laquelle les médecins doivent avoir recours aux services d'un professionnel de la communication afin d'évaluer le patient et de lui fournir tous les aménagements et le soutien dont il a besoin.
Nous proposons les amendements suivants au projet de loi afin de veiller à ce que les gens puissent communiquer efficacement à propos de l'aide médicale à mourir. Dans le cas où le médecin ou le patient soulèvent une ou des questions à propos de la communication, il faudra avoir recours aux services d'un professionnel indépendant et objectif dont l'expertise concerne les besoins du patient en matière de communication; le but étant de réaliser une évaluation en vue de cerner les aménagements nécessaires en matière de communication sont, de fournir un soutien direct pour la communication, ou les deux. Les aménagements et le soutien en matière de communication sont nécessaires si le patient a de la difficulté à comprendre les renseignements qui lui sont fournis, à retenir et à mesurer les conséquences des choix qui lui sont offerts dans le cadre du processus décisionnel ou à communiquer ses véritables décisions de façon exacte. Les aménagements en matière de communication peuvent comprendre l'utilisation d'images, de tableaux alphabétiques et d'appareils de communication par synthèse vocale ou un soutien en matière de communication fourni par un interprète gestuel, un intervenant pour les personnes sourdes et aveugles, un orthophoniste, un interprète ou un interprète culturel.
Notre deuxième directive concerne la subdivision intitulée « Incapacité de signer », plus précisément le paragraphe 241.2(4), rédigé comme suit:
Lorsque la personne qui demande l’aide médicale à mourir est incapable de dater et de signer la demande, un tiers qui est âgé d’au moins 18 ans et qui comprend la nature de la demande d’aide médicale à mourir peut le faire à sa place, en sa présence.
Nous voulons que « selon ses instructions et en son nom » soit ajouté à ce paragraphe.
Merci.
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Je vous remercie de vos commentaires.
C'est très ambigu, et c'est exactement pour cette raison que j'ai mentionné les suicides. Avec le taux de suicide incroyablement élevé avec lequel nous sommes aux prises actuellement, les gens avec qui je parle de l'aide médicale à mourir — ou le suicide assisté par médecin — ne veulent absolument pas y penser. Ce qu'ils ont à l'esprit, ce sont tous les suicides qu'ils essaient d'empêcher dans les collectivités, et, dans la plupart des cas, il est difficile de simplement prendre le sujet en considération.
Cela étant dit, le fait est que nous avons un taux extrêmement élevé de maladies chroniques ainsi que beaucoup de problèmes touchant les soins palliatifs. J'ai travaillé dans le milieu des soins palliatifs pendant 10 ans, et il y a de plus en plus de jeunes qui en ont besoin. Nous sommes aux prises avec une véritable crise.
Il y a une véritable ambiguïté, mais nous pouvons prendre quelques mesures. Je crois que la communication entourant l'aide médicale à mourir dans ces collectivités est très importante. À mon avis, il est difficile pour vous — puisqu'on sait déjà que le projet de loi sera adopté — d'ouvrir les voies de communication avec les collectivités des Premières Nations à propos de l'aide médicale à mourir: leur parler de la façon dont cela pourrait leur venir en aide et ce qui pourrait être fait dans les différentes collectivités.
Je crois qu'il arrive parfois que les collectivités autochtones ne sont prises en considération qu'à la toute fin du processus, et c'est frustrant pour elles, parce qu'elles n'ont pas vraiment l'occasion de participer à cette étape du processus. Je crois qu'il faudrait communiquer avec elles.
Un autre aspect important et concret tient à la formation sur la sécurisation culturelle. Actuellement, je crois qu'il y a des gens, parmi les nations autochtones, qui ne se sentent pas en sécurité à bien des égards, ou alors qui n'ont pas accès à des soins.
Cela nous préoccupe, bien d'autres personnes et moi-même. Si nous voulons que les gens se mobilisent par rapport à l'aide médicale à mourir, qu'ils comprennent ce que c'est et que certains d'entre eux y aient accès, alors qui va interagir avec eux, et auront-ils suivi une formation? Vont-ils comprendre ce qui se passe dans leurs collectivités? Vont-ils être sensibilisés à la culture et seront-ils appuyés de façon sécuritaire par des cliniciens? C'est un problème concret.
Il faudrait également réfléchir à investir dans les collectivités, à avoir recours aux services d'intervenants-pivots autochtones dans les collectivités où il y a des taux très élevés de suicide.
À mon avis, ce n'est qu'une partie de tout ce que le Comité pourrait prendre en considération.
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Je crois que je vais répondre à cette question.
Je crois qu'il est entendu dans l'arrêt Carter que le « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité » de chacun est enchassé dans des textes législatifs qui ont pour effet d'interdire à une personne de faire ses propres choix par rapport à son traitement médical et aux aspects connexes. Il s'agit de savoir non pas s'il y a eu entrave à la vie, à la liberté ou à la sécurité d'une personne, mais plutôt s'il y a « conformité avec les principes de justice fondamentale », tel que libellé à la fin de l'article 7.
J'en reviens à l'arrêt Carter, où le tribunal a semblé avoir peu de difficulté à conclure que les infractions examinées contrevenaient aux principes de justice fondamentale. À mon avis, la même conclusion s'impose ici.
Le fait est que la décision dans l'arrêt Carter a été rendue dans un contexte factuel, et aucun des demandeurs dans cette affaire n'essayait de s'appuyer sur des directives préalables. En conséquence, le tribunal a su clairement ce qu'il devait décider. Le tribunal n'a pas eu à trancher cette question, mais à mon avis, l'analyse du tribunal dans l'arrêt Carter s'applique à parts égales à une personne qui doit suivre une directive préalable.
Bien sûr, l'unique différence est que la personne qui suit une directive préalable n'est pas en mesure, dans les faits, de réitérer le consentement au moment de la mort par aide médicale. Il s'agit de la seule différence factuelle, mais à mon avis, cela ne permet pas d'établir une distinction sur le plan juridique qui pourrait permettre de distinguer une telle personne de celles qui étaient jugées dans l'affaire Carter.
J'apprécie votre présence à tous, aujourd'hui, ainsi que vos exposés. Merci.
J'aimerais commencer par l'Alliance of People with Disabilities Who Are Supportive of Legal Assisted Dying Society. En réponse à l'une des questions qu'un de mes collègues a posées plus tôt, il y a eu une autre question concernant les directives préalables et le respect de l'arrêt Carter. Mais rien, dans l'arrêt Carter, ne parle de directives anticipées. Vous dites qu'à votre avis, il faudrait que cela soit inclus dans le projet de loi, des dispositions touchant des directives anticipées, étant donné qu'inévitablement, des observations touchant l'article 7 seront invoquées devant les tribunaux. Je me demandais si, étant donné le préambule du projet de loi, qui reconnaît que cette question mérite d'être étudiée plus avant...
Au quatrième point de vos recommandations, vous parlez des mineurs matures et des personnes atteintes d'une maladie mentale et vous suggérez de mener une étude plus poussée, mais en la confiant à un expert indépendant plus solide ou plus ambitieux, qui formulerait des recommandations, lesquelles seraient présentées au Parlement, je présume. Nous avons entendu plus tôt aujourd'hui un témoin dire que, en ce qui concerne les directives anticipées, nous pourrions par exemple en charger des experts indépendants qui présenteraient un rapport au Parlement dans les 18 mois.
J'aimerais savoir si cette façon de procéder, en ce qui concerne les directives anticipées de même que les mineurs matures et les personnes atteintes d'une maladie mentale, serait satisfaisante.
:
Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
[Français]
Reprenons la séance.
[Traduction]
Je tiens à remercier tous les témoins de ce groupe de s'être joints à nous. C'est un grand plaisir de vous accueillir ici.
Je crois que nous avons M. Smith en vidéoconférence.
Je voudrais seulement vous expliquer comment les choses se dérouleront. Trois groupes de témoins vont présenter un exposé, et chaque groupe aura droit à huit minutes pour le faire; après, les députés vous poseront des questions. Les conservateurs auront six minutes pour vous poser des questions, les libéraux en auront six, le NPD en aura six aussi, puis nous verrons combien de temps il nous reste.
C'est un grand plaisir pour moi de vous présenter M. Derryck Smith de Vancouver, qui témoignera par vidéoconférence à titre personnel. C'est un plaisir de vous voir, monsieur.
Nous accueillons Mme Amy Hasbrouck, qui est la vice-présidente de la Coalition pour la prévention de l'euthanasie, et M. Hugh Scher, qui en est le conseiller juridique. C'est un plaisir de vous accueillir.
