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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 109 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 18 avril 2024

[Enregistrement électronique]

(0815)

[Français]

    Nous allons commencer la séance.

[Traduction]

    Bienvenue à la 109e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, bien que tous les membres du Comité et tous les témoins soient ici dans la salle.
    Je vais faire quelques commentaires.
    Vous pouvez parler dans la langue officielle de votre choix. Vous avez accès aux services d'interprétation au moyen de l'oreillette située devant vous. Cliquez sur la langue dans laquelle vous souhaitez participer aux délibérations.
    Je vous demande de garder votre oreillette loin des microphones, si vous l'utilisez. Sinon, des sons indésirables pourraient blesser les interprètes.
    Veuillez adresser toutes vos questions à la présidence et attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour attirer mon attention, veuillez lever la main.
    Si les services d'interprétation sont interrompus, veuillez me le faire savoir, et nous suspendrons la séance le temps d'apporter des correctifs.
    Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 27 février 2024, le Comité poursuit son étude du projet de loi C‑58, Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles.
    Durant la première heure, nous entendrons le dernier groupe de témoins qui comparaît dans le cadre de l'étude du projet de loi C‑58.
    Nous accueillons Ginette Brazeau, présidente du Conseil canadien des relations industrielles, qui est dans la salle.

[Français]

    Bienvenue, madame.

[Traduction]

    Dave Carey, vice-président, Relations avec le gouvernement et l'industrie, représente la Canadian Canola Growers Association.
    Nous accueillons également Robert Ghiz, président et chef de la direction; et Eric Smith, vice-président principal de l'Association canadienne des télécommunications.
    Avant de commencer, je dois reconnaître que c'est le père de M. Ghiz qui m'a convaincu de me lancer en politique et d'entrer dans la vie publique en 1982.
    Bienvenue, monsieur Ghiz.
    Chacun de vous dispose de cinq minutes pour présenter son exposé. Nous allons commencer par Mme Brazeau.
    Madame la présidente, allez‑y pour cinq minutes.
    Bonjour. Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité de m'avoir invitée à témoigner devant vous ce matin dans le cadre de votre étude du projet de loi C‑58.
    Je vais vous parler du Conseil, de son travail, de ses responsabilités et de ses structures. Je vais aussi vous expliquer l'incidence que le projet de loi C‑58 devrait avoir sur les activités du Conseil.
    À cette fin, je vous ai remis un document de référence intitulé « Information Document relating to the Canada Industrial Relations Board ». Je crois qu'il a été distribué aux membres du Comité.
(0820)

[Français]

    Le Conseil canadien des relations industrielles est un tribunal quasi judiciaire qui traite des plaintes et des demandes en matière de relations de travail et d'emploi. Nous offrons de la médiation pour aider les parties à trouver un règlement et, au besoin, nous tranchons les litiges qui les opposent.
    Le Conseil est constitué d'une présidente, de cinq vice-présidents à temps plein et de trois vice-présidents à temps partiel. Il y a aussi six membres qui représentent les employeurs et les employés en nombre égal. Les panels qui sont désignés pour entendre et trancher les dossiers sont constitués d'un vice-président ou d'une vice-présidente et de deux membres. Les membres ne peuvent donc pas siéger seuls pour trancher les dossiers.
    Le Conseil est responsable de l'application et de l'interprétation de différentes lois, dont la Loi sur le statut de l'artiste, la Loi sur le Programme de protection des salariés et, bien sûr, le Code canadien du travail, qui constitue en soi quatre régimes législatifs distincts: la partie I, qui est liée aux relations de travail; la partie II, en matière de santé et sécurité; la partie III, qui porte sur les normes minimales du travail; et la partie IV, qui traite d'un régime de sanctions administratives pécuniaires.

