Passer au contenu
;

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 092 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 29 novembre 2023

[Enregistrement électronique]

(1640)

[Traduction]

     Chers collègues, le greffier m'informe qu'il y a quorum et que la qualité du son a été vérifiée pour tous les témoins et les députés qui se joignent à nous de façon virtuelle. Je déclare donc la séance ouverte.
    Bienvenue à la 92e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 30 septembre 2023, le Comité poursuit son étude du projet de loi C‑318, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et le Code canadien du travail (parents adoptifs et parents d'intention).
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément au Règlement. Des députés et des témoins sont présents en personne dans la salle et d'autres participent à distance.
    Que vous soyez dans la salle ou à distance, je rappelle que vous pouvez utiliser la langue officielle de votre choix. S'il y a une interruption dans la traduction, veuillez attirer mon attention et je vais suspendre la séance le temps de corriger la situation. Si vous participez de façon virtuelle, servez-vous du symbole du globe au bas de votre écran: cliquez dessus et choisissez la langue officielle dans laquelle vous souhaitez participer. Si vous êtes dans la salle, veuillez garder votre oreillette loin du microphone, pour le bien-être auditif des interprètes.
    Nous accueillons aujourd'hui Mme Cathy Murphy, mère adoptive et présidente du Conseil canadien de la permanence pour les enfants et les jeunes. Nous accueillons aussi, par vidéoconférence et à titre personnel, Mme Shelley Rottenberg, assistante pédagogique.
    Nous entamons la première heure avec Mme Rottenberg.
    Madame Rottenberg, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
     Bonjour. Je m'appelle Shelley Rottenberg. C'est un plaisir d'assister à cette réunion en tant que témoin aujourd'hui.
    Je suis la secrétaire du Conseil canadien de la permanence pour les enfants et les jeunes, coprésidente de China's Children International et directrice associée, Engagement et médias sociaux, pour l'organisme Asian Adoptees of Canada. Je vais vous parler en tant que pur produit de l'adoption transraciale internationale. Je suis née en Chine à l'époque de la politique de l'enfant unique et j'ai été adoptée par une mère célibataire qui m'a amenée au Canada lorsque j'étais bébé.
    Je suis d'accord pour que le gouvernement accorde aux parents adoptifs un congé additionnel de 15 semaines pour l'attachement, couvertes par le régime d'assurance-emploi. Si ma mère y avait eu droit lorsqu'elle m'a adoptée, cela aurait été d'un grand secours à notre famille. À l'époque, ma mère ne pouvait pas prendre de congé, sauf le temps nécessaire pour se rendre en Chine. Comme nous n'avons pas de famille élargie près de nous, elle a dû s'en remettre à des amis et à des gardiennes pour s'occuper de moi pendant qu'elle travaillait.
    Les parents adoptifs méritent l'égalité d'accès aux prestations parentales, surtout ceux qui adoptent un bébé ou un enfant d'un autre pays, d'une autre culture ou d'une autre origine raciale, car il ne faut pas seulement du temps pour créer un lien entre le parent et l'enfant. L'adopté a aussi besoin de temps pour s'adapter à un nouveau milieu de vie, une autre langue, d'autres coutumes, etc.
    En grandissant, j'ai toujours su clairement ce que l'adoption m'avait apporté. Je suis très reconnaissante d'avoir une mère et une sœur, et de toutes les occasions qui m'ont été offertes tout au long de ma vie, bien que les gens oublient souvent les circonstances qui ont mené à mon adoption. Mes documents d'adoption révèlent que j'ai été abandonnée devant une fabrique de vêtements, puis amenée à un poste de police et, de là, à l'orphelinat. J'ai ensuite été placée dans un foyer d'accueil en Chine, jusqu'à ce que ma mère devienne ma tutrice légale et m'emmène chez nous au Canada.
    On a dit que j'accusais un retard de croissance parce que j'étais très malade lorsque ma mère m'a adoptée. J'avais une bronchite et je n'arrivais pas à garder la nourriture au début. Maintenant que je suis plus âgée, lorsque je pense à mes premières années de vie, je suis à la fois émerveillée et attristée par toutes les épreuves que j'ai traversées en bas âge. La recherche montre toute l'importance des premières années de vie dans le développement de l'enfant. Par conséquent, compte tenu de tous les grands changements qui peuvent accompagner l'adoption, sans parler de la perte éventuelle de la famille biologique, de la culture et du pays d'origine, il est essentiel que les parents aient amplement de temps pour prendre soin de leur bébé ou de leur enfant dès les premiers stades de son adoption.
    Même si le bébé ou l'enfant adopté semble bien s'ajuster, le temps supplémentaire nécessaire pour tisser des liens solides et sûrs avec les parents adoptifs ne peut que lui profiter et mieux le préparer à la réussite.
    Voilà qui conclut ma déclaration. Merci beaucoup, chacun et chacune de vous, de m'avoir écoutée. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Merci.
     Merci, madame Rottenberg.
    Nous passons maintenant à Mme Murphy, qui dispose de cinq minutes ou moins, s'il vous plaît.
    Bonjour. Je m'appelle Cathy Murphy et je suis présidente du Conseil canadien de la permanence pour les enfants et les jeunes.
    J'ai travaillé dans le domaine de la protection de l'enfance et des services sociaux pendant un peu plus de 35 ans et j'ai pris ma retraite au cours de la dernière année. J'ai eu le privilège de travailler avec des familles adoptives, des adoptants issus de la parenté ou de la communauté d'appartenance, partout au Canada, mais je suis surtout ici aujourd'hui à titre de parent adoptif. Mes enfants, qui sont maintenant de jeunes adultes, m'apprennent encore tous les jours pourquoi le temps de s'attacher est si important pour chaque noyau familial permanent.
    Il n'y a pas si longtemps que nos enfants — mon fils, qui a maintenant 32 ans, et ma fille, qui en a 27 — sont entrés dans notre famille par adoption. Notre fils a vécu dans le réseau de protection de l'enfance, et notre fille a été adoptée en Chine. Notre famille a donc connu à la fois l'adoption publique et l'adoption internationale. Chacun de nos enfants a ses propres forces et ses propres défis.
    Notre fils a été placé à six endroits dans le réseau de protection de l'enfance avant de se joindre à notre famille lorsqu'il était d'âge préscolaire. Nous savons maintenant qu'il vit avec un trouble du spectre de l'alcoolisation fœtale. Nous n'en avions aucune idée à l'époque. Les expériences de sa vie antérieure lui ont appris que le monde n'était pas un endroit sûr et prévisible, et il avait de la difficulté à faire confiance. Notre fille a été placée à deux endroits. De sa famille d'origine, elle est passée à une famille d'accueil, puis à l'orphelinat, avant d'arriver chez nous à l'âge d'un an.
    À notre première rencontre avec notre fils, nous avons été présentés comme « maman Cathy » et « papa Jim ». Mon mari est chef des pompiers ici à Ottawa, et si vous connaissez des petits garçons et des petites filles, vous savez qu'ils aiment les pompiers. Mon fils n'était pas différent. Il adorait son père dès le premier jour.
     Je ne suis pas devenue « maman Cathy ». Pendant de nombreuses années, il m'a appelée « Hey lady » du coin de la bouche. « Hey lady » est la réponse que j'obtenais si je lui demandais de faire quelque chose ou si j'essayais de jouer avec lui. « Hey lady », c'est ainsi qu'il me signifiait où m'asseoir, c'est‑à‑dire hors de notre cuisine, hors de notre salle à manger à l'heure du dîner.
    Trois ans et demi après son arrivée dans notre famille, c'était un soir à l'heure du bain, où nous faisions la même routine tous les soirs. Il adorait les figurines de Batman et tout ce qui était bande dessinée, et il les avait toutes avec lui dans la baignoire ce soir‑là. Il a levé les yeux et m'a dit: « Tu es une très, très bonne maman, tu sais? » Cela me brise encore le cœur qu'il lui ait fallu trois ans et demi pour prononcer le mot « maman ».
    Il a maintenant 32 ans et il a vécu des moments incroyables, tout comme notre famille, mais je peux vous dire que pas un seul instant je n'ai regretté ce lien ou l'engagement extraordinaire que vivent les parents adoptifs. Ce que je sais pour l'avoir vécu, c'est de quoi ils ont besoin pour réussir et être forts et pour être des survivants, et de quoi nos enfants ont besoin aussi.
    J'ai eu l'honneur de travailler avec des milliers de familles adoptives, issues de la parenté immédiate ou élargie aux grands-parents, aux tantes et aux oncles, et aussi des familles de la communauté d'appartenance, comme le veut la coutume chez les Autochtones partout au Canada. J'ai appris que chaque enfant, chaque jeune que j'ai rencontré avait besoin de temps pour s'adapter à son nouveau milieu et à sa nouvelle famille avant même que le processus d'attachement puisse commencer.
    Beaucoup d'enfants et de jeunes, tout comme mon fils, ont appris à se méfier. Leur monde n'était ni sûr ni prévisible, et ils ont été laissés à eux-mêmes à maintes reprises. Ils ont formé des liens anxieux ou, comme mon fils, ils ont eu de la difficulté à former le moindre attachement à cause du grand nombre de personnes à qui on les a confiés dans leur vie et du traumatisme de croissance qu'ils ont pu vivre.
    Nous pouvons bâtir la confiance avec nos enfants et nos jeunes en les prenant tels qu'ils sont, en étant là pour eux encore et encore, en souriant même lorsqu'on vous appelle « Hey lady » et en célébrant quand, trois ans et demi plus tard, on vous appelle enfin « maman ». Ensuite, petit à petit, ils commencent peut-être à se rendre compte que nous sommes fiables et que nous pourrions — je dis bien « pourrions » — être dignes de leur confiance. La relation d'attachement commence dans l'appréhension et, devinez quoi, cela ne s'arrête jamais. Elle est mise à l'épreuve maintes fois au cours des semaines, des mois et des années à venir, parce que ces enfants‑là ont appris très tôt que le monde n'est pas un endroit sûr.
    Chaque famille permanente, qu'elle soit de la parenté, de la communauté d'appartenance ou qu'elle soit purement adoptive, doit composer avec ses propres circonstances particulières. Certains parents ont le temps de préparer l'enfant ou le jeune à rejoindre leur famille. Pour d'autres, cela se passe très rapidement, en pleine nuit ou du jour au lendemain, parfois sans avertissement parce que les circonstances échappent à la volonté de l'enfant ou du jeune. Ces familles‑là auront besoin de ressources. Elles auront besoin de soutien. Elles auront besoin de temps pour s'attacher. Elles auront besoin de savoir que leur gouvernement les appuie dans des moments très difficiles.
(1645)
    Qu'est‑ce qu'on entend par du « temps pour s'attacher »? Il s'agit d'un congé parental additionnel de 15 semaines pour les parents adoptifs et les pourvoyeurs de soins venant de la parenté ou de la communauté d'appartenance. C'est un appel au gouvernement canadien pour que toutes les familles soient traitées de façon juste et équitable.
    À vrai dire, les enfants et les jeunes dans ma maison et ceux avec qui j'ai eu le privilège de travailler ont besoin de beaucoup plus qu'un congé additionnel de 15 semaines pour mieux s'attacher à leur milieu d'adoption, mais en tenant cette promesse, le gouvernement du Canada se rangerait aux côtés des familles qui répondent aux besoins de ces enfants et de ces jeunes, et non, ce n'est pas négligeable.
    Au Canada, environ 30 000 enfants et jeunes vivent dans notre système de protection de l'enfance. Chaque année, environ 1 700 d'entre eux trouvent un foyer permanent. Lorsque l'âge est venu, les jeunes quittent notre système de protection de l'enfance à un rythme alarmant, et sans foyer permanent, leurs perspectives ne sont pas bonnes. Nous devons tous nous soucier des enfants et des jeunes qui vivent dans notre système de protection de l'enfance et nous porter à leur défense.
     Nous devons aussi reconnaître que plus de la moitié d'entre eux sont des Afro-Canadiens et des Autochtones. Moins de 0,3 % de tous les Canadiens sont passés par le réseau de protection de l'enfance — moins de 0,3 % —, mais plus de 65 % de tous les Canadiens sans abri sont passés par là. Je répète: moins de 0,3 % de tous les Canadiens ont passé du temps dans le système de protection de l'enfance, mais plus de 65 % de tous les Canadiens qui n'ont pas de logement y ont passé du temps.
    Nous devons relever l'âge auquel les jeunes quittent le système de protection de l'enfance — dans chaque province et territoire du Canada — et faire baisser ces statistiques. Nous devons promouvoir et appuyer l'adoption d'enfants et de jeunes plus âgés au Canada et soutenir différentes formes de permanence. La plupart des enfants et des jeunes dans le système ont maintenant plus de 10 ans; ils sont peut-être dans une fratrie, et ils ont peut-être des besoins spéciaux visibles ou invisibles. Notre fils s'est fait diagnostiquer un trouble du spectre de l'alcoolisation fœtale à l'âge de 12 ans et il a eu besoin d'une foule de ressources que nous étions plus qu'heureux d'exploiter pour qu'il atteigne son plein potentiel.
