Je vous prie de bien vouloir nous excuser pour le retard, mais les votes ont toujours la priorité ici. Nous allons maintenant pouvoir commencer.
La séance est ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 82e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
Comme le permet le Règlement, la séance d'aujourd'hui se tient en format hybride. Maintenant que nous avons entrepris nos délibérations, les captures d'écran, les photos et les enregistrements ne sont plus autorisés.
Nous avons droit aujourd'hui à des services d'interprétation dans trois langues, soit le français, l'anglais et l'inuktitut.
Parlant d'inuktitut, je tiens à rappeler à tout le monde que nous célébrons la Journée internationale des Inuits, un événement important que notre comité ne doit pas manquer de souligner. J'espère que chacun aura ainsi l'occasion de réfléchir à nos relations avec les Inuits et aux moyens à prendre pour que notre société puisse continuer à évoluer.
Je souhaite la bienvenue aux témoins qui sont présents avec nous dans la salle. Nous avons aussi pour cette première portion de notre séance un invité qui participera par vidéoconférence. Je demanderais simplement à tous de bien vouloir parler lentement et clairement de telle sorte que nos interprètes puissent faire leur travail.
Avant de permettre à nos témoins de présenter leurs observations préliminaires, je veux rappeler à mes collègues qu'il est grand temps que nous commencions à songer aux amendements que nous voudrions proposer pour ce projet de loi. N'oubliez surtout pas que tous les amendements et sous-amendements doivent être transmis par écrit à notre greffière d'ici le 29 novembre. Comme cette échéance approche à grands pas, n'attendez pas trop pour réfléchir à vos éventuelles propositions. Si vous décidez de proposer des amendements, veuillez communiquer vos directives par écrit à notre greffière législative, Alexandra Schorah, qui verra à ce qu'ils soient rédigés dans un format législatif approprié.
Maintenant que ces questions de régie interne sont réglées, nous pouvons sans plus tarder souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons donc dans un premier temps deux représentants de la Manitoba Métis Federation, à savoir M. Al Benoit, chef de cabinet et conseiller principal et M. William Goodon, ministre du Logement. Par vidéoconférence, nous recevons M. Ken Coates, président du Programme d'études sur la gouvernance autochtone à l'Université du Yukon.
Chacune des deux organisations dispose de deux minutes pour nous présenter sa déclaration liminaire. Je vous présenterai un carton jaune lorsqu'il vous restera 30 secondes et un carton rouge lorsque vous n'aurez plus de temps. Je ne vous demande pas de vous arrêter en plein milieu d'une phrase, mais de conclure aussi rapidement que possible de telle sorte que nous puissions passer aux questions des membres du Comité. Nous voulons que chacun ait la chance de s'exprimer.
Étant donné le retard que nous accusons aujourd'hui, nous allons malheureusement devoir écourter les périodes de questions. Quoi qu'il en soit, je m'efforcerai de gérer le tout avec un maximum d'équité.
Tous les tests de son requis ont été effectués.
Comme M. Coates est en ligne, je pense que ce serait une bonne idée de lui céder la parole pour les cinq premières minutes, car on ne sait jamais à quel moment la technologie peut nous faire faux bond.
Nous entendrons ensuite nos témoins présents dans la salle avant de passer au premier tour de questions.
À vous la parole, monsieur Coates. Vous avez cinq minutes pour vos observations préliminaires.
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Je suis vraiment honoré de pouvoir prendre la parole devant votre comité pour discuter de cet enjeu que j'estime crucial. Il s'agit de combler l'une des lacunes les plus importantes faisant obstacle depuis trop longtemps à la reconnaissance des droits des Autochtones au Canada.
Voici donc quelques observations pour nous aider à mieux situer les choses dans leur contexte.
À l'instar de la plupart des politiques principales touchant les Autochtones, le projet de loi cherche à corriger une injustice historique. C'est ainsi que nous pourrons en arriver un jour à une situation où nous n'aurons plus à regarder derrière nous pour régler les problèmes de la Confédération, ce qui nous permettra de nous tourner résolument vers l'avenir en faisant montre d'une plus grande créativité.
Lorsque la Confédération a vu le jour, le gouvernement du Canada a dû faire un constat qui ne le réjouissait pas tout particulièrement. Il n'avait en effet d'autre choix que de traiter avec les Métis parce qu'il s'agissait d'un peuple distinct au sein d'une société en évolution rapide dans l'Ouest canadien.
À l'époque, on avait les Métis en haute estime en raison de leur sens des affaires, de leurs liens aussi bien avec les nouveaux arrivants qu'avec les peuples autochtones, et de leurs prouesses militaires.
Le gouvernement fédéral du Canada a donc traité avec les Métis lors de la création de la province du Manitoba, processus qui ne s'est malheureusement pas bien terminé pour le peuple métis. Des certificats ont alors été accordés aux Métis pour reconnaître leurs droits sur le territoire, mais ont ensuite été plutôt mal gérés. C'est ainsi qu'il y a eu affrontement entre les Métis et le fédéral au cours de la Résistance de 1885.
Après le revers encaissé par les Métis en 1885, le gouvernement du Canada a refusé de traiter avec eux en tant qu'entité politique ou que collectivité. Cette approche a perduré pendant des générations, malgré les démarches assidues des Métis dans leur quête de reconnaissance auprès du gouvernement.
Différents facteurs économiques et sociaux ont mené à la dispersion de la population métisse. Chose tout à fait compréhensible, elle s'est déplacée vers les territoires du Nord et de l'Ouest.
Comme ils n'avaient pas de statut juridique et de droits reconnus à titre de peuple autochtone, les Métis ont échappé à quelques-unes des interventions les plus dévastatrices pour les membres des Premières Nations. Certains enfants métis ont tout de même dû fréquenter des pensionnats indiens alors que leur peuple a dû composer avec une discrimination socioéconomique qui s'est généralisée. Les Métis ont en outre été privés de la reconnaissance officielle de leur existence à titre d'entité politique.
C'est tout à l'honneur des politiciens et des chefs métis d'avoir poursuivi au cours des années subséquentes un militantisme qui a finalement mené à leur intégration aux débats politiques sur les droits des Autochtones dans les années 1960 et 1970. C'est aussi ce qui explique leur prise en compte dans le processus de rapatriement de la Constitution canadienne en 1982.
Depuis lors, les Métis ont déployé toute une panoplie de moyens juridiques et politiques pour faire reconnaître leurs gouvernements lorsque l'application de l'article 35 de la Constitution ne permettait pas de régler la question d'emblée.
Divers jugements des tribunaux ont mené progressivement à une plus grande reconnaissance des droits des Métis. Comme on aurait dû le faire depuis longtemps déjà, on reconnaît avec le projet de loi l'existence des Métis comme entité politique détenant des droits et, par le fait même, comme élément important du tissu national et culturel du Canada.
J'aurais encore quelques brèves observations à vous soumettre.
Cette reconnaissance revêt une importance planétaire. Nous suivons de près la lutte que les peuples autochtones doivent livrer de par le monde pour que l'on reconnaisse leurs droits et que l'on réponde à leurs besoins particuliers. On prend rarement en considération les chocs culturels uniques provoqués par les contacts entre les nations. Ce projet de loi représente un important pas dans cette direction.
Il faut souligner par ailleurs que le projet de loi tire parti de plus de 50 années d'apprentissage national collectif issu de la négociation des traités modernes et de la restructuration des partenariats protégés par la Constitution. Ce processus s'est amorcé par la négociation d'ententes sur les revendications territoriales globales, des accords très complexes qui devaient nous procurer une solution définitive. Voilà cependant que 30 ou 40 ans plus tard, ces ententes que nous avons signées n'ont toujours pas été pleinement mises en œuvre.
Il s'agissait en fait d'un processus remarquable et tout à fait adapté à la situation qui prévalait à ce moment‑là. On propose ici quelque chose de très différent. Je me réjouis des efforts déployés en ce sens par le gouvernement et les nations métisses.
On s'appuie pour ce faire sur un principe simple et essentiel. Il s'agit de reconnaître officiellement et très ouvertement les nations métisses à titre d'entités politiques. Plutôt que d'essayer de régler toutes les questions d'un seul coup, comme on l'a fait avec les traités modernes dans le Nord canadien, on s'attaque davantage à la base de la problématique. La reconnaissance est le point de départ qui permet aux nations métisses de négocier des accords d'autonomie gouvernementale traitant plus directement et précisément des détails pratiques liés à la gouvernance.
Le projet de loi établit la fondation qui permettra au Canada de redéfinir et de rebâtir ses liens avec les Métis.
Il s'agit à mes yeux d'une innovation ambitieuse et utile. C'est ainsi que les nations métisses pourront élargir leur offre de services et de programmes. Il y a beaucoup de travail à faire. L'une des tâches les plus importantes consistera à mieux définir les relations avec les différents groupes métis ainsi qu'avec les Premières Nations d'une manière plus générale.
Il s'agit de mettre en marche un processus. Ce n'est pas une fin en soi. On établit une base en misant sur la reconnaissance. On ne manquera pas de se heurter à des embûches de toutes sortes pouvant aller des frontières du territoire jusqu'à l'appartenance, en passant par la citoyenneté. On fait tout au moins un pas crucial dans la bonne direction en contribuant à l'épanouissement des constitutions et des gouvernements nationaux des Métis. C'est un processus dynamique et des plus important que l'on doit aborder avec beaucoup d'enthousiasme.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Merci. Nous avons tous les deux un exposé à vous présenter.
Bonjour à vous, monsieur le président, de même qu'à mesdames et messieurs les membres du Comité et aux gens qui nous regardent.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, nous sommes fiers de souligner la Journée internationale des Inuits. Nous savons également que l'on célébrera demain la Journée nationale des vétérans autochtones. Notre nation a pris part à un grand nombre de guerres et de conflits au sein des troupes canadiennes.
Nous sommes ravis de pouvoir comparaître devant le Comité au nom de la Manitoba Métis Federation, le gouvernement national des Métis de la rivière Rouge.
Comme vous le savez, nous sommes en train de mettre la touche finale à l'Entente de reconnaissance et de mise en oeuvre de l'autonomie gouvernementale des Métis du Manitoba. Cette entente devrait être signée sous peu par notre président et par le ministre avant d'être soumise à la ratification finale du Parlement.
Parlons maintenant du vol d'identité. Lorsque le Canada ratifie un traité et qu'il légifère à ce sujet, il doit se demander à qui il a affaire. La question a déjà été posée par les Chefs de l'Ontario, mais nous la jugeons assez importante pour la répéter. Qui la Nation métisse de l'Ontario représente‑t‑elle? Elle ne représente pas en tout cas la communauté métisse historique.
Le problème ne doit pas être passé sous silence. Les Canadiens ne peuvent pas adopter une approche en vertu de laquelle ils vont d'abord accorder la reconnaissance pour poser des questions par la suite. Il faut obtenir les réponses nécessaires avant de conférer cette reconnaissance pour laquelle les Métis des Prairies luttent depuis des siècles.
Nous avons été en guerre contre le Canada en 1870 et en 1885 avant de nous enrôler en grand nombre quelques décennies plus tard pour nous battre au sein des troupes canadiennes à l'occasion des deux grandes guerres mondiales. Un peu de la même manière, nous avons non seulement établi des alliances avec les Premières Nations des Prairies, mais les avons également combattues. Tout ça pour vous dire qu'aussi bien le Canada que nos voisins des Premières Nations dans les Prairies nous connaissent comme étant les Métis de la rivière Rouge.
Les individus qui se prétendent métis en Ontario ne sont pas reconnus comme tels dans cette province. Pas plus tard que la semaine dernière, les Chefs de l'Ontario ont indiqué au Comité que leurs anciens n'avaient aucun récit de Métis ayant déjà vécu sur leurs territoires. Il n'est plus question ici d'une simple usurpation d'identité par un universitaire ou une autrice. C'est plutôt l'identité de toute une nation que l'on cherche à voler.
Les Ontariens qui se prétendent métis se drapent dans le drapeau des Métis de la rivière Rouge. C'est notre drapeau qui flottait à Seven Oaks sur les bords de la rivière Rouge. C'est bien simple, s'il était vrai que ceux qui se disent métis en Ontario font partie des nôtres, pourquoi alors parlerait-on de gigue de la rivière Rouge ou encore de charrette de la rivière Rouge? Pourquoi nos broderies perlées seraient-elles ornées de fleurs des Prairies? Pourquoi nos victoires, nos héros et nos symboles nationaux proviendraient-ils tous des Prairies?
Notre nation existe depuis des siècles. Nous voulons que le Comité soit assuré que ces « communautés historiques métisses » que l'on retrouve un peu partout en Ontario n'ont aucun lien avec nous.
Je vous remercie. Je vais maintenant céder la parole à M. Benoît.
Le 26 octobre dernier, des témoins ont déclaré devant votre comité: « Nous méritons de progresser vers la réconciliation, comme tous les autres peuples autochtones. » et « conformément à la façon dont d'autres projets de loi sur l'autonomie gouvernementale des Autochtones ont été examinés. » Ils ont aussi indiqué: « le projet de loi ne porte que sur des questions internes à l'autonomie gouvernementale des Métis. » Le libellé du projet de loi vient toutefois contredire ces affirmations.
Premièrement, aucune disposition ne limite l'application des traités à venir aux seules questions touchant l'autonomie gouvernementale ou la régie interne. Deuxièmement, le projet de loi permettra dorénavant de conclure des traités en contournant la procédure parlementaire, ce qui contrevient aux modalités législatives s'appliquant à la ratification des traités pour tous les autres peuples autochtones. Contrairement à ce que prévoit le projet de loi , le processus approprié pour les traités modernes fait en sorte, depuis 1975, que les traités doivent être négociés, paraphés et ratifiés par le peuple autochtone concerné, signés par les parties en cause, puis soumis au Parlement. De cette manière, le Parlement peut connaître le contenu d'un traité avant d'adopter une loi et d'obtenir la sanction royale.
À titre d'exemple récent, votre comité a été saisi de la Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la nation dakota de Whitecap, laquelle a reçu la sanction royale le 22 juin dernier. La nation dakota de Whitecap a terminé la rédaction de son traité avant que le projet de loi ne soit présenté, et non après. De la même façon, notre traité de reconnaissance et de mise en oeuvre de l'autonomie gouvernementale des Métis de la rivière Rouge sera soumis sous peu au Parlement, en même temps que la loi permettant sa ratification. Vous aurez donc le traité entre les mains.
Le projet de loi donne lieu à un transfert sans précédent de pouvoirs constitutionnels du Parlement à la branche exécutive. Le Parlement n'assumera plus de rôle de supervision ou d'approbation dans le processus de ratification des traités. En bouleversant ainsi la pratique établie, le projet de loi crée un précédent inquiétant pour l'avenir de ces traités.
Les articles 5 à 7 sont particulièrement problématiques. Ils autorisent le gouverneur en conseil à donner force de loi à un traité, à lui conférer la protection constitutionnelle et à lui accorder la préséance sur toutes les autres lois fédérales, pour autant qu'il satisfasse à certaines exigences qui ne sont pas définies. Il n'est indiqué nulle part dans le projet de loi à quels exigences, normes ou critères il faut satisfaire pour qu'un traité soit approuvé. Que prévoit exactement le traité? Que pourrait‑il prévoir? Que prévoira‑t‑il au juste?
Rien n'indique que l'application doive se limiter aux enjeux internes liés à l'autonomie gouvernementale. Cela soulève une autre question qui semble pour l'instant sans réponse. Pourquoi empêche‑t‑on le Parlement de prendre connaissance d'un traité lorsqu'il doit entériner la loi permettant sa ratification? Comme le dirait mon père, c'est « sans queue ni tête ».
Si le Comité le juge bon, nous pourrons vous soumettre des recommandations en répondant à vos questions.
Bref, avec le projet de loi , on demande au Parlement d'approuver des traités protégés par la Constitution qui n'ont pas encore été rédigés et dont il ne peut prendre connaissance de la teneur.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je veux d'abord souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je dois dire que j'ai déjà eu le plaisir de travailler avec M. Coates alors que j'exerçais d'autres fonctions. J'ai énormément de respect pour sa connaissance des enjeux qui nous intéressent. Je suis heureux qu'il ait pu être des nôtres aujourd'hui. Je souhaite bien sûr également la bienvenue à MM. Benoit et Goodon, deux dignes représentants de ma ville.
