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Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité.
La séance est ouverte.
Bienvenue à la 138e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément aux règles de la Chambre des communes.
Tous les témoins ont effectué les tests de son nécessaires. J'aimerais rappeler aux personnes présentes dans la salle et aux personnes qui témoignent virtuellement qu'elles ont la possibilité de participer à la réunion d'aujourd'hui dans la langue officielle de leur choix. Dans la salle, les services d'interprétation sont disponibles grâce aux oreillettes. Veuillez choisir votre langue de participation avant le début de la réunion. Pour ceux qui témoignent virtuellement, cliquez sur l'icône du globe au bas de votre tablette Surface et choisissez la langue officielle dans laquelle vous voulez participer. En cas d'interruption des services d'interprétation, veuillez lever la main pour attirer mon attention. Je suspendrai la séance le temps de corriger le problème.
J'aimerais également rappeler aux députés, pour le bon déroulement de l'interprétation, de bien vouloir vérifier tous leurs appareils et couper les sonneries, car le bruit d'une sonnerie peut causer des blessures aux interprètes. De plus, veuillez éviter de toucher la tige du microphone, afin de ne pas provoquer des bruits parasites dans le système audio qui pourraient aussi causer des blessures aux interprètes.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous souhaitez vous exprimer, levez simplement la main et je vous donnerai la parole. Pour ceux qui participent virtuellement, utilisez l'icône « Lever la main ».
Quelques personnes se joignent à nous aujourd'hui. Nous accueillons de nouveau Mme Vien, et nous avons MM. Cormier et Mendicino qui participent virtuellement.
Sur ce, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 25 septembre 2024, le Comité reprend, pendant la première heure, son étude du projet de loi , Loi modifiant le Code canadien du travail.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
M. Nicholas Thompson, président et directeur général, Secrétariat Recours Collectif Noir, qui est présent dans la salle.
Bienvenue, monsieur Thompson.
Nous accueillons virtuellement M. Yann Morin, criminologue, Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel au travail de la province de Québec.
Vous disposez chacun de cinq minutes.
Nous commençons par vous, monsieur Thompson. Vous avez la parole pendant cinq minutes.
Je vous remercie, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Nicholas Marcus Thompson et je suis président et directeur général du Secrétariat Recours Collectif Noir, un organisme sans but lucratif voué à faire tomber les barrières systémiques au sein de nos services publics. Je dirige également la Coalition contre la discrimination sur le lieu de travail, qui réunit des syndicats, des groupes de défense des droits de la personne et des représentants de la société civile afin de se pencher sur les inégalités dans les milieux de travail à l'échelle du pays.
Mon expertise découle également de mes anciennes fonctions de président du Syndicat des employé‑e‑s de l'impôt, au sein duquel j'appliquais le Code canadien du travail dans le but de défendre les travailleurs fédéraux dans des dossiers liés à la sécurité au travail, au harcèlement et à la discrimination.
Je vous remercie à nouveau de me donner l'occasion de prendre la parole concernant le projet de loi .
D'emblée, j'aimerais dire que mon organisme et moi-même appuyons les amendements proposés afin de faire passer le délai de trois mois à deux ans. Cette prolongation s'avère nécessaire, mais si nous nous limitons à ce seul changement, le processus de plaintes s'avérera inefficace et je vais vous expliquer pourquoi nous sommes de cet avis. Même avec une prolongation du délai, le cadre actuel ne permet pas de rendre justice ni de rendre des comptes aux victimes.
Le processus de plaintes s'intéresse principalement au rétablissement du milieu de travail; il ne rend pas justice aux victimes. Les enquêtes se soldent par des recommandations, mais aucune conséquence n'est imposée aux personnes à l'origine du harcèlement ou de la violence.
Le processus n'apporte pas grand-chose aux anciens employés. Une prolongation du délai ne mènera pas à des résultats concrets. Même lorsqu'une plainte est accueillie, aucune disposition ne prévoit de compensation, d'excuses ou toute autre forme de réparation. Je peux facilement m'imaginer ce que c'est, en tant qu'ancien employé, de prendre part à un processus qui ne m'apporte rien alors que j'ai déjà quitté le milieu de travail.
En l'absence de mécanismes de reddition de comptes ou permettant de faire la lumière sur les causes du harcèlement et de la violence, la discrimination systémique perdurera et continuera de toucher plus particulièrement les travailleurs noirs, autochtones et racisés.
Pour que la prolongation du délai ait un sens, elle doit être accompagnée de changements structurels afin de combler les lacunes fondamentales du processus de plaintes.
Voici les réformes que je propose.
D'abord, créer un mécanisme de renvoi pour mettre en place des mesures disciplinaires. Les enquêtes qui viennent confirmer le harcèlement ou la violence devraient automatiquement être transmises à un organe disciplinaire. Les employeurs devraient être tenus d'imposer des mesures disciplinaires, y compris une formation d'appoint ou toute autre mesure afin d'assurer une reddition de comptes.
Ensuite, il faut prévoir des mesures de réparation pour les victimes. Le processus devrait comprendre une compensation financière, une reconnaissance publique du tort causé ou des excuses, ce qui n'est pas le cas actuellement. Ce genre de mesures viendrait souligner la gravité des actes de harcèlement et de violence en milieu de travail et constituerait une réparation réelle pour les victimes.
Finalement, il faut renforcer le soutien offert aux travailleurs marginalisés et mettre sur pied des programmes particuliers afin de s'attaquer aux obstacles précis auxquels se heurtent les employés noirs, autochtones et racisés, notamment une formation adaptée aux réalités culturelles, de la sensibilisation et de l'aide sur mesure afin de garantir un accès équitable au processus de plaintes.
Pour conclure, la prolongation du délai prévue dans le projet de loi pour le faire passer à deux ans s'avère un pas important dans la bonne direction. Toutefois, elle ne permet pas de faire tomber les barrières systémiques qui rendent le processus de plaintes inefficace. Si nous n'exigeons pas de comptes de la part des auteurs d'actes répréhensibles, une réparation pour les victimes et un soutien sur mesure pour les groupes marginalisés, le processus continuera de laisser pour compte les personnes pour lesquelles il a été conçu.
J'exhorte le Comité de non seulement appuyer le projet de loi, mais de profiter de l'occasion pour mettre en branle des réformes plus profondes du Code canadien du travail afin de créer un cadre qui permette de rendre justice, d'exiger une reddition de comptes et de garantir l'équité dans les milieux de travail partout au pays.
Je vous remercie de votre attention.
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Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui et de prendre de votre temps afin de discuter d'un sujet aussi important que le harcèlement au travail.
Je m'appelle Yann Morin et je travaille au Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel au travail de la province de Québec, également connu sous l'acronyme GAIHST. Je détiens une maîtrise en criminologie et je travaille au sein du GAIHST en tant que criminologue depuis maintenant près de 10 ans.
Le GAIHST a été fondé en 1980 dans le but de sensibiliser la population au harcèlement sexuel au travail. En 2024, la mission du GAIHST est de venir en aide aux personnes qui vivent ou qui ont vécu une situation de harcèlement au travail, que ce harcèlement soit sexuel, psychologique ou discriminatoire. Nous tentons de redonner le pouvoir aux personnes qui nous contactent en leur offrant de l'information et de l'appui tout au long de leurs démarches personnelles ou juridiques.
Nous œuvrons principalement à Montréal et aux alentours, mais toute personne du Québec peut avoir accès à nos services. Notre expertise se trouve principalement auprès des milieux non syndiqués au sein de petites et moyennes entreprises du Québec, mais nous soutenons aussi des personnes syndiquées de grandes entreprises.
Essentiellement, nos services consistent à offrir de la relation d'aide, de l'écoute, de l'information juridique et un soutien technique aux personnes qui vivent du harcèlement au travail. Dans certains cas, nous offrons aussi de l'accompagnement et de la représentation lors des démarches juridiques. Finalement, nous offrons toujours des services d'éducation et de sensibilisation pour la population.
Aujourd'hui, j'espère pouvoir vous transmettre notre expertise basée sur notre expérience directe auprès de ces personnes.
En 2018, nous avions pu nous prononcer sur une question similaire, à la demande du gouvernement québécois. Le GAIHST avait alors proposé de prolonger le délai relatif au dépôt d'une plainte pour harcèlement psychologique de 90 jours à 6 mois au minimum.
Depuis, à la suite de l'augmentation du délai à deux ans pour déposer une plainte, nous avons révisé notre point de vue. Ce changement a bien démontré l'importance pour les victimes de bénéficier d'un délai plus généreux pour entreprendre des démarches. Selon notre expérience des dernières années, un délai de deux ans semble être beaucoup plus en accord avec les besoins des victimes.
Ce besoin s'explique par les conséquences importantes que les gestes vécus causent sur les personnes. Nous constatons toujours que la majorité de notre clientèle est en arrêt de travail pour cause de maladie à la suite des événements rapportés et que la fin d'emploi se situera près de l'arrêt de travail pour cause de maladie ou durant celui-ci. Compte tenu des conséquences sur leur santé, ces personnes ont besoin de plus de temps pour être en mesure de commencer des démarches relatives au dépôt d'une plainte ou toute autre démarche.
Les personnes qui fréquentent notre organisme recevront généralement un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, de dépression majeure ou de trouble d'adaptation. Par exemple, le National Institute of Mental Health résume bien la réalité des personnes développant un trouble de stress post-traumatique. Les symptômes apparaissent généralement au cours des trois mois suivant les événements. Malgré le fait que certaines personnes pourront se rétablir dans un délai de six mois après l'apparition des symptômes, plusieurs auront besoin d'un an ou plus pour y arriver. Peu importe le diagnostic médical, ces personnes ne sont que rarement capables d'entreprendre des démarches dans des délais aussi courts.
En ce qui concerne notre expérience du délai de deux ans pour déposer une plainte, nous constatons que peu de personnes qui nous contactent ont de la difficulté à entreprendre des démarches de plainte dans un tel délai. Au cours des dernières années, nous n'avons eu qu'à de très rares occasions la nécessité d'expliquer à une victime que son délai pour déposer une plainte était dépassé. Plusieurs des personnes qui nous contactent arrivent à produire leur plainte dans un délai d'un an à deux ans suivant le harcèlement.
Cependant, en ce qui concerne le délai de réclamation pour lésion professionnelle, qui est de six mois suivant l'apparition de la maladie pour les violences qui ne sont pas à caractère sexuel, nous continuons à soutenir qu'il devrait aussi être de deux ans. En effet, il nous arrive régulièrement de devoir informer des personnes que leur délai de six mois est dépassé lorsqu'elles nous contactent pour la première fois. Cela fait aussi écho à une étude récente menée par Me Rachel Cox, qui a eu accès à des statistiques de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail du Québec, la CNESST, concernant les réclamations pour violence à caractère sexuel. Me Cox a aussi découvert que la raison la plus fréquente donnée en cas de refus est que la réclamation a été déposée hors délai.
De ce fait, nous appuyons la présente proposition d'augmenter à au moins deux ans le délai pour entreprendre des démarches concernant le harcèlement au travail, et ce, pour favoriser l'accessibilité aux recours pour ces personnes, qui subissent d'énormes conséquences sur leur santé, sur leur vie professionnelle et sur leur vie personnelle.
Je reste disposé à parler des questions concernant les plaintes, comme l'a mentionné mon confrère, puisqu'il existe au Québec des démarches juridiques qui n'existent pas au Canada et que je crois aussi que cela pourrait être très bénéfique pour les victimes.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie MM. les témoins de leur disponibilité, aujourd'hui, pour répondre aux questions des parlementaires sur l'important projet de loi .
Je trouve ce projet de loi important, parce qu'évidemment, j'en suis la marraine. J'en suis la marraine parce que j'ai voulu arrimer les mesures à ce qui s'est fait au Québec, quand j'étais ministre responsable du Travail au gouvernement du Québec, afin de les améliorer ici, au fédéral.
Monsieur Morin, vous avez fait allusion à ces mesures. D'ailleurs, en 2018, vous vous êtes prêté au même exercice quand nous avions mené des consultations publiques sur ce projet de loi, et vous étiez d'accord sur cette mesure.
Contrairement à la croyance populaire voulant que les politiciens manquent de vision, à cette époque, vous aviez fait une recommandation pour aller de l'avant en proposant de prolonger le délai pour déposer une plainte pour harcèlement psychologique de trois à six mois. Finalement, nous avons convenu d'un délai deux ans. C'est dire à quel point, au Québec, nous avons tout de même été assez ouverts d'esprit à cette époque.
C'est un peu la dynamique dans laquelle je me retrouve actuellement, quand je regarde les anciens employés sous réglementation fédérale. Ils n'ont que trois mois pour déposer une plainte, alors que les actuels travailleurs n'ont pas de délai de prescription, ce qui est mieux qu'au Québec. C'est ce que je disais ici la semaine dernière devant ce comité.
Monsieur Morin, de toute évidence, vous êtes d'accord sur le délai de deux ans. Tout le monde le comprend, et nous en sommes bien contents.
Pourriez-vous nous dresser une liste de ce à quoi peuvent ressembler des gestes de harcèlement ou de violence en milieu de travail, pour que tout le monde comprenne assez bien de quoi il est question ici?
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Je vous remercie beaucoup de votre question, qui est très large.
En effet, le harcèlement comprend beaucoup d'événements et de gestes différents.
Dans ma présentation, je parlais du harcèlement psychologique, qui peut se manifester par des cris, des insultes, par le fait de rabaisser ou de mettre de côté une personne.
Par exemple, nous avons déjà vu le cas de gens qui travaillaient dans une tour de bureaux, et le harcèlement psychologique a commencé lorsqu'on les a fait déménager du 33e étage au sous-sol, à côté du chauffe-eau.
La définition de harcèlement psychologique peut donc être très large. Cela peut aussi aller jusqu'à commettre des actes criminels: violence physique, coup de poing, voies de fait, menaces quelconques.
Le harcèlement sexuel est aussi inclus dans le volet portant sur le harcèlement, en général. Ce peut donc être aussi ce qui touche aux invitations répétées non voulues, aux commentaires ou aux blagues à connotation sexuelle. Ces comportements peuvent aussi mener à des agressions à caractère sexuel sur les lieux du travail.
Pour ce qui est de la discrimination, je crois que mon collègue ici présent pourrait en parler plus que moi. La discrimination systémique fait aussi entièrement partie du harcèlement. Elle peut se manifester par de toutes petites agressions, et cela peut aller jusqu'à des incidents beaucoup plus graves et de façon répétée, également. Selon la personne, les conséquences peuvent être très importantes et très variées, selon les événements vécus.
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Cela varie tout de même d'une personne à l'autre.
Je vais vous présenter un tableau assez général de ce que nous voyons la majeure partie du temps.
Bien sûr, j'ai nommé les troubles les plus fréquents. Ce sont souvent des symptômes liés à ces trois troubles. Il y aura évidemment beaucoup de conséquences psychologiques. Les gens qui ont des symptômes dépressifs vivent une perte d'intérêt, ils ont de la difficulté à se lever le matin, ils ont de la difficulté à prendre soin d'eux-mêmes. Des gens peuvent aussi avoir de la difficulté à se préparer des repas, à prendre soin de leur hygiène. Ils en sont rendus à ce point. Certaines personnes sont aussi incapables de sortir de chez elles.
Le stress post-traumatique inclut aussi tout un volet portant sur les victimes qui ont de la difficulté à repenser aux événements, à retourner sur les lieux qui leur rappellent les événements. Les gens font des cauchemars, ils ont de la difficulté à dormir. Il y a aussi la reviviscence d'un événement. Il y a aussi tout un volet d'anxiété, qui est très présente, la diminution de l'estime de soi, la remise en question de ses compétences professionnelles, la capacité de retourner au travail ou d'occuper un emploi.
Ensuite, il peut aussi y avoir beaucoup de conséquences sur le plan physique à la suite des événements vécus. Les gens peuvent avoir des symptômes comme des maux de ventre, des maux de tête, une baisse d'énergie, de la difficulté à fonctionner.
Compte tenu de tous ces symptômes, les gens devront potentiellement être en arrêt de travail pour cause de maladie, ce qui a des conséquences sur le plan économique, puisqu'on a de la difficulté à subvenir à ses besoins.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins qui, par leurs propos, semblent appuyer le projet de loi à l'étude.
Le Bloc québécois, ma formation politique du Québec, va aussi appuyer ce projet de loi, qui vise à augmenter à deux ans tout ce qui concerne les plaintes liées au harcèlement et à la violence. Actuellement, le Code canadien du travail ne prévoit qu'un maigre trois mois. C'est tout de même quelque chose. Au Québec, ces initiatives ont été faites car, dans le monde du travail, nous sommes souvent à l'avant-garde. Cela dit, certaines modifications venant d'ailleurs peuvent nous inspirer.
Je salue la porteuse du projet de loi, qui était ministre du Travail au Québec au moment de ces initiatives, en 2018, alors que j'étais du côté syndical.
Monsieur Thompson, votre témoignage m'a beaucoup intéressée. Vous avez bien dit que vous étiez en faveur du projet de loi.
Je ne vous demande pas de faire la comparaison entre le Québec et le Canada. Cependant, au chapitre de la partie II du Code canadien du travail, maintenant, tous les nouveaux employés doivent suivre une formation concernant ces processus de plaintes, de harcèlement et de violence. Les députés doivent suivre la formation concernant le harcèlement et la violence.
À votre avis, les dispositions actuelles de mécanisme d'enquête, de mécanisme de règlement, de mécanisme de soutien aux travailleuses et travailleurs qui en sont victimes du Code canadien du travail suffisent-elles? Devrait-on modifier d'autres articles pour renforcer cette partie du Code canadien du travail?
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Pour répondre à votre question, je vais poursuivre dans la même veine que M. Thompson.
Au Québec, il y a effectivement un processus d'enquête au bout duquel un enquêteur peut donner des recommandations, mais elles ne constituent pas des obligations. La victime ne recevra pas nécessairement quelque chose en retour et ne bénéficiera donc pas nécessairement de cet apport. Ce n'est pas le but des recommandations, qui est plutôt d'améliorer le milieu du travail. Au Québec, quand cela ne fonctionne pas, quand l'employé, pour plusieurs raisons, ne peut pas reprendre son travail, il existe d'autres recours.
Prenons l'exemple d'un employé non syndiqué au Québec. Celui-ci peut déposer une plainte à la Commission des normes de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail dans le but de se rendre éventuellement au Tribunal administratif du travail.
On utilise alors des recours pour obtenir un peu de justice à la suite de ce qu'on a subi. On peut potentiellement obtenir une indemnisation pour dommages moraux, une rectification de notre dossier d'employé, s'il y a eu des mesures disciplinaires injustes. Ce peut être une indemnisation pour perte de salaire, dans certains cas, de dommages punitifs pour l'employeur qui serait vraiment de mauvaise foi, par exemple.
Il y a donc cette partie un peu réparatrice...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie, encore une fois, de ces témoignages.
Monsieur Morin, j'aimerais vous emmener sur un terrain très concret, c'est-à-dire celui du délai.
Actuellement, les anciens employés ont trois mois pour signaler un incident de harcèlement et de violence sur le lieu du travail. Nous voulons augmenter ce délai de prescription à deux ans, ce qui leur laisserait beaucoup plus de temps. Répétons-le, les actuels travailleurs sous réglementation fédérale n'ont pas ce problème.
De toute évidence, trois mois, ce n'est pas assez. On le sait. Cependant, concrètement, pouvez-vous nous donner des exemples de traumatismes ou de situations vécues par d'anciens employés qui se sont rendu compte qu'il s'était passé quelque chose, alors que le délai de trois mois était déjà échu?
Je présume qu'actuellement, vous devez recevoir des travailleurs du fédéral qui font affaire avec votre organisation et qui sont sous le coup du délai de trois mois. Vous êtes en mesure de faire la différence entre ceux qui bénéficient d'un délai de trois mois et ceux qui bénéficieraient d'un délai de deux ans.
Concrètement, quel délai de récupération pour quel type de traumatisme fait en sorte que le délai de trois mois est forcément dépassé?
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Si vous me le permettez, je vais y répondre par un exemple, car j'ai l'impression que ce sera plus simple ainsi.
Je prends donc l'exemple d'une dame qui a vécu du harcèlement psychologique au travail, sans toutefois entrer dans les détails par souci de confidentialité. Elle a vraiment développé un trouble de dépression majeure et, avant qu'elle ait pu nous contacter pour avoir un peu d'aide, plus de six mois s'étaient écoulés. À la suite des événements et de la fin de son emploi, elle avait besoin de toute son énergie pour se lever de son lit. Elle n'était pas capable de se renseigner ni de se faire à manger. Elle n'avait pas de soutien autour d'elle, et elle passait la majeure partie de ses journées à dormir et à tenter de subvenir à ses besoins. Dans le cadre d'un suivi médical, elle a eu des antidépresseurs. Toutefois, ce n'est généralement qu'après quatre ou huit semaines que les antidépresseurs commencent à produire des effets notables et permettent à une personne de fonctionner de nouveau dans la vie.
Au moment où les gens nous arrivent, ils commencent un peu à s'en sortir. Ils commencent à comprendre qu'il leur est arrivé quelque chose au travail. Ils sont en mesure d'y réfléchir et de voir que ce qui a mené à la fin de leur emploi n'était vraiment pas correct, et ils nous demandent de l'aide.
Dans le cas de cette dame en question, comme il lui avait fallu trois mois pour réussir à reprendre suffisamment le contrôle de sa vie pour réussir à sortir de chez elle, il était impossible d'entreprendre une démarche étant donné que le délai était aussi de trois mois. Même du côté de nos recours en santé, dont le délai est actuellement de six mois, il était trop tard et on ne pouvait plus rien faire en matière de réclamation.
Les gens qui veulent déposer une plainte au sujet de ce qu'ils ont vécu et qui travaillaient sous réglementation provinciale disposent d'un délai de deux ans pour le faire. Pour qu'ils puissent déposer une plainte, il leur faut mettre leur vécu sur papier. Automatiquement, nous devons donc leur demander de revivre la situation difficile qu'ils ont vécue.
C'est le genre de défis auxquels nous faisons face.
Je vais terminer là-dessus, car je ne sais pas si nous aurons le temps de faire un troisième tour.
Ce que le gouvernement a prévu dans ses règlements est, selon moi, une espèce d'argumentaire où on admettait que les trois mois pouvaient être insuffisants. En effet, il a donné une possibilité aux anciens employés de formuler une plainte ou un avis d'incident une fois que les trois mois sont passés.
C'est cependant, pour reprendre l'expression de ma collègue Mme Chabot, le parcours du combattant. Vous devez prouver que vous avez eu un problème de santé ou un traumatisme et que c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas pu déposer une plainte au cours du délai de trois mois. Vous devez ensuite fournir des documents et des examens pour appuyer votre démarche, et peut-être même vous faire assermenter devant un notaire.
Il y a, je pense, un élément très fort qui fait pencher la balance en faveur de l'adoption de ce projet de loi, et c'est le suivant: même les parlementaires ont prévu une période supplémentaire pour le dépôt d'une plainte parce que le délai de trois mois peut être insuffisant.
Ce que vous nous dites, c'est effectivement ce que l'on constate sur le terrain.
Je vous remercie, monsieur Morin.
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Oui, absolument. Je vais vous parler de l'expérience que j'ai vécue sur le terrain.
J'ai commencé bien avant 2018 à faire de l'intervention auprès des personnes qui vivent du harcèlement. Malgré le fait qu'on ne tient pas de statistiques officielles, je dois dire que, quand on est intervenant, devoir dire à quelqu'un qu'aucun droit ne lui reste parce que le délai est échu, c'est assez traumatisant en soi. C'est néanmoins ce que je devais dire régulièrement à des gens avant que le délai de 90 jours soit augmenté à deux ans. Toutes les semaines, je devais malheureusement dire à des gens qu'ils avaient laissé passer les 90 jours, que j'aurais aimé les soutenir sur le plan juridique, mais que je n'entrevoyais pas de solution pour eux.
À la suite du changement qui a eu lieu en 2018, je peux compter sur mes doigts le nombre de fois où, entre 2020 et 2024, j'ai eu à dire cela à des gens. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas davantage, puisqu'il y a sûrement des gens qui auraient besoin d'un délai de plus de deux ans, mais, d'après notre expérience, ce n'est pas arrivé régulièrement.
Par contre, le délai de six mois nous cause toujours des difficultés. Six mois, ce n'est pas suffisant. Il y a encore des gens qui ont besoin de beaucoup plus que six mois.
Évidemment, nous avons dû faire face à un moment d'adaptation entre 2018 et 2020. Cela a été un peu compliqué parce que l'adoption de la loi n'a pas permis de raviver un droit qui était échu. Dans le cas de certaines personnes, la période de deux ans n'était pas échue, mais leur période de 90 jours l'était au moment de l'adoption de la loi. Ces personnes tentaient de déposer des plaintes, mais elles essuyaient des refus parce que c'était quand même le délai de 90 jours qu'il fallait respecter. À cause de cela, nous avons eu de la difficulté à bien tenir des statistiques.
Une fois que cela s'est bien stabilisé et que le délai est passé à deux ans, nous avons vu une nette différence dans le nombre de gens dont le délai était échu.
Si je comprends bien, vous appréciez le délai de deux ans, mais vous jugez qu'il serait raisonnable de le fixer à trois, quatre ou cinq ans.
Je pense aussi que, deux ans, c'est un délai raisonnable. Lors de la dernière réunion, ce délai a été un sujet de discussion. Pourquoi est-ce fixé à deux ans, et non à trois, à quatre ou à cinq ans?
Quelle est votre opinion là-dessus? Je pense le savoir mais, au bénéfice du Comité, ce serait une bonne chose de la répéter.
Je vais vous adresser ma question, monsieur Morin.
Emploi et Développement social Canada a déposé son rapport annuel, en 2023, soit le « Rapport annuel 2021 : Agir contre le harcèlement et la violence dans les milieux de travail qui relèvent de la compétence fédérale au Canada ».
Nous avons constaté, au sujet des plaintes, que ce sont la fonction publique et les sociétés d'État qui sont les pires dans les six secteurs de travail sous réglementation fédérale. Nous ne connaissons pas le nombre de plaintes rejetées en raison des délais, mais ce serait intéressant de voir combien, parmi les plaintes déjà nombreuses, ont été rejetées. Compte tenu de votre témoignage, j'imagine qu'on va noter une nette différence entre les incidents bénéficiant d'un délai plus long et tous les incidents rejetés en raison du délai dépassé d'une procédure.
L'Institut de la statistique du Québec a-t-il tenu des statistiques sur les plaintes qui avaient été rejetées parce que le délai de prescription avait été dépassé?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
De tous les sujets qui touchent l'assurance-emploi et les problèmes d'assurance-emploi, le traitement des travailleurs des industries saisonnières — ils sont surtout, au Canada, dans les régions périphériques — est probablement le plus criant, mais aussi le plus symptomatique du problème du programme d'assurance-emploi. C'est donc le symptôme d'un problème plus large, mais qui est vécu de façon peut-être plus intense par cette catégorie de travailleurs.
À la base, le problème vient du fait que les paramètres du programme n'ont pas été ajustés depuis la dernière grande réforme, soit depuis 1996. C'est notamment le cas pour ce qui est du tableau des prestations. Le tableau des prestations permet à un demandeur d'établir ce à quoi il a droit en fonction du nombre d'heures travaillées, du taux de chômage dans sa région, ainsi que la durée de prestations qui en découle.
Bien que le Canada compte 64 régions d'assurance-emploi, en 1996, quand ce tableau a été établi, il n'y avait qu'une seule région d'assurance-emploi où on trouvait un taux de chômage de 6 % ou moins de chômage. Dans cette région, les travailleurs devaient accumuler 700 heures de travail afin de pouvoir se qualifier pour 14 semaines de prestations. Aujourd'hui, 39 des 64 régions sont dans cette situation. Ce sont donc presque 60 % des travailleurs qui se trouvent dans une situation où ils doivent dorénavant avoir cumulé 700 heures de travail pour pouvoir se qualifier.
Ensuite, un autre problème est concomitant, et c'est celui de l'absence de rajustement des régions d'assurance-emploi. Depuis 2000, on n'a fait aucun ajustement dicté par l'évolution du marché du travail. Nos régions ne sont donc pas à jour.
À cause de cette absence de rajustement, dans les faits, il s'est produit un genre de réforme cachée de l'assurance-emploi qui, au fond, empêche une grande partie des travailleurs d'avoir accès à l'assurance-emploi, ou qui rend cet accès beaucoup plus difficile, parce qu'il est plus difficile pour une majorité de travailleurs de s'y qualifier.
Cela s'accompagne d'une bonne nouvelle: en principe, le taux de chômage baisse. En effet, c'est pour cela que les prestations sont plus difficiles à atteindre. Or, le problème, c'est que la baisse du taux de chômage n'est pas toujours le signe d'une bonne santé économique. Dans certaines régions, c'est le cas; l'emploi croît et tout va bien.
J'en profite pour vous dire que je participe en ce moment, à Rimouski, à une rencontre avec des groupes régionaux de la Côte‑Nord, de la Gaspésie, du Bas‑du‑Fleuve, pour parler précisément de la question du travail saisonnier. Pour ces groupes syndicaux et communautaires, il s'agit vraiment d'un problème criant pour leur collectivité sur le territoire.
J'ai donc la tête pleine de ce que je viens d'entendre, mais je vais vous montrer un cas de figure pour revenir au taux de chômage comme signe de prospérité.
Dans la région de la Gaspésie, depuis 10 ans, le taux de chômage a baissé de 17 %, à peu près, à 7 %. Il y a 10 ans, après avoir travaillé 420 heures, quelqu'un se qualifiait à l'assurance-emploi pendant 32 semaines, ce qui était suffisant pour traverser la saison morte. Aujourd'hui, la même personne qui occuperait le même emploi chez le même employeur aurait besoin de travailler 630 heures pour avoir droit à l'assurance-emploi pendant 14 semaines, ce qui n'est pas suffisant pour traverser la saison morte.
Je pourrais vous parler d'autres paramètres. Si vous voulez parler des meilleures semaines de l'utilisateur, par exemple, cela me fera grandement plaisir d'aborder ce sujet.
Là où je voulais en venir, c'est que, pas seulement dans l'Est du Canada, mais pour beaucoup de régions, la dévitalisation des régions fait que le taux de chômage baisse.
Or ce n'est pas parce qu'il y a plus d'emplois. En Gaspésie, il y a 1 000 emplois de plus qu'il y a 10 ans. Par contre, 7 000 personnes ont quitté la population active. Le taux de chômage est un ratio. Il peut descendre pour plus d'une raison. Dans ce cas-ci, ce n'est pas parce qu'il y a un boum de prospérité, mais plutôt parce que la région est dévitalisée.
Je serai heureux d'en parler davantage et de parler aussi du projet pilote...
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Merci, monsieur le président et distingués membres du Comité, de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
Je m'appelle Allan Melvin. Je suis président de la Fédération agricole de la Nouvelle-Écosse, mais je témoigne aujourd'hui au nom de la Fédération canadienne de l'agriculture, ou FCA. Je suis moi-même un maraîcher de sixième génération dans le comté de Kings, en Nouvelle-Écosse.
La FCA est la plus grande organisation agricole à vocation générale au Canada, représentant 190 000 exploitations agricoles dans tout le pays. La FCA a pour mission de promouvoir les intérêts des producteurs agricoles et agroalimentaires du Canada et de veiller au développement continu d'une industrie agricole et agroalimentaire viable et dynamique au pays.
En 2023, le secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire a ajouté 150 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada, et il contribue grandement au bien-être des Canadiens dans les régions rurales et urbaines du pays. Cependant, comme beaucoup d'autres secteurs, l'agriculture est aux prises avec une pénurie chronique et croissante de main-d'œuvre et de compétences. Certains producteurs doivent répondre à des besoins saisonniers criants, alors que d'autres requièrent une main-d'œuvre tout au long de l'année. Ces postes vont de la récolte de fruits et légumes sur le terrain à l'utilisation de machines agricoles très perfectionnées qui continuent d'évoluer à un rythme effréné.
Selon les statistiques les plus récentes du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, ou CCRHA, le secteur agricole comptait plus de 98 000 postes vacants en 2022, et plus de 28 000 d'entre eux n'étaient toujours pas pourvus à la fin de l'année, ce qui a entraîné une perte de revenus de 3,5 milliards de dollars.
Ces postes vacants perdurent, même si le Canada a fait venir plus de 70 000 travailleurs étrangers temporaires en 2023 pour pourvoir les postes dans un large éventail de professions agricoles. Le secteur agricole a besoin du Programme des travailleurs étrangers temporaires et du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, qui contribuent à plus de 20 % de l'emploi total dans le secteur. Ces travailleurs cotisent à l'assurance-emploi, mais ils s'en prévalent rarement, car souvent, lorsqu'ils perdent leur emploi, ils retournent dans leur pays d'origine.
Plusieurs facteurs ont une incidence sur la pénurie croissante de main-d'œuvre dans le secteur agricole canadien. Par exemple, moins de fermes familiales au Canada peuvent pallier leurs besoins de main-d'œuvre en comptant uniquement sur la main-d'œuvre familiale en raison de la croissance de la taille des exploitations agricoles et des pressions démographiques, comme le vieillissement de la main-d'œuvre. Il est donc davantage nécessaire de recourir à une main-d'œuvre non agricole. Au bout du compte, le manque de main-d'œuvre disponible pour répondre aux besoins divers du secteur, à la fois sur une base saisonnière et tout au long de l'année, représente l'une des plus lourdes entraves au caractère concurrentiel et à la durabilité de l'agriculture canadienne.
En ce qui concerne les mesures de soutien aux besoins en matière d'emploi saisonnier, le gouvernement du Canada devrait veiller à ce que le régime d'assurance-emploi ne crée pas de mesures dissuasives pour les travailleurs, ce qui empêcherait les employeurs de retenir des travailleurs qualifiés ou qui mineraient la viabilité des industries saisonnières.
Depuis toujours, les compétences uniques exigées par de nombreuses exploitations agricoles font appel à une formation en cours d'emploi et à d'autres approches éducatives informelles, comme des modules d'éducation en ligne produits par le CCRHA, des ateliers tenus par les fabricants d'équipement et d'autres ententes non traditionnelles en matière d'éducation. Ces possibilités de formation propres au secteur n'ont pas toujours été financées par l'assurance-emploi, malgré le rôle crucial qu'elles jouent dans le maintien en poste pendant la saison morte.
Nous craignons que la réduction du financement disponible dans le cadre des ententes de transfert relatives au marché du travail aggrave ce problème, surtout dans la région de l'Atlantique. Par exemple, étant donné que de nombreuses exploitations agricoles se trouvent dans des régions éloignées et rurales, les frais de déplacement et d'hébergement nécessaires pour participer à des activités en personne peuvent être prohibitifs pour de nombreux employés agricoles.
Enfin, nous sommes d'avis que les employeurs doivent maintenir une surveillance et se prononcer sur l'utilisation de toute partie des fonds générés par les paiements à la source. Ces déductions doivent être réservées aux initiatives visant à atteindre les résultats escomptés.
En fin de compte, nous estimons que le programme d'assurance-emploi est un outil essentiel pour offrir un revenu d'appoint temporaire aux travailleurs qui en ont besoin. Cependant, nous devons nous assurer que ce programme ne dissuade pas les travailleurs saisonniers de travailler, qu'il appuie les besoins uniques en matière de formation des employeurs dans les industries saisonnières et qu'il sert à soutenir des programmes qui profitent aux employeurs et aux travailleurs qui y cotisent.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Bonjour. Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au nom de l'industrie touristique du Canada.
L'industrie touristique emploie un peu plus de deux millions de personnes, ce qui représente environ 10 % de la main-d'œuvre canadienne, avec plus de 274 000 entreprises au Canada et des emplois dans presque toutes les circonscriptions.
Le secteur est très diversifié. Il englobe cinq industries qui offrent des emplois à tous les échelons. Il y en a pour tous les goûts. Nous avons, par exemple, des emplois qui n'exigent aucune expérience de travail au Canada ni aucune compétence dans l'une des langues officielles. Nous avons aussi des emplois qui exigent des titres de compétence hautement spécialisés.
Il est important de comprendre que les services fournis par ces travailleurs sont essentiels pour les Canadiens, et pas seulement pour l'économie touristique. Les jeunes représentent entre 30 et 35 % de la main-d'œuvre. La plupart d'entre eux commencent à entrer sur le marché du travail grâce à des emplois dans le secteur du tourisme. Les nouveaux Canadiens représentent environ 30 % de notre main-d'œuvre. Les travailleurs permanents et à temps plein comptent pour près de 70 % de la main-d'œuvre.
En 2023, 12 % de l'effectif dans le secteur du tourisme était composé de travailleurs saisonniers ou temporaires et 6 %, de travailleurs occasionnelle. Ce pourcentage de travailleurs saisonniers est en baisse par rapport aux 20 % d'il y a une dizaine d'années.
L'industrie des loisirs et du divertissement compte le pourcentage le plus élevé de travailleurs saisonniers parmi les cinq que nous représentons, soit 24 %. Cela témoigne en grande partie de la nature de ce secteur, qui comprend beaucoup de tourisme autochtone, de loisirs de plein air et d'activités de divertissements à l'extérieur. Viennent ensuite le secteur de l'hébergement, à 15 %, et les services d'alimentation et de boissons, à 7 %.
Je tiens à souligner que les travailleurs saisonniers peuvent être employés par des entreprises saisonnières, qui sont ouvertes pendant des périodes limitées, mais ils peuvent aussi être employés tout au long de l'année par des entreprises qui ont besoin de travailleurs pour faire face aux périodes d'afflux ou de forte demande.
De nombreux exploitants d'entreprises touristiques saisonnières ont exprimé la nécessité d'un régime d'assurance-emploi qui fournit un revenu supplémentaire pour les aider à maintenir leur main-d'œuvre pendant la saison morte. Cela concerne principalement les exploitants situés dans les régions rurales et éloignées, qui sont nombreux et dont la plupart sont de petites et moyennes entreprises.
Dans bien des cas, ces entreprises touristiques sont les piliers de l'économie et de l'emploi de leur collectivité. Sans elles, les collectivités assisteront à une nouvelle migration de la population vers les grands centres. Les travailleurs qui ont accès à l'assurance-emploi comme revenu supplémentaire pendant la saison morte ont les moyens de rester dans ces collectivités rurales et éloignées. L'assurance-emploi est donc importante non seulement pour répondre aux besoins en matière d'emploi des entreprises touristiques qui constituent le plus souvent le seul employeur d'envergure dans leur région, mais aussi pour soutenir les populations de ces régions.
Le secteur du tourisme ne s'est pas complètement remis de la pandémie. Il a fallu cinq ans pour revenir aux niveaux de 2019, en septembre dernier, mais on ne parvient toujours pas à répondre aux besoins. Par exemple, l'été dernier, nous avions une pénurie de 177 000 travailleurs. Aujourd'hui, ce chiffre est d'environ 181 000.
Le fait de ne pas avoir de travailleurs pour répondre à la demande a de nombreuses répercussions ou conséquences. Il y a des pertes de revenus, par exemple. Sans la main-d'œuvre qualifiée nécessaire dans le secteur du tourisme, le Canada perd environ 11 milliards de dollars par année en revenus potentiels. Les fermetures d'entreprises, la diminution de la capacité concurrentielle, la réduction de la productivité et des normes de service, ainsi que la réduction des investissements et de l'innovation sont toutes liées à la pénurie de ces travailleurs.
L'été dernier a été particulièrement difficile et, dans les mois à venir, ce sera encore plus difficile. La réduction des quotas sur les travailleurs étrangers temporaires — qui, soit dit en passant, ne représentent qu'environ 1 % de notre main-d'œuvre — et la réduction du nombre d'étudiants étrangers et des heures qu'ils peuvent travailler ont ajouté de nouvelles contraintes à l'industrie.
Parmi les autres facteurs qui ont une incidence sur l'attraction et la rétention dans les régions rurales, soulignons le logement, le transport, les services de soins et même la connectivité Internet.
Je mentionne cela parce qu'il est important de penser au contexte plus large. L'assurance-emploi est un outil pour aider nos entreprises à retenir les travailleurs à un moment où d'autres options ne sont tout simplement pas disponibles. Un régime d'assurance-emploi bien conçu peut compléter les besoins de nos entreprises saisonnières.
D'autres considérations stratégiques sont nécessaires pour permettre aux aînés de travailler sans pénalité ni réduction de leurs pensions ou pour permettre aux personnes handicapées de travailler sans réduction de leurs prestations d'invalidité.
Autoriser les étudiants étrangers à travailler 10 heures de plus par semaine peut s'avérer très utile pour notre industrie.
Ce sont des exemples qui ne sont peut-être pas réalisables, mais qui peuvent aider nos employeurs à pourvoir des postes vacants pour répondre à leurs besoins saisonniers, en particulier dans les régions rurales et éloignées.
Je m'en voudrais de ne pas mentionner qu'en ce qui concerne l'assurance-emploi, Restaurants Canada, qui est l'une des principales associations nationales de notre secteur, préconise une réduction des cotisations à l'assurance-emploi — de 1,66 à 1,57 % — pour compenser les coûts.
En effet, au premier semestre de 2024, les faillites dans le secteur de la restauration ont augmenté de 55 % par rapport à 2023, et ce n'est pas un portrait complet de la situation. De nombreuses entreprises mettent fin à leurs activités de façon permanente ou ferment leurs établissements peu performants sans déclarer faillite.
En résumé, les prestations d'assurance-emploi aident à maintenir à flot les entreprises touristiques dans les régions rurales et éloignées. En fait, elles sont essentielles. La nature diversifiée de notre secteur et les différences régionales et sectorielles impliquent que les cotisations et les politiques d'assurance-emploi doivent être suffisamment souples ou adaptées aux besoins régionaux.
Enfin, une approche holistique est nécessaire pour veiller à ce que les politiques et les programmes fonctionnent ensemble afin d'optimiser la main-d'œuvre.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Laliberté, j'ai entendu votre déclaration liminaire, et vous avez parlé des différentes zones qui existent dans le cadre de l'assurance-emploi. J'ai eu l'occasion de me rendre à Terre-Neuve‑et‑Labrador au début de l'automne. Pendant mon séjour, j'ai eu le temps de rencontrer le FFAW, soit le syndicat des travailleurs de l'industrie de la pêche de Terre-Neuve, et sa présidente, Dwan Street. L'un des problèmes soulevés par les pêcheurs est justement l'existence de ces zones.
Il pourrait y avoir deux travailleurs à bord d'un bateau de pêche. L'un d'entre eux n'aura besoin que d'un certain nombre d'heures pour être admissible à l'assurance-emploi, et l'autre personne à bord du même bateau, qui vit dans une autre région de Terre-Neuve-et‑Labrador, aura une exigence différente concernant le nombre d'heures. Pour cette industrie, il est fondamentalement injuste que deux personnes travaillant sur le même bateau de pêche aient des exigences différentes en matière d'admissibilité à l'assurance-emploi.
Je me demande si vous en comprenez la raison et si vous avez interrogé le gouvernement sur les répercussions que cela a eues sur les pêcheurs, en particulier sur la côte Est.
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Cela remonte aux années 1970, lorsque le programme a été remanié pour tenir compte du fait que le Canada est un grand pays, ce qui signifie que la situation n'est évidemment pas la même partout et que, d'une certaine façon, la générosité des prestations devrait correspondre à l'état des marchés du travail locaux. La délimitation des zones relève d'une science éminemment imprécise. Nous utilisons les données de recensement et les divisions de recensement pour y arriver, mais c'est toujours extrêmement maladroit et insatisfaisant.
Il y a deux problèmes ici. L'un est l'accès, et l'autre est la qualité de la prestation une fois que vous y avez accès. Je pense que les arguments en faveur d'un accès égal partout au Canada sont tout simplement convaincants. Que vous soyez à Calgary, à Toronto ou à Yellowknife, cela ne devrait pas avoir d'importance: si vous perdez votre emploi et que vous avez accumulé, disons, 420 heures, vous devriez être admissible à l'assurance-emploi.
Les prestations pourront peut-être dépendre des conditions du marché du travail local, mais, à tout le moins, l'accès devrait être le même. Cela réglerait au moins la moitié du problème évoqué par les membres du FFAW.
Nous pouvons avoir une discussion philosophique sur la question de savoir si nous devrions ou non maintenir le même nombre d'heures pour l'ensemble du pays. Je pense qu'il y a de bons arguments des deux côtés, mais, je le répète, en ce qui a trait à l'accès, cela simplifierait la vie de tout le monde — y compris l'administration du programme, soit dit en passant — si on commençait à appliquer les mêmes critères.
Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais...
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C'était ma prochaine question. Je ne veux pas vous couper la parole, mais mon temps de parole est limité. Nous pourrions discuter du sujet toute la journée ensemble.
Les membres de certains groupes que vous avez rencontrés habitent ma région, la circonscription d'Acadie—Bathurst, et d'autres habitent dans l'Est du Québec.
Les changements proposés par certains groupes consisteraient à transformer ces régions en les divisant en plusieurs petites. Par exemple, dans ma région, certains groupes veulent créer une petite région qui représenterait seulement la péninsule acadienne.
Que pensez-vous de propositions comme celle-là? Est-il réaliste de penser qu'on pourrait modifier les critères d'admissibilité à l'assurance-emploi auxquels doivent satisfaire les gens habitant de si petites régions? Cela pourrait-il désavantager certaines régions?
Si on transforme une région en plusieurs petites régions, que vont penser les voisins de chaque côté? Comment fait-on pour permettre un accès juste et équitable pour les autres régions du Canada?
Pensez-vous qu'il est réalisable de créer de si petites régions et d'obtenir des données représentatives du taux de chômage dans celles-ci?
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Il reste qu'il faudrait vérifier pour ce qui est de la population de ces régions de l'Île‑du‑Prince‑Édouard, mais ce sera pour une autre fois.
On se concentre souvent beaucoup sur la délimitation des régions, mais, comme vous l'avez dit tout à l'heure, il faut aussi tenir compte de la fameuse méthode de calcul servant à établir le taux de chômage. Je crois qu'elle consiste à diviser le nombre de chômeurs par celui de la population active, puis à multiplier le résultat par 100.
Prenons l'exemple de la population active dans ma région. Je peux vous dire qu'elle a réellement changé depuis les 10 à 15 dernières années. Elle comprend beaucoup plus de personnes âgées et de gens à la retraite, ce qui fausse forcément les données sur le taux de chômage de cette région, tout comme cela peut être le cas dans d'autres régions au Canada.
Je suis d'accord pour dire que la délimitation des régions devrait être revue. Toutefois, pensez-vous qu'on devrait aussi revoir la méthode de calcul du taux de chômage, qui n'est peut-être plus représentative de la situation dans certaines régions économiques du Canada? Avez-vous déjà pensé revoir cette méthode?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence, dont vous, monsieur Laliberté.
Je pense que, à titre de commissaire des travailleurs et travailleuses et de commissaire à l'assurance-emploi, vous êtes depuis déjà longtemps en mesure de bien cerner les problèmes soulevés par les travailleuses et les travailleurs de l'industrie saisonnière.
Comme vous l'avez dit, la situation du marché du travail a changé, et notre système d'assurance-emploi ne répond pas aux besoins des travailleurs saisonniers.
Dans la motion que j'ai présentée, j'avais pris soin de préciser que notre étude portait sur les travailleurs de l'industrie saisonnière. Certaines industries permanentes embauchent des travailleurs saisonniers — c'est une autre réalité —, mais les travailleurs saisonniers travaillent habituellement pour des industries qui n'exercent pas leurs activités toute l'année, mais qui ont besoin de ces travailleurs, qui contribuent à l'économie.
Comment peut-on soutenir les travailleurs qui ne travaillent pas à l'année en leur permettant, grâce au régime d'assurance-emploi, de ne pas vivre de longues périodes appelées le trou noir de l'assurance-emploi?
En Nouvelle‑Écosse, on a mis les casiers à homard à l'eau, ce matin. Il y a deux semaines, nous avons d'ailleurs entendu un autre beau témoignage de Mme Mandy Symonds, qui travaille à l'usine de transformation du homard. Elle nous expliquait que ce secteur représente 90 % de l'économie dans le Sud de la Nouvelle‑Écosse.
Parmi les solutions envisagées, on propose une exigence standard de 420 heures d'emploi pour se qualifier à l'assurance-emploi. On évoque aussi souvent la hausse du nombre de semaines servant à déterminer le niveau de prestations, qui passerait à 35, et de l'utilisation des 12 meilleures semaines pour faire le calcul.
Pouvez-vous nous fournir plus de détails sur ces solutions et nous dire si elles vous semblent des solutions gagnantes, si on veut maintenir de tels emplois?
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Je vous remercie de votre question, madame Chabot.
À l'heure actuelle, le principal problème est l'accès, tout simplement.
Des gens ont de la difficulté à se qualifier. Ce matin, certains groupes m'ont dit qu'on était en train de créer une situation où les travailleurs, dans ces secteurs, sont de plus en plus âgés et les jeunes, qui se trouvent sans revenu pendant la saison morte, déménagent dans d'autres régions et passent à autre chose. Ce phénomène dévitalise les régions, de même que les industries saisonnières, qui doivent se rabattre sur certaines solutions, comme le recours à des travailleurs étrangers temporaires. On a donc créé un cercle vicieux, ce qui est très néfaste. Si tout le monde pouvait avoir accès à l'assurance-emploi après 420 heures de travail, ce serait déjà une bonne base.
Les travailleurs saisonniers travaillent généralement environ 16 semaines. Pour cette raison, les 35 semaines de prestation ont souvent été évoquées par les groupes concernés par ces enjeux, pour permettre aux gens de traverser cette période. Dans plusieurs régions du Canada, il n'y a pas beaucoup d'emplois de substitution pendant la saison morte. Telle est la situation.
Est-ce en changeant le tableau pour tous les prestataires qu'on peut y arriver, ou nous faut-il une approche ciblée pour les travailleurs des industries saisonnières dans les régions où le problème est plus grave?
En fait, cela dépend de l'approche qu'on souhaite adopter, c'est-à-dire une approche universelle ou une approche ciblée. Il n'en demeure pas moins que les 35 semaines de prestations sont importantes dans ces cas. Malheureusement, le projet pilote actuel n'accorde que cinq semaines de prestations, et c'est problématique. Si le projet pilote permettait des semaines de prestations supplémentaires jusqu'à un maximum de 35 semaines, ce serait déjà un élément de solution très ciblée qui dépannerait les gens. Autrement dit, si quelqu'un a droit à 26 semaines de prestations, par exemple, on pourrait ajouter neuf semaines supplémentaires de prestations, mais pas davantage, étant donné notre plafond de 35 semaines.
Il y a également la question des meilleures semaines. Les travailleurs saisonniers, qui travaillent pendant 14 ou 15 semaines, se font maintenant imposer des dénominateurs de 22 semaines. Par conséquent, ils voient leur gain total divisé par 22 et ensuite multiplié par 0,55. On peut constater que les semaines qui n'ont pas été travaillées représentent zéro heure. Cela signifie que leurs prestations sont facilement réduites du quart, sinon du tiers. Évidemment, cela ne les aide pas. Il serait donc bien d'établir le nombre des meilleures semaines à 14 pour tout le monde.
Je vais ajouter une dernière chose. On a essayé...
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En ce qui concerne la formation — car je pense que c'est un aspect important de la question et Allan y a assurément fait référence —, il y a plusieurs éléments à prendre en compte. Parmi ces éléments, il y a les mesures de soutien périphériques. C'est ce que nous disent un grand nombre de nos membres et d'employeurs du secteur agricole. Cela comprend des choses comme le transport vers et depuis les lieux de formation ou les possibilités de formation et les conseils en matière d'emploi.
Deuxièmement, je dirais qu'il faut élargir l'admissibilité, comme l'a dit M. Melvin, et envisager d'autres types d'activités de formation non traditionnelles, comme les certifications à court terme, la formation en ligne et les ateliers. Je dirais qu'il est essentiel de mieux faire connaître les possibilités de formation et de mettre davantage l'accent sur l'adéquation des emplois pour les travailleurs hors saison.
Vous avez également mentionné la technologie, et j'en suis très heureux. C'est un élément très important. Il est certain que de nombreux producteurs agricoles d'un peu partout au Canada se tournent vers la technologie. Au Canada, le taux d'adoption des technologies dans le secteur agricole est en fait très élevé. Cependant, la réalité, c'est que pour certains types de production agricole, comme les fruits et légumes frais — la cueillette des fraises en est un exemple patent —, la cherté des technologies fait en sorte que ces dernières sont difficilement accessibles et que la plupart des producteurs ne sont pas en mesure de les adopter. C'est la raison pour laquelle le Programme des travailleurs étrangers temporaires est encore plus utilisé pour combler cette lacune d'importance névralgique.
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Il y a beaucoup d'éléments dans votre question. Pour clarifier les choses, je dirai que dans l'industrie elle-même, 30 à 35 % des travailleurs sont des jeunes. Cela peut aller jusqu'à 35 %. Le reste des travailleurs sont plus âgés et ils sont répartis comme dans la majeure partie de la population en général.
Pour répondre à votre question, oui, les pressions inflationnistes et d'autres dynamiques ont assurément eu un impact sur ce qui se passe dans le secteur. La longue convalescence qui a suivi la pandémie continue d'avoir une incidence de taille sur l'industrie elle-même. Nombre de ces entreprises sont des microentreprises et des petites entreprises avec des flux de trésorerie très serrés et des revenus ou des marges bénéficiaires très limités. Par conséquent, elles essaient de se remettre peu à peu à embaucher, mais elles sont limitées dans leur capacité à le faire, malgré la demande pour les services qu'elles offrent.
Pour vous donner un exemple, l'été dernier, 20 % des chambres d'hôtel au Canada n'ont tout simplement pas été mises à la disposition des clients faute de personnel. De même, dans les restaurants, le nombre d'heures d'ouverture a été réduit de 20 à 40 %, et de nombreux restaurants ont été fermés.
Quoi qu'il en soit, voilà où nous en sommes. À l'heure actuelle, la situation économique les empêche vraiment de faire revenir les gens.
Le programme financé par le gouvernement pour subventionner le recours à des étudiants pendant les périodes estivales permet d'illustrer à quel point ce genre d'initiative peut être déterminante. Ce programme est très couru. Encore une fois, je pense que c'est un indicateur de l'un des facteurs de stress que vous avez mentionnés.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais présenter une motion que nous avons mise en avis. Je vais vous la lire.
Attendu que, pour permettre aux Canadiens d'économiser jusqu'à 50 000 $, de réduire les paiements hypothécaires de 2 200 $ par an pour une maison typique, et de construire 30 000 maisons de plus chaque année, le Comité présente à la Chambre sa recommandation d'éliminer la TPS fédérale pour les maisons neuves vendues pour moins de 1 million de dollars.
Monsieur le président, je ne pense pas que ce soit une surprise pour qui que ce soit. Tout le monde en a été informé. Lorsqu'en moyenne, dans l'ensemble du pays, 30 % du coût d'une maison est constitué de droits et de frais gouvernementaux, je pense qu'il s'agirait d'une mesure importante de la part du palier fédéral pour montrer l'exemple et inciter les autres ordres de gouvernement à réduire eux aussi les droits et les frais qu'ils perçoivent lors de l'achat d'une maison. Quand on prend ces 30 % en considération, on se rend compte qu'il y a des gens qui empruntent de l'argent pour payer les droits et les frais imposés par l'État. Une partie de l'achat de leur maison consisterait à emprunter de l'argent, surtout s'ils ont un prêt hypothécaire assuré par la SCHL, par exemple. Vous pouvez concevoir que c'est plutôt insensé.
Nous pensons qu'il s'agit en fait d'une mesure très astucieuse. C'est une façon de montrer l'exemple et nous pensons que nous devrions en faire part à la Chambre.
J'aimerais proposer l'adoption de la motion.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Laliberté, vous parliez plus tôt d'un taux uniforme de 420 heures et du dénominateur 14 pour tout le Canada. Je comprends très bien ce que vous voulez dire, car je répète depuis neuf ans que ce n'est pas nécessairement les heures admissibles qui sont problématiques. Selon un échantillonnage que j'ai constitué dans ma région auprès des usines de transformation du poisson et d'attractions touristiques, la majorité des travailleurs sont admissibles à l'assurance-emploi.
Compte tenu des projets pilotes qu'il y a, soit le programme de cinq semaines supplémentaires qui se termine et celui de quatre semaines supplémentaires qui, on l'espère, sera renouvelé, ces gens peuvent traverser la saison morte.
Selon moi, le fameux dénominateur est ce qui cause le plus de problèmes aux gens de ma région actuellement, en raison de la baisse que cela entraîne dans leurs prestations. Qu'on le veuille ou non, cela réduit le nombre de semaines admissibles, mais on compense cela au moyen de projets pilotes de semaines supplémentaires de prestations.
Plusieurs entreprises de ma région cherchent également à embaucher des gens dans différents secteurs après la période de travail saisonnier, par exemple dans le domaine de la pêche ou du tourisme. Comment peut-on en arriver à un juste milieu? On sait que les personnes qui travaillent dans les mêmes domaines saisonniers depuis des années sont admissibles aux projets pilotes de quatre et de cinq semaines supplémentaires de prestations.
Changer les zones, la formule ou autre est un processus complexe. Selon moi, il y aurait un moyen simple de remédier à la situation et j'aimerais votre avis à ce sujet. Ne pourrait-on pas créer, à l'assurance-emploi, une catégorie qui s'appellerait « autres »? Par exemple, un travailleur de l'industrie saisonnière aurait un seuil d'admissibilité plus bas qu'un travailleur d'un autre secteur. Même dans le cas d'un travailleur indépendant qui doit se conformer à certaines lois qui ont été modifiées, pensez-vous que ce serait une solution rapide et efficace possible pour que certaines personnes se qualifient plus facilement à l'assurance-emploi?
En ce moment, je le répète partout où je vais, comme vous, je crains que nos régions rurales se vident au détriment de nos industries saisonnières, qui sont vitales pour nous et pour notre économie, au même titre que l'industrie automobile l'est pour l'Ontario. Les 18 usines de transformation du poisson de ma région sont importantes.
Pensez-vous qu'on pourrait apporter des changements mineurs, sans que ce soir très lourd sur le plan législatif, pour aider ces catégories de travailleurs à être plus facilement admissibles à l'assurance-emploi?
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Votre suggestion est très bonne. Comme vous le savez sans doute, afin de se qualifier pour le projet pilote en tant que travailleur des industries saisonnières, il faut montrer que, au cours des cinq dernières années, on a fait trois demandes à l'assurance-emploi et deux fois dans la même période de l'année.
Non seulement cette méthode boiteuse et alambiquée, mais elle finit par exclure les jeunes, par exemple, que vous voulez garder dans votre région, qui pourraient vouloir travailler dans ces industries, mais qui ne peuvent pas se qualifier comme « saisonniers ». La solution que vous proposez serait parfaite, parce qu'on aurait alors un motif sur le relevé d'emploi qui dirait, par exemple, « mise à pied saisonnière », ou « mise à pied d'un employeur saisonnier ». Cela aiderait énormément à l'administration.
De plus, un travailleur saisonnier qui travaille, par exemple, dans le secteur de l'agriculture avec MM. Melvin et Berrigan, pourrait faire un travail temporaire pendant la saison morte et le quitter pour revenir à l'emploi saisonnier...
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Madame Chabot, il va y avoir un écrit et je vous fais un petit résumé très court.
On souhaite donc 420 heures travaillées pour tous les travailleurs, qu'ils soient saisonniers ou non. On souhaite également voir bonifier un projet pilote existant jusqu'à 15 semaines supplémentaires dans un plus grand nombre de régions qui ont des profils similaires. Ce serait déjà bien.
Pour compléter cette information, j'ajouterai que, ces 420 heures d'admissibilité pour tout le monde et les 14 meilleures semaines, nous les avons déjà eues pendant un an, entre 2021 et 2022.
Combien cela a-t-il coûté? Cela a coûté 610 millions de dollars. C'est de l'argent mais, tout bien considéré, c'est une réforme qui ne mettrait pas le programme à terre et qui serait équitable pour tous les travailleurs canadiens, qu'ils soient saisonniers ou non.
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Monsieur le président, j'aimerais invoquer le Règlement.
C'est juste une question technique que je voulais soulever. Je sais que la réunion tire à sa fin.
Au début de la réunion, Mme Vien a fait sa déclaration et répondu aux questions. Or, j'ai remarqué assez souvent que la caméra n'est pas allumée lorsque la première personne pose des questions. Elle a parlé pendant environ deux minutes, et la caméra est restée braquée sur le fauteuil pendant tout ce temps. J'ai remarqué que cela se produisait assez souvent. Je voulais simplement signaler à l'équipe technique, en particulier aux caméramans, que les premières questions sont toujours posées par l'une des quatre personnes de ce côté‑ci. Autrement dit, il ne saurait y avoir de confusion quant à l'identité des personnes qui vont poser les premières questions.
Je tenais à le souligner parce que c'était particulièrement remarquable aujourd'hui. En fait, cela a duré près de deux minutes.
Merci, monsieur le président.