    Aujourd'hui, je demande qu'on accorde du temps pour l'attachement, parce que c'est important. C'est important pour les enfants et les jeunes. C'est important pour leur famille.
    Merci beaucoup.
(1650)
    Merci, madame Murphy. S'il y a des sujets que vous n'avez pas pu aborder, vous pourrez y revenir dans vos réponses aux questions.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président, juste avant que nous commencions. Je me demande s'il y a une vidéo en direct et si nous pouvons la mettre en marche ici dans cette salle de la Chambre des communes.
    Merci, monsieur le président.
    Bien sûr. Merci.
    Je souhaite la bienvenue à M. Kelloway et à M. Angus, qui se joignent à nous aujourd'hui.
    Sur ce, nous entamons la première série de questions avec Mme Falk, qui dispose de six minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je tiens à remercier nos deux témoins, Mme Murphy et Mme Rottenberg, de la confiance qu'elles nous témoignent en venant ici nous raconter leur histoire, parce que je sais qu'il est parfois difficile de fouiller loin et creux dans le passé. Je tiens à vous remercier toutes les deux de la bravoure et du courage dont vous faites preuve en venant vous confier à nous aujourd'hui.
    Madame Murphy, si je peux commencer par vous, je me demande pourquoi une famille permanente est si importante pour les enfants et les jeunes.
    La famille permanente est importante pour les enfants et les jeunes parce que, sans elle, ils n'ont pas de filet de sécurité. Ils n'ont personne sur qui compter dans les périodes difficiles.
    Je pense à nos enfants qui ont 27 et 32 ans. Nous sommes toujours des références de qualité pour eux. Nous avons pu leur offrir cette permanence. Je pense à certains des jeunes avec qui je travaille par l'entremise du Conseil canadien de la permanence, et qui n'ont pas ce filet de sécurité. Ils n'ont jamais trouvé une forme de permanence. Nous devons faire pencher la balance en leur faveur.
    Merci beaucoup.
    Vous avez effleuré le sujet, mais je me demande si vous pouvez nous en dire davantage sur la façon dont les familles adoptives, en particulier, profiteraient de cette prestation d'attachement de 15 semaines. À quoi cela ressemblerait‑il pour les jeunes, mais aussi pour les tuteurs et les parents, les adultes qui les prennent sous leur aile?
     Cela veut dire qu'ils sont à la disposition de leur enfant ou de leur jeune, qui s'est joint à leur famille par l'adoption, pour établir ces routines et ces liens d'attachement. Comme je disais, il s'agit d'être là pour eux.
    Même si un jeune se joint à sa famille à l'âge de 12 ou 13 ans, il est vraiment important que ce parent ou ce gardien soit là, qu'il puisse le rencontrer après l'école ou peut-être l'emmener à son resto préféré à l'heure du dîner une fois par semaine, parce que c'est habituellement le seul moyen de les emmener dîner.
    Si le parent répond présent constamment et qu'il joue un rôle actif dans leur vie, les jeunes finissent par se rendre compte au bout d'une longue période que leurs parents sont vraiment là pour eux.
    Merci.
    Même avec mes propres enfants, il s'agit d'avoir l'occasion, de temps à autre, d'en emmener un au McDonald, par exemple, ou au parc ou de faire ce genre de choses. Non seulement cela favorise l'attachement, mais cela fait aussi grandir la confiance. Nous apprenons de plus en plus, surtout avec les petits, toute l'importance du jeu. Il faut prendre le temps d'enlever son chapeau de parent ou de tuteur et de mettre son chapeau d'enfant.
    Même avec les enfants plus âgés, il y a toute une série de pressions qui viennent avec l'école intermédiaire et secondaire et avec le changement. D'après les témoignages que j'ai entendus, et d'après les familles avec lesquelles j'ai pu parler, il s'agit d'avoir plus de temps pour simplement être présent, ne serait‑ce parfois que pour s'asseoir et prendre un enfant par la main.
    Merci beaucoup.
(1655)
    Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, je tiens à remercier Shelley et Cassie d'être ici aujourd'hui.
    Oui. J'allais passer à Mme Rottenberg.
    Comme je disais tantôt, je vous remercie infiniment de vous confier à nous avec tant d'abandon et d'ouverture, de sorte que les gens qui siègent ici, qui n'ont peut-être pas eu l'occasion de vivre l'adoption dans leur famille immédiate ou proche, puissent profiter de votre expérience personnelle.
    À votre avis, dans quelle mesure est‑il important pour les enfants et les jeunes adoptés d'établir ces liens d'attachement avec leur nouvelle famille?
    Je pense qu'il est très important de renforcer l'attachement, de laisser les liens se créer et la confiance s'installer. Je pense que cela se fait par la répétition et le temps. On ne peut pas nécessairement peser sur l'accélérateur. Il faut du temps pour construire cela, l'amener à grandir et à s'épanouir. Ensuite, il faut aussi avoir cette routine, simplement la constance d'être là quand cela compte.
    Quand j'ai été plus vieille, ma mère — elle était travailleuse sociale — avait coutume de dire: « Je suis toujours dans ton coin. » C'est une formule qu'elle employait avec les gens avec qui elle travaillait, et elle me l'a toujours dit. Toute ma vie, j'ai su qu'elle était ma plus fervente partisane.
    S'il y avait eu plus de temps au début, si elle n'avait pas eu à s'inquiéter d'aller travailler et de me laisser avec quelqu'un d'autre, cela aurait probablement permis de faire grandir plus vite cette confiance et ce lien nécessaires à un attachement plus solide.
    C'est merveilleux. Merci beaucoup.
    Pensez-vous que ce soit différent pour chaque enfant? Est‑ce que la durée peut varier pour former un attachement sain et solide?
    Oui. Je pense que chaque enfant est différent. Chacun a sa propre histoire d'avant l'adoption. Cela pourrait avoir une incidence sur la période d'adaptation et le temps nécessaire pour s'attacher.
    Comme je disais, même si le bébé ou l'enfant semble très bien adapté, qu'il n'y a pas de problèmes ou de besoins évidents, on ne peut pas être sûr qu'il n'y a rien qui se cache en dessous... Aussi, le fait d'être proactif en prenant le temps de montrer vraiment qu'on est capable de soutenir et d'aimer, d'être constant et présent, je pense que cela pourrait être très bon pour empêcher des problèmes de surgir plus tard.
    Cela diffère, cependant, de l'un à l'autre. Chaque enfant est différent. Il s'agit de donner au parent le temps d'apprendre à connaître les besoins de l'enfant et de vraiment l'écouter, puis de pouvoir l'aider dans toutes les circonstances possibles avec les moyens dont il dispose, quitte à obtenir de l'aide supplémentaire auprès d'autres personnes et d'autres ressources.
    C'est merveilleux.
    Merci beaucoup à vous deux.
    Monsieur Coteau, vous avez six minutes.
     Merci à nos deux témoins.
    C'est toujours un honneur de rencontrer des gens qui font de bonnes choses pour les enfants et les familles. C'est très important pour moi personnellement. Tout au long de ma carrière politique, j'ai cherché des moyens d'aider les enfants et de leur donner des chances égales à bien des égards. Pour moi, les défenseurs des droits sont des héros qui cherchent à bâtir un monde meilleur autour de nous.
    Madame Murphy, vous avez dit qu'il y a 30 000 jeunes pris en charge dans tout le pays. Ai‑je bien entendu que 1 700 par année sont pris en adoption? C'est bien cela?
     Il y en a 1 700 par année qui trouvent une certaine forme de permanence. Ce peut être grâce à l'adoption. Ils peuvent aussi être confiés à des membres de la parenté ou de la communauté d'appartenance.
    J'imagine que la décision de prendre soin d'un enfant est une décision importante. Il y a le facteur temps et le facteur financier à considérer, et il y a tellement d'autres éléments qui entrent en ligne de compte. Parfois, ce peut être très difficile.
     Si on supprime des obstacles en donnant du temps, par exemple, ce qui revient à fournir plus de ressources, je suppose qu'il y aurait une augmentation des adoptions ou des autres formes de permanence, ce qui ferait grossir ce chiffre de 1 700.
    Y a‑t‑il des recherches ou des études qui appuient cette affirmation?
(1700)
    Je pense qu'on pourrait voir le chiffre augmenter. Je pense que nous devons aussi fournir beaucoup plus de soutien et de ressources. Il est probable qu'Adopt4Life et le Conseil canadien de la permanence pour les enfants et les jeunes vous en parleront aussi, parce que l'adoption n'est que le début du parcours.
    Par exemple, ma propre famille a dépensé des centaines de milliers de dollars pour des thérapies, du soutien et des programmes de traitement destinés à notre fils seulement. C'est très courant dans les familles adoptives.
    Si le gouvernement décide d'accepter ce congé d'attachement de 15 semaines, ce n'est que le début du parcours pour nous. La route est longue et nous avons besoin de beaucoup de ressources et de soutien. Je suis certaine que vous êtes au courant de cela, avec les fonctions que vous avez occupées auparavant.
    C'est très exigeant. Je le ferais encore sans la moindre hésitation, mais c'est très exigeant.
    Certaines questions que nous posons aujourd'hui doivent sembler l'évidence même, comme les publicités du Captain Obvious. Est‑ce que c'est la bonne chose à faire? C'est bon pour les enfants, et nous le savons tous. C'est ainsi que nous procédons à la Chambre des communes.
    Je considère la décision de mettre en place ce type de programme comme un nouveau départ. Je brûle peut-être les étapes, mais vous avez ouvert une fenêtre. Quelles sont les autres choses dont les militants, les experts et les familles estiment avoir besoin au Canada pour avoir un système encore meilleur?
    Il est certain que bon nombre de nos enfants, sinon tous, ont subi une forme quelconque de traumatisme de croissance. À l'heure actuelle, il est difficile au Canada de trouver de l'aide en santé mentale et des personnes qui s'y connaissent dans ce domaine. C'est certainement un problème pour les familles adoptives.
    J'aimerais aussi attirer l'attention sur les enfants et les jeunes qui ne trouvent pas de famille permanente et qui ne sont pas adoptés. Ils restent dans le système, et nous devons tous nous soucier d'eux. C'est un problème important au Canada.
    Je pense qu'une plus grande sensibilisation peut faire la lumière sur tous ces éléments.
    Lorsqu'on examine les réseaux de protection de l'enfance, ou juste les lois sur l'enfance et la jeunesse dans les différentes provinces, il est parfois choquant de constater les écarts qui existent à travers le pays. Je me souviens qu'en Ontario, l'âge de la protection s'arrêtait à 16 ans. Nous l'avons porté à 18 ans, mais j'ai été surpris d'apprendre que c'était encore 16 ans dans certains cas. Nous avons encore beaucoup de travail à faire.
    Je sais qu'il peut être très difficile de répondre à cette question, mais pourquoi d'après vous les lois de protection de l'enfance...? Pourquoi a‑t‑il fallu tant de temps à la société pour en arriver à ce point, où des gouvernements dans tout le pays — et je pense à des lois provinciales et même à des règlements municipaux — mettent tout à coup les bouchées doubles pour adopter des décisions qui sont bonnes pour les familles?
     Ce sont les bonnes décisions à prendre et elles peuvent sembler évidentes pour vous et moi, mais la société dans son ensemble n'en est pas encore là. Qu'est‑ce qui nous a retenus?
    Julie et moi, nos familles et nos partisans, Adopt4Life et le Conseil canadien de la permanence pour les enfants et les jeunes défendons cette cause depuis plus de six ans. Ce devrait être une cause dénuée de tout intérêt partisan. Ce l'était.
    Je pense que l'intérêt partisan prend le dessus parfois. Vous me posez la question franchement, alors je vous le dis en toute franchise: nous ne pouvons pas régler toutes les formalités administratives assez vite pour les enfants, les jeunes et leurs familles. Je n'ai jamais soulevé de questions partisanes. Je défends les intérêts des enfants et des jeunes. Je l'ai toujours fait et je le ferai toujours.
    C'est peut-être que nos histoires ont fini par émouvoir l'opinion, parce qu'elles sont très honnêtes et très réelles. Je pense que c'est une bonne nouvelle pour les familles. Le simple fait de dire toute l'importance que nous accordons à la relation d'adoption et à ces 15 semaines d'attachement, c'est déjà beaucoup pour nos familles.
     Oh, mon Dieu, les besoins sont tellement plus grands. C'est un jugement de valeur.
     Cela envoie un message très clair.
    Cela revient à dire: « Nous vous estimons et nous estimons le travail que vous faites. »
    Ai‑je terminé?
    Il vous reste huit secondes — maintenant sept.
    Habituellement, je ne prends pas mes huit secondes, mais je vais simplement vous remercier encore une fois.
    Merci.
    Merci pour tout le travail que vous avez accompli.
    Je vous remercie également du travail que vous avez fait par le passé.
    Merci, monsieur Coteau.

