Monsieur le président, on a avancé que mon témoignage devant le Comité de la justice de la Chambre des communes le 21 février 2019 était « partisan », vraisemblablement par son contenu ou par ma motivation. J'aimerais répondre à cette affirmation.
J'aimerais également présenter au Comité mes souvenirs des conversations que j'ai eues avec l'ancienne procureure générale.
Pour commencer, j'aimerais préciser mon rôle au sein du gouvernement du Canada, en tant que greffier du Conseil privé. Je suis le sous-ministre du premier ministre et le secrétaire du Cabinet. Dans ce premier rôle, j'ai la responsabilité de formuler des conseils au premier ministre et de l'aider à mettre en oeuvre son programme. Je travaille en étroite collaboration avec le depuis plus de trois ans, siégeant à d'innombrables réunions et discussions qui englobent l'ensemble des activités du gouvernement.
Je travaille au carrefour de la fonction publique et des représentants élus, et je suis présent pour plusieurs discussions qui touchent des sujets que certains pourraient considérer comme « politiques ». C'est mon rôle de connaître ce contexte, mais je ne donne jamais de conseil ayant une teneur ou une motivation partisane.
[Français]
En tant que greffier, une de mes tâches consiste à donner au des conseils impartiaux et de la rétroaction sur la façon dont ses ministres exercent leur rôle, ainsi que sur leurs relations avec leurs collègues et avec la fonction publique. Le premier ministre et son personnel sollicitent mes conseils avant les remaniements ministériels, et j'ai été conseiller principal pour les nominations et les déploiements des sous-ministres.
[Traduction]
En tant que secrétaire du Cabinet, je dois veiller à la fluidité du processus décisionnel par le système du Cabinet. La ressource la plus rare à Ottawa est le temps au Cabinet, et je travaille fort pour m'assurer que les discussions sont bien préparées, qu'une diligence raisonnable est exercée et que les options sont cristallisées afin que les ministres dans la salle du Cabinet puissent se concentrer sur les aspects clés des décisions qu'ils doivent prendre. Une part de mon travail consiste à faire en sorte que le programme du gouvernement continue de progresser.
[Français]
En tant que 23e greffier, j'ai toujours essayé d'être transparent auprès des Canadiens et des Canadiennes sur mon rôle et mes points de vue. Je communique avec eux par un site Web ainsi que sur Facebook, Twitter et LinkedIn. Tous mes discours sont publiés. J'ai donné des entrevues aux médias et j'ai comparu devant des comités parlementaires. En tant que chef de la fonction publique, je soumets chaque année un rapport à la législature et aux Canadiens et aux Canadiennes sur l'état de la fonction publique. J'ai toujours essayé d'avoir un langage direct.
[Traduction]
Je suis déçu d'être accusé de partisanerie par des personnes qui ne m'ont jamais rencontré. Ma carrière est publique. J'ai détenu les cotes de sécurité les plus élevées au pays pendant de nombreuses années. J'ai été nommé à des postes à l'échelon de sous-ministre par les premiers ministres Chrétien, Martin, Harper et . J'ai participé à la transition, à l'assermentation et à la première réunion du Cabinet des premiers ministres Martin, Harper et Trudeau. J'ai été présent à plus de 200 réunions du Cabinet et de ses comités depuis 1987. J'ai assisté à des réunions des premiers ministres avec quatre premiers ministres.
Je précise tout cela parce qu'il a été suggéré que je travaille au programme de quelqu'un. Je sers le gouvernement en place.
En ce qui a trait à la discussion devant le Comité permanent du 21 février: mes commentaires sur le comportement éthique du gouvernement, et des gouvernements précédents d'ailleurs, n'étaient pas motivés par un désir de redorer leur image. J'ai passé des milliers d'heures avec des politiciens et le personnel politique de toutes les allégeances et je me trouve dans une position unique où je peux affirmer aux Canadiens, par mon expérience personnelle directe, qu'ils sont bien servis par les femmes et les hommes qui travaillent dans les bureaux des personnes qu'ils élisent.
Depuis ma dernière présence ici, il y a eu quelques développements. D'abord, plusieurs personnes ont suggéré que j'agissais de façon plus politique qu'un fonctionnaire devrait le faire. J'espère avoir montré que je comprends mon rôle au sein du gouvernement. L’autre développement est la renonciation et le témoignage de l’ancienne procureure générale. Je ne répondrai pas à l’ensemble de son témoignage, mais j’aimerais insister sur quelques points.
Selon ce que je comprends, les accords de poursuite suspendue visent entre autres à ce que les actes criminels des entreprises n’aient pas d’effets dévastateurs sur les travailleurs, les pensionnés, les fournisseurs et les autres qui n’ont rien à se reprocher. Cet objectif est inscrit dans la Code criminel et fait partie des considérations liées à l’intérêt public. En discutant avec la procureure générale en décembre, je lui ai transmis de l’information contextuelle sur SNC-Lavalin, information qui touchait directement la décision qu’elle avait à prendre.
En ce qui concerne l’intérêt public, la décision de la procureure générale n’est jamais définitive, en ce sens que l’intérêt public peut évoluer ou se modifier. L’incidence d’une décision de poursuivre avait évolué dans ce cas. Lorsque je lui ai mentionné le 17 septembre que le Québec était en période électorale, je ne l’ai pas fait pour des motifs partisans. Il s’agit là d’une supposition injuste. Une convention de longue date veut que le gouvernement fédéral ne s’insère pas dans les campagnes électorales provinciales. À la mi-septembre, en fonction des obligations de divulgation de la compagnie, j’étais préoccupé par le fait qu’une question purement fédérale pourrait surgir dans les deux dernières semaines de cette campagne. Il est de mon devoir de rappeler ces conventions aux représentants élus.
[Français]
Le a assuré la procureure générale d'abord en ma présence en septembre, puis par écrit en décembre, que c'était toujours à elle de prendre la décision concernant la poursuite.
[Traduction]
Le 10 janvier, le remaniement ministériel était prêt. Le lendemain, dans le cadre des appels aux cinq sous-ministres touchés, j’ai parlé à Nathalie Drouin et je lui ai demandé de s’assurer que le nouveau soit mis au fait d’un certain nombre de dossiers importants pour lesquels il allait vraisemblablement devoir répondre à des questions dans un avenir rapproché, peut-être dès la réunion de réflexion du Cabine du mercredi à Sherbrooke, soit deux jours après l’assermentation. J’ai cité le litige sur la tarification du carbone, le procès Norman, l’expansion de Trans-Mountain et SNC-Lavalin. J’ignore si la sous-procureure générale du Canada serait d’accord, mais je n’ai jamais ciblé SNC comme le seul enjeu, et suggérer le contraire constitue une lecture erronée de ma conversation avec la sous-procureure générale.
[Français]
Je maintiens totalement mon témoignage du 21 février.
Je souligne que, à la suite du témoignage du 27 février de l’ancienne ministre, les faits suivants ne sont pas contestés. Elle était toujours le décideur. On lui a assuré plusieurs fois que la décision finale était la sienne. L’ancienne ministre a reconnu qu’il aurait été tout à fait légal de conclure un accord de poursuite suspendue.
[Traduction]
L’ancienne ministre maintient que sa décision, celle de ne pas agir, était définitive en septembre. Cependant, elle avait la capacité de réévaluer le contexte et de revoir son raisonnement à la lumière de nouvelles considérations liées à l’intérêt public. C’est tout ce qui lui était demandé.
Je réitère donc que la ministre a fait l’objet d’activités licites de défense d’une cause afin qu’elle puisse considérer la prise d’une mesure légale dans l’intérêt public. Je n’ai fait aucune menace, voilée ou sous autre forme, qui suggèrerait que la décision de la ministre pourrait entraîner des conséquences sur sa personne. En tout temps, j'ai envisagé cette question selon le principe de « non-ingérence/non indifférence ».
[Français]
« non-ingérence/non-indifférence ».
Je soutiens que la ministre remplissait son rôle et moi, le mien.
[Traduction]
Comme l’ancienne ministre, j’ai demandé un avis juridique sur ce que je peux et ne peux pas dire aujourd’hui. On m’a conseillé de ne pas aborder le raisonnement ou l’état d’esprit de la ministre parce que certains points sont ou seront devant les tribunaux.
Je recommanderais au Comité de préparer un rapport multipartite proposant des améliorations à la législation sur les accords de poursuite suspendue. Vos recommandations pourraient être adoptées par la Chambre, en un seul jour de séance, et entrer en vigueur avant la fin de la présente législature.
Le Comité pourrait aussi vouloir se pencher sur la possibilité d’isoler la fonction de procureur général en vue d’informer les Canadiens et de permettre à chaque parti de prendre clairement position au cours de la prochaine campagne électorale. Il s’agit d’un changement qui pourrait avoir des répercussions, souhaitées et non souhaitées, pour les décennies à venir et qui ne devrait pas être traité à la hâte.
Finalement, le Comité souhaiterait peut-être tenir des audiences sur la Directive du procureur général du Canada sur les litiges civils mettant en cause les peuples autochtones, publiée par l’ancienne procureure générale le 11 janvier 2019. Cette directive à tous les avocats du gouvernement du Canada pourrait entraîner de profonds changements dans le contexte juridique du Canada. Elle pourrait cependant être abrogée ou éventrée d’un coup de plume et réduite en cendres. Tous les partis politiques se doivent d’informer clairement les Canadiens de leur opinion quant à l’avenir de cette directive.
C’étaient mes remarques d’ouverture. Je serai ravi de répondre aux questions du Comité.
J’aimerais remercier les membres du Comité de m’avoir permis de faire ces remarques d’ouverture.
Mes remarques porteront sur mon rôle et mes responsabilités en tant que sous-ministre de la Justice et sous-procureure générale du Canada, ainsi que sur mes relations professionnelles avec l'honorable , et exposeront ma chronologie des événements.
À titre de sous-ministre et sous-procureure générale du Canada, j’appuie la ou le ministre de la Justice et procureur général ainsi que le gouvernement dans l'élaboration de leurs politiques. Dans l’exercice de mes fonctions, ma vision a toujours été de fournir au gouvernement des services juridiques de grande valeur.
J’encourage le personnel juridique du ministère de la Justice à instaurer une alliance stratégique avec les clients en s'appuyant sur le rôle traditionnel des juristes, afin de travailler en partenariat à la recherche de solutions et à l’obtention de résultats.
[Traduction]
Dans mon rôle, j'ai le privilège de travailler avec des personnes impressionnantes et hautement compétentes. L'ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada et moi avions une relation professionnelle positive. Je la félicite pour tout ce qu'elle a apporté et continue d'apporter au Canada dans le cadre de ses fonctions publiques. Je peux vous confirmer que j'ai beaucoup appris en travaillant avec elle, surtout par rapport aux questions relatives aux Autochtones ainsi qu'en matière d'élaboration des lois. En fait, nous poursuivons le travail qu'elle a entrepris à Justice Canada en adoptant une nouvelle approche en matière de litiges autochtones.
Mon personnel et moi-même respectons les normes les plus élevées en matière de conseil non partisan. Mon rôle de soutien auprès du ministre et du procureur général exige que je défende les valeurs et l'éthique qui sont attendus de moi, à la fois en tant que fonctionnaire qu'en tant qu'avocate.
Je voudrais commencer par décrire le double rôle de sous-ministre de la Justice et de sous-procureure générale du Canada. J'occupe cette position depuis juin 2017. Dans ces deux rôles, j'appuie le ministre de la Justice et procureur général du Canada dans l'accomplissement de ses responsabilités. Mes fonctions incluent: fournir des conseils juridiques et coordonner les conseils juridiques donnés par le ministère de la Justice, soutenir le développement de dispositions législatives et de politiques qui s'inscrivent dans le portfolio du ministère de la Justice, agir en tant que représentante officielle de la Couronne dans tous les litiges civils qui impliquent le gouvernement du Canada.
Le procureur général du Canada est aussi appuyé par la directrice des poursuites pénales qui est aussi une sous-procureure générale du Canada. La DPP et moi ne nous rapportons pas l'une à l'autre. II ne m'appartient pas de discuter de poursuites spécifiques avec elle, et je n'ai pas discuté du contenu de la poursuite de SNC-Lavalin avec elle. Cependant, je fournis des conseils au procureur général du Canada dans sa prise de décision quant à l’émission ou non de directives à la directrice des poursuites pénales ou pour assurer la conduite d'une poursuite criminelle fédérale. Dans de telles situations, mon approche consiste à fournir des conseils juridiques de la même façon que je le ferais en donnant des conseils sur toute autre loi, mais avec une attention particulière à la distinction entre mon travail et celui de la DPP.
[Français]
Monsieur le président, comme le permet le décret rendu par la gouverneure générale en conseil le 25 février dernier, je voudrais maintenant fournir au Comité un compte rendu détaillé de mes interactions dans ce dossier.
Je fournis ce compte rendu d'après ce que je sais. Pour ce faire, j'ai examiné mes courriels, mes dossiers et mon agenda. Je n'ai pas consulté Mme Jody Wilson-Raybould, je n'ai pas consulté le , ni leur personnel ni quiconque à l'extérieur du ministère au sujet des faits qui me sont propres.
Mon compte rendu inclura notamment les détails des discussions que j'ai eues avec l'ancienne procureure générale du Canada concernant l'exercice de ses pouvoirs en vertu de la Loi sur le directeur des poursuites pénales.
Le 4 septembre, le ministère a eu connaissance de la position de la directrice de continuer la poursuite intentée contre SNC-Lavalin. J'aimerais préciser que, à ce jour, je ne sais toujours pas comment ni quand la position de la directrice fut communiquée à SNC-Lavalin.
Comme je l'ai mentionné, j'ai examiné mon agenda au meilleur de mes capacités. Mon agenda indique que, le 5 septembre, j'ai eu une conversation téléphonique avec M. Paul Rochon, sous-ministre des Finances. Toutefois, je ne peux me souvenir si nous avons parlé de ce dossier, d'un autre dossier qui était très chaud à l'époque, ou des deux dossiers.
De plus, d'après mes souvenirs, la première discussion que j'ai eue avec Mme Wilson-Raybould sur ce dossier a eu lieu le 5 septembre, en fin d'après-midi. L'objet de l'appel était de discuter d'un autre dossier, mais je me souviens que celui de SNC-Lavalin a aussi été évoqué. L'ancienne procureure générale était à Fidji et il y avait un décalage horaire de 17 heures.
Deux employées de son bureau, Jessica Prince, chef de cabinet, et Emma Carver, attachée politique, se sont jointes à l'appel. Nous avons convenu que le ministère fournirait des conseils sur le rôle du procureur général, aux fins d'examen par la procureure générale. Je leur ai dit que le ministère avait commencé à travailler sur cet avis la veille.
[Traduction]
Les deux jours suivants, mes fonctionnaires et moi-même avons élaboré l'avis écrit. J'ai aussi fourni des conseils verbaux aux membres du personnel du cabinet du procureur général, Emma Carver et François Giroux, sur les pouvoirs du procureur général sous la Loi sur le directeur des poursuites pénales.
J'ai indiqué qu'il serait très important que la procureure générale se sente à l'aise avec la position de la directrice de ne pas négocier un accord de réparation. J'ai souligné que la procureure générale était en droit de recevoir toute information qu'elle jugerait nécessaire de la part de la directrice.
Au cours de mes discussions avec Emma Carver et Francois Giroux, ceux-ci m'ont lu des extraits de la lettre en vertu de l'article 13 de la part de la DPP.
Pour clarifier, une lettre de la DPP en vertu de l'article 13, vise à informer le procureur général en temps opportun de toute poursuite ou intervention envisagée par le DPP et cette lettre soulève des questions d'intérêt général.
Comme je l'ai expliqué au Comité, en honorant mon rôle de sous-procureure générale, je fais très attention de séparer mon rôle et mes responsabilités de ceux de mon homologue, la directrice des poursuites pénales. Comme je l'ai mentionné, je n'ai aucun rôle à jouer dans les poursuites pénales spécifiques et je ne suis au courant d'aucun élément de preuve. C'est pourquoi j'ai refusé de réviser et de recevoir la lettre en vertu de l'article 13.
C'est au cours de cette même conversation qu'Emma Carver m'a informée qu'elle était en train de rédiger un document qu'elle comptait fournir à ses homologues du bureau du premier ministre. On m'a aussi dit que la procureure générale n'était pas enthousiaste à l'idée d'exercer son autorité sous la Loi du DPP.
Dans son témoignage, l'ancienne ministre mentionne que j'ai transmis des informations du ministère des Finances. Je précise que le 7 septembre, j'ai parlé avec le sous-ministre des Finances, Paul Rochon. II avait des questions concernant le processus de prise de décision, sur les rôles et la relation de la PG et de la directrice des poursuites pénales.
Aussi le 7 septembre, j'ai parlé à l'ancienne chef de cabinet de la procureure générale et je lui ai fourni un compte rendu verbal de l'avis que nous étions en train de rédiger pour la PG.
Le 8 septembre, j'ai fourni un avis préliminaire au bureau de l'ancienne procureure générale. L'avis est intitulé « Le pouvoir du procureur général de donner des directives et d'assurer la conduite des procédures. » L'avis débute avec une discussion sur l'indépendance du procureur général et sa responsabilité ultime quant aux poursuites criminelles. II décrit le rôle de la DPP de manière très semblable à celle que j'ai expliquée devant ce comité. II y est aussi décrit le pouvoir d'assurer la conduite d'une poursuite et le pouvoir de donner des directives.
L'avis fournit aussi des conseils au procureur général sur le rôle de la DPP et l'informe que le procureur général est habilité à recevoir toute information provenant de la DPP pour pouvoir comprendre une décision.
Différentes options sont décrites dans le cas où le procureur général ne souscrit pas à la position de la directrice ou souhaite évaluer davantage la décision. Ces options incluent l'émission de directives qui ordonnent le réexamen ou la nomination d'un procureur spécifique pour réévaluer la décision.
Une autre option qui est décrite dans l'avis est que le procureur général décide d'assumer la conduite d'une poursuite, détermine si les conditions légales pour les accords de réparation sont remplies et, le cas échéant, nomme un mandataire pour négocier un tel accord.
L'avis juridique envisage également la possibilité de solliciter un avis extérieur concernant les pouvoirs conférés au procureur général en vertu de la Loi et du Code criminel afin de déterminer si les conditions nécessaires à la conclusion d'un accord de réparation sont réunies.
L'avis juridique indique que le cadre constitutionnel et réglementaire pertinent donne la priorité à l'indépendance et à la transparence et que toutes les décisions du procureur général sont les siennes à prendre, indépendamment des considérations ou processus politiques.
On y trouve aussi une brève analyse de la notion de déférence, par les tribunaux, au pouvoir discrétionnaire de poursuite qui ne peut être soumis à un contrôle judiciaire qu’en cas d’abus de procédure.
[Français]
Je voudrais replacer dans son contexte cette partie de mes remarques. Bien que je sois à Justice Canada depuis presque trois ans, vous savez que j'ai également exercé des fonctions similaires au Québec. Durant cette période, j'ai acquis une expertise dans ce domaine, puisque j'ai été confrontée à des situations semblables dans lesquelles les décisions du directeur des poursuites criminelles et pénales ont été contestées publiquement et où le procureur général a été interpellé. J'ai judicieusement mis cette expérience professionnelle et cette expertise au service de l'avis que mon ministère a fourni à la procureure générale dans cette affaire.
Le 10 septembre, le ministère a répondu à deux questions complémentaires que nous avions reçues du bureau de la procureure générale à la suite de l'avis préliminaire.
Le 11 septembre, le chef par intérim du cabinet de la procureure générale, M. François Giroux, m'a informée par courriel que la procureure générale n'avait pas l'intention d'intervenir dans ce dossier et qu'elle était disposée à en discuter avec moi.
Le 12 septembre, le lendemain, le ministère des Finances m'a indiqué que SNC-Lavalin était toujours en discussion avec la DPP. J'en ai donc déduit que la position de la DPP, à savoir inviter SNC-Lavalin à négocier un accord de réparation, n'était pas définitive.
[Traduction]
Le 12 ou le 17 septembre — j’aimerais être plus précise, mais je ne dispose d’aucune preuve pour cela — j'ai eu une discussion avec le greffier en marge du déjeuner des sous-ministres qui est une réunion hebdomadaire à laquelle les sous-ministres participent.
Je me souviens que j'ai eu une discussion avec le greffier durant laquelle nous avons discuté des options qui étaient disponibles à la procureure générale, le rôle de la DPP et mon rôle.
Le 16 septembre, j'ai eu un appel avec le BCP lors duquel nous avons discuté de l'avis sur le rôle de la procureure générale et des options.
Si je me souviens bien, ma première rencontre face à face avec l'ancienne procureure générale dans ce dossier a eu lieu le 17 septembre et je pense que nous n'en avons peut-être parlé que brièvement en marge d'une autre réunion.
J'ai vu la ministre le 18 et le 19 septembre. Le 18 septembre, la ministre a fourni un compte rendu de sa discussion qu'elle a eue le jour d'avant avec le . Je ne me souviens pas de ses mots spécifiques mais je me souviens qu'elle m'a dit que le greffier était présent. Elle m'a aussi dit qu'elle n'était pas à l'aise avec le contenu de cette conversation.
Lors de ma rencontre bilatérale du 19 septembre en après-midi, avec l'ancienne procureure générale, celle-ci m'a dit qu'elle venait d'avoir une discussion avec le greffier. Durant cette rencontre, je me souviens précisément que l'ancienne procureure générale m'a dit que c’était la dernière fois que nous discutions de l'affaire SNC-Lavalin. Elle m'a aussi donné comme instructions de ne pas avoir de discussion avec la DPP.
Je tiens à préciser qu'au meilleur de mes souvenirs, je n'ai plus eu d'interactions avec la ministre ou son personnel au sujet de ce dossier après le 19 septembre sauf à deux exceptions près.
[Français]
La première exception a eu lieu le 19 octobre, lorsque la demande de contrôle judiciaire de la décision de la DPP a été déposée devant la Cour fédérale. Comme ce serait le cas dans les procédures régulières pour lesquelles une demande de contrôle judiciaire est présentée à la cour, les fonctionnaires de mon ministère ont discuté avec la DPP du choix des personnes qui devraient comparaître au nom de la Couronne.
La deuxième exception s'est produite vers la fin du mois d'octobre. Je n'ai pas la date exacte. Le Bureau du Conseil privé a demandé un avis à mon ministère sur les conséquences possibles pour SNC-Lavalin d'une condamnation au criminel. Mon ministère avait élaboré un projet d'avis juridique. Cet avis n'a pas été fourni au Bureau du Conseil privé à la demande du bureau de la ministre.
[Traduction]
Finalement, avant de compléter ma chronologie, je voudrais retourner rapidement au moment où j'ai eu pour la première fois connaissance du remaniement du 14 janvier. Là encore, je tiens à préciser pour la transcription que je n’ai pas discuté de ce témoignage avec le greffier.
Le vendredi 11 janvier, le greffier du Conseil privé m'a appelée pour m'informer du remaniement à venir. Je n'ai pas été informée de l'identité du prochain ou de la prochaine ministre. J'ai demandé au greffier quels domaines ou quels dossiers je devrais préparer pour en informer le nouveau ou la nouvelle ministre. Le greffier a identifié que le besoin prioritaire serait d'abord d'informer le nouveau ministre et procureur général sur ses rôles et ses responsabilités. Cela m'a indiqué qu'il s'agissait d'un ministre débutant.
Le greffier a aussi recommandé que j'informe le nouveau ministre de dossiers relatifs aux Autochtones, puisqu'il était possible que le demande à cette personne d'assister à une rencontre avec des organisations autochtones au début de la semaine suivante. II a aussi recommandé d'informer le ministre sur des enjeux en cours, incluant les accords de réparation et SNC.
Comme vous le savez, SNC-Lavalin avait fait une demande de contrôle judiciaire de la décision de la DPP et c'était une question d'actualité qui devait être communiquée au nouveau ministre. Pour informer le nouveau ministre, j'ai développé avec mon équipe rapprochée, un manuel informatif, que je vous présente aujourd'hui.
[Français]
Je pense que vous avez les documents, tant en français qu'en anglais, à faire circuler aux membres du Comité.
[Traduction]
Vous remarquerez que les accords de réparations sont inclus dans le cahier d'informations à l'intention du ministre, parmi d'autres dossiers.
C'est dans ce contexte que, l'après-midi du 11 janvier, que j'ai informé Jessica Prince qui, je croyais, allait demeurer chef de cabinet, des dossiers sur lesquels j'informerais le nouveau ministre.
[Français]
Je vous remercie de votre attention. Je sais que j'ai dépassé un peu mon temps de parole.
Je suis disposée à répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
M. Fraser propose que nous réfléchissions à cette question à huis clos et non en public. Les députés libéraux font toujours cela. Ils n'ont pas cessé de bloquer et d’entraver l’audition des témoins jusqu’à ce qu’ils n'aient vraiment plus de raison de contester.
Il se peut fort bien que nous ayons besoin d’entendre d’autres témoins, mais compte tenu des témoignages d’aujourd’hui, il est inconcevable que nous n’entendions pas Jessica Prince, Katie Telford, Elder Marques et Mathieu Bouchard.
M. Butts a pu très opportunément nous décrire sa version de la réunion du 18 décembre. Il serait donc tout à fait approprié et même nécessaire que nous entendions les deux autres participants à cette réunion, Mme Prince et Mme Telford.
Il est tout à fait clair qu'Elder Marques et Mathieu Bouchard ont rencontré la chef de cabinet de Jody Wilson-Raybould et Jody Wilson-Raybould elle-même à plusieurs reprises, ou qu'ils ont communiqué avec elles, notamment le 22 novembre. Ils ont aussi rencontré sa chef de cabinet à d’autres dates, notamment le 18 octobre et le 26 octobre, pour faire pression sur elle et pour réitérer la nécessité, entre autres choses, de demander l'opinion d'une personne de l'extérieur. Alors pourquoi ne pouvons-nous pas entendre ces personnes pour comprendre exactement ce qui s'est dit et pour nous faire une idée du contexte dans son ensemble?
Quant à Mme Wilson-Raybould, il est évident que nous devons entendre ce qu'elle nous dira sur la période qui a suivi son congédiement du poste de procureure générale. Comme l’a souligné M. Poilievre, ceci est d’autant plus important que dans son témoignage, elle nous a dit qu’à deux reprises, le et le greffier du Conseil privé lui avaient dit que SNC-Lavalin risquait de transférer son siège social, alors que cela aurait été impossible.
Pendant l'interrogation de M. Poilievre, au bout de cinq minutes M. Wernick a évité d'indiquer directement s'il avait vraiment dit cela. Il a ensuite carrément nié l’avoir dit la dernière fois qu’il a comparu devant notre comité. Il s'est contredit en affirmant qu’ils avaient ouvertement discuté du transfert et de la fermeture éventuels de l’entreprise. C’est ainsi qu’il a décrit ce qui s’est passé pendant la rencontre au cours de laquelle Jody Wilson-Raybould a affirmé avoir été menacée non pas une fois, non pas deux fois, mais trois fois par M. Wernick. Il y a deux semaines, il a dit qu’il avait parlé d'un transfert éventuel de l’entreprise, mais quand il s'est senti coincé, il a soudainement nié catégoriquement avoir dit cela.
Il faut que nous entendions aussi la version de Jody Wilson-Raybould.
Pourquoi retarder ces témoignages? Pourquoi devrions-nous attendre 13 jours avant de prendre une décision? Il faut absolument que ce processus se déroule rapidement. Il n'y a aucune raison de nous faire attendre encore deux semaines alors qu’il est parfaitement évident que nous devons entendre ces témoins, les quatre personnes plus Jody Wilson-Raybould, pour que toute la vérité sorte.