Passer au contenu

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 108 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 15 avril 2024

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour, chers membres du Comité. Je déclare la séance ouverte.
    La greffière m'a avisé que nous avions le quorum et que les tests pour les participants en ligne étaient réussis.
    Bienvenue à la 108e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un mode hybride, conformément au Règlement. Les députés peuvent être là en personne ou virtuellement au moyen de Zoom.
    J'aimerais faire quelques commentaires, principalement pour les témoins qui se joignent à nous pour la première fois.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour les participants par vidéoconférence, cliquez sur le microphone pour l'activer, et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
    Vous pouvez parler dans la langue officielle de votre choix.
    Dans la salle, vous avez accès aux services d'interprétation. Veuillez mettre votre casque d'écoute et choisir la langue qui vous convient. Pour les participants virtuels, cliquez sur le globe au bas de votre écran pour choisir la langue que vous voulez entendre.
    S'il y a une interruption dans les services d'interprétation, veuillez m'en aviser. Je suspendrai la séance le temps d'apporter des correctifs.
    Pour les participants dans la salle, veuillez vous assurer que votre oreillette ne se trouve pas près de votre microphone, parce que cela cause des sons indésirables qui peuvent blesser les interprètes.
    Veuillez adresser vos questions à la présidence. Pour attirer mon attention, veuillez lever la main. Pour les participants virtuels, utilisez la fonction « lever la main » située au bas de votre écran.
    Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 27 février 2024, le Comité poursuit son étude du projet de loi C‑58, Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles.
    Pour la première heure aujourd'hui, nous accueillons Sean Strickland, directeur exécutif des Syndicats des métiers de la construction du Canada; par vidéoconférence, Mariam Abou-Dib, directrice exécutive, Affaires gouvernementales de Teamsters Canada; et Nicolas Lapierre, adjoint au directeur québécois du Syndicat des Métallos, qui est ici dans la salle.
    Bienvenue. Chacun de vous dispose de cinq minutes pour présenter son exposé.
    Nous commençons par M. Strickland pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du Comité.
    Je m'appelle Sean Strickland et je suis directeur exécutif des Syndicats des métiers de la construction du Canada. Nous sommes les représentants nationaux de plus de 600 000 travailleurs qualifiés au Canada qui appartiennent à 14 syndicats internationaux et qui travaillent dans 60 métiers et emplois.
    Je suis ravi d'être ici aujourd'hui avec mes collègues pour appuyer l'adoption rapide du projet de loi C‑58 et rappeler au Comité à quel point ce projet de loi est important.
    L'interdiction des travailleurs de remplacement protégera les droits des travailleurs, mettra en priorité les négociations collectives et ramènera les travailleurs au travail. Elle stabilisera les négociations dans les secteurs sous réglementation fédérale et aura une incidence positive sur près d'un million de travailleurs.
    Lorsque les travailleurs décident de cesser de travailler et de faire la grève, ils ne le décident pas à la légère. En général, c'est la dernière option après que toutes les autres options de négociation ont échoué. Le fait de permettre l'utilisation de travailleurs de remplacement (de briseurs de grève) mine le pouvoir de négociation des travailleurs et retire l'incitatif pour les employeurs d'éviter une grève ou un lock‑out. Les grèves durant lesquelles les employeurs embauchent des travailleurs de remplacement prennent plus de temps avant de se conclure, ce qui pénalise les familles et les collectivités.
    Nous n'avons pas à chercher bien loin pour comprendre les effets négatifs que les travailleurs de remplacement peuvent avoir sur notre main‑d’œuvre. En Colombie‑Britannique, 238 travailleurs ont tenté de négocier avec les dirigeants de LTS Global Solutions, une filiale de Ledcor, par la voix de la section 213 de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité. Depuis 2017, ils cherchaient à signer une convention collective pour améliorer leurs conditions de travail, obtenir la sécurité d'emploi et garantir des salaires justes. La majorité de ces travailleurs étaient des techniciens, qui installent et réparent de l'équipement de télécommunication à titre de contractuels pour Telus.
    Après l'accréditation syndicale, les dirigeants de LTS ont refusé de rencontrer les représentants syndicaux pour négocier. Après deux ans sans convention collective, les travailleurs ont voté pour la grève. Au lieu de participer de bonne foi à la négociation collective, les dirigeants de LTS ont réagi en faisant venir des travailleurs de remplacement. Par conséquent, la grève a duré près de six ans, et une entente n'a été conclue qu'en juin 2023.
    Il a fallu un jugement unanime du Conseil canadien des relations industrielles pour mettre fin à la grève. Pourquoi? C'est parce qu'en tant que travailleurs en télécommunications, ces travailleurs étaient régis par les lois du travail fédérales. Contrairement à d'autres travailleurs en Colombie‑Britannique, ces travailleurs n'étaient pas protégés. Les dirigeants de LTS n'avaient aucune raison de reprendre les négociations, parce qu'ils pouvaient poursuivre leurs activités, faire fi de leurs obligations envers les travailleurs syndiqués et utiliser de vastes ressources pour faire traîner tout ce processus devant les tribunaux pendant presque six ans. Cela doit changer, comme cela a été le cas dans certaines provinces.
    À l'échelle provinciale, des projets de loi semblables ont été mis en œuvre avec succès en Colombie‑Britannique et au Québec. Le code des relations de travail de la Colombie‑Britannique empêche les employeurs d'avoir recours à des travailleurs de remplacement, qu'ils soient payés ou non pour réaliser le travail. Au Québec, le code du travail prévoit l'interdiction la plus vaste des travailleurs de remplacement. Elle couvre presque tous les travailleurs, sauf les travailleurs de la santé et de la sécurité publique, qui sont réglementés par le Code canadien du travail.
    Évidemment, il y a un écart entre le Code canadien du travail et les codes du travail provinciaux. En Colombie‑Britannique et au Québec, il faut y remédier pour protéger tous les travailleurs sous réglementation fédérale. Le succès de ces deux provinces montre que l'interdiction des travailleurs de remplacement protège les droits des travailleurs, améliore les négociations collectives et réduit la durée des grèves lorsqu'il y en a.
    Monsieur le président, chers membres du Comité, je vous exhorte à assurer l'adoption rapide de ce projet de loi. Appuyons‑le pour le bien des travailleurs canadiens et de leurs familles.
    Je suis impatient de discuter avec vous et de répondre à vos questions.
    Merci.
(1535)
    Merci, monsieur Strickland.
    Nous passons à Mme Abou‑Dib pour cinq minutes.
    Chers membres de ce comité parlementaire, merci de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui au nom de Teamsters Canada. À titre de directrice exécutive et au nom du président François Laporte et de nos 135 000 membres qui travaillent dans divers secteurs de l'économie canadienne, je suis ici pour présenter notre point de vue sur ce projet de loi, qui vise à interdire les travailleurs de remplacement dans les secteurs sous réglementation fédérale.
    Teamsters Canada est un syndicat du secteur des transports et de l'approvisionnement. Nous représentons des travailleurs de tous les modes de transport, aérien, ferroviaire, routier, et de bien d'autres secteurs. Notre organisation est déterminée à protéger les droits et les intérêts des travailleurs au Canada, une protection fondamentale pour que l'économie canadienne soit en bonne santé.
    L'utilisation de travailleurs de remplacement viole les droits des travailleurs en grève ou en lock‑out, compromet leur dignité et leur autonomie en milieu de travail et mine les négociations collectives. Elle suscite le ressentiment et la frustration chez les travailleurs et accroît le risque de violence sur les lignes de piquetage. De plus, le recours à des travailleurs de remplacement exacerbe le déséquilibre des pouvoirs entre les travailleurs et les employeurs, ce qui érode les conditions de travail pour tous les travailleurs à long terme.
    L'utilisation de travailleurs de remplacement dans les secteurs sous réglementation fédérale constitue un grave problème. Selon le programme du travail du Canada, on a eu recours à des travailleurs de remplacement dans environ 42 % des grèves depuis 10 ans.
    Il est temps de réformer nos lois et de véritablement protéger les droits constitutionnels des travailleurs au Canada de négocier leurs conditions de travail collectivement avec leurs employeurs et de refuser de travailler comme moyen de pression ultime. Je rappelle au Comité que la Cour suprême du Canada a reconnu que la grève est un « élément indispensable » de la négociation collective. Chez Teamsters Canada, nous sommes aussi d'accord avec l'Organisation internationale du travail pour dire que les travailleurs de remplacement constituent « une grave atteinte à la liberté d'association ».
    Comme pour tout projet de loi, les détails comptent beaucoup. Même si la version actuelle du projet de loi est bonne, il reste à peaufiner certains passages pour éviter de créer des échappatoires pour les employeurs. Dans le mémoire que nous vous avons remis, nous mentionnons les passages du projet de loi desquels nous sommes particulièrement satisfaits, comme celui ayant pour effet de ne pas limiter l'interdiction des travailleurs de remplacement à un « établissement ». On reconnaît ainsi que le milieu de travail physique d'aujourd'hui n'est pas ce qui compte. Les choses ont changé, et c'est le travail effectué qui compte dans le contexte des travailleurs de remplacement.
    Même si nous croyons qu'il faut prévoir des exceptions limitées dans le projet de loi pour protéger la santé et la sécurité publiques et prévenir des dommages importants à la propriété, il convient de bien définir ces exceptions et de les soumettre à des dispositions d'application robustes pour prévenir les abus.
    L'application d'une interdiction des travailleurs de remplacement exige d'adopter une stratégie globale. Nous recommandons aussi que les représentants syndicaux aient accès aux établissements durant les grèves et les lock‑outs pour effectuer de la surveillance et signaler toute infraction. Par ailleurs, le gouvernement doit établir un mécanisme d'intervention rapide en cas de non‑conformité et pour assurer l'application efficace de l'interdiction.
    Les retards de procédure persistants et répétés dans le processus de négociation constituent en fin de compte une menace aux droits des travailleurs de négocier et de faire la grève. Le maintien des activités ne devrait pas causer de retards importants dans la négociation. À ce propos, lorsqu'il n'y a pas d'entente, le projet de loi C‑58 exige qu'une des parties soumette une demande de renvoi au Conseil canadien des relations industrielles pour qu'il tranche sur le maintien des services essentiels. Nous croyons que la demande devrait être automatique pour réduire les retards supplémentaires dans l'octroi du droit de grève aux travailleurs.
    L'entrée en vigueur du projet de loi C‑58 est prévu 18 mois après sa sanction royale. À notre avis, ce délai est excessif et inutile. Il faut investir massivement dans le Conseil canadien des relations industrielles le plus tôt possible pour faciliter la réduction de ce délai à six mois tout au plus.
    Nous croyons que l'interdiction du recours à des travailleurs de remplacement, si elle est faite efficacement, profitera aux travailleurs et à leurs familles et mènera à de meilleures relations de travail et à une distribution plus juste des fruits du progrès. Nous croyons aussi qu'elle contribuera à façonner une économie dans laquelle nous créons non seulement plus d'emplois, mais plus de bons emplois, avec équité et dignité pour les travailleurs.
    L'adoption de ce projet de loi arrive au bon moment. De nos jours, tous les partis politiques cherchent des moyens de protéger la classe moyenne et de lui plaire. Qui plus est, il y a une tendance dangereuse qui s'observe chez certains gouvernements provinciaux, qui contreviennent aux droits des travailleurs selon les décisions rendues par les tribunaux. Nous devons relever le niveau et éviter de reculer sur les avancées durement gagnées pour les travailleurs au pays.
(1540)
    En conclusion, l'adoption d'une loi interdisant le recours à des travailleurs de remplacement dans les secteurs sous réglementation fédérale est une étape nécessaire pour protéger les droits des travailleurs et promouvoir des pratiques de travail équitables. Il est essentiel que les gouvernements fassent prévaloir les droits des travailleurs garantis par la Charte en veillant à ce que le droit de grève soit respecté et ne soit pas miné par le recours à des travailleurs de remplacement. Ce faisant, nous pourrons créer une société plus équitable et plus juste pour tous les Canadiens.
    Je vous remercie de votre attention. Je suis prête à répondre à vos questions, et j'ai hâte de poursuivre la discussion à ce sujet.
    Merci, madame Abou-Dib.

[Français]

     Monsieur Lapierre, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Le Syndicat des métallos représente 60 000 membres dans le secteur privé au Québec, et ce, dans différents secteurs d'activité, tels que les mines, le bois, la métallurgie, l'aluminium, les différentes usines de première, deuxième et troisième transformation, les agents de sécurité, l'hôtellerie, la restauration, les résidences pour personnes âgées, les télécommunications, le transport aérien, maritime, ferroviaire et terrestre, et j'en passe.
    Je m'appelle Nicolas Lapierre, et je suis l'adjoint au directeur québécois du Syndicat des métallos.
    Je salue le ministre du Travail, M. O'Regan, le Parti libéral et tous les partis de l'opposition. Je remercie particulièrement Mme Chabot, du Bloc québécois, de cette invitation. Finalement, je vous salue, membres du Comité, et vous, monsieur le président. Je vous remercie de votre invitation et de l'espace que vous nous donnez aujourd'hui. C'est un moment fort important pour nous.
    Je suis très touché d'être ici, parce que nos membres croient en l'appareil politique et à la démocratie, et parce que c'est ici qu'on change les lois et, dans une certaine mesure, le monde. Je salue votre engagement envers le service public et votre collaboration pour protéger la classe moyenne. Dans cette ère de cynisme envers la politique, c'est par des projets de loi structurants comme celui-ci que vous avez le pouvoir de redonner confiance aux électeurs. Bien que certains aménagements soient nécessaires dans ce projet de loi, nous soulignons son dépôt avec beaucoup d'enthousiasme.
    Notre syndicat au Canada, le Syndicat des métallos, ainsi que la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, ont tous deux déposé un mémoire. Évidemment, le Syndicat des métallos adhère aux recommandations de ces deux mémoires. Je commenterai seulement une recommandation dans ma déclaration.
     Il est incompréhensible qu'on permette à des sous-traitants embauchés avant l'avis de négociation de faire le travail de membres d'une unité d'accréditation, c'est-à-dire faire du travail de briseur de grève, pendant une grève ou un lockout. C'est incompréhensible. Nous nous expliquons très mal cette volonté, et celle-ci doit être supprimée du projet de loi, non pas parce qu'elle est plus importante, mais parce qu'à sa lecture même, elle dénature l'entièreté du projet de loi.
    Le Code canadien du travail prévoit un mécanisme de grève et de lockout seulement dans une période bien précise. Il permet la grève ou le lockout seulement à l'échéance de la convention collective, quelle que soit sa durée. La grève et le lockout sont interdits pendant la durée de la convention collective, comme dans bien d'autres pays. C'est fort important. Par conséquent, c'est une période charnière pour l'employeur et le syndicat, et c'est ce qui devrait assurer l'équilibre des forces.
    Qu'est-ce que l'équilibre des forces? C'est un travailleur qui se prive de salaire pour faire la grève. C'est aussi un employeur qui se prive de revenus pendant un lockout. Je vous garantis que cela incite les parties à s'entendre, d'abord pour éviter le conflit, sinon pour négocier le plus rapidement possible afin de diminuer la durée du conflit. Cela se fait à la table de négociation. Cela renforce l'importance que les parties se parlent à la table de négociation. Négocier, c'est l'art du compromis. On ne fait pas la grève pour le plaisir; on se prive d'argent pour un idéal, quel qu'il soit.
     Dans le contexte actuel, le Code canadien du travail fait en sorte que les employeurs ne subissent aucune conséquence lorsqu'il y a un conflit de travail, parce qu'ils peuvent continuer à exploiter leur entreprise, comme s'il n'y avait pas de conflit, en engageant des briseurs de grève. Cela déséquilibre complètement le rapport de force. Le fait de subir des répercussions financières incite les parties à s'entendre plus rapidement et à trouver des compromis. Dans le contexte actuel, comme il y a un déséquilibre, seule la partie syndicale est forcée à faire des concessions, puisqu'elle est la seule partie touchée. Cela prolonge les conflits de travail.
    Actuellement, nos confrères et nos consœurs du port de Québec, des débardeurs représentés par le Syndicat canadien de la fonction publique, sont en lockout depuis bientôt 20 mois. En 2022, nos confrères du Syndicat des métallos qui travaillent pour Océan remorquage, à Sorel, ont été en conflit pendant neuf mois. Pensez-vous que ces deux employeurs ont souffert financièrement? Bien sûr que non. Les opérations fonctionnaient normalement, alors que des briseurs de grève passaient devant les personnes qui faisaient du piquetage.
    À ceux qui craignent des répercussions économiques, je répondrai qu'au Québec, depuis 1977, nous avons une loi anti-briseurs de grève, et que cela n'a nullement affecté l'économie. Au contraire, comme je l'ai dit, cela force les parties à s'entendre. Qui plus est, les conflits sont plus courts. C'est seulement parce qu'ils veulent garder leur indéniable avantage à la table de négociation que les employeurs vont invoquer cet argument. Nous voulons négocier d'égal à égal, et ce n'est pas ce que prévoit actuellement le Code canadien du travail.
(1545)
     Je vous le répète bien humblement, les Canadiens et les Canadiennes s'attendent à ce que le projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. On s'attend à ce que les députés travaillent pour les travailleurs et les travailleuses, sans partisanerie.
    Merci, monsieur Lapierre.

[Traduction]

    Nous allons maintenant commencer la première série de questions avec Mme Gray.
    Madame Gray, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    Le projet de loi vise notamment à modifier le processus de maintien des activités pour « inciter l'employeur et le syndicat à conclure rapidement une entente relative aux activités à maintenir en cas de grève légale ou de lock‑out légal ».
    J'aimerais poser la même question à tous les témoins. D'après votre expérience, quels genres d'obstacles se présentent habituellement de votre côté lorsque vous devez déterminer quelles pourraient être ces activités essentielles?
    Nous pourrions peut-être commencer par le représentant des Syndicats des métiers de la construction du Canada.
(1550)
    Je pense qu'une partie du problème réside dans les exceptions qui sont faites pour les travailleurs de remplacement. Comment définir les limites en ce qui concerne le travail qui est dans l'intérêt national, par exemple? Quel travail est vraiment nécessaire à la préservation des infrastructures essentielles?
    Je pense que la meilleure chose à faire, c'est de laisser aux parties concernées le soin de régler la situation. Il pourrait y avoir des définitions générales dont on ne devrait pas trop déroger, mais il faudrait se pencher sur les moyens à prendre pour que la partie touchée — c'est‑à‑dire le syndicat — puisse donner son accord au recours à certains travailleurs de remplacement pour assurer le maintien des infrastructures essentielles.
    Dans l'histoire des Syndicats des métiers de la construction du Canada, il nous est arrivé de consentir à des exceptions lorsque nous étions en grève, mais c'est plutôt rare.
    Merci.
    Je me tourne maintenant du côté de la représentante de Teamsters Canada.
    Bien sûr, je suis d'accord avec le confrère Strickland sur la nécessité de, tout d'abord, en arriver à une entente pour déterminer quels employés ou, en fait, quels travaux sont jugés essentiels. Il faut absolument pour ce faire s'en tenir aux exceptions visant la sécurité publique, conformément à la définition que nous avons établie, et savoir ce qui risque de compromettre la santé et la sécurité des gens.
    La question du temps est l'autre aspect à considérer. Le syndicat et l'employeur devraient être en mesure de déterminer très rapidement ce qui est essentiel. Cet exercice devrait s'amorcer au moment où les négociations sont enclenchées pour éviter de se retrouver dans une situation où les retards exacerbent une grève ou enveniment les choses à la table de négociation.
    Merci.
    Je pose la même question au représentant du Syndicat des Métallos.

[Français]

    Je pense que, la clé du succès, pour savoir quels services essentiels et quelles exceptions doivent être maintenus, ce sont les deux parties à la table de négociation qui la détiennent, soit l'employeur et le syndicat.
    On le fait de façon régulière lorsque nous négocions lorsqu'on négocie des conventions collectives. Personne n'a intérêt à laisser l'entreprise sans chauffage, à ne pas faire les tournées de santé et de sécurité ou à faire quelque chose qui pourrait nuire à la pérennité de l'entreprise. N'oublions pas qu'il y aura une suite après la négociation, après le conflit. De façon générale, les parties discutent pour en arriver à un règlement, et elles s'entendent sur qui ils veulent maintenir ou non au travail.
    Si les parties n'arrivent pas à une entente, ce qui peut arriver, il revient au Conseil canadien des relations industrielles d'arbitrer le litige. Il faut donc lui donner des effectifs suffisants. Pour avoir participé à plusieurs négociations au cours des dernières années, je sais qu'on attend souvent des mois avant d'être entendu devant le Conseil canadien des relations industrielles.
    Il faut assurément mettre des ressources s'il y a un litige, mais il faut aussi faire confiance aux parties en place. Tout le monde à intérêt à ce que l'entreprise reste en santé et que tout se passe bien après le conflit.

[Traduction]

    C'est très bien. Merci beaucoup.
    En ce qui concerne le Conseil canadien des relations industrielles, le CCRI, le projet de loi vise à accélérer la prise de décisions. J'aimerais savoir, d'après votre expérience, ce qui cause habituellement des retards dans leur processus décisionnel.
    Il ne me reste qu'une minute, alors vous pourriez peut-être répondre brièvement. Nous allons commencer par les Syndicats des métiers de la construction du Canada.
    Je pense que les retards sont notamment attribuables à la volonté de l'entreprise qui a recours à des travailleurs de remplacement de faire traîner les choses aussi longtemps que possible.
    J'aimerais maintenant entendre la réponse de la représentante de Teamsters Canada.
    J'estime de surcroît que le CCRI manque de ressources. Il serait donc très important de veiller à ce qu'il dispose de ressources suffisantes pour traiter rapidement les dossiers dont il est saisi.
(1555)
    Pour terminer, allons voir du côté du Syndicat des Métallos.

[Français]

     Je suis d'accord avec ma consœur. Au Conseil canadien des relations industrielles, c'est le manque de ressources qui freine tout le processus. En effet, de part et d'autre, cela peut souvent s'entamer avant le début des négociations. Nous encourageons cela, mais nous devons attendre des mois avant d'être entendus. C'est un frein au bon déroulement des négociations. En somme, il faudrait prendre conscience de ce fait et consacrer les ressources nécessaires, dans l'éventualité où les parties ne s'entendent pas.

[Traduction]

    Merci, madame Gray.
    Monsieur Long, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à mes collègues et merci à nos témoins.
    Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui est une mesure extrêmement importante qui va amener de grands changements. Je suis heureux de constater que les conservateurs posent aujourd'hui des questions au sujet de ce projet de loi. Ils ont jusqu'à maintenant évité d'en parler. Je trouve encourageant qu'ils aient appuyé son renvoi au Comité. Souhaitons qu'ils continuent de manifester leur soutien aux syndicats.
    La semaine dernière...
    C'est plutôt amusant que vous ayez une question à ce sujet.
    La semaine dernière, nous avons pu entendre les représentants de la Fédération canadienne et d'autres intervenants, y compris des députés conservateurs, affirmer que les lois de ce genre augmentent la durée des grèves et perturbent les chaînes d'approvisionnement. Cependant, nous avons également entendu des témoignages qui contredisent ce point de vue, avec des exemples de la façon dont le recours à des travailleurs de remplacement a entraîné des grèves plus longues.
    Monsieur Strickland, l'ancienne directrice générale des Syndicats des métiers de la construction du Canada, Arlene Dunn, une bonne amie à nous deux, m'a demandé de vous saluer. Elle se trouve dans ma circonscription, à Saint John.
    Pouvez-vous nous expliquer en quoi le recours à des travailleurs de remplacement peut nuire au règlement constructif des différends?
    Je pense vous avoir fourni un très bon exemple dans mes observations préliminaires en parlant de ce recours à des travailleurs de remplacement qui a prolongé jusqu'à près de six ans un arrêt de travail en Colombie-Britannique. Il est préoccupant qu'un employeur puisse faire traîner un processus aussi longtemps en multipliant les démarches judiciaires et les reports devant le Conseil canadien des relations industrielles.
    Je pense que la simple idée que l'on puisse se tourner vers des travailleurs de remplacement mine l'ensemble du processus de négociation collective, lequel est dûment constitué en vertu des lois de chaque province. Le fait qu'un employeur puisse recourir à des travailleurs de remplacement va à l'encontre de l'objectif même du régime de négociation collective. Je pense qu'il est extrêmement important que nous mettions en place les mesures proposées dans ce projet de loi.
    Divers professeurs enseignant un peu partout au Canada ont clairement démontré que la durée d'une grève est raccourcie lorsqu'on n'a pas le droit de recourir à des travailleurs de remplacement. Le bon sens voudrait que ce soit le cas. Si la possibilité de faire appel à des travailleurs de remplacement fait en sorte que les activités de votre entreprise ne sont pas perturbées, qu'est‑ce qui vous motive à revenir à la table des négociations même si la partie syndicale vous demande de le faire? Il est logique de penser que les mesures proposées vont raccourcir la durée des grèves, et il y a des preuves à l'appui.
    Dans le cadre de cette étude, on a aussi beaucoup parlé du fait que les syndicats veulent faire la grève et que c'est leur premier choix. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Absolument pas. La grève est le dernier recours pour un syndicat qui n'arrive pas à conclure une entente à l'amiable à la table de négociation. Une grève impose à nos membres des difficultés que bon nombre d'entre nous ne peuvent même pas imaginer. Les dirigeants syndicaux prennent tout le temps nécessaire pour bien analyser la situation avant de recommander à leurs membres de faire la grève.
    Quiconque laisse entendre un instant que les syndicats ont tendance à vouloir faire la grève n'a aucune idée de la manière dont les choses se passent désormais au sein de notre économie et de notre marché du travail.
    Merci pour cette réponse. Je vais avoir d'autres questions pour vous.
    Monsieur Lapierre, avez-vous un commentaire à ce sujet?

[Français]

     Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de répondre à cette question.
    Selon nous, il est évident que cela écourte les conflits de travail pour la simple et bonne raison que l'argent est roi; c'est le cas pour les travailleurs et pour les employeurs. Les positions peuvent être diamétralement opposées au début d'une négociation lorsqu'un conflit est en vue. Fondamentalement, on veut régler les dossiers à la table de négociation. C'est ce que veulent les travailleurs et les employeurs. La majorité des dossiers se règlent d'ailleurs à la table de négociation.
    Souvent, au fur et à mesure que les semaines passent, tant les positions des travailleurs et que celles des employeurs s'adoucissent, et les gens font des compromis. En effet, à un moment donné, vient le temps où il faut régler le conflit. Cela met de la pression sur les familles aussi. Il fait le dire, il y a des divorces et des suicides lorsque des conflits de travail s'étirent. Les conflits de travail sont difficiles à vivre. On ne fait pas cela pour le plaisir, on le fait parce qu'on croit à quelque chose, à un idéal.
    C'est le cas chez les travailleurs comme chez les employeurs. Si un employeur impose un lockout, c'est qu'il a ses propres raisons, et il faut les respecter. Ensuite, il faut conserver un équilibre pendant les négociations. Je peux vous assurer qu'après quelques semaines, les gens sont souvent plus compréhensifs et cheminent chacun de leur côté pour trouver une solution.
    Ainsi, cela n'allonge pas les conflits, cela les raccourcit.
(1600)

[Traduction]

    Merci.
    Madame Abou-Dib, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Bien sûr.
    Je pense qu'il est tout à fait absurde d'affirmer que les syndicats veulent faire la grève. Je n'ai pas les statistiques nationales — je m'apprêtais à les consulter —, mais je peux certainement vous dire, du point de vue des Teamsters, que plus de 98 % de nos conventions collectives sont négociées pacifiquement et sans conflit. Les 2 % restants aboutissent à diverses formes de conflit, ce qui comprend les grèves et les lockouts...
    Je suis désolé, mais vous avez désactivé votre micro.
    Je vous prie de m'excuser.
    Personne ne veut faire la grève et tout le monde en sort perdant.
    Merci, monsieur Long.

[Français]

    Madame Chabot, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie infiniment tous les témoins.
    Permettez-moi de saluer solidairement le travail que vous faites au quotidien pour défendre et promouvoir les conditions des membres que vous représentez.
    Comme parlementaires, c'est aussi notre rôle. Le Code canadien du travail devrait protéger les droits des travailleuses et des travailleurs. J'ajouterais que, actuellement, le Code canadien du travail a besoin de beaucoup d'amour. Comment peut-on expliquer qu'en 2024, on permette encore d'avoir recours à des travailleurs de remplacement lors de conflits de travail? C'est insensé.
    Pour illustrer mon propos, je tiens à saluer les travailleuses et les travailleurs de Vidéotron qui sont avec nous durant l'étude de ce projet de loi. Ils sont en lockout depuis le mois d'octobre dernier. Ceux qui se posent la question sur la durée des conflits en lien avec le recours à des travailleurs de remplacement un ont maintenant un exemple.
    Monsieur Lapierre, je vous remercie infiniment de votre présence.
    Vous avez eu un exemple de la situation. D'ailleurs, nous avons été à même de constater ce qui s'est passé sur la ligne de piquetage d'Océan remorquage, au terminal maritime de Sorel-Tracy, relativement à la durée d'un conflit.
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur les conséquences sur les négociations des conditions de travail des travailleurs en grève qu'a entraînées le recours à des travailleurs de remplacement?
    La première conséquence est la durée du conflit. Il est évident que ce conflit n'aurait pas duré neuf mois, si on n'avait pas eu recours à des travailleurs de remplacement. Un employeur ne veut pas perdre de l'argent pendant neuf mois, et les travailleurs ne manifestent pas expressément une volonté de vivre un conflit de travail pendant neuf mois.
    Au début d'une négociation, on commence par ce qu'on veut obtenir; parfois, cela devient un conflit de travail. Toutefois, au fil des semaines et des mois, inévitablement, les positions se radoucissent et, quand les gens perdent de l'argent, cela force les parties à se parler.
    Dans le cadre du conflit de nos membres à Sorel‑Tracy, l'employeur a eu recours à des briseurs de grève et ceux-ci passaient tous les matins devant les piqueteurs avec leurs pancartes. Certains briseurs de grève étaient payés à un taux horaire beaucoup plus élevé que celui des employés. Cette décision appartient à l'employeur, mais c'était très frustrant pour les employés de voir des personnes venir faire leur travail. Ces employés se battaient pour obtenir de meilleurs horaires de travail et une meilleure qualité de vie. Ce n'était pas seulement une question d'argent, ils avaient un idéal important. Ils ont gagné leur cause, mais seulement après neuf mois de conflit. Le recours aux briseurs de grève allonge inévitablement les conflits.
    Comme je l'ai dit, les conflits de travail sont difficiles pour les familles. On sous-estime les conséquences de tels conflits; quand le nid familial manque d'argent, il y a souvent des répercussions sur le couple, les enfants, les sports et les loisirs et la capacité de profiter de la vie. On le fait par principe, mais il ne faut pas en minimiser les répercussions. Il y a inévitablement des dommages collatéraux, et c'est ce que les travailleurs vivent lors d'un conflit de travail.
(1605)
     En tant que parlementaire et membre du Bloc québécois, qui a déposé 11 projets de loi sur la question depuis 1990, je ne peux, comme vous, que saluer ce projet de loi. J'ai toujours dit qu'il y avait une différence entre le fait de déposer un projet de loi et celui de l'adopter.
     Quelle est votre interprétation? On part du principe que l'intention est d'empêcher le recours à des travailleurs de remplacement. Cependant, plusieurs personnes nous ont parlé d'exceptions que comporte ce projet de loi et qui n'existent même pas dans le Code du travail du Québec, ainsi que de son entrée en vigueur, soit 18 mois après la sanction royale.
     Aimeriez-vous faire des remarques à ce sujet?
     Pensez-vous que le projet de loi dans sa forme actuelle atteindra son objectif?
    Ce n'est certainement pas le cas. Je ne vous ai pas fait part de toutes les remarques figurant dans les deux mémoires qui ont été déposés.
    Le fait que l'employeur ait la possibilité d'embaucher des sous-traitants avant que l'avis de négociation collective ne soit donné n'a aucun sens et dénature complètement le projet de loi. On peut difficilement comprendre quelle intention se trouve derrière cela.
    Quand je suis à une table de négociation et que l'autre partie me demande quelque chose, je me demande toujours ce qu'elle veut. Je suis parfois intrigué. Dans le cas présent, j'essaie de comprendre quel est l'avantage d'une telle disposition, à part le fait qu'on donne aux employeurs la recette pour recourir à des ressources externes avant même que l'avis de négociation collective ne soit donné. C'est la seule chose à laquelle je peux penser.
    Par ailleurs, on peut se questionner sur le délai de mise en œuvre envisagé, qui est de 18 mois. On s'explique mal, et même très mal, pourquoi on a besoin de 18 mois pour mettre en œuvre ce projet de loi. De plus, diverses conjonctures, dans ce projet de loi, nous obligent à nous questionner. Ce n'est pas clair, mais il semble qu'on doive forcer les parties à s'entendre sur le maintien des services essentiels et à donner les ressources requises au Conseil canadien des relations industrielles.
     Pour ma part, je fais confiance aux deux parties lorsqu'elles négocient. Il faut valoriser ce qui se passe à la table de négociation. C'est là que les choses doivent se passer. Il y a quelques corrections à apporter. Certaines sont mineures, mais d'autres sont majeures, notamment en ce qui concerne la possibilité pour l'employeur de recourir à des travailleurs de remplacement avant même que l'avis de négociation collective ne soit donné. C'est la recette parfaite pour que l'employeur prévoie un conflit de travail, un lockout, et embauche à l'avance des travailleurs. Pour nous, cela n'a vraiment aucun sens.
    Tout à fait. Nous nous sommes fait traiter de complotistes pour avoir soulevé cet argument. Nous pensons néanmoins que c'est une remarque judicieuse et qu'il faut absolument corriger le tir.
    Des travailleuses et des travailleurs de la fonction publique fédérale nous ont dit être très étonnés que le projet de loi ne couvre pas les employés fédéraux.
    Seriez-vous d'accord pour qu'une telle loi s'applique également à la fonction publique fédérale?
    Absolument. Je ne représente pas les travailleurs de la fonction publique, mais c'est une question de solidarité.
    Dans ce cas également, je m'explique mal qu'on ait fait ce choix. Au Québec, une expression dit qu'il faut manger la salade qu'on vend. Si le parti qui forme l'actuel gouvernement, en l'occurrence le Parti libéral, voit les choses de cette façon pour l'ensemble des employeurs au Canada, il va devoir faire en sorte que ce projet de loi s'applique aussi à ses propres employés. Cela se passe aussi au Québec.
     Il est bien évident, cela dit, que toute la question des services essentiels devra s'appliquer. On ne peut pas utiliser une approche unique pour tout le monde, mais le fait que les employés de la fonction publique ne sont pas couverts par le projet de loi est incompréhensible.
    Merci, madame Chabot.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos invités, les précieux témoins qui sont parmi nous aujourd'hui. C'est un moment important.
    Pour ma part, je viens d'une formation politique qui a toujours eu à cœur — il les a toujours — les droits des travailleurs et des travailleuses. Lors de nos discussions et de nos négociations avec ce gouvernement minoritaire, ainsi que dans l'entente de soutien et de confiance que nous avons signée et qui est publique, nous avons indiqué qu'il s'agissait pour nous d'un gain très important. Par contre, cela en dérange certains.
    La semaine dernière, des représentants d'associations patronales sont venus nous voir. Ces gens nous ont dit qu'il n'y avait pas assez d'exemptions dans le projet de loi et que s'ils le pouvaient, ils le mettraient à la poubelle. Cela montre bien du chemin qui doit être parcouru par certains groupes.
    Monsieur Lapierre, j'aimerais simplement dire que le cas d'Océan remorquage est assez clair. J'ai eu l'occasion de rencontrer vos membres.
    J'avoue que c'était difficile et frustrant de voir que ces travailleurs se faisaient voler leur gagne-pain par des gens qui étaient payés plus cher que ce qu'ils demandaient à la table de négociation. Je mentionne cet exemple, mais il y en aurait d'autres également.
     Comment pensez-vous qu'une loi anti-briseurs de grève pourrait rétablir l'équilibre entre les parties à la table de négociation?
(1610)
    Comme je le dis depuis le début, c'est entièrement une question d'équilibre, de rapport de forces.
    Quand je m'assois devant un employeur à une table de négociation, je m'assois, non pas devant une personne supérieure ou inférieure à moi, mais devant un égal. Je négocie donc d'égal à égal.
    Il faut cependant que les forces soient équilibrées. Imaginons que je demande quelque chose ou qu'un employeur me demande de faire une concession, que nous ne soyons pas d'accord et que l'employeur me dise que, d'une façon ou d'une autre, nous devrons accepter ses conditions, sinon il va décréter un lockout et poursuivre ses opérations. Vous comprendrez qu'une telle situation change complètement la dynamique de la table de négociation. C'est ce qu'il faut rééquilibrer.
     Dans une société de droit comme la nôtre, où des chances égales sont données à tout le monde, il faut fournir à tout le monde les mêmes outils, les mêmes « armes » — vous comprenez qu'il s'agit ici d'une image. Il est important de rééquilibrer le rapport de forces. C'est de cette façon qu'on assainit les relations de travail et qu'on transige d'égal à égal.
    En ce moment, il y a un déséquilibre, et c'est ce qui change la donne.
     Merci, monsieur Lapierre.
    Je tiens à dire que je suis aussi d'accord avec vous sur le fait que, si une entreprise faisait déjà appel à des sous-traitants avant l'envoi d'un avis de négociation, ces derniers ne devraient pas avoir le droit de faire le travail des membres de l'unité d'accréditation une fois le conflit de travail terminé. Selon moi, vous soulevez là un élément majeur, qui est vraiment très important.
    Monsieur Strickland, pour poursuivre un peu dans la même veine, vous m'avez appris quelque chose d'assez épouvantable en disant qu'en Colombie‑Britannique, un conflit de travail avait duré six ans, à cause du recours à des briseurs de grève. C'est assez horrible.
    Vous avez prononcé une phrase intéressante, dans laquelle vous disiez que le projet de loi C‑58 allait contribuer au droit de négocier collectivement et aider les travailleurs à retourner au travail.
    Pourriez-vous fournir plus de détails sur le sujet, en prenant pour exemple le cas de LTS Solutions., dont vous avez parlé plus tôt?

[Traduction]

    Bien sûr.
    Je pense moi aussi que cela stabilisera le processus de négociation collective, parce que, comme nous le savons et comme mon confrère du Syndicat des Métallos l'a mentionné, c'est un rapport de force. Lorsque nous sommes à la table de négociation, nous avons un pouvoir égal, mais ce pouvoir ne peut se concrétiser, de notre côté, que s'il nous est possible de faire la grève et de refuser de travailler. C'est vraiment la solution de dernier recours pour un syndicat, et nous ne prenons pas cela à la légère.
    Nous avons déjà dit à quel point il est rare que nous refusions de travailler. Cela arrive seulement lorsque nous nous retrouvons dans une impasse. Ce pouvoir dont nous disposons est grandement mis à mal lorsque l'employeur a la capacité de remplacer la main-d'oeuvre par des travailleurs de remplacement. Si cette capacité est retirée à l'employeur, l'équilibre des forces est rétabli et nous sommes sur un pied d'égalité, ce qui stabilise le processus de négociation collective dans l'intérêt de l'employeur et des travailleurs.

[Français]

    Merci.
    Madame Abou‑Dib, vous avez abordé un élément intéressant en disant qu'il faut être capable de faire les vérifications nécessaires afin de déterminer si le recours aux briseurs de grève est illégal ou si l'entente conclue entre les parties avant le conflit est respectée.
    J'ai eu « la chance » de visiter une ligne de piquetage formée de travailleurs assujettis à la loi québécoise anti-briseurs de grève. Toutefois, à cause de la lenteur des démarches visant à faire venir des inspecteurs sur le terrain, même la loi québécoise, bien connue et appliquée depuis des décennies, n'était pas toujours respectée.
    Dans quelle mesure faut-il éviter ce piège dans le projet de loi C‑58?
    Merci, monsieur Boulerice.
    Il faut effectivement tirer des leçons de la façon dont les autres provinces, y compris le Québec, appliquent leurs lois.
    Ce qu'il s'est passé au Québec et ce qu'il se passe actuellement en Colombie‑Britannique, c'est que cela prend beaucoup trop de temps pour vérifier si les employeurs appliquent bien la loi.
    De notre côté, nous voulons soutenir la capacité du gouvernement à bien faire appliquer la loi. Il faut vraiment prendre au sérieux la question des ressources nécessaires pour faire les vérifications. Il faut s'assurer que, si on veut faire appliquer une loi, il faut que les ministères et les organismes responsables soient dotés des ressources nécessaires pour vérifier cette application.
(1615)
    Il restait deux secondes.
    Merci, monsieur Boulerice.

[Traduction]

    Bienvenue à notre comité, monsieur Seeback. Vous avez la parole pour une période de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je comprends certes toute l'importance que revêtent les syndicats. J'ai pris connaissance des transcriptions de certaines de vos audiences, et je pense que c'est Lana Payne qui a dit: « Aucun pays n'est parvenu à réaliser des progrès et une prospérité partagés pour les travailleurs sans des syndicats forts et des lois sur la négociation collective rigoureuses. » Je présume que vous souscrivez tous à cette affirmation. Je voulais que vous sachiez que je suis du même avis.
    Je vais vous parler un peu de ma vie personnelle. Mon fils travaille dans la construction; il est un fier membre de son syndicat local. Il a travaillé pour des entrepreneurs privés pendant un certain temps et il a été bien traité, mais ce n'était nullement comparable au traitement auquel il a droit depuis qu'il est syndiqué. Le salaire est plus élevé et il jouit d'une plus grande sécurité d'emploi. Il va suivre une formation à l'école de métiers et les coûts seront pris en charge. Les avantages sont énormes. Je comprends à quel point les travailleurs se retrouvent en bien meilleure posture lorsqu'ils adhèrent à un syndicat. Sa qualité de vie s'est nettement améliorée.
    J'aimerais parler rapidement de certains aspects du projet de loi.
    Ma première question porte sur l'article 11, qui ajoute le nouveau paragraphe 99.01(1). On parle d'une plainte déposée auprès du CCRI à l'encontre d'un employeur ayant contrevenu à la Loi, mais on dit que le Conseil doit rendre, s'il y a lieu, une ordonnance « dans le délai prévu par règlement ou, à défaut, aussitôt que possible ». Cela me semble un peu vague.
    Quel devrait être ce délai selon vous, ou jugez-vous acceptable le délai actuellement prévu, s'il en existe déjà un?

[Français]

     À moins que je ne me trompe, le projet de loi actuel prévoit un délai de 90 jours pour être entendu. Nous pensons que cela devrait être réduit à 45 jours pour que le processus soit plus près de la réalité. Évidemment, cela influence ce qui va se passer à la table de négociation ou le fait même qu'on y retourne ou non. Pour revenir à ce que je disais plus tôt, il s'agit de maintenir un rapport de force équilibré. Si l'employeur se trouve en violation de la loi anti-briseurs de grève, il faut que quelqu'un rende cette décision et qu'on dise à l'employeur que cela ne fonctionne pas, puis qu'on détermine si on va retourner à la table de négociation ou procéder autrement.
    Alors, cela doit se faire le plus rapidement possible. Plus la décision est prise tôt, plus elle va coller à la réalité, ce qui est mieux pour tout le monde, tant pour l'employeur que pour le syndicat.

[Traduction]

    J'aimerais ajouter quelque chose, monsieur Seeback, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    Mon confrère a raison au sujet du délai de 90 jours prévu dans le projet de loi. Il s'agit en fait d'une légère amélioration par rapport à la situation actuelle. J'estime cependant que le droit de grève devrait être accordé automatiquement aux travailleurs si le CCRI n'a pas rendu de décision à la conclusion de cette période de 90 jours.
    Cela m'amène à m'interroger sur le fonctionnement du Conseil canadien des relations industrielles.
    Le CCRI pourrait en effet être saisi de bon nombre de ces dossiers quand viendra le temps de déterminer si quelqu'un a enfreint les règles antibriseurs de grève. Le Conseil dispose-t‑il d'assez de ressources? A‑t‑il un effectif suffisant? Êtes-vous satisfait de la composition de son conseil d'administration? Comment les choses se sont-elles déroulées pour vous par le passé?
    Mes collègues pourront sans doute mieux vous répondre à ce sujet.
    De notre point de vue, le Conseil canadien des relations industrielles aurait besoin de plus de ressources, surtout dans le contexte de l'application plus rigoureuse de la Loi qui viendrait avec l'éventuelle adoption du projet de loi à l'étude.
    Je vais laisser mon confrère et ma consoeur vous en dire davantage.
    Nous convenons qu'il faut plus de ressources. Selon notre évaluation, le CCRI joue un rôle extrêmement important dans les relations de travail à l'échelon fédéral. Il n'y a pas de problème avec le fonctionnement du CCRI, mis à part le fait qu'il n'a pas suffisamment de ressources pour traiter les demandes.
    En ce qui concerne les demandes et le maintien des services, les deux principales parties concernées devraient être le syndicat et l'employeur. Le CCRI ne devrait vraiment intervenir qu'en dernier recours.
(1620)
    Merci, monsieur Seeback.
    Nous passons maintenant à M. Collins pour une période de cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
    Madame Abou-Dib, il arrive que des gouvernements soient élus et qu'ils n'aient pas vraiment à cœur les intérêts des travailleurs. Nous avons pu le constater avec le projet de loi C‑377 du gouvernement Harper, et nous l'avons vu récemment en Ontario, alors que le premier ministre provincial a plafonné les hausses salariales à 1 %, une mesure qui a été jugée inconstitutionnelle par les tribunaux.
    Vous avez parlé des provinces. Je ne vous demande pas de traiter des considérations politiques, mais il y a un aspect important au sujet duquel j'ai interpellé certains témoins. Je leur ai souligné que ce projet de loi, une fois adopté, viendra s'ajouter à une liste comportant les lois du Québec et de la Colombie-Britannique, et contribuera sans doute grandement à aider le mouvement syndical en mettant en œuvre le même genre de loi dans les autres provinces où il n'y a actuellement aucune protection semblable pour les travailleurs.
    Pouvez-vous nous parler du rôle important que jouera ce projet de loi pour appuyer votre mouvement dans les provinces où des pressions inverses pourraient s'exercer afin de pouvoir continuer à enfreindre les droits des travailleurs, comme nous l'avons vu avec le plafonnement des augmentations salariales en Ontario?
    Votre analyse est juste et vous avez raison de vouloir faire ressortir le rôle important du gouvernement fédéral qui doit montrer la voie à suivre en adoptant des lois et en s'efforçant de créer une société plus juste pour tous les Canadiens. Lorsque la Cour suprême statue que le droit de grève, le droit à la négociation collective et le droit à la liberté d'association sont des droits garantis par la Charte, cela devrait se répercuter non seulement sur le gouvernement fédéral, mais aussi sur les gouvernements provinciaux. Comme ce fut le cas pour le salaire minimum et d'autres lois progressistes sur le travail adoptées à l'échelon fédéral, les provinces emboîtent souvent le pas.
    Il est absolument essentiel de mettre en place les conditions qui feront en sorte que les provinces interdiront elles aussi le recours aux travailleurs de remplacement.
    Merci de cette réponse.
    Je vais revenir à une autre chose que vous avez mentionnée dans vos observations préliminaires. Vous avez indiqué que le recours à des travailleurs de remplacement n'a pas seulement pour effet de saper le processus de négociation collective, mais qu'il crée aussi du ressentiment et peut mener à la violence.
    Au cours des deux réunions précédentes, j'ai parlé de la lutte livrée par les Métallurgistes unis dans les années 1940 à Hamilton lorsqu'ils se sont battus avec Stelco pour obtenir la semaine de travail de 40 heures, ainsi que des congés payés. Lorsque 2 000 briseurs de grève ont été embauchés à l'époque, on a utilisé des briques, des bâtons de baseball et d'autres armes pour défier la police et les représentants de l'entreprise. Depuis des décennies, les histoires au sujet des actions de l'entreprise et des travailleurs de remplacement circulent dans la ville de Hamilton. C'est en agissant ainsi que l'on peut envenimer les relations de travail à très long terme.
    Pouvez-vous nous parler de l'importance d'éviter de tels scénarios, dont il existe des exemples on ne peut plus probants, avec ce projet de loi? Nous avons reçu la semaine dernière les représentants des débardeurs qui nous ont relaté des faits similaires. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Je crois que nous ne saurions trop insister sur le fait que le recours aux travailleurs de remplacement mine le processus de négociation collective. Pour dire vrai, cela dresse les travailleurs les uns contre les autres. Je ne suis pas nécessairement d'accord pour dire que nous sommes égaux à la table de négociation. Le fait est que c'est l'employeur qui tient les cordons de la bourse. C'est lui qui a l'argent.
    Ce que nous avons, ce sont nos travailleurs. C'est notre pouvoir. Nous n'avons pas d'argent. S'il nous est impossible de nous retirer de notre travail, en toute sécurité et en ayant un impact sur l'employeur, alors c'est un droit qui perd tout son sens.
    En pareil cas, on suscite du ressentiment et de la colère. On crée une situation où, encore une fois, on dresse des êtres humains les uns contre les autres. Tout le monde veut gagner sa vie, et les travailleurs en grève ne peuvent plus le faire. Devoir regarder quelqu'un d'autre entrer au travail et s'approprier son emploi n'est pas une solution acceptable pour qui que ce soit.
(1625)
    Merci, monsieur Collins.

[Français]

    Vous avez deux minutes et demie, madame Chabot.
    Au Québec, il existe une loi depuis 1977. Le Code du travail du Québec prévoit expressément que le ministre du Travail peut enquêter sur un lieu de travail pendant une grève ou un lockout pour s'assurer que les dispositions anti-briseurs de grève sont respectées. Cela va même jusqu'à permettre au syndicat d'accompagner le ministre. Quand il y a une grève ou un lockout, les travailleurs ne peuvent pas aller sur le lieu de travail et vérifier ce qui s'y passe. Ils peuvent voir ce qui se passe du côté des travailleurs de remplacement à l'extérieur, mais moins à l'intérieur.
    Monsieur Lapierre, pensez-vous qu'il faudrait ajouter une telle disposition au projet de loi C‑58? En ce moment, rien de tel n'y est prévu.
    Il faut tout mettre en place pour s'assurer du processus d'enquête et de vérification. On parlait tantôt de diligence, quant au temps nécessaire et au temps de réaction du tribunal, mais il faut aussi inclure des ressources. Peu importe que cela passe par le ministre ou par un enquêteur, mais il faut assurément introduire de la rigueur là-dedans.
    Actuellement, nous avons 90 jours. L'année dernière, j'ai fait une négociation et nous avons attendu des mois, au point que nous n'en avons pas eu besoin. Les parties se sont remises à la table pour toutes sortes de raisons et ont conclu une entente. Cela prenait des mois avant que nous soyons entendus. Il est donc nécessaire d'inclure de la rigueur là-dedans et d'agir avec diligence.
    Je parlais plus tôt du temps réel. Plus tôt on est collé aux événements, plus tôt on évite des événements malencontreux et on s'assure que les parties se parlent.
    Je vais vous céder le reste de mon temps de parole.
    Ce qui est essentiel, c'est que le droit de grève est un droit fondamental reconnu par nos chartes. Or l'utilisation de briseurs de grève est contraire au droit d'association et de négociation.
    J'aimerais que vous nous disiez à quel point il est important d'adopter une loi de ce type pour l'équilibre et l'harmonie dans les relations de travail.
     C'est important.
    J'ai mentionné, dans mon allocution, avoir eu beaucoup de discussions avec nos membres, la famille.
    Les gens sont désabusés. Or je crois beaucoup au processus législatif qui se passe, ici. C'est nécessaire et c'est par de tels processus qu'on donne confiance aux gens et qu'on leur explique pourquoi on va voter: au bout du compte, c'est parce qu'il y a des résultats structurants pour notre monde.
    Je suis déjà venu témoigner devant un comité pour le Régime de pensions du Canada; maintenant, je suis ici dans le cadre de la loi anti-briseurs de grève. C'est important d'envoyer un signal aux membres.
    Je termine en vous demandant d'agir sans aucune partisanerie et avec diligence pour que le processus se fasse le plus rapidement possible.
    Merci.
    Merci, madame Chabot et monsieur Lapierre.
    Monsieur Boulerice, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lapierre, permettez-moi de prendre 30 secondes et de poursuivre sur ce que vous disiez. Je pense qu'il est important que tout le monde autour de la table travaille bien ensemble pour améliorer et bonifier le projet de loi, et pour défendre les travailleurs. Non seulement c'est un droit constitutionnel, mais, de bonnes négociations libres et collectives, c'est aussi le maintien et l'amélioration des conditions de travail et des conditions de vie. En fait, une loi anti-briseurs de grève est un outil de répartition de la richesse. Je pense qu'il faut voir cela dans cette perspective également.
    Monsieur Lapierre, vous venez de parler de délais, et cela m'inquiète un peu. Vous avez parlé de mois.
    Madame Abou‑Dib, vous avez aussi parlé des délais. Cependant, en ce qui concerne ceux que vous voulez voir diminuer, il y a le délai de 18 mois pour la mise en œuvre de la loi, considéré trop long par la majorité. Il y a également le délai de 90 jours, qu'on voudrait voir raccourci.
    J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi il est important, pour Teamsters Canada, que le processus soit beaucoup plus rapide et plus efficace.
(1630)
    Si on veut une mise en application de la loi qui soit vraiment significative et qui permette de protéger les travailleurs et les travailleuses, il faut que les délais soient les mêmes.
    En ce moment, dans la loi, il n'y a pas de solution prescrite après les 90 jours suivant la demande de services essentiels. Quelle est la solution, dans ce cas? Je crois que, quelle que soit la décision après 90 jours, et s'il n'y a pas de liste ou si l'on ne s'entend pas, le droit de ces travailleurs doit automatiquement être respecté. C'est tout.
    Cela nous pousse un peu plus à accomplir le travail nécessaire pour déterminer quels sont les services essentiels.
    Merci.
    Je trouve cela intéressant dans la mesure où cela deviendrait prescriptif et que l'on ne serait pas dans le néant si jamais le Conseil canadien des relations industrielles, ou CCRI, n'était pas en mesure de rendre sa décision dans les délais déjà prévus par la loi.
    Je suis d'accord avec vous. Le commentaire que vous faites est effectivement juste.
    On ne peut pas avoir un droit écrit et confirmé par la Cour suprême sans avoir le soutien des règlements ou des lois pour le faire appliquer. Cela ne devrait pas pouvoir saper le processus de négociation collective. Or l'utilisation des briseurs de grève vient effectivement saper le processus de négociation collective.
    Merci, madame Abou‑Dib.

[Traduction]

    Cela met fin à notre première heure de questions.
    Je tiens à remercier les témoins de leur comparution.
    Nous allons interrompre la séance pendant quelques minutes, le temps d'accueillir nos prochains témoins.
(1630)

(1640)
    Je remercie les membres du Comité.
    Nous allons commencer la deuxième heure de nos délibérations sur le projet de loi C‑58 avec nos nouveaux témoins.
    Nous accueillons M. Charles Smith, qui comparaît par vidéoconférence à titre personnel. Nous recevons aussi deux représentants du Syndicat canadien de la fonction publique, à savoir M. Mark Hancock et Mme Annick Desjardins. Pour leur part, Mme Donna Hokiro et M. Corey Mandryk représentent la section locale 1944 du Syndicat des métallos.
    Bienvenue à tous.
    Nous allons d'abord entendre les observations de M. Smith qui dispose de cinq minutes pour ce faire.
     Je vous remercie de me permettre de témoigner. Je m'excuse de ne pas pouvoir être là en personne. Assez ironiquement, les enseignants de la Saskatchewan sont en grève tournante, et j'ai dû aller chercher mes enfants à l'heure du dîner. Nous étions donc dans l'impossibilité de partir jusqu'à la semaine dernière.
    Je suis fort honoré de témoigner devant le Comité. Je pense que ce projet de loi est très important. J'ai suivi de très près les débats à la Chambre et au sein du Comité.
     Si on prend le projet de loi dans son ensemble, je ferais valoir au Comité — auquel j'ai remis mes notes d'allocution — qu'il s'agit d'un prolongement logique du système de relations industrielles du Canada, lequel se fonde, depuis sa création dans les années 1940, sur le principe de paix industrielle.
    En bref, je veux souligner que la loi anti-briseurs de grève, telle qu'elle est présentée dans ce projet de loi, est un outil important pour promouvoir davantage l'objectif stratégique de longue date du gouvernement du Canada. Selon les mots des spécialistes des relations industrielles Jon Peirce et Karen Bentham, cet objectif consiste à réglementer les grèves dans le but de protéger l'intérêt public et de maintenir la paix et l'ordre publics.
    Dans mon exposé, je ne veux pas reprendre les points soulevés par les syndicats et les entreprises lorsqu'ils critiquent ou appuient le projet de loi. Je veux plutôt relever le défi lancé devant le Comité le 11 avril par certains témoins, qui ont affirmé qu'une grande partie de ce qui a été dit jusqu'à maintenant n'est tout simplement pas fondée sur la réalité et la documentation. Selon eux, la documentation prouve deux points de manière éclatante: que l'interdiction du recours aux travailleurs de remplacement entraîne plus de grèves, et que ces grèves sont plus longues.
    Je suis fondamentalement en désaccord avec cette interprétation des données. À mon avis, c'est une interprétation étroite de la documentation sur les grèves et les lock-out au Canada. Je chercherai également à expliquer mon argument — qui est exposé plus en détail dans mon mémoire — en me référant aux deux provinces qui ont adopté une loi anti-briseurs de grève, soit le Québec et la Colombie-Britannique.
    J'aimerais aborder quelques points avant d'en arriver là.
    Quand on examine le système de relations industrielles du Canada, on constate qu'il repose sur l'idée de paix industrielle. Depuis les années 1940, les homologues provinciaux du gouvernement canadien ont élaboré un système de relations industrielles qui est fortement conçu pour limiter la capacité des organisations comme les syndicats de mettre leurs travailleurs en arrêt de travail à volonté. Ils ne peuvent le faire qu'à des moments et dans des circonstances très précis, et franchir toute une série d'obstacles juridiques pour mettre leurs travailleurs en arrêt de travail et pour que la grève soit déclarée légale. Je pourrais vous donner plus de détails si vous le souhaitez, mais je suis certain que vous savez ce qu'il en est.
    Les syndicats ne peuvent faire la grève qu'après avoir déclaré une impasse dans les négociations. Habituellement, dans la plupart des provinces, ils ne peuvent le faire qu'après une période de réflexion obligatoire avant la conciliation obligatoire. Toutes les grèves doivent être autorisées par un vote des membres. La liste des obstacles n'en finit pas.
    Selon moi, les gouvernements au Canada ont déjà mis en place des obstacles importants pour empêcher les syndicats de mettre leurs travailleurs en arrêt de travail et pour déclarer une grève légale, tout cela dans le but politique d'assurer la paix industrielle.
    Une fois qu'une grève légale a été déclarée, cependant, le dernier obstacle qui contribue à l'intensification des tensions sur la ligne de piquetage — et nous avons prouvé ce phénomène en effectuant des recherches qualitatives auprès de grévistes au cours des 40 dernières années —, c'est le fait que lorsque des briseurs de grève sont utilisés, il est fort probable que la violence soit plus intense sur la ligne de piquetage. C'est un résultat bien connu du recours aux travailleurs de remplacement au Canada et dans l'histoire canadienne des grèves.
    Dans l'ensemble, je résumerais la situation ainsi, en m'appuyant sur les exemples donnés jusqu'à présent: les règles juridiques du régime canadien restreignent déjà considérablement la capacité de grève des travailleurs. Ainsi, quand les travailleurs recourent à cette mesure légale, ils ne le font pas n'importe comment. Ils suivent un ensemble de règles très précises qui ont été élaborées au cours des 80 dernières années environ.
     Il demeure toutefois un mystère: comment maintenir la paix et la stabilité sur la ligne de piquetage? À mon avis, ce projet de loi fait beaucoup à cet égard. Nous le savons parce que deux provinces canadiennes ont adopté des lois anti-briseurs de grève, qui existent depuis longtemps. Elles ont résisté à l'épreuve du temps et aucun gouvernement, de quelque allégeance politique que ce soit, ne les a abrogées.
    Au Québec, en 1977, le gouvernement du Parti québécois de René Lévesque a adopté un projet de loi anti-briseurs de grève pour réagir à de graves préoccupations dans l'industrie de la construction. En 1993, le gouvernement de Mike Harcourt a fait quelque chose de semblable en Colombie-Britannique.
    En ce qui concerne deux affirmations faites par des témoins le 11 avril, ils soutiennent qu'il est possible que la loi anti-briseurs de grève fasse augmenter le nombre de grèves et les prolonge. Cependant, lorsque j'examine les données historiques, je trouve très peu de preuves à l'appui de cette affirmation.
(1645)
    En 1977, lorsque le gouvernement du Québec a adopté cette loi, le nombre de grèves a effectivement augmenté un peu, mais entre les années 1980 et l'année dernière, il a fortement décru. Cela m'a frappé lorsque j'ai examiné les données sur les grèves en fin de semaine.
    Les chiffres de 2023 ont été publiés récemment. En 2023, le Québec a connu un nombre historique de grèves, mais il serait difficile de faire valoir que...
    Je vous remercie, monsieur Smith.
    Je vais veiller à ce que chacun respecte son temps de parole pour que tout le monde puisse intervenir.
    Nous allons maintenant entendre M. Hancock, du Syndicat canadien de la fonction publique.
    Vous disposez de cinq minutes,

[Français]

    Je salue tous les membres du Comité.
    Je m'appelle Mark Hancock. Je suis le président national du Syndicat canadien de la fonction publique.

[Traduction]

    Le Syndicat canadien de la fonction publique, ou SCFP, représente plus de 740 000 fonctionnaires de première ligne partout au pays. Plus de 30 000 membres du SCFP travaillent dans des industries sous réglementation fédérale, comme celles du transport aérien, des communications, du transport en commun, des ports, du transport de fonds et de la sécurité, ainsi que dans des conseils et des services autochtones.
    Je vous remercie de m'offrir l'occasion de parler du projet de loi C‑58 et de l'urgence d'adopter une loi anti-briseurs de grève au Canada.
    Je tiens à remercier sincèrement le NPD et les libéraux d'avoir inclus cet engagement dans l'entente de soutien et de confiance et d'avoir exprimé haut et fort leur appui à une loi anti-briseurs de grève.

[Français]

    Je remercie également le Bloc québécois de son appui.

[Traduction]

    Je tiens également à remercier tous les députés de tous les partis politiques d'avoir voté à l'unanimité en faveur du projet de loi C‑58 à l'étape de la deuxième lecture.
    Pourquoi la négociation collective est-elle si importante qu'elle constitue un droit protégé par la Charte au Canada et dans de nombreux pays du monde? C'est parce que c'est le seul outil dont disposent les travailleurs pour corriger un déséquilibre fondamental du pouvoir entre eux et leurs employeurs. C'est cette iniquité que le projet de loi C‑58 vise à corriger parce que la négociation collective sans véritable droit de grève comporte de graves lacunes.
    Ce projet de loi corrigera également un avantage disproportionné dont jouissent actuellement les employeurs: la capacité de mettre leurs employés syndiqués en lock-out et de les remplacer par des travailleurs non syndiqués sans restriction. Cette pratique permet un congédiement collectif pendant les négociations.
    En ce moment même, deux groupes de membres du SCFP relevant des compétences fédérales sont victimes de cette tactique pernicieuse. Le Comité en a déjà entendu parler. Il s'agit des débardeurs du port de Québec, de la section SCFP 2614, et des employés de Vidéotron à Gatineau, de la section SCFP 2815. Certains d'entre eux sont d'ailleurs ici aujourd'hui.
    Les débardeurs de Québec sont en lock-out depuis 18 mois. Nos membres demandent un équilibre de base entre le travail et la vie personnelle, car les travailleurs ne peuvent pas ignorer leurs responsabilités familiales et faire des heures supplémentaires extraordinaires en raison d'un manque de personnel systémique. Pendant ce temps, des travailleurs non formés viennent chaque jour travailler comme briseurs de grève, ce qui met en péril la sécurité des opérations et du personnel.
    Les employés de Vidéotron qui travaillent à Gatineau ont été mis en lock-out en octobre 2023. Ils demandent simplement de garder leurs emplois au Canada. Vidéotron contourne les protections prévues dans la convention collective en les mettant en lock-out et en impartissant leur travail à l'étranger, où les travailleurs sont maltraités en toute impunité et ne reçoivent qu'une fraction du salaire que Vidéotron verse à ses employés au Canada.
    Même si ces deux employeurs poursuivent leurs activités comme si de rien n’était, nos membres et leurs familles subissent les effets dévastateurs et réels de ce déséquilibre fondamental du pouvoir.
    Le projet de loi C‑58 est un pas dans la bonne direction pour rendre les relations de travail plus équitables à l'échelle fédérale en éliminant le recours aux briseurs de grève, mais il comporte des échappatoires. Nous vous exhortons tous à tenir compte de nos recommandations pour rendre ce projet de loi plus efficace.
    Premièrement, le paragraphe 94(4) proposé devrait interdire l'exécution de tout travail touché par une grève ou un lock-out. Les exceptions devraient se limiter à la prévention d'un danger imminent pour la santé et la sécurité du public ou pour l'environnement, ou d'une menace de destruction en milieu de travail.
    Deuxièmement, le mécanisme d'application devrait comprendre des enquêtes en milieu de travail, comme au Québec. Des enquêtes existent déjà dans le Code canadien du travail en matière de santé et de sécurité et les normes du travail, alors ce serait facile à reproduire.
    Troisièmement, l'interdiction d'utiliser des briseurs de grève devrait entrer en vigueur dès l'adoption du projet de loi. Il n'y a aucune raison de retarder la mise en œuvre du paragraphe 94(4) proposé. Le Conseil canadien des relations industrielles a déjà le pouvoir de rendre des ordonnances pour des pratiques de travail déloyales, et il n'est pas nécessaire de prendre d'autres règlements à cet égard.
    Enfin, j'aimerais dire quelques mots sur les services essentiels. Nous avons entendu des représentants du monde des affaires parler d'élargir la définition des services essentiels pour tenir compte des différents genres de perturbations économiques, mais c'est à cela que servent les grèves: les perturbations.
    Comme je l'ai déjà dit, parce qu'il vise à corriger une inégalité fondamentale, le droit de grève est protégé par la Charte. Cela signifie que toute limite à l'activité de grève doit être conforme aux garanties de la Charte. Si on fait en sorte que les perturbations économiques soient prises en compte en ce qui concerne les services essentiels, cette restriction du droit de grève sera inconstitutionnelle.
(1650)
    Vous savez que nos membres ne resteront pas silencieux lorsque leurs droits fondamentaux sont attaqués. Parlez‑en au premier ministre Ford.
    Je vous remercie.
    Madame Hokiro, vous avez cinq minutes ou moins.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui pour parler de ce projet de loi essentiel.
    Je m'appelle Donna Hokiro et je suis présidente de la section locale 1944 du Syndicat des métallos. Notre syndicat local représente plus de 5 000 membres dans toutes les régions du Canada, principalement dans le secteur des télécommunications sous réglementation fédérale.
    Permettez-moi de commencer par dire que personne ne fait la grève pour le plaisir de la faire — personne. Ce n'est jamais une décision que les syndiqués prennent à la légère. On pourrait dire que c'est la décision la plus difficile à prendre.
    Fait important à souligner, lorsque l'employeur décide de mettre les travailleurs en lock-out, il ne consulte pas le syndicat et il menace le gagne-pain même de ses travailleurs — nos membres. Les grèves et les lock-out ont toujours des répercussions importantes sur les travailleurs. Le recours aux briseurs de grève aggrave une situation déjà difficile et pourrait avoir des répercussions sur toute une communauté. Cette pratique monte les travailleurs, les voisins et parfois même les membres d'une même famille les uns contre les autres.
    Notre syndicat local a vécu de telles situations par le passé. Des frères d'une même famille qui travaillaient tous les deux chez Telus en sont venus aux coups lorsque l'un d'eux a traversé la ligne de piquetage alors que l'autre la respectait. Le simple fait que l'un des deux frères dans la vraie vie agisse comme briseur de grève a eu des répercussions sur la famille, à un point tel que ses membres ne pouvaient pas célébrer Noël, les anniversaires, d'autres fêtes et des occasions spéciales ensemble. D'innombrables relations et amitiés ne se sont jamais rétablies.
    Ce problème touche nos membres et vos électeurs. Voilà pourquoi nous nous battons depuis des décennies pour une loi anti-briseurs de grève.
    De telles lois existent déjà en Colombie-Britannique et au Québec. Il est prouvé que l'interdiction du recours aux briseurs de grève réduit le nombre et la durée des conflits de travail et rétablit l'équilibre dans les négociations collectives. Mais surtout, cette interdiction protège les droits constitutionnels des travailleurs et mène à de meilleures conditions de travail et de vie. Le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui ne répond pas aux attentes parce qu'il comporte des échappatoires qui pourraient permettre aux employeurs de contourner l'interdiction et prévoit des délais inutiles qui retardent la protection des travailleurs.
    Premièrement, toute personne qui accomplit le travail d'un employé en grève ou en lock-out doit être visée par l'interdiction, peu importe le moment où elle a été embauchée. Bien entendu, nous acceptons des exceptions concernant le travail nécessaire pour prévenir une menace imminente à la vie, à la santé et à la sécurité, la destruction de biens ou des dommages à l'environnement, mais nous soutenons également qu'une entente sur les personnes qui effectueront les travaux de conservation doit être conclue entre l'employeur et le syndicat et que la décision ne doit pas venir de l'employeur seul.
    En outre, la période d'attente avant que le Conseil canadien des relations industrielles rende une décision provisoire ou définitive sur le maintien des activités doit être réduite de 90 à 45 jours pour éviter que les employeurs recourent à des pratiques dilatoires avant que les travailleurs puissent exercer leur droit de grève.
    Point important, nous devons nous débarrasser du libellé actuel qui accorde aux briseurs de grève une réintégration préférentielle par rapport aux employés actuels après un conflit de travail. Cela n'a aucun sens.
    De plus, le Code du travail définit déjà le terme « employé » de façon à inclure les entrepreneurs dépendants. Cette exception doit être supprimée pour qu'il soit clair que ces entrepreneurs n'ont pas le droit de franchir la ligne de piquetage.
    Enfin, il faut éliminer le délai avant la mise en œuvre de ce projet de loi. Le gouvernement doit montrer qu'il prend cette loi au sérieux, et elle doit entrer en vigueur avant les prochaines élections afin qu'il soit plus difficile pour le prochain gouvernement, quel qu'il soit, de l'abroger avant que les travailleurs aient eu l'occasion d'en bénéficier.
    J'ai parlé de Telus plus tôt, mais ce n'est pas le seul mauvais élève. Rogers, après avoir fait de belles promesses au gouvernement actuel et affirmé que l'acquisition de Shaw se ferait en douceur, a plutôt mis en lock-out 288 de mes membres à Vancouver et à Surrey, en Colombie-Britannique, avant même que l'encre n'ait séché sur l'approbation. L'entreprise a fait venir des travailleurs d'autres régions du Canada en leur disant qu'ils l'aideraient à effectuer du travail supplémentaire en raison de la fusion.
    Pire encore, vers la fin du lock-out, la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique a donné raison à un entrepreneur sous réglementation provinciale en lui permettant de forcer ses techniciens — contre leur gré — à traverser nos lignes de piquetage fédérales. Le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique est en train de corriger cette malheureuse échappatoire.
(1655)
    Faites en sorte que cette nouvelle loi respecte tous les piquets de grève, quelle que soit la compétence dont ils relèvent. Un piquet de grève est un piquet de grève. Dans l'intérêt de tous les travailleurs sous réglementation fédérale, nous vous demandons respectueusement d'adopter ces amendements et de veiller à ce que le projet de loi C‑58 soit adopté et mis en œuvre rapidement.
    Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Je vous remercie, madame Hokiro.
    Monsieur Seeback, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis nouveau au sein du Comité et je participe pour la première fois à cette étude. J'ai parcouru et lu certains témoignages antérieurs, et j'ai été frappé par les propos qu'a tenus Lana Paynet lorsqu'elle a témoigné. Elle a affirmé qu'« Aucun pays n'est parvenu à réaliser des progrès et une prospérité partagés pour les travailleurs sans des syndicats forts et des lois sur la négociation collective rigoureuses. » Je suppose que tout le monde ici est d'accord avec cette témoin. Je tiens à dire que je suis entièrement d'accord avec elle.
    J'ai raconté une histoire personnelle au groupe de témoins précédent. Mon fils travaille dans l'industrie de la construction. Il a travaillé pour deux entreprises privées, où il a été bien traité, bien entendu. Aujourd'hui, il travaille pour une grande entreprise à titre de syndiqué et sa vie s'est considérablement améliorée. Son salaire est plus élevé. Les avantages sociaux et les possibilités sont meilleurs. Sa vie s'est grandement améliorée parce qu'il est syndiqué.
    Je crois fondamentalement que les syndicats permettent d'offrir des emplois mieux rémunérés aux Canadiens. Voilà où je veux en venir avec mes questions sur ce projet de loi. Je veux que tout le monde le sache.
    Lorsque j'étudie le projet de loi, j'examine notamment l'article sur les amendes en cas d'infraction. L'article 12 du projet de loi C‑58 ajouterait une nouvelle disposition, l'article 101.1, au Code canadien du travail pour stipuler que si un employeur contrevient aux règles sur le recours interdit aux travailleurs de remplacement, il pourrait écoper d'une amende de 100 000 $ « pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se poursuit l’infraction ».
    Abstraction faite du temps qu'il faudrait pour délibérer sur ces questions, pensez-vous que cette amende est suffisante? Quelle est votre position à cet égard?
    Chacun peut répondre à tour de rôle.
    Il y a certainement un avantage pour les syndicats. Je suis heureux que votre fils aime son emploi syndiqué. Mes deux enfants ont également occupé des emplois syndiqués et y ont certainement bénéficié de bien meilleures conditions.
    En ce qui concerne les amendes, je ne vois aucun problème à ce qu'elles soient plus élevées. Lorsque nous recourons aux syndicats et faisons quelque chose que l'employeur juge inopportun, il ne met pas beaucoup de temps à nous traîner devant une commission du travail, qu'elle soit provinciale ou fédérale, et les menaces d'amendes sont importantes. Vous vous rappelez peut-être qu'il y a eu un important moyen de pression en Ontario entre les travailleurs de l'éducation et le premier ministre Ford. Je pense que nous nous exposions à une amende d'environ 1 milliard de dollars au cours de la première semaine.
    Je pense que des amendes plus sévères contre les employeurs seraient très utiles pour rétablir le rapport de forces.
(1700)
    Je vous remercie de votre question. Je vous en suis reconnaissante.
    En 2005, lorsque nous avons été mis en lock-out par Telus, nous estimons qu'ils ont choisi d'embaucher des briseurs de grève et d'assumer des coûts trois fois plus élevés que le coût de la main-d'œuvre, au lieu d'accéder à toutes nos demandes. Ils ont certainement les moyens d'assumer ces coûts et la capacité d'en régler la facture. Je voudrais simplement souligner que lorsque nous sommes mis en lock-out et que la société n'en subit pas les conséquences, un sentiment antisyndical est présent, et il va franchement à l'encontre de la Charte.
    Je suis d'accord avec mon confrère pour dire que plus les amendes sont élevées, mieux c'est. Je dirais également qu'il est tout à fait illégal d'aller à l'encontre de la Charte. Nous devrions tous en être offensés.
    Je pense effectivement que plus les amendes sont élevées, mieux c'est. J'approuve cette idée.
    Je vous remercie de vos réponses.
    Une question qui m'a laissé perplexe lorsque j'ai examiné la mesure législative, c'est le fait qu'elle ne semble pas contenir une bonne définition de ce qu'est un entrepreneur par opposition à un entrepreneur dépendant. Je crois que cela fait partie des lacunes dont tout le monde parle aujourd'hui.
    Pensez-vous que le terme « entrepreneur dépendant » a été redéfini de manière efficace dans le projet de loi C‑58 qui modifie le CCT? Si ce n'est pas le cas, que feriez-vous pour améliorer cette définition?
    Quelqu'un veut‑il tenter de répondre à cette question?
    Comme nous n'avons pas entendu l'avis du professeur Smith, qui témoigne à titre personnel, il aimerait peut-être commencer à répondre à la question.
    Je suis désolé. Voulez-vous que je réponde à la première question, ou à la deuxième?
    Veuillez répondre à la deuxième question?
    Mon syndicat et notre employeur ne font pas affaire avec des entrepreneurs indépendants et des entrepreneurs dépendants, alors je m'en remettrais à certains dirigeants syndicaux qui ont eu à gérer ces situations directement.
    Nous recommandons d'élargir la portée de la protection contre les briseurs de grève — contre les travailleurs de remplacement. Les entrepreneurs dépendants sont considérés comme des employés en vertu du code. Leur situation n'est donc pas problématique en ce moment. Le problème que nous pose la définition de l'interdiction, c'est qu'elle permet aux employeurs de continuer à travailler avec leurs entrepreneurs pendant une grève. Voilà notre problème.
    J'adresse ma dernière question au Syndicat des métallos. Je vais m'écarter un peu du sujet, mais j'espère que vous me suivrez.
    Je travaille également au sein du Comité du commerce international. Les producteurs d'acier nous ont dit que les importations d'acier étaient passées de 19 % du marché canadien en 2013 à 39 % en 2022, principalement en raison du dumping pratiqué par d'autres pays.
    Pensez-vous qu'il est vraiment important, tout comme le projet de loi est vraiment important, que le gouvernement prenne des mesures pour réexaminer la manière dont nous luttons contre le dumping, une pratique qui prive les métallurgistes de notre pays de bons emplois syndiqués?
    Oui, certainement. Pour être claire, je travaille dans le secteur des télécommunications. Je ne suis donc pas une experte en la matière, mais je suis une experte à titre de travailleuse. Je travaille dans l'atelier, depuis plus de 30 ans.
    Le dumping élimine certainement des emplois dans notre secteur sidérurgique et, par ailleurs, il apporte des produits de très mauvaise qualité. Cette pratique est franchement antipatriotique. Nous devrions traiter très sévèrement tout dumping, quel que soit le logo qui figure sur votre épinglette, parce que cette pratique est anti-canadienne. Il devrait toujours y avoir des emplois pour les Canadiens d'abord et pour les métallurgistes en tout temps. Ce travail nous appartient.
    Je suis entièrement d'accord avec vous.
    Je vous remercie, monsieur Seeback.
    Le prochain intervenant est M. Sheehan, qui prendra la parole pendant six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     La semaine dernière, à la fin de la réunion, l'ETCOF a posé des questions concernant les allégations selon lesquelles le service 911 ou d'autres services d'urgence pourraient être interrompus en raison de la mesure législative. Je tiens à clarifier cette question. Le communiqué que l'ETCOF a publié le 12 mars et qui est intitulé « L'importance vitale d'apporter des modifications au projet de loi C‑58 » indique ce qui suit: « L'absence de travailleurs de remplacement pendant les grèves pourrait entraîner de graves interruptions de services, mettant en péril nos systèmes, depuis le chauffage des particuliers jusqu'aux communications d'urgence en passant par l'approvisionnement en équipement médical vital ».
    Une communication d'urgence n'est pas explicitement liée au service 911. Je tiens à souligner qu'à deux reprises, soit les 20 et 21 février, l'ETCOF a communiqué une lettre d'opinion de Robin Guy qui affirmait que « pendant une grève, les travailleurs de remplacement ne seraient pas en mesure de régler les problèmes. Les clients d'une région touchée pourraient même être privés de services d'urgence, y compris de l'accès au 911, que les clients aient besoin d'une ambulance ou de communiquer avec le service des incendies ou les services de police ».
    Comme nous en avons discuté — et il semble que nos témoins partagent mon avis —, non seulement les services 911 seraient protégés par le processus de maintien des activités, mais le projet de loi C‑58 améliorerait en fait ce processus afin de protéger la santé et la sécurité des Canadiens et de prévenir les dommages environnementaux ou matériels graves.
    Je tenais juste à éclaircir cette question, car nous avons manqué de temps à la fin de notre réunion.
    Ma première question est destinée au professeur Smith. L'ETCOF et d'autres groupes d'entreprises nous ont fait part de leurs préoccupations concernant le projet de loi C‑58, qui pourrait augmenter la fréquence des grèves. En novembre 2023, vous avez publié un article dans le Monitor intitulé « Anti-scab legislation does not increase strikes, despite corporate propaganda », ou une loi antibriseurs de grève n'accroît pas le nombre de grèves, malgré la propagande que les sociétés publient à cet effet.
    Professeur, pourriez-vous nous parler davantage des constatations que vous avez faites après que le Québec et la Colombie-Britannique ont déposé des mesures législatives interdisant l'utilisation de travailleurs de remplacement? J'ai remarqué que vous aviez manqué de temps pendant votre déclaration préliminaire.
(1705)
    J'ai conclu mon exposé en disant que nous avions observé les mêmes tendances en Colombie-Britannique, et j'allais m'arrêter là.
    Décomposons la question. Pour comprendre le contexte dans lequel les grèves se produisent et la raison pour laquelle nous constatons une augmentation ou une diminution du nombre de grèves, je vous ferai remarquer qu'on ne peut pas établir une corrélation entre ces grèves et une seule mesure législative ou une seule loi.
    En 1977, lorsque le gouvernement du Québec a présenté son projet de loi antibriseurs de grève, il l'a fait pour des raisons très précises. L'industrie de la construction au Québec était notoirement compliquée. De graves grèves étaient survenues, et elles avaient été accompagnées de graves actes de violence. Le gouvernement a pris des mesures pour tenter d'empêcher cela. Bien que le nombre de grèves ait augmenté au cours des deux années suivantes, il a commencé à décliner par la suite — et à décliner précipitamment. L'une des raisons de cette diminution a été le changement structurel de l'économie. Nous sommes passés de l'ère keynésienne de l'aide sociale à un autre type d'ère où les marchés étaient plus libres, etc. Nous avons donc assisté à une diminution du nombre de grèves, ce qui a eu pour effet de réduire de plus en plus le nombre de personnes appartenant à des syndicats du secteur privé.
    On a observé des tendances similaires après 1993, lorsque le gouvernement de Mike Harcourt a présenté un projet de loi antibriseurs de grève dont le contexte était semblable à celui du gouvernement du Québec. En fait, l'année 1993, si nous commençons notre étude à ce moment‑là, est le point culminant des grèves. Après cette année, elles ont chuté précipitamment en Colombie-Britannique et n'ont jamais été égalées depuis cette période.
    Selon moi, rien ne prouve qu'une mesure législative entraîne un accroissement du nombre de grèves ou une hausse de leur durée. Le phénomène est en fait beaucoup plus compliqué que cela, et les preuves citées dans ces mémoires ne me convainquent pas, monsieur Sheehan.
    Ma dernière réflexion porte sur la question de la durée des grèves. C'est une question un peu plus compliquée, parce que nous avons effectivement observé que quelques grèves avaient duré plus longtemps après l'adoption de la loi antibriseurs de grève, mais nous avons aussi remarqué des périodes pendant lesquelles les grèves étaient plus brèves. Cela m'amène à conclure que ce phénomène est également contextuel. Comment pouvons-nous comprendre ce phénomène? Nous examinons chaque grève, et nous essayons de déterminer les problèmes qui sont survenus et ce qui s'est passé sur le terrain.
    Pour conclure, nous savons avec certitude que, lorsqu'une mesure législative antibriseurs de grève est présentée, moins d'incidents violents se produisent sur les lignes de piquetage. Je pense qu'il s'agit là d'un objectif politique important lié au cadre des relations industrielles du gouvernement canadien.
    Compte tenu des données recueillies, vous diriez qu'il n'y a pas de corrélation entre les activités de grève des syndicats et les lois interdisant l'utilisation de travailleurs de remplacement. Il n'y a pas de corrélation directe entre ces activités et ce qui a été dit. Est‑ce exact?
    Tout à fait.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Des propos alarmistes apparaissent sur Twitter ou dans des déclarations. En collaboration avec 70 autres experts et professeurs du domaine du travail, vous avez exhorté le gouvernement à adopter le projet de loi C‑58. Vous avez parlé de ce qui advenait des lois au Québec et en Colombie‑Britannique. Je suis sûr que les députés du NPD et du Bloc québécois seraient d'accord pour dire que, là encore, ces lois ne semblent pas provoquer d'effondrement économique.
    Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet de ce discours alarmiste concernant l'effondrement de l'économie? Dès qu'une grève se produit ou semble devoir se produire, des intervenants de droite affirment qu'elle doit cesser, parfois même avant qu'elle ne commence. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ce comportement?
    Je laisserai peut-être mes collègues syndicalistes formuler des observations à ce sujet aussi.
    Je me fais l'écho de ce que M. Hancock a déclaré...
    Je suis désolé, professeur. Je vais peut-être permettre à M. Hancock d'intervenir.
    Ça ne pose pas de problème.
    Monsieur Hancock, la parole est à vous.
    Je serai très bref.
    Il n'y a pas de syndiqués qui veulent faire la grève. Lorsqu'ils font la grève, ils veulent trouver une solution qui leur convienne à eux et à leurs employeurs. C'est là l'objectif.
    Comme nous avons 740 000 membres, des grèves se produisent. Nous avons 2 100 sections locales et 4 000 conventions collectives, mais un très faible pourcentage des négociations collectives aboutissent à des grèves. C'est parce que les travailleurs ne veulent pas faire la grève. Ils veulent obtenir une convention collective qui leur convienne.
    En ce qui concerne les chiffres de 2023, je les attribue à la COVID. Les travailleurs échappaient à la pandémie de COVID. Ils étaient frustrés, et le coût de la vie montait en flèche. Voilà ce qui tourmentait les travailleurs en 2023.
(1710)
    Je vous remercie, monsieur Sheehan.

[Français]

     Madame Chabot, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie vraiment tous nos témoins, et vous aussi, professeur Smith. J'ai cru comprendre que vous étiez responsable des services essentiels à la maison.
    Je tiens à saluer l'important travail que vous faites tous.
    Je vais m'adresser à M. Hancock. D'une certaine manière, j'ai eu le privilège d'aller sur la ligne de piquetage, au port de Québec, et de m'entretenir avec ses représentants locaux. Ce qu'on m'a raconté sur la situation après 18 mois de conflit m'a profondément touchée, en ce qui a trait à la santé mentale actuelle des travailleurs et aux questions de santé et de sécurité du travail, notamment à cause des travailleurs de remplacement. Je m'excuse de le dire ainsi, mais les travailleurs de remplacement n’ont rien à cirer des règles et des normes en matière de santé et de sécurité au travail, et cela cause des dommages au matériel. Pourtant, on n'en parle pas. Cela illustre, d'une part, que ce n'est pas le choix des salariés d'être en lockout et, d'autre part, que c'est encore moins leur choix d'être remplacés considérant les conséquences qui en découlent.
    Pourriez-vous nous parler davantage de la nécessité de modifier la loi pour éviter de telles situations?

[Traduction]

    Oui, absolument. J'en ai parlé dans ma réponse précédente.
     Nous avons 740 000 membres et nous sommes le plus grand syndicat du Canada. Nous avons des sections locales qui comptent jusqu'à 30 000 membres, par exemple à la Ville de Toronto, et nous avons aussi des sections locales très petites. Quand des travailleurs font grève ou sont en lock-out, ce n'est pas un enjeu lié exclusivement aux grandes sections locales ou aux petites sections locales.
     Je peux vous dire que dans tous les cas que je connais — et je suis président national depuis huit ans maintenant —, les travailleurs ont toujours eu pour objectif d'obtenir une convention collective qui fonctionne bien. Personne n'a envie de rentrer à la maison et d'annoncer à sa famille que leur vie va être bouleversée parce qu'une grève est imminente ou, pire encore, parce qu'un employeur impose un lock-out. Les indemnités de grève sont loin de correspondre aux salaires. Les conséquences sont énormes. Vous avez parlé du port de Québec. J'y suis allé à plusieurs reprises. C'est très difficile pour eux.
     Je n'ai pas entendu parler aujourd'hui — peut-être que quelqu'un en a parlé un peu plus tôt — de cette relation. Toute grève et tout lock-out aura une fin. Nous avons entendu parler des longues grèves un peu plus tôt aujourd'hui, mais elles se terminent toutes à un moment ou l'autre. Que se passe‑t‑il lorsqu'une grève se termine et que les travailleurs doivent retourner travailler pour un employeur qui les a mis en lock-out ou qui a eu recours à des briseurs de grève? Il est très difficile pour ces travailleurs de retourner travailler pour cette entreprise ou sur ce lieu de travail et de faire comme si rien ne s'était passé. Cela fait partie des torts réels que les briseurs de grève causent dans les milieux de travail.
     J'espère avoir répondu à votre question.

[Français]

     Vous avez souligné plusieurs lacunes du projet de loi. Je pense que vous parlez pour plusieurs organisations syndicales en disant que, si l'objectif est de faire respecter le droit de grève et d'empêcher le recours aux travailleurs de remplacement, il faudrait éviter que le projet de loi le permette indirectement. Si j'ai bien compris, une des lacunes que vous signalez concerne l'ensemble du personnel qui pourrait être utilisé exceptionnellement en cas de grève ou de lockout.
    Madame Hokiro, vous représentez des travailleurs de Telus. Je sais que ce n'est pas le sujet actuel, mais on sait que des cris d'alarme sont lancés au gouvernement canadien à l'égard de la décroissance des bons emplois des travailleuses et des travailleurs au Québec et au Canada, alors qu'on délocalise ces emplois à l'étranger.
    J'imagine que la même situation se produit quand il y a une grève ou un lockout dans le secteur des télécommunications, comme à Vidéotron, alors qu'on finit par délocaliser tous les emplois et faire appel à des travailleurs de remplacement.
    Selon vous, cela devrait-il être interdit?
(1715)

[Traduction]

    Je n'irai pas par quatre chemins. En 2005, pendant le lock-out, Telus a ouvert son premier centre d'appels à l'étranger. Nous avons des images vidéo de cela. Telus a déclaré qu'elle le faisait uniquement pour donner un peu de répit aux gens au pays, parce qu'elle avait mis ses employés en lock-out. Cependant, la vérité est qu'il y a de plus en plus de centres qui sont délocalisés.
     Nous sommes maintenant dans une situation très précaire. Depuis lors, il n'a pas été possible d'organiser une véritable grève, même si nos membres le souhaitent. En effet, comme l'a dit ma consœur dans le groupe de témoins précédent, il n'y a pas d'équilibre. Il n'y en a tout simplement pas. Nos membres peuvent refuser de travailler, mais cela veut dire que quelqu'un d'autre fera leur travail, alors il n'y a pas d'équilibre. Nous n'avons rien, et pire encore, ce ne sont même pas des Canadiens qui font le travail.
    C'est une situation tellement précaire. C'est impossible. Nous allons perdre toute notre industrie.

[Français]

    Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence dans le cadre de cette importante étude sur un projet de loi historique, mais qui peut être amélioré.
    Le lockout de 18 mois au port de Québec est vraiment honteux. J'ai, moi aussi, eu l'occasion d'aller sur la ligne de piquetage là-bas, et c'était difficile de voir les travailleurs de remplacement passer en voiture pour aller faire le travail des membres qui étaient en lockout.
    Il y a aussi des membres du syndicat des employés de Vidéotron qui sont ici aujourd'hui. Je suis un peu abasourdi par le fait qu'ils ne sont pas seulement ici pour améliorer leurs conditions de travail, mais aussi pour conserver leur emploi, parce que les emplois dans tout le secteur des télécommunications sont menacés de délocalisation. Il faut en parler.
    Évidemment, je suis d'accord pour dire qu'une ligne de piquetage ne devrait jamais être franchie par quiconque. Cependant, la loi québécoise et celle de la Colombie‑Britannique prévoient déjà des exceptions.
    En vertu du projet de loi actuel, les sous-traitants embauchés avant l'envoi de l'avis de négociation peuvent continuer de faire leur travail de la même manière, dans la même mesure et dans les mêmes circonstances qui prévalaient auparavant. Ainsi, si une personne arrosait les plantes 10 heures par semaine, elle doit continuer d'arroser les plantes 10 heures par semaine. On ne peut pas lui demander de faire des appels téléphoniques ou de l'entretien informatique. Encore là, comme vous l'avez soulevé, monsieur Hancock, il faut que le Conseil canadien des relations industrielles ait les ressources et les moyens nécessaires pour mener des enquêtes sur le terrain pour vérifier si c'est respecté.
    J'aimerais vous entendre tous les deux là-dessus, mais aussi sur ce qui se passe dans les cas où on a recours à des sous-traitants à l'étranger, ce qui arrive de plus en plus courant dans le domaine des télécommunications. Cela ne vous inquiète-t-il pas, au-delà du recours à la sous-traitance lui-même?

[Traduction]

    Je ne pense pas avoir de mots pour exprimer cette inquiétude, honnêtement. J'ai été mise en lock-out en 2005 et je participe à des négociations contre Telus depuis que je suis devenue présidente. Nous n'avons pas vraiment de prise, honnêtement. Les syndicats veulent normalement motiver leurs membres pour qu'ils ne fassent pas de concessions, mais nous n'avons pas de choix, parce que non seulement les travailleurs seront remplacés par des briseurs de grève, mais ils ne seront sans doute jamais réembauchés.
    Comme l'a dit mon confrère Hancock, il y aura un règlement du conflit à la fin, mais lorsque l'employeur a la possibilité de tout délocaliser, je ne sais pas s'il y aura vraiment un règlement. Cela nuit à nos concitoyens partout au pays, à nos économies et à nos collectivités. Cela nuit à tous les Canadiens, tout simplement. Il n'y a pas de retour en arrière possible.
     Nous avons besoin de ce projet de loi et il faut régler ce problème le plus tôt possible.
(1720)

[Français]

     J'ajouterai que des gens de Vidéotron pourraient vous parler du travail qui est fait à l'extérieur pendant le conflit.
    La délocalisation est effectivement un problème beaucoup plus large que la loi anti-briseurs de grève, parce que nous ne pouvons pas laisser sur les épaules des travailleurs et des travailleuses la protection de l'emploi au Canada. Alors qu'ils ont pris leur courage à deux mains et qu'ils ont décidé de tenir tête à leur employeur, cette loi ne doit pas permettre de continuer à utiliser des sous-traitants. S'ils sont à l'extérieur, nous sommes incapables de savoir si le volume de travail augmente ou non.
    Nous avons recommandé de ne pas permettre aux sous-traitants existants de continuer à travailler pendant la grève ou le lockout, justement parce que l'employeur peut planifier, avant l'avis de négociation, d'augmenter son volume de sous-traitance.
    Pour ce qui est des inspections, nous trouvons important d'avoir accès à l'information, afin d'avoir la preuve nécessaire pour exercer des recours. Au Québec, il y a un système d'inspections, et nous pensons qu'il fonctionne bien et qu'on aurait dû l'intégrer au Code canadien du travail. Cela existe aux parties II et III, mais cela pourrait aussi être inclus à la partie I.
    Comme vous représentez des membres du secteur des télécommunications et que le Syndicat canadien de la fonction publique représente aussi beaucoup de gens du secteur des télécommunications, j'en profite pour vous demander ceci: quand le gouvernement fédéral donne des crédits d'impôts ou fait des investissements dans des infrastructures qui servent aux télécommunications, comme des subventions, ne devrait-il pas y avoir des garanties de maintien d'emploi, pour éviter la délocalisation des emplois?

[Traduction]

    Oui, je suis entièrement d'accord avec cela. Pendant la pandémie de la COVID‑19, la plupart des sociétés de télécommunications ont reçu toutes sortes de ce que j'appellerai des primes, mais entre-temps, elles ont posé des gestes qui n'étaient pas vraiment en faveur des travailleurs. Il faudrait vraiment faire en sorte de lier les contrats du gouvernement à des emplois au Canada, dans les collectivités. Ce n'est pas l'objet de ce projet de loi, mais c'est très inquiétant de voir le gouvernement soutenir des entreprises qui ne font qu'en payer d'autres pour se débarrasser de nos emplois. Cela ne nous aide en rien.
    Une partie du problème vient du libre-échange, mais je n'ai pas le temps d'en discuter.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Mark Hancock: Ce que le gouvernement et nos représentants sont là pour faire, essentiellement, c'est veiller à ce que tous les Canadiens aient un niveau de vie décent qui leur permet de répondre aux besoins de leurs familles. Je vais en rester là.

[Français]

    Merci, monsieur Boulerice.

[Traduction]

    Il ne reste du temps que pour quelques questions. Nous avons commencé à 15 h 30. Madame Gray, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
     Lors de la première réunion sur ce projet de loi, le Comité a entendu Chris Aylward de l'Alliance de la fonction publique du Canada. Monsieur Hancock, j'aimerais savoir ce que vous pensez, d'un commentaire qu'il a fait au sujet des consultants et des fournisseurs externes. Il a dit: « chaque fois que l'on a recours à la sous-traitance sans consulter les gens qui accomplissent le travail, cela mène à une catastrophe ». Ce sont ses mots. Il a ajouté: « Des études ont montré à maintes reprises que le travail du secteur public qui est sous-traité coûte plus cher, n'est pas livré à temps et est de moindre qualité. Nous militons donc pour que le travail se fasse à l'interne. »
    Qu'en pensez-vous? Êtes-vous d'accord avec lui?
     Nous avons des conventions collectives avec des employeurs dans tout le pays, soit plus de 4 000. Dans certains cas, ils ont recours à des consultants ou à des fournisseurs. En général, cela se fait dans des endroits où on a besoin de compétences particulières pour une courte période, comme le battage des pieux, soit des compétences que les membres du Syndicat canadien de la fonction publique n'ont pas nécessairement.
    D'innombrables études ont montré, en effet, que la sous-traitance coûte assurément plus cher. Ce n'est pas aussi avantageux pour les contribuables. Toutefois, je ne vois pas les consultants et les fournisseurs de la même façon que les briseurs de grève, qui sont vraiment dans une catégorie à part et sont supplantés uniquement par les employeurs qui les utilisent.
     D'une manière générale, je suis d'accord avec mon ami M. Aylward et ce qu'il a dit.
    Il a dit également que ces travailleurs se sentaient dévalorisés lorsque leurs compétences ne sont pas utilisées. Le niveau d'anxiété peut augmenter lorsqu'on se demande si l'on sera le prochain dont les compétences ne seront pas utilisées.
     Êtes-vous du même avis?
(1725)
    Voulez-vous dire qu'on remet en question leurs compétences quand on fait appel à des sous-traitants? Est‑ce là où vous voulez en venir?
    Je parle de situations où on fait appel à des consultants et à des sous-traitants sans qu'on demande aux travailleurs leur avis sur la façon de les utiliser.
    C'est peut-être un enjeu différent au sein du gouvernement fédéral.
     Je n'en suis pas sûr. Ce que je peux dire, c'est que nous avons des employeurs qui essaient de sous-traiter de grandes quantités de travail. Nous avons de nombreuses conventions collectives dans tout le pays, à tous les niveaux, dans les secteurs provinciaux et fédéraux, avec des dispositions qui soutiennent les travailleurs et qui précisent que certains aspects du travail ne peuvent pas être sous-traités. Parfois, ces dispositions sont liées aux niveaux d'emploi, c'est‑à‑dire qu'une partie du travail peut être sous-traitée uniquement si tout le monde travaille.
     Si je suis un ouvrier spécialisé et que l'employeur fait appel à des ouvriers spécialisés de l'externe, je vais me demander pourquoi il le fait. Est‑ce simplement pour répondre à un besoin? Si c'est le cas, pourquoi n'en embauchent-ils pas plus? Ce sont des questions qu'il va assurément se poser.
    C'est une excellente réponse.
     Je tiens à remercier tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Je sais que beaucoup d'entre vous ont également envoyé des mémoires.
     Au cours des dernières minutes de la réunion, j'aimerais soulever une question sans doute importante pour de nombreuses familles qui suivent nos délibérations aujourd'hui.
     J'aimerais proposer une motion, monsieur le président. Je vais la lire:
Étant donné que:
a) Le gouvernement libéral s'est engagé à créer la prestation canadienne pour les personnes handicapées en 2020;
b) Quatre ans plus tard, le gouvernement libéral n'a toujours pas mis en œuvre la prestation canadienne pour les personnes handicapées;
c) Le député libéral de Whitby, Ryan Turnbull, s'est résolu à écrire une lettre ouverte au chef de son propre parti pour lui demander de mettre en œuvre la prestation, en faisant remarquer que les « Canadiens handicapés ont attendu assez longtemps »;
d) Cette lettre a été signée par des députés libéraux de ce Comité, dont le député de Don Valley–Est, Michael Coteau, le député de Saint John–Rothesay, Wayne Long, et le député de Newmarket–Aurora, Tony Van Bynen;
Le Comité reconnaît les promesses brisées du gouvernement libéral aux Canadiens en situation de handicap qui profiteraient de cette prestation.
    Pour dire quelques mots...
    La motion est recevable, et je tiens à informer les témoins que c'est une situation acceptable au sein du Comité. Nous devons discuter de la motion de Mme Gray, et il ne nous reste plus beaucoup de temps.
    Madame Gray, allez‑y.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Nous savons que la prestation canadienne pour les personnes handicapées a été annoncée pour la première fois dans le discours du Trône de 2020, et que le projet de loi n'a été déposé qu'en juin 2021. Il s'agissait du projet de loi C‑35, qui est mort au Feuilleton lorsque le premier ministre a déclenché les élections en 2021. Il a fallu attendre juin 2022 pour qu'un deuxième projet de loi, le C‑22, soit déposé. En octobre 2022, la ministre a déclaré devant le Comité qu'elle prévoyait un délai de 12 mois pour rédiger la réglementation, prévue pour publication au début 2024. Nous savons que cela n'a pas encore été fait.
     Les Canadiens vivant avec un handicap ne savent pas s'ils sont admissibles. Ils ne connaissent pas la procédure pour présenter une demande. Ils ne savent pas le montant qu'ils recevront. Ils ne savent pas de quelle façon elle leur sera versée et quand, et ils ne savent pas si cela aura une incidence sur les programmes provinciaux, ou s'il y aura un effet de récupération. Les libéraux n'ont pas tenu leurs promesses.
     Je soulève cette question parce que nous sommes à la veille du budget 2024 et que les personnes handicapées et leurs familles méritent ces réponses.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Gray.
    J'ai sur la liste M. Fragiskatos, puis M. Coteau qui est en ligne et Mme Chabot.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Les moments choisis par les conservateurs pour présenter leurs motions en disent long sur ce qu'ils défendent vraiment. C'est la deuxième fois qu'ils interrompent des réunions très importantes sur ce projet de loi pour présenter des motions.
    Qui plus est — toujours à propos des motions conservatrices qui nous montrent leur vrai visage —, en décembre, le Parti conservateur a voté contre le financement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Les députés que ma collègue vient de mentionner sont des députés de ce côté‑ci de la table. M. Turnbull ne fait pas partie de notre comité, mais c'est un collègue apprécié parce qu'il défend cette cause. En fait, c'est exactement ce que nous faisons tous de ce côté‑ci de la table.
    Le budget 2024 sera présenté demain. Je suis optimiste. Je suis confiant. Je ne sais pas ce qu'il contiendra, mais grâce aux efforts des députés libéraux, bloquistes et néo-démocrates, je suis optimiste face à ce que contiendra le budget au sujet de la prestation canadienne pour les personnes handicapées.
     Cela dit, monsieur le président, je propose que nous ajournions le débat sur la motion, notamment parce que cela la rend sans objet et que nous pourrons la réexaminer plus tard.
(1730)
    Nous avons une motion d'ajournement du débat sur la motion. Je vais mettre aux voix la motion d'ajournement du débat uniquement.
    (La motion est adoptée par 6 voix contre 5.)
    Le président: Le débat sur la motion est ajourné.
    La réunion est presque terminée. Les membres du Comité peuvent-ils m'accorder quelques minutes pour parler de quelques travaux du Comité?
    Ce qui est actuellement prévu pour jeudi de cette semaine, c'est l'audition de témoins sur le projet de loi C‑58 pendant la première heure. Pendant la deuxième heure, nous allons passer aux travaux du Comité pour terminer l'examen du projet de rapport sur l'intelligence artificielle. J'espère que le Comité fera preuve d'indulgence pour en arriver à la deuxième version. Les membres du Comité doivent donc se préparer en conséquence. Nous pourrons ainsi avoir un peu de temps en juin pour nous pencher sur le logement.
    Si nous arrivons à terminer la deuxième version du rapport sur l'intelligence artificielle, soyez prêts également à vous pencher sur la première version du rapport sur l'étude sur le bénévolat. Vous le recevrez demain. J'aimerais que nous commencions à nous pencher sur la première version pendant la dernière heure.
    Je sais que je me montre ambitieux, mais je vois M. Aitchison opiner de la tête.
    Je voulais simplement vous avertir. C'est ce que je prévois pour la deuxième heure. De plus, je dois faire approuver cinq mesures budgétaires pour les délicieux lunchs qu'on nous sert, ainsi que pour inviter des membres du Comité.
    Sur ce, je vous remercie de votre temps. Nous avons terminé la majeure partie des discussions sur le projet de loi C‑58 aujourd'hui, et je vous en remercie.
    Les membres du Comité sont-ils d'accord pour lever la séance?
    Des députés: D'accord.
    Le président: La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU