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La séance est ouverte. Le greffier m'informe que nous pouvons commencer.
Bienvenue à la 58e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, car certaines personnes participent à distance sur Zoom et d'autres sont présentes dans la salle.
Afin d'assurer le bon déroulement de la réunion, veuillez adresser toute question ou intervention à la présidence, c'est‑à‑dire moi, et attendez que je vous reconnaisse par votre nom. Vous avez la possibilité de vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Les participants à distance ont accès à l'interprétation sur leur appareil Surface. Les personnes présentes dans la salle doivent utiliser les écouteurs pour l'interprétation. En cas d'interruption des services d'interprétation, veuillez attirer mon attention, et nous suspendons la séance jusqu'à ce que le problème soit résolu.
J'aimerais rappeler aux membres du Comité qu'aucune capture d'écran ou prise de vue dans la salle n'est autorisée pendant les audiences du Comité.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le vendredi 3 février 2023, le Comité poursuit son étude du projet de loi , Loi relative à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.
Je ne crois pas que les essais techniques pour vérifier la connectivité des témoins sont terminés. J'aimerais donc informer tous les membres du Comité que les témoins qui comparaissent virtuellement aujourd'hui et les membres du Comité qui participent à distance doivent utiliser un casque d'écoute approuvé par la Chambre des communes. S'ils ne le font pas, ils ne pourront pas participer verbalement à la réunion, mais les membres du Comité dans cette situation auront quand même le droit de voter pendant la réunion.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Aujourd'hui, nous accueillons Mme Gould, ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social. Je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Vous êtes une habituée de notre comité, madame la ministre.
Du ministère de l'Emploi et du Développement social, nous accueillons Michelle Lattimore, directrice générale, Secrétariat fédéral, Cheri Reddin, directrice générale, Secrétariat de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants autochtones, Jill Henry, directrice, Division des politiques, Secrétariat de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants autochtones, Kelly Nares, directrice, Secrétariat fédéral et Christian Paradis, directeur, Secrétariat fédéral responsable de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants.
Madame la ministre, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président et membres du Comité, de m'avoir invitée à prendre la parole au sujet du projet de loi . Comme vous l'avez mentionné, j'ai comparu devant votre comité assez souvent ces derniers temps, mais c'est toujours un plaisir d'être de retour et de passer du temps avec mes collègues.
[Français]
Je suis heureuse d'être accompagnée aujourd'hui de la directrice générale du Secrétariat fédéral responsable de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants, Mme Michelle Lattimore, de la directrice générale du Secrétariat de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants autochtones, Mme Cheri Reddin, des directrices Jill Henry et Kelly Nares, ainsi que du directeur Christian Paradis.
[Traduction]
En collaboration avec les provinces, les territoires et les partenaires autochtones, le gouvernement du Canada transforme la façon dont les services de garde d'enfants sont offerts.
Comme on l'a dit à maintes reprises, la garde d'enfants n'est pas un luxe, mais une nécessité. Les parents devraient avoir la possibilité de fonder une famille tout en menant une carrière, et les enfants méritent le meilleur départ possible dans la vie.
[Français]
Dans le budget de 2021, le gouvernement du Canada a annoncé un investissement transformateur, qui permettra justement d'offrir le meilleur départ possible aux enfants: jusqu'à 30 milliards de dollars seront accordés sur cinq ans pour bâtir un système pancanadien d'apprentissage et de garde des jeunes enfants.
Depuis cette annonce, nous avons signé des accords avec chaque province et territoire afin de réduire les frais partout à l'extérieur du Québec, d'appuyer la création de places en garderie de grande qualité et de veiller à ce que les éducateurs et les éducatrices de la petite enfance soient mieux soutenus.
[Traduction]
Le système pancanadien profite déjà à des dizaines de milliers de familles. Les coûts liés aux services de garde d'enfants réglementés ont été réduits dans toutes les provinces et tous les territoires, à l'exception du Québec et du Yukon, qui offraient déjà des systèmes de garde d'enfants abordables. Ce système est une étape essentielle vers la réalisation de notre objectif, qui est de mettre en place des services de garde d'enfants à 10 $ par jour en moyenne dans tout le Canada d'ici mars 2026.
[Français]
Pour assurer le succès du système, nous travaillons d'arrache-pied avec les provinces et les territoires pour créer 250 000 nouvelles places à temps plein dans des garderies réglementées et principalement sans but lucratif d'ici la fin de mars 2026, ainsi que pour attirer, former et maintenir en poste les meilleurs éducateurs et éducatrices de la petite enfance.
Nous avons soumis le projet de loi à la Chambre pour nous assurer que les familles des générations qui suivront pourront profiter de ce système partout au Canada.
[Traduction]
Le projet de loi renforce l'engagement du gouvernement à soutenir les provinces, les territoires et les partenaires autochtones dans la mise en place d'un système pancanadien. Il garantit le maintien du financement fédéral, il promet la reddition de comptes et il souligne notre engagement à l'égard des conventions sur les droits de la personne, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant et la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Le projet de loi est le résultat d'une rétroaction exhaustive de la part de nos partenaires et des parties intéressées. Il est motivé par des intérêts communs, des partenariats étroits et la collaboration.
Ce projet de loi respecte les compétences provinciales et territoriales, ainsi que la vision et les principes du Cadre multilatéral d'apprentissage et de garde des jeunes enfants de 2017, qui a été élaboré avec les provinces et territoires, et du Cadre d'apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones, qui a été élaboré conjointement avec les partenaires autochtones.
[Français]
Le projet de loi C‑35 donne aux provinces, aux territoires et aux partenaires autochtones la certitude que le gouvernement fédéral continuera d'offrir une aide soutenue pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants.