Nous recevons M. André Schutten, qui est conseiller juridique de l'Association for Reformed Political Action; M. James Schutten et M. Pieter Harsevoort. C'est un plaisir de vous recevoir tous les trois.
Monsieur Smith, vous avez la parole.
Je m'appelle Derryck Smith, je suis médecin et psychiatre praticien. Je suis heureux d'avoir la possibilité de m'adresser à votre Comité, et j'admire tout particulièrement tout le temps que vous consacrez à vous torturer l'esprit au sujet de cette question épineuse.
Je m'appelle Derryck Smith. Je suis médecin et psychiatre praticien à Vancouver. J'ai témoigné à titre d'expert dans l'affaire Carter, et je suis membre de Dying With Dignity Canada, mais, ce soir, j'exprime mes opinions personnelles.
Les modifications que je propose, qui figurent dans mon mémoire, visent en réalité à nous ramener aux recommandations du comité mixte spécial et au texte de l'arrêt Carter.
Les aspects de cette question qui trouvent une corde sensible chez moi concernent l'autonomie des citoyens, c'est-à-dire l'autonomie qui nous permet de contrôler notre vie et l'autonomie qui nous permet de contrôler jusqu'à un certain point notre mort. C'est Sue Rodriguez qui a été la première à le formuler lorsqu'elle a comparu devant la Cour suprême il y a plus de 20 ans. Ce qui m'inquiète, c'est que les gens qui s'opposent à l'aide à mourir ont uni leurs forces et essaient de diluer ou d'atténuer les conclusions découlant de l'arrêt Carter et des travaux du comité mixte spécial. J'estime que c'est préjudiciable pour la question de l'aide à mourir pour les Canadiens.
J'ai récemment participé à Vancouver à un forum dont le but était supposément de permettre aux professeurs de médecine de faire connaître au leurs opinions sur l'aide médicale à mourir. Je n'avais pas été invité, au départ; j'ai dû m'arranger pour l'être. Je n'étais qu'une voix parmi tant d'autres. Mais je crois que les jeux étaient déjà faits et que le ministre n'entendrait que des gens qui étaient opposés à l'aide médicale à mourir, ce qui comprend les médecins en soins palliatifs qui, on le sait, s'opposent à l'aide médicale à mourir, des médecins des hôpitaux catholiques et des témoins qui avaient comparu dans l'affaire Carter comme témoins du gouvernement, et dont la Cour avait rejeté les témoignages.
Ces gens recommandaient ensemble, je crois, que nous allions plus loin, disant que nous ne pouvons pas laisser deux médecins trancher ces questions, qu'il nous faut tenir une audience judiciaire dans chacun des cas. J'ai participé à deux audiences judiciaires dans l'Ouest du Canada, dont une se déroulait hier; il s'agissait d'un patient âgé et souffrant, atteint d'une maladie « grave et irrémédiable », qui comparaissait devant un juge et lui demandait accès à l'aide à mourir. Tout d'un coup, les procureurs généraux du Canada, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique se sont présentés pour s'y opposer. Cela représente un énorme fardeau pour une personne qui doit payer un avocat et faire face à un report de l'affaire. À mon avis, si nous nous engageons dans cette voie, cela représentera un véritable fardeau, une réelle souffrance, et il est certain que je m'oppose à ce type de modifications.
Les trois aspects qui me touchent personnellement concernent la démence, la maladie mentale et, dans une moindre mesure, les personnes âgées de moins de 18 ans. Si les jeunes de moins de 18 ans représentent pour moi un enjeu, c'est un enjeu relativement mineur étant donné que ces personnes seront relativement peu nombreuses. De la même façon, en ce qui concerne la maladie mentale, le nombre de personnes atteintes d'une maladie mentale grave et irrémédiable sera très petit. Nous l'avons appris des autres pays.
La question qui m'interpelle réellement, c'est la question de la démence. Je parle sur le plan purement personnel, car j'ai vu ma belle-mère et mon père mourir de démence. C'est une maladie laide et débilitante. Aux derniers stades de la démence, les patients deviennent incontinents, ils ne contrôlent ni leur vessie, ni leur sphincter, ils ne peuvent plus parler et ils n'ont aucune idée de qui ils sont ni de qui sont les membres de leur famille. C'est un état qui peut durer des mois, si ce n'est des années. Personnellement, je ne voudrais pas vivre ainsi, et j'imagine que c'est le cas de la plupart des Canadiens.
Nous avons déjà des directives anticipées qui ont force juridique, par exemple les ordonnances de non-réanimation, et nous avons urgemment besoin de pouvoir adjoindre des directives anticipées à la capacité d'obtenir une aide médicale à mourir à un moment où nous ne serions plus capables. Un très grand nombre de Canadiens seront durement touchés par la démence dans les années qui viennent.
Ce qui m'inquiète, c'est que, si nous consacrons cinq ans à étudier ces trois questions, un certain nombre de Canadiens vont inutilement souffrir. Nous n'avons pas à faire cela. Personnellement, je ne crois pas qu'il soit vraiment nécessaire de mener une étude supplémentaire sur la question de la démence. Je vous prie instamment de tenir compte de mes recommandations et d'adopter les modifications qui nous ramèneront aux recommandations du comité spécial mixte, ou du moins, au texte de l'arrêt Carter.
Merci. Je crois que je m'arrêterai ici.
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Merci beaucoup, et bon après-midi à tous les honorables membres du Comité.
Je m'appelle André Schutten. Je suis avocat auprès de l'Association for Reformed Political Action du Canada. Nous sommes intervenus pendant l'affaire Carter, et nous avons analysé les diverses propositions législatives ou stratégiques qui ont été publiées depuis la Cour suprême a rendu sa décision, en février.
J'aimerais souligner pour commencer que le Parlement n'est pas obligé d'adopter une loi pour légaliser l'euthanasie ou le suicide assisté. Si le Parlement adopte une telle loi, il le fait de bon gré; il ne s'en lave pas les mains simplement parce que la Cour suprême l'a obligé à le faire.
En fait, la Cour suprême a commis une erreur, et le Parlement a le devoir moral de corriger cette erreur. Les lois donnent au Parlement la possibilité — et je ne parle pas de la clause nonobstant — de protéger complètement toute vie humaine en interdisant l'euthanasie et le suicide assisté. Je serais heureux de discuter de ce que l'on peut proposer pour modifier le projet de loi pendant la période de questions.
Si le Parlement persévère dans son choix de légaliser le suicide assisté et l'euthanasie, sa décision mettra en péril de manière inacceptable la vie de personnes vulnérables, violant ainsi leur droit constitutionnel à la protection égale de la loi. La Supreme Court Law Review vient de publier un article que j'ai rédigé pour faire valoir cet argument. Encore une fois, je serai heureux de vous expliquer pendant la période de questions en quoi le projet de loi et l'arrêt Carter constituent en fait une violation de l'article 15 de la loi constitutionnelle s'appliquant à des hommes comme James et Pieter, ici présents.
Moi, je suis un Canadien en santé et je n'ai aucun handicap, comme c'est le cas de vous tous, y compris le médecin que vous venez d'entendre, mais je ne crois pas que nous puissions pleinement comprendre les désavantages que représente le projet de loi pour certains de nos concitoyens qui doivent courageusement faire face à de nombreux obstacles que nous n'aurons jamais à affronter. Plutôt que d'essayer de vous convaincre de ce que sont ces choses, j'ai demandé à deux Canadiens se trouvant dans cette situation de vous faire part directement de leurs opinions, d'expliquer les répercussions du projet de loi C-14 sur leur vie puis de dire quels changements seraient à leur avis nécessaires pour qu'ils se sentent un petit peu plus en sécurité dans le Canada post-Carter.
Je vais laisser la parole à James, pour commencer, puis à Pieter.
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Bonjour. Je m'appelle James Schutten. Merci de me donner la possibilité de discuter avec vous de cet enjeu important.
Lorsque j'avais deux ans, on m'a diagnostiqué une amyotrophie spinale, qui a entraîné de graves handicaps physiques. J'ai besoin de quelqu'un pour installer ma sonde d'alimentation, aspirer les sécrétions dans mon tube de trachéo, me retourner dans mon lit, m'amener aux toilettes et me gratter la tête. Je ne vous raconte pas cela parce que je cherche votre pitié. Je n'ai pas pitié de moi-même. Toutefois, vous devez savoir que ces professionnels et les membres de ma famille ont besoin de prendre soin de ma vie, et que ma vie est entre leurs mains.
C'est la raison pour laquelle j'avais besoin de vous parler de ce projet de loi qui légaliserait l'aide médicale à mourir et de l'effet que cette loi aura sur moi-même et sur d'autres personnes dans ma situation.
