:
Chers collègues, nous reprenons nos travaux pour la deuxième partie de cette séance, qui porte sur l'examen d'un projet de loi d'initiative parlementaire.
[Français]
Soyez la bienvenue, madame Vien.
[Traduction]
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 25 septembre 2024, le Comité entreprend l'examen du projet de loi , Loi modifiant le Code canadien du travail (plaintes des anciens employés).
Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir notre unique invitée. Il s'agit de la députée Dominique Vien, marraine du projet de loi en question.
[Français]
Madame Vien, la parole est à vous pour cinq minutes.
Bonjour à chacun et à chacune.
Je vous remercie de m'accueillir ce matin.
Je suis un peu émue parce que, la dernière fois où j'ai comparu devant une commission parlementaire, c'était lors de la présentation du projet de loi 176 du Québec, et c'était justement pour la grande révision de la Loi sur les normes du travail. Dans le cadre de cette grande révision, un changement important a été apporté pour les travailleurs au Québec, à savoir la modification du délai maximal pour pouvoir porter plainte quand on fait face à un événement de harcèlement ou de violence. J'avais alors réalisé que les Québécois n'avaient que trois mois pour porter plainte. Il a alors été décidé de prolonger ce délai à deux ans. J'aurai l'occasion de vous faire la démonstration que, actuellement, au Québec, cette excellente décision a été porteuse pour de nombreux travailleurs québécois.
Quand je suis arrivée ici, à Ottawa, en 2021, mon nom est sorti lors du tirage au sort parmi tous les députés, et je me suis demandé ce que je pourrais bien déposer comme projet de loi. Je suis allée fureter dans le Code canadien du travail, et je me suis rendu compte que ce dernier était en décalage par rapport à ce qui s'est fait au Québec, mais également par rapport à ce qui se fait dans les autres provinces. Dans le cas du Québec, en 2018, on a fait passer de trois mois à deux ans le délai pour déposer une plainte. Je spécifie au passage que, au Québec, il n'y a pas de différence entre les employés actuels et les anciens employés, ce qui n'est pas le cas ici, au fédéral.
Au fédéral, pour toutes les organisations et les entreprises sous réglementation fédérale, jusqu'en 2021, le Code n'accordait aux anciens employés aucun délai pour porter plainte pour harcèlement ou violence, alors que, en vertu du projet de loi de l'actuel gouvernement, cette question a été réglée, de sorte que s'il n'y a pas de délai, il n'y a pas de prescription pour les actuels employés sous réglementation fédérale. Il demeure quand même que, pour les anciens employés, c'était un défi puisqu'il n'y avait aucun recours. Depuis l'adoption du projet de loi C‑65, un délai de trois mois est maintenant alloué. Vous pourriez me dire que, trois mois, c'est mieux que rien, mais ce n'est presque rien.
Le projet de loi que nous proposons aujourd'hui est un petit projet de loi, mais il peut avoir une très grande portée, soit de faire en sorte que les anciens employés puissent avoir, à tout le moins, ce qu'accorde la province la plus permissive, disons-le ainsi, le Québec, soit un délai de deux ans au lieu de trois mois.
Du côté du gouvernement, ou du Parlement devrais-je dire, il y avait cette préoccupation quant au délai de trois mois, qui semblait trop court. Je vous dis que c'était aussi dans la pensée du Parlement parce que, à l'intérieur du Code canadien du travail et du règlement d'application, il est spécifiquement énoncé qu'il peut y avoir des permissions demandées pour qu'un ancien employé puisse avoir droit à des délais beaucoup plus longs. Il y a une espèce d'admission ici que le délai de trois mois est un peu court.
Je vais brièvement vous dire ce qui se fait à l'extérieur du Québec. Cinq provinces ne font aucune différence, comme le Québec d'ailleurs, entre les employés anciens et actuels, mais elles n'accordent qu'un an de délai, alors que, au Québec, c'est deux ans. Ces provinces sont l'Île‑du‑Prince‑Édouard, le Nouveau‑Brunswick, l'Ontario, la Saskatchewan, ainsi que Terre‑Neuve-et‑Labrador. La Colombie‑Britannique accorde un délai de six mois aux anciens employés et ne fixe aucune limite de temps aux employés actuels. Les trois autres provinces, soit l'Alberta, le Manitoba et la Nouvelle‑Écosse, n'offrent aucun recours aux anciens employés en ce moment.