Monsieur Benoit, vous avez fait allusion à votre père qui aurait sans doute parlé d'une approche « sans queue ni tête ». Mon père à moi aurait dit pour sa part qu'il fallait d'abord que les gens soient capables de distinguer la queue de la tête. Quoi qu'il en soit, je comprends très bien ce que vous voulez dire.
J'aurais une première question que je vais peut-être adresser à MM. Benoit et Goodon. On nous a fait part de nombreuses préoccupations concernant particulièrement les terres et les risques que l'adoption de ce projet de loi, sous une forme ou une autre, entraîne un empiétement sur certains territoires, dont les droits ont été attribués aux Premières Nations et aussi aux Métis du Manitoba, si on considère les choses de votre point de vue.
Pourriez-vous nous parler des répercussions que pourrait avoir ce projet de loi pour ce qui est du territoire? Si j'ai raison de présumer que vous avez certaines inquiétudes à cet égard, y a‑t‑il des amendements que vous pourriez proposer afin que cette mesure législative soit plus acceptable pour la Fédération des Métis du Manitoba relativement à cette question bien précise?
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Ce n'était pas nécessairement très clair. J'ai indiqué que rien n'était précisé. Il y a une chose qui est sûre, c'est que des amendements sont nécessaires.
Premièrement, il faut stipuler que les traités conclus en vertu de ce projet de loi ne doivent pas porter sur nos différents droits, y compris ceux conférés par l'article 35 et ceux touchant les terres, les ressources naturelles et l'eau. Ces traités doivent se limiter aux questions internes liées à l'autonomie gouvernementale. Il faut que cela soit explicitement indiqué dans le projet de loi.
Deuxièmement, il convient de préciser que l'obligation de consulter est une condition préalable à remplir pour qu'un traité puisse être signé.
Troisièmement, les traités doivent être entièrement rédigés et signés avant que le Parlement soit saisi d'un projet de loi visant leur ratification. Il faut de nouveau faire les choses comme il se doit.
Quatrièmement, il faut réécrire l'article 5 de telle sorte qu'il ne soit plus possible pour le gouverneur en conseil de décréter l'entrée en vigueur d'un traité avant même que ce traité et la loi visant sa ratification ne soient approuvés par le Parlement.
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Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs Coates, Goodon et Benoit.
J'aimerais vous poser une question sur la consultation, que vous venez tout juste d'aborder. C'est un mot qui revient dans la bouche de tous depuis le début des témoignages.
Monsieur Coates, vous l'avez mentionné tout à l'heure, en parlant de la question de l'identité ou de la légitimité.
J'aurais aimé entendre chacun d'entre vous nous en dire plus sur le type de consultation dont il est question. Plus tôt, monsieur Benoit, vous avez parlé du fond et de la forme, c'est-à-dire de la procédure, qui est très différente de ce qu'il peut y avoir dans le traité.
M. Goodon peut répondre en premier, suivi de M. Benoit et de M. Coates.
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C'est une excellente question.
J'ai mentionné au tout début qu'il s'agit d'un exercice unique à l'échelle mondiale, car dans les faits, la relation avec le territoire est au cœur de tous les autres traités modernes. En effet, que ce soit au Nunavut, au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et même dans les Premières Nations urbaines comme la Première Nation de Tsawwassen, la question du territoire est certainement au cœur des préoccupations.
Les Métis, indépendamment de leur volonté, ont été très largement dispersés dans l'Ouest du Canada et expulsés loin de la rivière Rouge par des processus que nos collègues métis connaissent très bien, mais ils ont également été repoussés encore plus loin, de la Saskatchewan vers les Territoires du Nord-Ouest, de sorte que l'on se retrouve avec une population métisse dispersée sur un vaste territoire. Certaines communautés métisses font face à des enjeux territoriaux dans les environs immédiats, mais de nombreux Métis ont été repoussés dans toutes sortes de régions différentes.
L'une des forces de la nation métisse, et j'utiliserai ici le terme collectif, c'est que cette communauté n'a pas seulement prospéré, mais elle s'est aussi fortifiée au cours des 50 à 100 dernières années. Même si ses membres ont été dispersés sans avoir accès au contrôle du territoire, ils ont fait un excellent travail sur le plan de la représentation politique et ils ont présenté des revendications politiques.
Je ne sais pas exactement à quoi cela ressemble dans le cadre du système d'éducation. Je sais qu'il s'agit d'une expérience passionnante et qu'au XXIe siècle, nous pouvons mieux comprendre ces questions. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de questions relatives aux territoires à régler, comme l'ont déjà dit nos collègues du Manitoba, mais il s'agit certainement d'une initiative importante.
La question de la dispersion de la population est au cœur des préoccupations de tous les peuples autochtones. Des habitants du Nunavut ont déménagé en grand nombre à Ottawa et à Montréal, et vous avez trouvé des systèmes pour intégrer ces gens dans votre gouvernance et dans votre administration. Je pense qu'il s'agit d'une expérience audacieuse et que nous devrions trouver un moyen d'y participer le mieux possible.
Je vous remercie.
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Oui, je vous remercie beaucoup. Je ferai de mon mieux pour répondre à cette question.
La réponse courte est non. Les 25 % qui ont été exclus étaient ceux qui, de toute évidence, n'avaient aucun lien avec quoi que ce soit, mais ce qui s'est passé après cela… Je ne sais pas si le Comité est au courant, mais en 2017, la province de l'Ontario et le gouvernement du Canada ont soudainement reconnu cinq, six ou sept nouvelles communautés ontariennes qui n'ont aucun lien avec la nation métisse historique. Si ces communautés ne sont pas liées à la nation métisse historique, et qu'il n'y a qu'une seule nation métisse, on est en droit de se demander qui sont ces gens.
Nous avons entendu les chefs des Premières Nations indiquer que leurs ancêtres sont récupérés pour recréer des communautés métisses là où il n'y en avait aucune, et je présume donc que cet accord entre la Nation métisse de l'Ontario… Les gens n'arrêtent pas de dire qu'il s'agit d'une entente entre la nation métisse ou le peuple métis de l'Ontario, mais ces gens ne sont pas des Métis, car ils n'ont aucun lien avec la nation métisse historique.
Il existe une entente entre des gens qui se disent Métis et le gouvernement du Canada, mais actuellement, il n'y a pas d'entente en Ontario, quel que soit le type, entre les Métis, les soi-disant Métis et le Canada.
Je sais que mon intervention n'est peut-être pas appropriée, et que je ne suis pas membre du Comité, mais c'est extrêmement… J'ai écouté et regardé les Chefs de l'Ontario la semaine dernière, et j'ai observé leur frustration lorsqu'on les a interrompus pendant qu'ils exprimaient différents points... C'est le processus habituel — je comprends cela —, mais en même temps, ces questions… Nous n'avons fait qu'effleurer la surface.
Il s'agit de politique métisse, mais c'est parce que l'intégrité de notre nation est en jeu, et nous avons du mal à accepter d'être mis de côté parce qu'il manque 15 minutes.
Je sais que nous avons la possibilité d'envoyer des observations écrites, et nous le ferons, je n'en doute aucunement. Toutefois, en même temps, si nous avions la possibilité de revenir, je pourrais rester ici toute la semaine au besoin et je n'hésiterais aucunement à comparaître à nouveau devant le Comité.
Très rapidement — et je terminerai mon intervention après ce point —, il y a deux témoins dans le groupe suivant qui travaillent tous les deux pour la Nation métisse de l'Ontario. Il s'agit de l'ancien président, Tony Belcourt, qui est consultant, et de Jason Madden, qui est conseiller juridique pour l'Ontario. Il semble qu'on accorde beaucoup de temps à ces personnes, et je crains que la nation métisse historique n'ait moins la possibilité de se faire entendre.
Je vous remercie.
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C'est une question que j'aborde depuis cinq ans dans les écoles, les universités et les institutions privées.
Dans le cadre de la politique autochtone, il y a une notion essentielle qui s'appelle le statut de nation. Le statut de nation n'est pas une question de sang mêlé. Je ne suis pas Métis parce que je suis de sang mêlé. Je suis Métis parce que j'ai des ancêtres qui étaient Métis et parce qu'il y a eu une ethnogenèse de notre peuple et de notre nation. Nous avons des marqueurs qui montrent que nous sommes une nation et un peuple, par exemple la langue et les liens de parenté, qui sont des choses très importantes. Si un Métis habite à Winnipeg et un autre à Edmonton, à Yellowknife, à Lac La Biche ou n'importe où dans la Patrie historique, il est certain que nous avons des liens de parenté. Il n'en va pas de même pour les nouvelles communautés de l'Ontario, qui se sont matérialisées soudainement en 2017.
D'autres marqueurs servent à nous identifier, notamment des marqueurs culturels. D'abord, les vêtements. Par exemple, sur les deux vestes que nous portons aujourd'hui, vous pouvez voir un type de perlage très distinctif, soit le perlage métis de la rivière Rouge. Il appartient à… Les Métis de la rivière Rouge ne viennent pas du Manitoba. Je tiens à le préciser. Les Métis de la rivière Rouge sont les mêmes que ceux de la nation métisse historique. Notre drapeau a été hissé à la rivière Rouge. Il n'a pas été hissé à Sault Ste. Marie. La charrette de la rivière Rouge et la gigue de la rivière Rouge, comme je l'ai déjà dit, servent à nous identifier. On parle de musique, de danse, de nourriture et de culture.
L'action politique est également l'un des principaux éléments mis en évidence par les politicologues. Nous pouvons remonter jusqu'à ce qu'on appelle la bataille de Seven Oaks — ou ce que nous appelons la victoire de la Grenouillère —, au XIXe siècle, jusqu'au président Louis Riel et à la rivière Rouge et au nord-ouest… Et jusqu'au XXe siècle également. Ce sont des d'actions politiques dans le cadre desquelles nous nous sommes réunis pour affirmer nos droits en matière de mode de vie, d'économie et de territoire.
Ce sont des choses qui façonnent une nation et un peuple. Ces éléments sont absents de ces communautés. Elles ont simplement réécrit ces choses en Ontario en utilisant une logique circulaire, et ce n'est donc pas la même chose.
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Certainement. Le colonialisme a eu lieu partout, mais nulle part ailleurs dans le monde il n'y a eu l'ethnogenèse d'un peuple comme la nation métisse historique qui s'est produite dans l'Ouest du Canada et dans le Nord-Ouest de l'Amérique du Nord. Je dirais donc que la réponse est non.
Y a‑t‑il des gens d'ascendance à la fois européenne et autochtone qui ont eu des mariages mixtes? Oui, bien entendu. Cela a‑t‑il donné lieu à l'ethnogenèse d'une nation? Non. Si nous parlons d'une nation, alors oui, il n'y a qu'une seule nation métisse historique.
La Nation métisse de l'Ontario aime utiliser le mot « communauté » parce qu'on a utilisé ce mot dans l'affaire Powley. Pour moi, cela reste problématique. En effet, une communauté n'est pas une nation. Il pourrait s'agir d'amis, de voisins et de gens qui vivent et travaillent ensemble, mais où sont les marqueurs dont j'ai parlé, c'est‑à‑dire la langue, la culture, la nourriture, la danse, la musique, les symboles et les héros? Louis Riel n'est pas leur héros. C'est le nôtre.
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D'accord. Nous vous enverrons nos recommandations, mais je pense que ce qui est vraiment important, c'est qu'un traité accompagne la loi. Il doit y avoir un moyen pour les députés de savoir sur quoi ils votent lorsqu'ils appuient le projet de loi et que celui‑ci reçoit la sanction royale.
Jusqu'à maintenant à la séance d'aujourd'hui, nous avons parlé des terres. Nous avons abordé l'obligation de consulter. Le dossier doit être soumis à l'examen du Parlement pour éviter que les traités ne soient pas rédigés sur des feuilles blanches. Il ne faut pas donner carte blanche aux décideurs. De plus, l'article 5 doit être complètement reformulé pour éviter de contourner le Parlement. Je sais que mon ministre a parlé de la possibilité de supprimer la Nation métisse de l'Ontario.
Ce qui compte vraiment... et on semble toujours revenir à l'arrêt Powley. Les gens en parlent toujours. Or, cet arrêt porte sur ce qui se passe dans les environs de Sault Ste. Marie. Maintenant, le critère a pris d'énormes proportions et s'applique à l'ensemble de l'Ontario. La décision a donné lieu à des principes pour déterminer l'appartenance, la citoyenneté et savoir quelles personnes et communautés ont des droits. À l'heure actuelle, l'arrêt se limite à Sault Ste. Marie.
Au Manitoba, la communauté métisse de la rivière Rouge a l'arrêt Goodon. Cet homme ici est allé en cour. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a beaucoup de choses à clarifier. Lorsque nous parlons du critère de la décision Powley, nous ne pouvons pas lui permettre de rendre les choses obscures et vagues. Si un élément n'est pas enchâssé dans le projet de loi, ne croyez pas qu'il s'y trouvera. Ne dites pas que cela fait référence à telle ou telle chose, car la page est complètement vierge.
Je vous remercie.
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C'est ce qui conclut la série de questions.
Sur ce, je dois mettre fin à cette partie de la séance.
Je remercie tous nos témoins, M. Coates, M. Benoit et M. Goodon, de s'être joints à nous aujourd'hui. Comme nous l'avons dit, nous sommes autorisés à recevoir des mémoires supplémentaires. Comme nous en avons discuté, nous serons ravis de recevoir tout document que vous aimeriez nous envoyer d'un maximum de 10 pages. Nous avons reçu beaucoup de documents, mais toute autre information qui, selon vous, nous aiderait à y voir plus clair dans ce projet de loi serait bienvenue. Vous pouvez envoyer le tout à notre greffière.
M. Jaime Battiste: [Inaudible]
Le président: On m'a aussi demandé la carte. Nous vous saurions gré de nous la faire parvenir.
Mesdames et messieurs, nous allons maintenant suspendre la séance pendant que nous accueillons le prochain groupe de témoins. Nous reprendrons dès que nous aurons terminé nos tests de son et que tout le monde se sera installé confortablement.
Pour l'instant, la séance est suspendue.
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Nous sommes prêts à reprendre. Notre deuxième groupe de témoins est en place. Nous en recevons trois.
Tout d'abord, nous avons avec nous dans la salle l'aînée Angie Crerar, de la Métis Nation of Alberta. Nous lui souhaitons la bienvenue.
Nous accueillons aussi deux témoins en ligne. Il s'agit d'Autumn Laing-LaRose, présidente du Conseil provincial des jeunes Métis au ministre de la jeunesse. Nous recevons également Jason Madden, avocat.
Je souhaite la bienvenue à chacun d'entre vous.
Nous allons commencer par notre invitée dans la salle. Elle est accompagnée de l'une de ses huit filles, m'a‑t‑on dit, qui va nous aider. Toute question doit tout de même être adressée à Mme Crerar.
Quand vous serez prête, vous pourrez prendre la parole. Veuillez nous raconter votre histoire.
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Aujourd'hui, je suis remplie de gratitude et d'espoir. Je suis prête à partager mon histoire et à parler de l'importance du projet de loi , du point de vue d'une fière aînée métisse.
Je suis née en 1936 à Fort Resolution, au sein d'une famille métisse aimante et d'une petite communauté. J'ai grandi avec le sentiment profond d'être aimée, désirée, chérie et en sécurité dans notre foyer. Mes parents m'ont enseigné l'importance de la gentillesse et du respect à l'égard des aînés. Mon père, qui parlait sept langues et servait d'interprète à la GRC, m'a beaucoup inspirée. Nous partagions l'orignal avec nos voisins et chassions pour eux, ce qui nous a appris l'importance de la générosité et du soutien de la communauté.
Ma vie a changé à jamais lorsque ma mère a attrapé la tuberculose en 1947. La GRC m'a arrachée à ma famille et à mes petites sœurs. Nous avons été envoyés au pensionnat autochtone de Fort Resolution. La séparation a été douloureuse. Ce que j'ai vécu là‑bas est à jamais gravé dans ma mémoire.
Pendant ces jours sombres, je me suis raccrochée aux mots de mon père, qui disait « un jour, un jour. » Ces mots ont éclairé ma voie, me rappelant de garder l'espoir et de faire preuve de résilience, quels que soient les défis. J'ai toujours su qui j'étais, même si nous ne pouvions pas en parler ouvertement. Mon père m'a appris qu'« un jour », notre nation serait reconnue, et que notre peuple se tiendrait fièrement.
Nous sommes déterminés à ce que nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants accomplissent de grandes choses, enracinées dans leur identité métisse. Ce « jour », c'est aujourd'hui.
Au cours des trois dernières années, j'ai vu notre peuple métis se rassembler, se renforcer et s'unir plus que jamais. Mon cœur déborde de fierté lorsque j'écoute les récits des survivants et des aînés qui ont enduré tant de choses, et qui en sont encore plus forts.
Je suis moi aussi une survivante. Je suis témoin de l'esprit inébranlable de notre peuple. Les souvenirs des horreurs que j'ai vécues me hantent encore. Depuis, j'ai toujours eu peur d'être dissimulée et réduite au silence.
Nous avons presque perdu notre nation métisse, mais nous sommes déterminés à assurer l'épanouissement de nos enfants. Le temps est venu pour notre peuple métis d'être reconnu comme la nation que nous avons toujours été, comme nous le méritons à juste titre.
Je vis à Grande Prairie, une communauté qui soutient ma guérison. J'ai la chance d'avoir 11 enfants, 22 petits-enfants et 16 arrière-petits-enfants. Ils sont toute ma vie.
Des députés: Bravo!
Mme Angie Crerar: Je ferai tout en mon pouvoir pour leur assurer un avenir meilleur.
Nous avons parcouru un long chemin depuis que nous sommes sortis de notre cachette. Le grand leadership, en particulier d'Audrey Poitras, nous a incitées à nous réapproprier nos voix.
Pour terminer, je tiens à souligner l'importance du projet de loi . Il constitue une occasion de reconnaître les injustices historiques subies par les Métis, ainsi que notre contribution inestimable à la société canadienne. C'est l'occasion de panser les plaies du passé et de bâtir un avenir meilleur pour la nation métisse et l'ensemble du Canada.
Je vous demande de soutenir ce projet de loi, afin d'honorer la résilience de notre peuple.
Mon père avait raison lorsqu'il disait « un jour, un jour. » Ce jour, c'est aujourd'hui, car vous veillez enfin à ce que nos droits soient reconnus et garantis pour les générations à venir. Je vous en remercie.
[Le témoin s'exprime en langue autochtone.]
[Traduction]
Bonjour à tous. Je m'appelle Autumn Laing-LaRose.
Je me joins à vous aujourd'hui avec un grand optimisme et un sentiment d'utilité en tant que présidente élue du Conseil provincial des jeunes Métis et ministre de la jeunesse de la Métis Nation-Saskatchewan.
Tout d'abord, je tiens à souligner les progrès incroyables que les Métis ont réalisés. Notre identité unique a survécu malgré les tentatives d'assimilation et de colonialisme pendant des générations.
J'ai récemment terminé mon stage en enseignement à Saskatoon. Il s'est déroulé dans une école publique avec laquelle la Nation métisse de la Saskatchewan s'est associée afin de fournir des fonds et des ressources pour des programmes scolaires sur la culture des Métis.
Notre classe de 8e année organisait tous les lundis une cérémonie de purification, à laquelle se joignaient les élèves de la maternelle. La première fois que j'ai pu y participer, j'en ai eu les larmes aux yeux. Grâce au travail accompli par mon gouvernement métis, les enseignants métis et les aînés métis, les enfants métis avaient accès à des expériences culturelles dans leurs salles de classe.
Du vivant de ma propre mère, des enfants étaient arrachés de leur foyer et battus parce qu'ils parlaient leur langue, pratiquaient leur culture et étaient tout simplement des Métis.
La nation métisse travaille d'arrache-pied pour réparer les torts complexes que subissent nos jeunes, en raison de la perte de leur culture, leur langue et leur identité. Elle seule peut le faire grâce à son droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Pendant mon enfance, ma mère travaillait pour une association locale de Métis, qui est un organe directeur de notre nation métisse ici en Saskatchewan. Lorsque j'ai eu 12 ans, j'ai commencé à faire du bénévolat lors des soupers de Noël organisés pour les enfants et les aînés. À 18 ans, ils m'ont offert pour mon premier emploi à temps plein. Aujourd'hui, à 27 ans, je travaille à leurs côtés à l'Assemblée législative de la nation métisse ici, en Saskatchewan.
La gouvernance communautaire des Métis a joué un rôle essentiel dans le maintien de notre culture, notre langue et notre histoire. Ce sont ces organes directeurs qui nous dictent la voie à suivre en tant que Nation métisse de la Saskatchewan. Nous avons toujours été là, et il est temps que le gouvernement fédéral fasse preuve de diligence raisonnable.
En tant que citoyens métis de la Nation métisse de la Saskatchewan, nous pouvons voter pour nos dirigeants élus et participer à l'Assemblée législative de notre nation dès l'âge de 16 ans, étant donné que nous reconnaissons l'importance de la participation des jeunes métis. Nos expériences, nos aspirations et nos préoccupations contribuent à façonner les politiques et les initiatives que nos gouvernements mettent en place. En intégrant nos voix au processus décisionnel, nous créons un gouvernement métis inclusif, représentatif, et qui répond aux besoins de tous ses membres.
Au printemps cette année, nous avons organisé un atelier d'une journée pour les jeunes sur la DNUDPA, avant de tenir une conférence de deux jours. À cette occasion, les jeunes ont dit vouloir que le Canada rende des comptes. Ils souhaitaient aussi qu'il y ait moins de solutions de fortune et plus de solutions qui s'attaquent au cœur des problèmes.
L'adoption du projet de loi confirmera notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et aura un impact direct sur la trajectoire de notre nation métisse. Il constitue un tremplin vers l'établissement d'un traité moderne entre le gouvernement du Canada et la Nation métisse de la Saskatchewan.
J'entends souvent dire que les jeunes sont notre avenir. Ils sont bien plus. Nous faisons partie intégrante de notre présent. Nos voix méritent d'être entendues et nos points de vue doivent être pris en compte lors de l'élaboration des politiques qui ont un impact sur notre bien-être collectif. Pour vous, ce n'est peut-être qu'un mardi comme les autres, mais pour moi, je viens plaider pour un avenir meilleur, un avenir où je sais non seulement qu'on s'occupe de nous, mais aussi que les torts ont été réparés.
Les membres du Comité ont la rare occasion de changer ma vie pour toujours. Lorsque vous vous demanderez qui cela concerne, souvenez-vous de mon visage et des visages de ceux qui vous ont parlé, comme Jordyn Playne et Hayden Stenlund.
La question que je vous pose est la suivante: allez-vous écouter ce que disent les jeunes métis ou allez-vous renoncer à cette occasion de réconciliation?
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Jason Madden. Je suis citoyen de la nation métisse et je suis membre d'une communauté métisse très connue dans le nord-ouest de l'Ontatio, qui fait partie de la nation métisse, quelle que soit la carte que vous consultez.
Depuis les 20 dernières années, je fais partie des avocats qui travaillent en cour pour s'assurer que l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 soit finalement mis en œuvre. J'ai travaillé en tant qu'avocat sur des causes ayant trait aux droits des Métis en Ontario et dans le Sud du Manitoba. J'ai été l'avocat de M. Goodon dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest de la Saskatchewan et en Alberta. J'ai participé à toutes les causes examinées par la Cour suprême du Canada ayant trait aux droits des Métis.
Avant d'expliquer les raisons pour lesquelles le projet de loi constitue un pas très important pour les Métis, j'aimerais porter certains faits à l'attention du Comité, car, la semaine dernière, de nombreuses fausses informations lui ont été présentées.
Soyons clairs. Personne ne viendra dire à moi-même, à Hayden Stenlund, à Jordyn Playne ou à tout autre Métis que nos familles et communautés métisses n'existent pas. Ce n'est pas parce qu'une personne déclare que les communautés métisses n'existent pas ou qu'elles ne peuvent pas exister sans sa permission qu'elle a raison.
Examinons quelques faits historiques concernant ma communauté métisse.
Si nos ancêtres étaient uniquement des Anishinabe, une adhésion des Métis au Traité no 3 en 1875 n'aurait pas été nécessaire. Il aurait pu s'agir d'une adhésion des Indiens. Il y a eu une adhésion de la Première Nation de Lac Seul en 1874. Nicolas Chatelain, qui a signé cette adhésion, n'était pas un chef Anishinabe. Si l'adhésion des Métis au Traité no 3 avait fait d'eux des Indiens, cela aurait été précisé dans le Traité. Ce n'est pas le cas. Lisez‑le.