En inscrivant notre vision et nos principes communs dans la loi fédérale, nous pourrons voir à ce que la stabilité et la prévisibilité fassent partie intégrante du système de garde d'enfants.
[Traduction]
Monsieur le président, notre système de garde d'enfants fonctionne partout au Canada, et de plus en plus de familles en profitent. Ce projet de loi a été conçu pour s'assurer que, s'il est adopté tel quel, les familles continueront à profiter de ces investissements pour les générations à venir.
Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, madame la ministre, d'être ici aujourd'hui. Nous savons à quel point les services de garde d'enfants sont importants pour les parents de tout le pays, et nous savons en particulier à quel point l'accès aux services de garde d'enfants est important pour toutes les familles.
La semaine dernière, Mme Michelle Lattimore nous a dit que ce « cadre établit les fondements d'une vision commune à long terme pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, guidée par les principes convenus en matière de grande qualité, d'accès, de caractère abordable, de souplesse et d'inclusion ».
Cependant, lorsque j'ai interrogé Mme Lattimore sur les listes d'attente au Canada, j'ai appris qu'aucune donnée n'avait été collectée pour déterminer ces chiffres. Il est étrange d'avoir un cadre pour résoudre un problème sans connaître les chiffres concernés.
Par ailleurs, lorsque M. Falk a posé une question sur la consultation, Mme Lattimore a répondu que « [l]'objectif était d'obtenir des réactions au projet de loi, au guide de discussion énonçant le contenu du projet de loi tel que nous l'anticipions ». Elle a ajouté que « [l]es interventions précises quant aux défis que connaissent les familles des régions rurales ou éloignées pour l'accès à des services de garde n'ont pas précisément fait partie de ce processus de consultation ».
Le rapport n'analyse pas les commentaires que nous avons entendus des fournisseurs de services à but lucratif ou sans but lucratif. Madame la ministre, si le gouvernement fédéral n'a aucune compétence en matière de permis et s'il reconnaît que tous les types de services de garde d'enfants ont leur place, c'est à chaque province d'en décider. Pourquoi y a‑t‑il un appel précis dans les principes directeurs, alors qu'il y a une contradiction dans le fait que vous ne vous concentrez que sur les fournisseurs publics et sans but lucratif? Si les objectifs sont la grande qualité, l'accès, la souplesse et l'inclusion, pourquoi laisser de côté un secteur qui, dans la vision des services de garde d'enfants, fournit des services à un si grand nombre d'enfants à l'échelle du pays?
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Je vous remercie, madame Ferreri.
Je pense qu'il est important de préciser que tant qu'il s'agit de fournisseurs agréés, ils sont visés par l'accord sur les services de garde d'enfants qui a été signé avec les provinces et les territoires. Cet accord ne fait pas de distinction entre les fournisseurs à but lucratif et les fournisseurs sans but lucratif déjà établis. En fait, la catégorie des fournisseurs sans but lucratif comprend les soins à domicile, qui peuvent être fournis par un fournisseur privé ou un fournisseur sans but lucratif, de sorte que personne n'est exclu de ce système.
En ce qui concerne les listes d'attente, la plupart des provinces et des territoires ne s'entendent pas. Le problème vient en partie du fait qu'il s'agit depuis longtemps de systèmes disparates. En effet, il faut inscrire son nom sur plusieurs listes d'attente et voir où on peut obtenir une place. C'est ce que j'ai fait moi-même, à titre de parent. J'ai entendu d'innombrables personnes d'un bout à l'autre du pays dire qu'elles ont fait la même chose. Les intervenants des services de garde d'enfants et des garderies disent qu'ils n'ont pas une idée précise de la situation, parce qu'il peut y avoir de 60 à 100 familles sur leur liste d'attente, mais la moitié de ces familles pourraient se trouver aussi sur d'autres listes d'attente.
Nous savons qu'il existe une demande et des besoins à cet égard dans les collectivités urbaines, rurales et éloignées. Tout cela est pris en compte dans les cadres multilatéraux.
En fait, j'étais en Saskatchewan pas plus tard que lundi dernier. Depuis la signature de l'accord, le gouvernement de la Saskatchewan a annoncé la création de 4 000 nouvelles places, et un grand nombre de ces places se trouvent dans des collectivités rurales et éloignées.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, madame la ministre, d'être ici aujourd'hui.
Je sais que depuis des décennies, les gouvernements, tant d'ordre provincial que fédéral, cherchent des moyens de renforcer les services de garde d'enfants, et de nombreux Canadiens rêvent d'un programme universel de services de garde d'enfants. Pour moi, le fait que nous en soyons là est tout simplement incroyable. Je sais que ce programme est très populaire dans ma collectivité, Don Valley East, et dans tout le corridor de Don Mills. Je suis donc heureux que nous en soyons là.
Pouvez-vous nous parler des retombées économiques d'un tel programme, non seulement pour les familles, mais aussi pour les personnes qui œuvrent dans le secteur?
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Je serais heureuse de vous en parler.
Les services de garde d'enfants représentent l'une de ces merveilleuses politiques qui sont judicieuses sur le plan social et économique. En fait, si vous prenez l'exemple de l'expérience du Québec, cette province a perçu plus de revenus supplémentaires de l'impôt sur le revenu qu'elle en a dépensé pour le programme, de sorte qu'il s'agit d'un rendement de l'investissement prodigieux pour l'ensemble de la société.
Cela s'explique en partie par le fait que les parents de jeunes enfants, et principalement les femmes, peuvent rester sur le marché du travail ou le réintégrer. Le Québec a l'un des taux les plus élevés de femmes qui travaillent tout en ayant des enfants de moins de quatre ans. Cela entraîne des répercussions à long terme et des avantages financiers, tant pour la femme — qui jouit d'une autonomie financière et du contrôle de ses finances et qui n'est pas obligée de passer plusieurs années sans gagner un salaire, si c'est son choix — que pour la famille, qui peut profiter de revenus plus élevés à un moment où ses dépenses sont plus élevées, car elle a un enfant en bas âge.
Pour chaque dollar investi dans les services de garde d'enfants, nous observons un rendement de 1,50 à 2,80 $ dans l'économie au sens large. Selon les estimations, lorsque ce programme de services de garde d'enfants sera pleinement mis en œuvre d'ici trois ou quatre ans, des milliards de dollars seront réinjectés dans l'économie, ce qui, je pense, représentera une augmentation de 2 % du PIB.
C'est énorme. C'est réellement un investissement judicieux, car il a de nombreuses retombées positives non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan social.
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Le projet de loi vient s'ajouter au cadre multilatéral et aux accords bilatéraux que nous avons conclus dans le cadre de l'initiative pancanadienne sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Nous avons signé 13 accords bilatéraux avec les provinces et les territoires. Celui qui a été conclu avec le Québec est asymétrique, car le Québec est beaucoup plus avancé dans ce domaine que le reste du pays. En fait, la province fait figure de pionnière au Canada dans ce domaine.
Les accords de financement sont donc complémentaires. Nous avons signé des accords d'une durée de cinq ans, afin de nous assurer que nous fixons des objectifs auxquels les provinces et les territoires peuvent répondre par des plans d'action dans lesquels ils déterminent et illustrent la manière dont ils vont dépenser cet argent. Ensuite, le projet de loi engage le gouvernement fédéral à agir à titre de partenaire financier à long terme.
Je ne pense pas qu'il soit approprié de déterminer les montants en jeu dans le projet de loi C‑35, car je pense qu'il doit s'agir d'un processus en constante évolution. Je pense que ce qui est réellement important, c'est que le projet de loi indique que le gouvernement fédéral s'engage à financer les services de garde d'enfants et qu'il le fera à long terme.
Cela s'ajoute à la décision prévue dans le Budget 2021, qui prévoit un financement continu au‑delà des accords quinquennaux pouvant aller jusqu'à 9 milliards de dollars par année, et ce, à perpétuité.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à la ministre et aux témoins ici présents.
Madame la ministre, nous pouvons convenir que le projet de loi , qui avait été présenté en 2006 par le NPD, est l'ancêtre du projet de loi , à quelques différences près. Toutefois, une de ces différences m'inquiète: le projet de loi C‑35 ne fait aucune mention d'une exemption pour le Québec. Or, on sait très bien que le Québec est un précurseur et un chef de file dans le domaine de la petite enfance et des garderies, vous l'avez dit vous-même.
Cela fait maintenant plus de 25 ans que l'État québécois s'est doté d'une politique familiale qui a permis de mettre en place un réseau de services éducatifs à la petite enfance à des coûts abordables, permettant de meilleures conditions de vie et une meilleure conciliation des responsabilités parentales et professionnelles pour des millions de familles. Compte tenu de cette réalité, croyez-vous qu'il serait utile d'inclure dans le projet de loi un article permettant au Québec de se retirer de ce programme avec pleine compensation et sans condition, pour éviter des négociations et des chicanes entre le gouvernement fédéral et provincial tous les cinq ans?
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureuse de vous voir, madame la ministre.
Je sais que le ministère de la Justice travaille à l'élaboration conjointe d'un processus de consentement libre, préalable et éclairé et que le projet de loi contient un engagement à promouvoir la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C'est ce qu'a indiqué Mme Reddin lors de la dernière réunion, mais nous savons que cette réponse n'est pas adéquate, car nous savons qu'il ne peut y avoir une définition unique du « consentement libre, préalable et éclairé ». En fait, selon la loi, ce sont les circonstances qui en déterminent l'application. Il en irait de même pour le projet de loi .
La ministre reconnaîtra‑t‑elle ces faits et prendra‑t‑elle les mesures appropriées pour enchâsser le droit des peuples autochtones de prendre des décisions sur les questions qui concernent leurs propres enfants?
Je partage ce point de vue parce qu'il s'agit du fondement même de la réconciliation, en particulier à la lumière des conclusions de la Commission de vérité et réconciliation, qui se fondent sur les témoignages de survivants des pensionnats qui ont été arrachés à leur famille. Le gouvernement actuel tarde à enchâsser dans la loi le principe du consentement préalable, libre et éclairé. Nous approchons de la fin des deux ans prévus et il ne vous reste qu'un mois et demi. Cela fait partie de la loi. Vous aviez deux ans pour élaborer un plan, mais rien n'a encore été proposé. C'est inacceptable. C'est pourtant l'occasion d'arranger les choses.
Je vous demande donc à nouveau, madame la ministre, si vous reconnaîtrez les faits et si vous prendrez les mesures appropriées pour enchâsser dans la loi le principe du consentement préalable, libre et éclairé et garantir le droit des peuples autochtones à donner leur consentement libre, préalable et éclairé sur les questions qui concernent leurs enfants.
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Madame Gazan, je vous remercie de votre présence et de votre intervention.
Nous avons certainement le même objectif. Je pense qu'il est très important de considérer le projet de loi comme un outil complémentaire au Cadre d'apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones, qui a été élaboré conjointement.
Nous avons notamment veillé à ce que le projet de loi C‑35 ne dépasse pas les limites du Cadre d'apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones qui a été élaboré conjointement, annoncé en 2018 et approuvé à l'époque par l'Assemblée des Premières Nations, l'Inuit Tapiriit Katanami et le Ralliement national des Métis.
Dans mes voyages au pays au cours de la dernière année, j'ai remarqué que les communautés et les dirigeants autochtones qui font la promotion du cadre ont adopté une approche fondée sur les distinctions, dirigée par des Autochtones et adaptée à leur culture qui comprend également l'apprentissage des langues. C'est une initiative autochtone, qui est... Nous sommes un partenaire de financement. Cela s'est fait en collaboration, mais nous devons considérer cela comme un partenariat...
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Je pense que tout cela est positif, pour revenir au projet de loi , mais toute mesure législative à venir devra être conforme à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Donc, je serais plutôt contre cela.
Je vais passer aux salaires et aux conditions de travail.
Comme tout le monde le sait, je pense, j'ai été éducatrice de la petite enfance. J'en suis très fière. Nous savons que le salaire moyen des éducatrices et éducateurs de la petite enfance est de 19,50 $ l'heure, ce qui n'est pas un salaire décent dans la plupart des endroits.
Les syndicats qui représentent les travailleurs en garderie sont favorables à l'ajout, dans le projet de loi , d'un engagement explicite et clair à l'égard du travail décent. Nous savons que pour que cela fonctionne, il nous faut une main-d'œuvre solide. Nous savons aussi qu'étude après étude, on révèle que les piètres salaires et conditions de travail dissuadent les gens d'aller dans ce secteur. C'est exactement pour ces raisons que j'ai quitté mon emploi d'éducatrice de la petite enfance. Je ne voulais pas vivre avec le salaire négligeable qu'on nous offrait pour ce travail si important.
Votre gouvernement est‑il réticent à l'ajout d'une disposition pour inclure l'offre de salaires décents et de conditions de travail plus équitables comme principes directeurs pour les investissements fédéraux? Je le mentionne parce que dans sa plateforme de 2021, votre parti a promis de faire pression pour l'instauration d'un salaire minimum de 25 $ pour les préposés aux services de soutien de la personne. Je suis favorable à cela; la prestation de soins est un travail essentiel.
Êtes-vous prête à appuyer une telle mesure afin que les éducateurs de la petite enfance aient un salaire décent?
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Nous sommes prêts à relever le défi.
Cette initiative très emballante qui est menée à l'échelle du pays contribue à l'édification du pays. Les provinces et les territoires augmentent le nombre de places d'éducation à la petite enfance dans les collèges. À titre d'exemple, le Collège de l'Atlantique Nord, à Terre-Neuve, et la Saskatchewan Polytechnic sont en train d'élaborer des stratégies. Encore une fois, toutes ces informations sont publiques et se trouvent sur le site Web du gouvernement du Canada. Tout le monde peut consulter les plans d'action et les ententes bilatérales.
Les provinces doivent aussi mettre en place des plans de maintien en poste. Le Manitoba a fait un excellent travail en proposant un régime d'avantages sociaux et de retraite. Il reste du travail à faire, mais elles y travaillent. La Colombie-Britannique a fait de l'excellent travail en mettant en place un nouveau programme d'études secondaires permettant aux étudiants d'obtenir un certificat en éducation de la petite enfance plutôt que d'avoir à suivre un programme d'études collégiales. Il y a beaucoup d'initiatives très intéressantes et novatrices à l'échelle du pays.
La main-d'œuvre sera le principal sujet de discussion, que ce soit au Conseil consultatif national sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants ou dans le cadre de la prochaine rencontre fédérale-provinciale-territoriale, car elle est essentielle à la réussite du réseau.
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Merci, monsieur le président. Chers collègues, madame la ministre, mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie de votre présence.
Je vais vous raconter une petite histoire. Je me souviens très bien qu'il y a une centaine d'années, lorsque nos enfants étaient très jeunes, ma femme Denise et moi avons discuté pour décider si elle pouvait aller travailler ou si elle devait rester à la maison. Les coûts étaient très élevés, même à l'époque. Je me souviens que nous étions assis là, calculatrice en main. Nous avions deux enfants; donc, cela coûterait tant, on gagnait tant, mais il y avait aussi le kilométrage et tout le reste. Nous avons donc décidé en toute connaissance de cause que Denise resterait à la maison pendant de nombreuses années pour s'occuper des enfants, parce que nous n'avions pas les moyens de payer des services de garde.
Évidemment, nous avons tous des électeurs qui nous racontent exactement la même chose. Actuellement, les coûts pour les familles sont de l'ordre de 15 000 $ à 30 000 $ par année. On parle de montants après impôts. C'est absolument exorbitant. Encore une fois, comme je l'ai dit lors de notre dernière séance, nous sommes tous ici pour faire de grandes choses pour nos électeurs et pour notre pays, mais ce programme est réellement transformateur.
Dans un premier temps, pouvez-vous nous parler de l'importance de ce programme pour les familles, de l'occasion que représente, sur le plan économique, le retour sur le marché du travail de tant de parents, en particulier les femmes, et de l'incidence que cela aura sur notre économie?
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame la ministre.
Il ne fait aucun doute que le bien-être de l'enfant devrait être au cœur de notre conversation. Le meilleur investissement que l'on puisse faire, c'est dans nos enfants. Lorsque les enfants ont une bonne santé mentale — des enfants qui se sentent en sécurité sur le plan physique et psychologique —, ils deviennent des adultes en santé. C'est un sujet très important.
Dans votre cadre national, vous parlez de qualité, d'accessibilité, d'abordabilité, d'inclusivité et de souplesse. Ce sont les piliers que vous défendez, et je suis du même avis que vous à ce sujet.
Madame la ministre, seriez-vous prête à modifier l'alinéa 7(1)a) du projet de loi, afin d'y ajouter les mots « tous les ». Nous savons que ce sont les provinces et non le gouvernement fédéral qui établissent les normes en matière de garde d'enfants. Donc, on pourrait lire: « [...] faciliter l'accès à tous les programmes et services d'apprentissage et de garde des jeunes enfants [...] »
Seriez-vous prête à apporter une telle modification, afin d'éviter d'exclure plus de la moitié des fournisseurs? Selon Statistique Canada, plus de la moitié des garderies au Canada ne sont pas accréditées, et sont en milieu familial.
Accepteriez-vous cet amendement?
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Nous reprenons les travaux.
Nous poursuivons notre étude sur le projet de loi , Loi relative à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.
Afin d'aider les interprètes à bien faire leur travail, je rappelle à tous les membres du Comité et aux témoins qu'ils doivent se nommer lorsqu'ils prennent la parole, et parler lentement, dans la langue officielle de leur choix. Veuillez m'aviser de toute interruption dans les services d'interprétation. Nous allons suspendre la séance afin de régler le problème, le cas échéant.
Je vous rappelle également que vous devez adresser vos questions et réponses à la présidence, et attendre que je vous nomme avant de prendre la parole.
Pour notre dernière heure, nous allons entendre trois témoins: Pierre Fortin, professeur émérite d'économie; Krystal Churcher, présidente de l'Association of Alberta Childcare Entrepreneurs; et Sophie Mathieu, spécialiste principale des programmes à l'Institut Vanier de la famille.
Nous allons d'abord entendre M. Fortin.
[Français]
Monsieur Fortin, vous avez la parole pour cinq minutes.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
« Professeur émérite »... c'est une autre façon de dire que je suis vieux; ne vous encombrez pas de ce titre.
Je suis très heureux d'avoir été invité à témoigner devant vous.
Je vais d'abord m'exprimer en français, puis je passerai à l'anglais.
[Français]
Ma présentation se concentrera sur l'expérience québécoise des 25 dernières années.
Au moment où l'ensemble du pays s'engage dans un développement accéléré des services de garde, il est très important de comprendre les succès et les difficultés rencontrés par le Québec depuis 1997 afin d'éclairer le jugement de tous au cours des années à venir.
[Traduction]
La Loi de 1996 sur les services de garde éducatifs à l'enfance du Québec fixe deux objectifs précis: d'abord, celui d'aider les familles à améliorer leur conciliation travail-vie personnelle; ensuite, celui de favoriser le développement de l'enfance, en insistant sur l'égalité des chances.
Vingt-cinq ans après l'entrée en vigueur de la Loi, deux grands constats s'imposent. D'une part, d'énormes progrès ont été réalisés en matière d'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. D'autre part, on constate une amélioration sur le plan du développement de l'enfance et de l'égalité des chances, bien que le travail à cet égard ne soit pas terminé.
Au départ, les parents québécois avaient accès à des places en garderie moyennant un modique tarif universel de 5 $ par jour. Ce tarif a été ajusté à la hausse au fil du temps pour atteindre 8,85 $ aujourd'hui. Dès 2009, le gouvernement provincial a rendu le secteur privé à but lucratif et à plein tarif plus concurrentiel par rapport au secteur à bas tarif fixe en accordant aux parents un généreux crédit d'impôt provincial remboursable sur les frais de garde.
Je dégage huit principales leçons à retenir de cette expérience sur 25 ans.
D'abord, le nombre de places en garderie est passé de 79 000 en 1997 à environ 300 000. Les garderies agréées restent immensément populaires depuis 1997, à plus de 90 %.
Deuxièmement, les coûts du système sont bien maîtrisés. Le coût total en 2022 fut d'environ 3,1 milliards de dollars, soit un peu moins de la médiane des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, qui est de 0,6 % du produit intérieur brut, ou PIB.
Troisièmement, au Québec, le taux de participation des femmes au marché du travail a atteint un sommet mondial, à égalité avec celui des Suédoises. En 2022, 88 % des Québécoises âgées de 25 à 54 ans faisaient partie de la population active, comparativement à 84 % dans les autres provinces et à 76 % aux États-Unis.
Quatrièmement, la sécurité économique des femmes et le salaire moyen gagné au cours de leur carrière ont augmenté de façon substantielle. L'écart de salaire horaire moyen entre les hommes et les femmes au Québec a été réduit de moitié au cours des 20 dernières années, passant de 17 à 9 %. Les femmes peuvent désormais mener une carrière de façon continue, au lieu de subir des ruptures d'emploi et des retards dans les promotions et les salaires après chaque nouvelle naissance.
Cinquièmement, selon les estimations, le PIB du Québec serait actuellement supérieur de 1,5 %, soit de 8 milliards de dollars, à ce qu'il serait sans le système de garderies.
Sixièmement, l'accroissement de la population active et de l'activité économique fait en sorte que le programme de garderies s'autofinance amplement. Il n'a nécessité aucune augmentation d'impôts. Les excédents budgétaires peuvent être réinvestis ailleurs ou utilisés pour réduire les impôts. Il est possible de choisir.
Septièmement, les recherches du secteur psychomédical concluent unanimement que la qualité des services est la plus élevée dans les établissements sans but lucratif et à tarif réduit — c'est‑à‑dire, les centres de la petite enfance, ou CPE — et qu'elle est la plus faible dans les garderies privées à but lucratif et à plein tarif.
Il est indéniable que les marchés privés de la garde d'enfants présentent malheureusement des problèmes de qualité. Je dis « malheureusement » parce que j'ai défendu les solutions du marché privé pendant toute ma carrière, mais un fait reste un fait. Pour la plupart des intéressés, dont les représentants des fournisseurs privés à but lucratif, il est évident que la province doit maintenant s'efforcer par tous les moyens de relever les niveaux de qualité dans l'ensemble des établissements, afin qu'ils répondent aux normes imposées aux CPE.
Le dernier point, mais non le moindre, est que l'accès des enfants défavorisés à des services de garde de qualité laisse à désirer et devrait constituer une priorité stratégique absolue.
En conclusion, le système québécois n'a pas adopté une approche ciblée de type « Robin des bois », mais bien le modèle scandinave d'universalité. Les nouveaux transferts fédéraux aux provinces au titre des services de garde reposent également sur la généralisation de l'approche scandinave à l'ensemble du Canada. Le bilan d'expérience du Québec en matière de services de garde porte à croire qu'il s'agit bien là de la voie à suivre.
Il y a trois grandes conclusions à tirer de l'expérience québécoise.
D'abord, le bien-être économique des femmes s'en est trouvé grandement amélioré.
Ensuite, il n'a pas été nécessaire d'augmenter les impôts.
Enfin, à l'heure actuelle, les principaux défis sont les suivants. Premièrement, il faut remédier à la pénurie de places qui subsiste. Deuxièmement, il faut rehausser la qualité des services pour que l'ensemble du système atteigne le niveau de qualité des CPE. Troisièmement, il faut attirer davantage d'enfants défavorisés vers le secteur des services de haute qualité.
Merci beaucoup.
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Bonjour. Merci de me donner l'occasion d'échanger avec le Comité aujourd'hui. Je m'appelle Krystal Churcher. J'exploite une garderie privée en Alberta. Je suis également la présidente de l'Alberta Association of Childcare Entrepreneurs, une association à but non lucratif qui représente les intérêts des exploitants de garderies privées en Alberta, qui constituent 70 % des services de garde offerts à l'heure actuelle.
L'information qui circule au sujet du projet de loi et du programme pancanadien sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants est très générale et témoigne de nobles intentions. Je veux parler de l'expérience concrète des exploitants et des familles sur le terrain.
Ce programme et ce projet de loi établissent une optique à long terme et implantent la vision du gouvernement fédéral de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Il est essentiel que nous menions ce travail de concert dans le respect des droits des enfants d'obtenir un service de garde souple, de grande qualité et au choix des parents.
L'objectif de ce projet de loi est de permettre à toutes les familles d'accéder à un service de garde de grande qualité, abordable et inclusif. Toutefois, sur le terrain, on constate le coût humain et l'incidence du déploiement de ce programme.
Le projet de loi a été déposé sans consultation adéquate des parties prenantes du secteur et sans respecter l'évolution du secteur de la garde d'enfants dans les provinces et territoires du pays. En conséquence, le programme a créé une demande que l'infrastructure en place n'a pas les moyens de soutenir, ce qui crée des listes d'attente, un système à deux vitesses et un stress indu pour les familles et les exploitants. Des entrepreneuses risquent la faillite et la fermeture d'entreprises qui ont aujourd'hui perdu toute leur valeur. Le système, bien franchement, n'offre pas un accès équitable pour tous et ne respecte pas les promesses faites aux parents et aux familles. Les exploitants veulent savoir ce que coûte réellement l'atteinte de l'objectif du tarif à 10 $ par jour. Les parents n'ont plus le choix; la qualité des programmes est à risque; les éducatrices sont épuisées; et des femmes sont en train de perdre leurs entreprises.
Le projet de loi ne reconnaît pas suffisamment le fait que le système actuel de garde d'enfants au Canada dépend encore beaucoup de milliers d'exploitants privés, en dépit d'une préférence des décideurs pour le modèle à but non lucratif. Quand les subventions sont accordées aux places en garderie plutôt que directement aux parents, on fait face à une forme de coercition douce. On ne crée pas des options dans le respect des différences et des choix de chaque famille.
Les frais réduits, qui ne sont là encore offerts que dans certains centres, ont en réalité pour effet d'enlever le choix aux parents et de forcer l'adoption d'un système normalisé. En limitant l'accès uniquement aux centres principalement à but non lucratif, le programme force les familles à renoncer à leur droit de choisir leur service de garde.
Bien que le programme encourage les femmes à s'accomplir pleinement sur le plan économique, notre secteur, constitué en grande partie de femmes entrepreneuses comme moi, voit ses entreprises expropriées. Nous voulons tous que les femmes réussissent, mais qu'en est‑il des femmes qui investissent dans la création de places en garderie dans leur collectivité? En cherchant à offrir un service de garde abordable aux familles que nous servons et en participant au programme, nous avons vu l'expansion de nos entreprises privées freinée, nous avons perdu la capacité de contrôler nos frais de service et, pour finir, nos investissements ont perdu leur valeur.
En vérité, les places en garderie qui ont été promises ne sont pas véritablement accessibles à toutes les familles. En Alberta, les listes d'attente dans les grandes villes comptent en moyenne de 75 à 150 familles et, dans les régions rurales comme Grande Prairie, plus de 600 familles par liste d'attente. Le projet de loi promet l'accès à un service de garde, quel que soit l'endroit, mais la vérité est tout autre. Les parents ont en fait moins accès au service, parce que le programme a créé une demande à laquelle on n'a pas les moyens de répondre, ce qui entraîne des listes d'attente.
Le principe directeur est de donner la priorité aux places dans les centres à but non lucratif, ce qui a entraîné l'arrêt de l'expansion des services privés, malgré la demande croissante pour leurs programmes. Cette augmentation de la demande a forcé les garderies privées à élargir leur offre, même si ces nouvelles places ne permettent pas aux parents d'obtenir des subventions. En conséquence, les parents paient jusqu'à 50 $ par jour, voire plus, pour le même programme, dans le même établissement. En Alberta, nous avons vu émerger un système à deux vitesses.
Nos services de garde sont-ils vraiment abordables s'ils ne sont pas accessibles? Le programme pancanadien sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants ne crée pas un accès équitable aux services de garde, particulièrement pour les parents à faible revenu auxquels on a promis de l'aide pour qu'ils puissent retourner sur le marché de l'emploi. Les parents comme les exploitants ne comprennent pas pourquoi le financement de ce programme, qui doit augmenter l'abordabilité, est offert à toutes les familles, quelle que soit leur fourchette de revenu, alors que les exploitants constatent que la majorité des familles sur les listes d'attente ont un faible revenu. Dans l'état actuel des choses, les familles ayant différents niveaux de revenus profitent du financement, et on ne donne pas nécessairement la priorité à celles qui ont le plus besoin de services abordables.
En conclusion, je recommande vivement au Comité d'adopter une approche qui permettra d'atteindre l'objectif du gouvernement du Canada de rendre les services de garde plus abordables pour les familles.
Je vous propose cinq solutions: financer directement les familles; fonder le financement sur le revenu selon une échelle progressive de manière à répondre véritablement aux besoins en matière d'équité et d'accessibilité; centrer le projet de loi sur le concept de choix parental, quel que soit le modèle d'affaires, et associer le financement à l'enfant plutôt qu'à la place en garderie; permettre la pleine expansion des garderies privées pour répondre à la demande de services de garde; et respecter et permettre la libre concurrence de manière à garantir une programmation spécialisée, novatrice et de qualité qui répond aux besoins de tous les parents.
Nous avons le devoir envers les familles et les enfants canadiens de nous assurer de créer un programme qui correspond véritablement à leurs besoins, qui protège la qualité des services aux enfants et qui offre une réelle accessibilité à toutes les familles. Nous ne pouvons pas continuer d'ignorer les problèmes constatés partout au pays ni de mettre en œuvre un programme bien intentionné, mais mal conçu.
J'aimerais vous faire part du vécu de certains exploitants. Une exploitante a communiqué avec moi...
Excusez-moi. Mon temps est‑il écoulé?
Il s'agit d'une exploitante de garderie dans une région rurale et mal desservie de l'Alberta, qui dirige fièrement un centre de grande qualité depuis 17 ans. Elle a investi dans la création de 194 places en garderie pour sa collectivité. Quand, à l'annonce du nouveau programme pancanadien sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, on lui a demandé ce qu'elle en pensait, elle a répondu qu'elle était heureuse pour les familles qui pourraient désormais accéder à des services plus abordables et croyait que ce serait un soulagement pour les familles actuellement sur les listes d'attente.
Hier, elle a envoyé une lettre aux 194 familles qui fréquentent son centre — et aux 563 autres sur sa liste d'attente — pour les informer de la fermeture de son entreprise. Après 17 ans de succès, son entreprise n'est plus viable. En raison de la forte inflation, des limites de frais et des restrictions quant à l'expansion des centres privés, son centre est en mauvaise posture financière. Elle a dû prendre la décision crève-cœur de fermer l'entreprise qu'elle a bâtie, parce qu'elle ne peut prendre le risque financier de signer un nouveau bail ou d'investir davantage dans l'expansion de son centre, alors que plane la menace d'un cadre de contrôle des coûts encore inconnu. Elle craint que l'objectif des frais de 10 $ par jour soit atteint aux dépens de la qualité des soins offerts aux enfants.
Voilà les décisions auxquelles font face les exploitants sur le terrain actuellement. Ils décident d'abandonner une entreprise qu'ils ont fièrement créée, parce qu'ils ne peuvent plus en porter le fardeau financier ou parce qu'ils ne peuvent tout simplement pas accepter de réduire la qualité des services afin de réduire les coûts.
Merci infiniment pour votre temps et votre attention.
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D'accord, je vais parler un peu plus lentement.
Le Québec est riche de 25 années de leçons, de succès et de défis en lien avec son réseau de services de garde. Au Québec, la pertinence d'offrir des services de garde à faible coût est un débat qui est pratiquement clos. Le réseau est néanmoins confronté à d'autres défis qui sont bien documentés, comme le manque de places, la qualité des soins et les problèmes de recrutement et de rétention du personnel. Ces problèmes étant déjà très bien documentés, je souhaite aujourd'hui faire la lumière sur trois leçons qui sont moins connues de l'expérience québécoise en lien avec son réseau de services de garde à la petite enfance.
La première leçon à retenir est que tous les services de garde ne sont pas des garderies.
Dans l'Énoncé économique de l'automne de 2020, Chrystia Freeland a affirmé que « tout comme la Saskatchewan a pavé la voie au Canada en matière de santé […], le Québec peut montrer au Canada le chemin à suivre quant aux garderies ». La vice-première ministre a donc voulu s'inspirer du modèle québécois pour mettre en place un réseau national de services de garde. Or, le modèle québécois, dans sa forme originale, n'est pas celui d'une offre prépondérante de services dans des garderies, mais bien, comme M. Fortin l'a mentionné, dans les CPE, soit les centres de la petite enfance. Il est important de savoir que les termes « garderies » et « CPE » ne sont pas des synonymes, parce qu'ils ne font pas référence au même type de service de garde.
Par définition, une garderie est une entreprise privée dont la finalité est de faire du profit. Les garderies ne sont donc pas au cœur du modèle québécois. J'ouvre une parenthèse brièvement ici pour mentionner qu'au Québec il existe deux types de garderies: celles qui offrent des places subventionnées au même prix que celles offertes dans les CPE, et celles non subventionnées qui offrent des places au prix courant, qui est bien au-delà de 10 $ par jour. En revanche, tous les CPE sont issus de l'économie sociale et ne sont pas à but lucratif. Un CPE, par définition, ne peut donc pas être une garderie.
La différence entre un CPE et une garderie n'est pas uniquement sémantique, et elle n'est pas idéologique non plus. Comme l'a mentionné M. Fortin, les garderies au Québec offrent des services de qualité moindre comparativement aux CPE, même si, dans l'ensemble, le Québec ne peut se targuer d'offrir des services de garde de qualité à une majorité d'enfants. Au début des années 2000, une étude a montré que seulement 27 % des milieux de garde offraient un niveau de qualité allant de bon à excellent, une proportion qui grimpait à 35 % dans les CPE, mais qui chutait à 14 % dans les garderies.
La deuxième leçon à retenir est que, même lorsque la majorité des places sont offertes à faible coût, les familles moins nanties ont un accès moindre à un service de garde de qualité.
Encore là, je vais faire un peu écho à ce que M. Fortin a déjà mentionné. Au Québec, on sait que 36 % des enfants de moins de 4 ans n'ont pas accès à un service de garde régi. On sait pourtant très peu de choses sur ces enfants et sur les barrières systémiques, économiques et culturelles qui freinent l'accès des familles à un service de garde.
Le Rapport du Vérificateur général du Québec à l'Assemblée nationale pour l'année 2020‑2021 offre néanmoins quelques éclairages sur les disparités dans l'accès à un service de garde de qualité pour les familles de Montréal. Par exemple, dans les quartiers Parc‑Extension et Saint‑Michel et dans l'arrondissement Montréal‑Nord, hautement défavorisés, le nombre de places offertes est beaucoup plus élevé dans des garderies que dans les CPE. En revanche, à Westmount, un quartier de Montréal particulièrement riche, plus de places sont offertes dans les CPE. En termes simples, les familles plus pauvres ont davantage accès à des garderies commerciales, qui offrent des services de moindre qualité, alors que les familles plus riches ont en ce moment un meilleur accès aux CPE.
La troisième et dernière leçon à retenir est que l'effet positif des services de garde sur l'activité économique des mères au Québec doit être contextualisé.
La mise en place d'un réseau de services de garde a été largement justifiée et, avec raison, par l'importance de soutenir la participation des femmes au marché du travail et par la nécessité d'atteindre l'égalité entre les genres.
Si l'effet des services de garde sur la participation des mères au marché du travail est indéniable — je suis moi-même la mère de trois enfants et je n'aurais pas pu poursuivre mes études doctorales et ma carrière si je n’avais pas pu compter sur des services de garde à faible coût —, il faut rappeler que le Québec dispose d'une politique familiale cohérente, qui dépasse celle de l'offre de services de garde à faible coût.
Depuis 2006, le Québec dispose de son propre programme de prestations parentales, le Régime québécois d'assurance parentale, qui offre des prestations plus accessibles et plus généreuses que celles offertes partout ailleurs au Canada. La forte participation des mères au marché du travail résulte donc d'un contexte institutionnel qui va au-delà de la disponibilité des services de garde, même si ces derniers sont essentiels.
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Je pense qu'il existe une certaine confusion relativement à la terminologie. Selon ce que je comprends, les garderies en milieu familial, que nous appelons en Alberta «
day homes », sont incluses en vertu de cette entente sous le modèle sans but lucratif. À mes yeux, c'est déroutant et trompeur, parce que ces entreprises correspondent tout à fait au modèle à but lucratif. Elles sont dirigées par des femmes qui sont pour la plupart au foyer. Il est permis d'avoir un certain nombre d'enfants chez soi. L'agrément est souhaitable. Je soutiens entièrement l'agrément et la réglementation de services de garde de qualité.
Mais ce service est différent de celui qu'offre mon centre, par exemple. J'exploite une garderie privée. Je loue un espace commercial. Mes activités sont régies par les mêmes règles et les mêmes normes que celles qui s'appliquent au modèle sans but lucratif. Nous suivons les mêmes lignes directrices. Seul le modèle d'affaires est différent.
Il faut faire la distinction. À mon avis, les garderies en milieu familial ont un modèle d'affaires à but lucratif. Le fait de les inclure dans une structure sans but lucratif est trompeur, selon moi. En vertu de cette entente, les garderies privées à but lucratif ne peuvent ni élargir leurs activités ni offrir un meilleur accès aux familles, comme peuvent le faire les services de garde sans but lucratif.
Je suis convaincue que, si l'on est favorable à l'accessibilité des familles aux services de garde et que l'on veut réduire les listes d'attente et la demande qu'on constate partout, il faut inclure tous les fournisseurs de services de garde agréés.
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Je vais m'appuyer sur l'expérience du Québec pour répondre à votre question.
Des programmes de conciliation travail-études ont été récemment mis en place par le gouvernement du Québec. Une étudiante du CÉGEP, ou collège si vous préférez, a ainsi la possibilité de devenir éducatrice en garderie et d'être payée pendant ses études. Elle peut également recevoir une bourse après chaque semestre complété, et faire reconnaître officiellement son expérience de travail.
Au Québec, le gouvernement avait mis en place un programme en 2020 visant à recruter 10 000 préposés aux bénéficiaires. Je suis désolée, je ne connais pas le terme en anglais. Ce programme avait pour objectif d'embaucher des travailleurs dans les établissements de soins de longue durée. Le programme a connu du succès, même si ce ne sont pas tous les employés qui ont conservé leur emploi une fois le programme terminé. Le gouvernement a ainsi pris l'initiative d'inciter un grand nombre de personnes à s'intéresser à cette profession.
Ce sont là quelques-unes des initiatives qui ont été lancées. Il y a eu des programmes de conciliation travail-études, et c'est vraiment une question de volonté politique, je dirais.