À mon avis, ne pas donner de temps à d'anciens employés est insensé. N'accorder que trois mois à d'anciens employés, c'est aussi manquer un peu d'empathie. Quand on sait à quel point il peut être compliqué pour d'anciens employés, ou même pour des employés actuels, de prendre conscience de leur situation, de ce qu'ils ont vécu, de ce qui leur est arrivé.
Évidemment, un délai de trois mois est comme un clin d'œil. C'est beaucoup trop court.
Pour toutes ces raisons, je pense qu'on devrait faire œuvre utile et aller de l'avant afin de donner beaucoup plus de temps aux anciens employés.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Vien, je vous remercie d'avoir présenté cet important projet de loi d'initiative parlementaire.
Madame Vien, nous savons que, cette année, Statistique Canada a rapporté qu'au Canada, 31 % des hommes et 47 % des femmes ont déclaré avoir subi une forme quelconque de harcèlement ou d'agression sexuelle sur le lieu de travail. Pire encore, une enquête menée le mois dernier par la société Traliant a révélé que 61 % des professionnels canadiens des ressources humaines affirment que le harcèlement constitue un problème de plus en plus important.
Le gouvernement libéral, à bien des égards, ne se préoccupe pas des victimes. Pourriez-vous nous expliquer de quelle manière votre projet de loi aura une incidence sur notre système judiciaire?
:
Le harcèlement psychologique, le harcèlement sexuel et la violence au travail ne sont pas des phénomènes seulement contemporains. Ils existent depuis longtemps. Il faut y mettre un frein et les enrayer. Je pense que, pour le faire, il faut d'abord que chacun soit capable de nommer ce qui se passe dans son milieu de travail.
Vous avez rigoureusement raison: les données sont assez troublantes. J'ai consulté des données à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, un organisme public très sérieux du Québec qui veille à informer les travailleurs, à les indemniser et à les protéger. Ce que vous avez remarqué dans les données de Statistique Canada s'observe également au Québec.
Les entreprises ou organisations sous réglementation fédérale doivent remettre au gouvernement des rapports et, effectivement, les données indiquent des augmentations notables du harcèlement ou de la violence au travail sous toutes leurs formes. Je veux faire attention aux termes que j'utilise, mais c'est un fléau. Dans la vie personnelle, dans la vie civile, dans n'importe quelle sphère de la vie publique, en particulier sur les réseaux sociaux, c'est quelque chose qu'on remarque beaucoup. Or le travail n'est pas dissocié de ce qui se passe ailleurs.
Nous pensons donc que ce projet de loi donne des outils et envoie un signal indiquant que, le harcèlement et la violence au travail, c'est terminé. Il ne peut y avoir aucune tolérance sur ce plan. Donnons le temps aux anciens employés de faire valoir leurs points de vue et leurs droits à cet égard, car aujourd'hui, ils n'ont pratiquement pas de temps pour le faire.
Les conservateurs ont toujours fait preuve de leadership à l'égard des travailleurs canadiens. Nous avons à cet effet présenté les projets de loi suivants: le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, dont la marraine est ; le projet de loi , Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (déduction des frais de déplacement pour les gens de métier), parrainé par ; le projet de loi , Loi modifiant le Code canadien du travail (heures de travail des agents de bord), dont la marraine est ; et le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Code canadien du travail (parents adoptifs et parents d’intention), conçu par Mme Falk.
Votre projet de loi s'ajoute ainsi à toute une série de mesures législatives visant à améliorer de manière concrète les conditions de travail des Canadiens.
Pourriez-vous nous parler de votre projet de loi plus en détail, et nous expliquer les conséquences du harcèlement et de la violence en milieu de travail?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Chers collègues, bonjour.
Madame Vien, je vous remercie de votre initiative. J'en profite d'ailleurs pour évoquer la motion M‑161, Programme de suspension du casier, que j'ai moi-même présentée, ainsi que le projet de loi , présenté, je crois, par Mme Falk.
Nous sommes tous très fiers de nos projets de loi d'initiative parlementaire, que nous avons présentés avec beaucoup d'engouement.
Madame Vien, pourriez-vous nous décrire le processus de consultation que vous avez suivi jusqu'à présent? Je sais que vous avez déjà été ministre au sein du gouvernement du Québec. Au cours de quelles années avez-vous été ministre?
:
J'ai été à la tête de quatre ministères entre 2016 et 2018, soit pendant un peu plus de deux ans, le dernier étant le ministère du Travail. J'ai même connu votre collègue M. Coteau, qui était alors ministre du Tourisme de l'Ontario, à l'époque, alors que j'occupais la même fonction au Québec.
Pour répondre à la première partie de votre question, je dirai que l'expérience du Québec est riche en enseignements, évidemment. Nous avons parlé à des groupes, dont des syndicats, mais, étonnamment, tous n'ont pas voulu prendre position publiquement sur ce projet de loi qui, il faut le dire, est très bon pour les travailleurs. Des entretiens ont eu lieu avec des syndicats, des spécialistes en ressources humaines et des groupes d'aide aux victimes, qui nous ont donné leur point de vue.
Mme Viau, du Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement au travail de la province de Québec, va probablement comparaître devant vous. Elle a une expérience très concrète, presque clinique même, ayant travaillé avec des employés qui ont eu des problèmes liés aux délais.
:
Il n'y a rien à cacher. C'est très simple, je me suis fiée à ma propre expérience de ministre à Québec.
Il faut être raisonnable. Ce projet de loi est bon pour les employés, et il faut aussi penser aux employeurs. Ce changement au Code canadien du travail aurait des répercussions sur les entreprises, quoiqu'elles sont censées mettre en place la politique inscrite dans la loi issue du projet de loi . Elles doivent offrir un lieu de travail sans violence, sans harcèlement. C'est bien.
Vous m'avez demandé pourquoi je souhaitais changer la limite de temps à deux ans, et c'est parce que l'expérience au Québec est bonne et concluante. À l'époque, les groupes étaient très emballés à l'idée d'avoir un délai allant jusqu'à deux ans. Selon les échos que j'ai reçus jusqu'à maintenant, le délai de deux ans est jugé raisonnable. De plus, très peu de personnes sont privées de leurs droits pour avoir dépassé le délai de prescription de deux ans.
Ce n'est pas le cas actuellement dans le Code canadien du travail. Un délai de trois mois, c'est bien. C'est vrai que c'est mieux que rien. Cependant, à un moment donné, une personne peut se rendre compte qu'elle a été victime de violence ou de harcèlement, qu'il s'est passé quelque chose. Alors qu'elle le réalise, le délai est déjà dépassé.
Ce que je dis est si vrai que le Parlement a déjà prévu un processus, un mécanisme, pour offrir un délai supplémentaire à la personne pour lui accorder plus de temps. On pensait donc déjà que la période de trois mois pouvait être insuffisante.
:
Merci, monsieur le président.
Madame Vien, je vous remercie de votre projet de loi. Sans aucune surprise, le Bloc québécois l'appuiera, d'abord parce qu'il permet d'aligner la loi québécoise existante avec le Code canadien du travail. Nous sommes aussi préoccupés par le fait qu'une période de trois mois est clairement insuffisante pour qu'un ancien employé de compétence fédérale dépose une plainte de harcèlement ou de violence au travail. Parfois, se relever d'un incident de harcèlement grave peut prendre des années.
Du temps où vous étiez ministre responsable du Travail, vous avez modifié la Loi sur les normes du travail pour y apporter un changement très similaire à ce que vous proposez dans le projet de loi C‑378, soit de donner un délai de deux ans à un ancien employé pour déposer une plainte de harcèlement ou de violence au travail.
J'en arrive à ma question. Vous en avez parlé un peu plus tôt. J'aimerais savoir si vous avez des chiffres ou des témoignages, bref, plus d'information à donner sur l'expérience québécoise qui a cours depuis plusieurs années.
:
Je vous remercie de votre question.
La réponse est oui.
Je vais revenir à votre question de façon plus précise, mais ce qui est dommage, c'est que j'ai eu beaucoup de difficulté à colliger des informations, parce que les employeurs, actuellement, n'ont pas à colliger d'information sur les anciens employés qui bénéficient du délai de trois mois, par exemple. Évidemment, les autres n'ont pas de problème. Je parle de ceux qui ont des problèmes.
Dans le règlement qui établit ce qui est attendu des employeurs, il n'est pas indiqué qu'ils doivent les colliger. J'ai donc eu de la difficulté à obtenir des réponses, par exemple quant au nombre de personnes qui avaient raté le coche parce qu'elles avaient dépassé le délai de trois mois. Personne ne tient de statistiques là-dessus. Aucune statistique n'est acheminée au gouvernement, parce que les entreprises n'ont pas la responsabilité de vous en fournir. Encore là, si on voulait faire œuvre utile, ce projet de loi pourrait recommander au gouvernement de forcer les entreprises à documenter cela.
Si vous me le permettez, madame la députée, j'aimerais citer Mme Cindy Viau, la directrice générale du Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement de la province de Québec. Elle a dit ceci:
De plus, au niveau provincial, nous constatons de notre expérience que très peu de personnes qui nous contactent ont de la difficulté à entreprendre les démarches de plainte dans les 2 ans prescrits dans la Loi sur les normes du travail. Depuis la modification du délai en 2018, nous n'avons eu qu'à de très rares occasions la nécessité d'expliquer à une victime que son délai pour déposer une plainte était dépassé.
Je ne peux pas avoir de meilleure preuve que ce témoignage d'une organisation qui travaille avec des victimes et qui dit que le délai de deux ans que j'ai établi est juste. Il coche beaucoup de cases, comme on dit, parce qu'il est raisonnable et assez long pour permettre aux employés de porter plainte.
Maintenant, pour ce qui est de la période actuelle de trois mois, Mme Viau est un peu plus sévère. Elle nous dit qu'effectivement, il y a beaucoup d'employés qui ont de la difficulté à porter plainte à l'intérieur du délai, et c'est presque toujours à cause des traumatismes vécus.
:
J'aimerais vous poser une question, même si je sais que vous y avez partiellement répondu en répondant à mon collègue.
En France, depuis 2017, le délai de prescription est de six ans. Quand vous étiez ministre responsable du Travail, au Québec, vous avez fait passer le délai à deux ans. Maintenant, vous proposez encore un délai de deux ans.
Pourquoi n'avez-vous pas ratissé encore plus large, sachant que, deux ans, c'est encore court pour certaines personnes? Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, cela peut prendre des années pour se relever de cas graves de harcèlement. Pourquoi ne pas copier les modèles encore plus conciliants envers les employés et les anciens employés? Pourquoi est-ce seulement deux ans?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Vien, merci pour la présentation de cet amendement au Code canadien du travail. Il s'agit en effet d'une mesure nécessaire et attendue pour protéger les travailleurs contre les effets durables du harcèlement et de la violence. Ce sont les mesures législatives pour lesquelles le NPD, le seul parti travailliste au Canada, se bat depuis des décennies. Ces mesures visent à assurer une reddition de comptes chez l'employeur, et à conférer davantage de protections pour les anciens employés. De ce fait, cet amendement repose sur les principes fondamentaux de justice et d'équité chers aux néo-démocrates.
Nous devons également reconnaître le contexte plus large dans lequel ce projet de loi s'inscrirait. Je pense notamment au recours collectif intenté par des fonctionnaires noirs, qui est une action en justice historique portant sur la discrimination et le harcèlement systémiques auxquels sont confrontés les employés noirs au sein de la fonction publique fédérale. Depuis des décennies, ces travailleurs rapportent être victimes d'un racisme omniprésent, d'obstacles à l'avancement professionnel, et d'un environnement de travail hostile qui porte atteinte à leur dignité et à leur épanouissement professionnel. En raison de l'absence de protections dans le Code du travail, les employés noirs ont dû créer leur propre recours collectif pour obtenir le type de justice et de réparation globale dont les néo-démocrates savent que les travailleurs ont besoin et qu'ils méritent. Cet état de fait problématique rappelle la nécessité d'introduire des protections juridiques et des mesures de responsabilisation, incluant la prolongation du délai de dépôt des plaintes.
Les néo-démocrates pensent que ce projet de loi apportera un soutien indirect aux objectifs du recours collectif en question, ce qui garantirait que ceux qui ont subi une discrimination de longue date aient la possibilité de demander réparation et de contribuer à la création d'un lieu de travail équitable et plus inclusif pour tous.
Madame Vien, je crains que les retards actuels que les conservateurs perpétuent à la Chambre des communes ne ralentissent l'adoption de ce projet de loi et d'autres mesures législatives. Quel échéancier proposez-vous pour que cette modification du Code du travail puisse devenir réalité? Et quel est, selon vous, l'impact de la prolongation des travaux de la Chambre sur les travailleurs concernés?
:
Vous me tendez un piège dans lequel je ne tomberai pas.
Le projet de loi est évidemment extrêmement important, et je le porte avec toute mon expérience et tout mon cœur.
Actuellement, les employés sous réglementation fédérale ont un délai de trois mois pour faire valoir leur point de vue, ce qui est insuffisant. Évidemment, le plus tôt on adoptera ce projet de loi, le mieux ce sera. Il y a actuellement des procédures à la Chambre des communes, ce qui fait qu'il peut y avoir des retards.
Aussitôt que nous pourrons aller de l'avant, ce sera une avancée majeure pour les employés et les anciens employés sous réglementation fédérale.
:
Je vous remercie de votre question.
Oui, la députée de Terrebonne et moi-même en avons un peu discuté, plus tôt, lors de notre échange. Je ne suis pas juriste, mais je pense qu'il faudrait apporter un changement aux règlements. Cela relèverait donc de l'exécutif.
En effet, si nous pouvions faire une recommandation pour élargir la responsabilité des entreprises sur le plan de la reddition de comptes auprès du gouvernement afin qu'elles documentent les dossiers qui touchent les anciens employés, je pense que ce serait de bon aloi. Le Comité va d'ailleurs sûrement produire un rapport.
Cela nous donnerait vraiment l'occasion de voir comment les choses se passent sur le terrain, de voir combien de personnes se sont prévalues de cette prolongation du délai. Je précise que la prolongation va se rendre à deux ans. Présentement, le délai est de trois mois, mais il sera de deux ans.
Ce serait bien si on pouvait effectivement avoir davantage de données sur cette question. Je pense que la reddition de comptes serait mieux servie.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Vien, je tiens à vous remercier pour votre présence aujourd'hui.
Je tiens à faire une remarque préliminaire. J'ai trouvé la dernière question du NPD sur la responsabilité assez comique. À plusieurs reprises au sein de cette commission, les conservateurs ont proposé des amendements à des projets de loi du gouvernement. Je pense notamment aux garderies à dix dollars par jour, contre lesquelles ils ont voté, et je prends donc cette question pour ce qu'elle est de la part des néo-démocrates.
Tous les employés méritent le respect et l'assurance de la sécurité sur leur lieu de travail. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps et d'avoir fait le travail nécessaire pour faire avancer cet important texte législatif, qui donne des moyens d'action aux travailleurs et défend les intérêts de ceux qui ont été victimes de harcèlement ou de violence sur leur lieu de travail.
Comme on l'a vu, le projet de loi propose d'étendre à deux ans le délai de trois mois dont disposent les anciens employés pour déposer une plainte pour harcèlement. Dans le cadre actuel, bien que la prolongation soit possible, il incombe à la victime de démontrer pourquoi elle n'a pas été en mesure de respecter le délai initial, en prouvant que ses circonstances ont rendu difficile ou impossible le dépôt d'une plainte dans ce délai.
Pourriez-vous expliquer en quoi il est inapproprié de faire peser ce genre de fardeau sur les victimes?
:
C'est aussi pour cette raison que j'essaie de parler lentement. Cela aide.
Il y a un fardeau de la preuve qui s'installe.
Quand un ancien employé veut bénéficier du délai supplémentaire, qui est prévu par règlement, pour aller au-delà des trois mois, c'est qu'il n'a pas été capable de respecter ce délai de prescription. Madame la députée, c'est le parcours du combattant.
On doit d'abord faire la preuve qu'on a subi un traumatisme ou encore qu'on a eu un tel problème de santé qu'on n'a pas été en mesure de déposer son avis d'incident ou sa plainte.
Or cela ne s'arrête pas là. On doit produire des documents, peut-être même se rendre chez un notaire et faire une déclaration sous serment. On doit produire des documents médicaux. Il y a toute une panoplie de demandes, de documents, d'assermentations. C'est devant moi, et il y a deux pleines pages de demandes qui sont faites à l'ancien employé. Cela peut donc être suffisant pour le décourager de porter plainte.
Quand on a un syndrome de choc post-traumatique ou qu'on vit des difficultés, on se retrouve en dépression ou on ressent une anxiété qu'on ne connaissait pas avant. Quand, de plus, on doit entreprendre toutes ces démarches, c'est compliqué. Présentement, c'est sur les épaules de cette personne qu'on ajoute ce fardeau de la preuve. Je suis convaincue qu'il n'y a pas ici un parlementaire qui voulait cela. Je pense cependant que c'est ce à quoi nous arrivons aujourd'hui.
Si on pouvait alors allonger cette période de délai, si on pouvait faire tomber ce fardeau de la preuve et ces difficultés supplémentaires, cela faciliterait évidemment la procédure, le processus pour ces anciens employés.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.
Je pense que les mentalités doivent continuer d'évoluer, et que nous devons réaliser que le traitement des traumatismes est tout sauf simple. Il est plutôt question de zones grises, et on ne peut pas vraiment fixer de délai pour le traitement de ce genre de traumatismes.
Diriez-vous, de votre point de vue, que ce délai actuel de trois mois décourage en fait ceux qui voudraient déposer une plainte, dans le sens où il n'y a tout simplement pas assez de temps? Je n'ai pas encore réfléchi à la question. Diriez-vous que ce n'est pas grave? Lors du traitement ultérieur de la plainte, pensez-vous que les plaignants pourraient considérer ces trois mois, puis refuser?
:
C'est une excellente question.
Malheureusement, de notre côté, nous n'avons pas eu beaucoup de données. Les seules données que nous avons sont celles de la CNESST, soit la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité au travail, qui gère l'ensemble de ces dossiers, au Québec.
Nous avons réussi à trouver beaucoup de données qui confirment — je n'apprends rien à qui que ce soit — l'augmentation de la violence au travail, entre autres. On les décortique, bien sûr, pour déterminer quels genres de traumatismes sont vécus en milieu de travail. Or il n'y a cependant pas beaucoup de données concernant la prolongation du délai à deux ans. Les données que j'ai me viennent des groupes comme celui de Mme Cindy Viau, dont je vous ai parlé un petit peu plus tôt ce matin.
Mme Viau nous a dit que l'expérience québécoise du délai de deux ans était concluante, puisque très peu de personnes se présentent à son organisme et se rendent compte qu'elles n'ont plus de temps pour déposer une plainte. Son organisme reçoit très peu de tels cas. C'est donc dire que le délai de deux ans fonctionne. Par contre, elle souligne qu'avec le délai de trois mois, beaucoup de personnes dépassaient effectivement ce délai. Elle nous recommande donc de mettre en avant un délai de deux ans, comme c'est actuellement le cas au Québec.
Nous nous sommes penchés sur les expériences vécues ailleurs qu'au fédéral. Ces expériences sont intéressantes, mais plusieurs sont aussi très compliquées, parce que, en ce qui concerne le harcèlement au travail, on a amalgamé des procédures relatives au droit du travail et des procédures pénales. On a aussi fait une gradation de l'importance du traumatisme vécu. Notre situation n'est donc pas tout à fait la même. Notre tempérament est un peu plus prudent. Je recommanderais plutôt à la Chambre de procéder par étape. Avant, on n'avait rien. Ensuite, on a eu un délai de trois mois. Même si on n'a pas de données, on sait qu'au Québec, le délai de deux ans fonctionne bien. Alors, pourquoi ne pas avoir un délai de deux ans au fédéral?
Si, d'aventure, plus tard, on pense que deux ans ne sont pas suffisants, on pourra peut-être s'étirer le cou et regarder ce qui se passe ailleurs, comme en France ou en Belgique. Cependant, je pense qu'il nous faut une démarche prudente et raisonnable, comme je l'ai dit tantôt, parce que ces changements affectent aussi des entreprises.
Je pense que, deux ans, c'est quand même beaucoup par rapport au délai actuel. Cela ne nous empêchera pas de changer ce délai plus tard. Si on le change, je pense qu'on ira vers une augmentation, et non vers une diminution.
:
Merci, monsieur le président.
Madame Vien, tout à l'heure, on a discuté du fait que, au cours de votre travail pour préparer et déposer ce projet de loi, vous vous étiez rendu compte qu'il manquait l'obligation, pour les entreprises, de colliger les informations sur leurs anciens employés.
Pendant votre travail, avez-vous fait d'autres constats comme celui-là par rapport à ce qui pourrait améliorer le Code canadien du travail?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Mon collègue du NPD, M. , a souligné lors du débat initial sur ce projet de loi que la coordination avec les parties prenantes, y compris les organismes provinciaux, est importante, étant donné que les lois sur le travail varient considérablement, comme vous l'avez souligné dans votre présentation sur les délais.
Comment ce projet de loi peut-il être amendé pour faciliter la coordination avec les lois provinciales sur le travail afin de garantir une protection cohérente de tous les travailleurs fédéraux dans l'ensemble du Canada?
:
Madame la députée, en adoptant ce projet de loi, on va envoyer un signal, une impulsion dans plusieurs provinces à l'échelle du Canada. Plusieurs d'entre elles sont très bien positionnées et, à certains égards, en font beaucoup plus que ce que fait le Code canadien du travail actuellement.
Un peu plus tôt, j'ai souligné le besoin d'améliorer la collecte d'informations pour une meilleure transparence, mais aussi une meilleure reddition de comptes. Cela va aussi fournir des éléments de réflexion aux législateurs, à savoir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce qu'on doit changer.
Adopter le projet de loi donnerait une impulsion aux différentes administrations au Canada. Si on pouvait tous être à peu près sur un pied d'égalité en ce qui a trait aux anciens employés, ce serait déjà une très bonne chose.
:
Je pense que nous avons fait un grand tour de roue des possibilités que peut apporter ce projet de loi. Le harcèlement psychologique est insidieux, et le harcèlement sexuel l'est aussi. Ce sont des frontières qui sont floues.
Je lisais sur les gestes de violence qui sont répertoriés dans les organisations. Ce qui peut se passer dans certains milieux de travail dépasse l'entendement.
Monsieur le député, je salue le fait que tous les employés sous réglementation fédérale n'ont pas de délai de prescription. Je salue cela. Je trouve que c'est une belle avancée pour une société.
Au Québec, c'est moins avancé que cela. Le délai est de deux ans. Ici, c'est mieux. Toutefois, en ce qui concerne les anciens employés, la situation est pire ici qu'au Québec.
Je pense que nous pourrions tous dire que nous n'avons pas besoin de réaliser de longues études pour comprendre qu'un délai de trois mois, ce n'est pas beaucoup. Je pourrais vous citer de nombreuses études universitaires. Tout le monde sait qu'un délai de trois mois, ce n'est pas suffisant. Faisons cela tous ensemble. Je pense que tous les partis sont d'accord sur cette question. Il n'y a pas de problème.
C'est pour cette raison que je ne veux pas parler tout de suite de sept ou dix ans. Les entreprises ont aussi besoin de temps pour s'adapter à tout cela, pour adhérer à cette idée, pour comprendre ce qui se passe et la raison pour laquelle nous allons dans cette direction.
Je pense que cela permettrait à tout le monde d'avancer d'un pas de façon raisonnable et modérée. Prenons le temps nécessaire pour examiner ce qui s'est fait à cet égard, pour voir si cela a donné les résultats escomptés et si nous sommes sur la bonne voie. S'il y a des changements à apporter, nous les apporterons. Je pense que ce serait raisonnable de procéder ainsi.
Je tiens à remercier une nouvelle fois Mme Vien pour son projet de loi si bien réfléchi. Félicitations.
Nous en sommes aux dernières minutes de cette réunion, et j'aimerais donc aborder une autre question très importante. Il s'agit du « Rapport 2024 sur la pauvreté des enfants et des familles au Canada », qui indique que près de 1,4 million d'enfants vivent dans la pauvreté au Canada, soit environ un enfant sur cinq, et qu'il s'agit de « la plus forte augmentation annuelle de la pauvreté infantile jamais enregistrée ». Par ailleurs, notons que la pauvreté infantile a augmenté deux années de suite.
On peut également y lire la chose suivante: « Au Canada, 358 520 enfants de plus vivre dans la pauvreté qu'au plus fort de la pandémie en 2020. ». Nous savons que c'est le cas dans l'ensemble des provinces et des territoires.
Par ailleurs, le coût des denrées alimentaires a également augmenté de 35 % depuis 2015, et le pourcentage d'enfants vivant dans des ménages en situation d'insécurité alimentaire a également augmenté en 2023, pour atteindre 28,5 %. Ces données sont très choquantes.
C'est pourquoi, monsieur le président, je voudrais proposer la très courte motion suivante, qui a été mise en avis. Je propose:
Attendu que les chiffres publiés récemment par Campagne 2000 indiquent que, de 2021 à 2022, le Canada a connu la plus grande augmentation de pauvreté infantile jamais observée au pays, le comité fasse part de son inquiétude à la Chambre.
Je suis certaine que tous mes collègues sont prêts à appuyer cette brève motion.
Je vous remercie, monsieur le président.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
J'apprécie réellement cette motion présentée par les députés conservateurs.
Campagne 2000 et d'autres défenseurs de la société civile ont été à l'avant-garde de l'activisme visant à mettre fin à la pauvreté des familles au Canada. Ce dernier rapport le montre clairement, et nous avons déjà pu constater ce travail dans le cadre de leurs efforts fructueux pour protéger l’allocation canadienne pour enfants contre toutes mesures de récupération. À l'époque, Campagne 2000 avait exhorté le gouvernement à prendre l'initiative de conclure des accords avec les provinces et les territoires afin de s'assurer que les familles ne verraient pas ce revenu nécessaire récupéré. Le même problème se pose aujourd'hui avec la prestation canadienne pour les personnes handicapées.
Les données auxquelles cette motion se réfère montrent que les enfants handicapés et leurs familles connaissent des taux de pauvreté plus élevés de manière disproportionnée. Nous devons veiller à ce que, tout comme l’allocation canadienne pour enfants, la prestation canadienne pour les personnes handicapées soit protégée contre les mesures de récupération, faute de quoi la pauvreté infantile ne fera qu'empirer au sein des populations les plus vulnérables.
Monsieur le président, j'aimerais proposer un amendement. En voici le libellé:
Étant donné que des données récentes de Campagne 2000 indiquent que, entre 2021 et 2022, la pauvreté infantile au Canada a connu la plus forte hausse jamais enregistrée, et que les enfants handicapés, notamment les jeunes femmes et les filles handicapées, sont touchés de manière disproportionnée; que la récupération des prestations perpétue le cycle de la pauvreté pour les personnes qui vivent avec un handicap; que la prestation canadienne pour les personnes handicapées n’a pas encore été protégée contre les mesures de récupération, une protection qui aiderait les personnes handicapées et les membres de leurs familles vivant dans la pauvreté; et que, de l’avis du Comité, il est impératif que le gouvernement entreprenne de nouer le dialogue avec les provinces et les territoires pour veiller à ce que la prestation canadienne pour les personnes handicapées ne fasse pas l’objet de mesures de récupération en prévoyant des exemptions semblables à celles établies pour l’allocation canadienne pour enfants, et que le Comité informe la Chambre de cette question.
Je vous remercie, monsieur le président.