Passer au contenu

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 107 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 11 avril 2024

[Énregistrement électronique]

(0815)

[Traduction]

     La séance est ouverte. Il est 8 h 15, et la greffière m'a indiqué que nous avions le quorum. Les tests de son ont été effectués pour les témoins et les membres du Comité qui assistent à la réunion à distance. Aucun problème n'a été décelé.
    Bienvenue à la réunion no 107 du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes. La réunion se déroule dans un format hybride conformément au Règlement. Des députés y assistent en personne, et d'autres y participent sur Zoom.
    Voici d'abord quelques observations à l'intention des participants.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous avez terminé votre intervention.
    Les personnes qui participent sur Zoom, tout comme les participants dans la salle, peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Les personnes dans la salle peuvent utiliser les écouteurs et l'oreillette et sélectionner une langue pour avoir accès aux services d'interprétation. Les personnes qui participent à distance peuvent cliquer sur l'icône en forme de globe au bas de l'écran et sélectionner une langue.
    Si la qualité du son est mauvaise ou que vous notez des problèmes avec l'interprétation, veuillez m'en informer. Nous allons suspendre la séance le temps de régler les problèmes en question. Les personnes qui participent à distance peuvent utiliser la fonction « main levée » pour signaler un problème.
    Veuillez adresser vos questions et vos commentaires à la présidence.
    Je rappelle aux personnes dans la salle de ne pas déposer leur oreillette près du microphone pour éviter de causer des blessures aux interprètes, dont l'aide nous est si précieuse. Surveillez également votre débit afin de permettre aux interprètes de faire leur travail le plus efficacement possible.
    Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 18 octobre 2023, le Comité poursuit son étude du projet de loi C‑58, Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles.
    Nous accueillons, pendant la première heure, de la Confédération des syndicats nationaux, Mme Caroline Senneville, présidente, qui prononcera la déclaration liminaire, de même que Mme Ioanna Egarhos, avocate, et M. Pascal Jean, conseiller politique. Nous recevons aussi M. Robert Ashton, président de l'International Longshore and Warehouse Union Canada, par vidéoconférence. Du Syndicat des Métallos, nous avons le directeur national, M. Marty Warren, qui prononcera la déclaration liminaire, et Mme Meg Gingrich, adjointe au directeur national.
    Nous allons commencer avec Mme Senneville.
    Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. La parole est à vous.

[Français]

    Je vais quand même prendre quelques secondes pour vous présenter la CSN. La CSN est une organisation syndicale qui a plus de 100 ans d'histoire au Québec et au Canada. Nous avons plus de 330 000 membres dans tous les secteurs d'activité, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Du côté des organisations assujetties à la réglementation fédérale, nous représentons des employés dans les secteurs des communications et des élévateurs à grain. Nous comptons aussi, au sein de la CSN, le Syndicat des agents correctionnels du Canada. Nous nous appelons la Confédération des syndicats nationaux parce que nous sommes actifs seulement au Québec et au Canada. Nous n'avons pas de liens internationaux.
    Je suis heureuse et émue d'être devant vous aujourd'hui. Vous étudiez un projet de loi d'une importance capitale pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs du Canada. C'est rare que ça arrive. Il y a toutes sortes de projets de loi, mais, pour les travailleurs et les travailleuses du Canada, le projet de loi C‑58 est essentiel. Je pense que de nombreuses personnes partagent cet avis, puisque tous les partis à la Chambre ont voté en faveur de ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.
    Comme vous le savez — sinon je vous le répète —, le droit de s'associer est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans la Charte canadienne des droits et libertés. Au cours des dernières années, ce droit a été associé à la négociation de bonne foi. Quand on s'associe, on a le droit d'avoir une négociation de bonne foi. On a aussi le droit d'exercer un rapport de force pour obtenir une négociation de bonne foi et une bonne convention collective. Ce sont deux jugements de la Cour suprême qui ont encadré ces droits.
    Pour nous, c'est simple: si, en cas de conflit de travail, il peut y avoir des travailleurs de remplacement, ça vient carrément à l'encontre des droits constitutionnels des travailleurs et des travailleuses du Canada tels qu'ils sont maintenant énoncés.
    Faire la grève n'est pas une partie de plaisir. Ce n'est pas une décision prise à la légère. D'ailleurs, les codes du travail encadrent très fermement l'exercice du droit de grève et l'obtention d'un droit de grève. On doit passer par un vote à bulletin secret. Quand on est seul dans l'isoloir et qu'on met son X en faveur d'une grève, on sait quand elle va commencer, mais on ne sait pas quand elle va se terminer. On parle souvent des conséquences économiques d'une grève, mais celles-ci sont subies en premier lieu par les personnes qui exercent leur droit de grève. Ce n'est jamais une décision prise à la légère.
    Pour nous, le droit de grève fait partie du rapport de force. Quand l'employeur peut embaucher des travailleurs de remplacement, ça vient vraiment déséquilibrer ce rapport de force. Ça vient même un peu l'éliminer, et à fortiori quand c'est un lockout. Imaginez la situation d'un lockout. Un lockout, ce n'est pas une décision démocratique; c'est une décision qui est prise par la direction. Il n'y a pas de vote à propos d'un lockout. L'employeur peut le décider longtemps d'avance et se préparer en embauchant des travailleurs ou en préparant l'embauche de travailleurs de remplacement. Il a toutes les cartes dans son jeu. Il ne reste rien du rapport de force du côté des travailleurs et des travailleuses. À notre sens, ce n'est pas correct, et je dirais même que ça ne respecte pas du tout l'esprit ni de la Charte ni des derniers jugements de la Cour suprême.
    Nous sommes ici pour parler du projet de loi C‑58, alors nous avons des remarques précises à faire sur ce dernier. Nous sommes contents de constater qu'il tient compte de la nouvelle réalité et du nouveau contexte de travail, notamment du télétravail, et qu'il tient compte des différents lieux de travail. Nous venons d'une province où il y a des dispositions anti-briseurs de grève. Nous en sommes heureux, mais elles sont en place depuis longtemps et des ajustements doivent y être apportés. Pour sa part, ce projet de loi du fédéral est tout à fait à jour et nous saluons cette mesure.
    Par contre, une de nos principales critiques porte sur la liste des exceptions en ce qui concerne les employés qu'il serait interdit d'embaucher comme briseurs de grève. Nous considérons que la liste des exceptions est très longue et qu'elle compromet l'esprit ou l'objet même du projet de loi. Je dirais, pour utiliser une image, qu'il commence à y avoir un peu trop de trous, et pas assez de fromage.
    Selon nous, la seule véritable exception justifiant d'embaucher des travailleurs de remplacement, c'est lorsqu'on doit assurer des services essentiels, et entendons-nous bien: les services essentiels, c'est quand la vie et la sécurité des gens sont en danger. C'est comme ça que nous fonctionnons au Québec depuis plus de 40 ans et personne n'est mort ou n'a eu faim à cause d'une grève.
(0820)
    Nous allons aussi souhaiter que le Conseil canadien des relations industrielles ait les ressources nécessaires pour assurer la mise en application de ce projet de loi. En effet, quand un projet de loi est voté, c'est juste la moitié de l'ouvrage qui est fait. Il faut s'assurer ensuite que les dispositions prévues dans le projet de loi seront appliquées. Il est donc très important d'avoir un processus d'enquête. Nous sommes tous ici des citoyennes et des citoyens respectueux de la loi, mais, si les gens savaient qu'il n'y avait pas de policiers sur l'autoroute, je ne suis pas sûre qu'ils respecteraient la limite de vitesse.
    Je termine en disant que, comme c'est un projet de loi essentiel, nous souhaiterions que son entrée en vigueur se fasse le plus rapidement possible.
    Merci, madame Senneville.

[Traduction]

