Chers collègues, il est 16 h 30, et le greffier m'informe que nous avons le quorum.
Des tests de son ont été effectués auprès des témoins et des membres du Comité qui participent virtuellement à la réunion.
Nous pouvons commencer la 86e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité entreprend son étude sur l'incidence des technologies de l'intelligence artificielle sur la main-d'œuvre au Canada. La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément au Règlement. Certains membres du Comité participent à la réunion en personne, et d'autres à distance.
Vous avez la possibilité de vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Dans la salle, vous pouvez obtenir l'interprétation au moyen de votre casque d'écoute. Si vous participez virtuellement, vous pouvez y accéder au moyen de l'icône du globe terrestre au bas de votre écran. Cliquez dessus pour sélectionner la langue officielle de votre choix.
En cas d'interruption des services d'interprétation, veuillez me faire signe. Ceux qui participent à la réunion à distance peuvent utiliser l'icône de main levée, et je suspendrai la séance pendant qu'on remédie au problème. Je demanderais aussi aux membres du Comité et aux témoins de parler lentement pour faciliter la tâche de l'équipe d'interprètes.
Je demande aux personnes qui sont dans la salle d'éloigner leur oreillette du micro pour éviter de produire des bruits susceptibles d'endommager l'ouïe des interprètes. Ce serait apprécié.
Veuillez adresser tous vos commentaires à la présidence et attendre que je vous donne la parole. De plus, au moment de poser une question à un témoin, veuillez préciser à qui vous vous adressez.
Comme vous le savez, il y a eu quelques désistements aujourd'hui, de sorte que nous accueillons un groupe de témoins pour une heure et demie.
Du Congrès du travail du Canada, nous accueillons Chris Roberts, directeur national, qui est avec nous dans la salle.
Du Conseil canadien des innovateurs, nous accueillons Laurent Carbonneau, qui est présent dans la salle.
De l'Organisation de coopération et de développement économiques, nous accueillons Marguerita Lane, qui s'adressera à nous virtuellement depuis la France.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue, madame.
[Traduction]
De Statistique Canada, nous accueillons Vincent Dale et Marc Frenette.
Comme nous avons des contraintes de temps, je vais demander à Mme Lane de faire sa déclaration préliminaire, puis nous passerons aux autres témoins.
Madame Lane, vous avez la parole pour cinq minutes ou moins, s'il vous plaît.
:
Je vous remercie d'avoir été si conciliants pour ce qui est du choix du moment.
Je suis économiste au sein de l'unité sur l'avenir du travail de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE. Je vais utiliser mes cinq minutes pour décrire, premièrement, ce qui, selon moi, distingue l'intelligence artificielle, ou IA, des technologies qui l'ont précédée; deuxièmement, l'impact que l'intelligence artificielle a déjà sur le marché du travail; et troisièmement, les points sur lesquels les décideurs devraient vraiment concentrer leurs efforts.
Tout d'abord, quant à ce qui distingue l'intelligence artificielle des technologies antérieures, je pense que, du point de vue du marché du travail, nous pouvons tous convenir que la rapidité et l'ampleur des progrès sont très intéressantes. Comme l'IA peut essentiellement apprendre et répéter, et comme elle trouve des applications dans pratiquement toutes les industries et toutes les professions, je crois que, dans 20 ou 30 ans, elle sera si profondément ancrée dans notre société et dans notre travail qu'il sera difficile d'imaginer la vie ou le travail avant elle, au même titre que des technologies comme Internet ou l'électricité. Contrairement aux technologies antérieures, l'IA peut accomplir des tâches cognitives inhabituelles, de sorte que de nombreuses professions hautement spécialisées — par exemple celles d'ingénieur et de scientifique — y sont particulièrement exposées. Elles ont toujours été davantage à l'abri de l'automatisation. On y faisait des choses que la technologie ne pouvait pas faire.
Je ne dis pas que ces professions vont disparaître, mais je suis certaine qu'elles seront transformées par l'intelligence artificielle. C'est un aspect intéressant de cette technologie.
Un autre aspect de l'IA qui revêt un intérêt particulier concerne ses nombreuses applications dans les domaines de l'embauche et de la gestion. Cela ouvre de nouvelles possibilités, mais pose aussi de nouveaux défis pour les milieux de travail.
Je vais maintenant parler de l'incidence sur le marché du travail. L'OCDE a étudié la question au moyen de ses propres exercices de collecte de données. Nous examinons généralement les choses à travers les prismes de la quantité d'emplois, de la qualité des emplois et de l'inclusivité.
En ce qui concerne la quantité d'emplois, nous ne voyons pas vraiment de signes majeurs indiquant que l'IA a eu une incidence sur l'emploi global, du moins pas encore. Des économistes qui ont examiné des statistiques agrégées sur l'emploi dans le cadre d'études empiriques n'ont pas vraiment trouvé de preuves solides quant à des suppressions de masse causées par l'IA.
Selon une enquête que l'OCDE a menée l'an dernier, et à laquelle le Canada a participé, plus de la moitié des entreprises répondantes qui utilisent l'IA nous ont dit que cela n'avait eu aucune incidence sur l'emploi au sein de leur organisation. Parmi celles qui ont signalé un changement, il y avait une répartition relativement égale entre celles qui disaient que l'IA avait augmenté la quantité d'emplois et celles qui disaient qu'elle avait diminué la quantité d'emplois.
Qu'est‑ce qui explique que l'IA ne semble pas avoir eu un effet majeur sur l'emploi ni avoir diminué la quantité d'emplois? Les entreprises nous ont dit que l'IA a principalement tendance à automatiser les tâches, et non les emplois. Elles nous ont dit que l'IA n'était pas encore tout à fait rendu là.
Les entreprises nous ont expliqué que, lorsque l'intelligence artificielle automatise un emploi, elles gèrent généralement la situation en réaffectant des travailleurs dans d'autres secteurs d'activité, de même qu'en s'en remettant à un ralentissement de l'embauche, à l'attrition et aux départs à la retraite.
Si l'on tient compte de tout cela et du fait que les niveaux d'emploi sont actuellement élevés dans la plupart des pays de l'OCDE, et si l'on tient également compte des prévisions en ce qui a trait au vieillissement de la population dans bon nombre de pays de l'OCDE au cours des deux prochaines décennies, je ne pense pas qu'il y ait vraiment lieu de craindre que l'intelligence artificielle mène à la fin du travail. Cependant, je pense qu'il y a certainement un grand risque de perturbation, car les travailleurs doivent s'adapter à l'évolution des besoins en matière de compétences.
La même enquête de l'OCDE a révélé des résultats positifs en ce qui concerne la qualité des emplois, mais aussi certains risques. Les réponses des travailleurs qui utilisent l'IA étaient extrêmement positives quant à son incidence, par exemple, sur la satisfaction à l'égard du travail ainsi que sur la santé et la sécurité. Je crois que cela s'explique en grande partie par le fait que l'intelligence artificielle a tendance à automatiser beaucoup de tâches dangereuses et fastidieuses. De plus, les travailleurs nous ont aussi dit apprécier le fait que l'IA puisse les aider à prendre des décisions.
Par ailleurs, la plupart des travailleurs qui utilisent l'IA ont mentionné qu'elle augmentait leur rythme de travail. Cela pourrait signifier qu'elle accroît leur productivité, ce qui, je suppose, serait logique. En même temps, nous savons qu'une intensité de travail accrue peut aussi entraîner des risques psychosociaux, comme une augmentation du stress et de l'anxiété.
De nombreux travailleurs ont aussi dit craindre que la collecte de données en milieu de travail porte atteinte à leur vie privée et donne lieu à des décisions défavorables à leur endroit. Bon nombre de travailleurs se sont dits favorables à l'interdiction ou la restriction de l'utilisation de l'IA dans le cadre des processus d'embauche et de congédiement de travailleurs.
Il y a aussi des répercussions sur le plan de l'inclusivité. Même s'il est vrai que les travailleurs hautement qualifiés sont plus exposés à l'intelligence artificielle qu'ils ne l'étaient aux technologies du passé, je pense que la question de savoir si les travailleurs peu qualifiés ont la capacité et les ressources nécessaires pour s'adapter demeure une grande préoccupation.
Ces gens se trouvent peut-être dans une situation plus précaire. Ils possèdent peut-être moins de pouvoir de négociation, et il peut être plus difficile pour eux de se recycler ou de se perfectionner.
Lorsque l'OCDE...
:
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
Je tiens d'abord à féliciter le Comité d'avoir entrepris cette étude très importante. Les syndicats au Canada s'intéressent de plus en plus à l'incidence de l'intelligence artificielle sur le travail et l'emploi.
En 2022, le Congrès du travail du Canada, ou CTC, a formé un groupe de travail sur l'intelligence artificielle et l'automatisation regroupant des syndicats des secteurs public et privé et des représentants d'un éventail d'industries et de professions.
Lorsqu'on leur pose la question, bon nombre de travailleurs se disent optimistes quant à la possibilité que les applications de l'IA améliorent et enrichissent le travail. Elle pourrait le faire en automatisant des tâches simples et répétitives, ce qui permettrait de consacrer plus de temps et d'attention à des tâches non routinières, créatives et hautement spécialisées. Cela concorde avec la recherche de l'OCDE révélant que les travailleurs avaient constaté une amélioration de leur rendement, et même de leur satisfaction professionnelle après qu'ils ont commencé à utiliser l'IA au travail.
Cela concorde aussi avec le point de vue selon lequel, comme c'est le cas pour de nombreuses nouvelles technologies, l'IA n'a aucune incidence intrinsèque sur la qualité du travail et de l'emploi. La technologie est façonnée par les structures sociales et les relations de pouvoir au sein desquelles elle a été conçue, développée et adoptée. Ce qui compte, ce sont les choix que nous faisons quant à l'orientation de la recherche sur l'IA et à la façon dont elle est développée et déployée.
Comme l'a dit un économiste, l'IA est un outil puissant pouvant servir à déployer la créativité, le jugement et la flexibilité des humains plutôt qu'à simplement automatiser leur travail. Toutefois, l'IA est également susceptible de renforcer les inégalités de revenu, de richesse et de pouvoir existantes, et donc d'aggraver la discrimination, l'exclusion et l'insécurité auxquelles sont exposés de nombreux travailleurs vulnérables; de porter atteinte au droit à la vie privée des travailleurs en tant que producteurs et consommateurs; et de créer des risques de préjudices pour les personnes et la société.
De nombreux travailleurs s'inquiètent de la suppression et de la perte d'emplois. Comme l'IA automatise non seulement les tâches cognitives routinières, mais aussi les tâches cognitives non routinières, le risque de suppression d'emplois va augmenter. Les emplois peu spécialisés et semi-spécialisés ont toujours été davantage touchés par l'automatisation, mais les professions hautement spécialisées se retrouvent maintenant exposées à des suppressions causées par l'IA.
Outre les pertes d'emploi, il y a d'importantes préoccupations en ce qui concerne le risque de discrimination; le suivi et la surveillance au travail; l'affaiblissement des droits à la protection de la vie privée relativement à l'extraction, à l'utilisation et au partage des renseignements personnels; et les éventuelles violations des droits des travailleurs et des droits de la personne. Le déploiement de l'intelligence artificielle dans le cadre de fonctions de gestion des ressources humaines liées à l'embauche, à l'évaluation du rendement, aux promotions, aux mesures disciplinaires et au licenciement est une source d'inquiétude particulière.
Déjà, les personnes qui travaillent à la demande pour des plateformes numériques sont aux prises avec une gestion algorithmique ne rendant pas de comptes et des désactivations arbitraires.
Les technologies de reconnaissance faciale et vocale déployées dans les lieux de travail comme les aéroports, de même que les technologies permettant d'effectuer le suivi de la santé physique des travailleurs et de recueillir des renseignements à ce sujet sont troublantes.
Les travailleurs des ports maritimes sont déjà aux prises avec des décisions injustes et arbitraires en ce qui a trait aux autorisations de sécurité. La prise de décisions automatisée qui s'appuie sur des algorithmes de reconnaissance de formes pourrait rendre ces décisions encore plus injustes et arbitraires.
Enfin, les travailleurs du secteur de la création et ceux des arts de la scène ont des inquiétudes au sujet de leur capacité de conserver le contrôle sur leur nom et leur image ou d'être rémunérés équitablement pour leur travail.
Le principal message que les syndicats du Canada veulent transmettre aux décideurs en ce qui concerne l'intelligence artificielle est le suivant : à mesure que les employeurs déploient des systèmes d'IA, les travailleurs veulent davantage de transparence, d'échange de renseignements, de consultation et de participation. Ils réclament le droit d'être informés, d'être consultés et de participer au processus, et ils veulent avoir accès à la formation et aux services d'adaptation de la main-d'œuvre.
Voici quelques-unes de nos recommandations à l'intention du gouvernement. Le gouvernement devrait présenter une vision et une feuille de route concernant la réglementation adéquate du développement et de l'adoption de l'IA en milieu de travail. Cela devrait comprendre une stratégie visant à faire en sorte que les travailleurs et les syndicats aient voix au chapitre en matière de réglementation et de surveillance de l'IA.
Cela commence par la création d'un conseil consultatif représentatif sur l'IA, qui serait en mesure non seulement de formuler des recommandations à l'intention des décideurs sur les nouvelles sources de préoccupation, mais aussi de cerner les lacunes en matière de recherche, les besoins en matière de données et de recherche ainsi que les stratégies de diffusion de la recherche. À l'heure actuelle, le droit des travailleurs d'être informés, d'accéder à la formation et de participer au déploiement de nouvelles technologies est relativement limité.
L'accès à l'éducation et à la formation professionnelles est très inégal au Canada, et l'adaptation de la main-d'œuvre est relativement faible.
Monsieur le président, je vois que mon temps est écoulé. Je vais m'en tenir à ces recommandations, et j'espère qu'il y aura un suivi pendant la période des questions.
Merci.
:
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Je vous remercie de l'invitation. Je vous suis très reconnaissant de me donner l'occasion de discuter des enjeux stratégiques liés à l'intelligence artificielle avec vous aujourd'hui.
Je m'appelle Laurent Carbonneau. Je suis ici aujourd'hui à titre de directeur des politiques et de la recherche du Conseil canadien des innovateurs, ou CCI.
Le CCI est un conseil commercial national qui représente 150 des principales entreprises technologiques du Canada. Nous nous consacrons à la promotion de politiques qui favorisent l'innovation, la croissance économique et la prospérité à long terme pour tous les Canadiens. Nos sociétés membres ont toutes leur siège social au Canada. Elles emploient plus de 52 000 personnes dans tout le pays et sont des chefs de file dans les secteurs de la santé, des technologies propres et financières, de la cybersécurité et, bien sûr, de l'intelligence artificielle.
Pour les décideurs, l'IA sera un défi déterminant de notre époque. Une famille de technologies nouvelles et véritablement polyvalentes comme l'IA pourrait avoir sur le monde du travail et l'économie des répercussions de l'ordre de celles engendrées par l'industrialisation et l'électrification. Je tiens à souligner ici que ces transitions ont posé des défis stratégiques extrêmement complexes aux gouvernements, des défis que beaucoup n'ont pas été en mesure de relever de façon équitable. C'est une bonne chose que le Parlement se penche activement sur cette question.
Cela dit, je pense qu'il est très prématuré de s'inquiéter de choses comme les pertes d'emplois à grande échelle. Les entreprises canadiennes dans leur ensemble font face au problème inverse, c'est‑à‑dire une faible productivité et d'immenses besoins en main-d'œuvre. Ce n'est pas normal pour une économie avancée. Jetons un bref coup d'œil à la situation économique globale du Canada.
Sur le plan de la productivité, pour ce qui est du PIB par heure travaillée — une mesure parmi d'autres —, le Canada se situait récemment sous la moyenne de l'OCDE, juste derrière l'Italie et juste devant la Turquie et l'Espagne. Nous faisons nettement moins bonne figure qu'eux selon d'autres mesures, par exemple celle de l'équilibre travail-vie personnelle, où nous sommes à égalité avec les États-Unis en ce qui concerne le temps de loisirs, là encore sous la moyenne de l'OCDE. Au chapitre du revenu net, qui tient compte des impôts payés et des services reçus comme les soins de santé, nous occupons le 13e rang dans le monde, derrière des pays riches comme les États-Unis, mais aussi derrière de petites économies comme la Belgique.
Les Canadiens travaillent beaucoup pour gagner un revenu modeste, même après prise en compte de services comme les soins de santé et l'éducation. Selon des données récentes de Statistique Canada, en fait, la productivité vient de passer sous le niveau de 2018. Il n'y a pas eu de croissance au cours des cinq dernières années. Il ne faut pas se le cacher, pour relever les grands défis de l'époque — la pauvreté, les changements climatiques et la réconciliation, entre autres —, notre pays doit être plus riche et plus productif qu'il ne l'est actuellement, et en faire plus avec autant ou moins de ressources.
L'IA constitue essentiellement une famille de technologies qui accroissent l'efficience des intrants travail et capital. Pris ensemble, la recherche et le développement liés à l'IA de même que sa commercialisation et son adoption représentent pour le Canada une importante occasion de corriger sa trajectoire économique inquiétante. Nous devrions nous efforcer d'accorder la priorité à l'adoption de technologies de l'IA qui rendent nos entreprises plus efficaces et qui renforcent globalement notre économie.
Ce qu'il faut comprendre quant à l'aspect économique de l'IA, c'est que, même s'il s'agit d'une technologie nouvelle, elle ne va pas à contre-courant du fonctionnement général de l'économie de l'innovation. Les entreprises qui commercialisent de récentes innovations, en particulier dans le domaine des technologies de l'information, réussissent parce qu'elles possèdent des actifs incorporels — par exemple des brevets — qui excluent les rivaux, qu'elles contrôlent de grandes quantités de données et qu'elles tirent parti des effets de réseau pour rendre leurs produits et services plus utiles pour les utilisateurs. En raison de ces facteurs fondamentaux de réussite, l'économie de l'innovation d'aujourd'hui se caractérise par des sociétés vedettes dotées des actifs, des données et des réseaux de propriété intellectuelle dont elles ont besoin pour repousser la concurrence.
L'IA est un secteur d'activité fortement tributaire de la propriété intellectuelle et des données. Les entreprises axées sur l'IA qui auront du succès dans un avenir proche seront celles qui reproduiront ce modèle où le gagnant rafle presque tout. Les décideurs qui s'efforcent de créer une prospérité durable et inclusive devraient s'attacher prioritairement à favoriser la croissance des concurrents canadiens pour en faire des champions mondiaux et à faire en sorte que leur réussite profite à l'ensemble du pays.
La valeur de l'ensemble du secteur de l'IA est actuellement estimée à environ 200 milliards de dollars, et elle devrait atteindre environ 2 billions de dollars d'ici 2030. Le Canada est bien positionné dans l'industrie pour ce qui est du personnel hautement qualifié et de la recherche de pointe, mais les entreprises canadiennes font face à d'importants obstacles au moment de prendre de l'expansion. L'absence d'expansion des entreprises canadiennes signifie que bon nombre des retombées des investissements publics, de la recherche et de la formation, y compris la propriété intellectuelle, profitent à des entreprises à l'extérieur du Canada.
Par exemple, près de 75 % des droits de propriété intellectuelle — y compris les brevets — découlant de la Stratégie pancanadienne en matière d'intelligence artificielle du gouvernement fédéral appartiennent à des entités étrangères, notamment des géants technologiques américains comme Uber, Meta et Alphabet.
La grappe d'innovation mondiale Scale AI a récemment publié un rapport qui cerne les obstacles à l'adoption pour les entreprises canadiennes. Les entreprises font face à de graves problèmes sur le plan de l'accès aux meilleurs talents, malgré notre force impressionnante en matière de recherche, notamment en raison de salaires inférieurs à ceux des concurrents américains. En fait, le bassin canadien de talents en intelligence artificielle a diminué de près de 20 % au cours des trois dernières années. Cela transparaît dans les faibles taux d'adoption: 48 % des entreprises canadiennes déclarent ne pas utiliser l'IA, comparativement à moins de 36 % aux États-Unis, 38 % au Royaume-Uni et près de 39 % en France.
On ne sait toujours pas ce que l'IA signifiera pour l'avenir du travail et les grandes tendances au chapitre de l'emploi, mais ce qui ressort très clairement, c'est que, dans un créneau éventuellement déterminant pour l'époque au sein d'un secteur où le gagnant rafle presque tout, le Canada ne peut pas se permettre d'avancer vers l'avenir en tant qu'utilisateur tardif de l'IA doté d'une faible capacité nationale. Cela ne peut qu'aboutir à la stagnation. Les innovateurs canadiens veulent bâtir la prochaine génération d'acteurs mondiaux de l'IA ici, au Canada.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Monsieur le président, membres du Comité, merci de nous avoir invités à cette réunion. Nous sommes heureux de pouvoir vous transmettre de l'information dans le cadre des discussions sur l'incidence de l'intelligence artificielle sur la main-d'œuvre au Canada.
Les technologies avancées peuvent exécuter des tâches qu'effectuent habituellement les humains. Depuis un certain temps, l'automatisation, qui repose sur des règles et suit des directives précises, rend possible l'exécution de tâches routinières ou manuelles. Plus récemment, des progrès significatifs ont été accomplis dans le domaine de l'intelligence artificielle, ou IA, laquelle permet de faire des prédictions basées sur des données, un peu comme le font les humains. Or, ces progrès suscitent de nouvelles inquiétudes pour les travailleurs dont l'emploi comporte des tâches cognitives ou non routinières.
De manière générale, la technologie comporte des avantages et des inconvénients pour les travailleurs. Certains pourraient voir leur emploi transformé, voire entièrement remplacé. D'un autre côté, la technologie peut stimuler la productivité, car elle permet aux travailleurs de se concentrer sur des tâches de plus haut niveau, qui sont mieux récompensées sur le marché du travail, pendant que les robots et les algorithmes informatiques prennent le relais des tâches plus répétitives.
Des travailleurs plus productifs pourraient contribuer à rendre les entreprises canadiennes plus compétitives sur les marchés mondiaux et, ce faisant, améliorer le niveau de vie des Canadiens grâce à la création d'emplois et à la hausse des salaires.
Nos données indiquent que, jusqu'à présent, l'adoption de technologies ne semble pas être associée à des pertes d'emplois généralisées, mais elle semble bien être associée à la transformation des emplois. En effet, de 1987 à 2019, soit juste avant la pandémie de COVID‑19, les emplois au Canada se sont lentement éloignés de tâches manuelles ou routinières pour passer à des tâches cognitives ou non routinières. On pouvait sans doute s'y attendre, compte tenu de la mise en œuvre, dans le secteur de la fabrication et d'autres secteurs d'activité, de technologies automatisées pour l'exécution de tâches répétitives. Cependant, d'autres facteurs, comme l'expansion du commerce international, peuvent aussi avoir joué un rôle dans cette transition.
Les raisons pour lesquelles cette tendance a été graduelle, malgré les grandes avancées dans les domaines de l'automatisation et de l'intelligence artificielle, sont inconnues. Parmi les facteurs qui ont pu ralentir l'adoption des technologies de pointe figurent les suivants: les coûts d'investissement élevés requis pour leur mise en œuvre, la réglementation et la résistance de la société à l'égard des technologies accessibles au public comme les voitures autonomes et les médecins robots.
La pandémie de COVID‑19 peut avoir accéléré les tendances dans la transformation des emplois, notamment en incitant les entreprises à investir dans des technologies automatisées et l'intelligence artificielle pour rendre leurs processus de production et de livraison plus résilients en cas de confinement futur. D'autres facteurs peuvent aussi avoir contribué à l'accélération des tendances, comme la demande accrue de biens et de services produits par les travailleurs du savoir.
Les données confirment que depuis le début de la pandémie de COVID‑19, des changements notables ont été observés dans la nature du travail qu'accomplissent les Canadiens. Par exemple, la proportion de travailleurs occupant un poste dans une profession technique, libérale ou de gestion — comportant principalement des tâches cognitives ou non routinières — a augmenté pour passer de 32,3 % en 2019 à 36 % en 2022.
Cette augmentation enregistrée sur une courte période de trois ans correspond à près du tiers de celle enregistrée pour les 35 dernières années. La croissance observée ces dernières années a été contrebalancée par une baisse de la proportion de travailleurs occupant un emploi dans le secteur des services, qui est passée de 21,3 % en 2019 à 19,2 % de l'ensemble des emplois en 2022, et de la proportion de travailleurs occupant un emploi lié à la production, aux corps de métiers et à l'exécution, qui est passée de 21,8 % en 2019 à 20,5 % en 2022.
De façon générale, toutes les tendances observées étaient similaires pour les hommes et pour les femmes.
La hausse des emplois dans les professions techniques, libérales et de gestion, et la baisse des emplois dans le secteur des services étaient beaucoup plus prononcées chez les jeunes travailleurs de 25 à 34 ans que chez les travailleurs plus âgés, les 45 à 54 ans. Cette constatation n'est guère étonnante, compte tenu du fait que les jeunes travailleurs ont généralement moins d'obligations familiales et un plus grand nombre d'années devant eux pour récupérer leurs investissements s'ils se recyclent en vue d'une nouvelle carrière.
Quoi qu'il en soit, la tendance plus marquée observée chez les jeunes travailleurs peut être révélatrice des tendances futures, quand les travailleurs plus âgés se retireront de la population active, cédant la place aux plus jeunes qui se prêtent mieux aux emplois modernes.
À la suite de la pandémie de COVID‑19, les tendances en matière d'emploi peuvent aussi avoir été influencées par les avancées rapides et très récentes dans le domaine de l'intelligence artificielle, par exemple l'arrivée de vastes modèles langagiers comme ChatGPT. Contrairement aux avancées technologiques antérieures, l'utilisation de l'intelligence artificielle de pointe pourrait conduire à une profonde transformation des emplois pour les travailleurs qui effectuent des tâches cognitives, compte tenu des capacités de cette technologie.
À l'heure actuelle, il est difficile de prédire si cela se produira ou non. Cela pourrait dépendre de la présence ou non des contraintes entourant l'adoption de l'intelligence artificielle mentionnées précédemment, à savoir les coûts d'investissement élevés, la réglementation et la résistance de la société.
Statistique Canada continuera de surveiller l'évolution de ces tendances et d'en rendre compte en s'appuyant sur les plus récentes données de l'Enquête sur la population active. Les données du recensement pourraient également servir à établir des tendances démographiques pour les groupes de travailleurs qui seraient exposés à des risques particulièrement élevés.
Monsieur le président, c'est ainsi que se termine ma déclaration. Nous répondrons maintenant avec grand plaisir à vos questions.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui. Je pense que c'est une occasion incroyable pour le Comité d'apprendre de vous et pour que vous nous communiquiez de précieux renseignements afin de mieux guider les décideurs dorénavant en ce qui concerne le marché du travail.
Je vais commencer par Mme Lane.
Vers la fin de votre exposé, vous avez commencé à parler du rôle des décideurs en matière d'IA en général. Où voyez-vous les décideurs? Peut-être pourriez-vous nous parler un peu plus du rôle qu'ils pourraient jouer pour contribuer à la croissance et à l'adoption de l'IA et à son expansion au sein de notre main-d'œuvre?
Vous pourrez peut-être simplement nous parler de certaines administrations où vous constatez que cela fonctionne bien, et peut-être nous donner une petite idée de certains des éléments clés dont nous devrions toujours tenir compte lorsque nous irons de l'avant.
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J'ai été vraiment ravie, en entendant certains des autres témoins, de constater qu'il semble y avoir un large consensus quant à ce que nous observons. Il semble se dégager une image assez uniforme des avantages, mais aussi des dangers de l'IA.
Permettez-moi d'aborder la question qui visait à savoir ce que les décideurs devraient faire. Je pense que la première chose à faire, c'est de profiter des avantages de l'IA et de s'assurer que ceux‑ci sont accessibles à tout le monde, à toutes les entreprises ainsi qu'à tous les travailleurs. On doit également s'attaquer aux risques que pose l'IA pour les droits fondamentaux des travailleurs et leur bien-être.
J'avais commencé à expliquer qu'il existe des lois, bien entendu, qui permettront de gérer certains de ces risques en ce qui a trait à la discrimination, à la protection des données, au droit des travailleurs de s'organiser et à la santé et la sécurité au travail. Selon moi, c'est déjà un point de départ très important. Nous ne jetons pas ces choses‑là à la poubelle du simple fait qu'il y a une nouvelle technologie. Bien sûr, il pourrait être nécessaire d'adopter, en plus de celles‑là, une loi propre à l'IA et des lois non contraignantes qui permettront de s'adapter à mesure que la situation progressera.
Vous avez posé une question au sujet de ce qui fonctionne bien. Je pense que les entreprises qui réussissent bien grâce à l'IA, qui en retirent des avantages et qui permettent à leurs travailleurs d'en profiter également, tendent à être celles qui forment leurs employés quant à son utilisation et qui les consultent à son sujet également — un intervenant précédent l'a mentionné — et où les travailleurs peuvent participer au processus. Je pense que ce sont deux facteurs clés.
Je pense également que la politique publique en matière de formation et d'éducation est très importante pour ce qui est de répondre aux besoins changeants en matière de compétences, et, ensuite, bien entendu, il faut veiller à ce que la négociation collective et le dialogue social puissent jouer un rôle afin d'appuyer les travailleurs et les entreprises pendant la transition vers l'IA.
Selon moi, il est également très important, comme je l'ai dit, que tout le monde ait la possibilité de profiter de l'IA. On revient à l'éducation et à la formation, mais il est tout aussi important de s'assurer, par exemple, que les travailleurs dans les PME ont eux aussi la capacité d'adopter l'IA et qu'ils ne sont pas exclus du processus simplement en raison des exigences en matière de données et des lourdes exigences en matière de propriété intellectuelle.
En ce qui concerne les décideurs, il est nécessaire de suivre la situation, de se tenir au courant de tout cela, alors, comme je l'ai mentionné, les efforts de l'OCDE sont vraiment ciblés. Par exemple...
:
C'est une bonne question, et je pense qu'il faudrait que je consulte certains députés pour vous donner une réponse très dure. Ce que je peux vous dire, c'est que la question n'a pas été abordée.
Je dirais, peut-être en ce qui concerne la transformation, que l'accès à l'informatique pose un problème tel que nous pourrions peut-être nous retrouver dans un goulot d'étranglement, alors que ce pourrait ne pas être le cas dans d'autres pays. Je crois que le gouvernement est peut-être en train d'étudier certaines options à cet égard, ce qui, à mon avis, est une bonne chose.
Je pense que nous avons déployé d'excellents efforts, comme les Canaries, dans le passé, pour avoir une certaine capacité informatique publique. Selon moi, c'est une bonne idée, et nous devrions certainement essayer d'éviter ce goulot d'étranglement.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins.
Madame Lane, je vais profiter de votre présence à titre de représentante de l'OCDE. Je vous remercie d'être parmi nous. Je sais qu'il est tard.
J'ai deux questions à vous poser.
Du côté du Québec, j'ai sollicité des gens du milieu syndical qui représentent des travailleurs dans ces secteurs en particulier pour qu'ils viennent témoigner dans le cadre de cette étude. À l'heure actuelle, l'incidence des technologies de l'intelligence artificielle sur la main-d'œuvre n'est peut-être pas encore tangible. Nous théorisons sur la question. C'est bien, nous essayons de prévoir ce qui pourrait arriver, mais ce n'est pas encore clair.
Au Québec, en tout cas, les questions qu'on se pose sur l'intelligence artificielle sont surtout liées à l'éthique, particulièrement dans les établissements d'enseignement supérieur. Beaucoup d'études sont consacrées à l'incidence de l'intelligence artificielle sur l'éthique de travail et l'éthique de production. Dans certains secteurs, on va jusqu'à dire qu'on devrait y mettre un frein. Je crois que cela va continuer, comme la robotisation.
On a parlé de lois, mais qu'est-ce qu'il serait pertinent de faire dès maintenant pour tenter de voir venir ce qui va arriver, un peu comme dans le cas de l'automatisation? Comment pouvons-nous agir en amont, étant donné que les effets ne sont pas encore très tangibles?
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Vous avez mentionné qu'à l'heure actuelle, l'incidence de l'IA n'est pas très concrète; elle est plutôt théorique. Selon moi, nous sommes à un point important entre le théorique et le concrétisé. Dans notre sondage, par exemple, lorsque nous avons interrogé les travailleurs et les employeurs au sujet de l'incidence sur la qualité des emplois, en réalité, nous leur avons posé des questions au sujet de ce qui était déjà arrivé. Nous avons constaté qu'il y avait déjà des changements dans les secteurs manufacturier et financier. Oui, absolument, une grande partie des répercussions sont théoriques, mais je pense qu'il est important de souligner que des changements se produisent déjà.
Je pense qu'il y a là un point important au sujet de l'éthique et que d'importantes questions d'éthique sont liées à l'IA. En milieu de travail, nous disposons déjà d'outils pour nous attaquer à certains des problèmes qu'elle soulève. Par exemple, nous pouvons parler du risque éthique lié aux préjugés que l'IA peut introduire, mais, en milieu de travail, nous avons une loi contre la discrimination, alors je pense que nous pouvons encadrer les choses en ce qui a trait à l'éthique. Cela donne l'impression qu'elles sont un peu plus théoriques, mais je pense que nous avons déjà de vrais outils à notre disposition pour traiter de certains aspects théoriques ou éthiques de l'IA.
Quelle serait une mesure que nous pouvons prendre maintenant? Je pense que nous pouvons commencer à réfléchir à la façon dont nous voulons utiliser l'IA dans notre société et notre milieu de travail, ainsi qu'à ce que nous croyons être des utilisations acceptables et bonnes de cette technologie. Il pourrait s'agir d'un point de départ pour une loi sur l'IA.
Ce n'est pas parce que quelque chose peut être fait, parce que quelque chose est faisable dans le cadre de la technologie, que nous devons y donner suite. Que ce soit la société, les syndicats ou les entreprises qui prennent cette décision, peut-être que, tous ensemble, nous pouvons déjà commencer à parler du genre de société que nous aimerions avoir et du rôle que devrait y jouer l'IA.
Merci.
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Dans la Loi sur l'IA de l'Union européenne, on a choisi d'adopter l'approche consistant essentiellement à examiner l'IA à risque élevé et à faible risque. L'idée, c'est que l'IA à risque élevé est le type qui devra passer par un processus précis, un lourd processus d'autorisation, alors que l'IA à faible risque pourra essentiellement faire son chemin.
L'IA à risque élevé pourrait être celle, par exemple, qu'on utilise dans des situations où une personne risque de subir un préjudice... par exemple, son gagne-pain, sa liberté ou sa santé. Il s'agit essentiellement d'une approche qui est adoptée, et nous verrons comment elle fonctionnera en pratique.
L'Allemagne est un autre exemple intéressant. Cette mesure n'a rien à voir avec l'IA. Elle est en place depuis un certain temps. Essentiellement, on exige la consultation des travailleurs chaque fois qu'une technologie est introduite dans le milieu de travail et qu'elle a une incidence sur leurs conditions de travail. Je pense qu'il sera également intéressant de voir comment ce système existant pourra réagir à l'introduction de l'IA. Il ne s'agit pas d'une politique visant l'IA précisément; elle est en place depuis un certain temps.
Ce sont deux exemples de façons dont des gens de partout dans le monde font face à ce défi.
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Merci, monsieur le président.
Je crois que la majeure partie de mon temps de parole sera consacrée à M. Carbonneau, s'il vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Je remercie tous les témoins.
Je veux revenir sur quelque chose qui a été évoqué dans le témoignage de M. Carbonneau concernant le fait que les revenus nets seraient trop peu élevés au Canada. Cela me préoccupe en ce qui concerne l'intelligence artificielle. Comment pouvons-nous protéger le revenu des travailleurs lorsque leur valeur cognitive, c'est‑à‑dire leurs idées ou leurs pensées, est déjà saisie, copiée, déployée à grande échelle et peut-être monnayée?
Comment pouvons-nous protéger leur propriété intellectuelle cognitive? Nous parlons toujours de la propriété intellectuelle, mais comment pouvons-nous protéger leur propriété cognitive, alors qu'il faut peut-être seulement que ce soit une pensée qui a été partagée une, deux ou trois fois et qu'il est possible de la déployer à grande échelle et de l'utiliser?
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Il s'agit certes d'une grande question, et je ne pense pas avoir de réponse complète. Je ne suis pas certain que qui que ce soit en ait une.
Ce que je dirais, c'est que, de façon générale, je pense que les pays qui réussiront bien dans le domaine de l'IA seront ceux qui pourront faire accepter son adoption et son utilisation dans les sociétés, et je pense que nous devrons répondre à ces questions sous une forme ou une autre, probablement le plus tôt possible.
Le Parlement étudie actuellement un projet de loi, le projet de loi , qui met en œuvre un cadre législatif pour l'élaboration d'un cadre réglementaire sur l'intelligence artificielle. Je pense qu'au moment de son entrée en vigueur et de l'élaboration du règlement, on aura beaucoup de latitude pour être très sensible à l'aspect que prendra l'avenir de ce genre d'enjeux.
J'applaudirai certains des autres travaux du Conseil canadien des innovateurs à cet égard. Au début de septembre, je crois — ma notion du temps s'est embrouillée cet automne, tout comme pour bon nombre d'entre vous, j'en suis sûr —, nous avons publié une feuille de route sur le leadership responsable en matière d'intelligence artificielle qui approfondit certaines des questions entourant la confiance du public.
Je pense que le Parlement devrait envisager sérieusement la création d'un poste de directeur parlementaire des sciences et de la technologie qui exercerait une fonction analogue à celle du directeur parlementaire du budget et qui ressemblerait beaucoup à ce que faisait l'Office of Technology Assessment — ou le bureau d'évaluation des technologies —, qui, malheureusement, est maintenant aboli, au Congrès américain. Ce directeur vous donnerait, en tant que parlementaires et en tant que membres du public, des renseignements opportuns et exploitables sur les nouvelles technologies et les enjeux scientifiques, ce qui contribuerait à éclairer un grand nombre des débats et nous mettrait tous sur un pied d'égalité pour ce qui est de comprendre un grand nombre des nouveaux enjeux technologiques.
Je pense que c'est le genre d'infrastructure sociale, si on veut, ou d'infrastructure parlementaire qui pourrait exercer une fonction très utile en traitant ce genre d'enjeux et en nous donnant, selon moi, une meilleure base pour le faire.
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Merci de cette réponse.
Je vous remercie également pour votre mémoire écrit, parce que je sais que la confiance était l'un des éléments qui y étaient abordés.
Je pense que l'une des difficultés, c'est de savoir si le travailleur moyen, la famille moyenne au Canada, a accès à des conversations à ce sujet. Ces gens ont-ils accès au processus décisionnel à cet égard? Je pense que c'est l'une des choses qui jouent sur la confiance. Ce qui est difficile, c'est que, oui, un autre organisme pourrait être créé, mais comment peuvent-ils obtenir des points d'accès à cet organisme?
Cela m'amène à réfléchir à la façon dont ce sujet interagit avec les conversations qui ont lieu en ce moment relativement au revenu de base, parce que c'est presque comme si les travailleurs allaient avoir moins de pouvoir, surtout si une grande partie de la valeur de cette technologie qu'est l'IA se trouve dans des serveurs qui ne sont pas au Canada, ou que les données ne se trouvent pas au Canada.
A‑t‑on tenu des discussions concernant le lien entre le revenu de base et l'intelligence artificielle en ce qui a trait au revenu des gens?
Cela m'inquiète quand j'entends dire que nous consultons les secteurs manufacturier et financier, alors que beaucoup de femmes sont dans l'économie des soins. On dirait que beaucoup de travailleuses qui s'en soucient ne sont pas autant en mesure de participer à cette conversation.
Je vais passer à M. Roberts.
Je vous remercie infiniment de votre témoignage.
L'une des choses qui me viennent à l'esprit — puisque le Comité se penche également sur les personnes handicapées —, c'est qu'il y a là une possibilité d'accroître l'équité au sein de la main-d'œuvre relativement à ces personnes.
Je me demande simplement si vous pourriez nous en dire un peu plus sur la façon dont cette technologie pourrait aider les travailleurs. Je pense aussi aux travailleurs marginalisés dans l'économie des soins, qui sont dévalorisés, sous-financés et sous-protégés dans l'économie.
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J'avais espéré aborder cette question dans ma déclaration préliminaire, mais je n'ai pas eu le temps.
Je pense que vous avez tout à fait raison de dire qu'en ce qui concerne les travailleurs qui ont des problèmes physiques, par exemple, les applications de l'IA offrent un potentiel énorme d'accroissement de leur participation.
Selon moi, les investissements dans les travailleurs handicapés sont tout à fait déterminants. Il faut que l'on soit ouvert à l'idée d'accommoder ces travailleurs. Les dispositions et les conditions que réclament maintenant les syndicats et les défenseurs des droits des personnes handicapées doivent également être incluses.
Il n'y a pas de solution technologique simple aux obstacles et aux défis auxquels ces travailleurs font face, mais il ne fait aucun doute que la technologie présente un potentiel. Tout dépend de la façon dont elle est adaptée, déployée et mise en œuvre dans les milieux de travail.
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Merci, monsieur le président.
C'est une discussion absolument fascinante et opportune. Aujourd'hui, le président Joe Biden a publié un gazouillis au sujet de son décret sur l'IA. Je sais que, demain, le Royaume-Uni accueillera un sommet international sur la sécurité de l'IA. Encore une fois, cette discussion tombe vraiment à point nommé. Je tiens à remercier mon collègue, Michael Coteau, d'avoir proposé cette étude au Comité.
Monsieur Roberts, j'ai trouvé très intéressant de lire le rapport qui vient d'être publié par le Congrès du travail du Canada et l'Institut Pembina en septembre, intitulé Plan pour les emplois durables. On y parle de la façon dont le Canada peut établir un cadre de soutien qui permettra d'aider les travailleurs à faire la transition vers une économie à zéro émission. C'est une excellente lecture. Je le recommande fortement. Il cadre bien avec le projet de loi que le Parlement étudie actuellement, le projet de loi , que nous avons présenté.
Pouvez-vous parler de certains des parallèles dégagés ou des leçons tirées de cette conversation ou de ce processus et de la façon dont ils pourraient s'appliquer à la conversation sur les défis, qu'il s'agisse de l'IA, de l'automatisation ou de la numérisation, et sur les leçons que nous pouvons en tirer et les parallèles que nous pouvons en dégager?
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Nous nous en tiendrons donc à 30 secondes.
Monsieur Carbonneau, au début de votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de la productivité en général. Il y a quelques jours, j'ai rencontré un représentant de l'Association canadienne des constructeurs d'habitations qui m'a parlé des permis.
Nous savons que les municipalités prennent souvent beaucoup de temps pour délivrer des permis de construction résidentielle. Sans entrer dans les raisons de cette situation — car elles sont nombreuses —, il a mentionné l'intelligence artificielle comme solution à ce problème. Il a indiqué que les technologies d'intelligence artificielle pourraient approuver des permis, tout en respectant toutes les lignes directrices établies par les municipalités, en quelques minutes seulement — ou du moins en quelques heures.
Que pensez-vous de cette solution aux défis en matière de logement qui se posent actuellement au pays?
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Je vais revenir un peu en arrière, tout en restant bref. Je dirais qu'il serait possible pour le secteur public en général d'utiliser l'intelligence artificielle dans un plus grand nombre de ses activités.
Pour ce faire, je pense que nous devrons probablement changer un peu la façon dont nous abordons l'approvisionnement afin d'établir un dialogue plus efficace entre les innovateurs et les personnes qui souhaitent acheter de l'innovation au sein du secteur public.
Nos structures actuelles ne permettent pas vraiment de mettre en place un tel processus. En effet, l'innovation est essentiellement un processus itératif, et cela ne correspond pas vraiment à la façon dont les choses fonctionnent actuellement.
Je pense que ce serait fantastique. Je pense qu'il existe de nombreuses possibilités d'utilisation de l'intelligence artificielle dans le secteur public, y compris dans le secteur du logement, mais nous devons examiner ces structures et déterminer comment nous pouvons les améliorer.
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Merci, monsieur le président.
C'est vrai, je n'ai que deux minutes et demie.
Bonjour, monsieur Roberts. C'est à vous que s'adressera ma première question.
En ce qui concerne les questions d'intelligence artificielle, en tout cas, je regarde le monde syndical au Québec et cela me convient. Déjà, dans le monde syndical au Québec, certains syndicats sont affiliés aussi au CTC, soit le Congrès du travail du Canada. On tente déjà de mettre en œuvre des modèles de comités de travail dans certains secteurs dans des conventions collectives.
On parle d'intelligence artificielle, mais on a quand même connu la robotisation, l'automatisation, particulièrement dans les grandes entreprises. Prenons l'exemple de l'industrie automobile, où l'intelligence artificielle fait appel à quelque chose de nouveau.
Vous avez parlé de modèles de dialogue social, si je vous ai bien compris. Au Québec, nous avons le grand bonheur d'avoir, depuis 25 ans, la Commission des partenaires du marché du travail, qui réunit justement les plus grands acteurs de façon tripartite. Ce sont donc des questions sur lesquelles nous nous sommes penchés. C'est un beau modèle.
Cependant, il me reste quand même des inquiétudes. Corrigez-moi si je me trompe, mais je pense que le milieu syndical peut jouer un grand rôle auprès des membres de conventions collectives. On parle de qualification et de formation, mais on sait que, en ce qui concerne le taux de syndicalisation dans le secteur privé est quand même faible à certains égards. Heureusement, on s'en tire mieux qu'ailleurs, notamment par rapport aux États‑Unis. Comment peut-on outiller les travailleurs qui ne sont pas représentés et s'assurer qu'ils trouvent leur voie?
Prenons les exemples d'Uber et d'Airbnb. Ces deux entreprises représentent tout un modèle d'exploitation de travail à faible rémunération — c'est ainsi que je vais l'appeler —, où l'on retrouve des travailleurs autonomes aux quatre coins du pays. Cela pose aussi un problème.
Êtes-vous d'accord avec moi?
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Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelques réflexions et présenter quelques idées.
J'encourage le Comité à penser en termes de données en amont et en aval. Si nous considérons l'amont comme étant la mesure dans laquelle la technologie de l'intelligence artificielle est adoptée au Canada, cela pose certains défis de taille, comme vous l'avez mentionné. Par exemple, il n'existe pas nécessairement de définition communément acceptée de l'intelligence artificielle. Cela dit, nous travaillons avec l'OCDE et d'autres partenaires internationaux pour tenter de relever ce que nous appelons un défi en matière de mesures. Nous avons mené quelques sondages et obtenu des résultats partiels que nous pouvons communiquer au Comité par écrit si vous le souhaitez.
En ce qui concerne les effets en aval — un volet plus pertinent pour la question du revenu —, grâce à l'Enquête sur la population active, à d'autres systèmes de renseignements sur le marché du travail dont nous disposons et au recensement, nous pouvons examiner l'évolution, au fil du temps, du taux d'emploi par profession et du revenu par profession. Nous pouvons ainsi observer l'incidence en aval de la technologie, mais il est difficile d'isoler l'incidence précise de la technologie des autres facteurs qui influencent aussi la situation du marché du travail.
En résumé, nous disposons de renseignements fiables et pertinents sur le revenu des travailleurs canadiens.
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Dans une certaine mesure, je ne suis peut-être pas la personne la mieux placée pour fournir une réponse précise à cette question.
Au bout du compte, si les municipalités ont des problèmes de capacité de traitement et qu'un fournisseur est en mesure de leur fournir un produit ou un service d'intelligence artificielle qui leur permet de faire ce type de travail beaucoup plus rapidement, je pense que nous devrions mettre en place des cadres qui permettraient d'adopter ce type de solutions.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, le fonctionnement des processus d'approvisionnement est habituellement assez rigide. La grande partie du travail de détermination des besoins se fait en amont, et l'énoncé des besoins a tendance à être coulé dans le béton, c'est‑à‑dire qu'il ne change pas une fois qu'il a été établi. Dans le cas d'une petite entreprise ou d'une entreprise novatrice qui tente de faire de nouvelles choses, il se peut que cet énoncé des besoins change un peu en cours de route, mais ces entreprises doivent s'en tenir au document d'origine, même si ce n'était pas la meilleure solution ou la meilleure façon d'aborder le problème.
Comme je l'ai dit à M. Fragiskatos, je pense qu'il est très important d'améliorer les processus par lesquels le gouvernement acquiert l'innovation, et il y a de nombreuses façons d'y arriver. Le Conseil canadien des innovateurs publiera d'ailleurs un rapport sur la question dans un mois ou deux. Je serais très heureux de vous le faire parvenir.
Je pense qu'il s'agit d'un élément essentiel. Le secteur public a aujourd'hui accès à beaucoup plus d'outils qu'auparavant, mais les processus qu'il utilise pour y avoir accès n'ont pas vraiment changé. D'autres pays comme la Finlande et le Royaume-Uni ont mis en œuvre de nouveaux processus et de nouveaux bureaux responsables de ce que l'on appelle dans la documentation les marchés publics en matière d'innovation, mais nous n'avons pas encore atteint cette étape.
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C'est l'un des domaines dans lesquels — je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'un problème démographique, mais il s'agit certainement d'un problème de compétences — de nombreuses municipalités font face à un exode massif de professionnels du bâtiment, par exemple. En Ontario, j'ai rencontré des représentants de l'Association d'agents du bâtiment. Un grand nombre d'entre eux prendront bientôt leur retraite, et il n'y a donc pas beaucoup de relève.
C'est la raison pour laquelle je me demande si on pourrait utiliser cet outil. En effet, le problème qui existe déjà ne peut que s'aggraver s'il y a moins de travailleurs à l'avenir. Bien entendu, on perd aussi la mémoire institutionnelle et d'innombrables années d'expérience au sein de la communauté et de l'industrie. Je comprends l'inquiétude de certaines personnes qui craignent que cela ne déplace des gens, mais je me demande aussi si ce n'est pas, à bien des égards, la progression naturelle de la technologie qui change notre façon de faire les choses.
Je me souviens d'un discours que j'ai entendu et dans lequel quelqu'un parlait de l'innovation et de l'économie. Cette personne a observé que lorsque les disques compacts ont été inventés, personne n'a pleuré l'industrie du disque vinyle, car nous avons arrêté de fabriquer ce genre de produits. Il y a des choses que nous ne fabriquons plus parce que la technologie a changé. De nombreux emplois qui existent aujourd'hui n'existaient pas auparavant. Il existe de nombreuses carrières aujourd'hui dont on n'aurait même pas rêvé il y a 20 ans.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? C'est un sujet que je trouve passionnant, mais j'ai aussi l'impression que les discussions sur la question sont empreintes d'une certaine appréhension.
Est‑ce que je me trompe?
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Je pense que c'est vrai. Je pense que ce qu'a dit M. Roberts au sujet de l'approbation sociale est très important. J'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire que nous avons connu l'électrification et l'industrialisation, et que cela n'a pas toujours été à l'avantage de tout le monde.
À bien des égards, les luddites n'avaient pas tort, ils n'avaient pas tort du tout. En général, le point très précis qu'ils ont soulevé était tout à fait valide, c'est‑à‑dire qu'à titre d'ouvriers qualifiés et de tisserands, les premières technologies industrielles ont eu une énorme incidence sur leur travail, et c'était tout à fait vrai. Ils n'ont peut-être pas réagi de la manière la plus productive, mais vous savez, c'est correct. Je pense qu'il est tout à fait normal et naturel que les gens s'inquiètent d'un éventuel déplacement dans ce domaine.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, je pense que ce n'est pas pour demain, mais ce ne sera pas toujours le cas. Je pense qu'il s'agit d'une question de décennies, et plus tôt nous commencerons à parler et à discuter de la manière dont nous voulons utiliser cette technologie au sein de notre société, mieux ce sera. Je pense que cela permet aux gens de faire des choses productives, d'accroître la richesse de notre pays, d'accroître nos revenus et d'améliorer notre niveau de vie d'une manière qui inspire confiance.
Je suis très heureux que vous meniez cette étude pour cette raison précise. Je pense qu'il est important d'avoir ces discussions au Parlement et de ramener ensuite ces idées à la maison pour en discuter lors d'un barbecue, afin de commencer à bâtir un consensus social sur la démarche appropriée.
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C'est très bien. Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser quelques questions aux représentants de Statistique Canada.
Vous avez publié un rapport en juillet de cette année sur l'évolution de la nature du travail. Il y est question de l'accélération, au cours des dernières années, d'un mouvement s'éloignant du travail manuel et se tournant vers un travail cognitif au sein de la main-d'œuvre canadienne. Votre rapport montre que la part des employés qui occupent, par exemple, des postes dans les professions techniques, libérales et de gestion est passée de 23,7 % en 1987 à 36 % en 2022, tandis que le nombre de travailleurs dans les professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l'exécution de tâches manuelles routinières est passé de 29,5 % à seulement 20 %.
J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, quel impact, le cas échéant, l'intelligence artificielle a‑t‑elle pu avoir sur ces tendances au sein de la main-d'œuvre? Deuxièmement, pourriez-vous nous parler de tendances qui, selon vous, émergeront au cours de la prochaine décennie?
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Si nous parlons de la période allant de 1987 à, essentiellement, aujourd'hui, c'est surtout dû à l'automatisation. Pensez à la robotique; pensez aux usines de fabrication de voitures, donc à la technologie qui permet d'exécuter des tâches prédéterminées. Si ceci survient, il faut faire cela. Vous voyez ce que je veux dire? C'est ça, l'automatisation.
L'intelligence artificielle est, en quelque sorte, beaucoup plus intelligente, si vous me passez l'expression. Elle se rapproche beaucoup plus de ce que fait l'être humain. On a l'impression qu'elle n'a pas gagné autant de terrain dans le marché du travail, surtout si l'on remonte aux années 1980, au moment où l'étude a commencé.
Nous ignorons ce qui va se passer à l'avenir. À Statistique Canada, nous sommes toujours heureux de présenter les tendances observées jusqu'à présent. Nous continuerons de surveiller ces éléments. Selon les experts, l'intelligence artificielle deviendra sans doute plus présente sur le marché du travail dans les années à venir. En tout cas, ses capacités évolueront de façon spectaculaire au cours des prochaines années, selon de nombreux experts sur le terrain.
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Merci, monsieur le président. Par votre entremise, j'aimerais poser une question à M. Roberts.
Monsieur Roberts, j'aimerais parler de la stabilité de la main-d'œuvre. M. Frenette et Mme Lane nous ont parlé des changements spectaculaires qu'entraîne l'intelligence artificielle au sein de la main-d'oeuvre. Des changements qui se produisaient autrefois en plusieurs décennies se produisent désormais en quelques années. Nous voulons tous assurer la stabilité de la main-d'œuvre pour éviter toute perturbation économique et permettre aux gens de conserver leur emploi.
J'ai suivi avec intérêt la grève des scénaristes à Hollywood. L'intelligence artificielle était le thème principal des discussions. Les Travailleurs unis de l'automobile ont déjà connu de nombreuses grèves. L'intelligence artificielle est au cœur de certaines discussions et certaines nouvelles conventions collectives. Dans ces cas‑là, les questions qui ont trait à l'utilisation de l'intelligence artificielle au travail sont donc réglées par l'entremise des conventions collectives. D'autre part, en Californie, on s'est opposé à l'utilisation des véhicules autonomes et des camions autonomes sur les routes. C'est attribuable au mouvement syndical, qui a demandé au gouvernement de réglementer ces changements.
Comment pouvons-nous établir un équilibre entre les syndicats et les employeurs qui peuvent régler ces questions eux-mêmes par le biais de conventions collectives, et les gouvernements qui prennent des mesures proactives en se disant que c'est à eux d'intervenir dans ce processus et de fixer les règles de base?
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Monsieur Carbonneau, j'aimerais bien m'entretenir avec vous.
Si je vous ai bien compris, vous voyez l'intelligence artificielle comme une occasion, et non comme une menace en matière d'emploi. Vous avez beaucoup parlé de la productivité. Je ne sais pas si nous nous entendons sur notre définition de la productivité, mais je l'envisage du point de vue des travailleurs.
Dans les milieux de travail, on observe aujourd'hui beaucoup d'épuisement professionnel en raison de la charge de travail. Prenons l'exemple du secteur de la santé. Je pense aux gens qui travaillent dans le secteur du maintien à domicile ou dans les centres jeunesse, par exemple. Maintenant, leur productivité est évaluée au nombre de cas, mais il faudrait aussi l'évaluer selon la qualité du travail.
En ce qui concerne l'intelligence artificielle, j'ai bien retenu de vos paroles qu'elle n'est pas censée remplacer des emplois, mais bien d'éliminer des tâches. Certaines tâches méritent peut-être d'être éliminées, mais pas les emplois. Les employés font partie de l'entreprise. Il ne s'agit pas seulement des nouveaux travailleurs, mais de ceux qui sont en poste.
Comment peut-on s'assurer que, quand il est question de productivité, on ne l'envisage pas seulement du point de vue de la rentabilité de l'entreprise, mais aussi sous les angles de la qualité du travail et de l'énergie qu'on puise dans son milieu de travail?
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Je vous remercie de votre question.
Je vais y répondre en anglais.
[Traduction]
Je pense que ce que M. Roberts a dit est vraiment pertinent. Ce processus sera progressif et étalé dans le temps. J'imagine qu'il y aura, comme nous l'avons déjà vu, des conflits à propos des différentes utilisations de l'intelligence artificielle dans les milieux de travail. Selon moi, c'est sain et productif. Plus cela se produira, plus nous aurons de grandes discussions sur la protection des renseignements personnels et sur la manière dont les données personnelles sont utilisées au travail — ce qui a été évoqué plus tôt —, ainsi que sur les conditions de travail et la manière dont la productivité est mesurée au travail, sans tenir compte des statistiques nationales. Toutes ces questions sont d'actualité et je pense que nombre d'entre elles devraient être débattues à la table de négociation. Nombre d'entre elles relèvent de la réglementation. Je sais que la Loi sur l'intelligence artificielle de l'Union européenne intègre certaines de ces questions, et évoque des systèmes qui présentent un risque élevé. Peut-être que nous suivrons son exemple, et définirons des systèmes qui présentent un risque élevé.
Tout cela pour dire que je n'ai pas de réponses précises à vous donner. Je pense que personne n'en a. Nous devrons trouver une solution ensemble. Si nous ne le faisons pas, nous ne serons pas très concurrentiels dans le domaine de l'adoption et du déploiement de l'intelligence artificielle.
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Oui. J'ai deux ou trois commentaires.
Je dirais tout d'abord que la tendance qui se dessine dans le domaine des emplois disponibles correspond, du moins à première vue, aux recherches de M. Frenette. Ces recherches montrent une évolution vers des emplois qui exigent un niveau de scolarité plus élevé. Nous devons cependant nous rappeler que de multiples facteurs influencent le marché du travail à tout moment, y compris la technologie, le cycle économique, les taux d'intérêt et bon nombre d'autres facteurs. Ces facteurs pourraient nous permettre de comprendre pourquoi il y a moins de postes vacants et pourquoi moins de postes requièrent un diplôme d'études supérieures.
J'aimerais toutefois souligner quelque chose dont on a déjà parlé. Ce qui est particulier avec l'intelligence artificielle, c'est qu'elle constitue un risque ou une menace pour les emplois qui exigent un fort niveau cognitif. L'intelligence artificielle ne cherche pas à remplacer des tâches manuelles, mais plutôt à remplacer quelque chose qui se rapproche de l'intelligence humaine. C'est pourquoi, comme je l'ai dit, je n'établirais pas de lien direct entre les tendances en matière de postes vacants et l'intelligence artificielle. J'encouragerais les gens à penser ainsi. Les facteurs qui expliquent ces tendances sont multiples, et ce à tout moment. Si l'intelligence artificielle a une incidence sur les emplois qui requièrent un niveau d'études supérieur, nous devrions surveiller cette tendance ou cet indicateur.
Monsieur Dale, pourriez-vous envoyer ces renseignements au Comité, à l'intention de Mme Zarillo et des autres membres du Comité?
C'est tout pour cette partie de la réunion. Nous allons suspendre la séance avant de passer à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
Je remercie les témoins de leur comparution aujourd'hui. Ceux qui sont en ligne peuvent tout simplement quitter la réunion.
Madame Zarillo, vous devrez utiliser un autre lien Zoom pour participer à la discussion sur les travaux du Comité.
Je remercie les témoins dans la salle. Merci, monsieur Carbonneau, et merci, monsieur Roberts, pour ces discussions intéressantes. Merci d'être venus.
Nous allons suspendre la séance pendant trois minutes.
[La séance se poursuit à huis clos.]