[Traduction]

    Par le passé, le conseil était responsable de la partie I du code: Relations du travail. En 2019, les modifications apportées au code ont rendu le conseil responsable de toutes ses parties. À l'époque, le code a aussi été modifié pour permettre à la présidence de nommer des arbitres externes pour aider le conseil à gérer certains types de cas. Vous verrez au tableau 1 du document qui vous a été remis que depuis l'entrée en vigueur des changements apportés en 2019, le nombre de dossiers à traiter a doublé. Nous sommes passés de 500 cas à 1 000 cas par année.
    Lorsque ces changements ont été apportés en 2019, des fonds ont été affectés aux nouvelles responsabilités du conseil. Un montant de 3,4 millions de dollars a été approuvé à cette fin. Toutefois, il importe de souligner que le conseil ne dispose pas de ses propres crédits et n'est pas autonome dans l'administration et la gestion de toutes ses affaires. Les ressources financières et humaines du conseil sont attribuées et gérées par le Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs, le SCDATA.
    Le SCDATA a été mis sur pied au moyen de changements législatifs en 2014. À l'époque, des modifications ont aussi été apportées pour retirer à la présidence le rôle de directeur général du conseil et son autorité de diriger et de gérer les ressources, le budget et d'autres questions administratives. Tout le financement affecté ou approuvé pour le conseil est en fait attribué au SCDATA, qui exerce toutes les autorités financières et détermine la meilleure façon d'allouer le financement aux divers tribunaux qu'il appuie.
    Concernant le financement approuvé en 2019, je dirais que le montant prévu de 3,4 millions de dollars n'a pas été remis au conseil avec constance. Nos attributions budgétaires sur cinq ans n'ont pas fait l'objet d'une augmentation équivalente, comme vous le verrez au tableau 4 du document.
    Cette attribution imprévisible des fonds complique la planification du travail et l'examen des dossiers de manière stable. Dans le dernier exercice, par exemple, je n'ai pas pu confier de nouveaux dossiers aux arbitres externes durant huit mois, car les fonds affectés à ce poste étaient insuffisants. Par conséquent, le conseil a accumulé un arriéré important, et il prend plus de temps pour traiter les cas, comme vous le verrez au tableau 2.
    La capacité du conseil de répondre avec efficacité et en temps opportun aux différends qui lui sont présentés exige des fonds suffisants, ainsi que la capacité et la flexibilité nécessaires pour rapidement harmoniser et réorganiser ses ressources humaines et financières.
    Tout cela pour dire que si le projet de loi C‑58 est adopté, le conseil aura du mal, avec sa structure et ses ressources actuelles, à gérer rapidement les plaintes relatives aux travailleurs de remplacement. Il lui sera difficile d'agir en ce qui a trait au maintien des activités dans les 90 jours sans ralentir le traitement des autres cas qu'examine le conseil.
    Je suis consciente que vous allez me poser des questions sur la date d'entrée en vigueur. Afin de nous préparer à agir rapidement comme l'exige ce projet de loi, deux enjeux nécessitent notre attention.
    Tout d'abord, il y a les ressources. J'ai demandé que d'autres vice‑présidents soient nommés au conseil et que des ressources supplémentaires lui soient attribuées pour appuyer son travail.
    De plus, il faut adopter de nouvelles règles et de nouveaux règlements pour que nous puissions examiner et traiter nos dossiers dans les 90 jours. Cela demande l'élaboration de règles, des consultations avec nos partenaires, la rédaction et l'adoption de nouvelles règles et du matériel de communication nécessaire pour que les gens qui font appel à nous comprennent le nouveau processus que nous voulons mettre en place pour traiter ces dossiers.
    Comme vous pouvez le voir, cela va demander énormément de travail, et il faudra prendre de nombreuses mesures.
(0825)

[Français]

    C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions à ce sujet.
    Merci.
    Merci, madame Brazeau.

[Traduction]