     Je cède la parole à M. Ashton pour cinq minutes.
    Je me joins à vous de la Colombie-Britannique. Merci de m'avoir invité à témoigner devant le Comité aujourd'hui.
    Je m'appelle Rob Ashton. Je suis président de l'International Longshore and Warehouse Union Canada, ou ILWU Canada, qui représente 16 000 travailleurs de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan dans une variété de secteurs, dont le plus important est le secteur maritime.
    Les membres d'ILWU Canada appuient fermement le projet de loi C‑58. Nous exhortons le Comité à faire de même pour améliorer le sort des travailleurs au Canada.
    Les grèves et les lockouts sont difficiles pour les travailleurs. Voilà pourquoi ce sont les membres de la base qui prennent la décision de déclencher une grève. Ils optent pour cette solution de dernier recours pour essayer d'en arriver à une entente négociée équitablement avec l'employeur, même si le processus se solde invariablement pour eux par une perte financière.
    Quant au lockout, les travailleurs n'ont pas voix au chapitre. L'employeur le leur impose dans le but de briser leur unité. Les employeurs se servent de ce levier pour affaiblir les travailleurs financièrement afin que ces derniers acceptent de guerre lasse une entente pour retourner au travail.
    Les employeurs emploient des termes comme « membre de l'équipe » ou « membre de la famille », mais ils font volte-face et recrutent des briseurs de grève lorsqu'un certain seuil est atteint. Les employeurs qui appliquent cette stratégie ne se soucient pas des travailleurs. Ils ne s'en sont jamais souciés et ne s'en soucieront jamais. Ils mènent leur quête de profits au détriment de leurs employés. Ils sont prêts à détruire des communautés. À mon avis, les employeurs qui recourent à des briseurs de grève se fichent entièrement des conséquences.
    Dans l'état actuel des choses, les employeurs peuvent recourir à des briseurs de grève pendant une grève ou un lockout. Le rapport de force se trouve donc du côté de l'employeur, qui maintient sa production tout en faisant se retourner les uns contre les autres les travailleurs. C'est une arme dont les employeurs se servent pour casser les reins des Canadiens afin d'empocher une plus grande part des profits qu'ils font sur le dos des employés.
    La division des débardeurs d'ILWU Canada a été aux prises avec des briseurs de grève le 18 juin 1935. Lors de cette journée immortalisée sous le nom de « bataille de la jetée Ballantyne », les débardeurs ont marché jusqu'au terminal pour expliquer aux briseurs de grève que franchir les lignes de piquetage n'était pas la bonne chose à faire et qu'il fallait se serrer les coudes pour renforcer la position de tous les travailleurs et les aider, eux, à obtenir des gains à la table de négociation. Les travailleurs et leurs alliés ont ensuite été attaqués par la police et par des agents privés qui les ont frappés avec des matraques et d'autres armes. Du gaz lacrymogène a également été utilisé contre les grévistes et les femmes auxiliaires aux postes de secours. J'ajouterais que c'est lors de cet événement que du gaz lacrymogène a été utilisé pour la première fois contre des Canadiens au Canada. Les travailleurs ont été réprimés seulement parce qu'ils se trouvaient à cet endroit.
    Ce jour‑là, le recours à des briseurs de grève a créé des conditions propices aux actes de violence perpétrés par les employeurs et par d'autres contre des grévistes qui luttaient pacifiquement pour l'obtention d'une convention collective équitable. Cette attaque prouve que de faire appel à des briseurs de grève constitue le seul moyen aux yeux de certains employeurs et de certains gouvernements de mettre fin à une grève.
    Nous appuyons sans réserve le projet de loi C‑58 qui vise à bannir le recours aux travailleurs de remplacement au niveau fédéral pour éviter que l'histoire se répète et pour que les travailleurs aient la possibilité de négocier librement une convention collective.
    Nous demandons de toute urgence que le Comité réduise le délai de mise en œuvre du projet de loi. Cette mesure doit être inscrite immédiatement dans la loi afin de mettre en place les règles du jeu équitables que réclament les travailleurs. Les travailleurs canadiens s'attendent à ce que les élus agissent dans l'intérêt des travailleurs. Ils ont attendu assez longtemps.
    Pour terminer, j'aimerais lancer un message à la classe ouvrière. Que vous travailliez dans le domaine de l'environnement, des oléoducs, que vous soyez un propriétaire de petite entreprise ou un débardeur — nous sommes tous des travailleurs —, ne laissez pas les employeurs nous déchirer, car la division est leur arme.
    Aux élus et à tous ceux qui écoutent, je vous laisse en vous posant la question de Pete Seeger: Which Side Are You On? Quelle est votre position par rapport au projet de loi C‑58?
    Merci de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer.
(0825)
     Merci, monsieur Ashton.
    Nous allons passer à M. Warren, du Syndicat des Métallos.
    Monsieur Warren, vous avez cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
     Par votre entremise, je remercie la greffière et les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner.
    Je m'appelle Marty Warren. Je suis le directeur national du Syndicat des Métallos, le plus grand syndicat du secteur privé en Amérique du Nord, qui compte 225 000 membres dans presque tous les secteurs économiques au Canada, notamment des travailleurs assujettis à la réglementation fédérale dans le secteur ferroviaire, les télécommunications, la sécurité aéroportuaire et les ports.
    Les métallos participent à la lutte contre les briseurs de grève depuis des décennies. Notre expérience montre que l'interdiction de recourir aux travailleurs de remplacement améliore les relations de travail, réduit le nombre et la durée des conflits et rehausse les normes de travail et la qualité de vie des travailleurs.
    Les grèves et les lockouts sont très pénibles pour les communautés. En revanche, le recours aux briseurs de grève a pour effet de retourner les uns contre les autres les travailleurs, les voisins et parfois même les membres d'une même famille. En outre, cette stratégie a donné lieu à des décennies de relations de travail houleuses.
    Des lois anti-briseurs de grève sont en vigueur en Colombie-Britannique et au Québec. Bientôt, le Manitoba s'ajoutera à la liste. Nous nous sommes réjouis lorsque le NPD a ajouté la loi anti-briseurs de grève à l'entente de soutien et de confiance et lorsque les libéraux ont déposé un projet de loi.
    Cela dit, le projet de loi n'est pas parfait. Il renferme des lacunes qui vont permettre aux employeurs d'engager des briseurs de grève et de contrevenir à l'esprit de la loi. En plus, le délai précédant l'entrée en vigueur n'est pas raisonnable. Il est beaucoup trop long.
    Comme vous l'avez lu dans notre mémoire, nous avons formulé des recommandations claires pour résoudre le problème.
     Tout d'abord, quiconque exécute les tâches d'un travailleur en grève ou en lockout devrait être visé par l'interdiction, peu importe le moment où il a été engagé. Au titre de la mouture actuelle, s'ils les engagent à la date à laquelle l'avis de négociation a été donné ou avant cette date, les employeurs peuvent encore recourir à des briseurs de grève qui ne font pas partie de l'unité de négociation, qui viennent d'une autre localité ou qui occupent un poste de direction ou un poste de confiance donnant accès à des renseignements confidentiels. Ils peuvent aussi faire appel à des entrepreneurs ou à des employés d'un autre employeur.
     Évidemment, nous appuyons les exemptions qui visent le travail exécuté pour contrer une menace imminente pour la vie et pour la santé et la sécurité ou une menace de dommages à des biens ou de dommages environnementaux.
    Cela m'amène à la deuxième recommandation selon laquelle une entente relative aux travailleurs qui exécutent le travail de conservation devrait être conclue entre l'employeur et le syndicat. La mouture actuelle laisse cette décision à la seule discrétion de l'employeur. Nous sommes d'avis que le différend devrait être présenté au Conseil canadien des relations industrielles si les deux parties ne parviennent pas à s'entendre. Les syndicats devraient avoir un droit de premier refus concernant l'exécution du travail en question.
    Nous recommandons aussi que les employés temporaires engagés pour effectuer des travaux de conservation ne deviennent pas automatiquement des employés de l'unité de négociation. Au titre de la version actuelle, l'employeur réintégrerait les briseurs de grève de préférence aux employés de l'unité de négociation à la fin de la grève ou du lockout. C'est absurde.
    Ensuite, le projet de loi devrait préciser que les entrepreneurs dépendants ne peuvent pas exécuter les tâches des membres du comité de négociation. Le texte actuel exclut expressément les entrepreneurs dépendants de l'interdiction, même si la définition d'employé dans le Code du travail englobe les entrepreneurs dépendants. Il faudrait donc enlever l'exception énoncée dans l'alinéa 94(4)b) proposé.
    Une autre recommandation serait de réduire de 90 jours à 45 jours le temps alloué au Conseil canadien des relations industrielles. Le conseil devrait rendre une ordonnance provisoire ou une décision sommaire dans les 45 jours tout au plus. Actuellement, les employeurs profitent déjà des délais qui peuvent durer des mois, voire des années. Encore une fois, il faudrait remédier à la situation, et non pas la laisser s'aggraver.
    Notre dernière recommandation — et non la moindre — consisterait à éliminer le délai entre l'adoption et la mise en œuvre du projet de loi. Des fonctionnaires d'expérience nous ont dit que ce délai n'était pas nécessaire. Si le gouvernement prend vraiment cette loi au sérieux, il doit s'arranger pour qu'elle entre en vigueur avant les prochaines élections, car ce sera facile pour le prochain gouvernement, peu importe son allégeance, d'abroger la loi si elle n'a jamais été appliquée.
(0830)
     Les travailleurs n'ont pas les moyens d'attendre. Pas plus tôt que l'an dernier, des briseurs de grève ont franchi les lignes de piquetage des pilotes de remorqueurs au Québec et des travailleurs des télécommunications en Colombie-Britannique.
    Dans les deux situations, si les travailleurs avaient été assujettis à la réglementation provinciale, ils auraient été protégés par la loi anti-briseurs de grève. Malheureusement, ce n'était pas le cas.
    Pour le bien des travailleurs sous réglementation fédérale, et pour donner l'exemple aux provinces qui n'ont pas encore pris de mesures à cet effet, je vous implore d'accepter et d'adopter ces amendements et de soutenir l'adoption du projet de loi C‑58 pour qu'il puisse être mis en œuvre.
    Merci.
    Merci, monsieur Warren.
    Nous allons amorcer la première série de questions avec Mme Ferreri pour six minutes.
(0835)
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup aux témoins d'être des nôtres aujourd'hui. Merci de représenter ces Canadiens extraordinaires qui sont nombreux à prendre littéralement soin de la population de toutes sortes de manières
    Monsieur Warren, dans ma circonscription, Peterborough—Kawartha, nous avons le collège Canadian Welding Skills. Cette véritable institution offre une formation qui permet aux personnes qui la suivent de devenir métallurgistes.
    J'entends souvent de la part des métallos — et de certaines des femmes admirables, dont je suis fière, qui exercent ce métier — ce que d'autres témoins que nous avons entendus ont dit à propos du fil à retordre que leur donnent le logement et le coût de la vie. Les métallos sont durement frappés par ce genre de choses. D'autres témoins ont également parlé des services de garde d'enfants.
    Vos membres vous font-ils part des mêmes problèmes?
    Oui. Ce sont sans aucun doute les problèmes du jour. Voilà justement pourquoi les syndicats, les négociations collectives et les lois anti-briseurs de grève sont si importants. En effet, par rapport aux non-syndiqués, les travailleurs syndiqués sont plus résilients face à l'inflation et sont davantage en mesure d'aller à la table de négociation pour obtenir des conditions qui tiennent compte du coût de la vie.
    Pour plusieurs raisons, le taux d'inflation est élevé en ce moment. Je ne pourrai jamais trop insister sur l'importance de la loi anti-briseurs de grève pour uniformiser les règles du jeu afin que les travailleurs qui vont à la table de négociation pour obtenir des gains le fassent sur un pied d'égalité avec l'employeur.
    Oui. Je suis tout à fait de cet avis.
    Une des statistiques ahurissantes publiées la semaine dernière indiquait que les ménages consacrent au logement 64 % de leur revenu avant impôt. Nous sommes loin du 34 % enregistré auparavant.
    Du côté de la rétention et du recrutement, ou seulement des familles — je suis ministre des familles, des enfants et du développement social dans le cabinet fantôme —, le logement est un élément de stress pour les familles — pour autant qu'elles en aient trouvé un.
    Vous qui représentez des travailleurs partout au pays, constatez-vous que la situation est plus difficile et que le logement est un facteur plus important dans certaines régions?
    Non. Je suis certain que le logement est un facteur pour tous les travailleurs, que ce soit en raison du nombre limité de maisons ou de logements abordables sur le marché, ou en raison des changements structurels qui se produisent inévitablement dans le marché immobilier.
    Bien honnêtement, je ne veux pas approfondir la question et je respecte les courtiers immobiliers — ils ont leurs normes et leurs méthodes —, mais le phénomène des enchères silencieuses qui poussent les acheteurs à faire l'offre la plus élevée possible se solde par des situations où une personne peut verser pour une maison une somme qui dépasse de 60 000 $ l'offre la plus proche. Quelle est l'incidence de ce phénomène sur le coût du logement? La vente d'une maison dans une rue à un prix qui dépasse de 60 000 $ le prix affiché amorce très certainement une tendance.
    Plusieurs facteurs entrent en jeu, mais tout le monde a du mal à trouver un moyen de dénicher une maison ou un loyer abordable.
    Je connais une fille incroyable qui est métallurgiste. Elle vient de m'envoyer un message pour me dire que le prix du beurre est passé de 4.99 $ à plus de 8 $, soit une augmentation de 83 %.
    Ces prix ont des conséquences sur les travailleurs, qui ne sont pas toujours en mesure de se présenter au travail et qui sont stressés, sans parler de tous les autres éléments que vous avez cités. C'est bien, je pense, d'avoir votre perspective sur la question parce que vous représentez ceux et celles qui construisent l'infrastructure de notre pays. Je suis contente de vous entendre là‑dessus.
    Comme je l'ai mentionné, c'est pour cette raison qu'il est important d'adhérer à un syndicat, et qu'il n'y ait pas d'entrave à en faire partie. L'aspect le plus important toutefois, c'est que le patronat et le syndicat soient sur un pied d'égalité dans les négociations. Lors de ces négociations, nous pouvons faire valoir des arguments sur le coût de la vie pour que tous les travailleurs aient une vie de qualité.
    Certains des témoins nous ont aussi parlé du travail donné à des sociétés extérieures. Dans le programme électoral des libéraux en 2015, Justin Trudeau a promis d'économiser des milliards de dollars en ayant moins recours aux consultants. Or, les coûts pour ces prestataires extérieurs, qui étaient de 10,4 milliards de dollars lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir, ont depuis augmenté de près de 60 %.

[Français]

    Madame la députée, dans ma présentation, j'ai dit que c'était un projet de loi essentiel pour la classe ouvrière. Or, vous avez utilisé presque tout votre temps de parole pour poser des questions qui n'avaient pas rapport au projet de loi. Si vous voulez nous inviter à un comité parlementaire traitant de logement ou d'inflation, ce sera avec plaisir que nous y participerons, mais il s'agit ici d'un moment historique pour les travailleurs, et j'aimerais vraiment qu'on pose des questions sur le projet de loi.

[Traduction]

    Merci, madame Senneville.
    J'en déduis que vous ne croyez pas que ces questions sont importantes. Elles ont pourtant une incidence sur les travailleurs que vous représentez. J'ai posé une question sur les prestataires extérieurs. J'aimerais savoir...
(0840)

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Il n'y a pas eu d'interprétation pour l'intervention que vient de faire Mme Ferreri.

[Traduction]

    Veuillez poursuivre, madame Ferreri.
    Si vous me le permettez, je vais poser ma question à M. Warren. D'autres témoins ont soulevé la question des consultants.
    La facture des consultants, qui s'élevait à 10,4 milliards de dollars à l'arrivée des libéraux au pouvoir, a depuis augmenté de près de 60 %. Pourriez-vous nous dire quelles en sont les conséquences pour vos travailleurs?
    J'aimerais insister sur ce qu'a dit Mme Senneville. Nous comparaissons aujourd'hui pour discuter d'un projet de loi qui est important et qui a le potentiel de mettre le patronat et les syndicats sur un pied d'égalité, pour que les travailleurs puissent mieux gagner leur vie, pour eux et leur famille.
    Pourriez-vous me rappeler votre question s'il vous plaît?
    Elle portait sur les consultants. D'autres témoins ont soulevé cette question.
    Je vais m'en tenir à ce que je connais le mieux, c'est‑à‑dire le Syndicat des Métallos et la représentation des travailleurs.
    Avec combien de prestataires extérieurs le gouvernement fait‑il affaire? Dans le secteur des télécommunications, la délocalisation et l'externalisation des prestations, oui, ça me préoccupe énormément. C'est toutefois un débat pour un autre jour, donc je vais m'arrêter là.
    D'accord, merci.
    Madame Senneville, avez-vous des préoccupations par rapport aux prestataires extérieurs?

