Bienvenue à la 88e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité reprend son étude de l'incidence des technologies de l'intelligence artificielle sur la main-d'œuvre au Canada.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément au Règlement, avec des présences sur place en personne et d'autres à distance au moyen de l'application Zoom.
Pour le bénéfice de tout le monde, je vous demanderais, avant de prendre la parole, d'attendre que je vous nomme. Ceux qui participent à distance, servez-vous de l'icône « Lever la main » pour attirer mon attention. Ceux qui sont dans la salle, levez simplement la main.
Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Si le service d'interprétation est interrompu, veuillez me le signaler. Nous suspendrons la séance le temps qu'il soit rétabli. Ceux qui participent à distance, cliquez sur le symbole du globe au bas de votre écran pour obtenir le service d'interprétation. Ceux qui sont dans la salle, vous n'avez qu'à vous servir de l'écouteur.
Je rappelle aussi aux personnes dans la salle de tenir leur écouteur loin de leur microphone pour éviter les retours de son, qui peuvent endommager l'ouïe des interprètes.
Tous nos témoins comparaissent virtuellement aujourd'hui. Nous accueillons M. James Bessen, professeur, Initiative de recherche sur la technologie...
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Merci beaucoup de m'offrir l'occasion de vous faire part de mes réflexions.
L'intelligence artificielle générative, ou pour faire court, l'IA générative, suscite de nouvelles inquiétudes pour la stabilité d'emploi, l'éducation et l'avenir du travail, parce qu'elle est capable de faire des choses qui étaient inimaginables voilà 10 ans à peine. En économie du travail, la convention classique est que la technologie n'automatise pas des professions entières, mais plutôt des tâches précises dans un emploi.
Le problème, c'est que les activités en milieu de travail et les applications de l'IA varient dans l'ensemble de l'économie. Il faut donc simplifier l'heuristique pour arriver à prédire l'automatisation et la stabilité d'emploi. On suppose que les tâches mentales, les tâches de création et celles des cols blancs en général sont à l'abri de l'automatisation, par exemple, parce que la créativité est difficile à évaluer objectivement et que le processus créatif est difficile à décrire de façon algorithmique.
Pourtant, l'IA générative, avec notamment les grands modèles de langage comme ChatGPT et les générateurs d'images comme Midjourney, fait un travail de création lorsqu'elle écrit une dissertation, un poème ou un code de programmation informatique, ou lorsqu'elle crée une image nouvelle à partir d'une simple invite. Autrement dit, l'intelligence artificielle d'aujourd'hui pulvérise la convention classique qui servait jusqu'ici à éclairer les politiques et les recherches en économie.
Par exemple, contrairement aux études antérieures sur l'automatisation, un rapport récent d'OpenAI et de l'Université de la Pennsylvanie a révélé que les professions aux États-Unis qui sont le plus exposées aux grands modèles de langage sont celles qui exigent le plus d'études et qui commandent les salaires les plus élevés. Pour s'écarter d'une méthode heuristique de prédiction de l'automatisation, il faudra de nouvelles données mesurant les effets plus directs de l'IA générative.
Cependant, tout comme les technologies antérieures, l'IA générative effectue des tâches précises en milieu de travail, ce qui veut dire que son incidence la plus directe sur les professions est une transition des compétences et des tâches des travailleurs vers d'autres appelées à compléter l'IA. Si les travailleurs n'arrivent pas à s'adapter, il peut se produire des cessations d'emploi, soit que le travailleur part de son propre chef ou qu'il est congédié par son employeur. Les travailleurs en chômage se mettent en quête d'un nouvel emploi, mais s'ils ont du mal à en trouver un, ils peuvent recevoir des prestations d'assurance-emploi pendant qu'ils poursuivent leur recherche.
Voilà donc une cascade d'effets qui décrit les conséquences les plus et les moins directes de l'IA, si bien qu'avec des données qui présentent un meilleur portrait des compétences nouvelles exigées, des cessations d'emploi par région, par secteur d'activité ou par profession, et même des données sur les risques de chômage par profession dans l'ensemble de l'économie, il sera plus facile de prédire l'incidence de l'IA sur les travailleurs.
Il y a des sources de données émergentes, dont les offres d'emploi, les CV des travailleurs et les données des bureaux d'assurance-chômage, qui apportent un nouvel éclairage à ces aspects‑là dans le marché du travail, mais qui échappent souvent aux statistiques habituelles de l'État sur le travail.
Enfin, comme les changements de compétences sont la conséquence la plus directe de l'avènement de l'IA générative, la prudence dicte de mettre l'accent sur les mécanismes d'acquisition de compétences. Si l'IA générative touchera surtout les emplois de cols blancs, nous devrions alors nous concentrer sur les compétences enseignées au niveau collégial, parce que c'est là normalement que les étudiants s'orientent vers des emplois de cols blancs.
Bien que les statistiques sur la main-d'œuvre abondent, il est plus difficile de poser un regard sur les compétences collégiales. Si elles sont quantifiées, alors, tout comme nous étudions l'IA générative dans la population active, nous pouvons également évaluer les collèges, les étudiants et les principaux domaines d'études les plus exposés à l'intelligence artificielle. Nous ne devrions pas hésiter à mesurer l'exposition à l'IA générative dans l'éducation. D'après des études de cas récentes, les applications de l'IA générative ne surpassent pas les experts ni n'améliorent sensiblement leur rendement, mais elles font une grande différence en haussant le rendement des non-experts jusqu'à un degré plus comparable à celui des experts dans ces applications.
Si cette observation vaut pour tous les contextes, alors l'intégration de l'IA générative dans les cursus d'apprentissage pourrait améliorer les objectifs d'apprentissage, en particulier pour les étudiants au rendement inférieur, et par conséquent renforcer les programmes d'éducation.
En résumé, l'IA générative est nouvelle et stimulante et elle aura une incidence inédite sur la population active par rapport aux technologies précédentes. En fait, elle pulvérise la convention classique sur laquelle on s'est appuyé jusqu'ici pour prédire l'automatisation par intelligence artificielle, parce qu'elle fait le travail de professions que l'on croyait auparavant immunisées contre l'automatisation.
À l'avenir, il faudrait de préférence mettre l'accent sur les données et les connaissances qui donnent une idée de ce que l'IA peut faire concrètement du point de vue des compétences et des tâches en milieu de travail, et des sources de ces compétences dans la population active.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup de m'offrir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis professeur agrégé en politique des technologies de l'information et de la communication à l'Université Concordia. Mes recherches portent sur l'intersection des algorithmes et de l'intelligence artificielle en ce qui concerne la politique technologique. Je vous soumets mes observations aujourd'hui à titre de professionnel, et mes opinions n'engagent que moi.
Je m'adresse à vous depuis le territoire autochtone non cédé de Tiohtià:ke, ou Montréal. La nation des Kanienkehaka est reconnue comme la gardienne des terres et des eaux d'où je vous parle aujourd'hui.
J'aimerais tout d'abord situer cette étude dans le programme législatif plus général, puis formuler quelques observations précises sur les liens entre les modèles fondamentaux élaborés à partir de données publiques ou d'autres grands ensembles de données, et sur la concentration croissante dans le secteur de l'intelligence artificielle.
Au Canada, des changements majeurs sont apportés au droit fédéral relatif à la protection des données et de la vie privée par le projet de loi qui accorde des exemptions plus importantes pour qui veut recueillir des données à des fins commerciales légitimes. Ces exemptions permettent un recours accru à l'apprentissage automatique et à d'autres catégories de technologies de l'IA qui dépendent des données, ce qui exerce une pression énorme sur une modification tardive, la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, afin d'atténuer les applications à risque élevé et les préjudices plausibles. Le travail, l'automatisation, la protection des renseignements personnels et les droits relatifs aux données des travailleurs devraient peser lourd dans ce projet de loi, comme on l'a vu dans le décret sur l'IA aux États-Unis. J'encourage le Comité à étudier les effets du projet de loi C‑27 sur la vie privée en milieu de travail et les conséquences d'une plus grande permissivité à l'égard des données.
Pour ce qui est de la relation entre le travail et l'intelligence artificielle, j'aimerais faire trois grandes observations fondées sur mon étude de la littérature publiée à ce sujet, et formuler quelques recommandations. Premièrement, l'IA aura des effets sur la population active, répartis de façon inégale. Deuxièmement, ces effets ne concernent pas seulement l'automatisation, mais aussi la qualité du travail. Troisièmement, dans l'état actuel des choses en intelligence artificielle, le pouvoir se concentre dans une poignée d'entreprises de technologie.
J'ai grandi à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, à l'ombre des chaînes d'approvisionnement mondiales et d'une main-d'œuvre en mutation. Mes amis travaillaient tous dans des centres d'appels. Maintenant, ces emplois seront confiés à des robots conversationnels, des chatbots, ou du moins assistés par l'IA générative. Mes propres recherches montrent qu'un thème récurrent du débat sur l'IA dans les services de télécommunications est l'automatisation du contact avec la clientèle.
Je commence par les centres d'appels parce que, comme nous le savons grâce aux travaux d'Enda Brophy, les emplois y sont féminins, précaires et mobiles. Cet exemple nous rappelle une chose importante: les effets de l'IA peuvent marginaliser davantage les travailleurs visés par l'automatisation.
Les effets de l'IA semblent déjà toucher les travailleurs en sous-traitance précaire, selon un rapport du site Rest of World. Il est essentiel de comprendre les effets intersectionnels de l'IA pour comprendre son incidence sur la main-d'œuvre. Nous commençons à peine à voir comment le Canada s'adaptera à ces changements planétaires et comment il pourrait exporter ses emplois plus précaires à l'étranger et trouver de nouvelles sources de croissance de l'emploi à travers ses régions et ses secteurs.
Enfin, les travailleurs sont de plus en plus soumis à la gestion par algorithme. Si on ajoute à cela le virage de plus en plus marqué vers la surveillance des lieux de travail, comme l'a étudié Adam Molnar, il devient urgent de protéger les travailleurs contre une collecte abusive de données qui pourrait réduire leur autonomie au travail ou même servir à former des travailleurs moins qualifiés ou des remplaçants automatisés. Selon l'OCDE, les travailleurs soumis à la gestion par algorithme sont plus nombreux à signaler un sentiment de perte d'autonomie.
Toutes les promesses de l'IA reposent sur la capacité de travailler plus efficacement, mais qui profite de cette efficacité? Des études de l'OCDE révèlent que l'IA peut aussi pousser la cadence et l'intensité du travail. Les conséquences semblent évidentes et sont bien étayées par les études antérieures sur des appareils comme le BlackBerry, qui a bousculé les attentes au travail et favorisé une pression à la disponibilité constante chez les travailleurs. D'autres recherches suggèrent que l'IA présente les plus grands avantages pour les nouveaux employés. On présume que cela permet aux travailleurs de contribuer plus rapidement à l'entreprise, mais le risque est plutôt que l'IA contribue à dévaluer ou à disqualifier des travailleurs. D'où la nécessité de considérer les effets de l'IA non seulement sur les emplois, mais aussi sur la qualité du travail lui-même.
L'avènement de l'IA générative marque un changement dans la façon dont les suites bureautiques comme Microsoft Office, Google Docs et Adobe Creative Cloud fonctionnent en milieu de travail. Mon dernier commentaire porte moins sur la configuration particulière de l'IA maintenant, mais plutôt sur la dépendance croissante à l'égard de quelques plateformes technologiques qui sont devenues un passage obligé de la productivité au travail et qui intègrent rapidement les fonctions de l'IA générative. L'intelligence artificielle pourrait fixer pour de bon l'emprise de marché de ces entreprises, car leur accès aux données et à l'infonuagique pourrait rendre difficile de les concurrencer, et difficile pour les travailleurs de s'affranchir de leurs produits et services. Les exemples du passé nous enseignent que la technologie de la communication favorise les monopoles sans normes ouvertes ni efforts de décentralisation du pouvoir.
Je me ferai un plaisir de discuter des recours et des solutions pendant la période des questions, mais j'encourage le Comité à faire un certain nombre de choses.
Premièrement, il faut examiner comment nous pouvons mieux protéger les travailleurs et leurs droits, mieux protéger les données et contrer la surveillance abusive en milieu de travail, surtout pour veiller à ce que les travailleurs n'apprennent pas eux-mêmes à se retirer de leur emploi.
Deuxièmement, envisager l'arbitrage et un soutien accru du pouvoir de négociation, surtout pour les contrats entre des entrepreneurs indépendants et de grandes entreprises de technologie.
Troisièmement, veiller à ce que les avantages de l'efficacité soient répartis équitablement, en envisageant par exemple la semaine de travail de quatre jours, en augmentant le salaire minimum et en garantissant le droit à la déconnexion.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui. C'est passionnant d'entendre des experts sur ce sujet très intéressant. Merci de nous consacrer de votre temps.
Je vais peut-être commencer par M. Frank.
Vous avez laissé entendre que l'IA générative pourrait toucher davantage les cols blancs que ceux que nous appelons habituellement les cols bleus, et je présume que l'automatisation toucherait moins les cols blancs que l'IA.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de ces deux technologies? Je sais que notre étude porte sur l'intelligence artificielle, mais je pense que c'est important, parce que la question qui vient ensuite est la suivante: quelle incidence l'intégration ou l'intersection de ces deux technologies aura‑t‑elle sur les deux secteurs de la population active?
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Merci beaucoup de votre réponse.
Monsieur McKelvey, j'ai une brève question pour vous. Vous avez parlé de la protection des droits des travailleurs ou simplement de la protection des travailleurs en général face à l'intelligence artificielle qui s'intègre de plus en plus dans le milieu où ils travaillent.
Comment pouvons-nous, les législateurs, élaborer des politiques, des règlements et des lois capables de suivre la cadence de changements aussi rapides? Même dans votre domaine et avec votre compétence, vous ne pourriez sans doute pas prédire avec exactitude ce qui va arriver même l'année prochaine.
Comment pouvons-nous prendre les devants et être certains que les politiques, les lois et les règlements que nous mettons en place conviendront aux situations de demain? Avez-vous des réflexions à ce sujet en ce qui concerne les droits des travailleurs?
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Monsieur, je vous assure que je ne peux prédire l'avenir ni prévoir quand s'éteindra la lumière dans mon bureau.
Je peux cependant vous dire qu'il y a des tendances à long terme. Il est important de souligner que l'intelligence artificielle générative arrive dans un contexte politique assez solide, à en juger par les discussions et les préoccupations de plus en plus présentes au sein du gouvernement concernant l'influence exercée par les grandes entreprises de technologie.
Deux choses me viennent surtout à l'esprit. La première, c'est l'approche que certains gouvernements étrangers ont cherché à adopter pour ce qui est de l'arbitrage et pour reconnaître et soutenir notre pouvoir de négociation collective lorsqu'il existe une telle asymétrie entre une grande plateforme et une personne qui travaille sur cette plateforme. J'ajoute que de nombreux secteurs de la création en ligne sont au cœur du débat sur les répercussions des algorithmes, en particulier sur la création de contenu.
Je pense qu'il faut essayer de déterminer comment intervenir pour atténuer les asymétries des forces de négociation à certains endroits. Deuxièmement, il faut aussi se pencher sur les contrats et le droit contractuel, parce qu'à bien des égards, nous avons affaire à des ententes de service conclues avec de grandes institutions et des fournisseurs de services infonuagiques. Là aussi, il doit y avoir des symétries en place. Je pense que ce sont là les deux principaux points à prendre en compte.
Enfin, il faut porter attention aux changements qui se produisent en matière de surveillance dans les lieux de travail. C'est une tendance de longue date. Il est certain que le virage vers la gestion algorithmique et les programmes de surveillance des employés sont là pour de bon. Il y aurait lieu, à mon avis, d'y consacrer une attention soutenue.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
J'étais heureuse qu'un important forum sur l'encadrement de l'intelligence artificielle, auquel ont participé plusieurs acteurs, ait lieu au Québec la semaine dernière. Même s'il y a un manque de données, on commence à voir des études d'impact intéressantes. Je tenais à le souligner.
Ma première question s'adresse à vous, monsieur McKelvey.
Dans votre allocution, vous avez parlé du projet de loi . Je précise que ce n'est pas notre comité qui étudie ce projet de loi. En effet, il est étudié par un autre comité. Un de mes collègues m'a dit que, dans l'étude dudit projet de loi, on était seulement rendu à la protection des données. On n'est donc pas encore au cœur du défi que représente l'intelligence artificielle.
Vous nous avez sensibilisés à l'idée que le Comité des ressources humaines, du développement des compétences et de la condition des personnes handicapées puisse étudier les effets du projet de loi C‑27. À votre avis, devrait-on faire cela simultanément plutôt que l'un après l'autre? Pouvez-vous nous en dire plus à cet égard?
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Je tiens d'abord à préciser que l'intelligence artificielle est une notion complexe.
J'apprécie le travail de M. Frank qui établit une distinction entre l'IA générative, dont il est question ici, et l'IA dans son sens plus général. Il y a certes un vaste débat en cours autour de l'incidence de l'IA mais je pense qu'en ce moment même, nous parlons de l'intelligence artificielle générative.
Les deux choses auxquelles je pense, c'est d'abord le fait que la position du Canada, du moins dans le paysage de l'IA générative, est différente de sa position dans l'écosystème de l'IA en général. Nous constatons que de grandes sociétés américaines ont commencé à lancer quelques-uns de leurs produits phares — par exemple ChatGPT et d'autres — qui ne font pas nécessairement partie de l'écosystème canadien, selon moi. Cela soulève une première question, à savoir quelle est notre marge d'autonomie en milieu de travail, quels outils nous pouvons utiliser et dans quelle mesure nous emboîtons le pas. Je pense que c'est un virage important.
Le deuxième point, c'est que mon domaine d'étude porte surtout sur les systèmes médiatiques. Mon expérience la plus pertinente pour comprendre les effets de l'intelligence artificielle consiste à observer les créateurs en ligne et la réglementation relative aux plateformes. Je dirais qu'une grande partie des répercussions de l'intelligence artificielle sont liées à la génération automatisée d'annonces publicitaires.
Facebook lance de nouvelles fonctions pour générer automatiquement des publicités au moyen de l'IA. Une grande partie du contenu est de la création de haut niveau, et je pense que c'est dans ce flux quotidien de production d'information que cet impact va surtout se produire. Je pense notamment que nos systèmes d'information sont maintenant prêts à absorber un gros volume de contenu de faible qualité. Cela a soulevé un vent d'inquiétude et l'un des impacts que nous observons actuellement dans le domaine journalistique, c'est l'attention que portent les travailleurs à la génération d'articles pour décoder l'algorithme.
Ma première préoccupation, c'est que cela risque de conduire à une dévaluation du travail actuel, parce qu'il sera possible de le faire plus vite et plus efficacement. Mon deuxième commentaire — qui découle de ma lecture des documents de l'OCDE —, c'est le risque potentiel de déqualification des tâches, en ce sens qu'en automatisant certaines tâches, cela facilite l'exécution d'autres types de tâches. Je pense que cette approche concerne surtout l'IA générative et s'applique de manière directive. Elle est intégrée à des progiciels de productivité et déployée dans l'espoir que les gens apprendront à l'utiliser.
Il est important de souligner que la société OpenAI, qui a lancé ChatGPT, a délibérément tenté de pirater et de perturber le milieu de travail. Cette démonstration publique du fonctionnement de ChatGPT prouve bien qu'il s'agit d'une stratégie d'affaires sur laquelle nous devons nous pencher.
Merci également à nos témoins.
Ma première question est pour M. McKelvey.
En tant que législateurs, nous en sommes clairement au tout début de notre étude et je suis certaine qu'elle évoluera au fil du temps. Pour l'instant, je veux mettre l'accent sur les failles manifestes au sujet desquelles nous devons légiférer. Vous en avez souligné trois et je vous en remercie.
Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire par la distribution équitable des gains en efficience. Avec l'éclairage intersectionnel que vous avez apporté à cette discussion, qui tient compte du genre... Il pourrait y avoir d'autres facteurs identitaires, bien entendu. Comme notre comité se penche sur l'inclusion des personnes handicapées, je suis très curieuse de savoir comment l'IA pourrait profiter ou nuire aux personnes handicapées et faciliter leur intégration au marché du travail.
Dans cette optique, pouvez-vous nous expliquer comment les travailleurs seront protégés et pourront profiter de cette évolution évidente?
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Je tiens à souligner qu'il existe des possibilités. Ce qui est important au sujet de l'IA générative, c'est de réfléchir à la façon dont ces possibilités changent les obstacles à l'accès au travail, en particulier lorsqu'il s'agit de se faire passer pour un locuteur de langue maternelle anglaise, par exemple.
Si nous voulons nous adapter et tenter de comprendre les multiples couches, nous devons d'abord essayer d'identifier l'un des avantages potentiels, tout en tenant compte de certains indicateurs que nous utilisons pour les compétences au travail, comme l'aptitude à rédiger en anglais. Cela pourrait aider une personne dont l'anglais n'est pas la langue maternelle d'acquérir cette compétence. Cela va jusqu'à l'aptitude en grammaire.
Nous essayons de trouver des moyens de répondre aux différents... Deux choses se profilent à l'horizon selon moi. La première est le changement qui se produira au sein de la main-d'œuvre précaire, c'est‑à‑dire chez les personnes qui travaillent à contrat, par quarts ou à la demande. L'intelligence artificielle ne changera pas leur situation, mais je pense qu'elle met en évidence l'importance d'étudier les changements au sein du marché du travail et l'utilisation accrue des plateformes, comme nous le constatons avec Uber.
Je pense que c'est vraiment là qu'il risque d'y avoir des répercussions. Est‑ce que l'IA jouera un rôle dans ce que nous appelons la « gestion algorithmique » de ces plateformes? Nous parlons de gens qui se tournent souvent vers des emplois de dernier recours ou des emplois... Dans un sens, c'est là un bon moyen de protéger les travailleurs qui font ce genre de petits boulots.
Deuxièmement, il faut essayer de voir, de manière générale, dans quelle mesure nous avons recours à ce type d'arrangement tacite avec quelques grandes entreprises de technologie qui fournissent une infrastructure essentielle et dans quelle mesure elles comprennent l'impact que leurs pratiques de collecte de données, qui sont peut-être déjà en place, produit sur la main-d'œuvre.
Ce sont les meilleures hypothèses que je peux avancer. Dans ce vaste débat, nous devons surtout chercher à comprendre si la force motrice de ce genre de productivité sera simplement...? Dans quels domaines cette technologie sera‑t‑elle adoptée et quels en seront les moteurs? D'après ce que je constate, l'IA générative encourage l'automatisation dans des secteurs qui semblent déjà automatisables, comme la création de contenu. C'est une manière de dire que les emplois qui ont déjà été déqualifiés ou marginalisés seront davantage touchés par ce virage vers l'IA générative.
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Merci beaucoup de m'en donner le temps.
Je voulais simplement dire que ce qui est intéressant, du moins au sujet de la grève des scénaristes, c'est que les négociations portaient sur l'accès aux données et les mesures à prendre pour aider les travailleurs à comprendre quelle était leur place au sein de l'organisation. Cela me semble un élément important.
Il y a aussi une inquiétude en ce qui concerne les modèles de franchise et la création du prochain film Marvel, ou encore concernant un genre de production culturelle axée sur la répétition du même type de contenu. Les travailleurs craignaient donc que leurs scénarios ou leur contenu soient utilisés pour former des modèles qui, au bout du compte, affaibliraient ou remplaceraient leur pouvoir de négociation. Il est important de situer cela dans son contexte et de dire si la génération automatisée de contenu apporte un avantage ou accroît la valeur perçue.
Le troisième élément, c'est ce que les acteurs sont en train de négocier, et il semble y avoir une nette divergence à cet égard. Est‑ce qu'ils détiennent un droit sur leur visage et est‑ce que les studios détiennent le droit pérenne de modifier leur image? Ce débat démontre clairement que les travailleurs doivent avoir des droits sur les données et des droits sur leurs renseignements personnels. La guilde des acteurs et la guilde des scénaristes n'ont ménagé aucun effort pour démontrer que c'est là une préoccupation généralisée, et pas seulement Hollywood.
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Je réfléchissais justement à cela. Dans les premiers jours de l'émergence des entreprises point-com, nous ne pensions pas que leur essor ou leur influence serait aussi important. Si nous avons tiré des enseignements de cela, et je pense que nous pouvons... En fait, je suis venu ici pour tenter de vous faire comprendre que ces technologies ont été déployées d'une manière plus réfléchie.
L'arrivée d'Internet a fait surgir cette idée de la connectivité et donné l'impression que cette technologie allait combler les fossés numériques. Certaines de ces préoccupations liées à la protection de la vie privée ont donc disparu.
En revanche, ces préoccupations ont pris beaucoup plus d'importance aujourd'hui, en raison notamment de la technologie mobile et de la capacité des téléphones mobiles à jouer un rôle assez sophistiqué dans le réseau de détection et de surveillance des publicités. J'espère que nous avons tiré des leçons de nos débats et des défis que pose la gouvernance des plateformes. Prenons l'exemple de l'initiative de détection du piratage lancée par OpenAI. C'est un genre de stratégie que les entreprises adoptent de plus en plus. J'espère que nous sommes plus efficaces et plus rapides que par le passé pour sonner l'alarme au sujet de la protection de la vie privée et des données personnelles des utilisateurs.
Je dois donner au BlackBerry le mérite qui lui revient. C'était un outil fantastique. Maintenant, je dois sans cesse relever mes courriels parce que j'ai été formé pour le faire. D'une certaine façon, je regrette de ne pas y avoir pensé avant.
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J'aurais bien aimé que mon temps de parole soit de cinq minutes, monsieur le président.
Ma prochaine question est courte et s'adresse à M. McKelvey.
Dans votre allocution d'ouverture, vous avez donné l'exemple des centres d'appels. Personnellement, je suis en contact avec de nombreux syndicats, et je dois dire que, en matière des télécommunications, c'est assez effarant. Il y a des réalités actuelles que je ne connaissais pas. On n'a qu'à penser à Bell, à Vidéotron ou à Telus; il y a une délocalisation, partout dans le monde, des centres d'appel. Cela pose un problème d'iniquité sur le plan des rapports et des conditions de travail.
Quelles difficultés l'intelligence artificielle générative va-t-elle ajouter à tout cela?
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C'est une excellente question.
On n'a pas effectué le même volume de recherches sur les mécanismes par lesquels les travailleurs acquièrent des compétences que sur l'IA et ses répercussions sur les compétences de la main-d'œuvre. La scolarité est certainement l'un des principaux mécanismes qui permettent aux gens d'acquérir des compétences avant d'entrer sur le marché du travail, mais je pense que l'intelligence artificielle est un outil qui aidera vraiment à la formation des élèves.
Je vais vous donner un exemple simple. Je suis professeur. À l'heure actuelle, je dois répondre à chaque courriel de chaque étudiant qui a des questions qui nécessitent des précisions de ma part. Vous pouvez imaginer que si un outil d'intelligence artificielle regroupant certaines des précisions que mon assistant à l'enseignement ou moi-même fournissons pouvait être mis à la disposition des étudiants instantanément, en temps réel, à n'importe quelle heure de la journée, cela pourrait les aider à comprendre. Si des questions subsistaient, ils pourraient me les soumettre ou les transmettre à mon assistant à l'enseignement.
L'autre chose que nous constatons, du moins dans les quelques études que j'ai vues qui sont en fait des essais contrôlés aléatoires, certains travailleurs ayant accès à l'IA générative et d'autres pas, c'est que l'effet le plus important de l'IA générative est d'amener le rendement des non-experts au niveau de celui des experts. Si cette observation s'appliquait dans divers cas, cela pourrait signifier que les élèves sous-performants pourraient atteindre le niveau des élèves très performants en ayant accès à ces outils. Cela pourrait être à l'origine d'une vaste dynamique ou d'excellents résultats, grâce auxquels tout le monde pourrait aspirer au même niveau d'excellence dans l'enseignement supérieur.
Je vais poursuivre dans la même veine avec M. Frank. Nous parlons depuis des décennies de la propriété intellectuelle et du fait qu'elle appartient à l'entreprise et pas nécessairement au travailleur. Elle est la propriété de la compagnie. On discute maintenant de la propriété cognitive. Une bonne partie des données qui sont déjà recueillies par les grandes organisations proviennent des idées, de la scolarité, des pensées et des opinions de personnes, et elles sont maintenant monétisées par quelqu'un d'autre.
Je m'intéresse beaucoup à la façon dont nous protégeons la propriété cognitive des travailleurs, surtout maintenant, dans les situations où nous commençons à intégrer une grande partie de cette propriété cognitive dans des outils d'intelligence artificielle. Monsieur Frank, avez-vous une idée de la façon dont nous pouvons protéger les travailleurs en ce qui concerne leurs opinions, leur scolarité, leurs compétences, leurs connaissances et leurs talents?
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D'accord. Je comprends mieux.
Je dirais que ce n'est pas nouveau pour l'IA, cette dynamique où les idées, les pensées et les perspectives des travailleurs sont transformées en IA. Cela s'apparente d'ailleurs aux perspectives des programmeurs qui construisent des sites Web de médias sociaux qui sont codées dans la programmation et intégrées dans le code derrière le site Web.
Je dirais que ce sujet n'est pas nécessairement nouveau. Je pense que le fait d'avoir des travailleurs qui réfléchissent à ces questions — par exemple, la représentation et la façon dont nous tenons compte des différents points de vue — et d'intégrer les idées de ces gens dans le volet ingénierie de ces outils est vraiment efficace pour cette raison exactement.
Une autre idée qui me vient à l'esprit est que les outils d'IA générative qui font beaucoup de vagues à l'heure actuelle, des choses comme ChatGPT et Midjourney pour la génération d'images, ne pourraient pas être produits ici avec mon ordinateur portable ou même avec les ordinateurs que j'ai dans mon laboratoire à l'université. Ce sont vraiment des choses qui exigent une collaboration entre des gens intelligents pouvant rédiger des codes très efficaces et qui dépendent d'énormes quantités de ressources du côté informatique et du côté de la formation. Je ne pense pas qu'un projet comme celui de ChatGPT aurait vu le jour sans la collaboration des gens intelligents qui s'occupent du codage et les ressources que l'entreprise peut consacrer à un projet comme celui‑là.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
Avant de poser mes questions, j'aimerais proposer la motion suivante:
Le Comité entreprend immédiatement un examen en cinq réunions de l'impact disproportionné de la taxe sur le carbone sur les personnes à faible revenu.
La motion a été distribuée aux membres du Comité.
Nous savons que la taxe sur le carbone a des répercussions sur les Canadiens vulnérables, parce qu'elle fait augmenter le coût de biens de base comme l'essence, le chauffage et l'épicerie. Le gouvernement libéral a admis qu'il doublait son plan de taxation du carbone, notamment en quadruplant la taxe sur le carbone imposée aux Canadiens. La pause temporaire annoncée par le gouvernement libéral pour la taxe sur le carbone sur le mazout domestique laissera de côté 97 % des Canadiens. Le Comité doit étudier comment la mise en œuvre de la politique du gouvernement sur la taxe sur le carbone fait augmenter le coût de la vie pour les personnes les plus vulnérables.
Cela est tout particulièrement pertinent pour le Comité, son mandat étant de discuter des études qu'il peut faire et qu'il devrait prioriser. Notre mandat comprend les questions de sécurité du revenu et d'invalidité. La taxe sur le carbone a une incidence sur la sécurité du revenu en faisant augmenter le prix des produits de première nécessité. De plus, la hausse des coûts de la taxe sur le carbone a des répercussions sur les personnes les plus vulnérables de notre société, en particulier les personnes handicapées. Au cours de l'étude de la , le Comité a entendu de nombreux témoignages selon lesquels les personnes handicapées avaient de la difficulté à se payer des biens de première nécessité. Nous avons même entendu parler de gens qui envisageaient l'aide médicale à mourir, l'AMM, parce qu'ils jugeaient qu'ils n'avaient plus les moyens de vivre. Tous ces témoignages ont eu lieu avant la plus récente augmentation de la taxe sur le carbone cet été.
J'ai proposé cette motion. J'espère que le Comité l'appuiera.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de vos commentaires sur le mandat du Comité.
Nous savons que de nombreuses familles et de nombreuses personnes ont du mal à joindre les deux bouts, et nous aimerions tous que la question de prestation canadienne pour les personnes handicapées soit réglée beaucoup plus rapidement.
J'aimerais discuter d'une chose. En mars dernier, j'ai présenté une motion que je n'ai pas déposée. Je l'ai simplement envoyé au Comité. Je m'intéresse réellement aux crédits d'impôt. Où en sommes-nous au chapitre des crédits d'impôt? Comment pouvons-nous augmenter le revenu des gens?
Selon moi, une chose est certaine, à savoir qu'il arrive souvent que les aînés et les personnes handicapées ne produisent pas de déclaration de revenus. Ils ne produisent pas leurs déclarations de revenus à temps, ce qui leur fait perdre leur SRG et une partie de leurs prestations de soutien du revenu. Au cours des deux dernières années, j'ai découvert qu'il y a des étudiants qui sortent de l'école et qui ne comprennent pas ce à quoi ils ont droit et quel soutien du revenu ils peuvent obtenir.
Bien que je sois tout à fait d'accord pour essayer de comprendre comment nous pouvons augmenter le revenu des gens, je crains que la portée de cette motion soit limitée et qu'elle n'englobe que la taxe sur le carbone. J'aimerais que ce comité se penche sur cette question et que nous discutions peut-être de la possibilité d'examiner les mesures de soutien du revenu dont les personnes vulnérables ont besoin, les mesures de soutien du revenu auxquelles elles n'ont pas eu accès, les droits qu'elles n'ont pas utilisés et qui leur reviennent, mais auxquels elles n'ont pas eu accès en raison de différents obstacles, et peut-être même parce qu'elles n'ont pas produit de déclaration de revenus.
Je pense notamment à la déclaration de revenus automatique, qui représenterait une excellente occasion d'augmenter le revenu de ces personnes.
Même si j'aime l'esprit de la motion, je pense que nous devons avoir une discussion plus large sur la façon dont nous soutenons les personnes vulnérables dans ce pays.
Je vais m'arrêter ici.
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Merci, monsieur le président.
Je comprends ce que dit ma collègue du NPD, Mme Zarrillo. Toutefois, la motion de Mme Gray, telle qu'elle nous est présentée, demande à notre comité d'entreprendre une étude sur la taxe sur le carbone. Notre comité établit des liens avec les personnes à faible revenu, alors que d'autres comités font des liens avec d'autres domaines.
Je suis en désaccord sur la motion de Mme Gray. Les considérations concernant la taxe sur le carbone, les avantages comme les désavantages, sont largement débattues. Je ne crois pas qu'il soit pertinent d'entreprendre cette discussion à notre comité.
Merci.
C'est une bonne question. Je n'ai pas examiné tous les détails du décret de l'administration Biden. Je sais qu'on s'inquiète beaucoup des emplois, de la protection des données, de la propriété intellectuelle et de ses détenteurs. Je pense qu'il y a un grand risque que chaque pays ait sa propre réglementation pour chacune de ces dimensions, ce qui créerait un véritable problème rendant inefficaces les règlements de tous les pays.
Ce qu'il y a avec l'IA, c'est qu'elle est numérique, alors il est facile d'expédier des données d'un pays à n'importe quel autre endroit dans le monde, d'utiliser ces données dans un système d'IA et d'expédier les résultats ou même la base de codage de l'IA proprement dite. Le partage au‑delà des frontières est facile.
Je pense qu'il serait beaucoup plus efficace que les pays collaborent pour s'entendre sur un ensemble normalisé de règlements portant sur toutes les dimensions qu'ils jugent préoccupantes.
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Oui, j'ai pu examiner cela brièvement, mais pas en profondeur. Je dirais que cela montre certainement les lacunes évidentes que je vois dans l'approche du Canada à l'égard de la Loi sur l'intelligence artificielle et les données. On constate un traitement beaucoup plus complet des préjudices potentiels et une volonté de s'engager dans les enjeux sectoriels liés à l'intelligence artificielle. Je pense que c'est un document qu'il vaut la peine d'étudier, simplement pour comprendre la complexité des défis auxquels font face les organismes de réglementation et les législateurs... et ensuite, par rapport à la loi.
Je suis d'accord avec M. Frank pour dire qu'il faut probablement une approche harmonisée. Le Canada est très actif à cet égard, dans une certaine mesure, que ce soit en participant à un partenariat mondial sur l'IA ou à certains accords bilatéraux avec la France ou le Royaume-Uni. Je pense qu'il y a un débat concernant la nécessité pour le Canada de se positionner dans les cas où, à tout le moins — et je sais qu'il y a des efforts de discussion de traités avec l'UE au sujet de l'intelligence artificielle —, cela fonctionne en parallèle avec les États-Unis.
La seule chose que je dirais, c'est qu'avec le projet de loi et la Loi 25 du Québec, je pense qu'il y a un grand test de conformité au Règlement général sur la protection des données. En réalité, lorsqu'il est question de notre programme législatif en matière d'intelligence artificielle, ce qui devrait être à l'avant-plan, c'est la compréhension de ce qui se passe en Europe au sujet des dispositions législatives sur l'intelligence artificielle, ainsi qu'avec les États-Unis dans une moindre mesure, bien que je salue ce que ce décret a permis d'accomplir.
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J'adore cette question, sur laquelle je me suis beaucoup penché.
La recherche sur l'automatisation fait beaucoup appel à la notion d'« exposition ». Les travailleurs sont exposés ou les tâches sont exposées à l'IA. La définition d'« exposition » ne suscite pas beaucoup d'engagements. C'est parce que certains travailleurs sont libérés par la technologie pour faire d'autres tâches qui complètent l'intelligence artificielle, de sorte qu'ils deviennent plus productifs et plus utiles avec l'intelligence artificielle. Dans un cas extrême, où de nombreuses tâches sont automatisées par l'IA, il se peut que celle‑ci se substitue complètement au travailleur, ce qui aura un résultat négatif pour lui.
Je pense que nous devons être plus précis que de simplement dire qu'un travailleur ou une tâche sera exposé à l'avenir. Pour ce faire, il faut obtenir des données sur la façon dont les ensembles de compétences évoluent en réponse à l'introduction de l'IA. Lorsqu'un nouvel outil voit le jour, dans un monde idéal, nous devrions avoir des données qui reflètent ce que chaque travailleur fait tout le temps.
Bien sûr, il y a beaucoup de préoccupations liées à la protection de la vie privée, mais pour les besoins de la conversation, imaginons ce monde idéal. Nous aurions de très bons renseignements sur les changements qui surviennent lorsqu'un nouvel outil est offert à un travailleur. Vous pouvez même imaginer de petites expériences naturelles de randomisation pour déterminer qui a accès à une technologie et qui n'y a pas accès. Cela pourrait mener à la compréhension de l'impact des changements technologiques.
Ce serait l'idéal, mais je pense qu'il y a des choses qui sont très près de l'idéal et qui seraient aussi très utiles.
Je suis beaucoup plus familier avec les statistiques sur la main-d'œuvre disponibles aux États-Unis qu'au Canada. Ceux d'entre vous qui ont lu mon mémoire l'ont probablement remarqué très rapidement.
Les dynamiques du travail très importantes, comme les taux de cessation d'emploi ou le chômage, ne sont généralement pas décrites par industrie, par entreprise ou par titre d'emploi. De toute évidence, le fait d'aborder ces concepts à un niveau plus précis permettrait un rapprochement avec les conséquences des changements dans les compétences, ainsi que des interventions stratégiques plus proactives — pas seulement au niveau de l'intelligence artificielle, mais de toute perturbation du travail à l'avenir.
J'ai une question pour M. McKelvey.
Un sommet vient de prendre fin ici, sur la Colline du Parlement, le Sommet canadien pour les aidants. Huit millions de Canadiens sont des proches aidants, et beaucoup d'entre eux font cela gratuitement. Nous avons aussi une grande partie de notre économie qui est consacrée à la prestation de soins rémunérés et qui est constituée des infirmières, des préposés aux services de soutien à la personne, des soins à domicile, de la garde d'enfants et ainsi de suite.
Je voulais vous demander si vous pouviez nous dire comment l'intelligence artificielle pourrait avoir une incidence sur la prestation des soins au Canada. Si vous n'êtes pas en mesure de nous parler de cela en particulier, quelles questions pourrions-nous poser pour déterminer l'incidence potentielle de l'IA sur la prestation des soins au Canada?
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Évidemment, ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais je dirais que j'ai été amené à participer à certaines discussions à ce sujet, parce qu'à Montréal, il y avait une proposition d'introduire un robot dans un foyer pour personnes âgées pour prendre soin d'elles. Cela m'a amené à faire enquête sur les effets de cette mesure.
Le meilleur endroit avec lequel établir un parallèle est le Japon. Je pense qu'il y a eu beaucoup d'efforts pour automatiser la prestation des soins au Japon, mais cela n'a pas été efficace dans l'ensemble, parce que l'entretien de bon nombre de ces technologies coûte aussi cher que l'octroi des ressources nécessaires aux fournisseurs de soins en place.
Je pense qu'il y a une sorte de changement de valeurs, où, encore une fois, on cible les répercussions culturelles de l'intelligence artificielle. On pense que la technologie sera plus efficace que de simplement payer une infirmière ou un soignant pour une fonction. Je dirais que, d'après tout ce que j'ai vu, les avantages sont surestimés par rapport au potentiel, et aussi, vraiment, il s'agit de quelque chose qui doit s'inscrire dans un système de soins holistique plus vaste, qui évalue même les types d'avantages — et je ne nie pas qu'il y en a —, en veillant à ce qu'il y ait des ressources adéquates pour appuyer nos fournisseurs de soins de première ligne essentiels.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je sais que, par le passé, le Comité a mené une étude sur le travail précaire. Le travail précaire est en croissance et, en fait, il est très répandu.
Je crois que c'est vous, professeur McKelvey, qui avez mentionné le mot « précaire », alors j'ai pensé vous poser la question suivante: pensez-vous que le travail précaire deviendra plus répandu, plus courant, lorsque nous verrons l'intelligence artificielle se développer ou peut-être même être absorbée par les entreprises?
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Compte tenu de mes faibles capacités de prévision, je ne peux pas établir de corrélation directe entre une augmentation du travail précaire et l'intelligence artificielle.
Je dirais que là où nous verrons un effet important, et là où nous voulons nous occuper des répercussions de l'intelligence artificielle, c'est dans le cas des travailleurs précaires et des travailleurs à la demande, parce que nous savons que ce sont ces travailleurs qui sont déjà assujettis à la gestion algorithmique, qui sont déjà soumis à de nouvelles formes de surveillance en milieu de travail et, au bout du compte, qui ont des ententes complexes en matière de données avec leurs fournisseurs de plateformes, qui essaient souvent de trouver des façons de les diriger.
L'autre aspect, je dirais, c'est que si nous envisageons de passer à des environnements plus hybrides et de changer la façon dont les organisations sont conçues, je pense qu'il y a certainement une tendance à essayer de créer plus de services sur demande, ce qui entraîne, potentiellement, une sorte de relation précaire à cause du type de travailleur à la demande. J'ai l'impression que ce qui est en partie à risque ici, c'est que les plateformes changent aussi la façon dont la main-d'œuvre se réorganise, ce qui pourrait donner lieu à plus d'interchangeabilité dans l'emploi. Le risque serait différent, parce que les gens seraient majoritairement des entrepreneurs.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux deux témoins qui sont parmi nous aujourd'hui.
Je vais vous poser à tous les deux la même question. C'est une question très générale. J'aime bien procéder ainsi, parce que cela aide à résumer ce que nous avons entendu des témoins, surtout lorsque le sujet est vaste et très important au chapitre de la politique publique. De toute évidence, nous nous penchons sur l'intelligence artificielle en ce qui concerne précisément la main-d'œuvre, mais il y a de nombreuses façons de l'envisager.
Quelles sont les parties les plus importantes de votre témoignage à retenir? À votre avis, quels sont les éléments clés que le Comité devrait garder à l'esprit lorsqu'il se penchera sur cette question et lorsqu'il formulera des recommandations au gouvernement sur la voie à suivre?
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Premièrement, il faut tenir compte de cela dans le contexte du projet de loi et de la façon dont nous essayons de comprendre la protection de la vie privée et les données. Ce qui est vraiment important maintenant, c'est de reconnaître notre pouvoir en matière de données. L'intelligence artificielle démontre que de grandes quantités de données peuvent être recueillies et qu'il est possible de mobiliser ces données. En réalité, il s'agit d'essayer de considérer les dispositions législatives sur la protection des renseignements personnels et les données comme ayant une portée plus large que les préoccupations traditionnelles au sujet des renseignements personnels. Il s'agit d'un changement important dont nous avons été témoins, qui se concrétise maintenant.
Je pense que la deuxième chose, c'est d'essayer de comprendre ces effets inégaux et disparates. Nous allons certainement entendre de nombreux témoignages sur les avantages de l'intelligence artificielle. Je pense qu'il incombe au gouvernement de comprendre et de protéger les travailleurs marginalisés et précaires qui pourraient ne pas bénéficier de ces avantages.
Cela fait certainement partie de ce qui se passe avec l'IA générative. Nous essayons de comprendre quelque chose qui se situe dans une classe à part. C'est pourquoi on accorde autant d'attention à cela en ce moment. Il s'agit d'une catégorie différente de travailleurs, généralement des cols blancs, qui pourraient maintenant faire face à une plus grande concurrence de la part des solutions automatisées. Cela ne veut pas dire que les effets seront faciles à prévoir, mais cela signifie également que nous constatons un changement marqué. Il faut en tenir compte dans la façon dont nous allons comprendre cette relation avec l'intelligence artificielle et le marché du travail.
Enfin, il s'agit de veiller à ce que nous ayons de solides protections pour les travailleurs et à ce que cela fasse partie de notre programme législatif.
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Monsieur Frank, je vais vous poser une question au sujet des données, parce que je veux être certaine de vous avoir bien compris.
Dans votre témoignage, vous avez dit qu'on avait besoin de plus de données. Cela faisait aussi partie de vos recommandations.
Vous avez aussi dit que le chômage nous donnera plus de données, si j'ai bien compris ce que vous vouliez dire. Or cela m'inquiète un peu. Je veux bien qu'on utilise la technologie pour effectuer certaines tâches, mais pas pour remplacer des employés. Si cela met en jeu des emplois, à notre avis, ce ne devrait pas être une solution.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Quand on utilise une nouvelle technologie, ne devrait-on pas viser la requalification plutôt que le chômage?
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Je dirais deux choses brièvement. Le projet de loi prévoit des exemptions importantes relativement aux types de données qui peuvent être recueillies, à savoir qu'elles doivent être anonymisées ou qu'elles doivent correspondre à des besoins légitimes commerciaux. J'ai l'impression que cela mérite qu'on se penche davantage sur ce que cela implique et sur les répercussions possibles sur les travailleurs.
Deuxièmement, en réalité, ce que ces exemptions font... Elles sont renforcées par la LIAD — la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, qui vient à la fin —, ce qui suscite des préoccupations importantes, car cela confère beaucoup de pouvoirs d'enquête à un commissaire aux données dont le rôle est vaguement défini. En fait, j'ai l'impression qu'une partie de la tâche, avant le programme législatif, consiste à passer de l'intelligence artificielle comme simple stratégie économique à une réflexion sur des façons d'atténuer les répercussions sociales négatives et positives qu'elle peut avoir.
Oui, je pense qu'il serait avantageux de trouver des façons d'aborder les répercussions sur les travailleurs et de veiller à ce qu'il y ait une loi ciblée, car je pense que ce n'est pas quelque chose qui sera abordé dans un projet de loi omnibus.
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Merci, madame Zarrillo.
Monsieur McKelvey et monsieur Frank, si vous voulez fournir une réponse écrite à la question de Mme Zarrillo sur les entreprises qui pourraient intéresser le Comité, vous pouvez la transmettre au greffier du Comité.
Sur ce, je tiens à vous remercier tous les deux d'avoir comparu devant le Comité aujourd'hui et de nous avoir présenté des témoignages très instructifs sur ce nouveau sujet dont il sera question pendant un certain temps.
Nous allons terminer cette partie de la réunion. Nous allons suspendre la séance pendant quelques instants, puis nous reprendrons à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
Monsieur McKelvey et monsieur Frank, vous pouvez quitter Zoom si vous le souhaitez. Encore une fois, merci beaucoup.
La séance est suspendue.
[La séance se poursuit à huis clos.]