J'ai dû aller à l'hôpital en raison de maladies, et le personnel médical se demandait si les mesures extrêmes à prendre en valaient la peine. Cela me rend très nerveux, car j'ai l'impression que je n'en vaux pas la peine. Dieu merci, ma famille me soutient et discute en mon nom avec les médecins. Si je suis anxieux aujourd'hui, imaginez à quel point je le serais si le projet de loi était adopté.
Et si la société partait de l'hypothèse que j'ai de la valeur? Que se passerait-il si les gens cessaient de me considérer comme un fardeau pour les autres? Je fais partie de ce groupe de personnes qui, de l'avis de la Cour suprême du Canada, devraient avoir le droit à l'aide médicale à mourir. Et si, au contraire, j'avais droit à des soins palliatifs ou à des ressources qui m'aideraient à continuer de vivre en tant que membre productif de la société?
Je crois que d'autres personnes pensent comme moi, mais ce droit de mourir me donne l'impression que la société croit que je devrais choisir de mourir.
C'est pourquoi je vous prie instamment d'ajouter le paragraphe 241.2(3) proposé, concernant l'exigence que des soins palliatifs soient facilement accessibles par le patient.
Oubliez mon fauteuil roulant, et voyez que je suis un atout pour ma collectivité. Je fais du travail bénévole dans une maison de soins infirmiers, quelques jours par semaine, et je donne un coup de main dans une école primaire; j'aime vraiment beaucoup faire tout cela.
Je ne crois pas que quiconque ait le droit de choisir exactement la date de sa mort. C'est Dieu seul qui décide, et Il ne fait pas d'erreurs. Il a un but dans tout ce qu'il fait. Ma foi et ma famille ajoutent de la valeur à ma vie. Plutôt que d'investir de l'argent dans un projet de loi qui normalise le choix de mourir, notre pays devrait investir du temps et de l'argent pour donner aux gens qui sont malades, handicapés ou vieillissants la volonté de vivre.
J'ai une dernière chose à dire. Je veux que vous sachiez que je n'ai pas l'habitude de parler en public. J'étais très nerveux à l'idée de me présenter ici, mais je crois que la question va bien au-delà de ma personne, de mes insécurités et de mes limites. Je dois prendre la parole parce que cela est vraiment important. N'oubliez pas cela lorsque vous prendrez votre décision.
Merci.
:
Merci à tous les membres du Comité de me permettre de venir ici en me donnant le privilège de m'adresser à vous.
J'aimerais me faire l'écho des préoccupations de James en y ajoutant mon grain de sel. Je suis en effet préoccupé par le projet de loi , y compris l'absence de précision linguistique.
Malheureusement, je crois que le projet de loi est dangereusement fondé sur des euphémismes. On utilise constamment l'expression « aide médicale à mourir » pour décrire ce qui consiste, en réalité, en un suicide assisté par un médecin. Le problème, c'est qu'on entre sur le terrain des soins palliatifs. Après tout, que sont les soins palliatifs sinon une aide médicale à mourir? Je vous prie instamment de bien vouloir choisir des termes plus précis de façon à ne pas confondre la suppression de la vie et la médecine palliative.
En outre, la loi proposée exige que, pour qu'une personne puisse en aider une autre à commettre son suicide, il faut qu'un professionnel de la médecine soit d'avis que la personne en question répond à tous les critères, c'est-à-dire qu'elle soit atteinte d'un problème de santé grave. Étant donné que le terme « grave » est vague, le paragraphe 241.2(2) proposé cherche à formuler une définition plus précise.
Quoi qu'il en soit, même là, le projet de loi entraîne son lot de problèmes. Comment doit-on définir « souffrances intolérables » par opposition à « souffrances tolérables »? Dans la réalité, une souffrance intolérable est quelque chose de relatif. La souffrance varie en fonction de nombreux et divers facteurs. On peut facilement obtenir des thérapies et des traitements pour s'attaquer à tous ces facteurs. Non seulement la souffrance intolérable est-elle relative, mais en outre, on ne peut pas demander au médecin de juger si une personne ressent vraiment une souffrance intolérable.
Pour s'assurer que les médecins n'approuvent pas l'euthanasie dans le cas de personnes vulnérables comme James ou moi-même, dans nos moments de faiblesse, il faut ajouter des détails à l'article 3. C'est-à-dire qu'il faut mentionner la nécessité d'une preuve raisonnable, plutôt que d'une simple opinion, à l'alinéa 241.2(3)a) proposé, et ajouter un pronostic précis à l'alinéa 241.2(2)d) proposé pour remplacer les mots « [sa] mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible ».
Le paragraphe 241(5) proposé prévoit une exemption pour les personnes qui en aident une autre à s'administrer une substance quelconque dans le but de s'enlever la vie. Le mécanisme clé de freins et de contrepoids prévu ailleurs dans le projet de loi dans un souci de respecter l'autonomie est ici contourné. Nous ne pouvons pas tout simplement présumer que les gens seront protégés par les mesures exposées au paragraphe 241.2(3) proposé.
Fait plus important encore, il faut assurer une surveillance de façon que les patients se voient donner l'occasion de retirer leur demande, comme le propose l'alinéa 241.2(3)h). Nous devons veiller à ce que l'équilibre approprié dont il est question dans le préambule du projet de loi ne penche pas trop en faveur de l'autonomie au détriment des personnes vulnérables qui ont besoin de protection, comme James et moi-même.
La seule véritable protection du caractère sacré de la vie, c'est l'interdiction de l'euthanasie; à défaut de cela, ces recommandations amélioreront la situation des personnes handicapées et malades.
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Merci, monsieur le président et merci aux membres du Comité. Je m'appelle Hugh Scher et je suis avocat pour la Coalition. Je suis avocat constitutionnaliste et je possède 20 années d'expérience. J'ai témoigné devant la Cour suprême du Canada, au regard de l'arrêt
Carter c. Canada, et j'ai participé à quasiment toutes les affaires concernant la cessation de la vie, y compris
Rodriguez c. Colombie-Britannique,
R. c. Latimer et
Cuthberson c. Rasouli, tranchées par la Cour suprême ou par d'autres instances.
La Coalition pour la prévention de l'euthanasie voudrait soumettre quatre points fondamentaux à l'attention du Comité. Premièrement, nous voulons faire état de notre préoccupation quant à l'immunité totale accordée par le projet de loi à toute personne qui prend part à des actes de suicide assisté ou d'euthanasie. Par exemple, les paragraphes 241(3) et 241(5) proposés prévoient qu'une personne ne commet pas « l'infraction » si elle fournit son aide ou qu'elle participe d'une autre manière à des actes relatifs à des choses... dans la mesure où elle fait d'une manière qui ne constitue pas expressément une violation... mais, encore une fois, le langage n'est pas clair. Aucun pays du monde ne prévoit une telle immunité totale et générale lorsque l'euthanasie ou le suicide assisté sont légalisés. Il n'existe tout simplement pas d'immunité totale s'appliquant aux personnes qui ont assisté ou qui ont participé d'une autre manière à ces actes dans aucun autre pays du monde où des lois à ce chapitre ont été adoptées. Mme Hasbrouck a d'autres suggestions à présenter à cet égard.
Le second point dont je voudrais traiter concerne nos préoccupations touchant les mesures de protection limitées contenues dans le projet de loi et le fait que, à bien des égards, ces mesures sont cruellement inadéquates pour ce qui est d'atténuer le type de préoccupations que les autres témoins ont fait connaître aujourd'hui. Les limites sont extrêmement étroites. Ce sont des limites du même type que celles qui s'appliqueraient dans le contexte du processus décisionnel en santé, par exemple touchant l'expression de la volonté, le consentement, la capacité, puis la nécessité qu'un médecin ou deux donnent leur autorisation. Ce ne sont pas des mesures de protection adéquates et elles deviendront, et sont devenues, illusoires dans les pays qui les ont adoptées, en Belgique, par exemple.
En Flandres, une région de la Belgique, selon une étude des certificats de décès que nous avons menée, nous constatons que, dans 32 % des cas d'euthanasie, le patient a été tué sans qu'il l'ait demandé. Ces gens ont été tués sans avoir donné leur consentement, même si la loi exige que cela se fasse. Dans 47,1 % de ces cas, aucun des médecins qui avaient participé à cet acte, en contravention avec la loi, n'a été poursuivi. Ces statistiques se trouvent dans des documents qui ont été présentés à la Cour suprême du Canada et, en fait, dans les motifs mêmes de la Cour suprême.