[Français]

    J'ai de nombreuses préoccupations au sujet du projet de loi, notamment quant à la date de son entrée en vigueur et au nombre d'exceptions qu'il comprend. Il reste que ce projet de loi est très important pour la paix industrielle. À l'instar de mon collègue ici, je dirai que, s'il y a des dispositions anti-briseurs de grève au Québec, c'est notamment parce qu'il y a eu des incidents très violents sur les lignes de piquetage et que des communautés ont été brisées. Ces situations ont réveillé les gens quant à la nécessité d'avoir de telles dispositions législatives.
    Merci, madame Ferreri.

[Traduction]

    Monsieur Collins, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins pour leur présence ce matin.
    Monsieur Warren, j'aurais d'abord une question pour vous.
    Lors de notre dernière réunion, j'ai eu l'occasion de parler du Syndicat des Métallos, de la grève tristement célèbre chez Stelco en 1946 et de la lutte qu'a menée votre syndicat pour la semaine de travail de 40 heures et les vacances payées. Je n'étais certainement pas là en 1946, mais c'est ce que j'ai lu. Cette grève fait penser à la lutte des débardeurs il y a des décennies, que décrivait M. Ashton.
    Dans sa déclaration liminaire, Mme Senneville a dit que le projet de loi était essentiel. Si je pouvais remonter dans le temps et dire aux salariés de Stelco en grève, qui se battaient contre 2 000 briseurs de grève, qu'il faudrait attendre 70 ans pour voir les progrès que nous connaissons aujourd'hui, je pense qu'ils seraient choqués.
    Pourriez-vous nous parler de l'importance de ce projet de loi pour le mouvement syndical et en quoi cette proposition législative peut aider d'autres syndicats à faire les mêmes gains, y compris tous ceux qui se battent depuis des dizaines d'années, voire plus, à d'autres ordres de gouvernement?
    Certainement.
    Je le répète, le projet de loi uniformise les règles du jeu.
    Toutefois, le point sur lequel j'insisterais surtout est le suivant: tous les membres du Comité doivent comprendre que le recours à des briseurs de grève durant une grève ou un lockout détériore les relations de travail pendant des décennies. Les gens n'oublient pas. Pendant que je faisais la grève et que j'essayais de survivre et de nourrir ma famille avec mes indemnités de grève, j'ai vu d'autres travailleurs franchir le piquet de grève dans des autobus sombres ou par d'autres moyens. Comme je le dis à beaucoup d'employeurs, cette décision détériore les relations de travail durant des années. Nos membres n'oublient pas. Je constate aussi, et c'est encore plus important, que la décision d'avoir recours à des briseurs de grève est souvent prise par des employés aux échelons supérieurs, et franchement, nombre d'entre eux partent au bout de deux ou trois ans. Ce sont donc nous, les travailleurs locaux et les gestionnaires, qui devons réparer les pots cassés.
    Dans l'économie mondiale actuelle, l'ingrédient secret pour être un fournisseur ou un fabricant de calibre mondial, ce sont les relations de travail. Avec des relations de travail solides, on peut tout faire. Si l'employeur bâtit une relation de confiance, quand un problème survient, les travailleurs s'en soucient et ils veulent le régler. En revanche, quand un employeur maltraite nos membres, quand il impose un lockout et a recours à des briseurs de grève, il perd cet avantage parce que la seule chose dont les gens se souviennent — que ce soit le père, le grand-père, la grand-mère ou la tante —, c'est que les travailleurs ont été en lockout pendant six mois et que des briseurs de grève ont pris leurs emplois.
    Les répercussions sur les relations de travail sont énormes, et il faut des décennies pour les rétablir.
(0845)
    Merci.
    Monsieur Warren, j'ai une question complémentaire. Durant votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des dispositions du projet de loi portant sur la santé et la sécurité. En effet, le projet de loi comprend des dispositions visant à assurer la continuité des services qui doivent être maintenus pour la population canadienne. Dans quelques communications que nous avons reçues, des employeurs nous ont fait part de la possibilité que les services 9‑1‑1 soient interrompus et que les Canadiens qui doivent voyager ne puissent pas le faire en temps voulu. Pouvez-vous nous parler des dispositions qui se trouvent dans la version actuelle du projet de loi et qui protègent l'accès de la population aux services comme le 9‑1‑1 en cas d'interruption de travail, de lockout ou de grève?
    Pour les syndicats et les métallos, l'idée n'est pas de nuire à la population et à l'environnement ni de perturber... Pour que nous ayons un endroit où retourner travailler, il faut que les services essentiels et les activités principales... Prenons l'exemple des voyages: oui, certains voyages sont essentiels, mais est‑ce que cela comprend les déplacements de tous les Canadiens qui veulent partir en vacances? Je n'en suis pas certain. On peut en discuter. Selon moi, les voyages essentiels, ce sont les déplacements comme ceux que votre groupe doit faire pour se rendre à Ottawa et pour rentrer chez soi. Vous dirigez le pays; c'est important. C'est pour cette raison, comme je l'ai déjà dit, que la discussion sur les services essentiels doit d'abord être menée par le syndicat et l'employeur. S'ils n'arrivent pas à s'entendre, la question peut être renvoyée au CCRI.
    Je dirai, en dernier lieu, que nous travaillons avec les employeurs, que la grève soit à l'échelle provinciale, comme c'est souvent le cas, ou à l'échelle fédérale. Nous avons nos propres membres. Voilà pourquoi c'est important de discuter avec le syndicat et de poursuivre les activités principales, parce que quand une entente négociée met fin à une interruption de travail ou à un lockout, il faut que nous ayons un lieu de travail où retourner et que ce lieu de travail puisse être remis en marche assez rapidement.
    Madame Senneville, il me reste environ une minute. Durant votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de la santé et de la sécurité. Il va sans dire que le Québec est un chef de file dans le domaine sur lequel porte le projet de loi. Pouvez-vous nous fournir des données sur l'amélioration des résultats en matière de santé et de sécurité résultant du fait qu'on n'a pas recours à des travailleurs de remplacement, qui n'ont peut-être pas la même formation que les employés syndiqués?

[Français]

    Absolument.
    Au Québec, nous avons une commission des services essentiels, ce qui fait que les fautifs peuvent se faire prendre, mais aussi que les travailleurs et les employeurs peuvent faire entendre leurs doléances.
    En effet, il y a eu une grève récemment dans le secteur public. Dans une telle situation, c'est sûr qu'une personne qui travaille comme comptable dans un hôpital fera la grève, mais qu'une infirmière aux soins intensifs n'aura aucun temps de grève, car son travail est considéré comme un service essentiel à 100 %. C'est la même chose dans les villes, notamment pour le transport en commun.
    Je le répète, il est possible d'offrir un niveau de services essentiels qui permet d'éviter tous les dangers, tout en préservant le rapport de force. C'est vrai que, lorsqu'il y a un meilleur rapport de force, les conflits de travail sont plus courts.

[Traduction]

    Merci, monsieur Collins.

[Français]

    Madame Chabot, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous, chers témoins. Je le dis à l'intention de mes collègues du Comité qui sont du Parti libéral et du Parti conservateur — quant à mon collègue du NPD, je n'ai pas à le convaincre —, vous illustrez à quel point la représentation syndicale contribue à rendre notre société plus juste, plus égalitaire et plus démocratique. Je vous salue pour le travail que vous faites au quotidien pour défendre les intérêts des travailleuses et des travailleurs.
    Madame Senneville, je vous offre tout d'abord mes salutations. J'ai une question pour vous.
    Vous avez parlé de la dernière grève dans le secteur public au Québec, qui a été historique. Ça a démontré qu'une entente négociée est toujours la meilleure sorte d'entente et qu'un rapport de force s'exerce avec parcimonie.
    Contrairement aux employeurs, ce n'est pas de gaieté de cœur que les employés font la grève. Ils le font pour faire valoir leurs droits de façon légitime.
    Certaines remarques faites à l'égard de ce projet de loi laissaient entendre qu'il ne s'appliquait pas aux employés de la fonction publique fédérale. Seriez-vous d'accord pour que cet élément soit revu?
    Oui, tout à fait.
    Les gens que nous représentons dans le secteur public fédéral, ce sont des agents correctionnels, et ils n'ont pas le droit de grève. Cela dit, nous sommes solidaires avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et le Congrès du travail du Canada, qui représentent des employés fédéraux. On a souvent regretté le fait que l'absence d'une loi anti-briseurs de grève au fédéral crée deux classes de travailleurs au Québec. On ne veut pas non plus créer deux classes de travailleurs ailleurs en excluant la fonction publique.
(0850)
    Je crois que nous sommes tous en faveur du projet de loi, mais, entre son dépôt et son éventuelle adoption, il y a une marge. Nous savons que nous sommes dans un contexte de gouvernement minoritaire où tout peut arriver. Par ailleurs, nous déplorons le fait que le projet de loi entrerait en vigueur 18 mois après la sanction royale. Finalement, c'est comme si ça n'allait pas avoir lieu.
    Est-ce que vous recommandez clairement de retirer totalement le délai de 18 mois, de sorte que les dispositions du projet de loi s'appliquent dès qu'il aura reçu la sanction royale?
    Vous avez utilisé l'image du fromage gruyère pour parler des trous dans le projet de loi. Au Québec, les dispositions anti-briseurs de grève en vigueur rendent impossible d'embaucher un travailleur d'une autre unité de négociation avant que l'avis de grève ou l'avis de négociation soit donné. Or, selon le projet de loi C‑58, ce serait permis. Même si l'objectif est d'empêcher le recours à des travailleurs de remplacement, le projet de loi prévoit des exceptions.
    À votre avis, comment cela vient-il entraver l'esprit même du projet de loi?
    En fait, quand on fait la grève, il faut qu'il y ait grève. Si on peut trouver toutes sortes d'exceptions et que le travail des grévistes peut être fait par d'autres personnes, que ce soit des sous-traitants ou des gens d'autres unités, il n'y a pas grève. La liste d'exceptions est d'ailleurs une des grandes critiques que nous formulons à l'égard du projet de loi.
    Ce que nous voulons, c'est que les jugements de la Cour suprême s'appliquent pleinement et que, quand nous décidons de faire la grève, il y ait effectivement grève.
    Mme Egarhos pourrait vous parler davantage de tous les types d'exceptions qu'il y a. Cela dit, à notre avis, toutes ces exceptions devraient être carrément retirées du projet de loi, sauf celles qui permettent de protéger les services essentiels, évidemment.
    Du côté des employeurs, dont nous allons entendre des représentants durant la deuxième heure de la réunion, on voudrait ajouter à la liste des services essentiels la question des intérêts économiques, ce qui est assez large.
    Au sujet des intérêts économiques, dans votre présentation, vous avez dit que, quand on a recours à des briseurs de grève, ce sont d'abord les travailleurs qui en subissent les conséquences.
    Est-ce que vous croyez que c'est une bonne idée d'ajouter les intérêts économiques dans la liste des exceptions?
    Non, ce n'est pas une bonne idée. Lorsqu'on met tous les éléments dans la balance, on s'aperçoit que les intérêts économiques n'ont rien à voir avec les risques environnementaux ou les risques pour la santé ou la sécurité, par exemple.
    Quand nous faisons la grève, nous nous privons effectivement d'un salaire. Il faut aussi que l'employeur en subisse les conséquences, car ça fait partie du rapport de force. C'est ainsi qu'on amène les parties à négocier et à trouver une entente qui est satisfaisante pour les deux parties. C'est là qu'à la fois l'entreprise et la communauté en sortent gagnantes.
    Diriez-vous que, si on empêchait le recours à des travailleurs de remplacement, il y aurait plus de grèves, comme le prétendent certains témoins?
    Non. Je le dis et je le répète: quand on annonce qu'on fait la grève, c'est une décision lourde de conséquences. Ce n'est pas une journée à la plage.
    Non. Voilà, je pense que c'est clair.
    M. Warren, j'aimerais vous poser une question.
    On parle du moment où, sur le plan historique, on a décriminalisé le droit de grève. Des questions ont été posées à ce sujet et vous avez mentionné combien ça avait été un événement heureux à la faveur des travailleurs.
    Encore aujourd'hui, cependant, nous voyons des conflits de travail qui sont très longs. Du côté des métallos, au Québec, le port de Sorel‑Tracy a connu une grève qui a duré plus d'un an et pendant laquelle on a eu recours à des travailleurs de remplacement qui gagnaient trois fois le salaire des grévistes.
    Est-ce que c'est acceptable? Quel était le...
    Merci, madame Chabot.
(0855)

[Traduction]

    Monsieur Warren, si vous voulez présenter des observations à ce sujet, vous devrez les insérer dans une réponse à une autre question.

[Français]

    Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Avant de poser des questions aux témoins, je voudrais simplement souligner la présence dans la salle de Sébastien, qui est un travailleur de Vidéotron à Gatineau, qui est en lockout depuis maintenant plus de six mois. Il subit le fait que des travailleurs de remplacement prennent son travail et son salaire. Je pense qu'il est important de montrer que nous ne parlons pas juste d'événements qui se sont passés il y a 10 ou 20 ans. À l'heure actuelle, des travailleurs et des travailleuses subissent encore les conséquences du recours aux travailleurs de remplacement et en souffrent. Je remercie ce travailleur d'être parmi nous aujourd'hui.
    Madame Senneville, vous avez dit être émue d'être ici, car il s'agissait d'un projet de loi essentiel et d'un moment historique. Je veux vous dire que je partage votre émotion.
    J'aimerais vous entendre parler davantage de ce que le projet de loi C‑58 apportera aux membres de la CSN, dans certaines fédérations et dans certains secteurs d'activité. Comme leader syndicale, pouvez-vous nous dire ce que ça va changer, comparativement à ce que vous avez vécu dans les dernières années?
    Je milite à la CSN depuis plus de 25 ans. Un des conflits qui m'ont le plus touchée est celui entourant l'élévateur à grains Cargill, sur la Côte‑Nord, au Québec. Les gens ont été en lockout pendant 38 mois, période pendant laquelle ils ont vu des travailleurs prendre leur place. C'est une situation vraiment très difficile à vivre. C'est une expérience que j'ai vécue.
    Je ne voulais pas parler de la grève de l'amiante, parce qu'elle me semblait trop éloignée dans le temps, mais, puisque d'autres personnes ont abordé des faits historiques, je vais en parler. En 1949, à Asbestos, il y a eu des briseurs de grève, et c'est vrai que ça a marqué la communauté pendant des générations. Quand j'ai visité des syndicats dans les années 1980, certaines personnes m'ont dit qu'elles ne parlaient plus aux membres d'une certaine famille parce que leur père avait été un briseur de grève. Ce genre de situation génère assurément des tensions dans toute la communauté.
    Je pense aussi à la violence qui éclate sur les lignes de piquetage, quand il faut que des travailleurs empêchent physiquement d'autres travailleurs d'entrer sur les lieux de travail. Dans l'exemple donné par Mme Chabot, c'est le comble lorsqu'on paie les briseurs de grève beaucoup plus que les travailleurs.
    Je dois dire que ma mère a fait la grève dans la fonction publique du Canada pour obtenir ce qu'on appelle maintenant des congés de maternité. Or, personne autour de cette table ne remettrait en cause aujourd'hui les congés de maternité.
    Oui, les grèves sont difficiles, à la fois pour les entreprises et pour les travailleurs et les travailleuses, mais parfois elles nous font aussi progresser en tant que société.
    On parle ici de gains sociaux acquis grâce à des personnes qui, année après année, décennie après décennie, ont eu le courage de se lever et de se tenir debout.
    Plus précisément, vous avez parlé de l'importance des ressources du Conseil canadien des relations industrielles, notamment pour les processus d'enquête. Selon le projet de loi actuel, qui est grandement perfectible, j'en conviens, dans le cadre d'un conflit de travail, un employeur pourrait continuer de recourir à des sous-traitants qu'il employait avant l'envoi de l'avis de négociation, donc plusieurs mois auparavant. Par contre, il faudrait que ce soit pour accomplir des tâches de la même nature et de la même ampleur.
    Il faudra disposer de ressources pour mettre en œuvre un processus d'enquête visant à vérifier si ces conditions sont respectées. En effet, il pourrait aussi y avoir des dérapages et des abus à cet égard si on n'est pas en mesure d'envoyer sur place des inspecteurs pour vérifier si la nature du travail, le nombre d'heures ou le nombre de tâches a changé.
    Si le projet de loi est adopté, il faudra prendre les moyens nécessaires pour que ses dispositions soient appliquées. Même si on agrée à notre souhait voulant que toutes les exceptions soient retirées du projet de loi, il va falloir que des inspecteurs se rendent sur le terrain. C'est une situation que nous vivons, au Québec. C'est le cas pour les hôtels, par exemple, où l'on fait venir des travailleurs. On doit pouvoir enquêter et témoigner.
    Ce que vous dites est intéressant. En effet, plus la liste d'exceptions sera longue, plus le travail d'enquête des inspecteurs sera compliqué. Il va donc falloir qu'il y en ait davantage.
    Cela dit, une grève demeure une grève. On devrait se donner les moyens nécessaires, tant sur le plan législatif que de manière concrète, pour faire appliquer ces dispositions.
(0900)
    C'est parfait.
    Monsieur Warren, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. C'est un sujet important.
    Je vais revenir sur les exceptions pour lesquelles il serait possible de recourir à des travailleurs de remplacement. Vous avez dit qu'il y avait trop d'échappatoires.
    Si on devait retirer quelques exceptions, lesquelles devrait-on enlever en priorité, selon vous?

[Traduction]

    Selon moi, ils sont tous importants. À moins qu'il s'agisse d'un service essentiel, il n'y a aucune raison d'engager quelqu'un d'autre pour faire le travail d'un membre en lockout ou en grève, et ce, peu importe le domaine. C'est important. Je ne veux pas donner la priorité à l'un au détriment d'un autre.
    Il faut que ce soit clair: il ne devrait y avoir aucune autre exception que les travailleurs nécessaires pour assurer les services essentiels dont nous avons parlé. On peut se demander, par exemple, quel est le but de la grève. La grève des exploitants de remorqueurs, au Québec, ne portait pas sur des enjeux économiques. Les briseurs de grève ont été mieux rémunérés que les métallos qui exploitent les remorqueurs.

[Français]

    Merci, monsieur Boulerice.

[Traduction]

    Madame Gray, vous disposez de cinq minutes.
    Excellent, merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence.
    Rapidement, je tiens à dire que je suis ravie que les interprètes soient sur place. La réunion se passe très bien comparativement à d'autres. Merci à quiconque a organisé cela.
    Je veux parler de la nouvelle récente selon laquelle le taux de chômage au Canada est passé de 5,8 % en février à 6,1 % en mars. Le taux de 6,1 % équivaut à un point de pourcentage de plus qu'il y a un an. J'aimerais savoir si vous avez des préoccupations à ce sujet et si vos membres vous en parlent. La tendance à la hausse du taux de chômage et les pertes d'emplois suscitent-elles des préoccupations?
    J'invite M. Ashton, de l'International Longshore and Warehouse Union Canada, à répondre en premier.
    Je ne veux pas être impoli, mais je ne vois pas le lien entre le taux de chômage au Canada et le projet de loi C‑58. Nous sommes ici pour parler de la loi anti-briseurs de grève, et non du taux de chômage.
    Je ne suis pas ici pour permettre à un parti politique de gagner des points au détriment d'un autre. Je vais donc m'abstenir de répondre à la question.
    Merci.
    D'accord. En fait, nous parlons des travailleurs qui perdent leur emploi. Ma question concernait strictement les pertes d'emplois chez les travailleurs.
    Je vais me tourner vers les représentants du Syndicat des Métallos. Les travailleurs vous ont-ils fait part de préoccupations à l'égard des pertes d'emplois?
    Non. Je suis d'accord avec le témoin précédent: je veux vraiment m'en tenir au projet de loi.
    Non, nous n'avons rien entendu à ce sujet. Nos membres n'en parlent pas. Nous n'avons pas connu de renvois importants. Je ne dirai rien de plus là‑dessus.
    Tout dépend de la manière dont le taux de chômage est calculé au Canada et aux États-Unis. On entend des comparaisons avec les États-Unis, mais en fait, chaque calcul est différent. Je n'en dirai pas plus. Franchement, c'est à notre service de la recherche et aux experts de se prononcer là‑dessus, et non à moi.
    D'accord, merci pour votre réponse.
    Cela m'amène à mon point suivant: contrairement au Canada, où le taux augmente, aux États-Unis, il baisse. Vous travaillez sans doute avec des organisations de l'autre côté de la frontière. Il y a une interrelation étroite entre nos activités commerciales et nos chaînes d'approvisionnement. Je me demandais si vous aviez une idée des raisons qui expliquent la différence.
    Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire là‑dessus. C'est préoccupant que le Canada et les États-Unis se dirigent dans des directions inverses. Je me demande simplement si c'est un sujet dont vous entendez parler.
    Non?
    La réponse courte est non. Je le répète, je crois comprendre que le calcul n'est pas fait de la même façon au Canada et aux États-Unis. C'est donc probablement comme comparer des pommes et des oranges. Je n'en dirai pas plus.
    D'accord, très bien. Merci beaucoup.
    Durant une réunion précédente, des représentants syndicaux nous ont aussi dit que le recours à des sous-traitants et à des consultants externes pour remplacer les travailleurs pouvait causer de la dévalorisation et être une source de stress pour les travailleurs. Le fait que des sous-traitants effectuent des tâches que les travailleurs pourraient faire affecte leur santé mentale. Au lieu d'élargir la main-d'œuvre, on a recours à des consultants externes.
    Monsieur Warren, je vais me tourner vers vous en premier. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
(0905)
    Ce que je dirais à ce sujet, c'est qu'il n'y a aucun doute que les briseurs de grève qui franchissent le piquet de grève sont une source de stress pour les travailleurs. Si vous vous rendez à un piquet de grève où il n'y a pas de briseurs de grève, vous constaterez que les grévistes sont calmes. Ils ont le droit d'être là et de manifester, et c'est ce qu'ils font.
    Si vous vous rendez ensuite à un piquet de grève où il y a des briseurs de grève, vous constaterez que la situation est tendue et chargée d'émotion. C'est comme si les travailleurs, leurs familles et leurs enfants se faisaient voler leurs moyens de subsistance.
    Il faut aussi mentionner, par rapport aux briseurs de grève — il en a été question plus tôt —, qu'au Canada, un millier de travailleurs meurent au travail chaque année. Pourquoi faire appel à des personnes non qualifiées et à peine formées? Est‑ce qu'il vaut la peine pour une entreprise de risquer la vie d'un travailleur, pendant que ses employés sont dehors, pour qu'elle puisse fabriquer 10 gadgets de plus, au lieu de négocier collectivement en vue de parvenir à une entente?
    Je sais qu'il ne me reste plus que quelques secondes. Il y a une journée nationale dédiée aux travailleurs qui ont perdu leur emploi. Selon moi, nous devrions tous la souligner. Merci d'avoir soulevé ce point.
    Merci, madame Gray.
    Monsieur Long, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Bonjour.
    Bonjour, chers collègues.
    Merci aux témoins qui sont avec nous ce matin.
    Je dirais que c'est aujourd'hui que la population canadienne a droit à un exemple d'un parti qui ne veut pas parler d'une mesure législative. Le Parti conservateur veut parler de tout sauf du projet de loi. Je ne vais pas parler du fait qu'il y a deux ans, une dinde coûtait 100 $, et qu'il y a deux semaines, j'en ai acheté une au prix de 35 $. Je ne vais pas en parler.
    Madame Senneville, ma question pour vous porte sur le sujet suivant: quand il était au pouvoir, le Parti conservateur a déposé les projets de loi C‑377 et C‑525, deux mesures législatives stupéfiantes qui ont eu des effets dévastateurs sur les syndicats.
    J'aimerais que vous nous parliez, aux fins du compte rendu, des projets de loi C‑377 et C‑525 et de leurs effets sur les syndicats. Je vous demanderais aussi de nous parler de l'importance du projet de loi C‑58. C'est un mythe que les syndicats veulent faire la grève; je vous prie de le dissiper.

[Français]

    Les projets de loi C‑377 et C‑525 étaient tous deux antisyndicaux, à notre avis. Ils visaient à rendre la syndicalisation plus difficile et, une fois les syndicats formés, à réduire leur champ d'action. À notre avis, ça va à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés, qui, je le répète, garantit le droit d'association.
    Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, le projet de loi C‑58 va effectivement transformer le monde du travail et la vision de celui-ci au Canada. Ce n'est pas rien.
    Au Québec, nous regardons les statistiques chaque année. Nous voyons que, après l'adoption des dispositions anti-briseurs de grève en 1977, il n'y a pas eu plus de grèves. Ce qui a diminué, c'est la violence et le nombre d'ambulances aux piquets de grève.

[Traduction]

    Je vous remercie pour votre réponse.
    Monsieur Ashton, ma circonscription est située à Saint John, au Nouveau-Brunswick, une fière ville portuaire. J'entretiens une très bonne relation avec la section locale 273 de l'Association internationale des débardeurs et M. Terry Wilson. Nous accomplissons beaucoup de grandes choses ensemble.
    J'aimerais que vous nous parliez de votre expérience. Vous avez dit, dans vos propres mots, que les grèves et les lock-out n'étaient pas faciles. C'est une solution de dernier recours pour les syndicats. Mes collègues du Parti conservateur laissent parfois entendre que les syndicats veulent faire la grève; pourtant, rien n'est plus faux.
    Je sais que vous venez de vivre une grève. J'aimerais que vous nous parliez de votre expérience, s'il vous plaît.
(0910)
    Merci. M. Wilson est l'un de mes bons amis. C'est un grand syndicaliste. Il m'est très cher. C'est une personne extraordinaire.
    Les grèves sont des épreuves extrêmement difficiles. En Colombie-Britannique, la division des débardeurs vient de vivre une grève de 13 jours. Mes membres n'ont pas été rémunérés pour une seule journée; mon comité de négociation non plus. Les changements et leurs effets sur les familles sont dévastateurs au plus haut point. Les gens risquent de perdre leur maison, et si la grève dure longtemps, ils s'exposent à des troubles de santé mentale qui pourraient leur coûter la vie. La grève est le dernier choix des travailleurs syndiqués.
    Ce que nous voulons, c'est une convention collective négociée le plus rapidement possible, étonnamment, pour que nous puissions reprendre nos activités, et par cela, je veux dire notre emploi. C'est tout ce que nous voulons.
    Dans le secteur maritime, quand nous avons affaire aux associations patronales, il n'est pas rare que notre employeur ne soit pas à la table de négociation. Il est représenté par un tiers, ce qui signifie que nous ne pouvons pas nous entretenir directement avec lui. C'est ce qui fait traîner les discussions et ce qui cause les conflits à la table de négociation: nous n'avons pas le droit de parler directement à notre employeur parce que le tiers ne le convoque pas.
    Cette approche ralentit et entrave la négociation. C'est ce qui a mené à la grève de 13 jours lors de notre dernière ronde de négociation. Chacun de mes membres a voté pour sa famille, pour une vie meilleure et pour une convention collective négociée librement. Quand un travailleur canadien vote pour la grève, c'est parce qu'il n'a plus d'autres choix.
    Merci, monsieur Ashton.
    Merci, monsieur Long.

[Français]

    Madame Chabot, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Senneville, vous représentez des membres dans plusieurs secteurs, dont celui des télécommunications. Ici, nous avons des employés syndiqués de Vidéotron qui sont en lockout depuis octobre. Ce sont tous les centres d'appels qui sont en cause. L'employeur peut recourir à des briseurs de grève, conformément à ce que permet actuellement la loi fédérale, puisque les emplois sont délocalisés.
    Quand on parle du droit de grève, il est essentiel d'empêcher le recours à des travailleurs de remplacement. Comment voyez-vous ça dans une perspective de relations de travail harmonieuses?
    Effectivement, cette situation permet aux travailleurs de se concentrer sur la négociation, et non sur la protection de la ligne de piquetage. Quand on arrive à un règlement négocié, ça mène à la paix industrielle. On est basé là-dessus.
    Ce qui distingue une société démocratique des autres sociétés qui ne le sont pas, c'est la protection du droit de grève. Même si c'est difficile, même si c'est une option de dernier recours, ça demeure important pour faire avancer certaines choses dans la société.
    J'aimerais souligner que nous avons la même préoccupation en ce qui a trait au fait que le projet de loi sera mis en œuvre 18 mois après la sanction royale. Lorsque nous ferons l'étude article par article du projet de loi, en mai, nous proposerons de retirer ce délai de mise en œuvre.
    Du côté du parti au pouvoir, toutefois, le ministre semble tenir à ce délai de 18 mois. On en aurait besoin du côté de la commission des relations de travail, paraît-il.
    Quel est votre point de vue là-dessus?
    Il faut tout mettre en œuvre pour que ce projet de loi entre en vigueur le plus rapidement possible. Comme on le dit en français, quand on veut, on peut.
    Merci, madame Senneville.
    Monsieur Warren, que pensez-vous du conflit de travail vécu par des travailleurs du Québec lors duquel des travailleurs de remplacement ont été payés le triple du salaire des employés? Le conflit a duré un an. Pensons aussi aux travailleurs qui ont quitté leur emploi en remorquage maritime pour occuper un autre emploi. C'est une expertise qu'on perd.
    Pourriez-vous dire à quel point ce projet de loi est important pour empêcher une telle situation à l'avenir?
(0915)

[Traduction]

    Donnez une réponse très brève.
    Pour empêcher une telle situation, il faut une loi anti-briseurs de grève.
    Rapidement à ce sujet, c'était une attaque contre les métallos et leurs familles. On a tenté d'écraser le syndicat plutôt que de négocier une convention collective.

[Français]

    Merci, madame Chabot.
    La parole est maintenant à M. Boulerice pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poser la même question à tous les témoins. Je vais essayer d'être bref, puisque j'ai seulement deux minutes et demie à ma disposition.
    Le ton sera pas mal différent dans la prochaine heure. Nous allons beaucoup entendre dire que, parmi les exceptions pour lesquelles il serait permis de recourir à des travailleurs de remplacement, on doit considérer l'intérêt économique national.
    Selon vous, quel danger et quels pièges un tel critère représente-t-il pour le droit des travailleurs et des travailleuses?
    Commençons par vous, monsieur Warren.

[Traduction]

    Je le répète, le piège, c'est qu'il ne s'agisse pas d'une tâche essentielle pour entretenir les installations, ou encore pour protéger l'environnement ou la santé et la sécurité. Le risque, c'est que la loi ne soit pas aussi forte qu'elle doit l'être.
    Toute mesure législative qui ne fonctionne pas, comme la loi Westray, est une mesure législative inefficace. Pour que la loi soit efficace, pour qu'elle ait un effet à la table de négociation, elle doit limiter le nombre de travailleurs, sans créer de raccourcis et sans offrir d'échappatoires.

[Français]

    Pour ma part, je vais répondre en une phrase: ça prend une vraie loi anti-briseurs de grève.
    Merci beaucoup.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Ashton? Inclure la notion d'intérêt économique national dans un projet de loi anti-briseurs de grève pourrait constituer un piège. Quel pourrait en être l'effet sur le droit des travailleurs et des travailleuses, selon vous?

[Traduction]

    Si ces termes se trouvent dans la loi, tous les employeurs canadiens affirmeront qu'ils ont une incidence sur l'économie nationale. Les répercussions sur l'économie du pays ne devraient pas l'emporter sur les droits des travailleurs canadiens. Tout travailleur devrait avoir le droit de faire la grève, peu importe l'endroit où il se trouve ou le travail qu'il fait. Quand j'ai fait la grève pendant 13 jours, j'ai entendu des gens m'appeler un terroriste économique. C'est dégoûtant. Nous représentons les travailleurs.
    L'économie du Canada s'est redressée, comme elle le fait toujours. Parlons des enjeux économiques; parlons des salaires des travailleurs.

[Français]

    C'est parfait. Merci beaucoup, monsieur Ashton.
    Merci à tous les témoins.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Boulerice.

[Traduction]

    Voilà qui met fin à la première partie de la réunion. Nous devons suspendre la séance pour accueillir le prochain groupe de témoins.
    Au nom du Comité, je remercie les témoins qui ont participé à la première heure de la réunion pour leurs observations.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons suspendre la séance pendant trois minutes. Les témoins sont dans la salle; il n'y a pas de tests de son à faire.
(0915)

(0920)
    Nous allons maintenant reprendre la séance pour accueillir notre deuxième groupe de témoins.
    De la Fédération canadienne de l'agriculture, nous recevons Brodie Berrigan, directeur, Relations gouvernementales, et Todd Lewis, vice-président.
    De la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, nous accueillons Christina Santini, directrice, Affaires nationales, et Jasmin Guénette, vice-président, Affaires nationales.
    D'Employeurs des transports et communications de régie fédérale, nous recevons Derrick Hynes, président-directeur général.
    M. Lewis fera la déclaration liminaire pour la Fédération canadienne de l'agriculture.
    Vous disposez d'au plus cinq minutes.
    Bonjour à tous. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.
    Je suis Todd Lewis et je suis le premier vice-président de la Fédération canadienne de l'agriculture. Je cultive des céréales, du canola et des lentilles juste au sud de Regina, en Saskatchewan, dans une petite ville appelée Gray.
    La FCA est la plus grande organisation agricole du Canada. Nous représentons plus de 190 000 agriculteurs et familles d'agriculteurs dans tout le Canada, et ils sont au cœur du système agroalimentaire canadien, qui génère 143,8 milliards de dollars du produit intérieur brut du Canada — soit environ 7 %.
    Les agriculteurs canadiens sont fiers de produire des produits agricoles et agroalimentaires de haute qualité, dont plus de 92 milliards de dollars ont été exportés vers des partenaires commerciaux du monde entier en 2022. Le Canada est un pays exportateur. Les flux de marchandises générés par le commerce sont intimement liés à notre niveau de vie. Les pays du monde entier achètent des produits agricoles canadiens en raison de notre réputation de fournisseur fiable de produits de haute qualité. Toutefois, si ces produits ne peuvent pas atteindre les clients étrangers en raison d'un arrêt de travail prolongé, cela a une incidence directe sur les agriculteurs canadiens, l'économie canadienne et notre fiabilité en tant que pays exportateur.
    Par exemple, comme l'indique le rapport final du groupe de travail national sur la chaîne d'approvisionnement, les arrêts de travail en 2018, 2019, 2021 et 2022 « ont tous affecté la façon dont les décideurs de la chaîne d'approvisionnement et les entreprises internationales considèrent le Canada comme lieu où faire des affaires ». Il a déclaré que « la menace seule d'une grève ou de lock-out peut avoir des impacts négatifs sur le fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement des transports et entacher la réputation du Canada comme destination de choix pour faire des affaires ».
    Permettez-moi d'être très clair: nous reconnaissons l'importance d'une négociation collective libre et équitable au Canada et nous soutenons les droits des travailleurs syndiqués de négocier équitablement avec leurs employeurs. Toutefois, nous croyons que la circulation des produits agricoles et agroalimentaires doit être considérée comme nécessaire et que certaines exemptions doivent être prévues dans la mesure législative proposée, le projet de loi C‑58, afin de reconnaître l'importance de maintenir la circulation de ces produits durant des conflits de travail.
    Il existe un précédent. En 1998, des amendements ont été apportés au Code canadien du travail, parrainés par le ministre du Travail de l'époque Lawrence MacAulay, qui interdisaient l'arrêt de travail parmi les débardeurs qui chargent les navires céréaliers pendant une grève ou un lock-out. Toutefois, ces amendements ne s'appliquent qu'au transport de céréales en vrac et ne s'appliquent pas au transport par conteneur de céréales et de denrées périssables.
    Interdire le recours à des travailleurs de remplacement dans les lieux de travail sous réglementation fédérale en cas de grèves ou de lock-out pourrait paralyser les chaînes d'approvisionnement alimentaire du Canada.
    Étant donné que les chemins de fer ont un double monopole sur l'expédition des céréales au Canada, les producteurs et les expéditeurs ont des options très limitées. Dans la plupart des cas, ils n'ont qu'une seule option pour maintenir le service pendant une interruption de travail.
    Par conséquent, nous recommandons que la capacité de l'employeur à réaffecter des travailleurs non syndiqués au sein d'une entreprise, y compris le personnel de direction, soit maintenue, au besoin, pour maintenir la production nationale de denrées alimentaires et d'aliments pour le bétail. Nous espérons que la direction pourra continuer à assurer des fonctions essentielles pendant ces arrêts de travail afin de permettre l'acheminement des produits agricoles. À notre avis, cela permettrait de préserver l'intégrité du processus de négociation collective en empêchant un retour à la pleine capacité, tout en fournissant un moyen de maintenir un niveau minimal de sécurité et la circulation des marchandises agricoles lorsqu'il n'y a pas d'autres options pour les expéditeurs canadiens.
    Pour que le projet de loi C‑58 en tienne compte, nous recommandons d'ajouter un nouvel alinéa c) « Exception: menace, destruction ou dommage » du Code canadien du travail, qui stipule que « l'utilisation de ces services est primordiale pour maintenir la circulation de biens essentiels nécessaires au maintien et à la préservation de l'approvisionnement national du Canada en denrées alimentaires et en aliments pour bétail, et de la sécurité alimentaire mondiale ».
    Le secteur agricole a connu sept arrêts de travail au cours des six dernières années. Les arrêts de travail prolongés menacent non seulement notre réputation internationale, mais ont également des répercussions réelles sur les agriculteurs et l'économie du Canada.
    Pour conclure, je tiens à vous remercier de l'occasion de comparaître aujourd'hui. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
(0925)
    Merci, monsieur Lewis.
    Monsieur Guénette, vous disposez d'au plus cinq minutes.

[Français]

[Traduction]

    Je suis le vice-président des Affaires nationales à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je suis accompagné de ma collègue, Christina Santini, directrice des Affaires nationales. Nous aimerions remercier le Comité de l'invitation aujourd'hui. Je ferai ma déclaration liminaire en anglais, mais je peux répondre aux questions en français et en anglais.
    La FCEI, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, représente 97 000 propriétaires de petites entreprises dans tous les secteurs de l'économie et dans toutes les régions du pays, des PME canadiennes qui s'inquiètent des répercussions négatives éventuelles de ce projet de loi sur leur entreprise, les personnes qu'elles emploient et celles qu'elles servent. Ma collègue et moi vous ferons part des observations que vous pourrez prendre en considération lors de l'examen du projet de loi et des amendements potentiels.
    Premièrement, il faut une majorité simple de 50 % plus un des membres dans une unité de négociation qui votent en faveur d'une grève pour en lancer une. Dans le cas d'un vote qui paralyserait une infrastructure essentielle importante, comme un port ou un chemin de fer, et qui nuirait à de nombreuses entreprises, ne devrait‑il pas y avoir un seuil beaucoup plus élevé et un taux de participation plus important? Par ailleurs, toutes les offres et les contre-offres devraient-elles être divulguées à tous les travailleurs concernés dès qu'elles sont présentées?
    Cela pourrait améliorer la démocratie et la transparence du syndicat.
    Deuxièmement, les ports, les chemins de fer, le camionnage interprovincial et les autres infrastructures critiques sous réglementation fédérale devraient être considérés comme des services essentiels, de sorte qu'ils restent opérationnels en tout temps. De plus, une longue grève peut avoir des conséquences négatives pour l'économie qui sont démesurées par rapport aux avantages qu'un syndicat peut en tirer.
    Les répercussions économiques négatives des grèves sur les PME peuvent être importantes: perte de ventes, perte de stocks, obligation de réduire la production et les heures de travail, frais d'entreposage supplémentaires et sanctions financières potentielles en fonction des échéances des contrats. Une grève de longue durée peut compromettre la capacité de nombreuses personnes de gagner leur vie tout au long de la chaîne d'approvisionnement.
    Une étude sur l'analyse des coûts menée par un tiers indépendant pourrait-elle être exigée pour évaluer les coûts et les répercussions d'une grève sur l'économie, les PME et les Canadiens, avant même qu'une grève ne soit autorisée? Si les répercussions et les coûts sont jugés potentiellement graves, une grève générale ne pourrait pas être autorisée.
(0930)
     Au final, on craint que ce projet de loi, dans sa forme actuelle, encourage encore plus les syndicats à quitter la table de négociation et entraîne une augmentation des grèves, voire des perturbations le long de la chaîne d'approvisionnement.
    La Colombie-Britannique et le Québec, où des restrictions plus importantes sur le recours aux travailleurs de remplacement ont été adoptées, ont connu plus d'arrêts de travail que la plupart de leurs homologues, y compris le secteur privé sous réglementation fédérale.
    Les PME du Canada, les personnes qu'elles emploient, les communautés qu'elles servent et l'économie à laquelle elles contribuent n'ont pas besoin de plus d'arrêts de travail.
    Dans l'ensemble, 73 % de nos membres qui ont une opinion ont déclaré qu'ils ne soutiendraient pas l'interdiction des travailleurs de remplacement et 92 % sont favorables à l'idée que les lieux de travail sous réglementation fédérale qui sont déterminants pour la chaîne d'approvisionnement soient définis comme étant des services essentiels.
    La FCEI s'oppose donc à l'adoption de ce projet de loi. Nous continuons à recommander que les travailleurs de la chaîne d'approvisionnement soient considérés comme essentiels, ce qui les renvoie à l'arbitrage obligatoire. Ce projet de loi doit être revu en profondeur. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci de nous avoir reçus.
    Merci, madame Santini.
    Monsieur Hynes, vous disposez d'au plus cinq minutes.
    Je comparais devant vous aujourd'hui en tant que représentant d'ETCRF, Employeurs des transports et communications de régie fédérale, une association qui représente la plupart des grandes compagnies aériennes, des entreprises de messagerie, des ports maritimes, des chemins de fer, des entreprises de télécommunications et d'autres entreprises du Canada en leur qualité d'employeurs.
    Les membres d'ETCRF emploient près des deux tiers de tous les travailleurs du secteur privé sous réglementation fédérale. Nos membres sont majoritairement syndiqués et comptent des décennies de négociations collectives productives avec la plupart des syndicats du secteur privé.
    On a beaucoup parlé ces derniers mois du projet de loi C‑58, qui interdira le recours à des travailleurs de remplacement durant un arrêt de travail. Malheureusement, de notre point de vue, une grande partie de ce qui a été dit jusqu'à présent n'est tout simplement pas ancrée dans une réalité documentée.
    Ce débat doit mettre l'accent sur les preuves. La documentation prouve clairement deux choses. Les interdictions au recours à des travailleurs de remplacement entraînent davantage de grèves et des grèves plus longues. Ces interdictions incitent à la grève et découragent la négociation collective.
    Les personnes les plus touchées par les travailleurs de remplacement sont les Canadiens ordinaires. Quand de grands employeurs comme les compagnies aériennes, les ports, les chemins de fer et les entreprises de communications ferment, les chaînes d'approvisionnement s'interrompent. Les expéditions sont suspendues, les colis ne sont pas livrés, les passagers sont bloqués, les services Internet et de câblodistribution sont interrompus et les transactions bancaires s'arrêtent. Les Canadiens d'un bout à l'autre du pays sont touchés parce que les services essentiels fournis par les grandes organisations sous réglementation fédérale ne sont plus possibles.
    À ce jour, ni le gouvernement ni aucun syndicat n'a présenté la moindre preuve documentée démontrant en quoi cela améliore le processus de négociation collective. En fait, le ministre du Travail nous rappelle que 96 % des négociations dans le secteur privé fédéral prennent fin sans arrêt de travail.
    Bien qu'il ne soit pas parfait, le système fonctionne. Ce projet de loi propose de régler un problème qui n'existe pas. Ce débat a été réglé il y a 30 ans dans le cadre d'une révision exhaustive du Code canadien du travail. L'équilibre existe. Il n'y a aucun avantage, que l'on puisse prouver, à l'interdiction des travailleurs de remplacement. Le gouvernement ne devrait pas présenter une mesure législative qui ajoutera assurément de l'instabilité à des chaînes d'approvisionnement déjà vulnérables.
    Il faut définir ce qu'est un travailleur de remplacement. Ce n'est pas une foule de personnes qui sont embauchées au hasard dans la rue. Il s'agit généralement d'employés actuels de l'entreprise, tels que des cadres, des superviseurs ou des sous-traitants avec lesquels l'employeur entretient déjà une relation. Ce sont des mesures temporaires.
    Les travailleurs de remplacement maintiennent la continuité des activités et assurent un niveau de service de base jusqu'à la fin de la grève. C'est le système de négociation collective en action. Ce n'est pas un défaut, mais une caractéristique de conception. À la fin de la grève, tous les employés syndiqués reprennent le travail et les travailleurs de remplacement temporaires partent.
    Ce qui est parfois caché dans ce débat, c'est le fait qu'une interdiction d'avoir recours à des travailleurs de remplacement donne à de très petites unités de négociation dans de grandes organisations la possibilité de fermer toute l'organisation. Cela peut se produire dans une compagnie aérienne, un aéroport, un chemin de fer, un port maritime ou dans le secteur des télécommunications. Les répercussions sur la chaîne d'approvisionnement peuvent être importantes.
    Les élus fédéraux savent depuis des décennies que c'est une mauvaise idée. Bien que cette idée ait été présentée au moins une dizaine de fois au cours des 15 dernières années, elle a toujours été rejetée par les parlementaires. Rien dans ce projet de loi ou dans le processus ne fait que ce soit différent des efforts passés.
    Les politiques publiques devraient être fondées sur des faits documentés. Ce n'est pas le cas.
    Nous vivons dans le monde réel en tant qu'employeurs. Étant donné que nous sommes ici aujourd'hui, nous reconnaissons que ce projet de loi semble susciter l'intérêt des députés. Nous préférons que vous rejetiez ce projet de loi dans son intégralité, mais si vous allez de l'avant, nous vous exhortons sincèrement à l'amender de plusieurs façons, comme nous l'avons précisément demandé dans le mémoire que nous avons présenté récemment.
    Bref, dans un premier temps, ce projet de loi doit être plus flexible en ce qui concerne le recours à des sous-traitants. Le projet de loi est trop restrictif à cet égard. Ne perdons pas de vue le fait que les sous-traitants sont aussi des travailleurs et que bon nombre d'entre eux entretiennent des relations durables avec les organisations que je représente.
(0935)
    Deuxièmement, on ne devrait pas empêcher les employés syndiqués qui veulent travailler de le faire. Si vous reconnaissez que nous vivons à une époque où le coût de la vie représente un défi, pourquoi enlever à quiconque le droit de choisir de travailler?
    Troisièmement, les exceptions à ces règles doivent tenir compte de l'intérêt économique national ou de la sécurité économique nationale en ce qui concerne les travailleurs de remplacement et les services essentiels. La barre actuelle est tout simplement trop haute. Cela inclut la menace de mort, la menace de destruction de biens et la menace d'une catastrophe environnementale. Il s'agit là d'exceptions d'ordre apocalyptique.
    Enfin, les dates relatives à ces dispositions devraient remonter, selon nous, à l'avis de différend plutôt qu'à l'avis de négociation.
    Merci, monsieur le président. Je suis désolé d'avoir dépassé mon temps de parole.
    Merci, monsieur Hynes.
    Nous allons commencer avec Mme Gray pour la première série de questions.
    Madame Gray, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Mes premières questions s'adressent à la Fédération canadienne de l'agriculture.
    Nous savons qu'il y a de nombreux défis incroyables auxquels sont confrontés l'industrie agricole et les agriculteurs. Pour n'en nommer que quelques-uns, il y a les annonces de restrictions sur l'utilisation des engrais et les hausses annuelles des taxes sur le carbone. La Banque du Canada vient d'annoncer qu'elle maintient les taux d'intérêt à un niveau élevé. Pour les agriculteurs qui ont des prêts ou des marges de crédit, ils vont continuer à payer plus cher. Les charges sociales ont augmenté le 1er janvier, et il y en a d'autres.
    Je me demande si vous pouvez nous parler des pressions financières auxquelles les agriculteurs canadiens sont confrontés et de la manière dont cette situation peut avoir une incidence sur les décisions commerciales qu'ils prennent.
(0940)
    Les agriculteurs sont toujours des preneurs de prix. Nous n'établissons pas les prix. Nous ne pouvons pas négocier les prix que nous recevons pour notre produit dans la majorité des secteurs agricoles au Canada. Bien entendu, le secteur soumis à la gestion de l'offre est différent.
    Ce que nous constatons, avec ce type de mesure législative, c'est que des chaînes d'approvisionnement très importantes sont touchées. Il faut beaucoup de temps pour un port ou un chemin de fer de se remettre d'une grève, et il faut beaucoup de temps pour résorber l'arriéré accumulé durant une grève. L'organisme canadien de surveillance des céréales, Quorum, estime que pour chaque jour de grève, il faut une semaine pour résorber le retard au port. Ainsi, une grève de 14 jours peut nous faire perdre jusqu'à un quart de notre saison d'expédition, ce qui a une incidence sur la réalité économique des exploitations agricoles canadiennes. Si nous ne pouvons pas expédier nos produits, nous ne pouvons pas payer. On ne se fait pas payer.
    Je pense que c'est là où nous voyons l'idée, dans cette mesure législative, que nous voulons une exemption pour garantir la circulation des produits canadiens. Par ailleurs, il faut se rendre compte qu'il est question de denrées alimentaires, et qu'il s'agit de sécurité alimentaire non seulement pour le Canada, mais aussi pour nos clients internationaux.
    Je vous remercie.
    À ce sujet, je voulais vous poser une question sur les exemptions de la taxe sur le carbone pour les carburants agricoles dont on discute. Je me demande si vous avez des observations à formuler à ce sujet et sur l'incidence possible sur les agriculteurs.
    Bien entendu, en tant qu'agriculteurs, nous pensons que le projet de loi C‑234 devrait être adopté sans amendement, avec ce qui a été proposé à l'origine par la Chambre des communes. Je pense que nous nous en tiendrons à cela.
    C'est très bien. Je vous remercie beaucoup.
    J'aimerais maintenant m'adresser aux représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
    Lorsque vous considérez vos membres à l'échelle du pays qui ont des petites et moyennes entreprises et que vous entendez parler de leurs difficultés... Nous savons qu'un grand nombre de petites entreprises ont encore beaucoup de dettes liées à la pandémie qu'elles n'ont pas été en mesure de rembourser. Nous savons aussi qu'avec la hausse des taux d'intérêt, leur niveau d'endettement est encore plus important et que leurs coûts ne font qu'augmenter.
    J'aimerais que vous nous parliez de certains des défis actuels auxquels les petites et moyennes entreprises font face et dont vous entendez parler.
    Oui, certainement.
    À l'heure actuelle, les propriétaires de petites entreprises ne sont pas très optimistes. Cette situation s'explique de plusieurs façons, notamment par le fait que chaque poste budgétaire d'une petite entreprise augmente. Qu'il s'agisse des frais d'assurance, des impôts ou des coûts liés à la réglementation, aux salaires ou aux emprunts, tous les postes budgétaires des petites entreprises augmentent.
    Par ailleurs, la demande actuelle est en baisse, de sorte que la demande intérieure et étrangère est insuffisante pour les petites entreprises canadiennes. De plus, elles font toujours face à des pressions énormes en raison de la pénurie de main-d'œuvre.
    Les petites entreprises doivent faire face à un endettement considérable, notamment en raison de la pandémie, et le niveau des ventes est faible. L'augmentation des coûts d'exploitation des entreprises frappe très durement les petites entreprises, de sorte que la situation actuelle est très difficile pour un grand nombre de nos membres.
    C'est très bien. Je vous remercie beaucoup.
    J'aimerais maintenant m'adresser au représentant d'Employeurs des transports et communications de régie fédérale. Votre organisme compte de grands employeurs parmi ses membres, mais aussi de plus petits employeurs. J'aimerais que vous nous parliez aussi de certains des défis opérationnels qui sont soulevés par vos membres.
    La plupart de nos membres sont de grands employeurs, mais nous avons aussi quelques employeurs de taille moyenne. J'entends fréquemment les membres, surtout en ce qui concerne le lieu de travail, s'inquiéter du fardeau réglementaire. Nos membres m'ont certainement dit qu'ils avaient vu plus de changements au cours des cinq, six ou sept dernières années qu'ils n'en avaient vu au cours des décennies précédentes. C'est donc une grande source d'inquiétude pour eux.
    Ce projet de loi est un exemple probant de cette situation. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
(0945)
    Je vous remercie. Il s'agit donc de la bureaucratie et du fardeau réglementaire.
    Je vais vous poser une brève question sur un autre sujet, car je n'ai presque plus de temps. Il s'agit de l'augmentation du taux de chômage, dont nous avons entendu parler. Avez-vous des commentaires à formuler sur cette annonce et entendez-vous des préoccupations de la part de vos membres à ce sujet?
    Nos membres sont certainement préoccupés par l'économie en général. Je représente un groupe d'employeurs qui fournissent des services essentiels aux Canadiens. Manifestement, nous voulons que ces entreprises prospèrent, car lorsqu'elles prospèrent, un plus grand nombre de Canadiens ont un emploi. Lorsque nous observons une hausse du taux de chômage, il est évident que cela nous préoccupe et que nous suivons la situation de très près.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Gray.
    Monsieur Sheehan, vous avez la parole. Vous avez six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le Comité de m'avoir permis d'être ici aujourd'hui pour entendre les témoignages du groupe précédent et de ce groupe sur le projet de loi très important dont nous sommes saisis.
    J'ai été des deux côtés de la table des négociations. J'ai négocié pour le syndicat et j'ai négocié avec le syndicat. Au bout du compte, c'est à la table des négociations que les meilleurs accords sont conclus. C'est la raison d'être de tout cela, soit de faire en sorte que les gens restent à la table des négociations. En effet, lorsque les gens quittent la table, aucun accord n'est conclu. Il n'y a pas de négociations.
    Ma première question s'adresse à M. Hynes. Dans le projet de loi C‑58, on parle, entre autres, du « maintien des activités ». Votre organisme, Employeurs des transports et communications de régie fédérale, a prétendu que ce projet de loi entraînerait l'interruption de services essentiels comme le 911 en raison d'une grève. J'ai fait quelques recherches sur le processus de maintien des activités et j'ai découvert qu'en 2003, Telus a conclu un accord de maintien des activités avec le Syndicat des travailleurs en télécommunications. Cet accord stipulait que les membres seraient disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pendant le conflit de travail pour réparer les services de télécommunications de la police, des pompiers, des ambulanciers, du 911, des hôpitaux et de la Garde côtière.
    J'ai remarqué que pendant la comparution du dernier groupe de témoins, M. Collins a demandé aux représentants des syndicats si ces accords étaient normaux. En fait, ils ont répondu qu'ils ne pouvaient pas imaginer un scénario dans lequel un tel accord ne serait pas en place.
    Je m'adresse donc au représentant d'Employeurs des transports et communications de régie fédérale. Lorsque vous avez diffusé des communications contre le projet de loi, saviez-vous que le processus de maintien des activités servait à maintenir les services d'urgence 911? Le public a réagi, mais j'aimerais que vous expliquiez ce scénario que je viens de décrire et sur lequel j'ai fait des recherches et que vous parliez aussi de l'importance du maintien des services d'urgence 911.
    Je vais devoir corriger l'hypothèse contenue dans votre question avant de tenter d'y répondre. Dans tous les documents que nous avons présentés au gouvernement, nous n'avons jamais indiqué que nous craignions que les services d'urgence 911 ne soient pas fournis. Je n'ai pas écrit cela, et j'ai écrit tous les documents que ETCOF a présentés sur la question. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'un niveau de service qui serait fourni et qui ferait l'objet d'un accord de maintien des services.
    Pour parler du maintien des services de façon plus générale, nous pensons que cela ne règle pas le problème causé par le projet de loi sur les travailleurs de remplacement. D'après notre expérience, les accords de maintien des services sont extrêmement difficiles à conclure. Les syndicats ne les aiment habituellement pas. Il est extrêmement difficile de s'entendre sur les modalités qui seront intégrées dans ces accords. Le projet de loi prévoit que cela se fera en 14 jours, ce qui nous semble fantaisiste, et que le Centre de coordination des renseignements internationaux, ou CCRI, le fera ensuite en 90 jours, ce qui nous semble tout aussi improbable.
    Je pense que ma réponse à la question générale du maintien des services est que nous trouvons déconcertant qu'on présente un projet de loi dans lequel on interdirait les travailleurs de remplacement, en sachant qu'il entraînera les problèmes liés au nombre et à la durée des grèves, et d'imaginer qu'un accord de maintien des services dans le projet de loi permettra de résoudre ces problèmes. Nous ne pensons pas que ce sera le cas.
    Je vous remercie beaucoup.
    J'ai entendu des témoignages non seulement devant ce comité, mais aussi devant le Comité permanent du commerce international, et je vais donc corriger votre hypothèse selon laquelle les travailleurs de remplacement prolongent les grèves. Tout le monde affirme que les travailleurs de remplacement, qu'ils soient mis en place pendant un lockout ou pendant une grève, ne font que prolonger la grève, car encore une fois, personne n'est à la table des négociations quand ils sont là. C'est ce qu'a entendu notre comité et d'autres comités, et c'est aussi ce que nous avons entendu dans le cadre des consultations qui ont été menées à ce sujet.
    À cet égard, ETCOF a souligné les antécédents de projets de loi antérieurs qui interdisent le recours à des travailleurs de remplacement, et qui n'ont pas été adoptés par la Chambre des communes. Cependant, il est important de souligner les différences entre ces projets de loi et le projet de loi C‑58, qui fait la promotion d'une approche tripartite dans le cadre de laquelle on consulte les syndicats, le gouvernement et les entreprises. Cela comprend de multiples tables rondes auxquelles ont participé, en même temps, des syndicats et des dirigeants d'entreprise. De vastes consultations comprenant des tables rondes, 55 parties intéressées et 71 soumissions écrites ont eu lieu.
    Je crois savoir que ces consultations ont même été prolongées jusqu'au 31 janvier 2023 et, à la demande d'ETCOF, elles ont inclus de nombreuses autres entreprises et parties intéressées. Nous avons écouté les gens et nous avons mené de vastes consultations dans le cadre d'une approche tripartite, et c'est ce qui a orienté notre projet de loi.
    ETCOF a‑t‑il été consulté lors de la rédaction des projets de loi qui ont précédé le projet de loi C‑58, c'est‑à‑dire les projets de loi qui, comme vous l'avez dit, n'ont pas abouti?
(0950)
    Il y a beaucoup de choses dans votre déclaration, et il m'est difficile de ne pas répondre à certains de vos commentaires.
    En ce qui concerne le premier point au sujet de la durée des grèves, ce ne sont pas des chiffres que je tire du ciel. Ils proviennent des documents produits par des institutions comme l'Institut C.D. Howe et le célèbre économiste du travail, M. Morley Gunderson. Je n'ai pas le temps de vous lire les extraits pertinents, mais ils disent essentiellement que si nous pensons que l'interdiction de travailleurs de remplacement permettra d'encourager les négociations collectives et de réduire les activités de grève, ce scénario n'est franchement pas étayé par les faits.
    En ce qui concerne le deuxième point, soit le tripartisme, oui, des réunions ont lieu au moment où ce projet de loi a été présenté. Si vous me permettez de prendre 30 secondes pour éclairer le Comité, j'ai assisté à la dernière table ronde, et c'était une bonne discussion.
    Juste avant d'épuiser mon temps de parole, j'aimerais vous faire part d'une communication en ma possession dans laquelle vous parlez de…
    Monsieur Sheehan…
    … l'absence de travailleurs et de l'interruption des communications d'urgence. Je tenais à souligner…
    Je vous remercie, monsieur Sheehan.
    Je vous remercie, monsieur Hynes.
    Le temps imparti est écoulé.

[Français]

    Madame Chabot, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins. J'ai une question pour chacune des organisations présentes.
    Avant de poser ma question, je vais vous dire que, pour la majorité d'entre nous, ce projet de loi était devenu essentiel, en 2024, pour les relations de travail qui relèvent actuellement du Code canadien du travail. De telles dispositions législatives existent au Québec depuis 1977 et, comme plusieurs l'ont dit, il n'y a pas eu de morts. Au contraire, ça a évité bien des conflits de travail et bien des violences sur les lignes de piquetage.
    Monsieur Lewis, monsieur Hynes, monsieur Guénette, je vous pose la question suivante: reconnaissez-vous que le droit de grève est un droit fondamental protégé par nos chartes?

[Traduction]

    Oui.
    Oui.

[Français]

    Nous ne sommes pas contre les associations. Par contre, nous ne voulons pas d'arrêts de travail ou, du moins, nous voulons minimiser la possibilité d'arrêts de travail. Le fait de négocier une entente à la table est encouragé et c'est ce que nous voulons voir.
    Ma question ne traitait pas des associations. Je parlais du droit de grève, qui est reconnu par les chartes et qui est le corollaire du droit de négociation.
    Est-ce que vous reconnaissez que le droit de grève existe?
     Je ne le nie pas.
    Il est fondamental.
    Par contre, vous voulez pouvoir continuer de recourir à des travailleurs de remplacement en cas de grève ou de lockout. Pour vous, ce fait n'est-il pas une négation du droit de grève?
    J'aimerais vous citer quelques données.

[Traduction]

    Le Québec, avec les dispositions mises en place par la province, a connu en moyenne 70,3 arrêts de travail dans le secteur privé entre 2013 et 2022, chacun d'une durée moyenne de 89 jours.
    Dans le secteur sous réglementation fédérale, il n'y a eu que 5,7 arrêts de travail en moyenne au cours de la même période, et chacun a duré en moyenne 68 jours.
    La réalité, c'est que les meilleurs accords, comme l'a indiqué le groupe d'experts précédent, sont conclus à la table des négociations, et c'est ce que nous aimerions voir dans ce cas‑ci. Nous ne voulons pas que le nombre d'arrêts de travail augmente, que ces arrêts soient initiés par les employeurs ou par les employés. Cela perturbe les chaînes d'approvisionnement, en plus de nuire aux petites entreprises et aux moyens de subsistance des personnes employées par les propriétaires de petites entreprises.
(0955)

[Français]

    Dire qu'on ne veut pas de grèves, c'est assez lourd, car le droit de grève est un droit reconnu.
    Pour ce qui est des chaînes d'approvisionnement et de l'intérêt économique, les travailleuses et les travailleurs que vous embauchez dans vos organisations sont essentiels, fondamentalement. On est dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre et il n'y a plus de travailleurs qualifiés. Le droit de grève est un droit légitime. Retirer aux employés leur droit de faire la grève sous prétexte qu'on a besoin d'eux ne contribue pas, selon nous, à l'établissement de saines relations de travail. Il faut qu'il y ait un équilibre des forces.
    Comme on l'a démontré, la durée des conflits est beaucoup plus longue. Il y a actuellement deux lockouts sur le territoire québécois. Au port de Québec, le lockout dure depuis plus de 18 mois et on fait appel à des travailleurs de remplacement. L'employeur a beau jeu, ses activités ne sont pas rompues, puisque d'autres personnes font le travail. À Gatineau aussi, les employés du centre d'appels de Vidéotron sont en lockout depuis 18 mois. Pendant ce temps, des emplois sont délocalisés et on fait appel à des travailleurs de remplacement.
    Monsieur Lewis, considérez-vous vraiment que le recours à des travailleurs de remplacement contribue à des relations de travail harmonieuses?

[Traduction]

    Je m'en remets à mon collègue pour répondre à cette question.

[Français]

[Traduction]

    Je suis heureux de répondre au nom de la Fédération canadienne de l'agriculture.
    À notre avis — et pour ne pas répéter ce que M. Lewis a mentionné dans sa déclaration préliminaire —, ce que nous proposons dans ce cas‑ci est simplement une approche équilibrée qui permettrait de poursuivre les activités nécessaires et d'assurer le transport de produits qui sont, selon nous, nécessaires au Canada, soit les aliments que nous consommons, lorsqu'il y a une interruption de travail.
    Cette approche ne porte pas atteinte à l'intégrité des processus de négociation collective en empêchant le retour à la pleine capacité, mais elle permet en même temps de maintenir un niveau minimal de service et la circulation des produits agricoles.

[Français]

    Monsieur Hynes, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

     Je suis d'accord avec la plus grande partie de ce que vous venez de dire. Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dîtes que le droit de grève est un droit fondamental.
    Le point sur lequel nous divergeons, c'est que nous pensons que le droit de grève et le recours à des travailleurs de remplacement peuvent coexister dans un système. J'aimerais revenir aux données, qui montrent que l'interdiction des travailleurs de remplacement n'améliorera en rien ce système. Il n'y a aucune preuve pour démontrer qu'il s'agit d'une amélioration.
    Nous entendons des récits anecdotiques. Les grèves sont horribles. Les employeurs ne veulent pas de grèves, pas plus qu'un travailleur syndiqué ne veut être en grève, mais elles font partie du système. Toutes les personnes qui ont participé à des négociations collectives savent que c'est difficile. Ces négociations aboutissent parfois à des arrêts de travail.
    Nous soutenons qu'il devrait y avoir des circonstances dans lesquelles un employeur peut faire appel, temporairement, à des travailleurs de remplacement pour assurer la continuité des activités nécessaires.

[Français]

    Merci, madame Chabot.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui pour l'étude de ce projet de loi très important. Personnellement, il me tient beaucoup à cœur. Je pense avoir une position un peu différente de la vôtre sur cette question.
    Vous avez tous reconnu le droit fondamental des travailleurs et des travailleuses d'exercer des moyens de pression et de faire la grève. Vous avez aussi parlé d'équilibre. Monsieur Lewis, vous avez parlé de négociation équitable. Je pense que ce sont des notions sur lesquelles nous pouvons tous nous entendre.
    Les associations de travailleurs et travailleuses et la négociation collective ont été rendues légales au Canada en 1872. Cela a permis de civiliser les relations de travail et de négocier collectivement les contrats dans l'intérêt des deux parties, même si, parfois, il y en a une qui fait un peu plus de gains que l'autre. Cela a permis de réduire l'arbitraire et d'améliorer, en général, le sort des travailleurs et des travailleuses.
    Une bonne partie de ce qu'on appelle aujourd'hui la classe moyenne est le résultat de ces décennies de négociation entre les deux parties pour que les profits des entreprises n'aillent pas uniquement dans la poche des propriétaires et des actionnaires, mais soient partagés un peu plus équitablement entre ceux qui font le travail et ceux qui sont propriétaires de l'usine ou de la compagnie.
    Une bonne partie de cette richesse collective mieux partagée est le résultat d'un équilibre à la table de négociation, où les deux parties sont capables d'exercer une pression sur l'autre, une pression économique ou financière. Quand les travailleurs décident de faire la grève, ils exercent une pression sur leur employeur en ralentissant la production de la compagnie ou en y mettant fin. Quand l'employeur veut demander des concessions à ses employés, il peut les mettre en lockout, ce qui exerce une pression sur eux, puisqu'ils se retrouvent sans salaire et doivent compter sur leur fonds de grève. Cet équilibre des forces permet d'avoir une négociation à la table et d'arriver à un compromis satisfaisant pour les deux parties, ou encore insatisfaisant pour les deux parties. C'est la nature des compromis, parfois.
    Lors d'une grève ou d'un lockout, lorsque les travailleurs qui sont dans la rue se font remplacer par des briseurs de grève, des travailleurs de remplacement, on vient briser l'équilibre des forces. La partie patronale a un avantage indéniable, parce que la production ou les services sont maintenus, tandis que le travailleur qui est dans la rue, lui, voit son rapport de force diminuer considérablement. C'est donc tout à l'avantage de la partie patronale, qui n'a plus de raison de revenir à la table de négociation. Ce déséquilibre fait que, la plupart du temps, les conflits sont beaucoup plus longs. Pourquoi l'employeur retournerait-il à la table de négociation si sa production continue, si ses revenus ne sont pas touchés et s'il n'a pas de raison de négocier avec l'association des travailleurs et des travailleuses?
    Monsieur Lewis, si on veut des négociations équitables, il faut qu'il y ait un rapport de force équitable entre les deux parties, non?
(1000)

[Traduction]

    Nous sommes d'accord avec cela, mais en même temps, les producteurs ne sont pas à la table des négociations. Nous sommes pourtant fortement touchés par ces arrêts de travail. Il n'est même pas nécessaire de les appeler des « arrêts de travail ». Lorsque les négociations collectives échouent et que les entreprises subissent une grève, les agriculteurs en subissent également les conséquences. Je pense que c'est là où nous en sommes. Nous parlons d'équilibre des pouvoirs et cela signifie que nous essayons d'obtenir certaines exemptions, car si un producteur n'expédie pas ses produits, il ne sera pas payé. Si nous n'expédions pas nos produits, nous perdons également des ventes, et nous ne récupérons jamais une vente perdue, car cette occasion n'existe plus. Pour revenir sur ce que vous disiez au sujet de l'équilibre des pouvoirs, c'est la raison pour laquelle il est si important pour les producteurs que l'on reconnaisse que certains produits agricoles doivent être en mouvement. Là encore, il s'agit d'une question de sécurité alimentaire, tant au niveau national qu'au niveau international, et cela a une incidence sur les prix. Cela revient à l'offre et à la demande. Si l'offre est interrompue, la demande augmente et les prix augmentent aussi.

[Français]

    Je comprends votre point de vue, qui est intéressant aussi. D'ailleurs, je remercie tous vos membres de nourrir les Canadiens et les Québécois et d'exporter leurs produits ailleurs dans le monde. Nous sommes très fiers de tout le travail que vous faites. Cela dit, le projet de loi prévoit déjà des exceptions et des exemptions. Notamment, les sous-traitants qui ont été engagés avant l'envoi de l'avis de négociation et les gestionnaires pourraient continuer à faire leur travail pendant la grève ou le lockout. Il existe donc déjà certaines exceptions pour que le travail continue.
    Pour vous, est-ce quand même une bonne chose?
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    Je dirais simplement qu'il existe en fait une exemption, comme M. Lewis l'a dit dans sa déclaration préliminaire. Elle a été négociée en 1998, lorsque le ministre du Travail de l'époque, M. Lawrence MacAulay, était responsable de ce dossier, et elle exemptait l'expédition en vrac des céréales. Ce que nous aimerions dire au nom de nos membres, c'est que nous observons des changements dans l'industrie, où l'on dépend de plus en plus de l'expédition par conteneur. Cette tendance s'est considérablement accrue depuis la mise en place de l'exemption initiale, et ces expéditions par conteneur ne sont pas visées par cette exemption, en plus des denrées périssables. En effet, l'exemption ne s'applique qu'au transport en vrac des céréales, mais pas aux denrées périssables comme les produits carnés surgelés qui se trouvent dans des conteneurs, et les produits frais, qui peuvent avoir un impact économique considérable.
    Je dirais également — et les preuves sont convaincantes — que cette situation a contribué à des pertes et à un gaspillage alimentaires importants. Pour un pays et un gouvernement qui adhèrent aux objectifs en matière de développement durable et qui souhaitent minimiser les pertes et le gaspillage alimentaires, cela va à l'encontre de cet objectif ultime.
    Je vous remercie.
(1005)

[Français]

    Merci, monsieur Boulerice.

[Traduction]

    La parole est à Mme Ferreri. Elle a cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup les témoins d'être ici. Ils font partie de mes groupes préférés au Canada, c'est‑à‑dire les agriculteurs et les petites entreprises.
    Je ne voulais pas vous mettre de côté, monsieur Hynes. Je suis désolée. Vous représentez aussi des gens formidables.
    Je pense qu'il y a une chose qui me saute aux yeux lorsqu'il s'agit de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, ou la FCEI, dont les représentants sont ici aujourd'hui. Puisque le temps est limité, pourriez-vous très rapidement nous donner un exemple de ces entreprises d'un bout à l'autre du Canada? L'économie canadienne n'est-elle pas alimentée à 98 % par des petites entreprises? N'est‑ce pas juste…? En fait, je pense que vous pourriez nous donner l'exemple de n'importe quelle petite entreprise. Les restaurants et toutes ces entreprises font partie de la catégorie des petites entreprises.
    Oui, nous avons des membres dans le commerce de détail, et ce sont les petits magasins familiaux. Nos membres sont également de petites entreprises de construction. Nous avons également des membres dans le secteur agricole, tout comme dans le commerce de gros et la fabrication. Nous avons aussi des membres dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. Bref, 70 % de nos membres sont des entreprises de moins de 10 employés. La FCEI représente les plus petites des petites entreprises. Ces dernières années, les grèves subies par le Port de Montréal et les ports de la Colombie-Britannique ont eu un impact considérable sur bon nombre de ces entreprises, qui n'ont pas pu recevoir leurs marchandises ou expédier leurs produits ou leurs biens. La FCEI a donc des inquiétudes liées à ce projet de loi — et encore une fois, nous représentons ces petites entreprises que nous avons tous dans nos collectivités, c'est‑à‑dire des entreprises qui servent les gens et qui leur procurent des emplois.
    À ce propos, comme je l'ai dit, les petites entreprises sont sans aucun doute le pouls de l'économie. Vous avez parlé tout à l'heure du moral et des sentiments. Ce que nous observons, même dans mon petit centre-ville de Peterborough, ce sont des fermetures et un exode massif. Chaque semaine, chaque mois, de plus en plus de gens ne peuvent plus exploiter leur entreprise à cause de l'endettement, un sujet auquel ma collègue a également fait allusion.
    Je présume que je dois vous interrompre, car la sonnerie a été déclenchée à la Chambre. C'est une sonnerie de 30 minutes. J'ai besoin du consentement unanime du Comité pour poursuivre les délibérations.

[Français]

    Monsieur le président, il n'y a pas de consentement unanime.

[Traduction]

    Nous n'avons pas le consentement unanime du Comité. La sonnerie a été déclenchée à la Chambre. Le Comité, selon le Règlement de la Chambre des communes, doit avoir le consentement unanime de ses membres pour poursuivre les délibérations lorsque la sonnerie a été déclenchée. Nous n'avons pas le consentement unanime dans ce cas‑ci. Je dois donc lever la séance.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, la séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU