INAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du Nord
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 23 septembre 2024
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à la 119e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 5 juin 2024, le Comité reprend son étude du projet de loi C‑61, Loi concernant l'eau, les sources d'eau, l'eau potable, les eaux usées et les infrastructures connexes sur les terres des Premières Nations.
Nous tenons à reconnaître que la séance d'aujourd'hui se déroule sur le territoire ancestral et non cédé du peuple algonquin anishinabe. C'est très pertinent aujourd'hui, car nous avons le privilège d'accueillir d'excellents témoins dans le cadre de ces travaux.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. De la Nation Anishinabek, nous accueillons Linda Debassige, cheffe du grand conseil. De Chiefs of Ontario, nous avons le grand chef Abram Benedict et M. Irving Leblanc. Nous accueillons également la cheffe Erica Beaudin, de la Première Nation de Cowessess.
Représentant la Nation Nishnawbe Aski, nous avons la grande cheffe adjointe Anna Betty Achneepineskum; M. Michael McKay, directeur du logement et des infrastructures; M. Jamie Saunders, conseiller en infrastructure; M. Maheegan Armstrong, conseiller juridique.
Pour commencer, chacune des quatre organisations aura cinq minutes pour son introduction, en commençant par la cheffe Linda Debassige.
La parole est à vous pour cinq minutes.
Monsieur le président, c'est la première fois que je comparais devant un comité. Lorsque vous parlez d'introduction, est‑ce une introduction à mon sujet ou ma déclaration?
Excusez-moi, j'aurais dû être plus clair.
Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire; vous pouvez utiliser ces cinq minutes comme bon vous semble.
Merci.
Aaniin, boozhoo et bon après-midi. Je m'appelle Linda Debassige et je suis la cheffe du grand conseil de la Nation Anishinabe. J'aimerais souligner que nous sommes réunis sur les territoires non cédés du peuple algonquin.
Je suis honorée d'être ici aujourd'hui pour parler de l'urgence et de l'importance d'une loi sur l'eau potable et les eaux usées pour les Premières Nations de l'ensemble du Canada. Je suis née et j'ai grandi dans la Première Nation de M'Chigeeng, sur les rives du lac Huron, et j'ai été élue au conseil en 2013. J'ai été cheffe de ma communauté de 2015 à 2023. En 2024, j'ai été élue cheffe du grand conseil de la Nation Anishinabek.
La Nation Anishinabek représente 39 Premières Nations en Ontario. Nos communautés ont toujours maintenu leur droit inhérent à l'eau depuis des temps immémoriaux, y compris leur droit à une eau potable propre et salubre. Nos communautés continuent d'affirmer que leurs ancêtres n'ont jamais cédé les eaux à aucune nation colonisatrice et qu'elles sont les gardiennes des Grands Lacs.
J'aimerais d'abord rappeler à chacun d'entre vous l'importance et l'urgence d'adopter une loi pour régler les problèmes liés à l'eau et aux eaux usées qui perdurent de longue date dans les collectivités des Premières Nations partout au pays. J'aimerais souligner au Comité que le libellé de l'article 30 — sous la rubrique « Obligations du gouvernement du Canada » —, à savoir « fait de son mieux afin de fournir » est inacceptable et très faible, et devrait être remplacé par « fournira ». Cette formulation — « fait de son mieux » — rappelle le discours colonialiste du passé. Nous l'avons maintes fois entendu dans les nombreuses promesses non tenues du passé. Il est temps pour vous de faire mieux.
Ici, en Ontario, les nations que je représente continuent de se battre, chaque jour, pour les droits fondamentaux de la personne, y compris le droit à une eau potable sûre et propre. Cette lutte devrait être la nôtre, car en tant que partenaires de traité, nous sommes tous concernés. À notre époque, ce non-respect du droit à l'eau potable est tout simplement honteux. Je pense en particulier à nos ancêtres qui, à une époque, pouvaient boire l'eau librement, sans craindre pour leur vie.
Je suis ici pour rappeler à chacun de vous la responsabilité qui nous incombe, collectivement, à l'égard des Premières Nations, des enfants, des aînés et des générations à venir. Cette mesure législative est importante et urgente. Nous ne pouvons plus attendre. Comme vous le savez tous, après l'adoption de la Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations, en 2013, nous avons constamment demandé au Canada de l'abroger. Cette Loi est entrée en vigueur sans la moindre consultation, sans engagement financier pour sa mise en œuvre et sans la moindre collaboration avec les Premières Nations au sujet de nos droits inhérents et issus de traités et notre compétence de légiférer dans le domaine de l'eau. La Loi a été fortement critiquée en raison du manque de collaboration et de consultation adéquates avec les Premières Nations, des ressources insuffisantes pour la mise en œuvre des règlements et de la responsabilité accrue des Premières Nations. Depuis 2018, les organisations des Premières Nations, y compris la Nation Anishinabek, militent pour une mesure législative solide qui protège les droits des Premières Nations et honore notre relation avec l'eau. Nous avons plaidé pour des protections plus rigoureuses et pour le droit d'être reconnus en tant que gardiens et décideurs.
Je tiens à prendre un moment pour saluer les efforts inlassables du chef Moonias de la Première Nation de Neskantaga, de la cheffe Spence de la Nation crie Tataskweyak et de la cheffe Emerita Whetung de la Première Nation de Curve Lake pour intenter le recours collectif qui a fini par obliger le Canada à abroger la Loi de 2013 sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations.
Depuis l'abrogation de la Loi, en juin 2022, la rédaction de la loi de remplacement a été guidée par un groupe de travail chargé d'élaborer un processus pour une nouvelle loi. J'ai eu l'honneur de faire partie de cette équipe, que j'ai codirigée avec d'anciens membres des Premières Nations. J'ai également eu l'honneur de codiriger cette équipe avec l'ancien chef national Phil Fontaine. Même si aucun processus n'est parfait, le travail de collaboration entre l'Assemblée des Premières Nations et Services aux Autochtones Canada a permis d'établir les fondations d'un processus plus inclusif. Grâce à ce processus, avec des représentants de SAC et de l'APN, nous avons travaillé pour faire avancer la mesure législative. Même s'il ne s'agit pas d'une véritable élaboration conjointe fondée sur notre vision du monde, nous avons eu l'occasion de continuer à défendre les intérêts des Premières Nations et d'avoir une incidence chez nous et pour nos gens.
Cette mesure législative est importante. Son adoption représente une étape cruciale pour remédier à des décennies de préjudices, ancrés dans le colonialisme, causés aux Premières Nations. Je pense qu'avec quelques modifications clés, cette mesure législative offrira enfin aux Premières Nations un accès garanti à de l'eau potable propre et salubre et au traitement des eaux usées.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'obligation du Canada doit aller plus loin. Le projet de loi affirme le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale reconnu par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui comprend la compétence des Premières Nations en matière d'eau, de sources d'eau, d'eau potable, d'eaux usées et d'infrastructures connexes sur et sous les terres des Premières Nations.
Il reconnaît notre relation avec l'eau et reconnaît notre droit de prendre nos propres décisions et notre autorité législative en ce qui concerne l'eau, les sources d'eau, l'eau potable, les eaux usées et les infrastructures connexes.
Il autorise l'élaboration de normes et de règlements. C'est très important, car actuellement, les Premières Nations n'ont pas de règlements exécutoires en place.
Il permet également la création urgente d'un cadre de financement, nous éloignant ainsi de décennies de financement basé sur une formule pour privilégier un mécanisme de financement dans lequel sont reconnus les coûts réels de la construction, de l'entretien et de la gestion des systèmes d'eau potable et d'eaux usées.
En outre, il prévoit la création d'une Commission des eaux des Premières Nations, qui fait l'objet de discussions depuis de nombreuses années. Ce sont là des éléments essentiels qui ne peuvent être négligés dans ce projet de loi.
J'estime que le projet de loi peut être renforcé à certains égards de façon à garantir la protection des Premières Nations. Un libellé plus fort peut aider à protéger les Premières Nations, peu importe le parti politique au pouvoir.
Je pense que cette mesure législative doit être bipartisane. Les Premières Nations et ce projet de loi ne peuvent pas faire les frais de combats politiques.
Les Premières Nations d'aujourd'hui et de demain s'attendent à ce que vous preniez la bonne décision et que vous fassiez des recommandations afin que ce projet de loi reçoive l'appui nécessaire pour inclure les droits prévus par la DNUDPA, l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et la résolution 292 de l'ONU, qui reconnaît le droit humain à l'eau et à l'assainissement.
La création de zones de protection doit reconnaître les droits inhérents des Premières Nations ainsi que leur compétence sur leurs territoires respectifs. Je recommande une approche fondée sur les droits afin de garantir la protection de nos droits et de nos intérêts non cédés.
Chaque élément du projet de loi devrait être assorti d'un délai pour éviter que les choses continuent de traîner en longueur pendant encore une décennie, ou plus. L'adoption du projet de loi C‑61 sera une étape cruciale vers l'obtention du droit à une eau potable propre et salubre et à la gestion des eaux usées pour les Premières Nations et leur reconnaissance comme droit de la personne et service essentiel. Le projet de loi C‑61 est un jalon important dans un combat qui perdure depuis des décennies pour des systèmes d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées adéquats dans les Premières Nations du pays.
Le Canada a l'occasion de faire enfin ce qu'il se doit pour les Premières Nations. L'incapacité répétée de la Couronne de régler la question des droits inhérents au fil du temps a aggravé la complexité des enjeux liés à l'eau. Toutefois, vous avez aujourd'hui l'occasion de pencher du bon et juste côté de la société. En répondant aux préoccupations des Premières Nations, le projet de loi C‑61 peut ouvrir la voie à un avenir dans lequel les enfants des Premières Nations grandiront sans connaître des avis sur la qualité de l'eau potable et dans lequel leurs nations respectives pourront prospérer.
Je ne saurais trop insister sur le fait que l'adoption de ce projet de loi est importante, essentielle et tombe à point nommé pour protéger la santé des Premières Nations et le bien-être de nos gens, de nos aînés, de nos enfants, de nos petits-enfants et des générations à venir. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre plus longtemps.
Merci. Meegwetch.
Merci beaucoup, cheffe du grand conseil.
Je donne maintenant la parole à la cheffe Erica Beaudin, pour une déclaration liminaire de cinq minutes.
Bonjour. Je vous remercie de m'avoir demandé de témoigner aujourd'hui. Je m'appelle Erica Beaudin. Je suis cheffe de la Première Nation de Cowessess, la plus grande Première Nation du territoire visé par le Traité no 4, forte de ses 4 700 membres ou citoyens.
Avant de venir à Ottawa — et je dis Ottawa, mais je reconnais que nous sommes sur les terres non cédées du peuple algonquin —, j'ai déposé des plantes médicinales dans nos eaux, en priant afin que nous ayons tous l'esprit, le cœur et l'âme ouverts alors que nous examinons les possibilités qu'offre l'entrée en vigueur du projet de loi C‑61.
L'eau est vivante. L'eau, c'est la vie. Aucun d'entre nous — pas un seul d'entre nous, Autochtones ou non — ne peut vivre sans eau potable. Les déterminants sociaux de la santé sont aussi un très important facteur à considérer lorsqu'on examine certains aspects, comme la création de collectivités plus sûres pour nos enfants. Le Parlement est actuellement saisi de plusieurs projets de loi, et penser que le projet de loi C‑61 est isolé et n'est pas lié à d'autres projets de loi revient à faire abstraction de l'interconnexion des besoins de nos nations et de nos collectivités pour offrir des conditions de vie adéquates à nos populations.
Le projet de loi C‑61, Loi sur l'eau propre des Premières Nations, représente une étape significative dans l'affirmation du droit des collectivités des Premières Nations à l'autonomie gouvernementale pour ce qui est des ressources en eau sur nos terres. Il s'agit d'un progrès positif qui reconnaît le droit inhérent des Premières Nations de gérer leur eau, leur propre eau, leurs sources d'eau, leur eau potable et leurs infrastructures de traitement des eaux usées. Ce cadre législatif vise à garantir aux Premières Nations l'accès à une eau potable propre et salubre, un engagement qui s'est longuement fait attendre, étant donné la négligence historique et les défis auxquels se heurtent de nombreuses collectivités autochtones au Canada.
Le projet de loi comprend divers éléments prometteurs, notamment la création de processus réglementaires fondés sur les droits, en collaboration avec les Premières Nations, d'autres ministres fédéraux et les gouvernements provinciaux. Ces voies visent à protéger les sources d'eau adjacentes aux terres des Premières Nations et à protéger une structure juridique permettant aux Premières Nations d'exercer un contrôle sur les ressources en eau sur leurs territoires. Il s'agit d'une reconnaissance importante de l'autodétermination, ce qui est conforme aux principes énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Même si la mesure législative est un pas dans la bonne direction, il convient d'en reconnaître les limites. Le financement est toujours une préoccupation de première importance pour toute question liée aux Premières Nations, et nous avons besoin de certitudes pour veiller à ce que cette mesure législative ait une incidence à long terme et pour assurer la prévisibilité des ressources pour régler les problèmes profondément enracinés liés à la qualité de l'eau et aux infrastructures. Même si la mesure législative précise que le Canada « fait de son mieux » pour fournir du financement adéquat et durable pour les services relatifs à l'eau, je pense que ce libellé pourrait être étoffé de façon à renforcer davantage le projet de loi.
L'autre point que j'aimerais aborder brièvement est l'obligation, pour les Premières Nations, de collaborer avec les gouvernements provinciaux en vue d'assurer la protection des sources d'eau, ce qui présenterait des défis. Je peux uniquement parler en fonction de mon expérience en tant que cheffe venant de la Saskatchewan, mais au nom de notre nation, je peux dire que dans le cadre de notre lutte pour notre souveraineté et notre compétence sur nos terres et cours d'eau traditionnels, j'ai constaté et vécu de première main des conflits de compétence, des mesures provinciales inutiles et un manque de reconnaissance des droits qui compliquent les efforts visant à protéger la qualité de l'eau sur les terres des Premières Nations.
Je comprends que le gouvernement fédéral mise sur la coopération intergouvernementale, mais je m'en voudrais de ne pas signaler comment cela peut nuire à la mise en œuvre opportune de protections essentielles pour assurer la salubrité de l'eau potable pour nos collectivités. Il faut prendre au sérieux la critique de certains groupes autochtones quant à l'insuffisance de la formulation « fait de son mieux » utilisée dans le projet de loi. L'absence d'engagement juridique exécutoire à fournir de l'eau potable propre et salubre, jumelée à l'absence d'un mécanisme de mise en œuvre clair, signifie que le projet de loi pourrait ne pas régler complètement les problèmes systémiques qu'il vise à résoudre.
Le projet de loi C‑61 est une étape nécessaire et positive vers la reconnaissance des droits des Premières Nations à l'autonomie gouvernementale et la garantie d'un accès à de l'eau potable. Toutefois, à l'instar de toute mesure législative, il peut être renforcé par des modifications. Je pense qu'avec des outils plus clairs, comme un engagement quant à la prévisibilité du financement, en plus de mécanismes pour aider les Premières Nations à traiter avec des gouvernements provinciaux non alignés, ce projet de loi protégera les ressources en eau pour toutes les générations à venir.
Il est temps que le projet de loi C‑61 entre en vigueur.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, cheffe Beaudin.
Je donne maintenant la parole à la Nation Nishnawbe Aski. Je crois que la grande cheffe adjointe Anna Betty Achneepineskum fera une allocution liminaire de cinq minutes.
Oui, merci beaucoup.
Wachiye, boozhoo.
Je m'appelle Anna Betty Achneepineskum, et je suis la grande cheffe adjointe de la Nation Nishnawbe Aski.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à témoigner au Comité dans le cadre de son étude du projet de loi C‑61, Loi concernant l'eau, les sources d'eau, l'eau potable, les eaux usées et les infrastructures connexes sur les terres des Premières Nations. Je tiens à souligner que cette réunion du Comité a lieu à Ottawa, un territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe, dont la présence à Ottawa remonte à des temps immémoriaux.
La Nation Nishnawbe Aski est composée de 49 communautés de premières nations, dont la plupart sont signataires du Traité no 9 dans la partie ontarienne du Traité no 5. Le Traité no 9 est unique parmi les traités historiques, car il s'agit d'un accord signé par les premières nations avec le Canada et l'Ontario. Nous déclarons également que la Nation Nishnawbe Aski est un peuple souverain qui possède des droits souverains et inhérents en vertu du fait qu'il est le premier peuple à s'être installé sur ces terres.
En date du 23 septembre 2024, il y a aujourd'hui 13 avis d’ébullition de l’eau à long terme au sein de 12 communautés de la Nation Nishnawbe Aski, dont ma propre communauté, Marten Falls. Neuf avis concernant l'eau potable sont en vigueur depuis moins d'un an.
Neuf communautés ont du mal à admettre que l'eau traitée est propre à la consommation, même lorsque les avis relatifs à la qualité de l'eau potable ont été levés. Nous devons nous demander pourquoi. Cela s'explique en grande partie par le traumatisme associé à l'absence d'eau salubre et par ses répercussions sur la santé.
Les représentants de la Nation Nishnawbe Aski ont présenté un exposé au comité consultatif, dont le texte est disponible sur le site Web du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord. Les chefs de la NAN n'ont pas adopté de position officielle sur le projet de loi C‑61, mais ils estiment que plusieurs amendements pourraient être apportés pour renforcer le libellé du projet de loi. Les amendements recommandés par la nation Nishnawbe Aski consistent notamment à s'assurer que le projet de loi C‑61 est contraignant pour la Couronne, à s'assurer que le projet de loi C‑61 est formulé de manière à ce que les lois des Premières Nations aient également force de loi fédérale, et à s'assurer que des dispositions de financement adéquates sur le long terme soient prévues au sein du projet de loi C‑61.
Le projet de loi C‑61 ne fournit pas de cadre clair au gouvernement sur les zones de protection des sources d'eau, laissant ambiguë la question de savoir qui a l'autorité ultime sur l'établissement, la gestion et l'application de ces zones.
Pour le temps qu'il me reste, j'aimerais demander à notre conseiller juridique, M. Maheegan Armstrong, de décrire certains changements suggérés au projet de loi C‑61 qui sont décrits dans le mémoire soumis par la Nation Nishnawbe Aski.
Bonjour à tous. Je m'appelle Maheegan Armstrong. Je suis avocat et je représente la Nation Nishnawbe Aski.
Je vais passer rapidement en revue certains des amendements et les raisons qui les sous-tendent.
Dans la note d'information, nous avons fait deux suggestions assez importantes. La première est de s'assurer que les sections relatives à l'élaboration des lois, où il est question de compétence, sont contraignantes pour la Couronne fédérale. L'autre est de veiller à ce que les lois des premières nations aient force de loi au même titre que les lois fédérales.
Ils sont tous deux utilisés en tandem pour s'assurer que les sections législatives du projet de loi C‑61 sont renforcées et qu'il y a un peu plus de certitude.
La raison pour laquelle nous suggérons cela est à la lumière d'un nouvel arrêt de la Cour suprême du Canada qui a été rendu en février. Il s'agit de l'affaire de référence concernant la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. La décision a été rendue le 9 février, c'est-à-dire après que ce projet de loi a été présenté à la Chambre des communes.
Nous avons intégré certaines de ces orientations dans l'affaire de la Cour suprême du Canada. Nous voulons renforcer certaines parties de ce projet de loi en tenant compte de ces conseils de la Cour suprême.
Je vous remercie.
Merci beaucoup.
Pour la gouverne des députés, le grand chef Abram Benedict s'apprête à se joindre à nous. Nous lui donnerons l'occasion de faire des remarques préliminaires à ce moment‑là.
Ceci conclut la série de remarques introductives.
Nous allons passer à notre première série de questions, d'une durée de six minutes par député.
Nous allons commencer par le Parti conservateur avec M. Schmale. Non attendez, il s'agit plutôt de M. Melillo. Veuillez m'excuser.
Monsieur Melillo, vous disposez de six minutes. Vous pouvez y aller, je vous prie.
Je vous remercie, monsieur le président.
Vous vous êtes assuré de m'accorder un temps de parole adéquat. Je vous en remercie.
Je remercie tous les invités d'être présents pour parler de cet important projet de loi. Je vous en suis très reconnaissant.
Je vais adresser mes premières questions à la grande cheffe adjointe de la Nation Nishnawbe Aski, Mme Anna Betty Achneepineskum.
Lorsque le projet de loi a été présenté, le grand chef Fiddler a déclaré la chose suivante dans un communiqué de presse: « Nous reconnaissons que certaines Premières Nations ont eu la possibilité de participer à la rédaction de ce projet de loi, mais nous ne sommes pas d'accord pour dire que le projet de loi a été corédigé en tant que tel ».
Pouvez-vous décrire le processus suivi par la NNA dans le cadre de l'élaboration de ce projet de loi, et expliquer pourquoi une telle conclusion a été tirée?
Merci pour cette question, monsieur Melillo.
Je possède une copie de la déclaration présentée par le grand chef Fiddler à l'époque.
J'aimerais laisser à notre conseiller juridique le soin de vous répondre.
Je vous remercie.
La question porte sur l'implication de la Nation Nishnawbe Aski dans la préparation de ce projet. La déclaration du grand chef Fiddler indique que bien qu'il y ait des possibilités de contribuer à la rédaction, la NNA n'est pas d'accord pour dire que le projet de loi a été co-rédigé.
Je suis simplement curieux de comprendre le degré d'implication de la NNA dans tout le processus de rédaction du projet de loi dont il est question.
Le processus de rédaction du projet de loi s'est échelonné sur environ un an. Si j'ai bien compris, ce qui s'est passé à ce moment‑là, c'est qu'il y a eu un accord de non-divulgation avec certaines des parties chargées de la rédaction. La NNA n'en faisait pas partie. Je pense qu'il y a eu des périodes pendant lesquelles seuls certains intervenants étaient directement impliqués dans le processus législatif, et ce n'était pas le cas de la NNA.
Je comprends.
Je vous remercie de votre réponse.
Je souhaite également poser une question à Mme Debassige, cheffe du grand conseil de la Nishnawbe Aski Nation, qui est présente dans la salle.
Je crois que vous avez dit dans vos remarques préliminaires, si j'ai bien compris, qu'il ne s'agissait pas d'un véritable processus législatif de co‑rédaction.
Pourriez-vous en dire plus à ce sujet? Avez-vous un point de vue similaire à celui exprimé par les représentants de la Nation Nishnawbe Aski?
Meegwetch pour la question.
Je tiens à vous répondre de la manière la plus aimable qui soit. Vous êtes député à la Chambre des communes. Il y a certains privilèges législatifs, je dirais, qui vont de pair avec ce rôle et, en fait, avec n'importe quel parti au pouvoir à ce moment‑là. Je pense que, dans le cadre du processus institué par le Canada et le Parlement, le privilège du cabinet est l'un d'entre eux. D'après ce que je comprends du privilège du cabinet, il y a des conversations qui ont lieu, des mandats sont donnés, et ce dans l'isolement absolu de toute personne ou communauté des Premières Nations dans l'ensemble du pays.
Lorsque je regarde notre vision du co‑développement, il faut comprendre qu'il s'agit d'un objectif collectif et qu'il faut travailler pour atteindre cet objectif sans entrave. Évidemment, j'ai également indiqué dans mes déclarations que le manque d'accès à l'eau potable est un symptôme du colonialisme qui a commencé il y a des centaines d'années et qui s'est poursuivi jusqu'à aujourd'hui. Je pense que, dans le cadre de ce processus particulier, les chefs et l'Assemblée des Premières Nations, l'APN, ont fourni une résolution et un mandat pour aller de l'avant avec un processus, avec le Canada, pour élaborer un projet de loi de remplacement, comme l'a ordonné le tribunal.
D'après mon expérience, tout d'abord en tant que conseiller municipal de ma communauté, une partie de ce processus a consisté en des engagements importants avec les chefs de l'Ontario de l'époque. L'APN a poursuivi ses activités de plaidoyer et ses pressions, de sorte que des résolutions ont été élaborées au fil du temps. En tant que chef, j'ai participé à de nombreuses séances d'engagement concernant le projet de loi sur l'eau potable dans toute la province de l'Ontario, et ce que nous avons créé à l'APN grâce à ces processus de développement depuis 2018 sont 29 concepts préliminaires qui ont été fournis au Canada. Pour vous donner un peu de contexte à ma réponse, en ce qui concerne l'élaboration conjointe, il s'agit de la lentille à travers laquelle vous regardez et de ce qui est mandaté par le privilège du Cabinet.
Je comprends. Merci pour cette réponse.
Monsieur le président, j'aimerais poser une dernière question, et je promets d'être bref.
Je reviens à la Nation Nishnawbe Aski. Quelques personnes ont mentionné, dans les remarques préliminaires, que le libellé de ce projet de loi stipule que le ministre « doit consulter et coopérer » avant de prendre des règlements. Avez-vous un avis sur ce type de projet de loi, sur le fait de savoir s'il est suffisant ou s'il devrait être modifié à l'avenir?
Monsieur le président, je souhaite répondre à cette question.
Monsieur Melillo, vous parlez des termes « consulter et coopérer », qui se retrouvent dans de nombreuses dispositions. Est-ce bien le cas?
Je dirais que, d'un point de vue juridique, cela nécessite une consultation et une coopération, ce qui pourrait être indéfini d'un point de vue juridique. À mon avis, il reste à voir comment cela sera mis en œuvre, ce qui, je pense, est en grande partie liée à l'ensemble du projet de loi. Je pense que la mise en œuvre sera l'un des éléments les plus importants... et qu'il faudra voir comment cela se déroulera.
Merci beaucoup, monsieur Melillo.
Nous allons à présent passer au prochain intervenant, c'est‑à‑dire...
Je suis désolé.
Oui, très bien.
C'est avec grand plaisir que nous accueillons le dernier témoin à se joindre à nous aujourd'hui. Il s'agit du grand chef Abram Benedict, chef régional de l'Ontario.
Je suis désolé de vous mettre immédiatement sur la sellette, mais je vais vous donner l'occasion de faire une déclaration d'ouverture de cinq minutes.
Chers députés, je vous prie de m'excuser de m'être joint à vous, quelques minutes en retard.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous ce soir. Je m'appelle Abram Benedict. Je suis le chef régional de l'Ontario pour les Chiefs of Ontario, une organisation qui représente 133 Premières Nations en Ontario. Avant d'être chef régional de l'Ontario, j'ai été chef de la communauté mohawk d'Akwesasne pendant neuf ans et membre du conseil de cette communauté pendant neuf ans également. J'ai eu le privilège et l'honneur d'être élu chef régional des communautés de l'Ontario.
Le sujet à l'ordre du jour aujourd'hui est un projet de loi concernant la gestion de l'eau potable. Malheureusement, 72 % des avis d'ébullition de l'eau déclarés au Canada affectent l'Ontario. Nous sommes donc la région la plus touchée par l'incapacité historique de fournir de l'eau potable à nos communautés.
Ces problèmes persistants ne mettent pas seulement en péril la santé et le bien-être de nos peuples, mais sapent également notre droit à l'autodétermination, notre gouvernance et l'avenir de nos communautés. Comme vous pouvez l'imaginer, l'eau est essentielle à l'existence et à la prospérité d'un grand nombre de nos nations sur l'île de la Tortue, mais plus particulièrement de celles qui ont reçu des avis d'ébullition de l'eau en Ontario.
Des générations entières ont été incapables d'obtenir de l'eau potable à partir de leur robinet. J'ai récemment eu l'occasion de me rendre à Neskantaga, l'une des communautés où un avis d'ébullition de l'eau est en vigueur depuis 30 ans. Pour mettre les choses en perspective, il y a là des enfants qui sont nés et ont grandi dans un contexte où les avis d'ébullition de l'eau font partie intégrante de leur vie. Dans le contexte actuel, cela fait froid dans le dos et c'est inacceptable.
Je me suis présenté devant vous aujourd'hui pour exprimer un message simple: le projet de loi C‑61 n'est pas parfait, mais nous le soutenons. Il doit porter ses fruits et être adopté. Ce projet de loi est un pas en avant dans la reconnaissance des droits inhérents et des droits issus de traités des Premières Nations. Il stipule sans ambiguïté que l'eau qui se trouve sur et sous les terres des Premières Nations relève de la compétence des Premières Nations, ce qui est extrêmement important pour notre peuple. Il reconnaît le rôle essentiel des femmes, des anciens et des gardiens du savoir en tant que protecteurs et gardiens de l'eau. Nous avons vu à maintes reprises notre peuple entreprendre des marches ou des marches sur l'eau à travers ce magnifique territoire que nous habitons pour faire reconnaître les droits et l'importance de l'eau.
Depuis la tragédie de Walkerton, le reste de l'Ontario s'est doté de normes élevées en matière d'eau potable, mais les Premières Nations ont malheureusement été laissées pour compte. Cette législation comble une lacune importante en nous permettant de créer des règlements et des normes contraignantes en matière d'eau potable.
Bien que nous soutenions le projet de loi dont il est question aujourd'hui, nous pensons qu'elle doit être renforcée dans quatre domaines essentiels: un financement prévisible et durable; la création de zones de protection; la résolution des problèmes urgents liés à l'eau et à l'assainissement pour les Premières Nations de l'Ontario; et la résolution de plusieurs problèmes concrets en matière de responsabilité et d'imputabilité.
Nos recommandations visent à garantir que ce projet de loi puisse avoir l'impact escompté. Le financement doit donc être assuré à des niveaux durables afin de remédier au sous-financement historique qui a engendré tant de défis dans nos communautés. Il s'agit non seulement d'investissements initiaux, mais aussi d'aides à l'exploitation et à l'entretien à long terme pour garantir la viabilité des systèmes d'approvisionnement en eau dans nos communautés. Le sous-financement chronique a toujours affecté l'infrastructure de l'eau dans les communautés des Premières Nations. Les fonds temporaires ou liés à des projets ne suffisent pas à assurer l'entretien permanent des systèmes d'approvisionnement en eau dans nos communautés.
Au‑delà de l'infrastructure, il existe un besoin de financement pour soutenir le renforcement des capacités au sein des communautés des Premières Nations. Il s'agit notamment de former des opérateurs locaux, de développer des structures de gouvernance pour la gestion de l'eau et de veiller à ce que les communautés disposent des connaissances et des ressources nécessaires pour gérer efficacement leurs systèmes d'approvisionnement en eau. Il s'agit là d'un véritable projet de loi visant à consolider nos nations, et à nous projeter dans un avenir meilleur.
Le Canada a récemment réglé un recours collectif qui reconnaît le besoin urgent de financement supplémentaire. Néanmoins, il n'y a pas eu de nouveaux investissements à ce jour, et il faut y remédier.
Nous croyons que l'expression « zones de protection », telle qu'elle est actuellement définie dans le projet de loi, manque de clarté. Qu'entend‑on par « qui est adjacente aux terres d'une première nation »? Réglons cette ambiguïté au moyen d'une approche fondée sur les droits.
L'absence de limites et de protections définies pourrait entraîner des conflits entre les compétences fédérales, provinciales et des Premières Nations. Il y a tellement de domaines où nous avons vu ce genre de conflit entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux dans nos communautés. C'est l'occasion de clarifier ce point.
Le projet de loi C‑61 doit définir clairement les zones de protection afin de renforcer l'autodétermination des Premières Nations, ce qui, à notre avis, comprend la reconnaissance de l'importance des systèmes de connaissances des Premières Nations dans l'établissement et la gestion des zones de protection. Nos peuples protègent depuis des temps immémoriaux les ressources qui sont d'une extrême importance pour toutes les personnes ici présentes. Nous avons besoin de ce projet de loi pour pouvoir continuer à soutenir ce travail.
De nombreuses Premières Nations doivent composer avec des problèmes liés à la qualité des eaux de source et des eaux souterraines. La prolifération d'algues et les déversements industriels ne sont peut-être pas entièrement prévisibles, mais nous pouvons garantir que de tels incidents se produiront et qu'ils se répéteront. Nous avons besoin d'un financement d'intervention rapide et d'une aide technique pour régler les problèmes urgents liés à l'eau dans les communautés de notre région. Nous avons besoin de souplesse dans les approches de financement et de réglementation pour faire face aux problèmes urgents.
La dernière question concerne l'incertitude quant à la responsabilité de nos communautés, surtout dans les cas où elles n'ont peut-être pas les ressources ou la capacité de gérer de façon indépendante les réseaux d'approvisionnement en eau. Nous exhortons le Comité à modifier le projet de loi C‑61 pour définir clairement et répartir équitablement la responsabilité. Nous devons faire en sorte que la responsabilité soit juste et raisonnable pour nos communautés et qu'elle soit partagée avec le gouvernement fédéral. Le projet de loi devrait explicitement protéger les Premières Nations contre la responsabilité dans les cas historiques de contamination et de bris d'infrastructures survenus avant la mise en œuvre du projet de loi C‑61. Les Premières Nations ne devraient pas être tenues responsables de l'incapacité historique du Canada à financer adéquatement les infrastructures, l'entretien, l'exploitation et la formation, et elles ne devraient pas non plus être tenues responsables des échecs futurs ou du sous-investissement de la part du gouvernement.
Le projet de loi C‑61 devrait énoncer explicitement la responsabilité des entrepreneurs tiers qui participent à la construction ou à l'entretien d'infrastructures d'approvisionnement en eau, de sorte que les Premières Nations ne soient pas tenues responsables des erreurs et de la négligence des entrepreneurs. Je tiens à souligner clairement que nos communautés assumeront une part de responsabilité raisonnable, mais qu'elles n'accepteront pas les systèmes brisés et sous-financés et qu'elles ne s'attendront pas à être tenues responsables de l'inaction du gouvernement fédéral.
Nous ne voulons pas d'un scénario où les Premières Nations sont contraintes d'utiliser leur énergie et leur financement limité pour intenter des poursuites au lieu de maintenir l'intégrité des réseaux d'approvisionnement en eau. Nous ne voulons pas nous retrouver devant les tribunaux, pas plus que quiconque dans cette salle. Apportons d'emblée ces modifications au projet de loi et évitons d'avoir à recourir à ces moyens.
Nous exhortons le Comité à tenir compte de ces recommandations. Les chefs de l'Ontario et moi-même serons heureux de répondre à vos questions, de faire un suivi et de fournir tout renseignement supplémentaire que le Comité souhaite obtenir.
Niawenko:wa.
Merci beaucoup, grand chef.
Sur ce, nous allons passer à notre première série de questions.
Monsieur Battiste, vous avez six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je vais commencer par la cheffe Beaudin, parce que nous nous sommes vus récemment sur le territoire visé par le Traité no 4 pour les célébrations du 150e anniversaire du Traité no 4. Ce fut l'une des plus magnifiques célébrations que j'aie jamais vues. Toutes les coiffures étaient à l'avant-plan — c'était un symbole incroyablement puissant —, et chacune d'elles était ornée d'une ravissante borderie de perles. C'était tout à fait extraordinaire.
Vous avez parlé un peu des difficultés liées à la collaboration avec les provinces, collaboration qui est sous-entendue dans le projet de loi. Selon vous, la reconnaissance officielle du droit inhérent à l'eau des Premières Nations renforcerait-elle votre position au moment de traiter avec les provinces, si ce droit était reconnu dans le projet de loi?
Je vous remercie de la question, et merci aussi d'avoir souligné le 150e anniversaire de la signature du Traité no 4.
La réponse courte, c'est oui, absolument.
Notre expérience, dans l'immédiat, concerne un projet de restructuration de barrage. Il est temps de construire un nouveau barrage. Lorsque nous parlons de compétence, nous parlons aussi de protections juridiques pour aider les Premières Nations, protections qui, nous l'espérons, sont prévues dans le projet de loi. Nous aurons ainsi une plus grande marge de manœuvre et, grâce à cet ajout dans notre boîte à outils, nous pourrons exercer cette compétence que nous n'avons jamais abandonnée, au lieu de devoir nous battre pour cela. Outre les droits issus de traités, nous avons le droit inhérent à toutes nos eaux traditionnelles ainsi qu'à nos cours d'eau et à nos berges.
À l'heure actuelle, nous sommes dans une impasse avec la province de la Saskatchewan. Si nous n'acceptons pas de vendre nos terres traditionnelles à la province afin qu'elle puisse reconstruire la structure de notre barrage, elle ne procédera pas à la construction. C'est essentiel. Nous sommes maintenant dans une situation où nous devons envisager la possibilité d'intenter une action en justice, ce qui coûte très cher.
La Première Nation de Cowessess est forte et fière. Cependant, les fonds issus de nos revenus autonomes devraient aller aux gens. Nous ne devrions pas nous battre pour ce qui nous appartient déjà. Ce que nous espérons, c'est que le projet de loi C‑61 nous donnera un autre outil afin que nous n'ayons pas à nous lancer dans ce genre de bataille juridique.
Merci, cheffe.
Chef régional, c'est à vous que s'adresse ma prochaine question.
Vous avez dit plus tôt que 72 % des avis de faire bouillir l'eau proviennent de l'Ontario. Que pensez-vous d'une approche régionale, parce que je connais beaucoup de...?
Je viens moi-même d'une réserve autochtone d'environ 5 000 personnes. Nous avons différents niveaux de capacité pour ce qui est de la surveillance, de l'exploitation et de l'entretien des infrastructures liées à l'eau. C'est très technique. Vous en avez parlé dans votre déclaration.
Pensez-vous que nous devrions envisager la création d'une autorité nationale de gestion des eaux, dirigée par les Premières Nations, qui aiderait à obtenir de meilleurs résultats, surtout en ce qui concerne l'exploitation et l'entretien des installations?
À cet égard — parce que je sais qu'il y a différents degrés de confiance envers le gouvernement —, pensez-vous qu'il serait préférable de confier cette tâche aux Premières Nations ou à un organisme régional en Ontario? D'après vous, comment cela pourrait‑il fonctionner, le cas échéant?
Il y a deux ou trois choses à dire à ce sujet.
Certes, les approches régionales fonctionnent parfois. Dans le cas de l'eau potable, il faut une approche assez technique sur le terrain, n'est‑ce pas? On peut avoir tous les organismes régionaux que l'on veut pour élaborer des règlements ou effectuer des inspections. Le plus important, c'est que la capacité se trouve sur le terrain. Les approches régionales à l'appui des communautés se résument à des inspections de maisons ou à de services d'ingénierie. Je ne suis pas certain qu'un organisme technique régional serait en mesure de soutenir l'exploitation technique des installations d'eau au sein d'une communauté. Toutefois, s'il y a un organisme de réglementation qui l'appuie, alors je dirais que oui.
Au bout du compte, il faut des ressources pour faire fonctionner les installations. Un règlement est, au sens technique, une approche. Je ne dirais pas que c'est impossible, mais il faut vraiment y réfléchir. Nous avons besoin d'opérateurs formés et qualifiés, qui ont les ressources nécessaires pour faire leur travail, et ce n'est pas nécessairement un organisme régional qui les aidera à cet égard.
Je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps.
Dans les collectivités qui ne sont pas actuellement sous le coup d'avis de faire bouillir l'eau, pensez-vous que la capacité pose problème en raison de la formation nécessaire pour assurer et préserver la salubrité de l'eau?
Je pense qu'en fin de compte, dans bien des cas, c'est une question de ressources pour faire en sorte que les opérateurs reçoivent la formation nécessaire et puissent faire leur travail. Dans le cas des collectivités éloignées qui sont accessibles uniquement par avion, nous devons former les gens à l'extérieur de leur communauté et les appuyer à cet égard — c'est tout un volet éducatif —, puis les ramener chez eux pour qu'ils fassent leur travail. Nous avons besoin de ressources adéquates pour y arriver.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais m'adresser tout d'abord à la cheffe du grand conseil de la nation anishinabe.
Madame Debassige, j'aimerais que vous nous parliez de la notion des zones de protection, particulièrement dans le contexte d'une loi fédérale.
Je comprends que le gouvernement fédéral veuille rester vague quant à la définition d'une zone de protection, car, à l'heure actuelle, cela relève évidemment des compétences des provinces.
Les zones de protection sont caractérisées par les provinces en vertu de la loi sur la protection des ressources en eau. En Ontario, on utilise la terminologie « zone de protection », tandis qu'au Québec, on parle d'une « aire de protection ». On voit que la réglementation est similaire.
Une zone de protection peut inclure des têtes de puits, des prises d'eau de surface, des aquifères très vulnérables et d'importantes zones d'alimentation des eaux souterraines. C'est toute la documentation du territoire et des principales caractéristiques des sources d'eau.
Selon une carte des zones de protection de l'Ontario, la nation anishinabe située autour des Grands Lacs est grandement touchée. Participez-vous avec l'Ontario à l'exercice de définir la zone de protection qui touche votre nation?
[Traduction]
Je vous remercie de la question.
Je crois que c'est une question complexe qui exige des réponses complexes. Au début des processus de conclusion de traités, seules les terres étaient visées, mais ces traités ne tenaient pas compte des terres sous-marines ou des eaux en tant que telles. Là où le Canada et la Couronne ont échoué, du point de vue historique, même dans le partage des pouvoirs entre le fédéral et le provincial, tout au long de cette période de colonisation, c'est que les Premières Nations étaient considérées non pas comme un peuple, mais simplement comme des tribus sauvages. Le Créateur a donné aux Premières Nations le pouvoir de protéger, pour les générations futures, ce qui ne nous appartenait pas.
Dans le cas de l'Ontario, la province n'a pas vraiment besoin de consulter les Premières Nations. Le gouvernement provincial se contentera de dire que les Premières Nations relèvent de la compétence fédérale et que la compétence provinciale n'a pas préséance. Les lois provinciales qui sont créées ne vont pas assez loin pour reconnaître les traités et les droits inhérents, même en ce qui a trait aux ressources. Par conséquent, les zones de protection décrites par la province de l'Ontario ont été établies sans que les Premières Nations aient été consultées ou prises en considération. C'est dans ce contexte que le projet de loi a été créé, sans aucune possibilité pour nous. Encore une fois, cela donne lieu à un déséquilibre des compétences provinciales et, à mon avis, les deux sont tout aussi responsables de ne pas reconnaître les droits inhérents et les compétences des Premières Nations.
Je vous remercie.
[Français]
Meegwetch.
Que devrait-on faire pour établir une zone de protection durable lorsque deux provinces sont touchées? Par exemple, comment peut-on protéger les deux côtés de la rivière Kitchissippi, qu'on appelle en français la rivière des Outaouais?
[Traduction]
[Français]
La question s'adressait à la cheffe du grand conseil, mais vous pourrez ajouter quelque chose par la suite, si vous le désirez.
[Traduction]
Je pense qu'il s'agit d'harmoniser les lois. Les Premières Nations devraient avoir le pouvoir de légiférer, et cela doit être reconnu par tous les ordres de gouvernement. Pendant de trop nombreuses années, nous avons été tenus à l'écart des discussions, et même jusqu'aux années 1960, nous ne pouvions pas voter. À mesure qu'évoluent les Premières Nations, les traités et les gouvernements, je pense que nous avons une excellente occasion de travailler ensemble pour reconnaître les droits inhérents et la compétence des Premières Nations et pour soutenir ces droits à l'avenir.
Quand on veut, on peut. Je pense que l'histoire nous a appris que lorsque la volonté politique est au rendez-vous, tout est possible. Cependant, dans le dossier des Premières Nations, la volonté politique a toujours été de nous éradiquer, de nous assimiler et d'exercer un contrôle sur nous. C'est une occasion pour le Canada, d'un point de vue non partisan, de se joindre à nous.
Meegwetch.
[Français]
C'est donc vraiment par l'entremise du libellé de ce projet de loi que vous vous attendez à ce qu'une zone de protection puisse être définie clairement, selon un processus qui implique évidemment la consultation des Premières Nations concernées, le but étant de mieux protéger les cours d'eau les plus importants, notamment pour la nation anishinabe.
[Traduction]
Absolument. Bien que je représente la Nation Anishinabek en tant qu'organisation politique et territoriale, les droits appartiennent à notre peuple et à nos nations qui existaient avant le traité. Il faut les définir au moyen de mécanismes appropriés, mais il convient aussi de préciser que cela ne devrait pas servir de prétexte pour retarder les possibilités offertes aux Premières Nations en ce qui concerne les services d'approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées.
Meegwetch.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur Lemire.
Je passe maintenant la parole pour six minutes à Mme Ashton, qui participe à la réunion par vidéoconférence.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je tiens d'abord à offrir mes condoléances à la famille de Johnson Redhead de la Première Nation Shamattawa, ici, dans notre région. Je sais que de nombreux membres du Comité sont au courant de la situation tragique du garçon de six ans qui a disparu pendant plusieurs jours et qui a malheureusement été retrouvé mort. Je suis certaine que toutes nos pensées accompagnent sa famille et sa Première Nation en ce moment.
Mille trois cent deux — c'est le nombre de jours qui se sont écoulés depuis que les libéraux étaient censés mettre fin à tous les avis à long terme d'ébullition de l'eau au Canada. Ici, dans le nord du Manitoba, dans ma circonscription, la nation crie de Mathias Colomb est privée d'eau potable depuis plus de quatre ans. Cela fait presque six ans pour la Première Nation de Shamattawa. Il ne faut pas oublier que la méthode préférée du premier ministre face aux collectivités qui n'ont pas d'eau potable est de se battre contre elles devant les tribunaux. Ce projet de loi n'a vu le jour qu'après que les libéraux ont perdu un recours collectif intenté par un certain nombre de Premières Nations, y compris la nation crie de Tataskweyak, dans notre région. Cela montre à quel point le premier ministre a failli à la tâche. Ce n'est pas un premier ministre ou un parti politique qui a l'intention de sortir les Premières Nations de la pauvreté. C'est un gouvernement qui ne fera ce qu'il faut que lorsqu'il sera obligé de le faire, comme les 57 milliards de dollars prévus dans le budget de cette année pour les Premières Nations et qui ont été ordonnés par les tribunaux. C'est honteux.
J'ai parlé récemment avec le chef Hill de la Première Nation de Shamattawa et son équipe, à la suite de son contre-interrogatoire par les avocats du gouvernement du Canada. Pour ceux qui ne le savent pas, Shamattawa et 59 autres Premières Nations se battent contre le gouvernement libéral parce qu'il n'a pas respecté le délai pour leur donner accès à de l'eau potable.
J'aimerais lire un message que j'ai reçu du chef Hill, qui met en évidence l'hypocrisie flagrante des libéraux. Ils peuvent faire de beaux discours, mais ce qui compte vraiment, c'est ce qu'ils font devant les tribunaux — et ils espèrent que les Canadiens n'y prêteront pas attention.
Le chef Hill m'a dit ceci: « Ce litige a été douloureux. Le Canada a décidé de défendre sa cause plutôt que de se présenter à la table en tant que partenaire de nation à nation. Les contre-interrogatoires ont été longs et pénibles. Mon contre-interrogatoire a duré trois jours, et les avocats du gouvernement du Canada ont passé en revue les moindres détails des finances de Shamattawa. On m'a posé des questions qui visaient à nous blâmer, moi et mon conseil de bande, pour notre avis à long terme concernant la qualité de l'eau potable. Plutôt que de se regarder dans le miroir, le Canada pointe du doigt les Premières Nations pour les conséquences tout à fait prévisibles de ses propres actes. C'est ce qui se produit lorsque les Premières Nations prennent position. Le Canada prétend se soucier de la réconciliation, mais dans le cadre de ce litige, il a clairement montré que les Premières Nations ne sont qu'un inconvénient. La décision du Canada de se battre contre les Premières Nations au sujet de l'accès à l'eau potable est une honte nationale. Le gouvernement fédéral traite les Premières Nations comme si nous n'étions même pas des êtres humains. Il n'est pas étonnant que nos membres soient les plus malades, meurent les plus jeunes et connaissent les taux de suicide les plus élevés au pays. »
Ce qui est encore plus choquant, ce sont les arguments que les avocats embauchés par les libéraux présentent devant les tribunaux, en espérant que personne ne s'en rendra compte. Ils font valoir que les Premières Nations n'ont pas droit à l'eau potable. Ils diront que ce sont les Premières Nations elles-mêmes qui sont responsables du manque d'eau potable.
Ma première question s'adresse aux chefs de l'Ontario.
Avez-vous l'impression que le gouvernement en fait assez pour les Premières Nations de votre région? Êtes-vous d'accord avec les avocats du gouvernement pour dire que les Premières Nations n'ont pas droit à l'eau potable?
Eh bien, je vous remercie de votre question.
Je dirais qu'il est évidemment décevant de devoir recourir aux tribunaux pour que quelque chose soit fait. Bien qu'il y ait eu, comme vous l'avez souligné, un engagement à mettre fin aux avis de faire bouillir l'eau, c'est resté sans suite. Nous avons donc dû travailler avec l'Assemblée des Premières Nations pour intenter une action en justice visant à mettre un terme à cela. Nous sommes déçus par le processus qui est en place. Des progrès ont été accomplis; certaines collectivités ont pu mettre un terme aux avis de faire bouillir l'eau. Le travail n'est toutefois pas terminé.
Aimons-nous faire appel aux tribunaux? Absolument pas. Savons-nous que des solutions peuvent être trouvées si nous nous asseyons à la table des négociations? Oui. Avons-nous eu ces discussions? Oui. Les choses avancent-elles assez vite? Absolument pas. J'ai expliqué dans mon témoignage qu'il était inacceptable qu'une collectivité reçoive un avis de faire bouillir l'eau pendant 30 ans.
Je vous remercie de votre témoignage.
Pour ajouter à cela, j'aimerais vous lire certains des arguments que les avocats représentant le Canada ont évoqués devant les tribunaux pour s'opposer aux Premières Nations concernant l'accès à l'eau potable.
Faisant référence aux systèmes d'approvisionnement en eau des Premières Nations, ils ont affirmé que le Canada n'a aucune obligation légale d'exploiter et d'entretenir l'eau des plaignants. Ils ont aussi soutenu que le Canada a fourni aux Premières Nations un financement et un soutien considérables pour exploiter et entretenir les réseaux d'aqueduc communautaires.
Ils affirment que le Canada s'acquitte de ses responsabilités parce que la grande majorité des Premières Nations ont de l'eau potable qui se conforme aux Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Ils savent pourtant très bien que de nombreuses collectivités sont depuis longtemps sous le coup d'avis de faire bouillir l'eau.
Ils ont déclaré que le Canada nie avoir des obligations légales ou des devoirs envers les plaignants — les Premières Nations — en ce qui a trait à une possible responsabilité de fournir ou de financer des infrastructures d'adduction d'eau dans les réserves.
Les avocats qui représentent l'État nient l'existence d'une obligation légale de fournir de l'eau potable aux Premières Nations.
Ces déclarations donnent froid dans le dos. Il est particulièrement dégoûtant qu'elles soient évoquées par le gouvernement fédéral dans la bataille qu'il mène activement contre les Premières Nations sur la question très fondamentale de l'eau potable.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces déclarations.
Êtes-vous d'accord avec une seule d'entre elles? Êtes-vous en désaccord avec l'une ou l'autre d'entre elles?
Je serai la première à répondre à cette question.
Tout d'abord, en tant que membres des Premières Nations, en tant qu'Autochtones, en tant que peuples d'origine de ces terres, nous sommes nés avec tout ce que vous avez évoqué au cours des six dernières minutes. Nous connaissons toutes ces statistiques. C'est une situation que nous vivons sur une base quotidienne.
Dans le système juridique, les gens disent ce qu'ils doivent dire pour gagner. C'est le type de système juridique que nous avons. Il ne s'agit pas d'un système qui met l'accent sur la justice, mais bien sur l'aspect légal des choses.
En tant que peuples d'origine de ces terres, ce qu'on nous a dit par traité — et je parle du point de vue des traités —, c'est qu'avec ce pacte — qui existe depuis l'arrivée des colons ou de la Couronne et les peuples d'origine, ainsi qu'avec le Créateur —, nous devons travailler ensemble.
Nous reconnaissons que nous sommes nés dans le cadre de politiques génocidaires. Nous les subissons encore. Nous enterrons encore tant d'enfants et bien plus de personnes que n'importe quel autre Canadien ou peuple vivant dans ce qui est aujourd'hui le Canada. Nous le savons parce que nous assistons aux veillées funèbres et aux enterrements. Nous comprenons le sous-financement chronique.
Ce que nous affirmons ici aujourd'hui, du moins en ce qui me concerne, c'est que pendant que cela se passe, ce projet de loi nous offre une ouverture, et ce, même si le gouvernement est actuellement confronté à la nécessité de faire ce qu'il faut. Oui, nous reconnaissons que le tribunal a déclaré que l'État faisait ce qu'il fallait, mais nous devons encore travailler ensemble pour veiller à ce que le nombre de morts diminue, que nous ayons de l'eau potable, que nous ayons un financement adéquat et que nous disposions d'outils juridiques en ce qui a trait aux luttes que nous menons entourant les compétences provinciales, fédérales et des Premières Nations.
Je vous remercie de votre question. Je ne pense pas qu'il faut avoir l'un sans l'autre, ou qu'un seul est la bonne solution. Je pense que le moment est venu pour nous d'agir et de travailler ensemble pour faire adopter ce projet de loi.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, madame Ashton.
Nous avons terminé notre premier tour de questions. Nous passons au deuxième tour, qui sera constitué de séries de questions d'une durée de cinq minutes.
Je crois que notre premier intervenant est M. Shields.
Je remercie les témoins de leur présence.
Cette question s'adresse à vous quatre.
Quelle est la définition dont vous avez besoin pour savoir ce que sont les sources d'eau et les zones de protection?
Je peux commencer en mettant l'accent sur le côté technique des choses. Vous avez défini ce qu'est une source d'eau et ce qu'est la protection d'une source d'eau.
L'approche que les Premières Nations ont envisagée est davantage celle d'une zone de protection des bassins versants. Je pense que cela nous ramène à la discussion sur les zones de protection. Comme l'ont dit certains témoins, la protection des bassins hydrographiques relève de nous.
Je pense que la définition est vraiment problématique, et je pense que tout le monde l'a souligné. J'ai assisté aux réunions du Comité au cours des dernières semaines, et la question a bel et bien été soulevée. Personne n'a proposé de définition pour les « zones de protection des sources d'eau ». Je pense qu'il s'agit là d'une activité de premier plan, d'un travail important qui doit être fait ici. Je pense que c'est un élément très important de l'équation. Le gouvernement fédéral doit intervenir — et je sais que cela a été dit — pour s'assurer que les provinces travaillent en collaboration avec les Premières Nations pour définir ces zones de protection, parce que l'eau ne s'arrête pas aux frontières. L'eau ne connaît pas les frontières. Je pense donc qu'il s'agira d'un aspect de premier plan qu'il faudra tirer au clair. Le projet de loi reste flou à ce sujet.
Je passe au prochain. Vous avez dit qu'il fallait un accord coordonné entre les trois ordres de gouvernement, et vous avez dit qu'il fallait utiliser le terme « bassin versant » comme synonyme.
Je pense que c'est un très bon point de départ. Êtes-vous dans notre bassin versant? Qu'est‑ce qui se trouve dans notre bassin versant? Qui d'autre se trouve dans notre bassin versant? Peu importe s'il y a des frontières qui traversent ces bassins versants. Il faut s'en approcher, et pour protéger l'environnement, pour tout le monde, les trois ordres de gouvernement doivent travailler ensemble.
Je ne veux pas prendre trop de temps pour répondre à cette question, car je sais que la grande cheffe Debassige veut en parler.
La seule chose que je dirais au sujet des sources d'eau renvoie à quelque chose qui est arrivé dans ma communauté, la communauté d'Akwesasne. La communauté d'Akwesasne est située plus au sud, à une heure d'ici, à la frontière entre l'Ontario, l'État de New York et le Québec. Je peux vous dire qu'un projet de l'agence de protection environnementale américaine se déroulait à Massena, dans l'État de New York, et qu'on y émettait des avis concernant l'eau et des mises en garde invitant à ne pas manger le poisson. Cela concernait une rivière qui se jette dans le Saint-Laurent. Il n'y avait pas d'accord réciproque avec le Canada.
Le problème, c'est que vous ne pouvez pas manger le poisson américain, mais que vous pouvez manger le poisson canadien parce qu'il ne contient ni PCB ni mercure. Lorsque nous examinons les sources d'eau qui traversent la frontière internationale, il doit y avoir un lien là aussi, car les contaminants peuvent descendre. Ils ne vont pas s'arrêter à la frontière et les prises d'eau se trouveront de part et d'autre de cette dernière.
Une collaboration s'impose pour la sécurité de tous nos concitoyens.
Je vous remercie de la question.
Je crois que le Canada doit reconnaître, encore une fois, les droits inhérents et les droits issus de traités des Premières Nations et prendre l'initiative de réunir les ordres de gouvernement, tant provincial que fédéral.
Il s'agit vraiment d'harmoniser les différentes lois et de reconnaître les lois des Premières Nations de manière à ce que l'eau soit protégée à sa source et que les représentants de nos droits inhérents soient sur un pied d'égalité à ces différentes tables.
M. Leblanc a parlé du bassin hydrographique, de ce genre de zones territoriales, et je pense qu'un exercice doit avoir lieu. Je ne peux pas parler au nom des nations signataires de traités. Je pense que nous devons prendre le temps de construire cela, car je crois que c'est possible de le faire. C'est vraiment la première étape.
Nous pouvons discuter toute la journée pour savoir qui a fait quoi et qui n'a pas fait quoi. Je crois, encore une fois — et je vais le répéter parce que j'ai été un peu attristé que nous essayions d'en faire une question partisane — que les Premières Nations ont absolument le droit d'avoir de l'eau propre et potable. Nos enfants, nos bébés, nos aînés, tout le monde y a droit. Nous en sommes privés depuis bien trop longtemps, et c'est une situation que le colonialisme a engendrée.
Encore une fois, le Canada a l'occasion de reconnaître ces droits et de faire intervenir l'ordre juridique ou les partenaires gouvernementaux pour que ces discussions soient tenues dans des espaces appropriés.
Merci beaucoup, monsieur Shields.
Monsieur Saunders, je sais que vous avez levé la main, mais cette série de questions est terminée. Soyez assuré qu'il y en aura un autre.
Sur ce, je cède la parole à M. Hanley. Monsieur Hanley, vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins d'aujourd'hui de leurs témoignages très poussés.
Cheffe Beaudin, j'ai quelques questions à vous poser. Comme je suis médecin en santé publique, j'ai été interpellé lorsque vous avez parlé des déterminants sociaux de la santé et de leur lien avec l'accès à l'eau potable. Les déterminants sociaux de la santé sont des éléments tels que l'éducation, l'emploi, le revenu et la présence de traumatismes historiques.
Pouvez-vous préciser comment l'accès à l'eau potable et, en particulier, la description qu'en donne le projet de loi sont liés aux déterminants sociaux de la santé en général.
Je vous remercie de la question.
Je ne pense pas que vous puissiez parler des déterminants sociaux de la santé sans que la base soit l'eau potable. Je pense que tous les aspects, du bain à la consommation, à...
Par ailleurs, lorsque je parle de consommation, je ne parle pas seulement de boire de l'eau propre. Nous venons d'entendre une question sur la protection des sources d'eau. Nous avons les volatils que nous mangeons et les poissons que nous mangeons. Nous appelons les animaux que nous mangeons des « quadrupèdes ». Lorsqu'ils n'ont pas d'eau potable et que nous les mangeons, notre corps tombe malade.
Si notre santé physique n'est pas totalement équilibrée et si nous n'avons pas accès, nous et nos animaux, à de l'eau potable, les enfants risquent de ne pas aller à l'école. Lorsque nous parlons de pauvreté, il ne s'agit pas seulement de pauvreté financière, mais aussi de pauvreté en matière d'éducation. En ce qui concerne le mercure et d'autres substances présentes dans l'eau potable, nous n'avons pas non plus accès à des médecins aptes à répondre à nos différents besoins sur le plan médical.
Nous sommes tous interreliés, que nous soyons humains ou, comme je l'ai dit, les nageurs, ceux qui volent dans le ciel ou les quadrupèdes. Nous sommes tous interreliés. L'eau, c'est la vie. Lorsque nous parlons des déterminants sociaux de la santé, si nos animaux ne sont pas en bonne santé et si l'eau n'est pas salubre, nous ne serons pas en bonne santé. Par conséquent, nous ne pouvons pas contribuer à notre nation et à la société — ou à ce qui est aujourd'hui le Canada.
Je vous remercie.
Je vais devoir vous quitter une minute. Il se peut que je ne revienne pas.
Grande cheffe adjointe Achneepineskum, vous avez parlé de confiance. J'ai été intrigué lorsque vous avez dit que les gens avaient du mal à boire l'eau après la levée d'un avis, ce qui témoigne de la confiance que les citoyens ont, soit dans l'avis qui est donné, soit dans la salubrité de l'eau elle-même.
Comment croyez-vous que cette loi contribuera à rétablir cette confiance?
Je vous remercie de la question.
Pouvez-vous imaginer que vous êtes né et avez grandi dans une collectivité où vous n'avez jamais pu boire l'eau directement du robinet? Vous grandissez dans cette collectivité et dans cet état d'esprit, et puis un jour, on vous dit que vous pouvez boire l'eau. C'est très troublant pour nous de nous y adapter, et la confiance est donc une question importante.
Je voulais juste formuler quelques observations supplémentaires sur les déterminants sociaux. Nous avons reçu des personnes souffrant d'éruptions cutanées très graves. Ce sont surtout des enfants qui sont touchés. Nous avons aussi des citoyens qui ne peuvent pas faire de dialyse à domicile à cause de la qualité de l'eau. Ils doivent se rendre dans un centre urbain pour avoir une dialyse — même une dialyse à domicile.
Une chose que tout le monde tient pour acquise ne l'est pas dans bon nombre de nos communautés des Premières Nations.
Merci beaucoup, monsieur Hanley.
[Français]
Monsieur Lemire, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
Merci, monsieur le président.
Avant de poursuivre, j'aimerais dire que je sens un certain malaise chez les témoins à l'égard du projet de loi. Nous avons nous-mêmes ce sentiment, et je pense que l'ensemble des formations politiques sont du même avis. Il faudrait que les fonctionnaires puissent nous décrire très clairement ce qui constitue une zone de protection. La définition n'est pas claire dans le projet de loi. J'ai l'impression que c'est quelque chose qui manque au projet de loi, actuellement. Cela semble être un nœud qu'il serait très utile de dénouer pour nos délibérations. Je demanderais donc aux fonctionnaires de Services aux Autochtones Canada de bien vouloir nous fournir la définition d'une zone de protection.
Grand chef Benedict, depuis la première rencontre du Comité au sujet du projet de loi C‑61, je garde toujours à l'esprit des organisations créées par le gouvernement et la province de l'Ontario, comme la Nation métisse de l'Ontario et l'organisation Algonquins of Ontario, puisqu'elles sont actives sur les territoires ancestraux des Anishinabe et qu'elles réclament les droits des territoires de ces derniers.
Comme on peut le constater, le projet de loi C‑53 a été mis de côté pour l'instant. Le ministre n'a pas voulu soumettre cette question précisément pour définir leurs droits. On lui a parlé de la question du chevauchement territorial. On réfléchit à propos du paragraphe 12(1) et de l'interprétation qu'on peut en faire.
Croyez-vous qu'on devrait être beaucoup plus précis pour ce qui est de déterminer quels sont les droits des Premières Nations sur leur territoire, quelles Premières Nations sont reconnues et qui peut parler au nom des Premières Nations, dans le contexte?
[Traduction]
Il est clair pour moi que ce projet de loi ne concerne que les membres des Premières Nations et les membres des Premières Nations vivant dans les réserves. Les Métis ne vivent pas sur les terres des Premières Nations, de sorte que le projet de loi dans sa forme actuelle, que nous appuyons, ne touche pas les nations métisses.
L'article 12 parle de traités modernes et d'autonomie gouvernementale, mais le ministère a une politique sur le droit inhérent. Un certain nombre de communautés négocient des accords d'autonomie gouvernementale, qui sont des mécanismes qui, en fin de compte, reconnaissent les compétences qui ont toujours existé pour les communautés. Si une communauté souhaite se doter de mesures législatives, cette loi lui permettra de le faire.
Par ailleurs, comme je l'ai dit, dans ma communauté d'Akwesasne, si les compétences étaient transférées aux provinces, les habitants dépendraient des lois québécoises et des lois ontariennes pour régir leur eau. Imaginez ce que cela voudrait dire d'avoir deux systèmes en fonction de l'endroit où se trouve votre usine de traitement de l'eau, deux systèmes pour encadrer la façon dont vous allez procéder. De plus, il n'est pas pratique d'avoir deux ensembles de règles pour lesquels votre personnel doit être formé. Ce serait donc une bonne chose d'avoir des mécanismes et une loi qui reconnaissent les accords d'autonomie gouvernementale ou les traités modernes. Sauf que cela ne concerne pas les droits des Métis.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur Lemire.
[Traduction]
Nous passons maintenant à Mme Ashton pour deux minutes et demie.
Je vous remercie.
Nous savons tous que la crise de l'eau potable est directement liée à la crise du logement qui touche les Premières Nations. On a récemment appris qu'en matière de logement, le gouvernement fédéral a lésé les Premières Nations des provinces des Prairies d'un quart de milliard de dollars au total. Essentiellement, le premier ministre et son cabinet ont décidé d'exclure la possibilité de rembourser les Premières Nations des provinces des Prairies à qui ils ont volé cet argent.
Dans ma circonscription, les communautés éloignées des Premières Nations, comme celles de Garden Hill et d'Island Lake, sont aux prises avec l'une des pires crises du logement au pays. Nous savons également que pour une communauté comme Garden Hill, le manque de logements convenables signifie que lorsque l'eau arrive jusqu'à eux, elle est souvent contaminée.
J'imagine qu'il existe des situations similaires dans les communautés de votre région. Lorsqu'il est question d'usines de traitement de l'eau, de systèmes d'adduction, etc., l'absence d'infrastructures qui résistent au climat est également un vrai problème.
Il est clair pour moi que la résolution du problème de l'eau potable passe par la résolution de la crise du logement. J'invite tous ceux qui le souhaitent à nous expliquer comment le manque de logements et d'infrastructures adéquats nuit à la capacité qu'a leur communauté de disposer d'une eau potable de qualité.
J'ai été déléguée pour parler de cela. Pouvez-vous répéter votre question de façon succincte, s'il vous plaît?
Bien sûr. Quel est le lien entre le manque de logements et d'infrastructures adéquats et la crise de l'eau potable?
Je ne crois pas que le projet de loi C‑61 apporte une solution à la crise du logement et à celle des infrastructures. J'ai une formation de technologue en génie civil. J'ai une formation et de l'expérience dans ce domaine. Bien qu'il y ait, je dirais, des liens avec la crise de l'eau potable, je crois que chacune de ces trois crises a besoin de sa propre loi.
Aujourd'hui, nous parlons d'avoir accès à une eau potable et propre. Des rapports commandés par l'Assemblée des Premières Nations ont été remis au gouvernement du Canada — et les députés y ont accès — dans le but de lier ces choses entre elles. Il y a également un rapport sur le logement et l'itinérance. Au milieu des années 2000, je crois, des rapports de comités sénatoriaux ont commencé à parler de l'interdépendance de tous ces éléments et de ce qui devait être fait.
À l'heure actuelle, nous étudions le projet de loi C‑61, ce qui est un pas dans la bonne direction. Le projet de loi C‑61 ne résoudra pas la crise du logement. Il ne résoudra pas non plus le problème des infrastructures, et nous ne devrions pas non plus mettre tous ces enjeux dans le même sac. Ce sont tous des dossiers en eux-mêmes.
Cela dit, en ce qui concerne l'eau potable, nous ne pouvons pas laisser traîner les choses. Aucun d'entre nous, quelle que soit la couleur de sa peau et le parti politique qu'il représente, ne peut vivre sans eau.
C'est la question des déterminants sociaux de la santé. Lorsque les communautés n'ont pas accès à l'eau potable, que boivent-elles d'autre? Elles boivent des boissons gazeuses et des produits transformés offerts dans leur communauté, ce qui déclenche d'autres maladies que l'on voit couramment au sein des Premières Nations.
Je pense que lorsque nous étudions ce projet de loi sur l'eau, nous devons mettre l'accent sur cet aspect des choses. Bien qu'il y ait d'autres éléments d'infrastructure connexes qui font partie du portrait d'ensemble, je pense qu'il est erroné de laisser croire que cette loi résoudra la crise de l'eau ou la crise des infrastructures qu'ont engendrées des décennies de colonialisme.
Je vous remercie.
Merci beaucoup, madame Ashton.
Voilà qui conclut notre deuxième tour de questions.
Sur ce, je tiens à remercier tous nos témoins d'avoir été là aujourd'hui. Les témoignages que vous avez fournis seront très utiles pour nos travaux. Je sais que de nombreuses recommandations ont été formulées dans les témoignages que vous nous avez livrés aujourd'hui. Toutefois, si vous souhaitez nous soumettre d'autres éléments par écrit, n'hésitez pas à le faire. Tout ce que vous nous fournirez continuera à alimenter notre travail.
Sur ce, le Comité est‑il d'accord pour mettre un terme à cette réunion?
La séance est levée.
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