[Français]

     Madame Chabot, vous avez la parole pour six minutes.
    Bonjour. Mesdames, je vous remercie de vos témoignages, qui nous seront très précieux.
    Je dois vous dire d'entrée de jeu que les parlementaires ont adopté l'esprit du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture avant de l'étudier en comité. L'objectif du projet de loi est de donner aux parents adoptifs 15 semaines d'assurance-emploi, au même titre qu'aux parents biologiques. Vos témoignages ont permis d'illustrer en quoi le temps est important.
    Si le projet de loi était adopté, la mère adoptive pourrait bénéficier de 15 semaines d'assurance-emploi, au même titre que la mère biologique. Madame Rottenberg, selon vous, cette équité est-elle importante?
(1705)

[Traduction]

    Comme Mme Murphy l'a mentionné, je pense qu'il est important de veiller à ce que les parents biologiques et adoptifs aient un accès égal aux prestations pour que l'attachement se forme et que l'enfant l'adopté — qu'il s'agisse d'un bébé, d'un enfant ou d'un adolescent — ait vraiment la possibilité de s'habituer à son nouvel environnement, qu'il s'agisse de la famille ou du pays. Toutes ces choses sont très importantes, peu importe l'âge. J'ai été adoptée quand j'étais bébé, mais c'est très important à tout âge.
    Je pense que c'était la question.

[Français]

    Oui, c'était bien ma question.
    Vous l'aurez compris, il y a déjà eu des engagements de la part du gouvernement. Je ne veux pas vous faire faire de la politique, mais le gouvernement libéral s'est engagé à modifier notre régime d'assurance-emploi, afin de le réformer de façon globale.
    Les parents biologiques se voient accorder 15 semaines, et on voudrait voir accorder la même chose aux parents adoptifs. On veut qu'il y ait une équité. Bien que le gouvernement s'y soit engagé, la réforme n'a toujours pas vu le jour. Le projet de loi actuel est donc l'occasion de corriger une certaine discrimination. Peut-être que l'évolution a permis cela aussi.
    On parle également de l'importance de la présence parentale dans les cas d'adoption. Il importe aussi que les parents n'aient pas de soucis en lien avec leur emploi et qu'ils puissent prendre le temps de bien accompagner ces belles personnes, comme vous, qu'ils ont choisi d'adopter. C'est un beau choix.
    Croyez-vous que ce projet de loi aurait changé les choses pour vos parents, madame Rottenberg?

[Traduction]

    Oui. Ma famille est monoparentale. Ma mère m'a adoptée seule, et elle nous a élevées seule, moi et ma sœur cadette — également adoptée en Chine. Il est certain que cela a demandé beaucoup d'efforts à une mère célibataire qui ne bénéficiait pas de certaines des prestations qui existent aujourd'hui, surtout les 15 semaines supplémentaires.
    Si c'était mis en place, cela améliorerait les choses. Je sais que ma mère a tenu des propos très semblables à ce que Mme Murphy a dit. Elle le referait. À bien des égards, nous l'avons aidée plus qu'elle ne peut l'expliquer. Autant je suis reconnaissante de faire partie de la famille, autant je sais qu'elle est très reconnaissante de m'avoir adoptée. Je pense que l'adoption peut faire tellement de bien.
    Le gouvernement devrait soutenir l'adoption et l'aider à réussir afin que les enfants adoptés puissent s'épanouir ainsi que les parents adoptifs — toute la cellule familiale. S'il existe les mesures de soutien appropriées en ce qui concerne les prestations d'emploi — ce congé — cela ne fait que favoriser l'épanouissement de toute la famille, de toutes les personnes concernées. Cela leur permet de s'attacher et de grandir, d'avoir des liens sûrs, un attachement et des relations solides non seulement avec les membres de la famille, mais aussi avec d'autres personnes. C'est vraiment très complexe.
    Merci.

[Français]

     Merci à vous.
    Madame Murphy, le projet de loi prévoit l'établissement de 15 semaines de prestations, et nous espérons qu'il sera adopté. Vous pouvez compter sur l'appui de notre formation politique. Cependant, certains disent que la période de prestations, plutôt que de commencer dès l'arrivée de l'enfant ou du jeune, devrait commencer un peu avant, pour permettre aux parents de préparer le lieu physique qui l'accueillera.
    Avez-vous une opinion sur la question?
(1710)
     Bonjour, madame Chabot.

[Traduction]

    C'est un plaisir de vous voir.
    Oui, nous espérons qu'il y aura une certaine souplesse dans ce projet de loi afin qu'une famille puisse prendre cette décision pour elle-même. Par exemple, lorsque notre fille s'est jointe à notre famille en Chine, nous avons vécu en Chine avec elle pendant deux semaines et demie avant de revenir au Canada, et nous avons commencé le congé le jour où elle nous a été confiée, même si nous n'étions pas encore de retour au Canada.
    Pour une famille qui aimerait avoir le temps de se préparer, cela pourrait certainement faire partie du projet de loi, mais il y a des familles qui n'auront pas le temps de se préparer. Je crois important que la loi soit souple pour répondre aux besoins individuels des familles.

[Français]

    Merci.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Chabot.

[Traduction]

    Monsieur Angus, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Rottenberg et madame Murphy.
     Nous sommes assez d'accord, je pense, sur l'importance de cette question, mais le fait que vous soyez des témoins de notre comité nous permet de consigner au compte rendu parlementaire les questions plus générales dont nous n'avons souvent pas l'occasion de discuter.
    Au cours de mes 19 années de vie politique, je n'ai jamais eu l'occasion de citer ma citation préférée, de Dostoevsky dans Les Frères Karamazov: « Je suis désolé, je ne peux rien dire de plus réconfortant pour vous, car l'amour en action est une chose dure et terrible [...] L'amour dans les rêves est avide d'action immédiate, rapidement exécutée et sous les yeux de tous... Mais l'amour actif est travail et persévérance. ».
    Je tiens à commencer par cette citation en raison de l'énorme travail que représente l'adoption.
    Commençons, madame Murphy. Vous avez dit que vous avez adopté à l'étranger. J'ai dans mon entourage des personnes qui ont été adoptées dans des situations très précaires à l'étranger et qui se sont épanouies, mais nous savons aussi que l'adoption internationale soulève de graves questions, du sauveur blanc, à la perte de culture, la perte d'identité, ou les gens qui pensaient vouloir être parents et qui ne le veulent plus.
     Comment encadrer l'effort extraordinaire de faire venir un enfant d'une culture complètement différente dans notre pays? Comment pouvons-nous faire en sorte que cela fonctionne, et que ce sera pour le long terme et pour le bien de tous?
    Tout d'abord, nous avons adopté à l'étranger ainsi que par l'entremise du système public de protection de l'enfance.
     Quand on adopte à l'étranger, on prend la décision active d'adopter un enfant. Pour reprendre un vieil adage, plus nous apprenons et plus nous savons, mieux nous faisons. J'ai certainement appris en cours de route, tout comme mon mari et nos enfants.
    La culture a toujours été une chose à laquelle je savais que nous devions participer activement. Cela a toujours fait partie de la vie de ma fille. Elle a toujours eu des mentors originaires de son pays. Notre famille a suivi des cours de langue. Nous sommes retournés plusieurs fois en Chine avec notre fille. Elle a maintenant 27 ans et elle y est retournée seule. J'aimerais pouvoir vous dire que toutes les familles qui adoptent à l'étranger font la même chose. Ce n'est pas le cas. Ce ne sont pas toutes les familles qui ont les moyens de le faire.
    Il est plus difficile pour nous, les parents adoptifs, de rendre les choses plus faciles pour nos enfants. Je pense que c'est la meilleure façon de résumer la situation.
    Madame Rottenberg, quelle est votre expérience et quelles leçons pourriez-vous en tirer?
    Je pense que lorsqu'on adopte un enfant d'un autre pays, il y a beaucoup plus de travail à faire pour surmonter ces obstacles. Il peut y avoir des différences au niveau de la langue et de la culture, et de tout, même de l'ethnicité, de la race et du genre d'expériences que l'enfant peut vivre, des expériences que les parents ne peuvent peut-être pas comprendre et pour lesquelles ils ne peuvent pas se préparer.
    Je sais que lorsque j'ai été adoptée, je ne pense pas qu'il y avait autant de ressources ou peut-être de formation. Aujourd'hui, surtout en ligne, il y a tellement de ressources disponibles, ne serait‑ce que pour apprendre des expériences des générations précédentes qui ont vécu certaines difficultés. Je pense que les choses s'améliorent et qu'il y a énormément de possibilités de continuer à investir dans ces ressources.
     Je sais que beaucoup de ressources viennent maintenant des adoptés. Il y a des enfants adoptés qui grandissent et parlent de leurs expériences, et des parents adoptifs qui sont désireux et capables d'apprendre et d'écouter. Cela aura un effet d'entraînement très positif sur les jeunes générations d'enfants adoptés. Il est réconfortant de savoir que c'est la direction que nous prenons.
(1715)
     Merci.
    Madame Murphy, vous êtes la présidente du Conseil permanent des enfants et des adolescents du Canada. Vous avez parlé des 30 000 personnes qui travaillent pour la protection de l'enfance.
    Je représente la région du Traité no 9, et la protection de l'enfance a un passé très sombre dans notre région. Nous avons perdu tellement de beaux enfants à cause d'un système qui ne semblait pas avoir d'importance pour ces enfants.
    Je pense à Courtney Scott, qui avait 16 ans. Elle a été emmenée avec sa sœur, de Fort Albany, et elle est morte dans l'incendie d'une maison à Orléans, à 2 000 kilomètres de sa famille. Nous avons perdu notre défenseur des enfants en Ontario. Doug Ford a congédié Irwin Elman. Dans notre région, nous sommes très préoccupés par le fait que des enfants soient enlevés.
    Vous avez parlé des proches aidants et des aidants coutumiers. À votre avis, comment pouvons-nous nous assurer que les enfants qui doivent être enlevés à leurs parents, peut-être à cause de la drogue, de la violence ou d'autres problèmes, sont toujours en mesure de recevoir le genre de soutien affectif et culturel auquel ils ont droit et sur lequel notre société doit insister?
    Les premières familles sont importantes. Pour notre fils, nous avons eu une des premières adoptions ouvertes en Ontario. Comme je l'ai dit, il a maintenant 32 ans. La première famille est très importante tant que les problèmes de sécurité peuvent être réglés.
    Lorsque nous examinons la culture autochtone, nous devons nous pencher sur l'autonomie gouvernementale. Je pense que le système de protection de l'enfance, pour la culture autochtone, est le prochain scandale des pensionnats de notre époque. Je suis dégoûtée par ce que j'ai vu dans le système de protection de l'enfance.
    Au Conseil canadien de la permanence pour les enfants et les jeunes, nous avons un conseil consultatif autochtone, et des jeunes y siègent. Ils nous dirigent certainement, et ce sont ces voix qui devraient nous diriger.
    Merci beaucoup.
    Je dirais que la route des larmes, le système carcéral et tout ce que nous voyons de cassé remontent au placement dans le système d'enfants qui n'ont pas reçu de soutien familial et qui ont ensuite grandi sans soutien. Si nous pouvons régler ce problème, nous pouvons transformer des vies.
    Merci, monsieur Angus.
    Madame Ferreri, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup à nos témoins. C'est un sujet très émouvant.
    En tant que mère, je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est littéralement la même histoire. Je n'ai pas adopté mes enfants, mais il s'agit de se montrer présent pour ses enfants lorsqu'ils ont des hauts et des bas et qu'ils vous repoussent en disant: « Tu es la pire maman ». Vous vivez cela en tant que mère, en tant que parent. Il est difficile de se montrer présent pour ses enfants. C'est vraiment difficile. Vos paroles m'ont touchée de près, madame Murphy, et c'est très émouvant. C'est ce que je ressens dans la salle.
    Je suis très reconnaissante à ma collègue, Rosemary Falk, d'avoir présenté ce projet de loi. Je voudrais en examiner les détails.
    Je pense que les données sont vraiment essentielles lorsque nous examinons la législation, parce que la question est émotive, mais je pense aussi que les données racontent l'histoire de l'investissement.
    Si vous le pouvez, Cathy... Puis‑je vous appeler Cathy, madame Murphy?
    Bien sûr.
    Trente mille enfants, est‑ce le chiffre que vous avez donné sur les enfants qui attendent dans le système de protection de l'enfance, le système des familles d'accueil?
    Ce sont les plus âgés, qui ont plus de 10 ans.
    Ils ont plus de 10 ans, mais seulement 1 700 sont adoptés chaque année?
    C'est exact.
    C'est un chiffre assez renversant.
    En effet.
    Ensuite, pour ce qui est du nombre d'enfants qui ne sont pas adoptés, quelles sont les statistiques sur ce qu'il advient d'eux?
    Les statistiques sur ce qui leur arrive après leur sortie du système ne sont pas très bonnes, loin de là. J'ai fait allusion à certaines des statistiques sur l'itinérance. Le Conseil canadien de la permanence pour les enfants et les jeunes a préparé un rapport avec FEGC pendant quatre ans. Nous avons produit un rapport national, et tous les chiffres sont là. Irwin Elman a aussi été un formidable défenseur de notre cause et continue de la défendre, même s'il n'a plus de rôle officiel.
    Je pense que nous devons vraiment examiner ce que nous faisons dans notre pays et la façon dont nous soutenons nos citoyens les plus vulnérables. Lorsque nos enfants et nos jeunes atteignent l'âge adulte, les résultats ne sont pas très reluisants. Vous pouvez aller au centre-ville d'Ottawa. Ce sont les enfants et les jeunes que vous voyez dans la rue. La santé mentale... est là. Les jeunes itinérants sont là. Ce n'est pas joli à voir.
(1720)
     C'est la réalité, et vous ne réglez un problème que si vous reconnaissez la réalité du problème. C'est un problème de longue date, mais je pense que nous avons fait beaucoup de chemin dans la façon dont nous parlons de l'adoption. Je pense aux adoptions forcées que beaucoup de femmes ont subies à l'époque de ma mère, lorsque des femmes de 16 ans étaient envoyées dans un foyer et forcées de donner leur bébé en adoption, et de ne jamais plus en parler. Il y a le traumatisme de cette mère qui doit vivre avec cela... et de cet enfant qui ne saura jamais qui il est.
    Il y a toute une discussion à ce sujet, mais revenons à l'essentiel de ce projet de loi, qui semble si petit dans l'ordre des choses, mais si important. Ce sont des petits progrès. C'est étape par étape. Cela donnerait 15 semaines de plus, ce qui n'a jamais été envisagé.
    En plus du fait que ce projet de loi allonge la période pendant laquelle les parents peuvent s'attacher à leurs enfants, pensez-vous qu'il soit également utile pour faire passer le message que les parents adoptifs et les parents d'intention sont égaux dans l'exercice de la parentalité? Pensez-vous que cette partie du projet de loi soit utile?
    Oui, absolument. Je pense que toutes les familles devraient être traitées de la même façon au Canada. Je pense que cela envoie un message très clair.
    Merci.
    Madame Rottenberg, votre témoignage a été très convaincant. J'ai des amis qui ont des histoires très semblables à la vôtre. J'aime la façon dont vous avez parlé avec éloquence de la tristesse et de l'admiration que vous ressentez à l'égard de ce que vous avez vécu en bas âge.
    Pourriez-vous nous en dire plus sur ce que votre mère aimerait nous dire, ou sur ce qu'elle pense de ce projet de loi?
    Je pense à tout ce qu'elle a vécu, aux obstacles supplémentaires qu'elle a dû surmonter et au manque de ressources ou de prestations. Elle approuve entièrement le fait que ces ressources existent maintenant, ou pourraient exister à l'avenir. J'ai parlé avec elle plus tôt aujourd'hui, parce qu'elle est au courant de ce que je fais.
    Elle a dit que c'était très important, surtout dans une situation comme la nôtre, ou dans le cas des adoptions internationales ou transraciales. C'est important en raison de tous les changements que vous vivez. Vous avez besoin de ce temps pour vous adapter. Pour une mère, c'est la possibilité de s'absenter du travail sans avoir à se demander comment elle va nourrir son enfant ou son bébé. C'est l'assurance d'avoir une belle vie et un bel avenir en sachant qu'elle n'a pas à s'inquiéter sur ce plan‑là. C'est pouvoir se concentrer sur les aspects parentaux de l'amour, du soutien et de l'éducation. C'est simplement avoir le temps, littéralement, d'être avec son enfant et d'assister à toutes les premières fois. Ma mère a raté d'autres premières fois, car je ne l'ai rejointe qu'à l'âge de huit mois.
    Le temps est certainement notre monnaie d'échange la plus précieuse. Cela ne fait aucun doute.
    Merci.
    Merci, madame Ferreri.
    Monsieur Van Bynen, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'apprécie votre franchise et la façon dont vous partagez des sentiments très profonds qui sont si importants pour les enfants.
    Je ne sais pas comment on a déterminé qu'une période de 15 semaines est appropriée pour la prestation d'attachement. Ce que nous avons entendu dire aujourd'hui et précédemment, c'est qu'il est beaucoup plus difficile d'adopter un enfant que d'avoir un enfant de substitution ou votre propre enfant.
    Croyez-vous qu'une prestation d'attachement de 15 semaines soit suffisante, compte tenu des défis supplémentaires?
    Je demanderais la lune, mais nous sommes ici aujourd'hui pour préconiser le congé d'attachement de 15 semaines. Je pense que c'est important.
    Cela montre ce que nous valorisons en tant que pays. Nous disons que toutes les familles, peu importe comment elles sont créées, sont valorisées et devraient être honorées et soutenues. C'est énorme pour nos enfants, nos jeunes et nos familles. Nous avons ici aujourd'hui des jeunes incroyables avec qui j'ai eu le plaisir de travailler. Il est très important que vous leur disiez que leur voix compte. Oui, c'est important.
    Très bien.
    Madame Rottenberg, voulez-vous ajouter quelque chose?
    J'ajouterai que je suis d'accord. Il est très important, que vous adoptiez un enfant ou que vous ayez des enfants biologiques, d'avoir la même durée de prestations. Je pense que cela envoie un message. Nous saurons que le gouvernement voit les choses de la même façon, en ce qui concerne la cellule familiale et la façon dont les familles sont constituées, qu'il s'agisse de parents adoptifs, de parents biologiques ou même d'enfants adoptés avec des enfants biologiques.
     Souvent, les enfants adoptés peuvent se sentir très marginalisés dans la société, ce qui revient à dire qu'être adopté signifie que vous êtes différent et que vous ne faites pas vraiment partie de votre famille. Il y a tous ces niveaux. Pour ce qui est du gouvernement, en adoptant ce projet de loi parce que c'est plus équitable, je pense qu'il enverra un très bon message.
(1725)
     L'autre chose qui me préoccupe, c'est que je ne comprends pas pourquoi la prestation serait applicable la semaine où l'enfant arrive. Dans quelle mesure est‑il important d'avoir la souplesse nécessaire pour présenter une demande de prestation avant l'arrivée de l'enfant, et quelle devrait être la durée?
     Je crois qu'il faut sortir des sentiers battus. C'est pourquoi j'ai toujours travaillé pour des ONG.
    Par opposition au gouvernement...?
     Oui.
     D'accord, je comprends ce que vous voulez dire.
    Je crois fermement qu'il revient à chaque famille de déterminer ce qui fonctionne pour elle, alors la souplesse est très importante.
     Y a‑t‑il suffisamment de souplesse dans ce qui est proposé pour répondre à ce besoin?
    Je pense que oui. Je pense que nous pouvons l'améliorer. Quand on veut, on peut, alors oui, je pense que c'est possible.
    Cela m'amène à ma prochaine question.
    Quels amendements recommanderiez-vous d'apporter au projet de loi et pourquoi?
    J'ai mentionné dans ma déclaration que les proches aidants et les aidants coutumiers devraient être inclus dans le projet de loi. C'est important. Cela reconnaîtrait le rôle que les grands-parents, les tantes et les oncles jouent en tant que membres de la parenté.
    Il est très important que le projet de loi tienne compte du rôle qu'ils jouent. Nous avons travaillé en très étroite collaboration avec des aidants coutumiers qui ont pris soin de nièces et de neveux, et ils n'ont pris aucun congé. Bon nombre d'entre eux ne savaient même pas que c'était à leur disposition. Ces choses sont vraiment importantes. Ces aidants font un travail très important. Ils permettent à un enfant non seulement de rester dans sa communauté, mais aussi de conserver sa culture et sa langue. C'est un travail très important qui doit être reconnu.
    Madame Rottenberg, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je n'ai pas d'autres amendements ou modifications à proposer pour l'instant. Je suis d'accord avec tout ce que Mme Murphy a dit au sujet de l'inclusion la plus complète possible de tous les types de tuteurs et d'aidants.
    Cela nous ramène à la question de l'ajout de 15 semaines par souci d'égalité. Je me soucie de la question de l'équité. Devrions-nous examiner plus à fond la question de l'équité, peut-être lors d'examens futurs?
    Je n'ai pas d'autres questions.
    Merci, monsieur Van Bynen.

[Français]

     Madame Chabot, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Ma dernière question est importante, je vais donc la poser aux deux témoins.
    D'abord, je tiens à rappeler que le projet de loi vise à modifier la Loi sur l'assurance-emploi pour assurer une équité en ce qui a trait aux congés de maternité. Il propose d'ajouter 15 semaines aux 35 semaines de prestations existantes, pour porter le total à 50 semaines. Cet objectif nous apparaît bien important: c'est une question d'équité entre les parents adoptifs et ceux qui bénéficient déjà des congés de maternité. Les autres changements sont des modifications de concordance apportées au Code canadien du travail.
     Vous aurez compris que cela ne s'applique pas aux aidants naturels, mais seulement aux mères adoptives. Vous avez parlé des aidants naturels, mais ce n'est pas l'objet du projet de loi. Il vise à donner un congé aux mères adoptives à des fins d'attachement. Dans ce contexte, apporteriez-vous des modifications au projet de loi?
    Madame Murphy, voulez-vous répondre?

[Traduction]

    Nous aimerions que le nom de ce congé décrive ce qu'il est, c'est‑à‑dire un « congé d'attachement » de 15 semaines. Idéalement, les aidants coutumiers et les proches devraient être inclus.
    Ce sont les seuls changements que nous proposons.
(1730)
    Oui, je suis d'accord avec Mme Murphy.

[Français]

    Merci.
    À cet effet, quels changements faudrait-il alors apporter aux lois actuelles?

[Traduction]

    Madame Rottenberg, voulez-vous répondre?
    Je ne suis pas certaine de connaître les autres lois qui pourraient être touchées ou qui devraient être modifiées. Si c'est avantageux pour les familles, les enfants ou les parents, alors je pense qu'il faudrait certainement envisager d'apporter des changements qui nous aideraient à soutenir les parents et à répondre à leurs besoins.

[Français]

     Merci, madame Chabot.

[Traduction]

    Monsieur Angus, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Murphy, ce que vous avez dit quant à la nécessité d'un amendement concernant les proches aidants et les aidants coutumiers me satisfait et m'intéresse beaucoup. Nous savons que le projet de loi C‑92 a transféré aux communautés inuites et des Premières Nations le rôle d'établir des codes de protection de l'enfance. C'est très important.
    Dans les communautés que je représente, il y a les kokums, les grands-mères, qui élèvent des enfants. Nous avons des cousins et des voisins qui élèvent des enfants. Ils les élèvent avec amour, mais ils ne sont souvent jamais reconnus. Nous devons livrer une bataille acharnée pour leur obtenir la prestation fiscale pour enfants parce qu'il faut constamment fournir des preuves. Ce sont des moyens très naturels d'amener les enfants dans des milieux sûrs lorsqu'ils se trouvent dans des milieux dangereux, lorsqu'ils sont à risque ou lorsque leurs parents ne sont pas en mesure de s'occuper d'eux. Dans l'une des communautés où j'étais, on m'a dit: « Nous n'allons pas retirer les enfants de leur foyer; nous allons en retirer les parents. Les enfants devraient avoir un foyer sûr. Si ce sont les parents qui causent des problèmes, nous les retirerons et nous nous occuperons des enfants dans leur maison. »
    D'après votre travail, ce que vous avez vu et votre expérience au sein de votre conseil, à quel point est‑il important d'encadrer la reconnaissance de ces réalités familiales pour protéger et construire des foyers aimants pour les enfants?
    Je pense que c'est très important. Nous parlons de la permanence des familles. Les familles adoptives, les proches aidants et les aidants coutumiers sont inclus. Les jeunes qui ont dépassé l'âge limite du système peuvent appeler cela leur « famille par choix ». Ils peuvent en fait trouver des réseaux de soutien et des liens au sein de leur communauté lorsqu'ils deviennent de jeunes adultes, parce qu'ils n'ont pas réussi à trouver une forme de permanence.
    Nous aimerions soutenir tout cela. Je pense que dans les communautés autochtones, les aidants coutumiers sont particulièrement importants, comme vous l'avez déjà mentionné.
    Cela fait 11 ans que le rapport d'Irwin Elman dit que 25 ans, c'est le nouveau 21 ans. Il y a des jeunes dans les rues d'Ottawa et d'autres villes, qui sont sortis du système à 18 ans sans soutien. Ils sont censés avoir du soutien. Irwin Elman a expliqué que nous avons besoin, pour ceux qui sortent du système, d'un niveau supplémentaire de soutien. Je sais que ce n'est pas la nature du projet de loi, mais dans quelle mesure croyez-vous qu'il est important de reconnaître que 25 ans est le nouveau 21 ans?
    C'est très important. Nous parlons d'une loi fédérale. Les jeunes atteignent l'âge limite à des âges différents dans chaque province et territoire. Le Québec a l'un des âges de sortie du système les plus jeunes.
    Ce qui arrive à ces jeunes est très important. Je trouve horrifiant que nous n'ayons pas de base de données nationale au Canada qui nous permette de savoir ce qui leur arrive après qu'ils ont atteint l'âge limite. Cela n'a jamais été établi ici.
    Merci.
    Merci, monsieur Angus.
    Cela met fin à la première série de questions.
    Nous allons devoir suspendre la séance pendant quelques instants, le temps de faire des essais sonores pour les prochains témoins.
    Merci, madame Rottenberg et madame Murphy, de votre témoignage d'aujourd'hui sur cet important projet de loi.
    Sur ce, chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes pour permettre au prochain groupe de témoins de s'installer.
(1730)

(1740)
     Chers collègues, les témoins ont été libérés. Nous reprenons la séance.
    Je demande aux membres du Comité de s'asseoir pendant que nous présentons les témoins pour notre dernier tour.
    Cassaundra Eisner, étudiante, comparaît dans la salle — et elle va très bien faire cela. Nous accueillons virtuellement Carolyn McLeod. Mme McLeod est professeure à l'Université Western.
    Bienvenue au Comité. Nous allons commencer.
    Mme Eisner m'a dit qu'elle était un peu nerveuse. Je lui ai dit d'ignorer tous ceux qui la regardaient et de se détendre.
    Madame Eisner, la parole est à vous. Vous pouvez faire des commentaires, comme vous le voulez, pendant un maximum de cinq minutes ou le temps que vous voudrez.
    Détendez-vous et dites-nous ce que vous avez à nous dire.
     Bonjour. Je m'appelle Cassaundra Eisner et j'ai 23 ans.
    J'ai été placée dans un foyer d'accueil au Nouveau-Brunswick à l'âge de 9 ans et j'ai trouvé ma famille pour toujours à l'âge de 11 ans. Je connais bien le système de protection de l'enfance, car je suis passée par là.
     Au fil des ans, j'ai été une ardente défenseure des jeunes pris en charge et des familles adoptives en faisant du bénévolat auprès de la Fondation du Nouveau-Brunswick pour l'adoption, du New Brunswick Youth In Care Network et des groupes de discussion de la FIERTÉ. Si vous ne connaissez pas les groupes de discussion de la FIERTÉ, ils offrent de la formation pour les futures familles permanentes et du soutien. Je siège actuellement au conseil d'administration du Conseil canadien de la permanence pour les enfants et les jeunes.
    Comme je l'ai déjà dit, j'avais 11 ans lorsque je suis arrivée dans ma famille adoptive. Je dirais que les membres de ma famille adoptive sont ma vraie famille, mais cela n'a pas toujours été le cas. J'ai emménagé chez eux peu après les avoir rencontrés et après avoir eu des rencontres et des soirées pyjama. Il est intimidant et très effrayant d'emménager avec des personnes qui étaient des étrangers auparavant. Du temps pour s'attacher aurait aidé la petite fille de 11 ans que j'étais.
    Lorsqu'on arrive dans une nouvelle famille, il y a beaucoup d'émotions partagées, comme la peur, l'anxiété et l'enthousiasme, pour n'en nommer que quelques-unes. C'est un changement de vie énorme pour n'importe qui, surtout pour quelqu'un qui a subi un traumatisme développemental causé par des facteurs hors de son contrôle.
     Il est important de savoir que ces facteurs ne sont pas la faute de l'enfant ou de l'adolescent. En raison de circonstances et d'expériences malheureuses, il peut être très difficile d'établir une relation de confiance avec de nouvelles personnes, en particulier les aidants. Le temps supplémentaire accordé pour l'attachement dans ces situations est important pour être en mesure d'établir des relations plus solides et plus saines, et pour laisser plus de temps pour guérir et établir la confiance dans ces nouvelles situations.
    Je suis venue du Nouveau-Brunswick pour vous dire que la campagne « Du temps pour s'attacher » est très importante, et que c'est quelque chose qui profiterait à de nombreux jeunes et enfants qui entrent dans le système ou qui y sont déjà, et qui ont besoin de systèmes de soutien permanents.
    Je vous remercie de votre temps et de votre attention sur un sujet qui me tient à cœur.
    Merci, madame Eisner.
     Vous vous en êtes très bien tirée, et je suis certain que vous vous en tirerez très bien pendant la période des questions.
    Avant de commencer, nous allons entendre Carolyn McLeod, professeure à l'Université Western.
(1745)
    Je m'appelle Carolyn McLeod, comme on l'a dit. Je suis professeure de philosophie à l'Université Western. Je suis heureuse de pouvoir parler au comité permanent de la valeur des prestations prévues dans le projet de loi C‑318.
    Je suis l'auteure principale d'un rapport que vous avez peut-être vu et qui s'intitule Time to attach: An Argument in Favour of EI Attachment Benefits.
    Je suis la mère adoptive de deux enfants qui sont arrivés chez nous à l'âge de trois et six ans. J'ai été la présidente fondatrice du conseil d'administration d'Adopt4Life. Je suis une experte, sur le plan académique, des dimensions éthiques de la formation de familles par l'adoption ou par la procréation assistée ou non, et j'ai contribué à la politique publique dans ces domaines.
    J'ai récemment été reconnue pour ce travail par la Société royale du Canada, dont je suis maintenant membre.
    Mes brefs commentaires porteront sur le rapport Time to Attach, qui traite de la nécessité des prestations d'attachement. Nous sommes en faveur de ces prestations pour le bien des enfants qui obtiennent une famille permanente grâce à l'adoption, aux proches aidants ou aux aidants coutumiers.
    Contrairement au projet de loi C‑318, nous ne parlons pas de la maternité de substitution, ce qui ne veut pas dire que notre argument ne pourrait pas s'étendre aux enfants nés de la maternité de substitution. Je ne ferai aucun commentaire à ce sujet. Je veux simplement résumer notre principal argument selon lequel les enfants des familles adoptives, de proches aidants ou d'aidants coutumiers ont besoin de plus de temps pour s'attacher.
    Parmi ces familles, nous nous concentrons sur celles qui assurent la permanence aux enfants et qui obtiennent donc la garde permanente et légale de leurs enfants. Bon nombre de ces familles adoptent légalement leurs enfants, mais pas toutes, et certaines de celles qui les adoptent ne s'identifient pas comme des familles adoptives.
    Quoi qu'il en soit, par souci de simplicité, nous utilisons le langage de l'adoption pour les désigner toutes, et nous reconnaissons à quel point ce langage est imparfait.
    Pour résumer notre principal argument, je vais vous lire un extrait du sommaire.
Le présent rapport met en lumière un problème dans les prestations de congé parental du Canada, à savoir qu'elles ne tiennent pas compte des défis particuliers qui tendent à accompagner l'adoption... Les parents adoptifs sont admissibles uniquement à ce que le gouvernement appelle les « prestations parentales », tandis que les parents biologiques sont admissibles aux prestations parentales plus les « prestations de maternité ». L'objectif des prestations de maternité est de répondre aux défis particuliers qui accompagnent la grossesse et l'accouchement. Mais il n'y a pas de prestations comparables pour les parents adoptifs, aucune qui réponde aux besoins de leurs familles par rapport aux familles biologiques.
Dans ce cas, le système traite l'adoption comme s'il s'agissait d'une parentalité sans grossesse ni accouchement. Selon ce point de vue, l'adoption n'a rien de spécial; elle est comme toute autre forme de parentalité, sauf qu'elle n'a pas engendré une grossesse et un accouchement. Cependant, de telles affirmations concernant l'adoption sont manifestementtout fausses.
Notre rapport préconise la mise en place de prestations d'attachement pour les parents adoptifs. Notre principal argument en faveur de ces prestations se présente comme suit. L'un des principaux défis auxquels sont confrontés les parents adoptifs est d'encourager leur enfant à s'attacher à eux en tant que parent ou principal aidant. Bien que tous les parents puissent éprouver des difficultés liées à l'attachement et aux liens affectifs [...] les difficultés sont plus grandes et beaucoup plus fréquentes dnas le cas de l'adoption que dans celui de la reproduction biologique. Cela est vrai même lorsque les parents adoptifs ont un lien de parenté avec l'enfant, parce que les enfants ont tendance à ne pas avoir le genre d'attachement dont nous parlons avec des proches qui ne sont pas leurs parents biologiques.
Les enfants adoptés ont souvent de la difficulté à établir des liens avec leurs nouveaux parents, en raison du genre d'expériences qu'ils ont généralement vécues avant d'être adoptés. Les expériences pertinentes comprennent la perte ou la perturbation de leur lien avec leurs parents biologiques, la maltraitance par les parents ou les personnes qui s'occupent d'eux, et les placements multiples en famille d'accueil. Il en résulte souvent un « schéma d'attachement incertain », comme on l'appelle dans la littérature psychologique. Cette condition affecte non seulement la capacité d'une personne à former des liens avec les autres, mais aussi son développement social, émotionnel et cognitif global.
Malgré ces difficultés, l'adoption s'est révélée efficace pour aider les enfants à développer des modèles d'attachement plus sains. Ce résultat prend toutefois du temps, ainsi que de la patience et de l'engagement de la part des parents adoptifs. Il est particulièrement important que les parents adoptifs aient le temps, au début du placement en adoption, d'aider leur enfant à faire le deuil de ses attaches antérieures ou à minimiser cette perte en maintenant le contact avec la parenté, si c'est approprié. En même temps, ils ont besoin que l'enfant commence à s'attacher à eux en tant que parents, ce qui les aidera à tisser des liens avec l'enfant.
(1750)
L'attachement pose donc un défi pour la plupart des adoptions, ce qui rend l'adoption unique par rapport à la parentalité biologique...
... l'adoption n'est pas la parentalité moins la grossesse. Il s'agit plutôt de donner amour et sécurité à un enfant qui a déjà eu ces choses, mais qui les a perdues ou qui ne les a peut-être jamais eues auparavant. Le gouvernement du Canada doit reconnaître ce fait et valoriser l'adoption. Il devrait donc créer une toute nouvelle catégorie de prestations, à savoir les prestations d'attachement...
    C'est notre principal argument dans ce rapport, que nous avons défendu de diverses façons. Par exemple, nous nous appuyons sur la littérature scientifique sociale sur l'attachement et l'adoption pour montrer que les enfants adoptés ont besoin de plus de temps pour s'attacher qu'ils n'en obtiennent actuellement au Canada. Nous soutenons également que les normes juridiques, morales et internationales appuient le fait de donner ce temps aux enfants, et d'accorder des congés égaux aux familles adoptives et biologiques.
    Fait intéressant, nos recherches montrent que le Canada est un cas particulier parmi les pays de comparaison comme l'Australie, le Royaume-Uni et l'Allemagne, car il n'offre pas aux parents adoptifs les mêmes congés qu'aux parents biologiques, ou des congés très similaires.
    Enfin, notre rapport résume les résultats d'une enquête que nous avons menée auprès de 974 parents adoptifs au Canada. Ces résultats étaient extrêmement en faveur des prestations d'attachement.
    Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions sur ces recherches ou des sujets connexes. Je ferai de mon mieux sans mes coauteurs à mes côtés. Certains d'entre eux ont plus d'expertise que moi sur certains aspects du rapport.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de parler du travail que nous avons fait dans le cadre de notre rapport Time to Attach.
    Merci, madame McLeod.
    Nous allons commencer la première série de questions avec Mme Falk, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     J'aimerais remercier Mme McLeod d'être ici et de nous faire part de son point de vue, de son témoignage et de son expérience.
    Merci beaucoup, madame Eisner. Vous vous en êtes bien tirée. Je tiens à vous remercier de votre courage, de votre bravoure et de votre volonté de surmonter vos appréhensions. Je pense que c'est très important, surtout dans des endroits comme celui‑ci, qui parfois... Ce n'est pas « parfois ». Cet endroit est très rarement propice à la vulnérabilité, alors je tiens à vous remercier. Vous avez fait un excellent travail et vous vous exprimez très bien. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
     J'aimerais commencer par vous, si cela vous convient, madame Eisner.
    Dans quelle mesure est‑il important pour les enfants et les jeunes adoptés d'établir des liens avec leur nouvelle famille?
    C'est très important. Sans attachement, il est difficile de vraiment établir une relation.
     Il est important que les enfants puissent s'attacher à une figure parentale ou à un aidant permanent, parce qu'ils peuvent alors établir une relation de confiance et renforcer ce lien, et se permettre d'avoir ce système de soutien. Il est également important pour eux de savoir qu'ils peuvent compter sur quelqu'un.
    Diriez-vous, d'après votre expérience, que le fait d'avoir ce lien avec l'aidant permanent, le parent...? Une fois que vous avez établi un attachement sûr et sain, avez-vous constaté que vos autres relations — peut-être avec des amis, des enseignants ou d'autres personnes — étaient plus saines ou qu'il était plus facile d'établir des liens?
    J'ai constaté, d'après mon expérience personnelle, que ce n'est qu'une fois que j'ai enfin réussi à créer un lien sain avec ma famille, qu'il m'est devenu plus facile de faire des amis et d'être honnête et vulnérable avec ces gens. Cela prend beaucoup de temps, mais même dans les relations amoureuses, il faut apprendre des personnes qui nous soutiennent en grandissant. C'est ainsi que nous apprenons. C'est en voyant les autres et en s'apercevant que c'est normal et que c'est ce qu'on est censé ressentir.
    Biologiquement parlant, on dit qu'il est très courant pour les enfants d'admirer leurs parents et de se dire que c'est une relation saine et que c'est ce qu'ils veulent. Leurs parents sont censés être là pour les soutenir et veiller à ce qu'ils obtiennent tout ce dont ils ont besoin et qu'il ne leur manque de rien.
     Si on n'a pas ce genre de relation, il est très difficile d'avancer dans la vie, d'établir des relations de confiance avec les employeurs, de conserver un emploi et de continuer à tisser des relations différentes avec les autres.
(1755)
     Diriez-vous, d'après votre expérience, que l'établissement d'un lien affectif sûr et sain a contribué à un sentiment de connexion et d'appartenance?
    Absolument. Quand j'étais dans le système de placement en famille d'accueil, on me rappelait à tout instant que j'étais l'enfant qui était en foyer d'accueil, la petite qui n'avait pas de famille.
    L'une des premières choses que mes parents ont fait pour m'aider a été de me rassurer sur ce point. J'avais désormais une famille. J'étais en sécurité. C'est très important d'avoir ce sentiment d'appartenance, savoir qu'il y a des gens qui se soucient de nous, qui sont là pour nous et qui vont toujours se battre pour nous, quoi qu'il arrive.
    Merci beaucoup.
    Madame McLeod, j'aimerais m'adresser à vous.
    Dans le cadre de vos recherches, avez-vous déterminé que les enfants adoptés sont confrontés à des difficultés et à des complexités sur le plan de l'attachement?
     Tout à fait.
    Une partie de notre rapport traite des difficultés particulières auxquelles les enfants pris en charge sont confrontés lorsqu'il s'agit de s'attacher à leurs nouveaux parents. Les défis s'accentuent du fait que les liens affectifs précédents ont été perturbés. Ce que je veux dire, c'est que les propos de Mme Eisner sont entièrement relevés dans la documentation sur la difficulté et l'importance d'avoir ce lien avec un aidant.
    Qu'est‑ce qui contribue à ces complexités? Je sais que vous avez parlé de perturbation du lien affectif, de l'attachement, mais y a‑t‑il d'autres facteurs qui pourraient y contribuer?
    Vous voulez dire s'il y a d'autres facteurs qui pourraient contribuer aux difficultés sur le plan de l'attachement?
    Oui, les difficultés liées à l'attachement.
    Il y a la perturbation du lien affectif, mais aussi, comme je l'ai mentionné dans le résumé, les mauvais traitements antérieurement infligés par des gens auxquels on se sentait attaché. C'est l'absence d'une personne susceptible d'encourager ce genre d'attachement sécurisé, comme on l'appelle en psychologie, c'est‑à‑dire la bonne et saine façon de s'attacher à un autre être humain.
     À cause de ce type de mauvais traitement, un enfant qui commence l'adoption, surtout s'il est plus âgé, comme l'un des miens, a peut-être déjà développé un style d'attachement précaire ou malsain. Comme parent, il faut s'efforcer de renverser la vapeur. Ce n'est pas comme si on commençait sans lien affectif ou sans attachement sain, on commence avec un attachement malsain dans bien des cas. Cela fait partie du défi.
    Une chose que nous disons...
    Désolée. Allez‑y, madame Falk.
    Mon temps est écoulé. Encore une fois, je tiens à vous remercier toutes les deux de votre présence, de votre vulnérabilité et de votre témoignage. Merci beaucoup.
    Merci, madame Falk.
    Monsieur Fragiskatos, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui.
    Madame McLeod, il semble que vous ayez manqué de temps pour terminer votre intervention. Voulez-vous continuer?
    Oui. Je voulais mentionner que nous avons souligné dans notre rapport le défi particulier de l'attachement à l'adoption, mais il y a d'autres difficultés dont il faut tenir compte.
    Pour de nombreux enfants adoptés, il y aura une certaine ouverture d'esprit à l'égard des relations familiales, un aspect qu'il s'agira d'aborder avec la famille biologique. Or, il faut en plus essayer de renverser un style d'attachement malsain. L'enfant peut aussi avoir certains handicaps. Beaucoup d'enfants pris en charge sont handicapés.
    En plus du défi de l'attachement, il y a habituellement d'autres difficultés.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais commencer par vous, si vous le permettez.
     En admettant que cette proposition du gouvernement soit adoptée, et je suis certain qu'elle le sera — Mme Falk mérite des félicitations pour avoir aidé à la mettre sur la table pour commencer, de même que de nombreux autres députés à la Chambre —, où le Canada se situerait‑il par rapport, disons, au G7 ou au G20? Faites toutes les comparaisons que vous voudrez ou qui vous semblent raisonnables. Y a‑t‑il d'autres exemples qui vous viennent à l'esprit?
(1800)
     La plupart des pays, même à l'extérieur du G7 ou du G20, offrent des congés égaux. Le Canada est vraiment un cas particulier.
    C'est l'une des choses les plus étonnantes que nos recherches nous ont dévoilées, à savoir à quel point il est rare de ne pas offrir des congés égaux. C'est un aspect que nous soulignons. Nous avons dans le rapport un tableau illustrant ce que nous appelons des pays comparables, comme l'Australie, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suède et le Danemark. Les États-Unis sont exclus, parce qu'ils ont de si mauvais congés, en général. Il ne vaut pas la peine de nous comparer à eux sur cette question.
    Oui, il est assez troublant de voir à quel point nos prestations sont inégales et à quel point celles des autres pays sont égales.
    Merci.
    Je vais lire un résumé du rapport auquel vous et vos collègues avez travaillé. L'étude a révélé que le système de protection de l'enfance est en pleine crise et que trop d'enfants et de jeunes entrent dans le système. On dit aussi qu'il n'y a pas assez d'enfants ou de jeunes placés dans des foyers permanents, sûrs et aimants.
    C'est quelque chose que nous avons entendu lors du témoignage de Mme Murphy plus tôt aujourd'hui.
    Ma question est simple, mais je pense qu'elle est fondamentale. Que peut faire le gouvernement pour régler ce problème et veiller à ce que les enfants soient placés dans des foyers sûrs et aimants? Je crois que c'est une responsabilité qui va au‑delà du gouvernement fédéral. Les provinces auraient certainement un rôle important à jouer à ce chapitre.
    Je sais que c'est une question très générale, mais je ne peux m'empêcher de la poser.
    Je ne suis pas une experte des mesures qui ont été prises, mais il me semble que certaines ont été adoptées en réponse à la crise.
    Par exemple, de nombreux enfants autochtones sont pris en charge au Canada. M. Angus a mentionné des mesures pour éviter que les familles perdent leurs enfants dans notre système actuel, dont des solutions de rechange qui pourraient permettre aux enfants de rester, et la prestation d'une éducation et d'un soutien à leurs parents afin que les familles ne soient pas perturbées au départ. Cela ne fonctionnera évidemment pas dans tous les cas. Il y aura toujours un besoin d'adoption, je pense, et de placer les enfants dans des arrangements permanents.
    Je pourrais parler de ma propre expérience. Nous avons adopté nos enfants à l'étranger après avoir échoué dans le système national. Si j'avais su davantage au sujet de ce système — j'ai appris beaucoup de choses une fois que je me suis intéressée de plus près à la politique dans ce domaine —, je pense que j'aurais été mieux placée et que j'aurais peut-être réussi avec une adoption nationale. C'est en partie parce que les parents potentiels ne reçoivent pas suffisamment d'information. Ils ne bénéficient pas d'un soutien suffisant pour réussir dans ce système.
    Ce ne sont là que quelques suggestions.
    Merci beaucoup.
    Mon collègue, M. Van Bynen, a repris un point soulevé par Mme Murphy au sujet du manque de données.
    Pourriez-vous nous dire rapidement ce que vous en pensez? Je ne vous ai pas donné beaucoup de temps — environ 45 secondes.
    Bien sûr.
    Le problème est énorme. Nous le mentionnons dans le rapport. Pour essayer de donner au gouvernement une estimation de ce qu'il lui en coûtera de fournir ces prestations d'attachement, nous avons cherché à déterminer combien d'enfants ont été placés en foyer d'accueil. Pouvions-nous estimer combien de personnes seraient placées chaque année? C'était extrêmement difficile à faire, parce que nous n'avons pas pu trouver de données exactes sur le nombre d'enfants placés dans des familles dans différentes provinces.
    Il est très difficile de faire quoi que ce soit dans ce domaine sans avoir de bonnes données.
    Merci beaucoup.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'ai 10 secondes.
    Merci beaucoup, madame Eisner, pour votre exposé d'aujourd'hui.
    S'il y a une seule chose que vous voulez que le Comité retienne après avoir examiné le projet de loi et toute cette question, quelle serait-elle?
(1805)
    Je pense que la chose la plus importante à retenir, c'est que les enfants adoptifs sont comme les enfants biologiques. Nous avons nous aussi besoin de ce temps. Je pense qu'il est important que les parents adoptifs aient au moins le même temps que les parents biologiques pour s'occuper de leur enfant et s'attacher à lui.
    Merci beaucoup.
     Merci, monsieur Fragiskatos.

[Français]

     Madame Chabot, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie sincèrement les deux témoins, particulièrement Mme McLeod. Les deux témoignages vont nous être utiles, mais, dans le sien, Mme McLeod a soulevé exactement la question posée par le projet de loi: l'équité entre les parents biologiques et les parents adoptifs.
    Dans mon ancienne vie, avant de me lancer en politique, j'étais syndicaliste. À l'époque, les membres que nous représentions mentionnaient déjà qu'il fallait changer les lois relatives au travail dans le but d'atteindre l'équité. On y pense donc depuis longtemps.
    À votre avis, pourquoi y a-t-il eu des régimes distincts? Que les régimes de l'époque soient distincts, cela peut être expliqué. Depuis combien de temps militez-vous et plaidez-vous pour rétablir l'équité?

[Traduction]

    Je pense que l'équité est de mise et, comme d'autres l'ont dit, l'ajout de ces prestations montre que nous accordons de la valeur à ces familles et que nous sommes déterminés à les traiter de manière égale.
    Pourquoi l'ajout de ces prestations ferait‑il cela? Il reconnaît, comme je l'ai dit dans mon résumé, qu'il y a des besoins uniques associés à l'adoption. L'équité ne consiste pas nécessairement à traiter tout le monde de la même façon. Il s'agit de reconnaître que les groupes peuvent avoir des besoins uniques, et nous devons reconnaître les besoins associés aux familles adoptives, à la parenté et aux soins coutumiers. Je pense que c'est ce que fait ce projet de loi.
    Je crois que la justice fait partie du problème. Le bien-être des enfants est au cœur de la question, mais la justice et la façon dont nous traitons les familles sont très importantes. Nous affirmons dans le rapport...

[Français]

    Pardonnez-moi de vous interrompre.
    Le Québec a formulé la même revendication. Comme vous le savez, au Québec, le Régime québécois d'assurance parentale s'inscrit dans le cadre d'une politique familiale; l'équité a été obtenue il y a deux ans quand la loi a été changée.
    Vous vous adressez à des élus, à des parlementaires. Même si ce projet de loi est devant nous, il y a déjà eu un engagement à corriger la Loi sur l'assurance-emploi afin d'assurer l'équité en prévoyant cette période de 15 semaines. Pour convaincre tout le monde que cette fois-ci est la bonne et que le projet de loi doit assez rapidement aller de l'avant, quels seraient vos arguments principaux en faveur des parents adoptifs?

[Traduction]

    Comme je l'ai mentionné, je pense que si nous nous en tenons à ce que nous avons maintenant, c'est‑à‑dire que les parents adoptifs ont uniquement droit aux prestations parentales, pas aux prestations de maternité supplémentaires ni à des congés plus longs, nous ne reconnaissons pas les défis uniques que pose l'adoption.
    Nous ne valorisons pas et ne comprenons pas vraiment cette façon de former une famille, ce qui en dit long. Avec la normalisation de la procréation assistée pour les gens qui ne peuvent pas avoir d'enfants de la façon traditionnelle, par exemple, on a déjà l'impression que l'adoption se classe au deuxième rang après la reproduction biologique.
     Il est impératif que le gouvernement fasse savoir que ce n'est pas vrai. Je crois que l'égalité pour les familles formées de cette façon est essentielle, et je ne pense pas que nous les respections vraiment de façon égale en leur accordant moins de congés parentaux.
(1810)

[Français]

    Voici ma dernière question, en lien avec un article ou une modification.
    Certains proposent que le congé de 15 semaines débute au moment où les parents accueillent l'enfant ou le jeune. D'autres disent que ces 15 semaines pourraient débuter avant d'accueillir l'enfant ou le jeune, afin de préparer son milieu de vie et son arrivée.
    J'aimerais connaître votre opinion à cet égard. Est-il avantageux que le congé précède l'arrivée de l'enfant qu'on accueille, ou est-il préférable de l'accorder à partir du moment où l'enfant est présent, afin d'augmenter le sentiment d'attachement?

[Traduction]

     Je pense qu'il devrait y avoir plus de souplesse à cet égard. C'est ce que j'ai le plus souligné dans le projet de loi. Cela va à l'encontre de notre rapport, dans lequel nous recommandons plus de souplesse et que les parents devraient pouvoir commencer le congé avant la date prévue d'arrivée de l'enfant pour bien se préparer. Il appartient aux parents de décider combien de temps il leur faut pour le faire.
    Mettre en place les mesures de soutien dont ils auront besoin pour s'occuper de l'enfant... Ils auront — ou devront au moins avoir — une certaine idée de ce que sont ces mesures de soutien.
    Je pense qu'il est essentiel de permettre plus de souplesse à cet égard.
    Monsieur Angus, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    J'ai trois filles. Deux sont dans la trentaine et une dans la vingtaine. Quand c'est une mauvaise journée pour l'une de mes filles, c'est une très mauvaise journée pour ma femme, et c'est une très mauvaise journée pour moi jusqu'à ce que je trouve moyen de me mettre à réparer quelque chose. Je suppose que c'est le pouvoir de l'attachement. Quand mes filles sont nées à la maison, la sage-femme a dit que la mère et le bébé devaient rester dans ce même lit les 10 jours suivants. Il fallait oublier le téléphone et tout le reste. Il n'y avait que l'attachement qui comptait.
    Je n'ai jamais vraiment réfléchi à la façon dont l'attachement se fait avec un enfant ou avec un bébé. Nous parlons ici de quelque chose qui est plus délibéré. D'une certaine façon, c'est quelque chose qu'il s'agit de bâtir.
    Madame Eisner, vous êtes une experte en la matière, et je ne le serai jamais. Que signifie l'attachement pour vous? Ça va dans les deux sens, n'est‑ce pas?
    Comment voyez-vous cela comme quelqu'un qui y est arrivé...? Vous aviez 11 ans à l'époque. Comment expliqueriez-vous cela à un autre jeune qui se retrouverait dans cette situation? Qu'est‑ce que l'attachement et comment pouvons-nous le mener à bien?
    Je pense que la meilleure façon d'expliquer l'attachement à quelqu'un d'autre, surtout à quelqu'un qui se retrouve dans une situation très semblable, c'est de dire qu'il est normal d'avoir de la difficulté au début. Quand on tisse une relation avec quelqu'un de nouveau — dans ma situation, c'était mes parents et mes frères et sœurs —, il est très difficile de s'imaginer quelque chose d'aussi immense et de comprendre qu'on a enfin une famille.
    Il est important de pouvoir simplement avoir le temps d'assimiler la nouvelle situation, et c'est tout un processus. L'attachement consiste en partie à s'apercevoir que quelqu'un veut bien de nous, que ces gens se soucient de nous. Il s'agit de bâtir cette confiance, d'être en mesure de leur rendre la pareille et de cultiver cet amour et cette relation.
    Cela s'applique à toute situation de parenté. Il peut s'agir d'un si bon ami qu'il est considéré comme un membre de la famille. C'est la même chose. Si nos parents nous le présentent comme un proche, nous établirons une relation étroite avec lui. C'est la même idée, mais au lieu d'être simplement considéré comme un membre de la famille, il fera réellement partie de la famille.
    Vous avez appelé votre famille une « vraie famille ». C'est votre vraie famille. C'est bien cela?
    Lorsque vous rencontrez d'autres jeunes, vous défendez leurs intérêts. Que leur dites-vous sur la façon de créer une vraie famille?
    Je pense que la vraie famille, ce sont les personnes que vous choisissez, qui vous tiennent à cœur et qui vous choisissent, vous aiment et vous soutiennent. Ce sont des gens pour qui vous feriez la même chose.
(1815)
    C'est profond parce que je pense que la famille est un choix au bout du compte, même si elle est biologique. Au bout du compte, on choisit de rester ensemble et de veiller les uns sur les autres, ou de ne pas le faire. Certains ne le font pas.
    C'est très utile.
    Madame McLeod, dans le cadre de vos recherches sur les enfants plus âgés qui arrivent dans des situations d'adoption, où il y aura plus de problèmes sur le plan de la confiance, quelles recommandations formulez-vous pour que le lien d'attachement procure la confiance nécessaire, afin qu'ils puissent grandir dans un milieu aimant?
     Merci.
    Nous recommandons, pour les enfants plus âgés qui sont adoptés, que leurs parents aient ce congé supplémentaire. Certains diront peut-être... et il est vrai que dans certains pays, en fait, il y a une limite d'âge où les parents peuvent obtenir un congé supplémentaire ou le même congé que celui accordé à d'autres familles adoptives.
    On présume que pendant que l'enfant est à l'école toute la journée, les parents n'ont pas nécessairement besoin du congé, mais comme nous le disons dans le rapport, il est tout aussi important, que l'enfant ait 15 ou 3 ans, que les parents aient le congé. Les enfants vont à l'école pendant une partie de cette période, mais les parents pourraient choisir de les éduquer à domicile, ce qui, pendant un certain temps, pourrait être une bonne solution pour régler le problème de l'attachement. Même si les enfants vont à l'école, être là pour eux le matin, être là pour eux à midi s'ils peuvent rentrer à la maison pour dîner et être là lorsqu'ils sortent de l'école, tout cela compte pour obtenir le plus de contact possible afin d'encourager cet attachement.
    On ne va pas résoudre tous les problèmes d'attachement dans l'année qui suit le congé, mais comme le dit notre rapport, il est avéré qu'une amélioration importante peut se produire au cours de la première année, et c'est vrai peu importe l'âge de l'enfant. Il est important d'avoir ce congé.
    Mon deuxième fils a été adopté à l'âge de six ans. Je ne pense pas qu'il m'était complètement attaché jusqu'à il y a environ un an. Il a maintenant 13 ans. Il est certain qu'il était essentiel d'avoir du temps avec lui au début pour lancer ce processus et le mener à bien.
    Merci beaucoup.
    Il me reste neuf secondes. Je les utiliserai au prochain tour.
    Merci, monsieur Angus.
    Monsieur Aitchison, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci à vous deux.
     Madame Eisner, merci. Vous êtes incroyablement courageuse d'être ici pour raconter votre histoire. C'est remarquable. Nous sommes émus.
    Je trouve un peu étrange, cependant, que nous parlions de ce projet de loi en particulier. À mesure que j'assimile ce que j'entends et ce que je ressens, je me dis que 15 semaines de congé pour s'attacher me semble une évidence. Honnêtement, je trouve un peu aberrant de devoir en parler ici. Comment est‑il possible que nous en parlions?
    Dans ses propos de tout à l'heure, Mme Murphy disait qu'elle aurait pu « demander la lune », mais qu'elle ne l'a pas fait parce que le temps ne le permettait pas nécessairement.
     Je ne suis pas sûr qu'on vous permettra de reprendre la parole, madame Murphy. Peut-être que le président le permettrait.
    Cependant, je vous demanderais à tous, je suppose, si vous demandiez la lune... Quand j'ai entendu les chiffres, le nombre d'enfants dans le système de protection de l'enfance et le nombre de ceux qui sont adoptés... Vous aviez neuf ans lorsque vous avez été adoptée. Quel âge aviez-vous?
    J'avais 11 ans.
    Vous aviez 11 ans. Je suis désolé, toutes mes excuses.
     Je me demande ce que nous pourrions faire pour augmenter le nombre de personnes qui voudraient adopter un enfant — si on leur permettait de le faire — et qui pourrait fournir ce lien. Je pense à l'impératif moral selon lequel il nous incombe de protéger les enfants comme les Canadiens que nous sommes et comme une des sociétés les plus riches de l'histoire du monde.
    J'y pense dans un contexte économique également, parce que lorsqu'on songe à environ 65 % de personnes délogées après être passées par le système de protection de l'enfance, il y a une corrélation assez directe avec ce manque d'attachement, le manque de connexion, le manque de pouvoir de l'amour et le fait d'être incapable d'aimer.
    C'est pourtant simple. Il suffit de faire le travail, de le faire rapidement. Que me demanderiez-vous si vous pensiez que moi, Scott Aitchison, peut agiter sa baguette magique et tout régler en un tournemain? Donnez-moi des idées, parce que je pense que c'est pour cela que nous devrions vraiment nous battre.
(1820)
    Si vous aviez votre baguette magique avec vous aujourd'hui, je dirais qu'il faut au moins avoir des droits parentaux égaux en matière de congé. Je sais que cela dépend de l'enfant et de la situation. Certains enfants se développent et s'attachent beaucoup plus rapidement que d'autres. Dans mon cas, il m'a fallu quatre ans pour m'attacher pleinement à ma famille et pouvoir tout leur dire, être honnête et comprendre qu'elle n'allait pas me lâcher.
     C'est long, mais je pense qu'il faut au moins avoir le minimum, la même quantité de temps que les familles biologiques. C'est ce que je demanderais.
    Une voix: [Inaudible]
    Mme Cassaundra Eisner: Cela aussi.
     Dites ce que vous alliez dire.
    Je suppose que si on me permet de l'ajouter...
    Poursuivez.
    ... il faudrait carrément réformer le système lui-même.
    Merci.
    Mme McLeod pourrait peut-être ajouter quelque chose.
    Je pense qu'il vaut certainement la peine d'envisager d'étendre le congé aux personnes qui adoptent plus d'un enfant à la fois. Pour les groupes de frères et sœurs, il y a des pays où l'adoption d'un groupe donne droit à plus de congés que l'adoption d'un seul enfant.
    Je pense également qu'il faut veiller à ce qu'il y ait du financement pour les mesures de soutien dont les parents ont besoin après l'adoption. Cela aiderait probablement à encourager plus de gens à adopter et aussi à adopter des enfants qui ont des défis particuliers, peut-être des troubles physiques ou cognitifs. Ce soutien ne doit pas nécessairement prendre la forme d'un congé du travail, mais il s'agit de pouvoir compter sur un soutien pour aider l'enfant en cours de route.
    Comme je l'ai dit, l'adoption peut présenter d'autres difficultés, au‑delà du besoin d'attachement, et certaines peuvent coûter cher. Il importe d'offrir un certain soutien pour cela, des mesures conviviales pour les personnes qui adoptent des enfants, car certaines ont beaucoup de mal à trouver ce soutien.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Collins, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins qui sont ici aujourd'hui.
    Je vais revenir sur certaines des questions qui viennent d'être posées.
    Quand je regarde l'historique des prestations qui ont été versées aux parents, je constate que, en 1971, lorsque je suis né, ma mère aurait reçu 15 semaines de prestations de maternité. Au cours des années 1990 et 2000, nous avons assisté à l'introduction des prestations parentales offertes aux deux parents et à la prolongation des semaines de prestations, et voilà où nous en sommes aujourd'hui.
    Le parcours a été long, si vous regardez l'histoire, pour ce qui est des prestations fournies. Si je m'en tiens à ce que Mme Chabot a dit au sujet des syndicats, tous ces gains ont été obtenus grâce à des gens qui ont exercé des pressions sur le gouvernement — les syndicats, en particulier, par l'entremise des processus de négociation collective — et qui se sont battus pour obtenir des avantages supplémentaires. Il s'agit d'un véritable effort collectif, et Mme Eisner et Mme McLeod en font toutes deux partie aujourd'hui, comme d'autres membres du Comité l'ont reconnu. Ce fut tout un périple et ça a pris son temps.
    Certaines questions que j'aimerais poser à ce sujet concernent l'écart actuel entre la situation du Canada... Mme McLeod a dit que le Canada était un cas particulier. Quel est l'écart actuel en ce qui concerne la norme d'excellence en matière des prestations qui ont été fournies — je crois que vous en avez mentionné deux ou trois dans votre dernière réponse — et où nous en sommes maintenant? On dirait presque qu'il va de soi, comme on l'a dit, que nous allons adopter ce projet de loi et que c'est simplement une question de forme.
    Comment pouvons-nous changer le discours et la loi pour ne pas faire figure d'exception à l'avenir?
(1825)
    Nous pouvons certainement veiller à l'égalité. En fait, si ce projet de loi était adopté ou si ces prestations venaient à faire partie d'un système au Canada, dans certains cas, nous aurions plus de congés que chez d'autres pays que j'ai mentionnés. Certains ne permettent pas une année complète, mais tous ceux que j'ai mentionnés prévoient l'égalité. J'ai parlé de pays où un congé supplémentaire est accordé lorsqu'il s'agit d'adopter un groupe de frères et sœurs. Je pense qu'il vaut certainement la peine d'y réfléchir. En fait, il vaudrait la peine d'envisager des congés plus longs même dans le cas de reproduction biologique où les gens ont plus d'un enfant à la fois — des triplets, par exemple.
    En ce qui concerne la souplesse, certains parlent de congés pour des rendez-vous liés à l'adoption avant le placement de l'enfant. Cela pourrait arriver pas mal plus tôt. Je veux dire, il y a tellement de rendez-vous auxquels nous devons assister — le programme de formation de la FIERTÉ et tout le reste. Habituellement, on peut intégrer cela à l'horaire de travail, mais ce n'est pas tout le monde qui peut le faire. Il y a beaucoup de préparation à faire avant l'adoption. Certains pays veillent à protéger l'emploi et permettent ce genre de souplesse, même avant qu'un jumelage ne soit fait. Il suffit que l'on sache qu'on veut vraiment adopter un enfant pour obtenir le temps dont on a besoin pour le faire. Il faut beaucoup de temps pour être admissible à l'adoption. C'est vrai dans la plupart des pays, alors je pense que...
     Je suis désolé, madame McLeod.
     J'ai remarqué qu'aux États-Unis — et vous avez fait allusion à leur manque d'appui à cet égard —, les Américains qui ont participé à un processus d'adoption et qui ont fait l'objet d'un sondage ont parlé des avantages offerts par leur employeur, et 68 % d'entre eux ont dit que ces avantages étaient très encourageants et un facteur déterminant à l'heure de prendre la décision d'adopter un enfant.
    Je me demande si la concession de cet avantage et de l'équité que Mme Eisner et vous recherchez vont, d'une façon ou d'une autre, faire augmenter nos taux d'adoption ici au Canada.
    Notre sondage le prouve. Nous avons sondé des parents en attente. Ils n'avaient pas nécessairement encore adopté un enfant. Certains ont dit qu'ils auraient préféré adopter un groupe de frères et sœurs ou un enfant ayant des besoins spéciaux s'ils avaient su qu'ils avaient droit à plus de congés.
    Surtout dans les cas où les enfants sont difficiles à placer — il peut être très difficile de placer un groupe de frères et sœurs ou un enfant ayant des déficiences physiques ou cognitives —, notre sondage révèle que certaines personnes auraient envisagé ces adoptions plus sérieusement si elles avaient su qu'elles avaient droit à une année complète de congé.
    En règle générale, je pense que la manière d'encourager plus de gens à adopter un enfant, c'est de transmettre le message que c'est une façon tout aussi valable de former une famille.
    Monsieur le président, je ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'ai une petite question.
    C'est sur les avantages dont bénéficient les parents.
    Nous avons concentré beaucoup de nos questions sur les avantages qui reviennent à l'enfant ou aux enfants adoptés. Un témoin précédent nous a parlé de certains défis que les parents doivent relever dans le cadre de ce processus.
    Je me demande ce que les semaines supplémentaires signifient pour ce qui est de... Lors de notre dernière réunion, un des témoins a parlé de la dépression que vivent certains parents adoptifs dans le cadre de ce processus, une dépression qui ne me serait jamais venu à l'esprit.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les prestations qui seront versées aux parents pendant les semaines supplémentaires dont il est question aujourd'hui?
    Une brève question...
    Dans le rapport, nous utilisons le langage des parents qui établissent des liens affectifs avec leurs enfants et des enfants qui sont attachés à leurs parents — c'est ainsi que les psychologues les appellent — et nous disons que les liens affectifs avec un enfant peuvent certainement s'établir plus facilement s'il est attaché à vous.
    Si l'enfant n'exprime aucun attachement ou s'il fait preuve d'un attachement malsain, cela peut être très difficile et poser des défis supplémentaires. Tous ceux d'entre nous qui sont parents savent que le rôle parental peut être difficile, mais c'est d'autant plus difficile quand l'enfant ne ressent pas cet attachement.
    J'ai vécu une expérience. J'ai adopté et une de mes amies a adopté en même temps. Son enfant avait un style d'attachement très malsain et venait me voir aussi souvent qu'à mon amie chaque fois qu'il avait besoin de quelque chose. Il me voyait comme son parent autant qu'elle. Je ne peux pas imaginer la difficulté qu'elle a trouvée dans ce genre de comportement. C'était triste pour tout le monde, pour lui et pour elle. Il a fini par se remettre et il se débrouille très bien maintenant, mais ça n'a pas été tout seul.
(1830)
    Merci, madame McLeod et monsieur Collins.