Le troisième point dont je voudrais traiter concerne la question de la surveillance. J'affirmerais que, contrairement à ce que vous avez entendu plus tôt sur les préoccupations concernant la surveillance judiciaire ou quasi judiciaire, la réalité, c'est que, ce que la Cour suprême du Canada a mis en place, en matière de surveillance judiciaire, c'est ce qui est requis pour assurer un certain niveau d'évaluation et de décision indépendantes par une tierce partie neutre, dans le but de déterminer que les critères, peu importe les critères, établis par le Parlement du Canada, sont, de fait, pris en compte et respectés.
L'idée que ces mesures de surveillance soient tout simplement laissées à la discrétion des médecins et des infirmières qui sont eux-mêmes engagés dans les actes faisant l'objet de la loi nous préoccupe sérieusement. Ce que la Cour suprême a mis en place, à titre de mesure provisoire, vise à assurer un certain niveau de surveillance judiciaire. Il semble que ce mécanisme ait assez bien fonctionné presque sans désagréments. Je vous prie instamment d'envisager sérieusement de mettre en place et de maintenir la mesure que la Cour suprême du Canada elle-même a mise en place pour assurer un certain niveau de surveillance indépendante que la Cour suprême elle-même jugeait approprié dans les circonstances.
Le quatrième point dont j'aimerais traiter concerne la fraude et la transparence. Le projet de loi en fait dans une certaine mesure état, mais nous savons que, dans certaines administrations, dans la province de Québec, les certificats de décès sont bel et bien falsifiés par les médecins, qui ne veulent pas indiquer que la cause réelle du décès est l'euthanasie, mais qui la font plutôt remonter à la maladie sous-jacente de la personne. Il est impossible d'assurer une transparence et une surveillance raisonnables et significatives lorsqu'il s'agit d'un système fondé sur la fraude. Je prie instamment votre comité de garder ce fait à l'esprit et de mettre en oeuvre des mesures qui nous assureront que les lois elles-mêmes prévoient ce type de fraude et assurent la transparence, et ce, de manière explicite.
À défaut, il sera quasiment impossible de contrôler et de surveiller ces pratiques, que ce soit aujourd'hui ou à l'avenir, car il deviendra impossible d'évaluer de manière significative et de s'attaquer réellement, en fait, aux types d'abus qui pourraient très bien constituer une préoccupation et qui pourraient très bien avoir vraiment lieu. Comment pouvez-vous faire si le système ne permet pas une surveillance appropriée, efficace et quasi judiciaire?
Je vais laisser Mme Hasbrouck poursuivre et vous soumettre d'autres questions.
Je m'appelle Amy Hasbrouck, je suis directrice de l'organisme Toujours Vivant—Not Dead Yet, et je suis également ici à titre de vice-présidente de la Coalition pour la prévention de l'euthanasie. Je milite en faveur des droits des handicapés depuis plus de 30 ans. J'ai travaillé dans ce domaine, la lutte contre l'euthanasie et le suicide assisté, pendant 20 ans. J'ai été avocate aux États-Unis, j'ai également travaillé dans le domaine du droit de la santé et du droit de la santé mentale.
Ce qui me préoccupe le plus dans cette loi, c'est qu'elle ne donne pas accès aux soins palliatifs, même si elle donne accès sur demande à la mort. Les soins palliatifs, voilà de quoi les gens ont besoin pour répondre à la question: « Pourquoi est-ce que je souffre? » Dans les sondages, à la question de savoir s'ils veulent des soins palliatifs, la plupart des gens répondent par l'affirmative, mais les gens confondent souvent le concept de soins palliatifs et le concept d'aide médicale à mourir. Lorsque les gens demandent à mourir, ils demandent de l'aide. Cela veut dire que, s'ils n'ont pas accès à des soins palliatifs adéquats — et c'est le cas, au Canada, 30 % seulement des gens ont accès à des soins palliatifs —, des gens meurent inutilement. Nous devrions procéder dans l'ordre, mettre les soins palliatifs avant le décès.
J'ai fait parvenir les modifications proposées, en anglais et en français, qui traitent de ces questions. Vous les lirez quand vous le pourrez.
Ma seconde préoccupation a trait au fait que, dans l'arrêt Carter, la Cour suprême a fait état d'une préoccupation concernant très spécifiquement les personnes vulnérables en disant qu'elle ne voulait pas que cette loi fasse des victimes des personnes vulnérables qui pourraient être amenées à se suicider dans un moment de faiblesse. Pourtant, dans le texte proposé, il n'existe aucune disposition, exception faite de certaines jolies expressions figurant dans le préambule, visant à protéger les personnes vulnérables. C'est l'objet de certaines autres modifications que j'ai intégrées à mon mémoire.
Ensuite, la section concernant les mesures de sauvegarde énonce plusieurs critères subjectifs au regard desquels les médecins et le personnel infirmier détermineraient si une personne a droit au suicide assisté. Cette détermination subjective ne serait pas vraiment un problème, n'eût été du fait que la plupart des professionnels de la médecine considèrent que la qualité de vie d'une personne handicapée est moindre qu'aux yeux de la personne handicapée elle-même. Ce type de discrimination fondée sur le handicap est répandu dans le système de santé, et, les personnes qui sous-estiment la qualité de vie d'une personne handicapée ne sont pas loin de penser que cette personne serait mieux morte. Je ne connais pas de personnes handicapées, moi y compris, qui ne se soient jamais fait dire qu'elles seraient mieux mortes. C'est le type de raisonnement, en réalité, qui sous-tend cette loi, car les personnes qui ne sont pas handicapées ont tellement peur de l'être, ont tellement peur, comme M. Smith l'a dit, de devenir incontinentes, qu'elles préféreraient mourir.
Voilà le genre de choses contre lesquelles nous nous battons, à l'aide de petites modifications visant à remédier à un problème de libellé, dans cette loi, une loi qui entrera en vigueur et qui va permettre des préjudices encore pires. Ce que nous cherchons, ce que nous espérons, c'est qu'il soit possible de modifier certaines des priorités de façon que les soins palliatifs et les évaluations de la vulnérabilité soient intégrés à la loi et que la surveillance judiciaire assure une tutelle mieux structurée et plus efficace des personnes handicapées qui sont soumises à ces lois.
Merci.
:
La première chose que je ferais valoir, c'est que la Cour suprême du Canada elle-même a mis en place ce régime, le présentant comme un régime souhaitable pour qui veut assurer une surveillance efficace. C'est la première chose.
Pour répondre à ce que vous dites au chapitre de l'accès, je dirais que, s'il existait un processus accéléré de recours à la Cour supérieure d'une province, il serait possible d'utiliser un processus accéléré. Il faudrait créer, au sein du tribunal, un groupe de juges qui, au fil du temps, acquerraient une certaine expertise et pourraient traiter de cette question. Ce serait un processus simplifié. La question serait donc tranchée en grande partie en fonction des preuves par affidavit présentées par des experts, par des cliniciens, par des membres de la famille et par la personne concernée. Dans la mesure où il serait possible de trancher la question sans une plaidoirie obligatoire, ce serait possible. Il serait aussi possible de procéder d'une autre manière, par vidéoconférence, ou autrement, lorsque c'est approprié. En cas de contestation, il serait alors approprié et nécessaire de convoquer des témoins, pour qu'une évaluation soit possible.
Toute cette question de la surveillance ne vise pas à autoriser aveuglément, tout simplement, ce type de décision; il s'agit au contraire d'assurer un processus efficace — non pas un processus axé sur l'obstruction, un processus efficace — pour faire en sorte que les critères énoncés soit par la Cour suprême, soit par le présent Parlement, soient bel et bien respectés.
Je crois que cela peut se faire facilement. La Cour suprême du Canada estime certainement que cela est possible. Elle l'a fait. Je crois que si votre assemblée se contentait tout simplement de mettre en oeuvre ce que la Cour suprême a prévu, elle assurerait le niveau de surveillance efficace que ce tribunal avait en tête, c'est une première chose, et, seconde chose, elle validerait le processus qui est aujourd'hui en place.
J'aimerais souligner que, en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario, il existe des lignes directrices spécifiques, établies par les tribunaux, qui prévoient les processus selon lesquels ces demandes peuvent être traitées. Je soulignerais également, dans un autre ordre d'idées, qu'en Ontario, par exemple, nous avons créé une Commission du consentement et de la capacité.
La Commission du consentement et de la capacité doit respecter des délais très serrés. Elle désigne un conseiller pour les personnes concernées lorsque le consentement à un traitement est contesté. Les médecins sont convoqués par un commissaire, les témoins sont présents, et les questions sont tranchées en fonction du type de décision dont M. Smith a parlé, dans le contexte des soins de santé.
J'aimerais que ce soit clair. La question, ici, à mon humble avis, ne concerne pas les soins de santé. Quand des médecins tuent intentionnellement des patients, il ne s'agit pas de soins de santé, et il ne faut pas considérer qu'il s'agit de soins de santé. Ce dont il s'agit, ici, c'est d'une exemption au Code criminel du Canada que la Cour suprême du Canada appuie. Nous ne parlons même pas du droit constitutionnel de mourir. Ce n'est pas ce que la Cour suprême a dit. Nous ne parlons même pas du droit constitutionnel à l'euthanasie ou au suicide assisté. Ce n'est pas ce que la Cour suprême a dit.
Il y a deux choses que nous devons faire. Premièrement, nous devons veiller à ce que soit mis en place un processus accéléré qui permet d'assurer une surveillance judiciaire efficace, qui s'inspirerait peut-être du modèle de la Commission du consentement et de la capacité mis sur pied au titre de la Loi sur le consentement aux soins de santé de l'Ontario. Deuxièmement, nous devons distinguer et opposer, si vous voulez, la compétence fédérale et la compétence provinciale.
Ce qui me préoccupe, en partie, dans ce projet de loi, c'est qu'il brouille les frontières entre la compétence fédérale en matière de droit pénal et la compétence provinciale en matière de santé. Il faut faire bien attention et s'assurer que les actes d'euthanasie et de suicide assisté prévus dans ce projet de loi sont considérés comme des exemptions au Code criminel du Canada, comme le prévoit le présent projet de loi, et qu'ils sont distincts d'autres mesures de santé qui, autrement, relèveraient de la responsabilité et de la compétence des provinces.
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Je ne sais pas ce que ces mots signifient. Lorsque j'en ai parlé au ministre la semaine dernière, je lui ai dit qu'il était raisonnablement prévisible que je sois de retour dans mon bureau dans une heure et qu'il était raisonnablement prévisible que je sois mort dans 50 ans. C'est un délai très long, et je ne crois pas que les médecins se sentiront à l'aise de juger qu'une chose est « raisonnablement prévisible ». Je n'aime pas ce libellé, et je crois que nous devrions le retirer du projet de loi.
L'impression que j'ai de cette audience est que nombre des arguments présentés au Comité sont les mêmes qui ont été présentés dans les cours de la Colombie-Britannique et du Canada, et on a conclu que les arguments étaient lacunaires. Après avoir perdu la bataille — si vous me passez l'expression — dans l'affaire Carter, on essaie de faire instruire à nouveau l'affaire par un comité parlementaire, et je n'aime tout simplement pas ça. Je crois qu'un organe judiciaire a déjà réfléchi à ces questions et les a examinées, et la décision a été rendue à l'unanimité par les neuf juges, et maintenant il y a des gens qui tentent de renverser la décision et de placer un lourd fardeau sur des Canadiens qui souffrent et qui devront demander un contrôle judiciaire, aux dépens de leur famille et d'eux-mêmes, avec de très longs délais.
Comme je l'ai mentionné, le procureur général de la Colombie-Britannique est intervenu, pas plus tard qu'hier, et une femme qui voulait mourir doit maintenant attendre en raison d'un ajournement indéfini ordonné par la Cour. Ce n'est pas une bonne chose lorsque vous êtes en fin de vie, que vous avez des problèmes de santé graves et irrémédiables, que vous devez affronter le procureur général et le gouvernement de la Colombie-Britannique, et que votre affaire est ajournée. Je crois que c'est une punition cruelle et inhabituelle pour les gens.
Je crois que nous devons prévoir pour les Canadiens une façon facile d'exprimer leur souhait autonome d'avoir une mort rapide et sans douleur, puisque, après tout, le suicide est légal dans notre pays. Nous ne parlons pas d'un acte illégal ici. Il est question de donner aux Canadiens l'autonomie voulue pour mettre fin à leurs jours au moment et de la façon qu'ils désirent.
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J'hésiterais à trop généraliser en ce qui concerne la collectivité dans son ensemble. J'ai un rôle à jouer depuis 25 ans à l'égard de ces enjeux, au nom de la communauté des gens handicapés, qui est très diversifiée et comprend des membres qui sont des deux côtés de ce débat. J'ai passé sept ans comme président des droits de la personne au Conseil des Canadiens avec déficiences, qui est la plus grande organisation en matière de défense des droits des personnes handicapées au Canada. J'ai participé à ce débat des deux côtés et je l'ai envisagé sous tous les angles.
Je crois qu'il est injuste de dire simplement que les opinions des gens que vous entendez ici reposent sur un point de vue monolithique. Ce que je dirais, c'est qu'il y a un consensus général concernant l'absence de surveillance efficace et de mesures suffisamment précises pour réaliser ce que la Cour suprême du Canada a prescrit.
Je n'essaie pas de remettre en litige ce que la Cour suprême du Canada a dit. Je peux essayer de le clarifier. Par exemple, lorsque je mentionne qu'elle n'a pas reconnu le droit de mourir — elle n'a pas reconnu le droit à l'euthanasie et n'a pas reconnu le droit au suicide assisté —, c'est la réalité. Les gens peuvent essayer de défendre d'autres points de vue, mais la réalité de ce que la Cour a fait et a le pouvoir de faire n'avait rien à voir avec cela. Ce qu'elle a fait, c'est de rendre inconstitutionnelle une interdiction prévue au Code criminel visant l'homicide coupable ou le suicide assisté. C'est ce qu'elle a fait. C'était sa compétence. Puis, elle a abordé d'autres points. Pour ce qui est de l'enjeu de l'immunité générale, nous en avons parlé dans ce contexte.
La Cour suprême du Canada a expliqué clairement ce point, et je lui demande instamment de trancher cette question ainsi que la question des directives préalables. Malgré ce que j'ai entendu aujourd'hui, la Cour suprême du Canada a effectivement tranché la question des directives préalables avec clarté. Elle s'est dite préoccupée par le fait qu'il faut un consentement effectif au moment de l'acte et, pour cette raison, elle n'était pas prête à prendre en compte et à inclure les directives préalables dans sa décision.
Ce n'est pas qu'elle ne s'est pas penchée sur cette question. Au contraire, elle l'a abordée de front et a dit qu'il doit y avoir un consentement volontaire clair au moment de l'acte pour qu'on puisse procéder. Dans ce contexte, cela s'applique tant à la question des directives préalables qu'à celle de l'immunité dont je parlais plus tôt. Comment peut-on déterminer s'il y a bien un consentement clair, volontaire et sans coercition de la personne au moment de l'acte lorsqu'on accorde une immunité de fait à des tierces parties au moment de fournir à une personne des médicaments — bien souvent des heures, des semaines ou des mois après le moment d'une prescription — pour que celle-ci mette fin effectivement à ses jours? On ne le peut pas. Il est entièrement impossible d'appliquer cette disposition.
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Reprenons. C'est un plaisir de recevoir chacun d'entre vous ici aujourd'hui.
M. Steven Fletcher, ancien député fédéral et nouveau député à l'Assemblée législative du Manitoba, se joint à nous. Félicitations pour votre élection.
Nous accueillons Richard Marceau, ancien député fédéral, avocat-conseil et conseiller politique principal du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA). Bienvenue, monsieur Marceau.
Nous recevons également M. Michael Bach, vice-président à la direction de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Bienvenue, monsieur Bach.
Chacun d'entre vous a huit minutes, puis, nous passerons aux questions. Comme vous le savez tous déjà, nous étudions le projet de loi , alors nous apprécierions beaucoup que vous commentiez le projet de loi lui-même ainsi que les amendements proposés au lieu de répéter les commentaires généraux que vous pourriez avoir présentés au comité spécial.
Cela étant dit, monsieur Fletcher, la parole est à vous.
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D'accord, merci, monsieur le président.
Merci à tous de me donner l'occasion de formuler des commentaires sur le projet de loi .
Mes commentaires seront brefs et axés sur le projet de loi. J'ai déjà parlé devant le comité mixte, et j'ai présenté des projets de loi émanant d'un député au cours de la législature précédente à ce sujet. J'ai également écrit un livre intitulé Master of My Fate, qui porte sur le processus parlementaire.
J'aimerais d'abord féliciter tous les participants. Il s'agit d'une question difficile. Le projet de loi contient de très bons éléments. J'ai trouvé qu'il reflétait de nombreuses façons les projets de loi émanant d'un député que j'avais présentés. Cela comprend les dispositions permettant de s'assurer que les personnes pouvant avoir un intérêt direct dans la disparition d'une personne ne puissent pas participer au processus décisionnel. Je vous encourage à conserver cet aspect du projet de loi. Il s'agit donc non pas d'un amendement proposé, mais bien d'une approbation.
Pour ce qui est de l'âge légal de 18 ans pour consentir à l'aide médicale à mourir, je dirais également que le projet de loi est probablement réaliste en ce moment.
Je crois cependant que nous devons recueillir des données empiriques au cours des prochaines années afin de déterminer quelles sont les revendications et les besoins ainsi que les raisons pour lesquelles des gens pourraient demander le suicide assisté, et j'estime qu'un rapport public, commandé par le Parlement et reposant sur des données empiriques, ferait bien l'affaire. Celui-ci pourrait peut-être être financé par les Instituts de recherche en santé du Canada. Pour créer de bonnes politiques publiques, il faut de bonnes données empiriques, surtout concernant une question aussi difficile que celle-ci.
Parlons maintenant des amendements. La Cour suprême a dit très clairement que les articles 241 et 14 du Code criminel portent atteinte de façon injustifiable à l'article 7 de la Charte et sont inopérants en ce moment. En outre, la Cour suprême a expliqué très clairement l'interdiction du suicide assisté pour une personne adulte capable « qui [...] consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui [...] est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition »...
Le projet de loi ne concorde manifestement pas avec la décision de la Cour suprême sur la question des maladies terminales et sur le fait qu'il faut se trouver en fin de vie pour pouvoir se prévaloir de ses droits en vertu de la Charte. Je peux comprendre, d'un point de vue politique, pourquoi on a fait cela, mais en toute honnêteté, cette question finira devant les tribunaux, et c'est la Cour suprême qui aura le dernier mot. On ne peut priver une personne de ses droits garantis par la Charte parce qu'il se trouve qu'elle souffre d'un handicap qui pourrait durer 40 ans ou d'une maladie incurable.
Malheureusement, il existe de nombreuses situations telles que celles-ci, comme celles de patients souffrant de la SLA, ou encore les victimes de la sclérose en plaques ou d'un AVC. La maladie prend de nombreuses formes, et le fait d'exiger qu'un patient se dirige inévitablement vers la mort équivaudrait à lui refuser l'exercice de ses droits en vertu de la Charte.
L'autre commentaire que j'aimerais formuler porte sur l'alinéa 241 b). Je ne suis pas certain qu'une personne serait mise au courant de tous ses droits en vertu de la Charte, y compris du droit au suicide assisté. Cet alinéa semble dire qu'il faut éviter à tout prix d'aborder le sujet. Je crois que les gens aimeraient connaître l'éventail complet des options qui s'offrent à eux, y compris le suicide assisté dans certains cas. L'alinéa semble interdire aux professionnels de la santé, ainsi qu'à tout le monde d'ailleurs, de mentionner cela.
Pour ce qui du consentement préalable, je crois qu'il devrait faire partie du mandat, peu importe ce que vous décidez de faire pour l'avenir. Ce serait peut-être forcer la note pour cette fois. Nous avons fait beaucoup de chemin au cours des deux ou trois dernières années, mais je peux comprendre les défis à ce chapitre. Cela dit, si une personne souffre de démence ou s'il lui arrive quelque chose, pourquoi ne pourrait-elle pas énoncer ses préférences avant de perdre ses capacités cognitives? Rien dans l'arrêt de la Cour suprême ne l'en empêcherait.
Enfin, l'arrêt de la Cour suprême a provoqué tout un émoi au cours de la dernière année, et les gens essaient de se familiariser avec un processus législatif difficile. Je comprends très bien vos défis à titre de députés, mais au bout du compte, on en revient toujours à la décision de la Cour suprême.
Mesdames et messieurs, sans les amendements — surtout dans l'article 241 proposé —, vous devrez décider si vous allez obliger des personnes ayant un handicap ou une maladie à se présenter à la Cour suprême pour faire respecter leurs droits en vertu de la Charte ou si vous allez accepter l'inévitable et simplement remplacer le libellé par ce que la Cour suprême a dit.
J'aimerais remercier tout le monde de m'avoir donné l'occasion d'être ici aujourd'hui. Bien entendu, il faut toujours garder en tête qu'il est important d'offrir plus de ressources aux gens, mais parfois, toutes les ressources du monde ne changent rien ou ne peuvent rien changer, et certaines personnes souffrent quotidiennement. Nous devons faire preuve d'empathie envers ces personnes.
Merci beaucoup.
Certains de nos membres soutiennent l'aide médicale à mourir, mettant l'accent sur le sort de ceux qui sont atteints d'une maladie incurable ou débilitante pour laquelle ii n'y a aucun remède. D'autres s'y opposent, se basant sur des motifs religieux traditionnels ou pensant que cela précipitera le recours à l'euthanasie.
En dépit d'opinions divergentes, un large consensus existe dans notre communauté sur le fait que, à la suite de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter des mesures importantes doivent être prises: pour protéger les fournisseurs de soins de santé qui s'objectent à l'aide médicale à mourir pour des raisons de conscience; pour s'assurer que l'admissibilité à l'aide médicale à mourir est suffisamment réglementée pour protéger les personnes vulnérables; et finalement, pour donner un véritable accès à des soins palliatifs de qualité.
Permettez-moi de commencer par la question de l'objection pour des raisons de conscience. De nombreux professionnels de la santé s'opposent à l'aide médicale à mourir en se basant sur leurs profondes convictions professionnelles, religieuses ou morales.
Malheureusement, le projet de loi est actuellement muet sur la question des droits de conscience des médecins, des infirmiers et des pharmaciens qui pourraient être appelés à fournir une aide médicale à mourir. Pour certains fournisseurs de soins de santé, le seul fait de recommander l'aide médicale à mourir pour un patient constitue un acte inadmissible.
Nous sommes encouragés par le fait que le projet de loi C-14 ne force pas les médecins à référer directement les patients. Si cela avait été le cas, le Canada aurait été le seul pays à imposer une telle exigence qui ne pourrait probablement pas être conforme au mandat de la Cour suprême d'établir un équilibre entre les droits des médecins et ceux des patients.
J'insiste cependant. Tout accommodement concernant l'orientation des professionnels de la santé ne devrait pas limiter l'accès des patients à l'aide médicale à mourir.
[Traduction]
Plusieurs modèles ont été proposés pour concilier ces droits divergents. Par exemple, l'Association médicale canadienne a proposé la création d'un service central d'information, de conseils et d'aiguillage distinct vers lequel les médecins pouvaient diriger les patients à la recherche d'aide médicale à mourir.
Le Dr Hershl Berman, spécialiste en médecine interne et en soins palliatifs au Temmy Latner Centre for Palliative Care à Toronto et professeur agrégé à la faculté de médecine de l'Université de Toronto, a récemment proposé un autre modèle dans The Hill Times. Voici ce qu'il a écrit:
Au lieu d'aiguiller activement les patients, tous les médecins devraient être tenus de signaler toute demande de suicide assisté au ministère de la Santé provincial ou à tout autre organe de réglementation. Tout médecin prêt à fournir une AMM et qualifié pour le faire serait tenu de s'inscrire et d'indiquer le nombre additionnel de patients qu'il pourrait prendre chaque année. Si le signalement provient d'un médecin prêt à fournir le service, il recevrait la confirmation qu'il peut le fournir. Sinon, le registre mettrait le patient en contact avec un médecin à proximité.
« AMM » signifie aide médicale à mourir.
Le Dr Berman a également déclaré ce qui suit:
En plus de respecter les croyances et les valeurs des médecins qui s'opposent à l'aide médicale à mourir, ce processus offre un avantage supplémentaire. Nombre de médecins, surtout des spécialistes, ont un réseau limité de collègues vers lesquels ils ont coutume d'aiguiller leurs patients. Dans l'isolement, surtout dans les régions qui ne sont pas bien desservies, un médecin pourrait avoir de la difficulté à trouver un collègue prêt à accepter le patient. Si le processus est géré de façon centralisée, un registre pourrait assurer un accès plus efficace et plus rapide aux patients qui souhaitent hâter leur propre mort.
[Français]
Passons maintenant à l'admissibilité. Nous sympathisons avec les patients n'ayant pas atteint l'âge de la majorité qui souffrent d'un problème de santé et qui voudraient se prévaloir de l'aide médicale à mourir. Il faut également songer aux sérieuses difficultés auxquelles seraient confrontés aussi bien les mineurs qui prendraient eux-mêmes une si grave décision que les parents qui prendraient une telle décision au nom de leur enfant.
Considérant la finalité de l'aide médicale à mourir, nous croyons à la nécessité d'adopter une approche prudente à l'égard des critères relatifs au consentement. Nous croyons que le gouvernement a établi un juste équilibre dans le projet de loi en limitant l'accès à l'aide médicale à mourir aux adultes compétents âgés de 18 ans et plus. Cette approche est cohérente avec les lois sur l'aide médicale à mourir du Québec et d'autres territoires d'Amérique du Nord. Nous croyons, comme le stipule le projet de loi C-14, que si l'on permet l'aide médicale à mourir, cela devrait être limité aux patients adultes au seuil d'une mort naturelle.
[Traduction]
Nous reconnaissons que certains membres de notre collectivité préféreraient que l'aide médicale à mourir soit plus facilement accessible, un peu comme dans certains pays d'Europe, et nous comprenons leurs motifs. Cela dit, ces inquiétudes semblent aller au-delà de la portée de la décision de la Cour suprême, laquelle a déclaré ce qui suit:
[...] les cas très médiatisés d'aide médicale à mourir en Belgique [...] ne correspondraient pas aux paramètres suggérés dans ces motifs, tels que l'euthanasie pour les mineurs ou les personnes aux prises avec des troubles psychiatriques ou des problèmes de santé d'importance mineure.
[Français]
De nombreux membres de notre communauté croient que les Canadiens devraient être en mesure de donner leur consentement à l'aide médicale à mourir avant de subir une détérioration physique ou mentale, donnant ainsi des instructions préalables au cas où il ou elle deviendrait incapable d'agir. Certains considèrent cela comme un élément fondamental de tout régime efficace. D'autres, par contre, ont exprimé leurs préoccupations.
Après le diagnostic, le patient pourrait à juste titre souhaiter ne pas continuer à vivre durant la phase terminale de sa maladie. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement qu'il continuera à désirer une aide médicale à mourir lorsqu'il y deviendra admissible, alors qu'il ne sera plus compétent pour révoquer son consentement. Si le comité choisit de modifier le projet de loi pour y inclure les directives anticipées, nous croyons que celles-ci devraient respecter les mêmes garanties rigoureuses définies dans le projet de loi pour assurer un consentement éclairé. Les patients devront satisfaire à ces exigences alors qu'ils sont aptes à fournir un consentement éclairé, et leur directive sera respectée une fois qu'ils auront rempli les conditions d'admissibilité.
Pour terminer, je voudrais discuter d'une question qui fait l'objet d'un large consensus: la nécessité de fournir des soins palliatifs de haute qualité, universellement disponibles comme option de fin de vie. L'aide médicale à mourir ne peut pas se substituer aux soins palliatifs, aux soins à domicile ni au soutien aux patients en phase terminale et à leurs aidants. II est essentiel que l'aide médicale à mourir ne soit ni la seule option ni l'option par défaut à la disposition des patients canadiens.
Merci, monsieur le président. Ce sera pour moi un plaisir de répondre à vos questions dans la langue de votre choix.
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Merci, et bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Au nom de mon association, j'ai le plaisir de présenter brièvement notre mémoire énonçant les amendements particuliers que nous proposons à l'égard du projet de loi ; il s'intitule « L'aide médicale à mourir: Une demande privée, un système public ».
Permettez-moi de commencer par vous expliquer pourquoi nous avons choisi ce titre pour notre mémoire. Nos membres ont été frappés par les réactions à nos propositions et à nos efforts pour mettre en place de solides mesures de sauvegarde pour les personnes vulnérables, souvent avec les commentaires suivants: « Il s'agit d'une décision privée »; « Il n'appartient pas à l'État d'intervenir »; « C'est une question de choix, pourquoi ce choix devrait-il être remis en question? »; et « Nous devons nous attacher à permettre aux gens d'obtenir ce dont ils ont besoin pour mourir dans la dignité. » Nous comprenons la profondeur du souci, l'importance de l'expérience concrète, le désespoir et la frustration qui motivent ces types de réactions aux mesures de sauvegarde strictes que nous avons proposées.
L'une des principales difficultés du débat tient au fait que la conception d'un service public visant à répondre à la demande de gens pour ce que le projet de loi appelle l'aide médicale à mourir n'est en réalité pas aussi simple que ce que semblent laisser croire certains commentateurs. Après tout, il s'agit d'un service public conçu pour mettre fin à des vies, et non pas pour fournir des soins palliatifs ou d'autres services de soutien. La a déclaré clairement que ce sujet ferait ultérieurement l'objet d'une conversation et d'une consultation avec les provinces et les territoires.
Nous sommes maintenant engagés dans la création au Canada d'un nouveau service public conçu pour faire mourir les gens. J'emploie des termes crus, non pas pour être provocateur, mais bien pour exprimer le plus clairement possible ce que nous sommes réellement en train de faire les yeux grand ouverts à l'égard de ces enjeux.
La Cour suprême du Canada a clarifié les enjeux au paragraphe 2 de l'arrêt Carter. D'un côté, l'autonomie et la dignité d'un adulte capable qui cherche dans la mort un remède à des problèmes de santé graves et irrémédiables. De l'autre côté, le caractère sacré de la vie et la nécessité de protéger les personnes vulnérables. La Cour finit par mentionner plus tard particulièrement les personnes vulnérables à l'incitation au suicide.
Nous croyons qu'il faut répondre à deux grandes questions afin de pouvoir atteindre ces objectifs en matière de politiques: à qui est destiné ce service, et quel est le meilleur moyen de veiller à ce que ce nouveau service public ne soit dispensé qu'à des personnes réellement autonomes et non à des personnes qu'on a incitées à se suicider?
La première question est celle de savoir à qui le service est destiné. Nous appuyons pleinement la définition d'une personne admissible à ce service énoncée dans le projet de loi . Nous abondons dans le sens de Diane Pothier, professeure et spécialiste du droit constitutionnel, qui a écrit, dans un article publié dans Options politiques la semaine dernière, que le silence de la Cour suprême sur ce qu'on entend précisément par « graves et irrémédiables » ne devrait pas être interprété comme contraignant le Parlement. En effet, le tribunal a clairement dit qu'il incombait au Parlement de définir ce terme ainsi que les paramètres du système.
Comme l'a souligné Mme Pothier, la juge de première instance a défini le terme, et elle l'a fait plutôt clairement. La Cour suprême n'a pas rejeté la définition ni ne lui a rien ajouté. La juge de première instance a défini le terme comme incluant uniquement les affections qui amenaient la personne qui en souffre à un état avancé d'affaiblissement, sans aucune chance d'amélioration, et excluant spécifiquement celles dont la source de souffrance intolérable était de nature psychosociale. Au moment de l'octroi de l'exemption constitutionnelle à Mme Taylor, le critère était qu'elle serait en phase terminale et que la mort serait proche et qu'elle n'avait aucun espoir de guérison.
Bien que la Cour suprême du Canada n'ait pas défini ce qu'on entend par « graves et irrémédiables », le fait qu'elle ait adopté la terminologie de la juge de première instance sans la commenter donne fortement à croire qu'elle souscrivait à la définition et au critère énoncés par la juge de première instance; sinon, le tribunal aurait probablement modifié le critère ou rejeté la terminologie. Nous appuyons aussi — très clairement et pour les motifs que Mme Pothier a exposés — l'inclusion d'un critère relatif à la mort naturelle raisonnablement prévisible.
Ensuite — et nous pourrons en reparler plus tard —, quel est le meilleur moyen de veiller à ce que nous ne dispensions ce nouveau service public qu'aux personnes qui sont réellement autonomes et non à celles qui sont vulnérables à l'incitation au suicide?
L'un des principaux défis, dans la conception de ce service, est de cerner les personnes qui pourraient être incitées à utiliser le nouveau système pour mourir et d'adapter le système en conséquence. Or, ce n'est pas une mince affaire que de déterminer qui, exactement, est vulnérable à l'incitation.
Qu'entendons-nous par « incitation au suicide » dans ce système? De nombreuses études cliniques ont été menées sur l'incitation au suicide, et nous avons pris connaissance de données probantes et d'affaires récentes en Oregon, aux Pays-Bas et en Belgique. Nous avons récemment entrepris un examen de cette recherche, de laquelle ressortent cinq façons principales de se faire influencer.
Premièrement, une personne peut avoir une idée fausse ou confuse de son état de santé et des options à sa disposition à cause d'un problème de santé mentale.
Deuxièmement, l'autostigmatisation associée aux messages culturels négatifs et aux stéréotypes sur son affection peuvent donner lieu à un sentiment de désespoir.
Troisièmement, il peut y avoir coercition directe, et on retrouve de nombreux exemples de ce phénomène dans les systèmes de l'Oregon, de la Belgique et des Pays-Bas. L'un de ces exemples est celui d'une aidante naturelle — en Oregon — qui aurait lancé à son époux l'ultimatum suivant: « soit tu utilises le système pour mourir, soit on te place dans un établissement de soins de longue durée ». L'homme ne voulait pas être placé dans un établissement de soins de longue durée, alors il a choisi de mourir. Vu que 40 % des personnes âgées dans ces établissements au Canada souffrent d'un trouble dépressif majeur ou présentent des symptômes de dépression clinique ainsi que le manque de mesures de soutien familial, il y a vraiment lieu de s'inquiéter.
Une quatrième forme d'incitation s'inscrit dans ce que la littérature psychiatrique appelle la psychodynamique de la relation avec les professionnels de la santé, où un médecin pourrait se sentir coupable de ne pas être en mesure de guérir un patient et où ce patient en vient à se sentir comme une cause perdue. En termes psychiatriques, on appelle ce phénomène transfert et contre-transfert.
Selon un sondage mené auprès de psychiatres ayant offert des consultations sur demande sur l'aide médicale à mourir aux Pays-Bas, cette dynamique avait influencé 25 % des demandes pour lesquelles ils avaient fourni une consultation psychiatrique, et 19 % des demandes d'aide médicale à mourir pour lesquelles ils avaient donné une consultation ont fini par être autorisées par le médecin, en dépit du fait que le psychiatre avait signalé que des problèmes de transfert et de contre-transfert semblaient avoir influencé la décision.
La cinquième forme d'incitation tient à un accès déficient au soutien ou aux renseignements nécessaires sur les options possibles, ce qui signifie, de fait, que les gens ne peuvent prendre une décision éclairée.
Les amendements que nous proposons pour remédier à ces inquiétudes sont exposés dans notre mémoire et comprennent l'ajout au préambule d'un passage relatif à l'autorisation indépendante préalable. Nous croyons qu'un système d'autorisation préalable est essentiel pour protéger les patients contre les risques très réels et la nature complexe de la réalité de l'incitation, omniprésente dans les systèmes existants, et pour faire en sorte que les critères juridiques de l'arrêt Carter soient remplis.
Une norme plus claire relativement au consentement éclairé est également nécessaire. Le projet de loi ne mentionne que les pressions extérieures. La Cour suprême a déclaré clairement que les personnes qui étaient incitées à s'enlever la vie devaient être protégées. Cette norme devrait traiter des sujets de l'incitation, de l'influence indue et de la coercition.
Par ailleurs, seulement cinq provinces et territoires sont dotés de normes d'origine législative relativement au consentement éclairé, et les ordres professionnels ont également diverses lignes directrices.
Une mesure de sauvegarde additionnelle proposée serait d'exiger que le médecin ou l'infirmier praticien confirme, avant de fournir l'aide médicale, qu'un clinicien qualifié a offert au patient une consultation en soins palliatifs décrivant la gamme complète d'options de traitement, de technologie et de mesures de soutien et a confirmé par écrit que le patient avait la capacité de refuser ces options.
En outre, nous croyons, jusqu'à ce qu'une étude approfondie soit menée, qu'il faut soit maintenir le système actuel d'autorisation préalable par une cour supérieure, soit incorporer au projet de loi des dispositions pour la mise en place d'un tribunal.
Voici encore deux points pour conclure. Selon le projet de loi, le ministre de la peut prendre des règlements concernant les renseignements à recueillir. Nous croyons que cette disposition devrait plutôt tenir le ministre de prendre ces règlements et prévoir que ceux-ci entrent en vigueur en même temps que la loi; de cette façon, nous pourrons nous assurer que des renseignements seront recueillis sur les demandes, sur le profil sociodémographique, sur les raisons du refus des autres options et sur les raisons de la demande de ce service.
Enfin, nous croyons que le projet de loi devrait comprendre une exigence selon laquelle les ministres de la et de la soumettent au Parlement un rapport annuel sur l'analyse des renseignements recueillis en vertu des règlements.
Merci.
Monsieur Fletcher, n'en déplaise aux autres témoins et sans leur porter offense, je me suis déplacé ici ce soir, après une journée fort occupée, pour être certain de vous entendre, entre autres parce que vous êtes inspirant. Plusieurs personnes prétendent être bienveillants et bienfaisants à l'égard des personnes vulnérables. En portant atteinte à leur autodétermination et à leur autonomie, elles s'imaginent, pleines de paternalisme, qu'elles sont bienfaisantes alors qu'on sait très bien que ce n'est pas le cas.
Hier, le Barreau du Québec nous a dit exactement ce que vous nous avez dit ce soir. Je ne sais pas si cela vous rassure, mais d'autres partagent votre opinion sur le projet de loi . C'est simplement un commentaire une expression d'appréciation. Je partage aussi votre lecture parce qu'on parle toujours des personnes vulnérables. Pourtant, la Cour suprême a justement pris position en vertu de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés pour protéger les personnes vulnérables, notamment lorsqu'elle dit qu'une prohibition totale, comme c'est présentement le cas, porte atteinte non seulement à la sécurité et à la liberté de la personne, mais aussi à son droit à la vie, en ce qu'elle pourrait amener la personne à mettre fin à ses jours d'une façon anticipée alors que les personnes atteintes d'une maladie dégénérative, par exemple, ne sont pas suicidaires. Elles veulent vivre le plus longtemps possible, jusqu'au moment où, lorsque leur état leur apparaîtra totalement insupportable, elles ne pourront pas mettre elles-mêmes fin à leur vie. Ces personnes sont les seules juges de leur état. Sur ce point, votre témoignage me semble assez éloquent.
Monsieur Marceau, vous connaissez la loi du Québec. Je pense qu'il y a une confusion dans le projet de loi . Que pensez-vous de cette loi québécoise qui a fait l'objet d'un consensus après six ans de discussion et qui a été votée par l'Assemblée nationale à 94 voix contre 22? Que pensez-vous de la Loi québécoise sur les soins de fin de vie?
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Pour ce qui est du processus en tant que tel, tous sont d'avis qu'il a été remarquable. En effet, les gens de la société civile ont été bien écoutés. Je tiens à souligner en particulier le travail remarquable de Véronique Hivon, avec qui vous avez siégé, je crois. Je la connais aussi personnellement.
Le Québec a été exemplaire dans l'étude de cet enjeu. Il a aussi eu le temps d'en arriver à une position qui a été assez largement partagée. Vous avez dit que 94 sur 125 députés de l'Assemblée nationale étaient en faveur de cette position, par rapport à seulement 22 qui s'y opposaient.
Je sais que vous connaissez très bien la politique à l'Assemblée nationale. Il est très difficile de réussir à atteindre un tel niveau de consensus sur un tel enjeu. C'est assez remarquable.
Le travail que est devant vous, parlementaires fédéraux, est très difficile parce que vous disposez d'une période de temps très limitée. Vous êtes encore ici et il est presque 20 h 30. Vous avez passé la journée à travailler à ce dossier. Je connais le travail du comité de la justice, et le projet de loi est assez complexe. Il vous faut être bien concentrés, et c'est exigeant.
Personnellement, je suis un admirateur de la loi québécoise sur le sujet. Connaissant l'institution où vous siégez ainsi que plusieurs d'entre vous autour de cette table, je suis convaincu que le travail que vous ferez sera aussi sérieux, bien que le temps soit limité. Je suis convaincu que vous auriez voulu disposer de plus de temps, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Je suis convaincu que le travail que vous faites et que vous ferez aboutira à une position qui, d'une part, respectera la décision de la Cour suprême du Canada — nous vivons dans un État de droit et il faut respecter la décision de cette cour —, d'autre part, je l'espère, répondra aux aspirations d'un plus grand nombre de personnes possible.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, messieurs, d'avoir témoigné aujourd'hui et d'avoir mis votre expertise à notre disposition à ce sujet. C'est très apprécié.
Pour commencer, j'ai quelques questions pour vous, monsieur Bach, concernant le respect de certaines des mesures de sauvegarde que vous proposez dans votre mémoire. L'aide médicale à mourir offerte par des médecins et des professionnels de la santé est un sujet très délicat. Nous devons nous assurer qu'une personne qui donne son consentement, suivant la décision de la Cour suprême, peut en bénéficier. En même temps, nous devons atteindre un certain équilibre pour ce qui est des personnes vulnérables. Je crois que c'est cette question que vous tentez de régler dans les mesures de sauvegarde que vous avez décrites.
Vous énumérez vos mesures de sauvegarde à la section C. Vous recommandez également l'autorisation préalable par une cour supérieure. Je me demande seulement si vous avez pensé à la durée du processus total. Par exemple, si une personne souhaite entamer un processus pour mettre fin à sa vie, elle devrait aller voir un médecin et lui dire que c'est ce qu'elle veut faire.
Pour ce qui est des mesures de sauvegarde, pourrions-nous repasser ensemble la succession des étapes du processus de consultation en soins palliatifs pour savoir combien de temps il durerait, ainsi que les autres exigences relatives aux mesures de sauvegarde déjà proposées dans le projet de loi?