Bienvenue à la 37e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroulera en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022, mais aujourd'hui, au cours de la présente séance, nous serons tous dans la salle de comité. Pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'aimerais faire quelques observations pour la gouverne des témoins et des députés.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro, qui sera contrôlé par l'agent des délibérations et de la vérification. Je vais gérer l'ordre des interventions.
Vous pouvez parler dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont offerts. Je demanderais aux députés de parler lentement et clairement pour aider les interprètes. Si vous perdez la traduction, veuillez me l'indiquer et je vais suspendre la séance le temps de remédier à la situation.
J'aimerais rappeler à tous les participants qu'il est interdit de faire des saisies d'écran ou de prendre des photos dans la pièce. Une fois de plus, en cas de difficultés techniques, veuillez attirer mon attention, et je vais suspendre la séance le temps de les régler.
Conformément à l'ordre de référence du mercredi 15 juin 2022, le Comité va commencer son étude du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (maladie, blessure ou mise en quarantaine).
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins qui commenceront la discussion par des observations liminaires de cinq minutes. Nous allons commencer par notre collègue, M. Jacques Gourde, le député de Lévis—Lotbinière. Nous avons aussi un autre témoin pendant la première heure, M. Louis Sansfaçon, qui comparaîtra à titre personnel.
Bienvenue, messieurs. Je vais maintenant donner la parole à M. Gourde pour qu'il commence ses observations liminaires de cinq minutes.
Monsieur Gourde, vous avez la parole.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également tous les membres du Comité de participer à cette très importante étude.
Aujourd'hui, le Comité HUMA va se transformer en comité de l'espoir. Je parle ici de l'espoir pour les 151 000 Canadiens qui, chaque année, ont besoin de plus de 15 semaines de prestations d'assurance-emploi ou d'assurance-maladie. Le but et l'esprit du projet de loi que je vous présente consistent à faire passer de 15 à 52 le nombre de semaines auquel sont admissibles ceux et celles qui en ont besoin en raison d'une maladie grave, par exemple un cancer, ou d'une maladie prolongée. Cette étude est très importante parce que cela peut changer les choses dans la vie de ces personnes.
J'ai compris d'une façon personnelle ce que pouvait signifier avoir de l'aide. En 1993, mon épouse a eu un cancer. Entre le diagnostic, les traitements et la rémission, donc, avant qu'elle soit de nouveau en forme, il s'est écoulé un an, soit de janvier 1993 à la fin de décembre de la même année. Je peux donc vous dire que, pour toutes celles et tous ceux qui vivent des jours difficiles, cela change vraiment les choses. Quand nous nous battons pour notre vie et notre santé, nous avons besoin de tout ce qui peut nous aider à garder un espoir et à maintenir le cap.
Malheureusement, trop de Canadiens perdent leur combat parce qu'ils ont des problèmes financiers du fait qu'ils ne peuvent plus travailler. Une fois passées leurs 15 semaines de prestations d'assurance-emploi, ils se retrouvent sans ressources. Il y a encore beaucoup trop de Canadiens qui n'ont pas les moyens de se doter d'assurances privées.
Je vous demande donc de réfléchir, en tant que parlementaires, et de ne pas vous cacher derrière une recommandation royale. Le Parlement a voté en faveur de ce projet de loi lors de sa deuxième lecture. Il est important d'être conscients du fait que la décision concernant ce projet de loi, qui va être prise au cours des prochains jours, va toucher directement la vie de 151 000 Canadiens chaque année. Elle touchera aussi les familles, les conjoints, les enfants, les parents et les amis. Nous connaissons tous des personnes qui ont eu ou qui auront des problèmes de santé.
C'est un message d'espoir que le gouvernement du Canada peut appuyer.
Après un an, lorsque les gens deviennent à toutes fins utiles invalides, ils ont accès à d'autres prestations. En revanche, il y a un genre de trou noir entre la quinzième et la cinquante-deuxième semaine pour ce qui est de l'appui offert aux Canadiens. Faire en sorte que cette aide leur soit fournie est notre devoir, en tant que parlementaires. Le Parlement du Canada est d'accord. Ne vous cachez pas derrière une procédure. Elle vise peut-être à éviter les abus, mais ce projet de loi n'est pas un abus, c'est une nécessité.
J'espère que vous y réfléchirez.
Je m'arrête ici.
Je serai prêt à répondre à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs les députés.
Je vous remercie de m'accueillir ici.
Je remercie également Mme Chabot, qui m'a permis de m'adresser à vous. Je lui en suis très reconnaissant.
C'est avec beaucoup d'émotions que je vais tenter de livrer mon témoignage, dans un souci d'honorer la mémoire de ma fille Émilie, mais, surtout, la promesse que je lui ai faite.
En 2018, Émilie, qui travaillait à titre de secrétaire-comptable au sein d'une petite entreprise de construction, a reçu un diagnostic de cancer colorectal de phase trois. Mère d'une petite fille de trois ans, elle a appris qu'un protocole de chimiothérapie, des interventions chirurgicales et des séances de radiographie allaient être nécessaires pour survivre, et que ce protocole allait sûrement durer plusieurs mois. N'ayant jamais dû affronter une telle situation, elle ne connaissait pas la durée des prestations auxquelles elle aurait droit. En fait, elle avait droit à 15 semaines de prestations au maximum, qui est le même nombre de semaines depuis 1971.
Du haut de ses 29 ans, elle a pensé qu'en s'engageant directement, elle pourrait contribuer à faire changer la loi. Entre ses 62 séances de chimiothérapie, elle est venue ici, à Ottawa, afin de sensibiliser les décideurs — c'est-à-dire vous — à la nécessité d'améliorer la qualité de vie des travailleurs malades comme elle. Je l'ai accompagnée pendant toute sa démarche. Voici près de trois ans, le 17 décembre 2019, elle a même rencontré personnellement le premier ministre Trudeau. Tous les espoirs étaient donc permis.
Le projet de loi , dont le titre abrégé est d'ailleurs Loi d'Émilie Sansfaçon, a été présenté par Mme Claude DeBellefeuille, du Bloc québécois, qui a toujours accompagné Émilie. Ce projet de loi n'a pas obtenu la sanction royale. Des élections ont été déclenchées et ce projet de loi est mort au Feuilleton, comme ma fille. Fini, l'espoir pour les quelque 420 000 travailleurs qui s'inscrivent à l'assurance-emploi.
Émilie est décédée le 5 novembre 2020 sans avoir constaté d'amélioration. La démarche d'une simple jeune citoyenne qui n'a jamais demandé à être malade a été parsemée de défis, tant médicaux que financiers. Émilie a été déçue: elle avait perdu sur les deux fronts.
Le 15 décembre 2021, M. Jacques Gourde, député conservateur de Lévis—Lotbinière, a déposé le projet de loi . Il s'agit du énième projet de loi sur le sujet, et j'espère qu'il débouchera sur des prestations de 50 ou 52 semaines — on ne s'en fera pas pour deux semaines.
Une question se pose. Comment se fait-il qu'au gré des élections, selon qu'ils soient au pouvoir ou pas, certains députés votent tantôt en faveur tantôt contre un tel projet de loi? Ainsi, M. Trudeau, en février 2012, avait voté en faveur de la proposition de M. Coderre, laquelle visait des prestations de 52 semaines. Cette position avait d'ailleurs grandement motivé Émilie.
Les citoyens électeurs choisissent leurs représentants. Chaque député a le privilège et le devoir d'intervenir et de participer personnellement à l'exercice de la démocratie.
Au Québec, plusieurs dizaines de milliers de personnes devront s'absenter de leur travail pour cause de maladie. Certaines auront reçu un diagnostic de cancer et devront suivre un protocole de traitement qui dépassera largement 15 semaines. Selon un rapport du directeur parlementaire du budget, la majorité des bénéficiaires de prestations de maladie de l'assurance-emploi sont en arrêt de travail pour une durée moyenne de 41 semaines.
Mme Kelly Masotti, vice-présidente de la division Défense de l'intérêt public à la Société canadienne du cancer, mentionne que la durée moyenne de traitement du cancer du sein ou du côlon est de 26 à 37 semaines, à laquelle s'ajoute la période de convalescence.
Vous aurez tous compris que certaines personnes ne s'en sortent malheureusement pas. La maladie a une incidence sur le quotidien de la personne en cause, mais aussi sur sa famille, ses proches et ses enfants. L'effet pervers de prestations de 15 semaines seulement, et même de 26 semaines, conduit tranquillement mais sûrement vers la pauvreté.
À titre de députés ou de ministres, comme moi, vous n'aurez pas à vous inquiéter au lendemain d'un diagnostic. Vous ne faites pas partie des travailleurs de la zone dite tertiaire, soit celles et ceux qui ne bénéficient pas d'une assurance de groupe ou d'une assurance mutuelle, ou encore qui ne peuvent pas se payer une assurance. Personnellement, j'ai un cancer de la moelle osseuse, un cancer des os, et je suis protégé par une assurance.
Vous qui aurez à participer à la décision, dites-vous que cette situation pourrait s'appliquer à un membre de votre famille, à un ami, à une voisine, à du vrai monde. Bref, cette absurdité est réelle. Elle est insidieuse et elle atteint quasiment plus le moral que la maladie elle-même. Les statistiques imposent la loi au détriment du respect de la collectivité et de la solidarité.
Il est injustifié qu'au Canada, les travailleurs malades aient à recourir aux plateformes de financement de ce monde, comme GoFundMe, qu'ils soient obligés d'organiser des soupers-bénéfice ou d'autres activités pour payer leurs médicaments, leurs frais de transport vers les hôpitaux, entre autres choses.
a déclaré à la Chambre des communes, le 28 mai 2021, que les Canadiens voulaient et méritaient un régime d'assurance‑emploi flexible, qui répond à leurs besoins.
Je suis d'accord avec elle, mais la période de 26 semaines ne correspond ni aux besoins ni à l'objectif à atteindre.
Bien sûr, monsieur le président, vous ne verrez pas des chômeurs malades participer à une manifestation, pancarte en main, et marcher dans les rues. Ils sont trop occupés à se soigner et surtout, à survivre financièrement.
Je sais bien que nous avons vécu une pandémie. Maintenant, c'est l'inflation que nous vivons. Que feront alors ces travailleurs malades relativement à l'inflation?
La pandémie a occasionné des retards dans les chirurgies, mais aussi dans les diagnostics et la prise en charge des patients. Ainsi, dès le début, des semaines précieuses qui auraient dû être consacrées à la guérison et au retour au travail ont été gaspillées. Ce sont encore les travailleurs qui en feront les frais.
Vous conviendrez tous qu'un environnement sain favorise la guérison. Cependant le stress de l'inconnu relativement à la maladie, ajouté à la réalité financière et au défi de devoir se nourrir, payer les factures et prendre soin de sa petite famille, devient une source d'épuisement mental et n'aide certainement pas les gens à retourner au travail.
Tôt ou tard, le travailleur malade, ayant épuisé les semaines de prestations, devra vendre des biens et épuiser toutes ses économies, avant de devenir admissible à la sécurité sociale, responsabilité de la province.
En terminant, je souligne que a aussi dit qu'il fallait moderniser la Loi sur l'assurance‑emploi. Là encore, je suis d'accord avec elle, mais ne faisons pas les choses à moitié. Si nous divisons 50 par 2, nous ne sommes pas loin de 26.
Je vais me permettre ici de reprendre les paroles de Mme Marie‑Hélène Dubé, que je félicite pour sa détermination et son courage. Elle a dit que, l'objectif à atteindre, c'était que les travailleurs puissent se soigner dans la dignité et le respect.
Un jour, vous aurez tous à vous lever à la Chambre pour représenter des milliers de personnes qui vous ont élus. Dans chacune de vos circonscriptions, des travailleurs vivent la situation d'Émilie. Comme citoyen, je m'attends à ce que chacun de vos votes vienne du cœur et que le sens des responsabilités vous habite. Je vous demande de vous souvenir de votre engagement et du privilège que vous avez de pouvoir faire changer les choses pour celles et ceux qui n'ont pas de voix.
En mémoire d'Émilie, je vous remercie.
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Comme je le disais tout à l'heure, il y a beaucoup d'éléments inconnus quand une personne est malade. Il n'y a pas de date de fin. C'est évolutif. Quelquefois, la maladie évolue dans le bon sens et, quelquefois, ce n'est pas le cas. Concentrons-nous sur le meilleur, sur ce qui arrive quand ça va bien.
Il faut aussi savoir que, 50 ou 52 semaines, cela représente un maximum. Quand une personne reçoit un diagnostic de maladie, il y a un suivi médical. Elle ne gagne pas un prix. Elle ne s'en va pas au Club Med pendant 50 semaines. Elle lutte pour sa vie.
Personnellement, j'ai accompagné ma fille pendant sa maladie. Je dis que je l'ai accompagnée, mais il ne faut pas oublier tous les gens qui étaient derrière moi, c'est-à-dire ma femme et les amis de ma fille. Cet accompagnement a des conséquences sur la vie des gens, même si les proches et les amis le font par amour.
Au quotidien, il faut organiser les transports et diverses activités. Tout le monde veut que la personne s'en sorte, qu'elle retourne au travail et qu'elle soit productive. Tout le monde a besoin d'être valorisé au travail.
Nous parlons de cancer et du décès d'Émilie, mais il y a des situations où les malades vont avoir besoin de 34, de 40 ou de 42 semaines de prestations. Il faut qu'ils sachent qu'ils pourront compter sur un encadrement. Cinquante-cinq pour cent du salaire, c'est déjà bien. Cinquante-deux semaines, c'est un maximum.
Les calculs dont nous avons parlé se basaient peut-être sur l'idée que tout le monde va demander d'avoir des prestations pendant 52 semaines, mais ce n'est pas nécessairement le cas.
J'abonde dans le même sens que monsieur Gourde: il faut, d'une façon ou d'une autre, valider cette situation.
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En fait, ce n'est pas à la 15
e semaine que le stress s'installe ni même vers la 15
e, mais bien avant cela. Il débute déjà à partir du moment où le patient rencontre son médecin et apprend que sa guérison passe par un traitement qui pourra durer 40 semaines.
Le patient espère que cela ira plus vite, mais, à un moment donné, la douzième, la treizième et, enfin, la quinzième semaine de prestations arrive. Comme je le disais tout à l'heure, le patient et ses proches doivent par la suite faire des collectes de fonds au moyen de la plateforme GoFundMe, par exemple, organiser des soirées spaghetti, et ainsi de suite.
Il y a quelque chose de particulier dans ces démarches. Il y a beaucoup d'amour dans ces gestes, mais l'énergie devrait être mise ailleurs. Elle devrait être consacrée à l'accompagnement de la personne malade, que ce soit pour la conduire à l'hôpital, l'aider dans son quotidien avec ses enfants, bref, au fait d'être présent.
La période de 15 semaines constitue une barrière psychologique. Lorsque cette période prend fin, c'est dramatique. Émilie a eu la chance d'avoir autour d'elle des gens qui étaient un peu plus à l'aise sur le plan financier. Or, ce n'est pas le cas de tout le monde. Comme je l'ai dit plus tôt, il s'agit souvent de gens de la zone tertiaire, de petits travailleurs. Personne ne prévoit une maladie. À l'âge qu'avait Émilie, on ne pense pas à mettre de l'argent de côté en cas de maladie. On n'a pas ce réflexe. On pense à bâtir sa maison, à acheter une voiture et à prendre de bonnes décisions. Arrive un moment où l'on reçoit un diagnostic de maladie, et tout change.
Personnellement, j'ai souffert d'un myélome multiple et j'ai subi une greffe de moelle osseuse. Émilie croyait donc en la médecine, mais, dans son cas, cela n'a pas fonctionné. En plus, la pandémie n'a évidemment pas aidé sa situation.
Donc, tout cela contribue à créer un stress incroyable. Si l'aspect financier était réglé et sous contrôle, la situation serait plus facile. Je ne parle pas d'argent qui serait donné ici et là, mais bien d'argent qui serait dépensé de la bonne manière pour accompagner les gens malades. Je pense que les travailleurs seraient peut-être prêts à cotiser un peu à cette fin. C'est peut-être le prix à payer pour avoir cette quiétude.
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Il est quand même difficile pour moi de répondre au nom du gouvernement. J'aimerais bien que quelqu'un ait le courage de le faire.
J'aimerais trouver quelqu'un qui s'oppose à ce projet de loi et qui aurait le courage de venir témoigner ici. En effet, on pourrait facilement trouver 500 témoins qui y sont favorables. Malheureusement, à la fin de l'exercice, le gouvernement pourrait ne pas lui accorder la recommandation royale parce qu'il s'agit d'un projet de loi émanant d'un député. Pourtant, il a été présenté par un député du Parlement et a été accepté par une majorité des députés du Parlement. Cela frise l'atteinte à la démocratie.
Le gouvernement pourrait se servir d'une procédure visant à éviter les abus pour rejeter le projet de loi sous le prétexte qu'il n'a pas été présenté par le gouvernement. En effet, l'idée de prolonger la période de prestations de maladie de l'assurance-emploi à 52 semaines ne vient pas du gouvernement, parce que les libéraux ne l'ont pas mise dans leur plateforme électorale, préférant la garder pour plus tard afin de s'en attribuer le mérite. C'est faire de la politique partisane sur le dos des gens qui sont malades.
On ne devrait jamais faire de la politique partisane sur le dos des gens qui sont malades. On ne devrait jamais procéder à des coupes financières sur le dos des gens qui sont malades.
C'est notre devoir, en tant que parlementaires, de faire des choix, les bons choix, avec l'argent des Canadiens. Tous les jours, à Ottawa, il se prend des décisions pour lesquelles, chaque jour, on dépense plus d'un milliard de dollars. Dans le cas présent, on a besoin d'environ un milliard de dollars par année, somme qui sera payée par les Canadiens.
Il nous revient de prendre la décision de dire oui à 52 semaines et j'espère que nous prendrons la bonne décision, ici, au comité de l'espoir.
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Quand on est malade et qu'on reçoit un diagnostic d'un médecin confirmant qu'on ne peut pas travailler, on devient admissible aux prestations de maladie de l'assurance-emploi. Le problème n'est pas là.
Le problème, c'est que, parmi les 400 000 Canadiens par année qui demandent des prestations de maladie de l'assurance-emploi, il y en a 151 000 qui ont besoin de plus de 15 semaines de prestations. En prolongeant cette période à 26 semaines, on va aider 120 000 de ces 151 000 personnes. Par contre, il restera toujours 31 000 Canadiens par année pour qui ce ne sera pas suffisant.
Si on obtenait la recommandation royale et que le projet de loi était adopté, avec 26 semaines, on aiderait peut-être 31 000 Canadiens de plus, sans que cela ne coûte beaucoup plus cher.
J'aimerais que le directeur parlementaire du budget puisse étudier la différence de coûts entre les 26 semaines à venir et la moyenne requise de 41 semaines. Pour les 31 000 Canadiens qui sont vraiment défavorisés, le montant moyen des prestations ne serait pas d'environ 600 $ par semaine, mais plutôt d'environ 300 à 350 $ par semaine. Est-ce que cela vaut vraiment la peine de pénaliser 31 000 Canadiens en nous entêtant à débattre de 26 semaines par rapport à 52 semaines?
La question est importante présentement, parce que des mesures sont proposées pour moderniser le programme de l'assurance-emploi et les compagnies d'assurance sont prêtes. Il a fallu 50 ans pour ouvrir le débat, avancer et accorder plus de 15 semaines de prestations. La proposition actuelle est de 26 semaines, il en faut 52, mais, pour la grande majorité de la population, le besoin moyen est de 41 semaines.
En nous limitant à 26 semaines, nous allons pénaliser 31 000 Canadiens chaque année. Nous avons de ces Canadiens dans chacune de nos circonscriptions. Il ne se passe pas une semaine sans qu'une personne nous téléphone pour nous dire qu'elle n'a plus d'argent. Il vaudrait vraiment la peine de régler ce dossier et de le clore pour les 50 prochaines années. Je vous demande d'y réfléchir et d'en parler à votre caucus.
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Bonjour. Merci de m'accueillir ici pour la troisième fois. Je vais apporter quelques précisions.
Depuis 2009, je dirige la campagne 15 semaines, ce n'est pas assez. J'ai affronté le cancer à trois reprises entre 2003 et 2008. Je n'ai eu droit qu'aux 15 semaines de prestations. À la suite de cela, j'ai lancé une pétition qui est devenue la plus importante au Canada, ayant atteint 620 000 signatures. J'ai participé à l'élaboration de la majorité des projets de loi.
Mon mandat a donc été plus long que celui de la plupart des députés. Je trouve important de rappeler ce contexte, parce qu'énormément de Canadiens ont participé à ce processus et ont demandé de faire passer la période de prestations de 26 à 50 semaines.
Jamais je n'aurais cru revivre le même cauchemar 13 ans plus tard. J'ai eu d'autres complications et, depuis le 28 août, je suis encore sans revenu, parce que mes 15 semaines de prestations sont terminées. Bref, tout ce qui a été dit précédemment s'applique.
Je suis contente de voir qu'il y a un nouveau projet de loi, mais, honnêtement, je trouve cela très décourageant. J'ai travaillé avec tous les partis au fil des années. Tout le monde est toujours d'accord pendant les discussions, mais le jeu de la chaise musicale continue. Avant, c'étaient les conservateurs qui bloquaient les libéraux. Maintenant, les rôles sont inversés. Honnêtement, j'ai tout vu. Demandez-le-moi, j'étais là, malheureusement.
Ce projet de loi doit donc aboutir. Les chicanes politiques passent mais, pendant ce temps, les gens souffrent. Quand les libéraux, qui appuyaient pourtant fortement ce changement, ont proposé 26 semaines de prestations, M. Sansfaçon et Émilie venaient de se joindre à mon combat et nous avons fait énormément de démarches.
J'ai aussi rencontré et , qui m'ont clairement dit qu'on ne se limiterait pas à 26 semaines et qu'on allait recommencer le travail et changer cela pour que cela corresponde à la réalité. J'ai rencontré les gens responsables du budget, comme et Tyler Meredith. Ensuite, j'ai rencontré . Tous étaient d'accord pour ne pas se limiter à 26 semaines et pour trouver une durée adéquate.
Finalement, en résumé, la COVID‑19 est arrivée et, pour des raisons qu'on ne s'explique pas, on en est revenu à 26 semaines. Cela n'a pas bougé depuis 1971. Tant qu'à agir, faisons les choses comme il faut.
Beaucoup de chiffres ont été cités plus tôt, mais je rappelle qu'en fixant la période de prestations à 26 semaines, on va laisser tomber les gens qui en ont le plus besoin. Le fait de prolonger la période de prestations de 26 à 50 semaines change tout lorsque vient le temps de se soigner et de se remettre sur pied.
Actuellement, je fais face à des coûts qui ont explosé. Cela n'a aucun bon sens. Honnêtement, je ne suis vraiment pas fière d'être Canadienne. L'ONU traite le Canada de cancre en matière de programmes sociaux. Il y a bien des choses qui me rendent fière, mais cela n'en est pas une. Je trouve cela épouvantable.
De plus, le directeur parlementaire du budget a démontré que c'était un changement viable. Nous sommes capables de payer cela, les gens sont d'accord, c'est une mesure qui bénéficie de l'acceptabilité sociale. Comme je l'ai dit, faire passer la durée des prestations de 26 à 50 semaines changerait complètement la situation.
Maintenant, je veux apporter une précision au sujet des assurances privées, dont on a beaucoup parlé tantôt. Qu'on en ait une ou non, il est important de parler de l'admissibilité. Quand on a passé son enfance à l'hôpital Sainte‑Justine ou qu'un membre de sa famille est malade, on a beau faire une demande, on n'y est pas admissible.
Je suis criminologue de formation et j'ai travaillé pendant plus de 10 ans dans la protection de la jeunesse. Il y a donc beaucoup de choses dans lesquelles je suis spécialisée. On a parlé de risque d'abus et on a mentionné de bons arguments, mais ce qu'on ne mentionne pas souvent, ce sont les conséquences de l'inaction. On pense peut-être qu'un tel amendement à la loi va coûter cher, mais qui s'est déjà demandé combien il en coûte de ne rien faire? Il en coûte une fortune de garder cette loi désuète en place, car il y a énormément de frais supplémentaires qui n'ont pas lieu d'être. Il est important de le considérer.
D'autre part, il faut parler de la transmission intergénérationnelle de la pauvreté, qui s'étend de trois à sept générations selon les auteurs. Ainsi, lorsqu'une personne, après 26 semaines de prestations, se voit obligée de vendre sa maison, seretrouve dans la rue et doit bénéficier de l'aide sociale, cela se répercute. J'ai déposé un mémoire lors d'une de mes comparutions précédentes, qui vous a été distribué et dans lequel c'est beaucoup plus documenté. Sachez que, pour une seule famille touchée par la pauvreté, cela peut avoir une incidence sur jusqu'à 1 000 familles. Tous ces gens se retrouvent à dépendre de programmes d'aide de façon permanente, alors que cela ne devrait pas être le cas, et ce, à cause d'une situation dans leur vie qui n'est que temporaire. Ces gens ont perdu espoir.
Un autre point qu'il est important de mentionner est le manque à gagner. Tous ces gens à qui on offre des programmes de dernier recours et qui ne devraient pas se retrouver dans cette situation ne paient plus de taxes ni d'impôts. Cela n'a pas de sens. La pauvreté entraîne vraiment des coûts supplémentaires.
Dans un rapport publié par le gouvernement fédéral en 2016, on mentionnait que les inégalités socioéconomiques en matière de santé imposent chaque année un fardeau économique direct au Canada d'au moins 6,2 milliards de dollars. Bien sûr, ce n'est pas seulement dû à la limite des 15 semaines de prestations, mais cela compte quand même pour une partie non négligeable, puisque de tels frais pourraient être évités.
Je ne comprends donc pas qu'au Canada, en 2022, avec toutes les démarches que cette campagne a entraînées, que nous en soyons encore là. J'ai rencontré beaucoup de gens qui sont devenus des amis, dont Émilie et Louis Sansfaçon, et d'autres, qui ont milité avec moi, mais qui sont maintenant décédés. Est-ce que ce sera moi la prochaine? Je ne le sais pas.
Je trouve la situation inconcevable. Alors, s'il vous plaît, est-ce qu'on pourrait mettre de côté la partisanerie et la politique? Est-ce qu'on pourrait vraiment s'attarder à ce problème et permettre aux gens de se faire soigner?
Tout à l'heure, M. Sansfaçon a dit que la médecine s'améliorait. Effectivement, auparavant les gens mouraient, mais maintenant ils survivent. En fait, on peut mourir dans la dignité, mais est-ce qu'il faut absolument se soigner dans la médiocrité et dans la pauvreté? Est-ce qu'il faut être condamné à vivre des choses comme celles que je vis encore présentement?
Cela n'a aucun sens qu'une telle situation soit possible au Canada, en 2022. Les gens ne se soignent pas. Il a fallu 51 ans, 620 000 signatures et 14 projets de loi pour en arriver là. Je ne compte pas le nombre de rencontres auxquelles j'ai participé pour arriver à faire déplacer une virgule. Alors, pourquoi faire les choses de façon inadéquate? Si la loi se borne à 26 semaines, croyez-vous qu'il sera possible par la suite de faire modifier ce chiffre? J'en serais très étonnée.
Ce serait épouvantable. Nous avons parlé de la COVID longue. Les gens qui en souffrent doivent vraiment pouvoir se soigner. Ils vont retourner au travail, parce que l'assurance-emploi, imposable, ne représente que 55 % de leur salaire. Les prestataires vivent donc avec moins de 7 000 $ ou 8 000 $ pendant un an, alors que tous les frais explosent. Cela n'a pas de bon sens.
J'aimerais vraiment que tous ces paramètres soient pris en compte et que nous finissions par nous entendre. J'ai tellement travaillé avec les libéraux sur cette cause, je peux donc difficilement m'expliquer que nous en soyons encore là. Je pense qu'il y a un devoir de cohérence.
Je sais qu'il y a plusieurs nouveaux députés, mais il serait important de bien comprendre l'ampleur de cette campagne et de nos démarches. Vous devez être cohérents pour les gens qui vous ont élus, pour ceux qui sont malades, pour les 620 000 personnes qui ont signé la pétition sur papier — oui, sur papier — d'un bout à l'autre du Canada.
Alors, s'il vous plaît, soyez cohérents. Permettez aux gens de bien se soigner et de se rétablir sans tout ce stress qui est totalement inhumain.
Merci.
Je remercie les membres du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de permettre au Mouvement action-chômage de Montréal de donner son avis sur le projet de loi . Je voudrais d'abord dire que nous sommes évidemment en faveur des amendements proposés.
Je diviserai mon allocution de cinq minutes en deux parties. J'aimerais préciser que je ferai référence aux alinéas de la Loi sur l'assurance-emploi qui touchent les travailleurs salariés. Évidemment, la même réflexion est valable pour les travailleurs autonomes qui cotisent aux prestations spéciales de l'assurance-emploi.
Premièrement, je voudrais attirer l'attention des membres du Comité sur le paragraphe 12(6) de la Loi sur l'assurance-emploi concernant le cumul général des prestations. En effet, la modification de l'alinéa 12(3)c) de la Loi pourrait malheureusement être sans effet pour certains prestataires ou, à tout le moins, ne pas avoir l'effet escompté.
Le paragraphe 12(6) empêche les prestataires ayant reçu au moins une semaine de prestations régulières de cumuler plus de 50 semaines de prestations, toutes prestations confondues. Ainsi, un prestataire ayant utilisé des prestations régulières de l'assurance-emploi dans sa période de prestations ne pourra pas recevoir les fameuses 52 semaines de prestations de maladie s'il tombe malade. L'inverse est aussi vrai: un prestataire qui aurait utilisé 52 semaines de prestations de maladie et qui perdrait son emploi par la suite ne pourrait pas recevoir de prestations régulières de l'assurance-emploi, et ce, malgré le fait que la maladie est l'un des motifs de prolongation de la période de référence prévus au paragraphe 8(2) de la Loi.
J'inviterais donc les membres du Comité à se pencher sur cette question, afin que la modification à l'alinéa 12(3)c) ne laisse pas une partie des prestataires malades sans revenu de remplacement. Évidemment, la façon la plus simple de régler l'effet pervers du paragraphe 12(6) est de simplement abroger au complet ce paragraphe, qui tient en une seule phrase. Éliminons cette phrase de la Loi sur l'assurance-emploi et réglons ainsi le problème lié au cumul général des différentes prestations spéciales de l'assurance-emploi après ou avant des prestations régulières. En ajoutant l'amendement au projet de loi ayant pour effet d'abroger le paragraphe 12(6) de la Loi, les membres du Comité pourront ainsi corriger une éventuelle iniquité envers une partie des chômeurs qui tombent malades.
Deuxièmement, tant qu'à modifier une partie de la Loi sur l'assurance-emploi concernant les prestations spéciales, en l'occurrence les prestations de maladie, j'inviterais le législateur à corriger l'iniquité de la Loi envers les femmes qui ont reçu des prestations de maternité ou parentales, ou leur équivalent d'un régime provincial d'assurance parentale. En effet, les mères qui ont reçu des prestations de maternité et parentales se retrouvent sans revenu de remplacement si elles perdent leur emploi sans avoir travaillé un nombre suffisant d'heures pour se qualifier à nouveau à des prestations régulières. Pourtant, le gouvernement fédéral jugeait la situation assez préoccupante pour permettre à ces mères de recevoir la Prestation canadienne d'urgence ou la Prestation canadienne pour la relance économique durant la pandémie. De plus, le 10 janvier dernier, le Tribunal de la sécurité sociale a rendu une décision stipulant que les paragraphes 8(2), 8(5), 10(10) et 12(6) de la Loi sur l'assurance-emploi violent le droit à l'égalité protégé par l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.
J'inviterais ainsi les membres du Comité à amender le projet de loi pour corriger cette violation du droit à l'égalité. Pour ce faire, le législateur devrait modifier les paragraphes 8(2) et 10(10) en ajoutant à chacun un motif supplémentaire de prolongation de la période de référence et de la période de prestations. À titre d'information, j'ajoute qu'il existe déjà quatre motifs de prolongation de la période de référence et de la période de prestations. Cet amendement aux paragraphes 8(2) et 10(10) ajouterait un cinquième motif.
Ce cinquième motif de prolongation pourrait simplement être écrit comme suit, en employant évidemment le féminin: « elle touchait des prestations de maternité ou parentales ou leur équivalent d'un régime provincial d'assurance parentale ». De plus, le législateur devrait abroger le paragraphe 8(5), tout comme le paragraphe 12(6), que j'ai déjà mentionné dans la première partie de mon intervention.
Je sais que la deuxième partie de mon intervention est un peu à côté de ce que vous étudiez dans le projet de loi . Néanmoins, je préférais en parler.
Sur ce, je remercie les membres du Comité d'avoir écouté l'avis du Mouvement action-chômage de Montréal.
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Évidemment, je ne devrais pas être encore à comparaître devant votre comité. Honnêtement, je n'ai pas de réponse à vous donner. Je ne réussis jamais à obtenir une réponse claire. Encore hier, on m'a répété qu'on voulait encore étudier la chose et qu'on allait faire cela progressivement. Honnêtement, je trouve que dès qu'un nouveau gouvernement est élu, il change sa position. C'est ce que je conclus des nombreuses démarches auxquelles j'ai participé. C'est très triste, car nous perdons vraiment du temps. Pendant ce temps, chaque jour, des gens perdent leur maison ou se suicident. Certaines familles vont subir des répercussions pour le reste de leurs jours parce qu'il leur manquait quelques semaines.
Je n'ai pas de réponse à vous donner puisque personne n'a une réponse réellement sensée à me fournir. Le gouvernement ne fait que gagner du temps en se cachant derrière des démarches, derrière l'administration et derrière ceci ou cela. Puis il survient toujours quelque chose, comme le déclenchement d'élections. C'est souvent le cas. Lorsqu'il y a une élection, le projet de loi meurt au Feuilleton. De plus, nous sommes malchanceux au tirage au sort, comme M. Gourde l'a mentionné. Nous sommes souvent empêtrés dans des obstacles comme ceux-là. En ce qui a trait au projet de loi C‑215, il est vrai qu'il est bien placé dans l'ordre de priorité.
En résumé, je n'ai pas de réponse précise à vous donner parce que personne ne m'a répondu de façon satisfaisante. Pourtant, la faisabilité est là. Il s'agit maintenant d'une question de volonté. Au Canada, voulons-nous que les gens se soignent dans la rue? Voulons-nous que les gens vivent de l'aide sociale et qu'ils perdent tout ce qu'ils ont?
J'ai donné plus de 400 entrevues. J'ai déjà collaboré à un article au sujet d'une dame qui avait tout perdu et qui habitait dans un terrain de camping avec son garçon de 11 ans pour pouvoir faire ses traitements de chimiothérapie. J'ai travaillé à cet article avec le journaliste Patrick Lagacé, qui était outré. Il y en a tellement eu de ces cas. Est-ce le Canada que nous voulons? Pouvons-nous enfin nous ouvrir les yeux et constater que cela ne va pas bien? Cela ne va vraiment pas bien pour les personnes malades, des gens qui ont travaillé toute leur vie et qui ne demandent qu'à retourner travailler.
Nous avons beaucoup parlé de santé mentale, plus tôt. Pensez aux effets qu'une telle situation produit sur la santé mentale. Croyez-vous que cela aide les malades? Les gens font des dépressions. À cause du stress et de beaucoup d'autres choses, les gens développent une foule de complications qu'ils n'auraient pas développées normalement. La pauvreté s'installe et les enfants en subissent les contrecoups et commencent à avoir un tas de problèmes. C'est ce que j'appelle la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.
Les raisons qu'on me donne pour refuser le prolongement des prestations ne sont jamais satisfaisantes et ne le seront jamais. Parfois, je trouve qu'on trébuche sur les coûts. On dit qu'il risque d'y avoir de l'abus, comme si les gens décidaient eux-mêmes de la durée de leur congé de maladie. Honnêtement, cela n'arrive jamais. Cet aspect est toujours encadré par un médecin. Nous l'avons dit, personne ne veut dépendre des prestations de maladie de l'assurance-emploi. Bien sûr que non! Recevoir seulement 55 % de son salaire, c'est carrément la pauvreté.
Il faut cesser d'invoquer toutes ces mauvaises raisons. Il faut vraiment appliquer les bonnes mesures. Je ne peux pas croire que je suis encore ici. J'ai commencé ce combat lorsque j'avais 38 ans. Je suis née en 1971, l'année de l'adoption de la Loi. Aujourd'hui, j'ai 51 ans et je suis encore devant vous. C'est épouvantable. Je vis cela encore une fois et je le fais pour les autres. C'est complètement insensé.
Dans vos circonscriptions, vous recevez des témoignages, mais, moi, j'entends constamment ces histoires. Au fil des ans, très souvent, je me suis dit que j'allais arrêter de faire cela, parce que personne ne m'écoute. Je devrais plutôt dire que les gens m'écoutent, mais que rien ne se produit. Je suis découragée. Je fais cela bénévolement. Je n'ai jamais arrêté parce que je n'ai jamais cessé de recevoir des témoignages de gens qui perdent tout et qui se retrouvent à la rue. Cela me touche tellement que je continue. Je continue. Je ne suis pas avec vous aujourd'hui parce que mon état de santé ne me le permet pas, et c'est vraiment frustrant. Je continue et je ne peux pas croire que je n'assisterai pas à ce changement. Je ne peux pas croire que le gouvernement va se contenter de prolonger les prestations pendant seulement 26 semaines. En effet, nous savons...
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C'est une situation vraiment difficile qui a des conséquences.
Mes enfants ont maintenant grandi. Si je reviens au moment où ils étaient plus jeunes, c'est toute la vie qui était vraiment changée. On ne pouvait plus faire d'activités. On faisait tout au minimum. Tous les vêtements achetés pour les enfants étaient usagés. On ne s'achetait plus de vêtements à soi-même. C'étaient mille choses. Il fallait couper dans les traitements pour s'occuper des enfants. Il fallait tout faire pour que cela n'hypothèque pas la vie des enfants. Je pense que tous les parents font cela.
J'en profite pour ouvrir une parenthèse. La Loi sur l'assurance-emploi a été modifiée pour les parents d'enfant malade. La mère qui se retrouve avec un bébé qui a la leucémie peut prendre 35 semaines pour s'occuper de ce dernier, ce qui est merveilleux. Toutefois, une mère qui, comme moi, a la leucémie, un cancer et des enfants n'a droit qu'à 15 semaines. Pourtant, elle a des personnes à charge. C'est une aberration.
Alors oui, les répercussions sont incroyables. Dans mon histoire, la seule chance que j'ai eue, c'était d'avoir une maison qui va être éternellement hypothéquée et hypothéquée encore et toujours. Je ne pourrai jamais avoir une belle retraite et en profiter. Oui, cela a des répercussions. Cela a une incidence énorme sur mes enfants. J'aimerais cela, les gâter un peu, enfin. Je me disais qu'après toutes ces années, un jour je serais en mesure de le faire, mais non, c'est impossible à envisager.
Il y a aussi la famille. J'ai eu de l'aide, mais cela revenait et revenait toujours. Quand j'étais malade, les GoFundMe n'existaient pas. Les gens faisaient des collectes en milieu de travail, des trucs comme cela. C'est une situation qui a d'énormes répercussions.
De plus, le fait de devoir être loin et de quitter le travail crée un isolement. Cela nous affecte énormément. Quand on est beaucoup stressé, on essaie que cela ne paraisse pas trop devant les enfants, et aussi devant la famille, parce qu'on ne veut pas tanner les gens avec nos problèmes. L'effet que cela a sur la famille est épouvantable.
Il y a aussi la transmission intergénérationnelle. C'est là que les enfants commencent à développer de multiples problèmes, comme des problèmes d'apprentissage ou des problèmes psychologiques de toutes sortes et d'autres difficultés. Les enfants entrent à leur tour dans un système impossible. Il y a des familles qui vont vraiment se retrouver dans des conditions atroces.
Quand mes enfants étaient jeunes, je me souviens comme cela a été difficile, comme le fait de tout bien suivre. L'école a collaboré. C'est difficile d'essayer de tout tenir cela à bout de bras. Ce sont les mères, les parents, qui écopent. Les répercussions sont énormes. Toute l'énergie mise dans cela ne permet pas de faire le reste. J'avais envie d'une vie sociale et je me disais que cela me ferait bien, mais, non, ce n'était pas possible.
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C'est vrai que, sur le plan émotionnel, tout le monde est d'accord. Sur le plan rationnel, il faut présenter les chiffres et les conséquences. Pour commencer, on doit évaluer les coûts associés au fait de maintenir la loi au lieu de constamment se demander combien ça va coûter de la modifier; cela a déjà été démontré. Quels coûts sont associés à la pauvreté intergénérationnelle? J'en ai parlé dans mon mémoire. Il faut fouiller ce genre de questions.
Il faut faire un choix entre donner 20 semaines de prestations supplémentaires à la personne ou lui faire subir tout le reste, c'est-à-dire bénéficier de l'aide sociale pendant 20 ans, ne plus payer de taxes ou d'impôt et ne plus se sentir comme un citoyen actif. De plus, cela a aussi des répercussions sur toute la famille. Il faut chiffrer ces coûts, puisqu'ils existent.
Mis à part les États‑Unis, le Canada est le seul pays du G7 à offrir moins d'un an de prestations. La majorité des pays européens offrent des prestations pendant un an, un an et demi ou deux ans. Ce qui suit est bien documenté: les pays qui offrent une meilleure couverture et qui démontrent un plus grand respect pour les citoyens malades en sortent gagnants sur tous les plans. En Europe, cela passe par le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale.
L'Espagne offre des prestations pendant un an plus six mois, l'Irlande en offre pendant deux ans, le Portugal en offre pendant 1 095 jours et la Hongrie en offre pendant un an. En fait, même l'Afrique du Sud en offre pendant 52 semaines. Que fait le Canada? Il faut regarder ce que les autres pays font et établir si cela fonctionne. Or cela fonctionne.
Dans certains pays, le montant de prestations augmente. Au début, une personne malade peut recevoir 55 % de son salaire. Plus la maladie est grave, plus le montant des prestations augmente; cela peut aller jusqu'à 90 % du salaire. Cela concerne une toute petite portion des gens, mais ce sont ceux qui en ont le plus besoin pour éviter de se retrouver à la rue.
Il faut être sensible à de tels arguments et il faut regarder ce qui se fait ailleurs. Il faut arrêter de ne calculer que les coûts liés à la mise en place de la mesure. Il faut calculer le coût lié au maintien de la mesure. Le coût est énorme. En plus, il y a une pénurie de la main-d'œuvre. C'est incroyable.
Il faut donner aux gens le temps de guérir. Par la suite, ils vont pouvoir retourner au travail. Veut-on envoyer toutes ces personnes à la rue? Elles ne pourront peut-être pas en sortir. À la limite, elles vont peut-être trouver que cela n'en vaut pas la peine. Il faut se poser ces questions et regarder ce qui est fait ailleurs. Il faut faire le calcul et établir si l'on en sortira gagnant sur les plans économique et humain. Les gens qui se portent mieux vont retourner au travail plus vite. Ils vont prendre activement part à la société. Leur santé mentale sera meilleure, puisqu'ils ne se demanderont pas quoi faire de leurs journées, qu'ils ne seront plus déprimés et qu'ils ne perdront pas leur emploi. Il faut vraiment que ce soit adapté.
À mon avis, on doit évaluer tous les angles, même ceux que l'on n’évalue pas souvent. C'est extrêmement important de se pencher sur les détails techniques. Outre la faisabilité, il y a aussi d'autres éléments importants dont on doit tenir compte.
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En effet, dans l'ensemble du projet de loi , pour que toutes et tous puissent recevoir le maximum des prestations d'assurance-emploi et des prestations de maladie, soit 52 semaines, il faut absolument modifier le paragraphe 12(6).
C'est bien beau de vouloir modifier l'alinéa 12(3)c), qui précise le maximum de prestations de l'assurance-emploi et de prestations de maladie qu'une personne peut toucher, mais, si on ne modifie pas le paragraphe 12(6), on va se retrouver avec des cas qui poseront problème.
Je vais vous donner un exemple. À Montréal, on a droit à un maximum de 36 semaines de prestations régulières. C'est le maximum qu'on peut toucher en prestations régulières. Si je perds mon emploi, j'ai droit à 36 semaines de prestations régulières. Par la suite, je tombe malade. Je ne pourrai pas toucher plus que 14 semaines de prestations de maladie de l'assurance-emploi parce que j'aurai déjà touché le maximum des prestations. Le paragraphe 12(6) est très clair à cet égard. Aussitôt qu'on reçoit au moins une semaine de prestations régulières de l'assurance-emploi, le maximum des prestations qu'on peut toucher, c'est 50 semaines. C'est impossible de toucher plus de 50 semaines de prestations, toutes prestations confondues. Cela est vrai aussitôt qu'on touche des prestations régulières.
À un moment donné, l'inverse aussi peut être vrai. Je vous donne un autre exemple. Je suis malade. J'ai donc droit à 52 semaines de prestations de maladie de l'assurance-emploi. Ensuite, je retourne au travail et un incendie survient sur les lieux de travail. J'ai entendu parler d'un cas semblable, récemment. Il y a eu un incendie sur les lieux de travail et la personne devait recevoir des prestations d'assurance-emploi régulières, qui remplacent le revenu normal lorsqu'une personne perd son emploi. Cependant, parce que la personne a touché des prestations de maladie, elle ne peut pas recevoir de prestations régulières à cause du paragraphe 12(6).
D'un côté ou de l'autre, si on ne touche pas au paragraphe 12(6), des chômeuses et des chômeurs vont se retrouver sans indemnité de remplacement du revenu, que ce soit sans remplacement de revenu pour les prestations de maladie ou sans remplacement de revenu pour les prestations régulières. C'est donc un pensez-y-bien, et c'est la raison pour laquelle j'invite votre comité à amender le projet de loi pour s'assurer que le paragraphe 12(6) ne vient pas contrecarrer la modification à l'alinéa 12(3)c).