[Français]

     Madame Chabot, la parole est à vous pour deux minutes et demie.
    Certains de mes collègues ont posé des questions sur les façons d'améliorer la situation. Selon moi, corriger l'iniquité qui existe dans le régime d'assurance-emploi serait un bon pas, parce qu'on parle quand même de prestations d'attachement de 15 semaines, du lien à l'emploi et du lien d'attachement à l'enfant. Pour un parent, cela compte beaucoup.
    Je veux juste rappeler que le régime d'assurance-emploi, ce n'est pas le pactole, et qu'il est important d'aller de l'avant. Les parents ne s'enrichissent pas avec ces prestations parentales, puisqu'on parle d'un taux de remplacement du revenu pouvant aller jusqu'à 55 % de l'évaluation du prestataire. Malheureusement, si on rencontre des aléas en cours de route, comme une perte d'emploi, la situation peut se détériorer pour ce qui est des prestations.
    Nous allons donc régler ce qui doit être réglé, mais cela devrait s'inscrire dans le cadre d'une réforme globale du régime de l'assurance-emploi, qui est attendue et qui viendrait apporter des mesures de soutien supplémentaires dans ces situations.
    Si j'ai bien compris, il faudrait à tout le moins apporter un amendement pour que la période du congé parental de 15 semaines soit au choix du parent et que ce dernier ait la flexibilité de répartir le nombre de semaines de prestations avant ou après l'arrivée de l'enfant. J'ai bien compris que c'est un amendement souhaitable, que nous pourrions apporter, comme parlementaires.
    Madame McLeod, ai-je bien compris votre intention quand vous parliez de flexibilité?

[Traduction]

     Veuillez répondre brièvement, madame McLeod, si vous le souhaitez.
    J'aimerais ajouter un point soulevé plus tôt par Cathy Murphy. Je suis tout à fait d'accord pour dire que les aidants, qu'ils soient naturels ou habituels, devraient avoir droit aux prestations d'attachement.
    Merci, madame McLeod.
    Nous allons maintenant conclure avec M. Angus, pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai pas mal d'expérience sur le front autochtone. C'est souvent une histoire sombre, mais nous avons vu des jeunes gens extraordinaires. Je vis dans une petite ville de la classe ouvrière, alors nous finissons par connaître la plupart des enfants.
    L'une de mes préoccupations, que j'ai toujours ressentie, c'est que, pour les enfants qui étaient en famille d'accueil, c'était un peu comme porter une étiquette implicite. Lorsqu'ils avaient besoin d'aide supplémentaire à l'école ou s'ils avaient des démêlés avec la police, on leur rappelait invariablement qu'ils étaient ce qu'ils étaient et qu'il n'y avait rien à faire. Ils n'avaient pas l'amour dont ils avaient besoin.
     J'ai connu certains de ces jeunes et je les ai vus grandir. J'ai fait partie d'un groupe de jeunes avec certains d'entre eux. Certains sont extraordinaires. Cependant, il faut que quelqu'un les appuie.
    Madame Eisner, si vous n'y voyez pas d'inconvénient... Je ne veux pas être indiscret, mais vous parlez à beaucoup de jeunes.
    Pour les enfants plus âgés dans le système, à quel point est‑il important de savoir que, lorsque quelque chose se produit à l'école ou ailleurs, quelqu'un est là, qu'un adulte sera là pour les soutenir, leur dire qu'ils sont aimés, de ne pas s'en faire, que ce n'est qu'une journée de plus à l'école et qu'ils vont s'en tirer à merveille.
     C'est le soutien supplémentaire qu'il faut. Je ne dis pas que les parents nourriciers ne l'offrent pas, mais c'est l'impression générale que me donnent les enfants que j'ai connus en grandissant.
(1835)
    D'après mon expérience personnelle et les histoires que j'ai entendues d'autres personnes, je suis d'accord avec vous à 150 %. Il est tellement évident que, lorsqu'il y a un problème, l'enfant pris en charge est toujours le premier à être montré du doigt ou à servir d'excuse. Ce ne devrait être ni l'un ni l'autre.
    Il est très important de pouvoir compter sur quelqu'un. J'ai vu des enfants qui sont maintenant plus âgés que moi quitter le système de familles d'accueil au Nouveau-Brunswick, et c'est déchirant de voir qu'ils n'ont personne. Il en résulte qu'ils sont en colère contre le monde. Ils sont en colère contre le gouvernement. Ils n'ont personne pour les appuyer. Les seuls amis qu'ils pourraient avoir sont les membres de leur famille sélectionnée.
     Les cas varient énormément, bien sûr, mais en l'absence d'une personne que l'on admire et sur laquelle on peut compter, la vie devient d'autant plus difficile.
    Je voulais ajouter...
     Allez‑y.
    Nous en avons parlé plus tôt, mais je voulais ajouter quelque chose parce que vous avez fait un commentaire à ce sujet. Il s'agit des enfants ayant des troubles d'apprentissage dans le système de placement en famille d'accueil. J'ai reçu un diagnostic erroné de trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité, TDAH, à l'âge de 10 ans, et j'ai dû prendre des médicaments. Je n'ai pas subi de test de dépistage d'un trouble d'apprentissage avant de me retrouver en 10e année. C'est à ce moment‑là qu'on s'est aperçu que je n'avais aucun trouble d'apprentissage. C'est simplement que j'avais besoin d'un peu plus de temps parce que les tests me causaient de l'anxiété, ce qui est très normal pour beaucoup de gens. Ça arrive régulièrement.
    Il est très important de pouvoir effectuer ces tests avant de faire ce genre de suppositions, mais le gouvernement ne les couvre pas. Je suis persuadée que c'est la raison pour laquelle on ne soumet pas les enfants à des tests lorsqu'ils sont pris en charge. On se contente de leur donner des médicaments. Est‑ce que ça sert à quelque chose? Je ne le crois pas.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Angus.
    Madame Eisner, vous m'avez dit que vous étiez très nerveuse au début et que vous n'étiez pas certaine de pouvoir faire votre exposé. Je tiens à vous féliciter pour l'aplomb et la clarté dont vous faites preuve.
    Des députés: Bravo!
    Le président: Vous êtes certainement un modèle pour beaucoup de gens. Je vous remercie d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui et d'avoir parlé de votre expérience de manière si personnelle et ouverte devant le Comité.
    Merci, madame McLeod.
    Sur ce, chers collègues, la séance est levée.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU