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Membres du Comité, le greffier me fait savoir que nous avons un quorum et que la qualité du son des personnes qui comparaissent virtuellement a été testée. Je déclare donc la séance ouverte.
Soyez les bienvenus à la 72e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 23 juin 2022. Les membres participent en personne dans la salle ou virtuellement en utilisant l'application Zoom. Afin de garantir le bon déroulement de la réunion, je vous demanderai d'attendre que je vous nomme pour prendre la parole. Je demande aux personnes qui comparaissent en mode virtuel d'utiliser l'icône « Lever la main » située en bas de leur écran. Par ailleurs, vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Si l'interprétation est interrompue, veuillez attirer mon attention. Nous suspendrons la réunion le temps que le problème soit réglé.
Rappelez-vous aussi que les captures d'écran sont interdites pendant la réunion d'aujourd'hui.
Conformément à l'article 108(2) et à la motion adoptée par le Comité le lundi 17 octobre 2022, le Comité reprend son étude sur la financiarisation du logement.
Encore une fois, la qualité du son des témoins qui comparaissent virtuellement a été vérifiée et nous pouvons commencer.
Je souhaite la bienvenue aux témoins, qui disposeront de cinq minutes pour présenter leurs observations préliminaires, après quoi nous passerons aux questions.Je demanderai aux témoins de respecter le plus possible la limite des cinq minutes.
Pendant la première heure, nous avons Christian Szpilfogel, directeur des investissements chez Aliferous; Ray Sullivan, directeur général, Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine; et Michael Brooks, directeur général, Association des biens immobiliers du Canada.
Nous commencerons par M. Sullivan. Vous disposez de cinq minutes. Je vous en prie.
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Je vous remercie, monsieur le président. Hello, bonjour,
kwe, à tous celles et ceux qui écoutent et qui sont présents.
L'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine est une association nationale constituée de membres et elle représente le secteur du logement abordable et à but non lucratif. Je m'appelle Ray Sullivan. Je suis le directeur général de l'Association. Nos membres sont des fournisseurs de logements coopératifs et à but non lucratif, des organismes qui interviennent sur le terrain en matière de logement, des associations de location, des gouvernements provinciaux et des administrations municipales. Nous essayons de provoquer de toutes parts des actions systémiques en faveur du droit au logement, et nos membres ont les compétences nécessaires pour cela.
Je concentrerai mes observations sur une solution importante qui atténuera les effets des marchés locatifs financiarisés et qui soutient les organismes à but non lucratif et les coopératives dans l'achat de propriétés locatives existantes, afin de préserver les loyers abordables et de protéger ces logements. Avant d'en arriver là, je tiens à attirer l'attention sur deux éléments clés.
Le premier est qu'il y a un seul marché du logement interconnecté. Qu'il s'agisse des nouveaux propriétaires, du marché de la revente, des locations haut de gamme, des locations abordables sur le marché plus ancien ou des maisons de chambres à but lucratif, tous font partie du même marché du logement. Ce qui arrive à un maillon de la chaîne secoue tous les autres aussi. Si cette chaîne est assez secouée, les personnes à faible revenu et à revenu modeste, qui sont les plus vulnérables économiquement, se retrouvent sans logement du tout ou elles doivent payer plus de la moitié de leur revenu en loyer tous les mois et elles risquent de perdre leur logement.
Le deuxième élément sur lequel je veux attirer l'attention est un modèle d'affaires qui cause des dommages considérables. Je donnerai un peu plus de détails.
Premièrement, la valeur des propriétés locatives repose sur les rentrées de fonds qu'elles permettent. C'est différent de l'achat de son propre logement. Prenez deux petits immeubles d'habitation identiques se trouvant côte à côte. Ils sont identiques en tout, sauf que l'un d'eux a des loyers élevés, probablement parce que la majorité des locataires sont nouveaux, et l'autre a des loyers plus faibles, probablement parce que les locataires y vivent depuis longtemps. La propriété qui a des loyers élevés, qui génère un revenu locatif net supérieur, vaut plus sur le marché que celle aux loyers plus faibles, quand bien même les deux propriétés sont identiques par ailleurs.
Ce n'est pas compliqué. Si vous achetez une propriété locative, vous devez chercher quelque chose avec de faibles loyers — des loyers inférieurs au prix du marché — parce que cela vous donne la plus grande capacité d'augmenter le revenu locatif et, donc, la valeur de votre bien immobilier. Vous pouvez vendre ce bien pour beaucoup plus que vous ne l'avez payé. C'est très simple.
Cependant, les marchés s'adaptent très vite. Le marché immobilier locatif sait que les propriétés à loyers plus faibles sont souvent synonymes de locataires de longue date. Ces unités peuvent être rachetées puis rénovées de manière à augmenter le revenu locatif. En fait, ce sont les loyers potentiels, les loyers gonflés, et pas les loyers réels, qui dictent le prix du marché. C'est un cycle qui gonfle la valeur des propriétés, avec des répercussions sur tout le marché du logement.
Qu'est‑ce que cela veut dire pour les personnes qui y vivent? Cela veut dire que si elles y vivent depuis longtemps, qu'elles paient un loyer plus modéré, elles représentent un problème pour le nouveau propriétaire. Elles l'empêchent d'augmenter la valeur de son bien ou de générer un revenu locatif qui justifie le prix qu'il vient de payer pour ce bien. Quand j'y pense, je pense à ma grand-mère qui a loué le même appartement à Montréal avec ses sœurs pendant une quarantaine d'années. Or, nous avons là un modèle d'affaires qui veut chasser grand-mère de son appartement. Voilà le cycle qui considère que le loyer abordable de grand-mère constitue un obstacle.
Ce modèle d'affaires met en danger ce dont nous avons le plus besoin, c'est‑à‑dire la sécurité et la stabilité du logement et des loyers abordables sur le marché. Nous le voyons clairement dans tout examen de la crise du logement abordable. Il y a une perte massive de logements à loyer abordable pour les ménages à revenu faible ou modeste.
Il y a une hausse des loyers moyens. En fait, le loyer de logements disponibles augmente de plus de 10 % dans tout le pays, ce qui est nettement supérieur à la progression des revenus. Il en résulte une forte augmentation de la précarité du logement et du sans-abrisme, et c'est pour les ménages un obstacle à l'accession à la propriété. Cette situation met en péril nos objectifs en matière d'immigration. Elle nuit à notre économie et à notre productivité. Or, c'est la financiarisation qui alimente ce cycle.
Comment faire pour interrompre le cycle de la financiarisation? En comparaison d'autres pays de l'OCDE, le Canada a une très petite offre de logements coopératifs et à but non lucratif. Il y a 30 ans, le logement communautaire représentait 6 % ou 7 % de l'offre totale de logements. Aujourd'hui, il n'en représente plus de 3 % ou 4 % environ.
Évidemment, quand nous parlons de logements communautaires, les organismes concernés n'ont pas pour objectif et pour mission d'augmenter la valeur marchande de leurs actifs, mais de fournir des logements sûrs et abordables. Le but est que grand-mère et ses sœurs aient un logement stable abordable pendant aussi longtemps qu'elles le souhaitent,
Une bonne offre de logements communautaires stabilise le marché locatif et garantit une offre de logements locatifs abordables pour des personnes à revenu faible et moyen. Parlons de faire passer les propriétés locatives de la colonne A à la colonne B — d'un modèle d'affaires où le loyer abordable de grand-mère est un problème à un modèle où il est l'objectif même de ce que nous essayons de faire.
Soutenir les organismes à but non lucratif et les coopératives dans l'achat de propriétés locatives existantes afin de préserver les loyers modérés, c'est la définanciarisation à l'oeuvre. Ce n'est pas nouveau.
Je fais partie des directeurs de l'organisme Eastern Ontario Landlord Organization, ou EOLO, qui a été fondé en 1990. EOLO représente des fournisseurs de logements locatifs de toutes tailles, à eux tous propriétaires et exploitants de plus de 40 000 logements locatifs à Ottawa.
L'EOLO est membre de la Fédération canadienne des associations de propriétaires immobiliers, la FCAPI, dont le président, M. John Dickie, fait partie du prochain groupe de témoins, si j'ai bien compris. M. Dickie m'a fourni une copie du mémoire de la FCAPI rédigé conjointement avec la Fédération des fournisseurs de logements locatifs de l'Ontario, la FRPO.
Je suis aussi vice-président de l'Ottawa Real Estate Investors Organization, l'OREIO, organisme fondé en 2002, composé de petits investisseurs immobiliers et de personnes qui leur fournissent des compétences et des services.
J'ai appris à connaître les problèmes auxquels les petits promoteurs immobiliers et les petits propriétaires de logements locatifs doivent faire face grâce à ma propre expérience en la matière et en côtoyant mes collègues à l'OREIO. Nous sommes nombreux à avoir de petites sociétés qui construisent et exploitent des logements locatifs. C'est chose courante, même chez les investisseurs et les fournisseurs de logements locatifs à relativement petite échelle.
Comme la CFAPI, je pense que la hausse des loyers s'explique par le fait que l'offre accuse un retard sur la croissance de la population et de la demande de logements locatifs. C'est principalement le résultat des taxes et des frais excessifs prélevés par le gouvernement — qui font augmenter le coût des constructions neuves et aussi des délais d'approbation des permis de construire. C'est quelque chose que mes collègues et moi avons nous-mêmes vécu plusieurs fois.
Selon une estimation récente de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, il faudra 3,5 millions de logements de plus au Canada d'ici 2030. Pour cela, il faudrait doubler le nombre annuel de nouveaux logements créés à l'heure actuelle. Il faudrait donc encourager les petits investisseurs, les fiducies de placement immobilier, les FPI, et les entreprises de toutes tailles à offrir davantage de logements locatifs, plutôt que de leur imposer des taxes plus élevées et des restrictions plus sévères qui tendent à décourager l'entrée sur tout marché et, partant, à diminuer le nombre de logements locatifs avec les règles actuelles par rapport à ce qu'il serait autrement.
La taille et la complexité des fournisseurs de logements locatifs varient considérablement, mais pratiquement tous les fournisseurs de logements locatifs privés veulent gagner un revenu net raisonnable et augmenter la valeur de leurs bâtiments. Ils y parviennent en offrant un bon rapport qualité-prix et en gérant efficacement les coûts.
Les fournisseurs de logements locatifs, peu importe leur taille, cherchent à exploiter leurs bâtiments à un niveau de service et de coût optimal, ce qui comprend l'amélioration des immeubles locatifs pour les rendre conformes aux normes environnementales et d'accessibilité plus élevées et la modernisation des logements lorsque la demande de logements locatifs modernisés rend l'opération rentable.
Si les règles fiscales ou les règles hypothécaires de la SCHL devaient changer au détriment des promoteurs immobiliers, je m'attendrais à un exode des capitaux chez les petits et les grandes entreprises. Je constate déjà que de petits investisseurs canadiens qui misaient sur des projets au Canada investissent maintenant dans des États américains plus favorables à la construction de logements. Ils cherchent des endroits où la demande de logements locatifs est en hausse, où les permis de construire sont accordés rapidement, et où le gouvernement impose peu de frais et n'encadre pas les loyers. En fait, de plus en plus d'investisseurs canadiens cherchent à se renseigner sur les conditions d'investissement sur le marché immobilier américain.
Il serait contre-productif d'adopter des règlements qui vont à l'encontre de la financiarisation et qui font baisser le nombre de FPI et d'autres fournisseurs de logements locatifs à but lucratif. Ce serait mettre un frein à l'investissement dans la construction de logements locatifs et à la modernisation des logements existants vieillissants, et nous aurions tôt fait de réduire l'offre et l'abordabilité des logements locatifs, comme cela s'est déjà produit.
Je vous demande instamment de déconseiller des restrictions visant les FPI et les sociétés, petites et grandes, ainsi que de nouvelles règles fiscales visant à influencer les comportements, surtout dans des domaines de compétence provinciale, comme le droit du logement.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je m'appelle Michael Brooks et je suis président-directeur général de la Real Property Association of Canada, ou REALPAC. Je suis avocat de carrière. Je m'occupe depuis plus de 30 ans de transactions immobilières avec un cabinet privé et je dirige la REALPAC depuis 26 ans.
La REALPAC est une association nationale fondée il y a 53 ans. Elle représente des sociétés immobilières institutionnelles et publiques d'un océan à l'autre, quelle que soit la catégorie d'actifs et quel que soit le type d'instrument, ce qui inclut les fonds de pension, les sociétés publiques et privées, les fiducies, les fonds immobiliers commerciaux, ainsi que les fiducies de placement immobilier, ou FPI. Je suis ici aujourd'hui, de toute évidence, pour parler des logements construits spécialement à des fins de location et de la financiarisation du logement.
La situation économique de notre secteur continue d'évoluer tous les jours. Près du tiers des ménages canadiens vivent dans des logements construits spécialement à des fins de location. La hausse du prix des logements, conjuguée à la croissance démographique des jeunes et à l'augmentation de l'immigration — apparemment, 1,1 million de personnes en 2022, soit 2,7 % de notre population, ce qui est le chiffre le plus élevé depuis 1957 —, a généré une forte demande de logements locatifs au cours des dernières années, après un creux enregistré en août 2020. En août 2020, les étudiants étaient absents et nos membres offraient des primes au loyer pour remplir leurs immeubles.
En raison de l'augmentation des coûts de construction et de la hausse rapide des taux d'intérêt, qui font pratiquement doubler — voire tripler — les coûts de financement des nouveaux projets, l'offre de nouveaux logements construits spécialement pour le marché locatif diminue rapidement et cette tendance persistera probablement. Dans des villes comme Toronto, le coût de construction des appartements approche les 800 $ le pied carré et celui des appartements en copropriété dépasse les 1 200 $ le pied carré. Dans ces deux cas, compte tenu de la hausse des taux d'intérêt, la plupart des nouveaux projets ne sont pas rentables.
Jusqu'à 30 % du coût d'un nouveau logement est constitué de taxes, droits et frais gouvernementaux, dont la TPS fédérale sur la valeur de l'immeuble à l'achèvement de la construction. Or, l'augmentation des coûts d'exploitation, notamment la flambée des taux d'intérêt, des prix de la construction et du gaz naturel, et la hausse des taxes, des frais, des droits et des salaires, pèse sur les coûts d'exploitation des promoteurs immobiliers. Cette situation entraîne une pression à la hausse sur les loyers, sans parler des réparations, de l'entretien et de la modernisation des vieux bâtiments pour les rendre conformes aux normes modernes, aux codes de prévention des incendies et aux codes de la construction, y compris, éventuellement, aux exigences en matière de climatisation et de décarbonation.
Nous savons que le Canada a besoin de 3,5 millions de logements supplémentaires d'ici 2030 pour rétablir l'abordabilité, selon la SCHL. Cependant, dans de nombreuses villes du Canada, il faut parfois cinq ans pour obtenir des permis de construire de nouveaux logements. Comme de nombreux nouveaux projets risquent d'être mis en veilleuse, cet objectif sera difficile à atteindre.
Notre secteur a besoin de capitaux pour construire et réparer des logements. Ces fonds doivent rapporter. Qu'il s'agisse de nouveaux capitaux pour la rénovation ou la construction d'un autre bâtiment, l'investissement doit être rentable. Taxer lourdement ces revenus est contre-productif.
Le marché des logements construits spécialement à des fins de location est un secteur capitalistique, et il sera essentiel de continuer à attirer les capitaux du secteur privé. La REALPAC soutient le droit à un logement convenable et est prête à discuter avec tout le monde, de toute allégeance politique — y compris nos collègues du secteur à but non lucratif — de la façon d'avancer à cet égard et de maintenir le parc en bon état. Nous croyons que le maintien en bon état et la gestion professionnelle sont des voies à suivre.
Nous proposons quatre idées dans notre mémoire.
Des programmes d'aide au loyer sont absolument nécessaires aux trois paliers de gouvernement. Nous sommes favorables à leur maintien et, en fait, à leur renforcement. Mieux vaut moderniser un bâtiment ancien et aider les locataires qui y restent que ne faire aucune réparation.
Nous devons veiller à la construction de nouveaux logements en nous appuyant sur un modèle de financement durable et compétitif, comme le programme américain de crédit d'impôt à la construction de logements destinés aux personnes à faible revenu. Adaptez ce programme au Canada et mettez‑le en place.
Nous réfléchissons à un code de conduite pour notre secteur. Comment la REALPAC peut-elle fixer la barre haut pour tout le monde dans notre industrie? C'est quelque chose sur lequel nous pourrions travailler ensemble.
Enfin, nous estimons qu'il est nécessaire de créer un conseil consultatif de l'industrie afin de travailler plus en collaboration avec tout le monde au gouvernement fédéral sur de vraies solutions qui soient pratiques et qui donnent des résultats.
Je dirai, pour conclure, que le secteur privé a la vitesse, l'ampleur et la portée voulues pour résoudre ces problèmes d'offre. Nous représentons 96 % du marché. Nous devons être à la table avec vous tous.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
Je commencerai par M. Brooks. Dans votre mémoire, vous expliquez qu'il y a au Canada six fiducies de placement immobilier résidentiel cotées en bourse qui représentent environ 6 % du marché locatif canadien. Après une trentaine d'années d'existence, c'est ce qu'elles représentent. Cela correspond à environ 3 % du marché primaire et secondaire du logement locatif au Canada. Il est beaucoup question ici de ces fiducies, des FPI. Certains les qualifient de mauvais joueurs, entre autres.
Pouvez-vous nous en dire plus à leur sujet? Sachant très bien qu'il y a de mauvais joueurs dans tous les secteurs, pouvez-vous en dire un peu plus sur les FPI et expliquer pourquoi elles jouent, en fait, un rôle important sur le marché?
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Je vous remercie de la question, par l'intermédiaire de la présidence, monsieur Aitchison.
Il existe des FPI dans 42 pays, et leur nombre augmente. Il y en a dans tous les pays du G7. Elles permettent à de petits investisseurs d'acheter des biens immobiliers importants tout comme des personnes riches. C'est l'investisseur individuel qui y gagne. Beaucoup de personnes investissent dans des FPI pour constituer un revenu de retraite, par exemple. Il arrive que les grands fonds de pension investissent dans des FPI parce que l'immobilier fait un bon contrepoids aux actions et aux obligations. C'est une bonne catégorie de biens, de manière générale.
Les FPI font partie, à mon avis, de la meilleure catégorie de propriétaires au Canada. Pourquoi? Pour les raisons suivantes: elles ont accès à des capitaux, elles peuvent réparer des immeubles, elles ont des portails des locataires, elles ont des gestionnaires professionnels, elles ont une réputation et elles ont des déclarations relativement aux principes environnementaux, sociaux et de gouvernance. Elles font partie des meilleurs propriétaires au Canada. L'Australie essaie d'attirer un système de construction à des fins locatives, tout comme le Royaume-Uni. Les FPI sont un très bon exemple de système de construction à des fins locatives dans ce pays.
Je peux aller assez vite, je pense, monsieur le président.
Ma prochaine question est pour M. Sullivan.
Je sais que les deux messieurs qui parlaient du point de vue des fournisseurs de logements locatifs du secteur privé ont reconnu l'importance aussi du secteur à but non lucratif.
Étant donné l'ampleur de la crise du logement dans ce pays, pensez-vous que le secteur privé ait un rôle important à jouer pour ce qui est de résoudre le problème, en plus du secteur à but non lucratif et du secteur public?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui, virtuellement ou en personne.
Je commencerai par M. Brooks.
Monsieur Brooks, durant les années où j'étais conseiller municipal, j'ai eu l'occasion de travailler avec une FPI qui a acheté un certain nombre de propriétés dans ma municipalité et, plus particulièrement, dans mon quartier. Après ses achats, j'ai eu l'occasion de travailler avec les associations de locataires qui avaient affaire à la FPI.
Je dois dire que je pourrais probablement écrire un livre sur le sujet, mais je ne raconterai pas tout aujourd'hui. Je me contenterai de dire que, selon moi, la plupart des gens se sont réjouis à l'idée qu'il y aurait un investissement massif dans la rénovation et la réparation des cinq immeubles qui composaient un complexe de maisons en rangée qui était acheté. Toutefois, à la fin de ce processus de rénovation de 18 mois, le taux légal a été relevé, puis il y a eu une approbation d'augmentation de loyer. Ce dont on s'est d'abord réjoui comme étant une excellente occasion d'améliorer la qualité de vie des résidants n'a pas tardé à être vécu autrement, en raison des hausses de loyer et de l'incapacité de payer les augmentations supérieures au taux légal qui ont été approuvées plusieurs années de suite.
En tant que législateur, je souhaite certainement trouver des moyens de soutenir le secteur privé, qui est très important pour créer une nouvelle offre et qui peut nous aider dans les rénovations et les réparations. Je souhaite trouver un moyen d'encourager ces rénovations et ces réparations, tout comme votre industrie, avez-vous dit, mais je souhaite aussi faire en sorte qu'une fois qu'elles ont eu lieu, les loyers restent abordables.
Selon vous, comment peut‑on régler ce problème? Il peut être très compliqué et très important pour les locataires qui vivent dans un logement très abordable, mais qui se retrouvent un an plus tard dans un logement tout autre, du point de vue du prix, que celui qu'ils occupaient avant l'arrivée de la FPI.
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Par l'intermédiaire de la présidence, je pense que c'est une très bonne question, un très bon point, et c'est probablement un sujet avec lequel beaucoup de propriétaires se débattent.
Il n'est possible de recouvrer que certains types d'améliorations à un immeuble dans le cadre d'une augmentation supérieure au taux légal, du moins en Ontario. La période d'amortissement est souvent longue pour ces dépenses. Il ne peut s'agir que d'éléments essentiels. Donc, pour beaucoup de propriétaires, il s'agit d'essayer de mettre l'immeuble aux normes et, peut-être, de réduire les coûts en réparations et en entretien par la suite, à court terme, mais il se peut qu'on laisse des gens de côté.
C'était mon argument quand je parlais d'avoir un meilleur système aux trois paliers de gouvernement pour les programmes d'aide au loyer pour ceux qui en ont besoin. Je pense qu'il vaut mieux aborder le problème de cette manière que d'empêcher des augmentations supérieures au taux légal et d'empêcher toute réparation et tout entretien. Très souvent, l'évaluation se fait immeuble par immeuble. Il est difficile de généraliser.
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Comment tirer parti, alors, de votre accès à des capitaux?
Vous avez souligné aujourd'hui votre capacité d'investir dans des propriétés. Ce que je veux encourager, c'est la création d'une nouvelle offre. Il me semble que votre industrie vient d'opérer un virage de l'achat d'un parc existant à la construction de nouveaux bâtiments. Je vis dans un immeuble ici, à Ottawa, qui est un ancien hôtel. C'est un bon, un très bon exemple de FPI qui achète quelque chose et crée de nouveaux logements locatifs.
Comment peut‑on inciter à créer une nouvelle offre, espérons‑le, abordable, tout en cherchant des moyens de décourager l'achat des logements existants qui entraîne certaines des complications que je mentionnais plus tôt à propos de l'augmentation des loyers?
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Je dirai, en réponse à la première question, que pour ce qui est d'une nouvelle offre... J'ai mentionné dans mes observations que beaucoup de nouveaux projets — que l'on soit une entité à but lucratif ou à but non lucratif — ne sont pas rentables parce que les taux d'intérêt et les coûts en général sont trop élevés.
Nous avons besoin d'un répit — une exemption de frais fonciers, par exemple; des terrains donnés par les municipalités; des taux d'intérêt inférieurs, des subventions. J'ai parlé de ce crédit d'impôt aux logements pour personnes à faible revenu qui pourrait être adapté au Canada. Il s'applique aux entités à but non lucratif et aux entités à but lucratif. C'est un outil très utile. Il existe aux États-Unis depuis 1986. Du côté de l'offre, il faudrait qu'un ou deux coûts baissent, ou peut-être que les 30 % de taxes soient réduits.
En ce qui concerne les immeubles existants — si je peux finir —, je ne crois pas qu'on devrait en décourager l'achat. Je pense que nous devons trouver, peut-être dans le cadre de mon code de conduite, un moyen de moderniser ces immeubles et d'en prolonger la vie utile, tout en sachant qui est laissé de côté et en traitant ces personnes le plus humainement et le plus équitablement possible.
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Je vous remercie de la question.
Je pense que c'est quelque chose que nous devons surveiller lorsque nous parlons de ce sujet. C'est là que vivent les gens. C'est la stabilité et le fondement de leur vie. Nous parlons de leurs logements.
Le nombre de personnes déplacées sur le marché locatif est extraordinaire. Il y a quelques mois, l'Université de la Colombie-Britannique a publié un rapport qui montre que, dans le pays, environ 65 % des expulsions ne résultaient pas de fautes — les personnes expulsées payaient leur loyer, étaient de bons voisins et ne dérangeaient pas leurs voisins d'immeuble. Ils ont été expulsés de leur immeuble. Il y a assurément des cas où des personnes ont été expulsées de leur logement pour que le propriétaire puisse investir dans la propriété et la rénover. Il y a aussi des cas où les personnes font des rénovations afin de pouvoir se débarrasser de locataires pour augmenter le loyer.
Qu'on ne s'y trompe pas, les loyers sont fixés en fonction de ce que le marché supportera. Il ne s'agit pas d'un pourcentage au‑dessus des coûts du propriétaire. Si le propriétaire peut obtenir un loyer plus élevé, il le fera. Ce sont les affaires et c'est tout à fait juste. Ce que je dis, c'est que nous devons concilier cela et une offre abondante de logements communautaires et à but non lucratif pour les personnes vulnérables sur ce type de marché.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Notre étude est très importante. Nous parlons de la financiarisation du logement, mais, surtout, du logement abordable. Nous connaissons les besoins, mais nous arrivons difficilement à offrir des logements abordables pour toutes sortes de raisons.
La Stratégie nationale sur le logement est pourtant constituée de plusieurs programmes et elle comprend un investissement public d'environ 80 milliards de dollars. Selon nous, il est essentiel non seulement de créer des logements abordables, mais aussi de s'assurer de l'abordabilité de ceux-ci de façon durable.
Monsieur Sullivan, je vous remercie de votre témoignage.
Vous avez dit qu'il fallait miser sur le parc communautaire. Selon vous, le fédéral en fait-il assez en matière de construction de logements abordables hors marché?
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Je vous remercie de la question.
Je vous offre mes excuses, mais je vais y répondre en anglais, puisque je m'exprime mieux dans cette langue.
[Traduction]
Le gouvernement fédéral a pris une mesure très importante en adoptant la Stratégie nationale sur le logement, il y a cinq ans. Elle a marqué un retour bienvenu à l'espace où le gouvernement fédéral était très actif auparavant, et cela a eu un impact. Le défi est que beaucoup de choses ont changé dans le paysage au cours des trois dernières années, notamment en ce qui concerne le taux d'intérêt, le coût et le marché du logement en général. Il est important de procéder à une mise à jour des programmes de la Stratégie nationale sur le logement afin de combler les lacunes qui n'existaient pas il y a cinq ans.
Comme je l'ai souligné, l'acquisition de propriétés existantes comme moyen rapide de faire passer des logements du marché du secteur privé à celui des logements abordables et à but non lucratif afin de protéger ces locations serait un bon exemple.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur patience au sujet du vote.
Je commencerai mes questions par M. Sullivan.
Monsieur Sullivan, j'ai été conseillère municipale pendant huit ans. Il était évident qu'un embourgeoisement s'opérait, en tout cas dans ma circonscription de Port Moody—Coquitlam, qui se classait dernièrement au troisième rang des loyers les plus élevés du pays. J'en vois d'ailleurs la manifestation sur le terrain dans les collectivités, car de plus en plus de personnes peinent à trouver un logement.
Voici ma question: pourquoi le Canada n'a‑t‑il pas une offre abondante de logements locatifs stables pour sa population?
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à vous, monsieur Brooks. Vous avez parlé du nombre de logements qu'il faudrait construire d'ici 2030 , selon la SCHL, pour rétablir l'abordabilité. C'est un chiffre fou, et pour l'atteindre, il faudrait au moins doubler la meilleure année que nous ayons jamais eue.
Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet? Je veux dire, le traitement réservé aux entreprises en fait d'impôts, d'éléments incitatifs et autres est une chose, mais pour ce qui est de la construction concrète d'un tel nombre de logements, comment allons-nous y parvenir?
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Monsieur le président, c'est la question la plus difficile qu'on m'ait posée jusqu'à présent: comment allons-nous y parvenir?
Voici le problème: nous n'avons pas assez de main-d'œuvre au Canada pour doubler la production de logements pendant la période qui nous est impartie. Nous devons modifier notre régime d'immigration pour faire venir beaucoup plus de main-d'œuvre qualifiée et ne pas nous contenter de récompenser les immigrants économiques. Nous devons intervenir dans les écoles secondaires pour dire à nos jeunes qu'un métier est une bonne carrière. Ils devraient être beaucoup plus nombreux à s'engager dans cette voie. Le bassin de main-d'œuvre est actuellement composé d'un grand nombre de baby-boomers comme moi, qui prendront bientôt leur retraite. C'est un autre obstacle.
Écoutez, 2030, c'est dans sept ans. Comme je l'ai dit, il faut cinq ans pour obtenir des autorisations dans de nombreuses villes du Canada. Même si nous devions commencer dès maintenant en présentant une demande de modification du zonage ou d'approbation d'un plan d'aménagement ou autre, il faut beaucoup de temps pour passer par certains services d'urbanisme. Nous devons nous concentrer sur la rapidité.
Dans notre secteur, nous avons toujours dit que nous avions besoin d'un zonage de plein droit. Lorsque j'ai commencé ma carrière dans les années 1980, nous avions un zonage de plein droit. Nous pouvions construire un immeuble d'habitation et simplement demander un permis de bâtir. Tant que vous respectiez le Code du bâtiment, vous construisiez de plein droit. Il fallait peut-être demander une dérogation mineure pour fermer des balcons. C'était tout dans les années 1980. Aujourd'hui, il faut tout remettre cent fois sur le métier. Tout doit passer par réunions après réunions.
Ce sont là deux exemples.
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Merci, monsieur le président.
Je suis reconnaissant à ces messieurs d'être venus nous voir et de nous avoir fait part de leurs points de vue sur la question.
Ce qui me préoccupe, et je l'ai entendu à maintes reprises, c'est que le modèle d'affaires ne fonctionne pas à l'heure actuelle. Je crois que vous avez dit que les projets « ne sont pas rentables », donc que cela n'a pas de sens.
En tant que maire d'une municipalité, je défie quiconque de demander aux municipalités de renoncer à leurs redevances de développement. Une analyse très approfondie montre pourquoi ces fonds sont nécessaires en raison de l'impact qu'ils ont sur la municipalité. Mettons cela de côté.
Les autres éléments sont l'augmentation des coûts de construction, les taux d'intérêt et le coût des terrains. Vous suggérez que si vous pouviez obtenir un terrain gratuit ou à faible coût, le modèle d'affaires pourrait être viable et susciter un certain intérêt. Comment une municipalité ou une organisation comme la SCHL pourrait-elle élaborer une proposition qui fonctionnerait et qui tiendrait compte de ces éléments pour vous donner un modèle d'affaires qui fonctionne? Comment pourrions-nous y parvenir?
Je vais commencer par M. Brooks.
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Encore une fois, monsieur le président, c'est une très bonne question.
Cela dépend des coûts pro forma. Je prendrai l'exemple du zonage inclusif. Je suis passé par un exercice de zonage inclusif dans la ville de Toronto, certains exigeant un pourcentage de logements abordables dans un projet domiciliaire, et cela a rendu les coûts pro forma prohibitifs et c'est toujours le cas.
Tout dépend du projet en question, qu'il s'agisse de 10, 15 ou 20 %. Si vous me dites que 100 % des logements doivent être très abordables, je vous dirai d'emblée que c'est probablement impossible, même avec un taux d'intérêt de 1 %. Il s'agit d'examiner les chiffres et de voir ce qui fonctionne.
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Lorsque vous envisagez de construire des logements, soyez conscients qu'environ un tiers du coût est évidemment constitué de coûts accessoires. Je pense qu'il en a été question plus tôt.
Prenons les coûts de base inévitables. Dans la ville d'Ottawa, pour construire un appartement d'une chambre, en justifiant le loyer sur la base des coûts existants, cela se traduit par un loyer plancher d'environ 1 700 $ par mois. C'est un élément très important, car si nous parlons d'abordabilité, cela signifie forcément que nous devons trouver des moyens de réduire le coût de construction. Je pense que c'est là où vous voulez en venir.
Il est évident qu'il faut examiner les coûts accessoires, en incluant des éléments comme la TVH et certains droits d'aménagement. Les coûts hypothécaires sont évidemment un élément important. Le rôle de la SCHL est utile pour aider à libérer des capitaux en vue de bâtir de nouveaux logements.
Si j'avais un seul souhait en ce qui concerne la SCHL, ce serait qu'elle souscrive des hypothèques dans une perspective un peu moins prudente, ce qui permettrait d'investir davantage de capitaux dans la construction de nouveaux logements.
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Merci, monsieur le président.
Je vais être honnête. Je ne suis pas surpris qu'au comité aujourd'hui, nous recevions quelques grands propriétaires privés qui bénéficient d'un traitement fiscal préférentiel et qui nous disent qu'ils veulent le conserver.
J'aimerais poser une question à M. Sullivan.
Monsieur Sullivan, comme vous le savez peut-être, je me suis joint à d'autres pour demander que les fonds de placement immobilier soient simplement imposés comme le sont déjà les autres propriétaires d'entreprises à but lucratif, et que ces sommes servent à construire davantage de logements abordables dont nous avons besoin. Il ne s'agit pas de diaboliser un groupe en particulier. Il s'agit d'assurer l'équité fiscale de façon générale et d'utiliser tous les outils disponibles pour construire les logements abordables dont nous avons besoin.
Ces dernières années, nous savons que les propriétaires-investisseurs privés ont augmenté leur parc de logements. Cela représente jusqu'à 20 % du parc locatif canadien. Par ailleurs, au cours des 10 dernières années, nous avons perdu 830 000 logements locatifs abordables.
Ma question, monsieur Sullivan, est la suivante: pensez-vous qu'il soit justifié de maintenir l'exonération de l'impôt sur les sociétés pour les fonds de placement immobilier?
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Merci, madame Zarrillo.
Avons-nous prévu cette situation? Non. Je ne représente pas les constructeurs de condominiums. Il s'agit d'un groupe et d'un marché distincts de ceux de nos membres. Nous représentons les personnes qui construisent des biens immobiliers générateurs de revenus à long terme. Nous répondons à la demande du marché, lorsque cela est autorisé, dans l'ensemble du pays.
Nous attendions-nous à ce que l'immigration atteigne un million de personnes? Non. Elle a atteint un sommet. Nous attendions-nous à ce que 800 000 étudiants viennent au Canada? Non. Mon collègue, M. Moffatt, parlera du manque de résidences étudiantes dans tout le pays comme d'une partie du problème.
Le rôle du marché est de répondre à la demande. Nous essayons de répondre à cette demande aussi rapidement que possible, mais le processus est lent et ardu à l'heure actuelle.
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Un groupe voulait observer le processus parlementaire. On m'a contacté il y a quelque temps. J'ai dit qu'il pouvait venir dans la dernière demi-heure d'une réunion en cours d'un comité. Il s'agit d'une réunion sur le logement, alors j'ai dit: « Je vous en prie ».
Notre collègue, se joint à nous. Bienvenue.
Nous passons maintenant au deuxième groupe de témoins. Le Comité étudie la financiarisation du logement. Nous accueillons cet après-midi, de l'Alliance des maisons d'hébergement, Gaëlle Fedida, coordonnatrice aux dossiers politiques, et Mélanie Miranda, coordonnatrice à l'habitation. De l'Alliance canadienne pour mettre fin à l'itinérance, nous accueillons Tim Richter, son président-directeur général. De la Fédération canadienne des associations de propriétaires immobiliers, nous accueillons John Dickie, son président. Il est dans la salle avec nous.
Nous allons commencer par la déclaration de cinq minutes de Mme Fedida.
Je vous cède la parole pour cinq minutes, je vous en prie.
L'Alliance des maisons d'hébergement de deuxième étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale regroupe 38 maisons, au Québec, et travaille sur le parc de logements sociaux.
J'aimerais revenir sur ce que quelqu'un a mentionné tout à l'heure, même si je ne suis pas souvent d'accord avec cette personne. Il y a effectivement probablement 5 % de la population qui a des besoins beaucoup plus particuliers et à l'égard desquels le gouvernement a une responsabilité.
Tout d'abord, il y a les femmes victimes de violence conjugale.
De plus, selon nous, les différents programmes ne sont pas adaptés aux besoins particuliers des victimes, et les procédures sont intenses et très peu flexibles. J'ajouterais que les objectifs des programmes ne correspondent pas aux besoins des femmes que nous hébergeons.
Le troisième élément se rapporte à tout ce qui touche à la mixité des enveloppes budgétaires, plus précisément ce qui est attribué au marché privé par rapport à ce qui est attribué aux organismes sans but lucratif d'habitation. On en a beaucoup parlé au cours de l'heure précédente. Je dois dire que je regrette énormément qu'on ne parle plus de logements sociaux, mais de logements abordables. Il est nécessaire de revenir à une dimension et à une compréhension sociales de ce pourcentage de population extrêmement vulnérable qui a besoin du secours de l'État.
Nous avons des recommandations précises à cet égard. Notre mémoire n'a pas encore été traduit, mais il vous sera transmis dans les prochains jours.
Premièrement, nous demandons qu'un programme soit consacré aux maisons d'hébergement afin de réellement répondre aux besoins et à la spécificité, notamment aux importants défis en lien avec la confidentialité des ressources. Ces dernières doivent rester confidentielles afin d'assurer la sécurité des femmes, des enfants et des travailleuses.
Deuxièmement, il faut que le logement social — j'insiste sur le mot « social » — soit disponible pour les victimes, quand elles sortent des refuges d'urgence ou des maisons de deuxième étape. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, à cause de la pénurie de logements sociaux. Lorsque des logements sociaux sont disponibles, il faut assurer une certaine priorisation relativement aux survivantes de violence conjugale.
La troisième recommandation porte sur la distinction des enveloppes consacrées au marché privé et des enveloppes pour les organismes sans but lucratif d'habitation, qui offrent des services aux populations vulnérables.
Quatrièmement, nous demandons au gouvernement d'appuyer toutes les recommandations de la défenseure du droit au logement, qui a récemment publié ses recommandations sur le sujet. À mon avis, ses recommandations sont toutes fort pertinentes.
Enfin, nous insistons aussi pour que les propositions soient analysées sous l'angle de la comparaison entre les sexes.
La Stratégie nationale sur le logement comprenait des cibles pour les femmes, lorsqu'on l'a négociée avec le ministre Duclos. Malheureusement, nous ne sommes pas certaines que ces cibles sont effectivement respectées. En tout cas, elles ne le sont pas dans l'accord Canada‑Québec.
Je pourrais donner plusieurs exemples au sujet des défis de ces différents programmes. Les organismes sans but lucratif d'habitation qui offrent des services sont en concurrence avec le marché privé. Or nous ne luttons pas du tout à armes égales. Par exemple, pour ce qui est de l'Initiative pour la création rapide de logements, les délais de dépôts étaient très courts. Les gens du marché privé ont évidemment beaucoup plus de moyens pour déposer ce qui est demandé dans ces délais. Les organismes communautaires venant en aide aux victimes de violence conjugale ne développent pas des projets de 100 logements. On doit s'assurer de la sécurité des femmes. Les maisons d'hébergement de deuxième étape travaillent avec les femmes les plus en danger, c'est-à-dire celles dont la dangerosité du conjoint est avérée et qui ont fait un séjour d'urgence dans une maison d'hébergement. Cela concerne 8 % des femmes qui passent au refuge d'urgence.
Les dimensions quant à la sécurité font que nous ne pouvons pas développer des ressources de plus d'une quinzaine d'unités. Évidemment, avoir une chargeuse-pelleteuse pour construire 15 unités ou avoir une chargeuse-pelleteuse pour construire 50 unités, cela coûte le même prix. Nos projets coûtent donc beaucoup plus cher. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est nécessaire de distinguer les projets qui proposent du logement social pour des populations très précises. Il ne faut pas que nous soyons en concurrence avec le marché privé à cet égard, parce que nous ne luttons pas du tout à armes égales.
Les besoins de ces populations sont extrêmes. Le déficit de places en maison d'hébergement est largement connu du ministère qui est responsable de la condition féminine.
Bonjour à tous et merci de m'offrir l'occasion de comparaître devant vous.
Comme vous le savez, le terme « financiarisation » est généralement utilisé dans le contexte du comportement de certains acteurs du marché du logement qui achètent de vieux logements locatifs à faible coût et en augmentent les loyers pour générer plus de profit. Souvent, ils le font en expulsant les locataires existants. Cette approche contribue à un problème majeur du marché canadien du logement. Comme vous le savez, le Canada perd des logements locatifs abordables à un rythme alarmant.
Selon Steve Pomeroy, un expert réputé en politique du logement, le Canada a perdu plus de 550 000 unités de moins de 750 $ par mois entre 2011 et 2021. Évidemment, cela signifie qu'il y a de moins en moins d'options abordables pour les ménages à faible revenu.
Ce phénomène à lui seul n'est pas le problème. Le grand problème, c'est l'érosion de l'abordabilité dans le marché du logement locatif. Beaucoup d'experts vous donneront une meilleure analyse du marché de la location et des problèmes d'abordabilité auxquels nous sommes confrontés — vous avez déjà entendu quelques-uns d'entre eux —, mais il me semble qu'il y a trois facteurs clés.
Le premier est une faible offre de logements locatifs. La Société canadienne d'hypothèques et de logement affirme que le Canada doit construire 5,8 millions de maisons de tous types au cours des neuf prochaines années pour rétablir l'abordabilité, mais au cours des 30 dernières années, le Canada n'a construit que 570 000 logements locatifs. Nous souffrons également d'un manque criant de logements sociaux, communautaires et supervisés à prix très abordables. La faiblesse de l'offre et la demande croissante font augmenter les loyers et diminuer l'abordabilité.
Le deuxième facteur est le coût d'une nouvelle construction. Il en coûte trois fois plus cher de construire de nouveaux logements locatifs que d'acheter des logements déjà construits, et c'est aussi beaucoup plus rapide. Cela crée une incitation financière évidente à l'achat de vieux logements.
Le troisième facteur est le manque de réglementation provinciale et de protection des locataires. Sans protection des locataires, un investisseur peut acheter une propriété bon marché et en augmenter le loyer d'un montant aussi élevé que ce que le marché peut supporter. Dans les provinces où il existe un contrôle des loyers, il y a souvent un vide réglementaire dans le cas des logements vacants, ce qui crée une incitation financière à expulser les gens pour augmenter le loyer.
Si nous nous attaquons à un seul élément du problème, comme l'achat de vieux logements locatifs à bon marché pour en augmenter les loyers et générer plus de profit, nous ne résoudrons pas le problème de l'abordabilité. En outre, nous pourrions en fait aggraver la situation en décourageant les investissements privés dont nous avons désespérément besoin. Pour rétablir l'abordabilité des logements locatifs, nous devons construire environ 1,74 million d'unités de logement expressément pour la location. La construction de ces logements locatifs coûterait au moins 610 milliards de dollars. À moins que les gouvernements ne soient prêts à investir autant, nous avons besoin d'investissements privés
Il est essentiel de mettre un terme à la disparition de logements locatifs à faible coût et d'augmenter massivement l'offre de logements au prix du marché, abordables et très abordables.
Je voudrais proposer les sept solutions suivantes.
La première est de rendre l'achat de logements locatifs existants moins attrayant sur le plan économique. Une option consisterait à taxer les achats de logements locatifs par des investisseurs privés au‑dessus d'un certain nombre d'unités, pour cibler les achats à grande échelle, ou à taxer les bénéfices de ces achats.
La deuxième solution, comme Ray Sullivan l'a dit, est de créer un fonds d'acquisition pour permettre aux ONG d'acheter et de rénover des logements locatifs et de protéger la location à faible coût. La Colombie-Britannique a annoncé récemment un programme comme celui‑ci et dès qu'il a été annoncé, les propriétaires d'appartements et les fiducies de placement immobilier sont accourus et ont commencé à vendre de vieux bâtiments. C'est un excellent moyen de préserver les logements abordables existants.
La troisième consiste à créer des incitatifs économiques pour construire. Vous avez entendu certaines de ces idées, par exemple la déduction pour amortissement accéléré et les crédits d'impôt logement à faible revenu. D'autres outils financiers ou fiscaux pourraient être très efficaces.
La quatrième consiste à inciter les provinces à mettre en place des protections pour les locataires afin d'empêcher les rénovictions. Cela pourrait être réalisé dans le cadre des négociations sur l'investissement dans les infrastructures et le logement.
La cinquième solution consiste à réviser la Stratégie nationale sur le logement afin de générer au moins 350 000 logements à loyer très abordable et à loyer fondé sur le revenu, dont 50 000 logements supervisés.
La sixième consiste à apporter une aide d'urgence au loyer des ménages à faible revenu. Le Canada subit une vague de nouveau sans-abrisme d'une ampleur comparable à celle des plus grandes catastrophes naturelles qu'ait connues le pays, car les gens sont chassés de leur logement par d'énormes augmentations de loyer. Nous avons proposé la création d'une prestation pour la prévention du sans-abrisme qui pourrait arrêter ou au moins ralentir considérablement la vague mortelle de nouveau sans-abrisme que nous vivons et protéger les Canadiens à faible revenu jusqu'à ce que de nouveaux logements puissent être construits. Il sera beaucoup plus coûteux de résoudre le problème de l'itinérance après qu'il se produira que de le prévenir.
Enfin, nous devons remanier l'Allocation canadienne pour le logement. Les trois quarts des personnes qui ont un besoin impérieux en matière de logement n'ont ce besoin que temporairement, et elles occupent toutes un logement. Les allocations de logement peuvent servir à fournir un soutien temporaire et à répondre aux changements soudains des besoins en matière de logement ou dans l'abordabilité, en tirant parti des logements privés et des logements dont le loyer est inférieur à celui du marché.
Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion. Je suis impatient d'en discuter plus à fond avec vous.
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Merci, monsieur le président.
Je suis le président de la Fédération canadienne des associations de propriétaires immobiliers. Nous représentons 15 000 propriétaires et gestionnaires de plus de 1,5 million de logements locatifs au Canada, qui font partie de 13 associations membres ou qui sont membres directs de la Fédération.
Mes principales qualifications professionnelles sont un baccalauréat en économie avec mention très honorable et une longue carrière d'avocat dans le domaine du logement locatif. J'ai commencé il y a 40 ans, et j'ai représenté des locataires pendant six ans, au sein d'associations de locataires. J'aime toujours le dire à nos membres pour qu'ils ne l'apprennent pas de la bouche de quelqu'un d'autre. Je ne cache pas que c'est là que j'ai commencé. Depuis, je représente des fournisseurs de logements locatifs de toutes tailles.
En entendant « logements locatifs », bien des gens pensent aux grands immeubles d'habitation qu'on peut voir dans toutes les grandes villes, mais on trouve aussi un grand nombre d'appartements dans des immeubles de trois étages ou des immeubles de trois, quatre ou cinq logements. Le Québec est réputé pour ses multiplexes, ses quadruplex et ses multiplex de six unités. Plus de 3 000 logements locatifs sont des maisons en rangée. L'ensemble de ces logements constitue ce qu'on appelle le marché des immeubles destinés à la location. Ce marché totalise 2,5 millions de logements.
À cela s'ajoute un peu plus d'un demi-million d'unités locatives dans le secteur du logement social, aussi appelé logements communautaires, et deux millions de logements locatifs, dont beaucoup de gens ignorent l'existence. Il s'agit des logements loués sur le marché locatif secondaire. Ce sont des maisons unifamiliales, des duplex, des jumelés, des logements supplémentaires et des appartements en copropriété loués dans des tours ou des immeubles bas. Au volant ou à pied, il est facile de se promener en ville sans se rendre compte combien de logements de ce genre sont loués, mais le fait est qu'il y en a deux millions au Canada, dont plus de 200 000 à Toronto.
L'offre locative totale au Canada atteint les cinq millions de logements. Les détails de cette offre sont exposés à la page 2 du mémoire commun de notre Fédération et de la Federation of Rental-Housing Providers of Ontario.
La plupart des logements loués, quel que soit le type, sont de bonnes solutions de rechange à d'autres formes de logement. Les appartements dans les tours sont en concurrence avec les appartements dans les constructions plus basses et les appartements en copropriété loués, ainsi qu'avec le reste du marché secondaire. En raison de cette concurrence généralisée et de la nature fragmentée du secteur du logement locatif, les grands fournisseurs de logements locatifs n'ont pas le pouvoir de fixer les loyers au‑dessus des niveaux déterminés par l'offre et la demande.
Autre question importante: les revenus tirés de la location de logements. Certains s'imaginent que la totalité ou la majeure partie de l'argent des loyers va dans les poches du propriétaire, mais c'est loin d'être le cas.
À la page 3 de notre mémoire, vous trouverez un graphique circulaire qui montre où va normalement le dollar de loyer: 14 ¢ en moyenne vont à l'impôt foncier, 12 ¢ aux services publics et 19 ¢ aux autres coûts d'exploitation. Cela fait 40 ¢, ce qui laisse 55 ¢ comme revenu d'exploitation nette, mais nous n'en avons pas fini avec les dépenses. En moyenne, 36 ¢ supplémentaires sont consacrées au paiement de l'hypothèque et 11 ¢ aux réparations majeures et à la modernisation de l'immeuble. Il ne reste que 8 ¢ sur chaque dollar de loyer comme rendement avant impôt de chaque dollar de revenu, et encore, il y a les impôts.
Dans son rapport, le Comité devra choisir entre deux points de vue très différents sur les fiducies de placement immobilier, les sociétés de logement locatif et, en fait, sur tous les fournisseurs de logements locatifs.
Notre fédération condamne toute action visant à forcer les gens à quitter leur logement. Toutefois, en vertu de notre Constitution, c'est aux provinces qu'il incombe de réglementer et d'empêcher de telles actions. En outre, nous estimons que de telles actions n'ont lieu que dans de très rares cas et que la loi fédérale de l'impôt sur le revenu n'est pas un outil approprié pour remédier à ces comportements isolés. En fait, des modifications fiscales telles que celles proposées pourraient facilement avoir des effets négatifs graves et généralisés sur l'offre de logements locatifs.
L'exclusion des FPI ou des sociétés d'assurance hypothécaire de la SCHL ou d'autres programmes de logement risquerait également d'avoir des effets négatifs graves et généralisés sur l'offre de logements locatifs.
En conclusion, la financiarisation est loin d'être un problème aussi important que certains le prétendent, et les « remèdes » proposés au Comité sont bien pire que le prétendu mal.
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Est‑ce quelque chose que j'ai dit, monsieur le président? Ils savaient que j'allais commencer.
M. John Dickie: Non, ce doit être quelque chose que j'ai dit.
Des députés: Ah, ah!
M. Scott Aitchison: Je voudrais m'adresser d'abord à M. Richter, en fait.
Je veux plus particulièrement parler de certains des commentaires que vous avez faits dans votre déclaration liminaire. Vous avez dit: « Si nous nous attaquons à un seul élément du problème, comme l'achat de vieux logements locatifs à bon marché pour en augmenter les loyers et générer plus de profit, nous ne résoudrons pas le problème de l'abordabilité » et nous risquons même de l'aggraver. Pour rétablir l'abordabilité du logement locatif, vous avez dit que nous avons besoin d'environ 1,74 million de logements et que ce n'est pas en faisant fuir les investissements du secteur privé que nous y parviendrons.
J'aime bien que vous reconnaissiez que nous avons besoin que tout le monde s'attelle à la tâche. Nous n'essayons pas de diaboliser qui que ce soit en particulier.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, monsieur Richter?
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Une partie de notre défi réside dans le fait que nous sommes dans un trou important. Lorsque vous êtes dans un trou, il faut s'arrêter de creuser. Nous devons trouver un moyen de ralentir ou d'arrêter cette perte de logements locatifs abordables.
Comme je l'ai dit, on peut probablement y parvenir en combinant la création d'une ONG, comme Ray Sullivan l'a évoqué, ou d'un fonds qui permettrait d'acheter certains logements plus anciens. Rendez la construction plus attrayante et l'achat moins attrayant et le marché ira naturellement là où se trouve le meilleur débouché financier et le comportement changera probablement.
Je pense qu'il faut être très prudent avec cette approche très peu nuancée qui consiste à modifier le traitement fiscal des FPI ou à procéder à des modifications fiscales radicales à grande échelle.
Je pense que nous pouvons être beaucoup plus ciblés que cela. Cependant, il faut décourager le comportement qui cause la perte de ces logements. Je le répète, l'effet de cette perte de logements est amplifié par l'offre de logements insuffisante.
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Oui. Statistique Canada a mené une enquête auprès des locataires en 2021. On a constaté que 7 % des locataires avaient été expulsés à un moment ou à un autre de leur vie. Maintenant, en supposant que l'expérience moyenne de location est de 10 ans — pour beaucoup de gens, c'est 20, 30 ou 40 ans — cela signifie que sept dixièmes de 1 % des locataires sont expulsés chaque année. Autrement dit, il s'agit de sept locataires sur mille.
Statistique Canada a ensuite demandé la raison de l'expulsion, et seulement 10 % de toutes les expulsions étaient liées à la démolition, à la conversion ou à des rénovations majeures. Cela signifie que, chaque année, moins d'un locataire sur mille est expulsé pour ces raisons. Si l'on déduit les démolitions nécessaires à la densification ou à la construction de nouvelles lignes de transport en commun, on peut estimer que seul un locataire sur 2 000 est expulsé pour cause de rénovation. La grande majorité des expulsions ont lieu sur le marché secondaire, pour la vente d'un bien ou pour l'usage personnel du propriétaire, puis nous avons les conflits avec le propriétaire ou d'autres locataires et les arriérés de loyer. Une infime partie d'un petit nombre d'expulsions découle donc de rénovations.
Un autre tableau dans notre mémoire traite de cette question, avec des statistiques plus anciennes du Wellesley Institute, un groupe de lutte contre la pauvreté. Il se trouve à la page 7 du mémoire.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Dickie, vous venez de parler des provinces. C'est une bonne entrée en matière, qui m'amène à ma prochaine question.
Je vais commencer par M. Richter, puis je poursuivrai avec Mme Fedida, de l'Alliance des maisons d'hébergement de deuxième étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale.
Le gouvernement a légiféré sur la question du droit au logement. On a engagé le gouvernement fédéral à réfléchir sur des politiques publiques en matière de logement qui seraient basées sur les droits de la personne. Il a nommé une commissaire fédérale défenseure du logement.
Comment pensez-vous que l'approche des droits de la personne peut s'appliquer à la financiarisation du logement?
Comment pouvons-nous utiliser cette approche, qui relève de la réglementation provinciale, pour légiférer et contrer la spéculation du marché ainsi que la financiarisation du logement?
Tout le monde est d'accord pour dire que la réglementation liée au logement est une compétence qui relève des provinces. Qu'est-ce que nous, au gouvernement fédéral, pouvons faire? Nous nous sommes engagés, entre autres choses, à travailler sur un registre des propriétaires.
À votre avis, comment la législation fédérale peut-elle aider dans ce dossier? Comment devons-nous collaborer avec les provinces pour que nous puissions légiférer sur la question des droits de la personne et de la protection des locataires?
Monsieur Dickie, je comprends que les statistiques concernant les rénovictions peuvent vous sembler faibles, mais je représente la circonscription d'Hochelaga, et, l'un des plus grands problèmes que nous avons en ce moment à Hochelaga, ce sont les rénovictions. Une donnée statistique, peu importe qu'elle soit de 1 %, ou très faible, ce sont des gens qui sont derrière cette donnée. Personne ne mérite d'être jeté à la rue parce qu'on veut rénover un bâtiment et demander aux locataires de payer plus cher.
J'aimerais avoir les commentaires de M. Richter et de Mme Fedida sur la façon dont le gouvernement fédéral peut légiférer sur la question du droit du logement et éviter les rénovictions.
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Très brièvement, je voudrais m'inscrire en faux contre un élément de donnée que M. Dickie a présenté.
Simplement pour illustrer les données de Statistique Canada, on estime qu'entre avril 2016 et avril 2021, 253 000 à 331 000 ménages locataires comprenant 531 000 à 770 000 personnes ont été expulsées. En pourcentage, cela peut sembler assez faible, mais il s'agit de 770 000 personnes qui ont été expulsées au cours de cette période de cinq ans.
En ce qui concerne les outils dont le gouvernement fédéral dispose, je pense qu'il y a deux ou trois choses.
Tout d'abord, si le gouvernement fédéral prend le leadership en matière de logement et réalise des investissements importants, il existe généralement des accords entre le gouvernement fédéral et les provinces ou les municipalités dans le cadre desquelles il apporte une contribution financière. S'il peut assortir ces transferts de conditions obligeant ou incitant les provinces et les municipalités à respecter le droit au logement, il pourrait le faire. En vertu du droit international des droits de la personne, tous les gouvernements infranationaux sont liés par le traité signé par le gouvernement fédéral. Le Canada est tenu par le droit international des droits de la personne de respecter le droit au logement.
Il existe aussi des mesures fiscales, comme je l'ai dit.
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J'aimerais être un expert en politique fiscale, mais ce n'est pas le cas. Toutefois, je pense qu'il est possible d'appliquer la fiscalité aux achats de biens fonciers. Dans ce cas, on peut appliquer une sorte de taxe. En fin de compte, nous ne voulons pas endommager la structure de la fiscalité des entreprises. Nous ne voulons pas nécessairement endommager la structure des FPI. Il s'agit simplement d'équilibrer les facteurs économiques entre l'achat et la construction.
Il serait possible d'appliquer une taxe sur un certain nombre de logements, afin de ne pas léser les petits investisseurs, mais je pense qu'il pourrait y avoir une taxe fédérale ciblée sur les achats à grande échelle, parce que certains FPI achètent et vendent des milliers de logements, par exemple 25 000 logements en une seule opération. C'est incroyable. S'il était possible de ralentir ce type de changement à grande échelle, et du côté des petits propriétaires, soit de 50 à 100 logements, il serait possible d'avoir un impact significatif sur la financiarisation.
Je pense que le moyen le plus efficace de ralentir la financiarisation est probablement de mettre en place une réglementation provinciale sur le contrôle des logements vacants.
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Merci. Nous abondons dans ce sens.
Madame Fedida, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je profite de l'occasion pour saluer l'extraordinaire travail que vous accomplissez à l'Alliance des maisons d'hébergement de deuxième étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale. Nous savons à quel point il est important pour les femmes d'avoir un endroit où elles sont accompagnées et où elles peuvent obtenir des services sécuritaires, et vous y contribuez.
Vous avez parlé de l'importance de faire la distinction, parce qu'on ne le fait peut-être pas assez, entre « logement abordable » et « logement social ». Ce dernier est différent du logement abordable, parce qu'il garantit aux femmes d'être logées en toute sécurité, entre autres choses.
Pourriez-vous nous dire ce que cela prend de plus?
Je vais continuer à poser des questions à Mme Fedida, parce que le problème de la violence fondée sur le genre au Canada ne fait que s'aggraver, surtout au fil de la pandémie. Je tiens à souligner que ma collègue, la députée du , a soulevé cette question à la Chambre le 26 avril en disant que dans le territoire qu'elle représente, des femmes sont forcées de vivre avec leur partenaire violent. Le gouvernement doit entendre que ces femmes sont obligées de vivre dans des situations de violence, faute de logements, faute de refuges et faute de protection du système judiciaire. Le gouvernement doit aussi reconnaître que l'absence d'investissement dans le logement autochtone laisse les femmes dans la peur et dans l'incapacité de trouver un refuge.
J'entends cela aussi dans ma propre collectivité. Tri-City Transitions, dans ma collectivité des Tri-Cities, n'arrive pas à trouver suffisamment de logements pour assurer la sécurité de ces femmes.
Madame Fedida, vous pourriez peut-être nous décrire l'incidence que la pandémie a eue sur vos clientes à la recherche d'un logement.
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Pendant la pandémie, il y avait beaucoup moins de femmes dans les maisons d'hébergement, parce qu'elles ne sortaient pas de chez elles. Le problème d'accès aux logements s'est empiré depuis la pandémie. Des femmes ont réussi à sortir de chez elles pendant la pandémie et ont été hébergées, mais le problème demeure qu'il est toujours difficile de trouver un logement en sortant d'un refuge d'urgence ou d'une maison de deuxième étape. C'est toujours cela, le défi, et, comme notre responsabilité est de contribuer à assurer leur sécurité, nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser partir de la maison tant qu'elles n'ont pas trouvé un endroit correct.
Concernant les maisons de deuxième étape — nos dernières statistiques viennent de sortir —, nous sommes capables, avec un accompagnement très soutenu, de loger adéquatement 72 % des femmes qui sortent de chez nous. Cela veut dire qu'un tiers d'entre elles ne trouvent pas de logement adéquat. Ou bien ces femmes retournent vivre avec leur conjoint violent, ce qui correspond malheureusement à 5 % des femmes que nous avons hébergées cette année, ou bien elles se retrouvent dans d'autres types de logements qui ne sont pas adéquats. À cet égard, je ne suis pas certaine qu'il y ait une corrélation directe entre la pandémie de COVID‑19 et le fait qu'elles trouvent encore moins de logements. Je dirais que cela fait partie des circonstances générales. Le marché étant ce qu'il est, ces femmes n'ont pas de priorisation particulière. Elles n'ont donc aucun moyen de convaincre un bailleur de leur céder un bail. Il n'y a pas plus de moyens, puisqu'il n'y a pas d'incitatif particulier non plus, même dans le marché privé.
Au Québec, on met à l'essai des programmes de supplément au loyer spécialement pour les victimes de violence conjugale. Cela permet quand même d'avoir un soutien financier dans le marché privé, mais le problème, c'est que les locateurs ne sont pas disposés à attendre, parce qu'il y a beaucoup de procédures, dans tout cela. Le temps que les procédures se fassent, le locateur a déjà trouvé trois autres locataires pour signer le bail. C'est un autre facteur.
Tout à l'heure, je parlais de la lourdeur administrative de l'ensemble des dispositifs. Cela nous empêche de profiter de certaines possibilités liées à des projets de développement, par exemple. Aujourd'hui, nous avons eu certaines confirmations quant à du financement offert dans le cadre du Fonds national de co-investissement pour le logement, ou FNCIL, qui est un fonds fédéral, mais ces confirmations datent d'avril 2022. Nous sommes au début de juin 2023, et les ententes ne sont pas encore signées. De plus, une fois que les ententes seront signées, il faudra attendre encore plusieurs semaines pour les décaissements.
En introduction, je parlais des problèmes liés aux différents programmes et, surtout, des procédures. J'entendais un témoin dire, tout à l'heure, que cela prenait cinq ans pour faire approuver un premier projet de développement. Effectivement, cela prend beaucoup trop de temps, et une partie du temps perdu est attribuable aux procédures internes administratives à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, ou SCHL. Cela, c'est vraiment un élément sur lequel le gouvernement a un pouvoir.
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Merci, madame Zarrillo.
Il ne reste plus assez de temps pour commencer un autre tour. Nous devons absolument nous arrêter à 18 heures.
Sur ce, je tiens à remercier les témoins d'avoir comparu cet après-midi dans le cadre de cette importante étude.
Je vous rappelle qu'on m'a interrogé sur l'échéancier de présentation de mémoires écrits pour ce rapport. Il semble que nous puissions aller jusqu'à la fin du mois de juin pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de nous présenter un mémoire écrit dans le cadre de cette étude qui sera pris en compte dans la rédaction du rapport final. Ce sera donc la fin de juin.
Sur ce, comme il n'y a pas d'autres points à l'ordre du jour, plaît‑il aux membres du Comité de lever la séance?
Des députés: D'accord.
Le président: La séance est levée.