En 1878, Nicolas Chatelain a présenté une demande pour obtenir un certificat de Métis, car, comme il le disait, le Canada ne respectait pas les promesses qu'il avait faites aux Métis à Fort Frances.
Ce sont là des faits réels. Une grande partie de ce qui a été dit la semaine dernière ne tenait pas compte de ces faits bien documentés et de l'histoire des Métis. Bien des propos étaient très offensants et tout simplement faux. Je tiens à le dire à l'intention du peuple métis qui nous regarde et, particulièrement, des jeunes Métis qui écoutent les délibérations.
Est‑ce que le Comité accepterait que de tels propos soient tenus au sujet des Québécois ou d'autres groupes non représentés au Canada? Je ne pense pas.
Bien que les Premières Nations aient entièrement le droit d'être consultées lorsqu'une mesure prise par la Couronne a des répercussions défavorables sur leurs propres droits et intérêts, les Métis n'ont absolument aucune obligation de consulter qui que ce soit ou de demander la permission à quiconque en ce qui a trait à leur existence en tant que peuple et leur identité. N'importe qui peut faire une déclaration générale et sans fondement devant le Comité ou dans le rapport d'une commission rédigé par des consultants qui ne sont même pas des historiens et qui rejette le cadre juridique défini dans l'arrêt Powley. Cela ne rend pas l'objection valable.
J'exhorte le Comité à lire la partie traitant des perspectives des Métis dans le Rapport de la Comission royale sur les peuples autochtones ou à lire l'arrêt Powley de la Cour suprême du Canada. L'histoire des Métis ou la lutte des Métis pour leurs droits n'a rien de nouveau. Après 20 ans, l'arrêt Powley demeure la seule décision de la Cour suprême du Canada à confirmer l'existence d'une communauté métisse historique et contemporaine qui jouit des droits conférés par l'article 35.
L'arrêt Powley concerne la communauté métisse de Sault Ste. Marie, et soyons clairs: elle se trouve dans le centre-nord de l'Ontario, et non le long de la rivière Rouge. On ne s'est pas appuyé sur les faits relatifs à la rivière Rouge pour confirmer l'endroit où se trouve aujourd'hui cette communauté historique ou son existence. Cette communauté n'est pas tombée du ciel. Elle est liée à d'autres communautés métisses qui étaient établies le long d'anciennes routes de la traite des fourrures et de voies navigables.
Ce qui est nouveau, c'est que le Canada a finalement commencé à reconnaître les Métis et à traiter avec eux, comme il aurait dû le faire dans le passé, conformément à l'article 35. Depuis 1982, les Métis se sont fait couper l'herbe sous le pied à plusieurs reprises. Il y a eu l'échec des conférences constitutionnelles dans les années 1980 et le rejet de l'accord avec la nation métisse, qui faisait partie de l'Accord de Charlottetown.
Dans les années 1990, nous avons commencé à nous adresser aux tribunaux, et nous avons eu gain de cause dans la plupart des litiges, qu'il s'agisse de l'affaire Powley en 2003 ou de l'affaire Daniels en 2016.
La Cour suprême du Canada a fait valoir que, en raison du déni du gouvernement, les Métis ont été forcés de vivre dans un vide juridique empêchant la reconnaissance de l'existence et des droits des Métis. En 2011, la Cour suprême a écrit ceci: « Les modifications constitutionnelles de 1982...indiquent qu'il est finalement temps de reconnaître que le peuple métis est un peuple particulier et distinct. »
Le projet de loi commence enfin à sortir les Métis de ce vide juridique. C'est une reconnaissance longuement attendue, et je tiens à souligner que la plupart des critiques que vous avez entendues au sujet du projet de loi C‑53 ne correspondent pas à ce qu'on peut lire dans cette mesure législative.
Premièrement, le projet de loi reconnaît comme gouvernements autochtones uniquement la Nation métisse de l'Ontario, la Metis Nation of Saskatchewan et la Metis Nation of Alberta. Il faut dire qu'elles ont toujours été des gouvernements autochtones, que le Parlement le reconnaisse ou non. Actuellement, ces gouvernements métis comptent sur des organismes sans but lucratif pour obtenir un statut et une capacité juridiques, car c'est la seule option qui s'offre à eux.
Le projet de loi ne fait que reconnaître le fait que ces nations sont déjà des gouvernements métis. Il ne crée aucun droit constitutionnel et il ne reconnaît pas non plus des communautés métisses particulières en Ontario, en Saskatchewan et en Alberta. Il reconnaît les communautés qui mandatent ces gouvernements métis.
Deuxièmement, le projet de loi établit un cadre législatif pour les futurs traités d'autonomie gouvernementale. Je tiens à faire remarquer que cela n'est pas nouveau. Un tel cadre législatif a été utilisé en ce qui a trait à l'accord de mise en œuvre conclu avec le Yukon en 1994. Si vous vous posez des questions, je peux vous renvoyer à l'annexe. À ce moment-là, seulement quatre traités ont été ratifiés. D'autres traités ont été ratifiés par décret ultérieurement.
Le projet de loi garantit que les Métis ne se feront plus couper l'herbe sous le pied dans l'avenir et que l'article 35 ne sera plus une disposition qui n'est pas mise en oeuvre. Un cadre législatif pour les futurs traités a été fixé. C'est ce qui explique pourquoi il est conçu ainsi.
La mesure législative établit aussi clairement que plusieurs gouvernements métis représentent diverses collectivités métisses, et que chaque titulaire de droits des Métis peut choisir le gouvernement qui le représente. Chaque gouvernement a établi des critères de citoyenneté qui cadrent avec l'arrêt Powley. Ils sont énoncés dans les ententes d'autonomie gouvernementale. En outre, les registres des gouvernements métis ont été examinés et vérifiés à maintes reprises. À vrai dire, ils ont été examinés plus souvent que le registre prévu par la Loi sur les Indiens.
Pour reprendre les mots de la Cour suprême du Canada, je dirais « qu'il est finalement temps » de reconnaître le peuple métis. C'est exactement ce que fait le projet de loi .
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins pour leurs témoignages.
Mme Crerar, je vais d'abord m'adresser à vous. Félicitations pour vos 11 enfants et pour vos petits-enfants et arrière-petits-enfants, dont le nombre m'échappe. Il est clair que vous n'aimez pas dormir.
Des voix: Oh, oh!
M. Jamie Schmale: Félicitations. C'est un bel héritage. Merci de nous avoir raconté votre histoire et de nous avoir fait part de votre expérience de vie.
Je voudrais parler des préoccupations générales soulevées par les établissements métis et la Première Nation de Fort McKay à propos de cette mesure législative sur la gouvernance. Certaines des préoccupations concernent le fait que, si le projet de loi est adopté, les Métis membres d'un établissement métis bénéficieraient d'un droit de retrait.
J'aimerais connaître votre point de vue quant au déroulement des choses dans le cadre du processus de négociation des traités si le projet de loi est adopté au Parlement. Quelle est votre opinion à cet égard?
:
Je ne pense pas que ce soit nécessairement vrai, si on se fie aux ententes d'autonomie gouvernementale. Mes amis de la Fédération des Métis du Manitoba n'en ont commodément pas tenu compte.
Ces ententes d'autonomie gouvernementale précisent ce que contiendront les traités. Je tiens à dire que ce modèle a été utilisé au Yukon. Il y a 14 Premières Nations au Yukon. À l'époque où le projet de loi de mise en œuvre a été présenté au Parlement, seulement quatre traités avaient été signés, alors une annexe précisait les autres traités qu'il restait à signer et mentionnait que, lorsqu'ils seraient signés, un décret serait adopté et ils seraient ajoutés à l'annexe II. Examinez le projet de loi. Nous avons fait la même chose en vue de créer enfin ce cadre législatif, pour éviter que nous nous fassions couper l'herbe sous le pied dans l'avenir.
Je veux aussi faire remarquer qu'aucun des traités historiques n'a été présenté au Parlement. Des modifications sont régulièrement apportées aux traités, et elles ne sont pas présentées au Parlement. Je pense que ces ententes établissent clairement ce que contiendront les traités. Il s'agira de traités d'autonomie gouvernementale, et les ententes sont juridiquement contraignantes et servent à guider les négociations.
Quant à savoir si des garde-fous supplémentaires doivent être ajoutés, nous pourrions en discuter. Toutefois, on ne peut pas dire que c'est nouveau. Certains traités ont déjà été mis en vigueur par décret au Yukon. Je ne vois pas pourquoi c'est si différent en ce qui concerne les Métis.
:
Je crois que deux choses vont changer.
Premièrement, il y a une reconnaissance et une affirmation. C'est ce que fait le projet de loi.
Deuxièmement, un cadre législatif sera créé pour donner une force et une valeur juridiques aux futurs traités.
À bien des égards, il s'agit d'un processus inverse, car, comme je l'ai souligné durant mon exposé, nous nous sommes fait couper l'herbe sous le pied, qu'il s'agisse de l'Accord de Charlottetown, des conférences constitutionnelles ou des changements de gouvernement. Soudainement... L'article 35 existe depuis 40 ans, et les Métis n'ont jamais obtenu sa mise en oeuvre. Nous ne voulons pas attendre encore 40 ans.
Ce projet de loi servira d'assise aux futurs traités.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins pour leurs exposés très intéressants.
Ma première question s'adresse à Angie Crerar.
Je tiens à dire que ma grand-mère venait aussi de Fort Resolution. C'est là qu'elle est née. Mes parents parlaient trois langues. Ma mère pouvait en parler cinq. À cette époque, il était très important de pouvoir communiquer avec les différentes tribus et les gens qui se déplaçaient. Ma sœur est allée au pensionnat de Fort Resolution. Elle était peut-être là à peu près au même moment que vous. C'était très intéressant d'entendre ce que vous aviez à dire, et nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous.
Je partage votre sentiment que les Métis ont besoin d'un avenir meilleur. Nos nations ont traversé des périodes difficiles, et il est temps que nous commencions à être reconnus. Je suis membre du Conseil des Métis de Fort Providence, dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous participons aux négociations du processus du Dehcho.
Nous sommes Métis, mais nous n'appartenons à aucune des organisations autochtones nationales. Lorsque certaines organisations nationales nous disent qu'il n'y a pas de processus d'adhésion, qu'elles distribuent des cartes de membre comme on distribue des friandises à l'Halloween et que certains traités conclus avec les Métis sont des feuilles vierges, il est très… Je trouve très difficile d'entendre dire que les Métis n'ont aucun droit.
J'aimerais savoir comment vous vous sentez face à cela, comme aînée et comme personne qui a vécu sa vie en tant que Métis et qui s'est battue pour les droits des Métis.
Je vous remercie pour votre gentillesse et, par-dessus tout, pour votre honnêteté. C'est très important pour nous.
Ma vie n'a pas été facile, car nous n'étions pas reconnus.
Je vais vous raconter ce qui s'est réellement passé dans les pensionnats. Je n'oublierai jamais ce que les sœurs nous disaient toujours. Elles nous disaient: « J'ai quitté mon foyer. J'ai quitté mon pays. J'ai quitté ma famille. J'ai quitté tout le monde pour venir ici enseigner aux sauvages à vivre comme les blancs. » Elles répétaient cela sans cesse. Elles disaient également: « Les Métis n'existent pas. Personne ne veut de vous. Les Indiens ne veulent pas de vous. Les Blancs ne veulent pas de vous. Personne ne veut de vous. Vous n'arriverez à rien dans la vie. »
À l'époque, nous étions très jeunes. J'avais 8 ans. Je suis restée au pensionnat jusqu'à mes 17 ans. J'ai eu 18 ans environ un mois plus tard. Entendre ces propos tous les jours… Je me suis toujours souvenue de ce que mon père et ma mère nous avaient enseigné. Ils nous avaient enseigné l'amour et le respect. Comment pouvait‑on les traiter avec amour et respect? Elles nous traitaient avec si peu d'égards.
À ce moment‑là, nous étions des enfants et nous n'avions personne pour nous défendre, personne. Je crois sincèrement que les pensionnats nous ont pratiquement détruits. La force…
Nous nous souvenions de ce que nos parents nous avaient dit, et nous étions…et certains jours… Je n'ai jamais oublié ces paroles. Je n'avais que 7 ou 8 ans. « Un jour… »
Il disait toujours: « Tu dois contribuer et ne pas laisser les autres faire le travail à ta place. Tu es une bonne Métis. »
Nous avons aidé de nombreuses personnes. Nous n'en parlons pas. Nous le faisons. Nous vivons en faisant preuve de respect. Nous avons tellement souffert. Même si je vis jusqu'à 100 ans, je n'arriverai jamais à vous faire comprendre comment nous nous sommes sentis. Savez-vous comment on se sent lorsqu'on est un enfant et qu'on ne connaît rien, qu'on est ignoré, qu'on ne reçoit aucun câlin et qu'on ne se fait jamais parler avec gentillesse?
Nous devions être forts, comme nous l'avaient enseigné nos parents.
Personne... Tous les gens dans la ville avaient peur de nous. Les prêtres avaient du pouvoir, et leur pouvoir nous a presque détruits, mais nous sommes toujours là. Parfois, je me demande comment nous avons fait. Comment avons-nous réussi à garder notre foi? Je ne le sais même pas. Je ne peux pas m'expliquer comment nous avons fait ni l'expliquer à mes enfants. Comment avons-nous réussi à survivre? Je pensais à l'amour que ma mère et mon père nous avaient donné.
Nous n'avions personne pour nous défendre, absolument personne. Savez-vous ce que c'est que de n'avoir personne pour prendre sa défense, de ne jamais entendre un seul mot gentil ou même de ne jamais voir quelqu'un vous adresser un sourire? Non.
Me voilà à 87 ans. J'ai appris beaucoup de choses. Mon identité est extrêmement importante. Elle m'a sauvé la vie et elle a sauvé un très grand nombre d'entre nous des pensionnats métis.
Nous étions totalement ignorés, mais nous nous connaissions. L'évêque a dit au gouvernement à l'époque « Envoyez-moi 500 Indiens et 50 Métis, et nous allons nous en occuper. Nous allons leur enlever leur identité d'Indien. Ils seront un atout pour la société. »
Que s'est‑il passé? Qu'a fait le gouvernement? Est‑il venu nous voir pour s'assurer que nous allions bien? Ces milliers d'enfants, partout au Canada, ont été complètement oubliés.
Notre vie n'était pas facile, mais nous nous entraidions. C'est ce qu'on nous avait appris dès notre plus jeune âge. Nous sommes fiers d'avoir fait preuve de courage. Non, ils n'allaient pas nous battre. Non, ma mère et mon père nous aimaient trop. Nous n'allions laisser personne nous battre, et me voici. Je suis toujours la même personne, mais je suis plus forte que je ne l'étais à l'époque, et je le resterai. Je suis une Métisse. Je suis très fière de ce que je suis. Je le mérite.
[Traduction]
J'ai écouté ceux qui ont témoigné plus tôt aujourd'hui et, bien sûr, j'ai regardé les autres réunions et je vois ce que l'on dit dans les médias. Je tiens à féliciter nos institutions coloniales. Je pense qu'elles font un travail remarquable et qu'elles accomplissent beaucoup d'efforts pour semer la discorde entre les peuples autochtones.
C'est bouleversant d'apprendre que des familles sont déchirées à cause de cette mesure législative et de ce qui se passe. À mon avis, le progrès d'une nation autochtone favorise tout le monde. D'autres nations autochtones au Canada, et même dans le monde entier, pourraient se prévaloir de ce projet de loi, au vu des parallèles qui peuvent être tracés avec, par exemple, l'Australie, quant à notre histoire et au colonialisme. J'ai participé à la conférence sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones à New York. Nous avons eu l'occasion d'y rencontrer des jeunes du monde entier. Nous avons parlé, entre autres, de notre expérience collective avec la colonisation, qui n'est qu'une partie de cette expérience.
Le fait que ce projet de loi n'est qu'un tremplin vers la négociation d'un traité semble nous échapper. Grâce à l'adoption de ce projet de loi, chaque corps dirigeant — la Nation métisse de l'Ontario, la Nation métisse de l'Alberta et la Nation métisse de la Saskatchewan — aura désormais l'occasion, je l'espère, de prendre part à ces négociations de traités au sein de leurs gouvernements respectifs, de concert avec les Premières Nations.
En Saskatchewan, nous travaillons fort pour nous assurer — et nous avons été très clairs dès le départ — que tout ce que nous ferons les inclura, parce qu'elles font partie de la famille. Bon nombre de frères sont inscrits, et bon nombre de sœurs ont adopté la citoyenneté métisse. Nous entretenons des liens très étroits. Il doit y avoir de nombreuses consultations, et l'adoption de ce projet de loi le permettra.
:
Selon moi, certaines de ces craintes existent, car pendant plus de 150 ans, on a ignoré les Métis.
J'ai passé ma vie dans des salles d'audience où les gouvernements provinciaux ont adopté ces positions. Le syndrome « pas dans ma cour » touche tout le monde. Nous avons même dû nous présenter devant les tribunaux au Manitoba pour prouver que la province comptait des Métis dont il fallait reconnaître les droits.
C'est une discussion difficile, parce que pendant 150 ans, on a ignoré les Métis, on les a négligés. La réponse, selon la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la Commission royale sur les peuples autochtones et l'insistance de la Cour, n'est pas de ne rien faire et de rester les bras croisés pendant encore 40 ans. La réponse est d'entamer la discussion.
Comme Mme Laing-LaRose l'a dit, le projet de loi est un tremplin vers le début de ces discussions. Si des consultations sont nécessaires à l'étape du traité... Il existe une nuance importante entre le moment où une consultation est nécessaire et celui où on risque de porter atteinte aux droits de quelqu'un d'autre. Certains commentaires qui ont été formulés jusqu'à présent, comme le refus absolu de reconnaître l'existence des Métis ou la dissonance cognitive à propos de l'affaire Powley, de l'Ontario, qui ne se serait pas rendue jusqu'à la Cour suprême du Canada, ne sont d'aucun secours.
Nous devons entamer cette discussion, mais il ne faut pas le faire en niant la réalité.
Je pense qu'il y aura au moins une bonne chose qui ressortira de ce processus: des discussions auront lieu. Il ne faut pas, encore une fois, couper l'herbe sous le pied des Métis à cause de ces craintes.
Il faut absolument réaliser la réconciliation avec tous les peuples autochtones. Il ne faut pas accorder la priorité à un groupe et empêcher les autres d'avancer.
:
[
La députée s'exprime en inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs déclarations préliminaires. Vous avez formulé d'importants commentaires. J'ai une question pour vous tous.
Monsieur Madden, vous pourriez répondre en premier, puis Mmes Laing-LaRose et Crerar pourront intervenir.
Depuis le dépôt du projet de loi , je me désole de constater à quel point il divise les peuples autochtones. J'ai l'impression qu'il provoque beaucoup de ressentiment et de divergences d'opinions. Cela me bouleverse et m'attriste.
J'encourage les peuples autochtones — Premières Nations, nations métisses et inuites — à privilégier la solidarité.
Comment pouvons-nous être solidaires et nous entraider?
Monsieur Madden, vous êtes avocat. Je vous serais reconnaissante de bien vouloir répondre à ma question.
Je vous remercie.
:
C'est une excellente question, car c'est l'objectif que nous souhaitons atteindre avec la réconciliation.
Je dirai simplement que nous avons besoin de comprendre et de connaître le contexte. Je n'ai pas de difficulté à comprendre pourquoi les Premières Nations, dans certains endroits, se lèvent pour dire que c'est injuste, en raison de ce que le projet de colonisation du Canada leur a fait subir. Il s'agissait d'imposer la Loi sur les Indiens, de contrôler la vie des Premières Nations du berceau à la tombe et de mettre en place un régime relatif au statut raciste et incompatible avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les Premières Nations ont connu ce système pendant plus de 150 ans et sont en train de s'en extraire.
Nous, les Métis, avons vécu de l'autre côté du miroir, nous obstinant à ne pas voir qu'ils souhaitaient nous ignorer assez longtemps pour que nous disparaissions, ou soyons absorbés par la société. Maintenant, nous commençons enfin à trouver notre place dans la Confédération, et le fardeau et les lois racistes du passé ne nous empêchent pas d'avancer. Je comprends. Vous pouvez comprendre pourquoi les gens... Mais ce n’est pas nous, les peuples autochtones, qui avons nourri cette discorde. C'est l'histoire du Canada qui est à l'origine de cette situation.
Nous avons besoin de leadership, et pour que ces discussions aient lieu... Les débuts seront peut-être difficiles, mais à un moment ou à un autre, la discussion devra avoir lieu. Des membres de ma famille appartiennent aux Premières Nations. Ces relations sont profondes. Lorsque nous chassons ensemble ou allons sur la terre ensemble, nous formons une famille, mais parfois, lorsque l'appareil politique utilise ces catégories, il ne fait qu'accentuer le clivage dans nos communautés.
Il ne faut pas oublier que nos histoires sont très différentes. Nous devons respecter le parcours de chacun vers l'autodétermination et l'autonomie gouvernementale. L'un ne peut pas l'emporter sur l'autre. Nous devons nous pencher sur cette question et avoir cette discussion plus approfondie.
Le projet de loi doit rendre cette discussion possible. Tôt ou tard, des traités seront conclus avec les nations métisses. Ces discussions doivent avoir lieu avec les Premières Nations. J'espère qu'elles ont déjà lieu, et qu'elles se poursuivront.
:
Je pense que c'est mon tour.
Pour être tout à fait honnête, je dirais qu'il ne reste aux députés qu'à sortir le maïs soufflé. Vous invitez les nations autochtones de partout au Canada à se présenter devant votre comité pour qu'elles se battent entre elles.
Selon moi, nous vous rendons service avec le projet de loi en regroupant ces trois gouvernements distincts. Il faut reconnaître que la Nation métisse de l'Ontario ne reculera jamais. Elle n'arrêtera jamais de se battre pour la reconnaissance de son autonomie gouvernementale et un traité. Le projet de loi C‑53 ne fait qu'annoncer que nous allons entamer le processus de négociation.
Pour ce qui est de nos frères et soeurs des Premières Nations — et vous pouvez interpréter ces propos au pied de la lettre, surtout en raison du profil démographique que nous avons en Saskatchewan —, je vous encourage à inviter le président Glen McCallum pour qu'il vous en parle. Il est un champion des liens entre les Premières Nations et les Métis, surtout dans sa communauté. La réalité, c'est que nous sommes des frères, des soeurs, des cousins. Nous formons une famille.
J'ai entendu notre aînée métisse, que vous avez invitée à témoigner, parler de l'amour que ses parents lui ont donné. C'est cette force qui lui a permis de survivre et de surmonter la dure réalité des pensionnats. Je pense que c'est ce dont nous avons besoin. Nous devons ramener l'amour dans nos communautés et créer un espace propice au dialogue ouvert. Oui, nous devons tenir ces discussions, mais nous avons besoin de cet amour et nous devons veiller à ce que nos aînés et nos jeunes soient présents dans cet espace. Nous ne devons pas oublier que lorsque nous invitons ces gens, ici, nous devons le faire avec amour.
Je vous remercie.
:
D'accord. C'est la Loi sur le règlement des revendications territoriales des Premières Nations du Yukon.
Comme il y a 14 Premières Nations au Yukon, le Canada n'a pas été en mesure de négocier tous les traités avec elles en même temps. Lorsque le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes, seuls quatre traités avaient été négociés et signés.
Ce que dit ce texte législatif, c'est qu'il donne force de loi, en fait, à ces quatre traités, mais pour les 10 autres Premières Nations du Yukon, lorsqu'elles auront terminé leurs traités, ils seront adoptés par décret et transférés de l'annexe I à l'annexe II.
C'est exactement le même modèle que les Métis essaient d'utiliser essentiellement.
Il n'y a pas de traité ici, mais nous disons que lorsque ces traités seront conclus, ils seront mis en vigueur par décret. S'il y a une discussion sur la nécessité de les déposer au Parlement, il existe des techniques pour le faire également.
Je veux simplement souligner que les gens disent que c'est nouveau ou que cela n'a jamais été fait auparavant. Le plagiat est parfois une forme de flatterie. Nous pensions que cette technique fonctionnait très bien pour les Premières Nations du Yukon. Nous pensons qu'elle fonctionne également très bien pour nous.