Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 118e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes.
Je veux commencer en soulignant que nous sommes réunis sur les terres ancestrales et non cédées des peuples algonquin et anichinabé, et en exprimant ma gratitude parce que nous pouvons faire l'important travail de ce comité sur des terres dont ils sont les gardiens depuis des temps immémoriaux.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 5 juin 2024, le Comité reprend son étude du projet de loi C‑61, Loi concernant l'eau, les sources d'eau, l'eau potable, les eaux usées et les infrastructures connexes sur les terres des Premières Nations.
Avant de commencer, je veux demander à tous les participants sur place de lire les directives écrites sur les affichettes mises à jour qui se trouvent sur la table. Ces mesures sont en place pour prévenir les incidents dus à l'effet Larsen et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride. Tous les témoins ont préalablement effectué les tests de connexion requis.
Je veux rappeler à tous les participants les points suivants. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole, et tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Chers collègues, veuillez lever la main si vous souhaitez intervenir, que vous participiez en personne ou au moyen de l'application Zoom. Le greffier et moi allons faire de notre mieux pour gérer la liste des intervenants.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins du premier groupe.
De l'Ermineskin Cree Nation, nous avons le chef Joel Mykat, le conseiller Craig Makinaw, M. Wilton Littlechild et l'avocat Clayton Leonard. De la Commission scolaire Kativik, nous accueillons Harriet Keleutak, qui se joint à nous par vidéoconférence.
Avant de commencer, je crois comprendre que les témoins de la Ermineskin Cree Nation ont demandé 10 minutes pour faire une déclaration liminaire. Le règlement du Comité et la pratique habituelle prévoient cinq minutes. Pour accorder 10 minutes, nous avons besoin du consentement unanime des membres du Comité. Je veux m'assurer que nous l'avons avant de poursuivre.
Des députés: D'accord.
Le président: Sur ce, je donne la parole à l'Ermineskin Cree Nation pour présenter une déclaration liminaire de 10 minutes.
J'aimerais remercier le Comité de nous avoir invités à parler du projet de loi C‑61.
Honnêtement, il est décevant et frustrant de devoir être ici aujourd'hui. Comme vous le savez, l'Ermineskin Cree Nation veut amender le projet de loi pour faire reconnaître le droit à l'eau potable des Premières Nations. Cela signifie que tous les membres des Premières Nations qui vivent dans des réserves ont droit à une eau potable qui ne pose pas de risques graves pour la santé et le bien-être. Rien de moins ne permettra d'honorer et de respecter notre traité avec le Canada et de respecter nos droits de la personne.
Ce n'est pas uniquement une question juridique. C'est important tous les jours dans la vie de vraies personnes à Ermineskin. Le Canada a promis à maintes reprises de régler les problèmes d'eau potable des Premières Nations depuis les années 1970 et il a échoué coup sur coup. Les meilleurs efforts du Canada qui sont promis dans le projet de loi ne suffisent pas. Nos gens subissent dans leurs maisons la négligence du Canada à cet égard depuis des dizaines d'années.
J'aimerais que le conseiller Mackinaw, qui travaille également dans ce dossier depuis longtemps, donne au Comité une idée de la crise de l'eau non potable à Ermineskin. Je ferai ensuite une courte déclaration pour conclure.
Bonjour. J'aimerais formuler quelques commentaires ce matin.
En 2010, le Canada a réalisé l'évaluation nationale des systèmes d'aqueduc et d'égout dans les collectivités des Premières Nations. À Ermineskin, l'évaluation a révélé que notre usine de traitement des eaux, construite dans les années 1970, ne respectait pas les normes nationales sur l'eau potable et avait grandement besoin d'être remplacée. Cette usine est encore utilisée.
Environ 70 % des familles ne sont pas connectées à l'usine. Ils obtiennent leur eau en puisant dans environ 500 puits de zones rurales. L'évaluation a révélé que tous les puits testés ne respectaient pas les exigences en matière de santé des normes de qualité de l'eau potable. Les coliformes fécaux et la bactérie E. coli étaient fréquents. On a indiqué au Canada qu'un investissement d'environ 80 millions de dollars était nécessaire à Ermineskin pour que nos gens aient accès à de l'eau potable. À ce jour, le Canada n'a pas donné suite à la moindre recommandation clé de l'évaluation, avec de terribles conséquences.
De 2010 à 2022, il y a eu 361 avis d'ébullition de l'eau pour environ 500 puits, ou 73 % de nos maisons. Pire encore, 232 de ces avis ont duré plus d'une année et 80 sont permanents. Il y a même trois familles dont les puits portent l'inscription « Ne pas consommer ». Ces données ont été fournies au Comité.
De notre côté, à Ermineskin, nous avons investi beaucoup de temps, d'énergie et de ressources pour essayer de trouver une solution. Lorsque le Canada n'a pas donné suite à l'évaluation de 2010, Ermineskin a intenté l'une des premières poursuites judiciaires portant sur l'eau potable en 2014. Nous avons volontairement mis le litige en veilleuse pour travailler à la recherche de solutions avec le Canada. Après quatre années, le Canada a finalement accepté d'appliquer les recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada et d'étudier ce qui est nécessaire pour que nos gens aient accès à une eau saine.
Les négociations ont pris fin plus tôt cette année parce que le Canada a dit que les 361 avis concernant l'eau potable n'avaient pas d'importance parce qu'ils portent sur des puits et pas sur notre usine de traitement de l'eau. Le Canada refuse de financer la solution qui a été recommandée par des ingénieurs qualifiés et qui est nécessaire pour que toutes les familles à Ermineskin aient accès à de l'eau potable. Cette solution est une usine de traitement de l'eau centralisé reliée à toutes nos maisons. Les 10 années de négociations ont pris fin en février lorsque le Canada a dit: « Tant pis. »
Malgré la frustration et l'inaction totale du Canada par rapport à nos réseaux d'alimentation en eau potable, Ermineskin a beaucoup investi pour participer à l'élaboration du projet de loi C‑61. Nous avons eu de l'espoir lorsque le Canada nous a dit à la première réunion, en septembre 2022, qu'il voulait élaborer une nouvelle mesure législative pour finalement s'attaquer au problème de l'eau non potable à Ermineskin et pour toutes les Premières Nations. Le Canada nous a dit, selon son propre document, qu'il est déterminé à « affirmer et à reconnaître les droits des Premières Nations. » Plus précisément, le Canada a dit qu'il avait l'intention de s'attaquer à « la non-reconnaissance des droits des Premières Nations sur l'eau » dans la législation précédente. Enfin, nous avons pensé que le Canada était prêt à faire ce qu'il faut et ce qui s'impose, c'est‑à‑dire reconnaître que les Premières Nations ont un droit à l'eau potable. Après tout, c'est l'objet de ce projet de loi.
(0830)
Ermineskin a travaillé avec M. Littlechild, un grand spécialiste de la déclaration des Nations unies, et avec le professeur David Percy, un ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université de l'Alberta, le principal expert du Canada en matière de droit de l'eau et un conseiller du Waitangi Tribunal en ce qui concerne les droits relatifs des Maoris, pour pouvoir fournir au Canada les meilleurs renseignements possibles. Nous avons tenu cinq séances du conseil d'une journée complète consacrées au projet de loi, nous avons rencontré à maintes reprises les représentants du Canada et nous avons présenté six mémoires sur le projet de loi.
Même si nous sommes heureux qu'il reconnaisse que notre eau fait partie de nos terres de réserve et qu'il reconnaisse que nous avons un droit plus vaste relatif à l'autonomie gouvernementale par rapport à notre eau, le Canada a échoué dans le dossier le plus important. Une loi dont l'objectif est de garantir aux Premières Nations un accès à de l'eau potable saine doit reconnaître notre droit à l'eau potable.
De nombreuses Premières Nations, y compris Ermineskin, souffrent depuis trop longtemps à cause des « meilleurs efforts » du Canada. Il est absolument essentiel que le projet de loi C‑61 reconnaisse que les Premières Nations ont un droit à l'eau potable.
Le chef Mykat va prononcer les derniers commentaires.
Je dois être clair et ferme à ce sujet. Le Canada a violé le traité et les droits de nos familles, de nos enfants et de nos aînés en n'agissant pas pour s'attaquer à la crise de l'eau potable à Ermineskin. Nos efforts prolongés et patients pour travailler avec le Canada afin de trouver des solutions, y compris ce projet de loi, ne se sont traduits que par plus d'inaction, d'échecs et de demi-mesures.
L'Ermineskin Cree Nation en a eu assez. Nous allons donner suite à notre poursuite contre le Canada jusqu'à ce que le droit à l'eau potable des Premières Nations soit inscrit dans la loi et que chaque personne à Ermineskin puisse ouvrir le robinet dans sa maison, au bureau ou à l'école sans crainte pour sa santé et son bien-être.
L'amendement du projet de loi C‑61 pour reconnaître le droit à l'eau potable des Premières Nations est une exigence qui s'impose depuis longtemps. Ce serait également un pas positif vers la résolution de la poursuite d'Ermineskin contre le Canada et peut-être de poursuites similaires comme celles de la nation de Shamattawa et des Six Nations. Une vraie réconciliation commence par mettre fin à la violation de notre traité par le Canada et par le droit à l'eau potable de toutes les Premières Nations.
Je ne sais pas si j'ai le droit de poser des questions aux membres du Comité, mais je vais le faire quand même. Ermineskin et probablement toutes les Premières Nations veulent que chacun de vous indique si vous appuyez notre droit à l'eau potable.
C'est la première fois que je me joins à ce genre de groupe de témoins, et je vais donc essayer d'être rapide et précise. Je viens du Nunavik, dans le Nord du Québec. Je travaille pour une commission scolaire, mais je me bats pour les droits des enfants et des jeunes inuits afin qu'ils aient accès à des services essentiels comme l'alimentation en eau et le traitement des eaux usées.
Dans notre région, depuis que nous relevons du gouvernement du Québec, il y a beaucoup de matins et de nombreuses journées où nos élèves n'ont pas d'eau dans leur maison parce que les collectivités n'ont pas assez de camions pour en transporter et pour recueillir les eaux usées. La situation est devenue critique à un moment donné depuis la pandémie puisque le gouvernement du Québec néglige les Inuits au Nunavik.
Nous donnons beaucoup à... Nous avons donné nos terres. Nous avons donné notre eau. Hydro-Québec gagne de l'argent — c'est une société qui vaut des milliards de dollars — et se sert de nos terres pour offrir de l'électricité aux États-Unis, à l'Ontario et ailleurs. Cependant, même si nous sommes dans la région, nous ne sommes pas connectés aux installations d'hydroélectricité. Nous dépendons donc du diésel pour assurer le fonctionnement de nos collectivités et pour avoir de l'électricité.
Depuis la pandémie, nous avons observé que les services essentiels deviennent encore plus rares ou qu'ils sont parfois inexistants. L'hiver dernier, nous avons dû fermer notre école à cause du manque d'eau, ou à défaut d'avoir un égout pour recueillir les eaux usées.
Cette situation nuit à l'apprentissage des enfants et des jeunes. Elle nuit aussi à leur santé, à leur hygiène et à leur accès à l'eau potable. Je ne sais pas comment on peut négliger les Inuits aussi longtemps. Lorsque les enfants se réveillent le matin, leurs parents doivent se rendre au travail, et ils doivent se rendre à l'école sans avoir d'eau chez eux. On ne peut pas tirer la chasse d'eau de la toilette et il n'y a pas d'eau potable — rien.
Il faut prendre la situation au sérieux parce qu'on nous néglige depuis beaucoup trop longtemps. Les gens qui nous gouvernent ou qui sont dans les administrations ne doivent jamais vivre ce que nous vivons. Pour eux, il est très difficile de comprendre comment, à notre époque, on peut vivre sans eau potable ou sans accès à un réseau d'alimentation en eau ou à un système d'égouts. Nous aimerions voir des investissements là‑dedans puisqu'il y a des répercussions sur toute la communauté.
Lors des tempêtes de neige, il est normal de se passer d'eau. Nous essayons donc de la préserver et de ne pas en utiliser beaucoup pour faire du lavage ou nettoyer d'autres choses dans la maison, mais nous devrions être en mesure de vivre comme le reste des... Je vais utiliser le Québec comme exemple. Les Inuits du Nunavik devraient pouvoir vivre comme les gens de Montréal, en ayant tout le temps accès à de l'eau.
Les gouvernements ont arrangé les choses de manière à ce que, dans les accords sur les revendications territoriales, nous devions les supplier pour avoir de l'eau, alors que c'est un service essentiel et un droit. Nous avons besoin de l'infrastructure nécessaire pour que les enfants, les aînés et tous les autres membres de la communauté aient accès à de l'eau potable 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et ce, 365 jours par année. Nous devons veiller à ce que nos collectivités fonctionnent correctement et faire en sorte d'avoir accès à une eau saine et à une infrastructure adéquate pour pouvoir bien servir nos gens.
Merci beaucoup à la témoin pour sa déclaration liminaire.
Nous allons maintenant commencer notre première série de questions.
Je suis désolé. J'ai oublié de mentionner plus tôt que toutes les questions pour les représentants de l'Ermineskin Cree Nation seront posées à leur avocat, M. Leonard.
Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui. Je leur en suis très reconnaissant.
L'une des premières choses dont vous avez parlé était une longue histoire. Pouvez-vous décrire le processus de consultation pour l'élaboration du projet de loi C‑61? Pouvez-vous passer en revue la façon dont vous avez été consultés?
Je crois que, comme chaque Première Nation au pays, on a communiqué avec Ermineskin en 2022 pour proposer une réunion initiale. À cette réunion, on a informé les représentants d'Ermineskin que le Canada voulait présenter une nouvelle loi sur cette question qui reposerait sur l'article 19 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui requiert un consentement. On a également dit que le projet de loi allait non seulement s'attaquer au problème de l'eau potable, mais qu'il allait aussi être motivé par l'intention de reconnaître les droits relatifs à l'eau des Premières Nations.
Il y a probablement eu quatre réunions au Canada. Comme l'a décrit le conseiller Makinaw, il y a également eu beaucoup de travail fait à l'interne à Ermineskin entre ces réunions. C'était un processus très intense qui a duré deux ans.
Je ne veux pas contourner votre question, mais je n'ai pas envie de parler de la consultation. Lorsque ce projet de loi a été déposé, je pense que la ministre a promis à la Chambre qu'elle écouterait les Premières Nations et que les amendements allaient reposer là‑dessus.
Un certain nombre de Premières nations avec qui je travaille, comme vous le savez, et probablement d'autres au pays ont demandé à quel endroit dans un projet de loi sur l'eau potable pour les Premières Nations il était question du droit à l'eau potable.
À ma connaissance, personne n'a reçu de réponse du bureau de la ministre.
J'ai posé la question parce que nous avons entendu dire qu'on n'a pas respecté l'obligation de consulter. C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question. C'est parce que c'est ce que nous avons entendu de la part d'autres témoins ici.
Je pense que c'est un élément crucial. Si d'autres groupes disent qu'ils ne croient pas que le processus de consultation qu'ils voulaient obtenir... Vous dites que ce n'est pas pertinent.
Je dis que dans le cas d'Ermineskin, on a eu l'occasion d'être consulté de manière approfondie. Le problème, c'est l'absence de réponse du Canada aux changements et aux problèmes soulevés pendant cette consultation.
Il y a eu de bons changements de dernière minute apportés à l'ébauche du projet de loi avant son dépôt. Le projet de loi dit que les eaux qui se trouvent dans, sur et sous les terres de réserve appartiennent aux Premières Nations. La reconnaissance du droit à l'autonomie gouvernementale par rapport à ces eaux est vaste.
C'est un projet de loi sur l'eau potable, et ces choses sont donc bien et excellentes, mais à quel endroit reconnaît‑on le droit à l'eau potable?
Comme vous pouvez le voir dans les dossiers sur les avis concernant la qualité de l'eau potable qui ont été fournis au Comité, et comme le conseiller Makinaw l'a souligné, la nation Ermineskin n'a cessé au fil des décennies d'entendre les gouvernements successifs lui promettre qu'ils allaient régler le problème.
Voici maintenant que le Canada promet, encore une fois, de faire de son mieux avec ce projet de loi. La réalité, c'est que 73 % des maisons à Ermineskin sont aujourd'hui visées par des avis concernant la qualité de l'eau potable.
Il s'agit de s'assurer que tout le monde à Ermineskin peut ouvrir son robinet sans avoir à se soucier de la salubrité de l'eau, et d'obtenir la confirmation devant un tribunal que les Premières Nations ont droit à de l'eau potable salubre.
Je pense que si ce droit était inscrit dans le projet de loi, nous pourrions nous rapprocher d'un règlement dans cette poursuite.
C'était ma prochaine question. Si c'est bel et bien inscrit dans la Loi, est‑ce que la poursuite sera abandonnée? Laisseriez-vous tomber la poursuite si cet amendement était adopté?
Cela ne veut rien dire si l'on n'agit pas en conséquence. J'estime toutefois que si le droit était inscrit dans le projet de loi et que celui‑ci était adopté, nous pourrions, au lieu d'avoir à argumenter sur l'existence de ce droit, faire valoir devant les tribunaux que le Canada en a bel et bien reconnu l'existence dans son projet de loi et qu'il faudrait savoir ce que cela signifie exactement.
Le fait de l'inscrire dans la Loi vous donne la possibilité d'intenter une action en justice si vous estimez que ce droit n'est pas concrètement mis en oeuvre.
Oui, les démarches judiciaires ou les négociations pourraient alors porter sur la façon dont devrait se traduire le respect de ce droit en termes d'investissement dans l'infrastructure d'Ermineskin et des autres Premières Nations.
D'autres témoins nous ont notamment dit que nous en avons assez entendu, que le projet de loi devrait être adopté tel quel et que nous devrions aller de l'avant. Ces gens‑là estiment qu'un nombre suffisant de témoins nous ont fait part de leurs préoccupations.
À votre avis, combien de témoins devrions-nous entendre? Si nous les avions écoutés, vous ne seriez pas ici aujourd'hui.
Comme je l'ai dit en juin lors de ma comparution, après avoir consacré près de 18 ans de travail à cet enjeu, je commence à en avoir assez d'entendre le son de ma propre voix parler de la salubrité de l'eau potable.
On nous a demandé si nous appuyions votre droit à l'eau potable. Je ne peux pas parler au nom du gouvernement ou du Comité, mais je suis moi-même membre d'une Première Nation et je vis dans une réserve. Le projet de loi vise à assurer l'accès à de l'eau potable sûre et propre, non seulement pour les membres de la tribu Ermineskin, mais pour tous les Autochtones au Canada, et en particulier les Premières Nations dans les réserves. Telle est l'intention.
Quant à savoir comment nous en sommes arrivés là, si nous sommes à l'écoute et quels amendements nous allons considérer, il faut préciser que ce processus d'amendement n'est pas encore amorcé. Nous accéderons à cette étape une fois que nous aurons entendu tous les témoignages. Je pense qu'il est important que vous sachiez qu'il y a eu consentement unanime des partis afin que nous puissions aller de l'avant avec ce projet de loi et entendre le point de vue des différentes communautés.
J'aimerais d'abord m'adresser à M. Wilton Littlechild.
Pourriez-vous nous parler un peu de ce que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et le projet de loi C‑15 disent au sujet de l'eau par rapport à ce que prévoit le présent projet de loi? Comment pouvons-nous améliorer ce projet de loi en nous inspirant de la DNUDPA? Que pouvons-nous faire pour nous assurer que les amendements nécessaires sont adoptés?
Je vous ai salués en cri en vous remerciant de me donner l'occasion d'être ici.
J'en viens à votre question, mais je tiens tout d'abord à remercier mes chefs de me permettre d'être ici pour défendre leurs intérêts relativement à des enjeux aussi importants que celui‑ci. J'ai travaillé à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui a finalement été adoptée, sans réserve, au terme d'un processus qui a duré 39 ans, soit pas moins de quatre décennies. Au nom de ma nation, Maskwacîs , comme on dit en cri pour Ermineskin, je dois vous rappeler, comme vous le savez sans doute tous déjà, que le Canada a voté contre la déclaration à l'issue de 27 années de pourparlers, après quoi il lui a fallu 12 ans de plus pour en arriver à l'appuyer. Dans l'intervalle, j'ai bien évidemment pu entendre de nombreux États s'exprimer en faveur ou à l'encontre de la déclaration.
Par la suite, il y a eu la déclaration de l'Organisation des États américains sur les droits des peuples autochtones. La déclaration de l'OEA constitue en fait une amélioration par rapport à la déclaration des Nations unies, si bien que nous devrons dorénavant tenir compte de ces deux déclarations. Pour revenir à la question de M. Shields, je suis très heureux que l'article 19 soit cité dans le projet de loi, et plus exactement dans son préambule. L'article 19 va en fait au‑delà de la notion de consultation. Il nous oblige, avant l'adoption d'un projet de loi, à chercher à obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones, ce qui va au‑delà de la simple consultation. La déclaration de l'OEA va dans le même sens et, en fait, même plus loin. À titre d'exemple, dans les traités, il nous faut examiner, comme la Cour suprême du Canada l'a également indiqué, comment les peuples autochtones comprennent le droit à l'eau conféré par traité. Comment expriment-ils leur consentement à la protection de l'eau potable? Comment font-ils ensuite intervenir les éléments spirituels inclus dans les traités? Tout est maintenant pris en compte dans la déclaration de l'OEA.
Je félicite les députés qui ont participé à ce processus. Je vais prendre une seconde, si vous permettez, pour vous féliciter d'avoir assisté à l'Instance permanente qui s'est tenue cette année à New York. J'ai été très encouragé de voir le Comité être représenté là‑bas, car cela témoigne du sérieux de votre démarche pour nous aider à progresser vers la réconciliation.
Pour répondre directement à votre question au sujet de la Déclaration des Nations unies, il est effectivement formidable que l'article 19 soit mentionné, mais il y a plus loin dans cette déclaration des articles très pertinents qui, s'ils étaient intégrés au projet de loi, en renforceraient l'utilité tout en nous incitant encore davantage à l'appuyer. À l'heure actuelle, il ne va pas assez loin, et je me suis montré critique à ce sujet dès le départ, du point de vue des traités et de la déclaration des Nations unies. Incluons ces articles qui amélioreront le projet de loi pour pouvoir mieux cheminer ensemble vers la réconciliation.
Je suis certain que vous pourrez sans doute nous transmettre un document qui nous donnera une meilleure idée de la façon dont ces amendements pourraient fonctionner.
Vous avez mentionné notre présence à l'Instance permanente. L'une de vos recommandations, à laquelle j'ai donné suite en déposant ici même une motion, est que nous consacrions une réunion à entendre le témoignage des représentants de l'Instance permanente sur la teneur des délibérations et à leur poser des questions. Nous ne sommes pas parvenus à un consensus sur la quantité de données dont nous avons besoin pour aller de l'avant. Je me demande si vous pourriez nous soumettre quelque chose ou simplement me répondre à ce sujet. En ce qui concerne l'Instance permanente et la discussion sur ce qui est pertinent et ce que nous devrions entendre au Comité, de quelle quantité d'information avons-nous besoin, selon vous?
Je pense que c'est une bonne chose d'assister aux travaux de l'Instance permanente ou du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones des Nations unies pour entendre les voix du monde entier, et en particulier celles du Canada. Cependant, il faudrait pouvoir compter sur un processus de suivi de la mise en œuvre.
C'est effectivement un outil très précieux. En fait, j'étais hier encore aux Nations unies. Je suis rentré hier soir pour être ici aujourd'hui. Ce qui manque, ce sont des tribunes comme celle‑ci. Il n'y a pas par exemple de comité qui s'intéresse directement aux obligations internationales du Canada à l'égard des peuples autochtones, ici à la Chambre des communes ou au Sénat. Je pense qu'il serait très important que votre comité, par exemple, ait un point permanent à l'ordre du jour concernant les discussions de l'ONU et le suivi des recommandations ou des conseils formulés par l'ONU auprès du Conseil des droits de l'homme, comme ce fut le cas pas plus tard que la semaine dernière à Genève.
Je crois que c'est important. Si vous voulez intégrer la Déclaration des Nations unies au projet de loi C‑61, ces discussions nous aideraient collectivement s'il y avait un mécanisme comme celui dont il est question ce matin pour échanger des renseignements et des propositions ou des idées afin de veiller à ce que nous travaillions désormais tous ensemble — autochtones et allochtones — dans le contexte des relations découlant des traités...
Je suis vraiment désolé, mais j'ai bien peur de devoir vous interrompre. Je vous prie de m'excuser, mais il y aura une autre série de questions avec les libéraux.
Sur ce, nous allons passer à notre troisième intervenant.
[Français]
Monsieur Lemire, vous avez la parole pour six minutes.
Madame Keleutak, quelles sont les répercussions, pour une communauté inuite, d'avoir de l'insécurité par rapport à un service aussi essentiel que l'accès à l'eau potable? Quels sont les effets de ces problèmes d'approvisionnement en eau sur vos communautés et sur les enfants en particulier?
Pour les enfants, ça veut dire qu'ils ne se lavent pas, ne se brossent pas les dents et n'ont pas une maison propre. Ils vont souvent à l'école sans avoir pris leur déjeuner.
Les enfants et les jeunes s'absentent souvent de l'école à cause d'un manque d'eau dans leur maison, surtout dans quelques villages. Nous sommes présents dans 14 villages, et on a accès à de l'eau potable tous les jours dans la plupart de ces villages, mais il y a des communautés où ce n'est pas le cas. L'hiver passé, deux communautés n'ont pas eu accès à de l'eau potable ni à la collecte des eaux usées par camion pendant 11 ou 12 jours. Quand ça dure trop longtemps, les enfants doivent venir à l'école sans se laver et sans se brosser les dents. Alors, des problèmes dentaires viennent avec ça, et ça cause des problèmes de poux dans nos écoles également. Les services essentiels, parfois, ne sont pas là.
C'est comme si on n'avait pas le droit d'avoir accès à de l'eau potable, alors que les autres autour de nous ont le droit. On demande d'avoir les mêmes droits que tout le monde. Une conséquence de ce manque d'accès est aussi le manque d'accès à l'éducation.
Des écoles ont été fermées par manque d'approvisionnement en eau. Je pense que ça illustre toutes les répercussions de ce problème sur les enfants et leur éducation.
Je vous remercie sincèrement de votre engagement envers les enfants depuis de nombreuses décennies.
Vous avez été critique envers le gouvernement du Québec, et pour cause, notamment en lien avec la proximité des infrastructures d'Hydro‑Québec. Cependant, j'aimerais vous entendre nous parler de vos attentes envers le gouvernement fédéral, qui a une obligation par rapport aux droits des peuples autochtones et à leurs conditions de vie. Quelles sont vos attentes envers le gouvernement fédéral en ce qui concerne l'approvisionnement en eau, notamment dans vos écoles?
Je m'attends à ce qu'on ne dise plus que nous avons le droit. Ce n'est pas une question de droit. L'accès à l'eau potable est essentiel pour vivre. Pourquoi le gouvernement dit-il qu'il faut le déclarer dans une loi ou émettre une déclaration internationale quand toutes les personnes qui vivent au Canada y ont droit?
L'attente que j'ai envers le gouvernement fédéral est qu'il arrête de nous dire qu'il faut déclarer qu'on a le droit d'avoir accès aux services essentiels, comme l'eau potable. Comment les personnes qui habitent à Montréal ont-elles fait pour déclarer qu'elles avaient le droit d'avoir un réseau d'aqueduc et un réseau d'égouts? Pourquoi les Inuits n'ont-ils pas le même droit qu'elles? Quelle est la différence entre les deux? Toutes les personnes qui vivent au Canada ont le droit d'avoir accès à l'eau potable, que ce soit inscrit dans une déclaration ou non. C'est un service essentiel pour notre vie.
Vous fonctionnez à l'aide de camions-citernes. Ce système n'est pas optimal. Dans un monde idéal, quel système seriez-vous capable de mettre en place dans votre communauté pour permettre un approvisionnement complet en eau potable? Selon vous, qui devrait payer cette facture?
Les gouvernements fédéral et provincial devraient payer la facture. Si les habitants du Groenland, qui sont plus au nord que nous, peuvent avoir un système d'égouts et des infrastructures souterraines, quel est le problème ici, au Canada? Quel est le problème au Québec? Nous avons une communauté qui s'appelle Kuujjuarapik. La moitié de la communauté, qui se nomme Whapmagoostui, est habitée par des Cris, et ils ont un système d'égouts, alors que 13 de nos communautés n'en ont pas. Quel est le problème pour ces 13 communautés? Les autres communautés, qui sont plus au nord que nous, ont des systèmes d'égouts et des réseaux d'aqueduc.
[La députée s'exprime en inuktitut et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Merci, monsieur le président.
Je suis heureuse de vous voir parmi nous. Cette question de l'eau potable est très importante.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de vous être préoccupée du sort des Inuits dans le cadre de cette politique. Sont-ils également protégés par ce projet de loi?
[La témoin s'exprime en inuktitut et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
À ma connaissance, ils ne sont pas protégés. Nous ne savons pas comment les choses se passent du côté des décideurs, mais lorsqu'ils parlent d'eau potable, d'eaux usées et de solutions sanitaires, nous devrions participer aux discussions dès qu'un problème est cerné. Il faut que la politique stipule que nous devons participer en tant que partenaires égaux dès le départ. Je veux voir une politique prévoyant une participation immédiate des Autochtones aux discussions sur la question.
[La députée s'exprime en inuktitut et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Je vous remercie de votre réponse. Je suis très heureuse de l'entendre.
Je vais me tourner vers nos autres témoins en posant une question à M. Leonard.
En ce qui concerne le projet de loi C‑61 au moment où il a été présenté, je vous remercie de tout cœur, car vous avez communiqué avec nous sur‑le‑champ pour nous donner les grandes lignes des problèmes relevés, en précisant les ajouts et les modifications à apporter à la politique, parce que les droits des peuples autochtones devaient être pris en compte à toutes les étapes. Des droits ont été retirés aux Autochtones. Nous savions comment gérer nos propres affaires, mais cela nous a été enlevé.
Le projet de loi C‑61 vise à restituer aux Autochtones leurs droits en matière de gestion de l'eau. Que devrait‑on modifier d'autre pour que les Autochtones puissent voir à la mise en œuvre efficace de cette politique?
Je vais surprendre votre président en vous répondant très brièvement.
En juin, nous avons présenté un mémoire des nations Ermineskin et Blackfoot qui décrit en détail les amendements que nous jugeons nécessaire d'apporter au projet de loi, y compris l'ajout de quatre articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Je suis désolée, mais je ne pense pas que mon intervention ait été bien interprétée en anglais. Ma question portait sur les champs de compétence.
J'ai indiqué avoir grandement apprécié la façon dont, lorsque le projet de loi C‑61 a été déposé au départ, votre bureau et les Premières Nations avec lesquelles vous travaillez ont communiqué immédiatement avec nous — tous les députés — et ont formulé des recommandations à mon sens très concrètes pour améliorer le projet de loi. Nous pourrions ainsi mieux protéger la santé des membres des Premières Nations.
L'une des recommandations qui nous ont été faites concernait le fait qu'il y a des préoccupations relativement aux champs de compétence. Je me demande si vous pourriez nous parler de l'importance de ces questions, surtout sachant que la compétence en la matière a été usurpée aux Premières Nations. Le projet de loi C‑61 cherche à redonner cette compétence aux Premières Nations, mais il n'en garantit pas la pleine mise en œuvre dans les faits.
Si vous pouviez nous en parler, je vous en serais très reconnaissante.
Je pense que les représentants de la nation Ermineskin se sont exprimés en faveur de la reconnaissance générale du droit à l'autonomie gouvernementale en ce qui concerne l'eau dans les réserves.
Dans le contexte de ce projet de loi, il est notamment difficile de déterminer quel rôle les gouvernements des Premières Nations devraient jouer relativement à la gestion des bassins versants dans lesquels leurs communautés sont établies. C'est complexe du fait que cela fait intervenir un certain nombre d'autres ordres de gouvernement — les provinces, le fédéral et même parfois le gouvernement américain et celui de différents États au sud de la frontière. Je n'ai pas toute une série d'amendements à ce sujet, mais je pense que la section du mémoire d'Ermineskin préparée par M. Littlechild souligne l'importance de l'article 32.2 de la déclaration des Nations unies.
On peut y lire ceci:
Les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres.
Je pense que cela fournirait un point de référence dans le projet de loi quant à ce que cela signifie pour les Premières Nations de participer à la gestion des bassins versants et à la protection des sources d'eau.
J'invite tous les témoins à répondre à cette question.
Je sais qu'il y a eu des critiques selon lesquelles les normes minimales prévues par la Loi ne sont pas assez rigoureuses. Je me demande si quelqu'un peut nous fournir des recommandations sur les moyens à prendre pour que ces normes minimales pour la reconnaissance des droits soient suffisamment claires et mesurables pour garantir que l'eau sera bel et bien salubre et potable.
Les réponses devront être très brèves, car le temps est écoulé. J'ai accordé un peu plus de temps à Mme Idlout en raison de problèmes avec l'interprétation.
J'attire l'attention du Comité sur la page 2 du mémoire de la nation Ermineskin. On y traite de l'amendement principal, qui concerne le droit des Premières Nations à une eau potable salubre. Ensuite, au paragraphe suivant, on indique quels autres changements doivent être apportés au projet de loi pour être cohérents avec cela.
Comme nous sommes un peu en retard sur notre horaire, nous allons écourter le deuxième tour. Nous allons réduire le temps de parole au prorata. Ce seront donc des séries successives de questions de quatre, quatre, deux, deux, quatre et quatre minutes, en commençant par le Parti conservateur.
Monsieur Melillo, vous avez quatre minutes. La parole est à vous.
Je remercie encore une fois tous les témoins de participer à cette importante discussion.
Je vais m'adresser à vous, monsieur Leonard.
Le chef et vous-même avez mentionné l'expression « fait de son mieux » en soulignant à quel point elle est vague. Tout au long du projet de loi, il est également question à maintes reprises de l'obligation pour le ministre de consulter vos dirigeants et de collaborer avec eux. Cependant, avec ce projet de loi, le ministre a le pouvoir, dans bien des cas, de prendre unilatéralement des règlements après avoir mené des consultations et collaboré avec vous.
Avez-vous une opinion sur le caractère vague de ce libellé et sur le fait qu'il donne encore beaucoup de contrôle au ministre, plutôt qu'aux Premières Nations?
D'après ce que je comprends du projet de loi, la capacité des Premières Nations d'adopter leurs propres lois en matière d'eau aurait préséance sur la possibilité pour le ministre de prendre des règlements. J'estime en outre que la disposition de non-dérogation appuie également l'affirmation par les Premières Nations de leur droit à l'autonomie gouvernementale en matière d'eau d'une manière qui va au-delà de ce qui est prévu dans le projet de loi.
Je comprends. Je crois que l'on devrait être plus explicite dans le projet de loi en incluant la notion de consentement lorsqu'il est question de consultation et de collaboration.
C'est vrai, parce que c'est une chose de mentionner un élément dans le préambule, mais c'en est vraiment une autre de l'inclure dans le texte législatif. Pouvez-vous expliquer la différence, pour les gens qui nous regardent?
Le préambule donne une orientation et énonce l'intention de la Couronne, mais il ne crée pas de dispositions applicables. L'un des principaux problèmes que nous avons soulevés est que bien que la résolution 64/292 des Nations unies, soit la résolution sur le droit à l'accès à l'eau potable, n'est pas mentionnée directement, on y fait référence dans le préambule, mais elle ne figure pas dans le projet de loi.
Étant donné qu'il reste peu de temps, j'aimerais vous poser une question, monsieur Leonard. À votre avis, dans le contexte du projet de loi, qu'est‑ce qu'une zone de protection?
Une zone de protection... Je l'ignore. Il semble que ce sera déterminé après des consultations, à la discrétion du ministre, et il ne semble pas y avoir de lien avec l'efficacité de la protection de la gestion des bassins hydrographiques.
Les représentants de la Première Nation Siksika ont donné un excellent exemple lorsqu'ils sont venus ici en juin. La nation se trouve à 100 kilomètres de tous les affluents du bassin de la rivière Bow, de sorte qu'elle subit littéralement les effets de tout ce qui se fait dans ce bassin hydrographique. La zone de protection, en fait, pour une nation comme celle‑là, correspondrait à l'ensemble du bassin hydrographique.
Il n'y a rien dans le projet de loi qui semble être lié à la façon dont c'est fait au Canada et ailleurs dans le monde.
C'est vrai. On ne le définit pas dans le projet de loi et on laisse au ministre le soin de le faire par voie de règlement. Avez-vous une suggestion à faire sur une façon plus appropriée de procéder à cet égard à ce stade?
Je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui.
Tout d'abord, chef Mykat, je crois fermement au droit inhérent à l'eau potable. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de me lancer en politique. Je suis ici depuis 2019. Malheureusement, il a fallu tout ce temps pour en arriver là, mais je suis également très enthousiaste à l'idée d'entamer le processus d'amendement, car nous avons entendu des témoignages saisissants de la part de leaders comme vous. Vos points de vue seront entendus et reflétés dans ce projet de loi, parce qu'il s'agit de vous et de votre peuple.
Je tiens également à remercier le témoin qui est en ligne. Les photos des enfants derrière vous nous rappellent vraiment ce dont il est question. Nous ne pouvons pas nécessairement revenir en arrière pour ceux qui vivent cette situation depuis beaucoup trop longtemps, mais nous allons régler le problème pour les enfants.
Je voulais vous poser une question aujourd'hui, par l'intermédiaire de votre avocat. Dans une lettre qu'elle nous a envoyée, la ministre de l'Environnement de l'Alberta, Rebecca Schulz, encourage notre comité à « tenir compte des rôles des provinces et des territoires en tant que chefs de file, collaborateurs et gardiens de l'eau qui leur appartient et qu'ils réglementent dans le cadre de l'exécution de son mandat. » Elle dit plus loin: « Le rôle du gouvernement fédéral doit compléter les responsabilités provinciales, et non entrer en conflit avec elles. Les dispositions du projet de loi C‑61concernant les sources d'eau en général et les zones de protection des sources d'eau doivent être examinées avec soin afin d'éviter tout dépassement du pouvoir fédéral de légiférer et tout conflit de compétence. »
Diriez-vous que les mesures prises par le gouvernement de l'Alberta pour protéger les sources d'eau sont celles de « chefs de file, collaborateurs et gardiens de l'eau »?
Avez-vous constaté un intérêt ou un engagement de la part de la ministre Schulz lorsqu'il s'agit de travailler avec les collectivités des Premières Nations?
Nous avons également invité la ministre Schulz à comparaître dans le cadre de notre étude. Si elle décide d'accepter notre invitation, que devons-nous garder à l'esprit lorsque nous lui poserons des questions?
Je crois comprendre que la position officielle de l'Alberta, particulièrement en ce qui concerne les droits des Premières Nations sur l'eau et la compétence des Premières Nations en la matière, est que si les Premières Nations ont un jour eu de tels droits, ils ont été abolis, de sorte que l'eau se trouvant sur et sous les terres de réserve est la propriété du gouvernement de l'Alberta et que la loi sur l'eau s'applique aux Premières Nations. Cette position ne s'appuie sur aucun fondement juridique.
Je crois que si le projet de loi est adopté, l'Alberta pourrait contester juridiquement la reconnaissance du droit des Premières Nations à l'autonomie gouvernementale en ce qui concerne l'eau dans les réserves et la propriété de l'eau sur et sous les terres de réserve par les Premières Nations.
Je voudrais simplement informer le Comité que l'Alberta a conclu des ententes avec au moins quatre nations de la province qui contiennent des dispositions empêchant la province de soulever ces questions devant un tribunal tant que ces ententes sont valides et toujours en vigueur. Je serai ravi de transmettre au Comité les dispositions de chacune de ces ententes.
Je ne pense pas que l'Alberta puisse contester le projet de loi, en raison des ententes en question.
En Alberta, la protection des sources d'eau passe en grande partie par un mécanisme volontaire. Il y a des groupes de protection des bassins hydrographiques qui sont financés par la province. Ils élaborent des plans de gestion des bassins hydrographiques qui constituent davantage des politiques d'orientation que des mesures exécutoires en vertu de la loi albertaine sur l'eau.
L'une des suggestions que nous avons faites au Canada au cours de l'examen du projet de loi est que, si un projet important est réalisé en amont d'une collectivité des Premières Nations, il y ait une disposition dans ce projet de loi qui permette de déclencher l'application de la Loi sur l'évaluation d'impact. Par exemple, la première ministre de l'Alberta et son cabinet sont sur le point de prendre une décision au sujet d'un tout nouveau barrage sur la rivière Bow, entre Calgary et Cochrane. Il y a des répercussions sur la seule nation autochtone qui se trouve en aval, à savoir la nation Siksika.
Je pense que des questions similaires s'appliquent à toutes les Premières Nations. Si l'on prend des décisions en matière de gestion de l'eau ou sur des projets qui ont des effets sur la source d'eau d'une nation autochtone, le projet devrait faire l'objet d'un examen fédéral complet.
Monsieur Leonard, je vais vous poser ma question, à laquelle pourra également répondre un chef.
Au sujet de la privatisation des services, il y a de la pression de la part du privé auprès des villes et des municipalités, incluant le lobby. Conséquemment, on voit que le texte du projet de loi n'exclut pas la privatisation de la prestation de services sur les territoires autochtones.
On sait que vous avez des réserves à ce sujet. Je pense qu'il est de notre responsabilité d'être proactifs, d'appuyer les Premières Nations dans le développement de la gestion de cette compétence en matière de traitement de l'eau potable et des eaux usées par et pour les communautés autochtones. Il faut aussi que les systèmes d'eau potable et de traitement des eaux usées demeurent la propriété des Premières Nations et qu'aucune clause d'exclusivité ne soit accordée à des entreprises privées. Ceci assurerait une saine compétition dans le développement et l'entrepreneuriat des Premières Nations, par les Premières Nations.
Avez-vous des craintes par rapport au fait que le projet de loi n'exclut pas les compagnies non autochtones de la privatisation de la prestation de services et qu'il n'y a pas de mécanismes de règlement des différends en cas de conflit ou si des services ne sont pas fournis?
Encore une fois, je vous remercie de me permettre d'être ici et de prendre le temps de nous rencontrer. Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps.
Pour commencer — et je serai une fois de plus direct —,je pense toujours au traité. Lorsque les visiteurs sont arrivés, lorsque le Canada est arrivé ici, nous avons eu à cœur de veiller à ce que vos femmes, vos parents et vous-même soyez en sécurité. L'eau, c'est la vie. Il suffit de regarder tout... Même mon aîné ici présent, un homme respectueux... Nous avons tout regardé, et tout est lié à l'eau.
Pour faire court, je pense que notre traité doit être encore respecté aujourd'hui, quel que soit le chemin parcouru. Je veux ce qu'il y a de mieux pour mon peuple, comme je veux ce qu'il y a de mieux pour le vôtre, pour vous et pour vos familles. Personne ne doit être laissé pour compte lorsqu'il s'agit de l'eau. Je ne connais pas vos grands termes politiques, mais je sais où se trouvent mon cœur et mon esprit. Je pense que personne dans ce monde ne devrait souffrir sans eau.
Comme vous pouvez le constater, notre eau est si mauvaise que je bois beaucoup de la vôtre parce qu'il n'y a pas d'eau potable chez moi. J'aurais aimé pouvoir apporter de l'eau ici pour vous la montrer et vous offrir d'en boire. Prendriez-vous un bain dans cette eau? Laisseriez-vous vos enfants ou vos aînés prendre un bain dans cette eau — chacun d'entre vous?
Je veux que mon peuple soit en sécurité, tout comme je veux que chacun d'entre vous soit en sécurité et que vos familles le soient. Je pourrais continuer ainsi longtemps. Je suis désolé, mais je ne suis pas désolé. Voilà ma position. Je crois que l'on doit nous respecter — et je ne parle pas seulement de la Nation crie d'Ermineskin. Je n'ai peut-être pas le droit de parler au nom des autres nations, mais nous formons un tout.
Je pense que les gens des deux côtés doivent faire preuve de respect. Nous ne devrions pas avoir à répondre de quelque chose et à demander quelque chose que nous avons partagé avec... Lorsque les visiteurs sont arrivés, nous avons offert nos terres et nos eaux. Nous n'avons jamais rien cédé.
[La députée s'exprime en inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Merci, monsieur le président.
Je vais vous demander... Il est dit que vous recevrez... Il y a deux restrictions auxquelles nous réfléchissons, et nous cherchons la meilleure solution. Si vous devez négocier avec les décideurs politiques ou le Comité concernant vos compétences...
[Traduction]
Je suis désolée, mais je vais changer de langue, car il y a des problèmes d'interprétation.
Ma question s'adresse aux chefs. Le projet de loi C‑61 vous permettra de négocier avec les provinces au sujet des sources d'eau. Je vous pose ma question. Selon vous, quelles seront les difficultés à surmonter dans les négociations avec les provinces au sujet des sources d'eau?
Je pense que le chef veut que je réponde à cette question.
J'ai déjà donné une idée de l'état des relations entre l'Alberta et les Premières Nations en ce qui concerne l'eau. Ce n'est pas un très bon point de départ. Je ne pense pas qu'il doive en être ainsi toutefois. L'eau est importante pour tous ceux qui vivent dans un bassin hydrographique, et elle peut donc être un facteur d'unité plutôt que de division.
Si vous me le permettez, je vais ajouter des éléments à deux ou, en fait, trois questions en vous informant que la Nation crie d'Ermineskin a sa propre constitution, qui est antérieure à la Constitution canadienne. Le gouvernement de la Nation crie d'Ermineskin a compétence sur l'eau et choisit avec qui elle veut travailler.
Pour répondre à la question précédente concernant le secteur privé ou les sociétés privées et leur collaboration avec nous, je dirais que c'est à la Nation crie d'Ermineskin qu'il revient de décider avec qui elle souhaite travailler pour la gestion de l'eau ou tout autre aspect de la sécurité de l'eau potable. Notre constitution prévoit une loi sur l'eau à Ermineskin, de sorte que nous exerçons notre compétence sur l'eau par l'intermédiaire de notre gouvernement dans le cadre d'une relation découlant d'un traité, d'une relation de nation à nation avec la Couronne.
J'espère que cela résume notre point de vue et répond à plusieurs des questions qui ont été posées.
Merci beaucoup à nos témoins pour cette excellente discussion. Il est bon de revoir des visages familiers.
J'aimerais bien revenir sur ce sujet, chef Mykat, si vous le pouvez, et je sais que vous en avez parlé un peu plus tôt. Parlons de la situation à laquelle vous étiez confronté et de ce dont vous parliez.
Si vous aviez apporté de l'eau de votre collectivité et que vous nous l'aviez montrée... Parlez-nous un peu des difficultés et de la façon dont la situation a pu évoluer jusqu'au point où il n'est même plus question de prendre un bain dans l'eau qui sort du robinet.
Eh bien, je vais dire qu'il y a une donnée là aussi, mais de mon point de vue, puisque je vis là‑bas, je vais dire que c'est probablement plus de 80 %. Lorsque je vais visiter les gens, je regarde l'eau qui sort du robinet. Elle a toutes sortes de couleurs. Elle est très sombre, très sale. Pour résumer, si vous étiez chez moi et que je vous offrais un verre d'eau, le boiriez-vous? Je suis sûr que vous passeriez votre tour.
Pendant de nombreuses années, j'ai entendu, lors de discussions, que notre traité n'était pas respecté. L'une des choses qui m'a le plus dérangé, c'est qu'on disait que le Canada et l'Alberta étaient propriétaires des eaux, mais comment est‑ce possible? Je ne le crois toujours pas.
Encore une fois, comme vous le savez, notre usine a été construite dans les années 1970. Rien n'a été fait. Les membres de notre collectivité tombent gravement malades, souffrent du cancer, de problèmes de peau, et j'en passe. La seule réponse que je peux donner à cette question est que j'invite chacun d'entre vous à venir voir ce qui se passe chez moi et voir que... et ce n'est pas seulement chez nous. Vous constaterez la même chose dans de nombreuses collectivités de Premières Nations.
Le problème qui a été créé par le Canada, à Ermineskin, est d'abord lié à l'application des normes sur les niveaux de service: horizon à très court terme et option la moins chère pour la planification de l'infrastructure de l'eau.
Ce que les ingénieurs ont constaté, pas plus tard qu'en 2019, à Ermineskin, c'est qu'il faut une nouvelle installation de traitement des eaux qui soit à la pointe de la technologie et qui fournisse de l'eau à tous les foyers de la collectivité.
La qualité et la quantité des eaux souterraines diminuent depuis les années 1970 et Services aux Autochtones ne cesse d'apporter des solutions de fortune pour les puits qui alimentent la collectivité.
Je pense que nous avons tous des entreprises dans notre… Même dans ma collectivité, il y a quelques entreprises qui disposent d'une excellente technologie pour fournir de l'eau potable. Le problème semble concerner Services aux Autochtones Canada, car les intervenants de cet organisme n'envisagent pas la situation dans son ensemble, c'est‑à‑dire qu'il faudrait bâtir une nouvelle usine. Ils se contentent de trouver une solution rapide et bon marché, puis ils passent à autre chose.
Il est toujours facile de blâmer le ministère des Affaires autochtones, mais ce ministère est soumis à des maîtres politiques, et chaque parti représenté autour de cette table a sa part de responsabilité. Les conservateurs n'ont pas abordé cet enjeu lorsqu'ils étaient au pouvoir. Il y a eu beaucoup de…
C'est à cause du sous-financement chronique et du recours à des solutions de fortune.
Si l'on regarde ce qu'il se passe ailleurs au Canada, on constate que la plupart des collectivités planifient l'infrastructure d'eau potable sur une période de 30 à 40 ans, et elles font des investissements qui sont censés durer pendant toute cette période. Par contre, lorsqu'il s'agit du financement des systèmes d'eau potable des Premières Nations, on prévoit en fonction d'une période de deux à cinq ans et 80 % d'un coût fictif, au lieu de faire ce qui est nécessaire sur le plan de l'infrastructure.
Je suis heureux de poser mes premières questions à titre de nouveau membre du Comité.
Pour répondre à votre question, chef, je suis également d'accord pour dire que l'accès à l'eau potable est un droit de la personne fondamental.
Mes questions resteront dans le même domaine que celles posées par M. Schmale, car je pense, monsieur Leonard, à ce que vous avez dit plus tôt, à savoir qu'au bout du compte, tout repose sur la mise en œuvre et que l'engagement est respecté seulement au moment de la mise en œuvre.
Projetons-nous dans un avenir qui, je l'espère, n'est pas trop lointain. Dans cet avenir, vous disposez maintenant d'un système d'approvisionnement en eau potable moderne, efficace et propre auquel tous les citoyens ont accès, comme vous l'avez dit, et l'eau courante est accessible dans tous les foyers. Quels sont les facteurs qui vous ont permis d'atteindre cet objectif au niveau provincial? Bien entendu, nous nous concentrons davantage sur le niveau fédéral. Comment des amendements appropriés à ce projet de loi vous aideront-ils à atteindre vos objectifs?
Je pense que l'amendement proposé par la nation crie Ermineskin, qui reconnaît le droit à l'eau potable, est également lié à des changements qui doivent être apportés à d'autres parties du projet de loi et que cet amendement permettrait de préciser ce que signifient les mots « faire de son mieux » en parlant du Canada. Ces mots signifient que chaque personne de la collectivité a le droit d'ouvrir le robinet sans risque pour sa santé ou son bien-être. C'est ce que signifie l'expression « faire de son mieux ». Cela ne signifie pas que les efforts déployés au cours des 30 dernières années sont suffisants.
Nous savons que l'exploitation et l'entretien de ces systèmes peuvent être des tâches difficiles, et je pense que c'est dans ces domaines qu'on a échoué. Soit les systèmes ne sont pas assez robustes, soit ils sont parfois si complexes qu'on n'a pas les capacités nécessaires pour les entretenir, du moins d'après mon expérience et d'après ce que j'ai entendu sur les modèles existants.
J'aimerais donc savoir si une autorité nationale de gestion des eaux dirigée par les Premières Nations pourrait aider à assurer le leadership nécessaire en ce qui a trait à l'exploitation et l'entretien des systèmes d'eau ou si vous connaissez d'autres mécanismes nationaux qui pourraient être utiles, toujours en gardant à l'esprit la mise en œuvre et la durabilité de systèmes adéquats.
Si cela répond à votre question, on propose la mise sur pied d'une commission nationale qui, selon moi, permettrait d'atteindre les objectifs dont vous parlez. Donc, oui, une entité dirigée par les Autochtones représenterait une étape nécessaire.
Je pense qu'on est en train de la constituer. La dernière fois que j'ai posé des questions à ce sujet, les membres de la Commission n'avaient pas encore été désignés, mais je dirais que ces travaux sont en cours.
Madame Keleutak, je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps.
Pouvez-vous nous parler de l'autorité ou du mécanisme de gouvernance qui vous aideraient, vous et le Nunavik, à vous doter du système d'approvisionnement en eau dont vous avez besoin?
Je pense que si notre ministère au gouvernement du Québec, c'est‑à‑dire le ministre responsable de notre région… Les intervenants connaissent le problème. Ils savent comment le régler, mais nous avons toujours été obligés de quémander des services essentiels.
Je ne sais pas comment simplifier la situation pour qu'elle soit facile à comprendre. Vous me demandez qui a le pouvoir de faire bouger les choses. Dans ma région, c'est le gouvernement du Québec qui a le pouvoir de faire bouger les choses, en collaboration avec notre gouvernement régional et nos services municipaux qui ont le pouvoir de faire bouger les choses. Lorsque vient le temps d'assumer la responsabilité, nos gouvernements semblent toujours trouver le jargon juridique approprié pour nous faire attendre, encore et toujours, jusqu'au point où nous sommes si désespérés que nous commençons à agir d'une manière bizarre. C'est à ce moment‑là qu'on nous qualifie de gens anormaux.
Je suis vraiment désolé. Je déteste devoir intervenir et terminer la discussion sur ce point, mais le temps imparti est écoulé depuis longtemps.
Je tiens à remercier M. Hanley de ses questions.
Je tiens également à remercier tous les témoins d'avoir comparu aujourd'hui, qu'ils se soient joints à nous par vidéoconférence ou qu'ils soient venus de New York, d'Alberta ou de Victoria. Nous vous sommes très reconnaissants de vos témoignages et de vos suggestions.
Plusieurs documents ont été demandés à titre de suivi. Si vous pouviez nous faire parvenir, par écrit, vos suggestions, amendements et recommandations, nous vous en serions très reconnaissants, car nous procéderons bientôt à notre étude article par article et cela nous aidera à élaborer le meilleur projet de loi possible.
Je tiens à remercier encore une fois les témoins de leur présence et de leurs témoignages.
Nous allons suspendre brièvement la séance afin d'accueillir le prochain groupe de témoins.
Nous accueillons maintenant notre deuxième groupe témoins. Nous entendrons, par vidéoconférence, le chef Billy-Joe Tuccaro, de la Première Nation crie Mikisew.
Je vous remercie de vous joindre à notre comité aujourd'hui. Nous entendrons d'abord une déclaration préliminaire de cinq minutes.
Bonjour tout le monde. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître. Il fait très beau ici, dans le Nord-Est de l'Alberta.
Tout d'abord, j'aimerais remercier les honorables membres du Comité de me permettre de prendre la parole aujourd'hui.
Je m'appelle Billy-Joe Tuccaro. Je suis le chef de la Première Nation crie Mikisew. Le territoire de Mikisew est situé dans ce que vous appelez le Nord-Est de l'Alberta. Notre territoire comprend le delta Paix-Athabasca et le parc national du Canada Wood Buffalo, qui est un site du patrimoine culturel mondial de l'UNESCO. C'est là que notre peuple vit depuis des temps immémoriaux, là où la rivière de la Paix et la rivière Athabasca se rencontrent et finissent par se jeter dans le lac Athabasca.
Un grand nombre d'entre vous connaissent Mikisew parce que nous sommes en aval des sables bitumineux de l'Athabasca ou parce que nous avons tiré la sonnette d'alarme au sujet des taux de cancer élevés dans notre collectivité. Selon nous, ces taux sont attribuables au poisson que nous mangeons, à l'eau que nous buvons et aux plantes médicinales que nous récoltons. J'ai déjà comparu devant un comité au sujet du projet Kearl d'Imperial Oil et de l'étude sur l'eau douce. J'ai expliqué comment, pour notre peuple, l'eau est maître. J'ai expliqué que nos femmes sont compétentes en matière d'eau et que puisqu'elles ont été exclues de l'élaboration des traités, ces traités n'ont jamais visé notre eau. Cela signifie que l'eau visée par le Traité no 8 est, pour reprendre vos termes, « non cédée ».
Aujourd'hui, je devrais vous parler de nos compétences existantes et du respect du traité. Au lieu de cela, je suis ici pour vous parler de votre projet de loi C‑61, et de ce qu'il va nous imposer.
En résumé, le projet de loi C‑61 peut sembler meilleur que la Loi sur les Indiens, mais il fait la même chose. Nous demandons à ce qu'on mette fin à cette colonisation par voie législative. Nous vous demandons donc de rejeter le projet de loi C‑61.
J'aimerais maintenant présenter quatre points à l'appui de cette demande.
Tout d'abord, je suis ici pour vous rappeler notre traité. Ce traité est la raison pour laquelle nous sommes tous ici aujourd'hui. Nos ancêtres ont accepté de partager la terre avec la Couronne. Aucun projet de loi ne peut avoir préséance sur cette promesse.
Deuxièmement, j'aimerais parler de ce qu'on appelle, dans le projet de loi C‑61, les « sources d’eau ». Il est absurde de penser qu'un règlement fédéral puisse remplacer le plein contrôle qu'exerce la province sur nos eaux, par exemple en ce qui concerne l'octroi de permis d'exploitation des eaux pour prélever et rejeter des eaux usées industrielles. Pourquoi la province a‑t‑elle la mainmise sur l'eau? La Constitution du Canada ne stipule nulle part que la province est seule compétente en matière d'eau. On me dit que la compétence de l'Alberta découle des pouvoirs sur les droits de propriété et les travaux de nature locale. En même temps, la Constitution stipule que le gouvernement fédéral a compétence en matière de pêche et d'eaux navigables, mais le Canada nous a laissé tomber en cédant à l'Alberta le contrôle réglementaire des sources d'eau.
Je peux expliquer ce problème en parlant de la situation liée aux sables bitumineux. Les bassins de résidus constituent le plus grand site de déchets industriels au monde. Les rapports des exploitants présentés à l'Alberta Energy Regulator, soit l'Organisme de réglementation de l’énergie de l'Alberta, nous ont appris que les toxines des résidus s'infiltrent dans les fondrières, les eaux souterraines et les rivières, notamment la rivière Athabasca, d'où provient notre eau potable. Le Canada et l'Alberta sont au courant de cette situation. Les résidus contiennent au moins 1,4 billion de litres de liquide toxique. Le Canada et l'Alberta ont l'intention de traiter et de rejeter une grande partie de ces résidus dans la rivière Athabasca, ce qui est complètement injustifié.
Le projet de loi C‑61 ne fera rien pour empêcher le traitement et le rejet de toxines dans nos soi-disant sources d'eau. Il faut donc, encore une fois, revenir au traité, aux lois sur le transfert des ressources naturelles et à la Constitution, car rien de tout cela ne donne au Canada ou à l'Alberta la compétence nécessaire pour faire ce qu'ils font avec nos eaux.
Troisièmement, où en est le droit fondamental à l'eau? En avril dernier, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme à l'eau potable et à l'assainissement a demandé au Canada de reconnaître constitutionnellement ce droit protégé à l'échelle internationale. C'est ce qu'il faut faire au lieu d'adopter le projet de loi C‑61.
(0950)
J'aimerais ajouter que là où j'habite, c'est‑à‑dire à Fort Chipewyan, une caisse de bouteilles d'eau coûte maintenant 30 $. Je suis récemment allé dans le sud du pays, où j'ai acheté une caisse de bouteilles d'eau pour 4,99 $.
Quatrièmement, qu'en est‑il de nos lois? Le projet de loi C‑61 prétend reconnaître notre autonomie gouvernementale, mais en réalité, il ne fait rien de tel. Si nous décidons d'adopter une loi en vertu du projet de loi C‑61, les règlements du ministre deviendront nos lois dans les réserves. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous affirmons que le projet de loi C‑61 ressemble à la Loi sur les Indiens, car il nous impose une loi fédérale déguisée en promesse d'autonomie gouvernementale.
Nous entamons maintenant notre seule et unique série de questions. La parole est d'abord au parti conservateur pour six minutes. Je crois que M. Shields prendra la parole.
Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je suis très heureux d'entendre vos commentaires et de participer à cette discussion sur le projet de loi C‑61.
Vous avez notamment présenté une lettre datant de juin dernier dans laquelle vous soulignez les déclarations faites par la ministre Hajdu en décembre dernier, lorsqu'elle a présenté un projet de loi dans lequel elle a utilisé à tort l'expérience de votre nation sans son consentement ou sans avoir consulté votre nation, par l'entremise de vos représentants autorisés, au sujet de ce projet de loi. Je pense que j'ai déjà posé des questions au sujet de ces consultations. Vous vous opposez même à l'utilisation de votre nom par la ministre, car vous estimez qu'elle n'a pas le droit de l'utiliser et qu'elle n'a pas obtenu votre consentement.
Est‑ce que cela fait partie de la colère manifeste que je perçois lorsque vous donnez votre opinion au sujet du projet de loi et de la façon dont vous avez été mal représentés dans ce processus?
Tout d'abord, j'aimerais préciser que je suis devenu chef le 8 octobre 2022. Je peux affirmer qu'à ce jour, aucune consultation n'a été menée au sujet de ce projet de loi qu'on veut nous faire avaler. J'ai également fait mes recherches. Avant que je ne devienne chef, aucune consultation sur ce projet de loi n'avait été menée.
Par conséquent, oui, je suis fâché. Si les gens affirment qu'ils ont consulté la Nation Mikisew, j'aimerais beaucoup avoir cette conversation et pouvoir faire entendre nos préoccupations dans le cadre de consultations.
On peut consulter l'Assemblée des Premières Nations, des nations tribales ou qui que ce soit d'autre, mais ces entités ne parlent pas au nom de la Nation Mikisew. En vertu du traité, nous avons le droit d'être consultés nation par nation. Je peux affirmer qu'il n'y a eu aucune consultation à ce sujet, et cela me fâche.
Vous avez fait plusieurs déclarations au sujet du projet de loi C‑61 et je pense que vous vous êtes exprimé assez clairement sur le sujet. À votre avis, le projet de loi devrait tout simplement être abandonné. Vous le remplaceriez complètement par des déclarations que vous avez faites au sujet d'autres documents, comme celui des Nations unies.
Est‑ce la meilleure façon de procéder, selon vous? Devrait‑on tout simplement abandonner complètement ce projet de loi et le remplacer par quelque chose de complètement différent?
Oui. Les gens doivent comprendre où nous nous situons dans le Nord-Est de l'Alberta. Les gens ne doivent pas oublier que nous sommes situés en aval des sables bitumineux. C'est la raison… Ce projet de loi fonctionne peut-être pour le reste du Canada, mais nous savons pertinemment que l'Alberta aura toujours son mot à dire lorsqu'il s'agit de l'eau et de ce que la province doit faire pour exploiter les ressources.
C'est la raison pour laquelle je dis que nous nous opposons complètement au projet de loi. Nous savons pertinemment… Je sais qu'on finira par me demander quels amendements au projet de loi pourraient fonctionner. Aucun d'entre eux ne pourrait fonctionner, car nous savons pertinemment que dès que nous cédons un pouce, ils prennent tout le territoire. Je ne dirai même pas qu'ils prennent un kilomètre, car ils prennent tout le territoire.
Je pense que vous avez mentionné, dans votre document, que cela aurait pour effet de lancer un processus visant votre « municipalisation ». Je connais bien la structure municipale, et si on souhaite obtenir des fonds pour l'infrastructure, l'eau, les égouts et le reste, il faut traiter avec le gouvernement fédéral pour obtenir ces fonds. Pensez-vous que ce projet de loi vous placera dans cette situation? Pensez-vous que vous ne deviendrez qu'une autre administration municipale?
Oui, c'est ce que nous pensons. C'est ce qui va arriver, car nous savons qu'au bout du compte, le plan du Canada est de transformer toutes les réserves en municipalités. C'est la raison pour laquelle nous, à titre de peuple visé par un traité, sommes complètement contre le projet de loi.
Si vous étiez en mesure... Admettons que votre souhait de laisser tomber le projet de loi C‑61 se réalisait. Quel type de processus fonctionnerait pour les consultations, selon vous? Qu'est‑ce qui fonctionnerait qui n'a jamais été fait dans le passé?
Si vous rejetez le projet de loi C‑61 et que vous obtenez ce que vous désirez, à quoi ressemblerait le processus?
Il faudrait tenir cette conversation. C'est le but de la consultation, de voir ce qui a fonctionné, ce qui n'a pas fonctionné et quelles sont les solutions possibles pour aller de l'avant.
Premièrement, si vous m'interrogez sur les consultations, je crois vraiment qu'il devrait y avoir une conversation plutôt que de parler à d'autres organisations et de penser que c'est suffisant comme consultation en ce qui concerne le peuple Mikisew.
Les gens doivent se rappeler que dans la région des sables bitumineux, mon peuple représente environ la moitié de la population de toute la région. Nous ne vivons pas seulement à Fort Chipewyan; nous sommes aux quatre coins de la région.
Il faut discuter avec chaque nation individuellement. N'allez pas discuter avec une organisation en pensant que ce qu'elle vous dira est la réponse dont vous avez besoin pour obtenir votre approbation.
Merci, monsieur le président, et merci au chef de se joindre à nous.
Je vis dans la communauté de Fort Providence dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous sommes la première communauté au bord du fleuve Mackenzie, et nous partageons vos inquiétudes. Pendant des années, nous étions très préoccupés par la qualité de l'eau, car chaque projet en Alberta et en Colombie‑Britannique nous touche. Nous sommes situés en aval, comme vous. Chaque ferme qui déverse ses déchets dans l'eau du fleuve, chaque scierie... Vous avez mentionné les sables bitumineux, et ils nous inquiètent également. Des déversements se produisent et on ne nous tient pas au courant.
Nous avons exprimé des préoccupations pendant des années, mais nous nous inquiétons maintenant de la quantité d'eau. Le barrage du site C a été mis en service. Il retient l'eau et le fera pour les quatre prochains mois. Cela vient s'ajouter aux conditions de sécheresse que nous connaissons dans les Territoires du Nord-Ouest, en Colombie‑Britannique et en Alberta.
Même si tout le monde nous dit que cela n'aura pas d'incidence sur nous, vous pouvez venir dans ma communauté et voir les roches qui émergent du fleuve Mackenzie, l'un de nos plus grands fleuves au pays. Les chutes d'eau sont à sec; elles ne font plus que ruisseler. Il n'y a plus de chutes majestueuses dans ma communauté et les environs.
Toutes ces choses se produisent et personne ne nous parle dans les Territoires du Nord-Ouest. Les gouvernements autochtones disent depuis des années qu'ils n'ont aucun moyen de se faire entendre.
Puisque vous dites que le système dans son état actuel ne fonctionne pas et que les dirigeants dans mes communautés disent la même chose, je voulais savoir dans quelle mesure vous travaillez en étroite collaboration avec les communautés plus loin en aval dans les Territoires du Nord-Ouest.
Je peux parler de cette région précise. Nous partageons les mêmes préoccupations que vous, à tous les niveaux.
Je vais vous donner un aperçu de ce qui s'est passé ces dernières années.
En 2020, quand les niveaux d'eau ont remonté, nous pouvions accéder à tous nos territoires ancestraux. Quatre ans plus tard... Non, c'était l'année dernière. En 2023, l'un des membres de mon conseil a tenté d'accéder à son territoire traditionnel. Elle est restée coincée sur le lac Mamawi pendant 24 heures. Elle a dû être secourue parce qu'elle était bloquée sur un banc de sable. Cette année, lorsque les conditions ont empiré, l'eau se tarissait. Nous avons envoyé une lettre à BC Hydro et avons exprimé notre inquiétude. On nous a répondu que ce n'était rien: « C'est ce qui arrive quand il y a des conditions de sécheresse. » Il est impossible que l'eau s'assèche aussi rapidement. On nous a envoyé la note de service il y a environ un mois et demi. L'entreprise va prendre l'eau pendant les quatre prochains mois. C'est inquiétant. Que se passera‑t‑il le printemps prochain?
Pour ce qui est de travailler avec les autres nations, nous leur parlons des niveaux d'eau et de la façon dont nous pouvons accéder à l'eau maintenant. Il y a même des discussions de construire une route praticable en toutes saisons et à l'année, car nous savons que nous ne pouvons plus accéder à rien. C'est la raison pour laquelle la table est mise pour tenir ces conversations.
Nous comprenons pourquoi les gens au nord de nous tombent malades. Ils ont les mêmes inquiétudes. Je peux dire ceci: en tant que l'une des communautés situées en aval des sables bitumineux, nous sommes très inquiets pour tous ceux qui vivent plus au nord que nous. J'ai 47 ans. Je ne veux pas que nous soyons ceux qui ont été utilisés comme dommages collatéraux pour faire passer le profit avant les gens.
Je suppose que c'est la raison pour laquelle nous défendons notre position. Nous en avons assez. Je...
Je vais devoir vous interrompre, car je veux poser une question supplémentaire.
Vous dites que le système ne fonctionne pas. Les dirigeants de votre communauté le disent aussi. En ce qui concerne la surveillance et les ressources pour l'exploitation et l'entretien des systèmes d'eau, pensez-vous qu'un organisme de gestion des eaux national dirigé par les Premières Nations pourrait mener à de meilleurs résultats?
Encore une fois, si nous faisons cela, nous soustrayons le gouvernement à sa responsabilité. Je crois sincèrement que si nous devons faire quelque chose, ce devrait être quelque chose comme ce que vous demandez. Les Premières Nations peuvent diriger une initiative pancanadienne, mais cela doit se faire en partenariat. Ce doit être un véritable partenariat avec les provinces et le Canada. On ne peut pas simplement nous donner le financement ou peu importe, puis nous mettre à l'écart tout simplement. Il ne faut pas oublier...
Chef Tuccaro, je vous remercie d'être des nôtres et de nous sensibiliser aux conséquences de cette situation chez vous.
En entendant vos remarques préliminaires, j'ai été particulièrement marqué par vos propos concernant la proximité des sables bitumineux et l'impact que ça peut avoir sur la ressource. Or, la protection de la source d'eau me paraît un élément important.
Vous rejetez le projet de loidont on discute présentement, mais notre devoir de parlementaires est de suggérer des pistes d'amélioration. Le paragraphe 19 (2) du projet de loi ne semble pas permettre la protection de la source d'eau. Par conséquent, les Premières Nations ne pourraient pas rédiger une loi sur la protection de la source d'eau qui se trouve adjacente à leurs territoires ancestraux ou sur ces derniers. Or, je pense qu'il faudrait s'assurer que les Premières Nations ont le pouvoir de le faire. Nous pourrions par conséquent renforcer certains articles à cet effet.
Pensez-vous qu'il conviendrait d'ajouter une zone de protection, qui serait établie par les Premières Nations, et de favoriser une meilleure coordination afin d'imposer une responsabilité à des entreprises comme les exploitants des sables bitumineux chez vous, si elles polluent la ressource ou si cette dernière n'est plus utilisable? Dans le contexte, cela reviendrait à attribuer aussi une responsabilité au pollueur. Qu'en pensez-vous?
Encore une fois, vous avez mentionné les amendements. Je crois vraiment que le projet de loi devrait être retiré, mais en ce qui concerne les sables bitumineux...
Pourriez-vous répéter la dernière partie de la question?
Est-ce que la responsabilité devrait revenir à celui qui pollue la ressource, par exemple, l'eau, plutôt qu'à celui qui souhaite la consommer?
Vous avez mentionné que les sables bitumineux étaient à proximité de chez vous. Cela peut avoir un impact sur la qualité de la ressource en eau. Évidemment, si cette ressource était contaminée ou polluée, est-ce que l'entreprise devrait aussi payer pour sa décontamination? Est-ce l'entreprise devrait avoir une responsabilité juridique en ce sens? Est-ce que cette mesure devrait être intégrée au projet de loi?
[Difficultés techniques] les conséquences épigénétiques que cela pourrait avoir sur les Premières Nations, donc des répercussions sur la santé. À la lumière des recherches récentes sur les facteurs environnementaux et sur les modes de vie des communautés autochtones, comment le gouvernement devrait-il aborder cette responsabilité des entreprises et des organisations responsables de la pollution, de l'utilisation de produits chimiques dangereux et d'autres pratiques susceptibles de provoquer, entre autres, des modifications épigénétiques préjudiciables chez des individus et leurs descendants autochtones?
Dans le contexte actuel, les entreprises n'ont aucune responsabilité. Comment peut-on s'assurer que les entreprises prennent leurs responsabilités concernant la qualité de l'eau qu'elles utilisent et qu'elles rejettent dans la nature?
En mettant en œuvre ce que vous venez de demander et en devant rendre des comptes... Je crois sincèrement que si les gens sont tenus responsables de causer ces taux de cancer dans ma communauté, en particulier les types de cancer les plus rares... On dit que pour certains des cancers que l'on trouve dans ma communauté, comme le cancer rare des voies biliaires, les gens n'ont qu'une chance sur 100 000 de le développer. Dans ma communauté, qui ne compte probablement même pas 1 000 habitants, nous avons déjà une dizaine de cas de ce type rare de cancer.
Les gens peuvent dire que ce n'est qu'une coïncidence et qu'il n'y a rien que l'on puisse faire. Il y a quelque chose ici. Comme je l'ai dit, j'ai 47 ans. J'ai vécu de la terre quand j'étais plus jeune. On pouvait boire de l'eau n'importe où. On était dans un canot, un bateau ou peu importe et on pouvait tremper sa tasse dans l'eau et la boire. De nos jours, on va sur la terre et on apporte plus d'eau que d'essence. Cela en dit long. Par ailleurs, Santé Canada a mentionné qu'on devrait limiter la consommation de poisson à une fois par mois et que les femmes enceintes devraient s'abstenir d'en manger. Ce sont là des signaux d'alarme.
J'aimerais aborder un dernier petit volet avec vous, celui de la commission des eaux des Premières Nations.
Croyez-vous qu'une commission ayant à réfléchir sur les problèmes que pourrait engendrer le projet de loi C‑61 doit entendre les préoccupations des Premières Nations? Croyez-vous que les Premières Nations doivent faire partie intégrante de cette commission pour qu'il y ait aussi des gens qui représentent ce point de vue autour de la table?
Si le projet de loi est adopté, les Premières Nations devraient siéger à la commission, mais encore une fois, ce ne serait qu'une société. Il s'agirait d'une corporatisation accrue des Premières Nations. Si on inclut les Premières Nations, leurs préoccupations doivent être entendues. Je répète que c'est si le projet de loi est adopté.
[La députée s'exprime en inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'expliquer beaucoup de choses sur lesquelles nous avions des questions. Le gouvernement fédéral avait des politiques, et il aurait dû honorer les traités qu'il avait acceptés et les respecter.
Vouliez-vous dire quelque chose au gouvernement fédéral? Je crois comprendre que vous ne voulez pas que le projet de loi C‑61 soit adopté. En tant qu'Autochtone, vous pouvez me faire part de vos commentaires à tout moment. Votre voix est très importante. J'aimerais que vous fassiez votre déclaration finale afin que nous puissions comprendre pleinement vos préoccupations, ce qui nous aidera également à mieux les comprendre.
Je peux dire ceci en guise de conclusion. S'ils veulent adopter ce projet de loi, les gens doivent vraiment examiner la situation actuelle de près en ce qui concerne les autres Premières Nations au Canada. Nous sommes situés en aval des sables bitumineux. Si le projet de loi est adopté et si des amendements y sont apportés, je dirai ceci: j'implore la province, le Canada et vous tous d'abaisser les seuils concernant les différents métaux lourds qui se retrouvent dans l'eau provenant des sables bitumineux.
À l'heure actuelle, les seuils sont à 0,05 partie par million, et tout ce qui est inférieur à ce seuil est acceptable. Nous le savons très bien. Une grande partie de ce qui se passe dans cette région est attribuable à des effets cumulatifs. Récemment, nous exercions des pressions sur le gouvernement pour qu'il commence à tester pour détecter la présence d'acides naphténiques. Nous avons obtenu gain de cause, et il le fait maintenant, mais, encore une fois, le seuil est de 0,05 partie par million. C'est difficile de devoir supplier pour que mon peuple ait une réelle chance.
Je vais faire la déclaration suivante aujourd'hui. Une étude a été réalisée par Transports Canada en 2017 sur la région du quai, que l'on appelle également le « grand quai ». L'étude remonte à 2014 ou 2013 et indique qu'il s'agit d'un site contaminé. Le gouvernement avait cette information et ne l'a pas divulguée à mon peuple. On nous l'a révélée qu'il y a seulement deux mois. Des enfants se sont baignés là, et vous voulez maintenant nous refiler la responsabilité. De nombreux membres de mon peuple vivent dans cette région. C'est très préoccupant, et on en parlera aux nouvelles. Voilà ce que je dis.
C'est la raison pour laquelle nous nous opposons catégoriquement au projet de loi C‑61. Si nous cédons un pouce, vous prenez possession de la terre. Aujourd'hui, nous découvrons quelque chose sept ans plus tard. Voyez-vous pourquoi nous sommes si réticents et hésitants à l'égard de tout projet de loi dans cette région? Même si ça fonctionne pour le reste du Canada, ça ne fonctionne pas pour nous dans cette région.
Je dis cela en tant que chef de la Première Nation crie Mikisew. Veuillez reconsidérer la question, car vous devez comprendre où nous sommes situés. Il n'y a pas que nous; il y a les autres nations qui vivent dans la communauté, mais nous sommes majoritaires dans cette communauté.
Voilà qui conclut la période des questions avec le deuxième groupe de témoins.
Je tiens à remercier sincèrement le chef Tucarro de s'être joint à notre comité aujourd'hui et de son témoignage. Il sera d'une aide précieuse dans les travaux que mène ce comité dans le cadre de l'étude de cette mesure législative, et nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de nous faire part de toutes ces informations aujourd'hui.
Sur ce, nous terminerons avec notre deuxième groupe de témoins.
Faute de temps, nous n'examinerons pas les travaux du Comité aujourd'hui. Nous aurons un peu de temps lundi pour le faire et passer en revue le plan de travail plus en détail. Des témoins ont déjà été soumis. Nous continuerons de les parcourir. Nous pouvons terminer le reste du plan de travail à ce moment‑là, puisque nous aurons du temps prévu à l'horaire.
Sur ce, plaît‑il au Comité d'ajourner ses travaux?