    La parole va à M. Carey pour cinq minutes ou moins.
    Je vous remercie de m'avoir invité pour vous parler aujourd'hui au nom de la Canadian Canola Growers Association durant votre étude du projet de loi C‑58.
    La CCGA est une association nationale dirigée par un conseil d'agriculteurs-administrateurs qui représente les 43 000 cultivateurs de canola du Canada sur les questions et les politiques qui ont une incidence sur la rentabilité des activités agricoles.
    Je comprends que vous n'êtes pas le comité de l'agriculture de la Chambre, donc je vais vous donner un bref aperçu de notre secteur.
    Le Canada produit normalement 20 millions de tonnes de canola par année et en exporte plus de 90 % sous trois formes: les semences, l'huile et la farine. Ces produits sont exportés dans 50 pays, et en 2023, nos exportations ont atteint 15,8 milliards de dollars. Le Canada est le principal producteur et exportateur de canola au monde, et notre secteur contribue à 207 000 emplois et génère 29,9 milliards de dollars dans l'économie canadienne chaque année.
    En moyenne, le canola parcourt plus de 1 500 kilomètres de la ferme où il est cultivé à son lieu d'exportation. Il n'y a pas d'autres options pour le transport à longue distance de nos produits sur le continent. Nous dépendons entièrement des deux chemins de fer de catégorie I du Canada pour fournir la majorité de notre produit au marché à l'heure actuelle et à l'avenir.
    Le transport du grain est un aspect commercial parmi plusieurs qui influencent directement les prix offerts aux cultivateurs. Lorsque des problèmes surviennent dans la chaîne d'approvisionnement, le prix que les cultivateurs reçoivent pour le grain peut chuter, même quand les prix des marchandises sont élevés dans le marché mondial. Lorsqu'il y a une interruption du service ferroviaire, dans le pire des cas, les élévateurs à grain et les installations de traitement sont vite pleins. Les entreprises de grain cessent alors d'acheter le grain et d'accepter les livraisons des cultivateurs. Cela peut se produire même quand un cultivateur a un contrat de livraison, ce qui peut compromettre son accès à des liquidités pour financer ses activités. C'est la principale raison pourquoi les cultivateurs de l'Ouest canadien s'intéressent autant au transport par rail. Il influence directement les revenus des cultivateurs, et par ricochet, la capacité des chemins de fer du Canada de transporter le grain pour l'exporter influence la réputation du Canada à titre de fournisseur fiable de canola dans le monde.
    De nos jours, la robustesse de la chaîne d'approvisionnement du grain dépend du fait que le bon grain se rende au bon endroit, au bon moment. Ce système complexe comprend de nombreux éléments du domaine du transport, comme des camions, des points de collecte terrestres, des chemins de fer, des terminaux portuaires et des navires. Tous ces éléments sont nécessaires pour transporter le canola depuis les Prairies, où il est cultivé, jusqu'aux consommateurs internationaux, où se situe la demande. Dans un système si complexe, d'une année à l'autre, il y aura inévitablement des incidents et des événements qui vont nuire à la fluidité de la chaîne d'approvisionnement et à l'exécution du travail en temps voulu. La météo, les dommages à l'infrastructure et d'autres événements imprévus ne dépendent souvent pas de nous; ils sont hors de notre contrôle. Au Canada, des causes naturelles perturbent nos chaînes d'approvisionnement tous les ans. Nous devons donc éviter toutes perturbations dont nous serions la cause.
    En général, les éléments sur lesquels nous avons du contrôle sont les contrats de travail et les milieux de travail organisés. Toutefois, nous observons ces dernières années des niveaux préoccupants d'instabilité continue chez les compagnies de chemins de fer de catégorie I et au sein de leur main‑d'oeuvre.
    À l'heure actuelle, notre secteur et le Canada se préparent à la possibilité que les chemins de fer de catégorie I connaissent des perturbations dès le mois prochain. Même si l'on évite la grève, nous craignons qu'à l'approche de l'échéance de mai, le service soit déstabilisé de manière importante pendant des semaines, voire des mois.
    Nous avons connu une situation semblable en mars 2022, quand un des groupes d'employés d'une compagnie de chemin de fer de catégorie I a presque déclenché une grève. Finalement, l'interruption de service a été évitée au dernier moment, mais la fluidité de la chaîne d'approvisionnement a quand même été perturbée, simplement à cause de la menace d'une grève. Avant les échéances imposées dans les négociations collectives, les compagnies de chemins de fer ont commencé à limiter leurs activités, perturbant la logistique et causant des retards dans la chaîne d'approvisionnement qui ont pris des semaines à rattraper. En novembre 2019, les activités d'un chemin de fer de catégorie I ont été touchées par des mesures syndicales durant une semaine complète, et des effets en cascade se sont fait ressentir durant des mois. Compte tenu de sa complexité, ce système nécessite en général six ou sept jours pour se rétablir pour chaque jour de service perturbé.
    Je vous demande, en votre qualité de parlementaires qui siègent au Comité, d'examiner ces enjeux de main‑d'oeuvre du point de vue des consommateurs et de nos concurrents internationaux. Depuis 10 ans, nos consommateurs ont vu bien des grèves et menaces de grève perturber le système de transport du grain et nuire à la capacité du Canada de répondre avec fiabilité aux besoins des consommateurs. Cette situation a terni la réputation du Canada, qui est maintenant vu comme un fournisseur et un partenaire commercial peu fiable.
    Les différends entre les travailleurs et les employeurs sont naturellement un jeu entre les deux parties. Il s'agit d'un jeu d'équilibre précaire influencé par la loi et une jurisprudence en évolution. En tant qu'organisation agricole, nous n'avons pas l'intention de proposer une solution à ces enjeux, mais nous voulons mettre l'accent sur les effets secondaires et tertiaires de ces conflits de travail. Nous voulons produire et cultiver plus de grain et exporter davantage nos produits pour stimuler la croissance économique, et nous avons besoin de travailleurs pour transporter nos produits de la ferme jusqu'aux lieux d'exportation.
    Nous voyons clairement la demande augmenter pour nos produits agricoles, au pays et à l'étranger. Au bout du compte, les cultivateurs ne pourront pas saisir les occasions qui découlent d'une demande grandissante ou des accords commerciaux sans un système ferroviaire et d'emploi fiable, dans lequel les expéditeurs de grain et nos consommateurs mondiaux ont confiance. Le projet de loi C‑58 pourrait bien ajouter aux enjeux complexes et multiples auxquels notre secteur fait déjà face en raison de l'incertitude relative aux travailleurs et à la chaîne d'approvisionnement.
(0830)
    Merci monsieur Carey.
    Monsieur Ghiz, la parole est à vous pour cinq minutes ou moins.
    Merci, monsieur le président, merci, mesdames et messieurs.
    Nous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de comparaître devant vous ce matin au sujet du projet de loi C‑58.
    Lorsque le projet de loi C‑58 a été déposé, nous avons fait part de nos préoccupations. Le projet de loi vise à régler un problème qui n'existe pas et, pour toutes les raisons qu'Employeurs des transports et communications de régie fédérale a présentées devant le Comité la semaine dernière, il ne devrait pas devenir une loi.
    Notre opinion à cet égard est toujours la même. Toutefois, si le Parlement décide de l'adopter, le projet de loi devra d'abord être modifié afin de prendre en compte un enjeu qui devrait préoccuper tous les Canadiens, y compris les membres de ce comité.
    Les Canadiens dépendent des services de télécommunications au quotidien. La sécurité et la fiabilité des réseaux n'auront jamais été aussi importantes. Voici une citation du gouvernement du Canada:
En plus d'appuyer un large éventail d'activités économiques et sociales, [les services de télécommunications] soutiennent d'autres secteurs d'infrastructures essentielles et services gouvernementaux et sont cruciaux pour les services d'urgence et la sécurité publique. Ils sont essentiels pour la sécurité, la prospérité et le bien-être des Canadiens.

[Français]

    Il en va de même pour les services de radiodiffusion et de télévision, qui jouent un rôle essentiel pour assurer la sécurité publique au Canada.
    Ces services sont essentiels pour la population canadienne. En cas de panne causée par des catastrophes naturelles, des actes de vandalisme ou d'autres facteurs, les consommateurs s'attendent à ce que leurs fournisseurs et leurs équipes travaillent sans relâche pour rétablir ces services. C'est exactement ce qui se passe aujourd'hui.

[Traduction]

    L'interdiction de recourir à des travailleurs de remplacement prévue dans le projet de loi C‑58 affaiblirait considérablement la capacité des fournisseurs de services de rétablir les services et de protéger leurs réseaux contre les perturbations pendant une grève ou un lockout.
    Même si certains font valoir que le fait d'obliger les employeurs et l'unité de négociation à établir une entente de maintien des activités avant une grève ou un lockout atténuera les effets négatifs de l'interdiction de recourir à des travailleurs de remplacement, ce point de vue est erroné.
    Bien que l'article 87.4 du Code canadien du travail exige que les parties maintiennent la prestation de services dans la mesure nécessaire pour prévenir des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public, le Conseil canadien des relations industrielles a déjà statué que l'article 87.4 ne s'applique pas à une interruption potentielle des services de télécommunications pendant une grève ou un lockout. De plus, les exemptions limitées à l'interdiction de recourir à des travailleurs de remplacement prévues dans les modifications proposées à l'article 94 du Code ne sont pas suffisantes pour assurer la continuité des services de télécommunications et de radiodiffusion pendant une grève ou un lockout.
    Monsieur le président, je sais que vous connaissez très bien la dévastation qu'a causée l'ouragan Fiona à l'Île‑du‑Prince‑Édouard et dans les provinces environnantes. Imaginez si les travailleurs des télécommunications avaient été en grève lorsque la tempête a frappé notre province. En vertu du projet de loi C‑58 , les fournisseurs de services de télécommunications touchés ne pourraient pas recourir à des travailleurs en grève possédant l'expérience et les compétences nécessaires pour protéger et rétablir les services, ni embaucher des travailleurs de remplacement temporaires ou des entrepreneurs. Cela aurait été inacceptable pour les Canadiens de l'Atlantique et cela devrait être inacceptable pour le Parlement.
    Les experts prédisent que 2024 pourrait être une année au cours de laquelle on enregistrera l'une des saisons des ouragans les plus actives de l'histoire de l'Atlantique. Les scientifiques disent qu'ils se préparent à ce qui pourrait être une autre année de feux de forêt dévastateurs partout au Canada, et les menaces à la cybersécurité, comme nous le savons, sont en hausse. Le fait de compromettre la fiabilité, la résilience et la sécurité de nos systèmes de télécommunications et de radiodiffusion dans le contexte d'une grève ou d'un lockout mine les mesures exhaustives et détaillées prises par le gouvernement dans le cadre de son programme de fiabilité des réseaux de télécommunications. Cela va également à l'encontre des attentes des Canadiens, qui s'attendent à ce que ces services essentiels soient là pour eux lorsqu'ils en ont le plus besoin.
    Bien que nous respections le droit de grève, il doit y avoir un équilibre entre les droits des travailleurs et le bien public. Nous demandons au Comité de recommander au Parlement que le projet de loi C‑58 soit modifié pour faire en sorte que, pendant une grève ou un lockout, les fournisseurs de services, leurs employés et les unités de négociation doivent continuer à fournir les services nécessaires à la réparation et au rétablissement des services de radiodiffusion et de télécommunications et à l'exécution des travaux d'entretien essentiels.
    En fait, nous savons, grâce à un récent sondage Nanos, que 95 % des Canadiens disent qu'il est important que les services de télécommunications demeurent disponibles sans interruption et que 8 Canadiens sur 10 pensent que les entreprises de télécommunications et leurs employés devraient être tenus de continuer à fournir les services nécessaires pour prévenir les perturbations et y remédier, même en cas de grève ou de lockout.
    La modification serait semblable à celle apportée par le Parlement pour veiller à ce que les conflits de travail dans l'industrie du débardage n'interrompent pas le transport des céréales.
    Nous avons fourni au Comité le libellé de l'amendement proposé et quelques autres amendements que nous lui demandons d'examiner.
    Nous serions heureux d'en discuter pendant le reste de la réunion.
    Merci, monsieur le président.
(0835)

[Français]

    Merci, monsieur Ghiz.

[Traduction]

    Ce matin, nous accueillons M. Seeback et M. Sheehan, qui sont de retour au Comité.
    Nous allons commencer par M. Seeback, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Brazeau, vous avez parlé des ressources du Conseil canadien des relations industrielles. Je suppose que les modifications proposées dans le projet de loi augmenteraient la charge de travail. Est‑ce juste?
    Je vous remercie de la question.
    Oui, nous estimons que la charge de travail va augmenter.
    Avez-vous une estimation de l'augmentation de la charge de travail? Est‑ce que ce serait un peu comme lorsque le nombre de cas est passé de 500 à 1 000? Passerait‑il maintenant de 1 000 à 1 500? Avez-vous une estimation à ce sujet?
    Il est très difficile de donner une estimation de la charge de travail réelle qui découlera du projet de loi C‑58.
    Je pourrais peut-être vous indiquer ce que révèle le tableau à cet égard. Dans le tableau 3, qui porte sur le nombre de questions liées au maintien des activités qui sont actuellement traitées par le Conseil, vous verrez qu'au cours des dernières années, nous avons eu entre 25 et 30 cas liés au maintien des activités. Le tableau 2 montre que nous traitons en moyenne ces demandes en 150 jours, en 130 jours.
    Vous pouvez voir qu'en 2023 et en 2024, 14 de ces demandes ont été retirées. Ce qui se passe, c'est que, en raison de la disposition actuelle du Code concernant le maintien des activités et les délais qui s'appliquent, un dossier est déposé. Ensuite, on nous demande de le mettre en suspens, parce que les parties veulent se concentrer sur la négociation collective. Nous ne nous occupons pas de ces questions. Les parties parviennent à un accord, puis elles retirent leur demande touchant le maintien des activités. Donc, même si nous recevons 26 demandes, nous n'en traitons pas la moitié. Maintenant, selon ma lecture du projet de loi, il y aura beaucoup plus de pression pour que nous traitions ces demandes.
    C'est parce que vous allez traiter des plaintes potentielles selon lesquelles l'employeur enfreint la loi et fait appel à des travailleurs de remplacement.
    C'est l'autre élément. En ce qui concerne les travailleurs de remplacement, nous n'avons pas nécessairement une estimation de ce que cela représentera.
    Tout à fait.
    Nous savons qu'il y a entre 25 et 30 différends en cours à tout moment. Que ces unités fassent la grève ou non et que les travailleurs de remplacement deviennent un problème ou non, il y aura des demandes.
    Vous dites que votre financement actuel n'est pas suffisant pour faire face au volume de plaintes. Est‑ce exact?
    C'est exact.
    De plus, vous prévoyez que ce projet de loi augmentera votre charge de travail, de sorte que vous disposerez d'encore moins de ressources pour faire face aux problèmes potentiels. Êtes-vous aussi de cet avis?
    Oui, il sera difficile pour nous de respecter les délais prévus dans le projet de loi tel qu'il est proposé.
    J'ai jeté un coup d'œil rapide au budget. Je ne vois pas de ressources supplémentaires pour votre organisation dans le budget qui vient d'être publié. Est‑ce exact?
    Je n'ai pas vu de fonds supplémentaires prévus dans le budget de cette semaine, et je n'en ai pas été informé non plus.
    Il n'y a certainement pas de fonds supplémentaires prévus pour faire face à l'augmentation potentielle du nombre de cas découlant du projet de loi C‑58 . Vous n'avez rien entendu à ce sujet, n'est‑ce pas?
    Des discussions avec le ministère sont en cours pour...
    Rien n'a été annoncé.
    ... déterminer le montant d'argent qui serait requis.
    Cependant, rien n'a été annoncé ni fourni.
    Il y a des discussions en cours sur les montants qui pourraient être transférés au SCDATA.
    Des syndicats nous ont dit que la période de 90 jours est trop longue et qu'elle devrait être de 45 jours. Est‑ce que cela ferait augmenter considérablement les ressources dont vous auriez besoin pour régler les problèmes?
    Encore une fois, cela exercera des pressions sur le Conseil et sur notre capacité à respecter ce délai de 45 jours... Si c'est ce que le Comité et le Parlement adoptent, il sera difficile pour le Conseil de respecter ce délai avec les ressources existantes, et ce n'est pas tout: tout sera axé sur ce travail, et le reste de la charge de travail sera retardé davantage.
    Il semble que si vous avez déjà de la difficulté à joindre les deux bouts, vous n'y arriverez pas si votre charge de travail augmente et que vous n'avez pas de ressources supplémentaires.
(0840)
    Il sera difficile de respecter les délais.
    Merci.
    De plus, nous assisterons à une augmentation des délais de traitement.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Monsieur Ghiz, il est évident que vous n'appuyez pas ce projet de loi.
    Plus tôt cette semaine, nous avons reçu M. Strickland, des Syndicats des métiers de la construction du Canada. Il a parlé d'un employeur, LTS, dont les dirigeants ont refusé de rencontrer le syndicat pour négocier. Les travailleurs ont passé deux ans sans convention collective. Ensuite, le syndicat a déclenché une grève. Comme l'employeur pouvait faire venir des travailleurs de remplacement, la grève a duré six ans.
    Vous dites que ce projet de loi n'est pas nécessaire, mais comment pouvez-vous justifier que des familles de travailleurs n'aient pas de convention collective depuis huit ans et soient en grève depuis six ans parce que l'employeur a simplement fait venir des travailleurs de remplacement et a dit « tant pis » à ces familles?
    Je ne suis pas au courant de la situation des constructeurs. Ce que je peux dire, c'est que les amendements que nous proposons au projet de loi n'incluraient pas les travailleurs de remplacement; il s'agirait plutôt des travailleurs qui sont déjà à l'emploi de l'entreprise et qui ont l'expertise nécessaire pour pouvoir continuer à maintenir ces services.
    Il vous reste 15 secondes, monsieur Seeback.
    Je pense que je vais m'arrêter ici. Merci.
    Merci. Je vais veiller à ce que tout le monde respecte le temps imparti afin que nous puissions faire les deux tours.
    Merci, monsieur Seeback.
    Nous allons passer à M. Sheehan, pour six minutes ou moins.
    Pour faire suite aux questions posées par M. Seeback à Mme Brazeau, nous avons parlé des ressources, et vous ne cessez de faire référence aux délais. Pouvez-vous nous indiquer quels délais doivent être respectés aux différentes étapes? Je sais que nous avons reçu de la documentation, mais il y a probablement beaucoup de gens qui nous regardent d'un océan à l'autre, alors si vous pouviez passer en revue les étapes qui seraient nécessaires...
    Pour que les choses soient bien claires, faites-vous référence aux délais pour le traitement de ces cas?
    Oui, afin de... Quelle est la situation actuelle et en quoi le projet de loi C‑58 pourrait‑il modifier ces délais?
    D'après mon interprétation du projet de loi et des exigences qu'il nous imposerait, le Conseil devrait, pour réussir à traiter ces dossiers dans un délai de 90 jours, consacrer une grande partie, voire la totalité de ses ressources à ces types de demandes — celles touchant les travailleurs de remplacement et le maintien des activités — étant donné qu'on nous impose de le faire de façon accélérée. Dans le cas du maintien des activités, c'est dans les 90 jours.
    Comme je l'ai mentionné, nous ne pouvons compter que sur cinq vice-présidents à temps plein et trois autres à temps partiel pour assumer toute la charge de travail du Conseil. Il nous est possible de faire appel à des arbitres externes, mais il nous faut avoir accès à des ressources en conséquence, car nous devons payer ces gens‑là.
    Compte tenu de l'enveloppe budgétaire dont nous disposons actuellement, si toutes nos ressources sont consacrées aux dossiers touchant le maintien des activités et les travailleurs de remplacement, nous aurons très peu de moyens pour traiter les autres types de cas. Il y aura donc augmentation du délai de traitement pour ces autres dossiers — les cas de congédiement injuste, les questions de santé et de sécurité, etc. — dont nous sommes saisis. Ils seront relégués au second plan si ce projet de loi impose un délai de 90 jours pour les questions liées au maintien des activités. À l'heure actuelle, il nous faut en moyenne 150 jours pour ce faire. Nous devrons par conséquent affecter plus de ressources à ces dossiers et modifier leur mode de traitement afin de respecter le délai de 90 jours, si tant est que la chose soit possible.
    Des témoins ont fait valoir au Comité que le délai devrait passer de 90 à 45 jours. Pourriez-vous commenter brièvement cette proposition?
    Ce serait certainement un défi, même avec des ressources supplémentaires.
    Lorsqu'il s'agit du maintien des activités, nous devons entendre les points de vue respectifs du syndicat et de l'employeur en plus de prendre en considération les services que l'employeur doit continuer d'offrir. Nous devons être justes envers les parties. Nous devons veiller à ce que les principes de justice naturelle soient respectés. Si on nous demandait de faire cela dans un délai de 45 jours pour des questions de cette importance... Il serait difficile d'y arriver en 45 jours à peine.
    Il a aussi été question du délai d'entrée en vigueur. Il est prévu dans le projet de loi que cela se ferait au bout de 18 mois. Certains ont demandé que cette période soit raccourcie, peut-être prolongée ou qu'elle reste inchangée. Avez-vous des commentaires à faire sur le délai d'entrée en vigueur — et en particulier sur l'éventualité que cette période de 18 mois soit, non pas prolongée, mais écourtée?
(0845)
    Comme je l'ai indiqué dans mes observations préliminaires, il y a deux aspects sur lesquels nous devons nous concentrer pour nous assurer de pouvoir mettre en œuvre cette loi adéquatement. Le premier concerne les ressources et la nomination de vice-présidents supplémentaires. Ni l'une ni l'autre de ces questions n'est du ressort du Conseil. Les vice-présidents supplémentaires doivent être nommés par le gouverneur en conseil. Cela se fait sous la direction du Bureau du Conseil privé, et il y a un processus qui prévoit la ratification par le Cabinet. La nomination de vice-présidents supplémentaires exige donc beaucoup de temps.
    Pour obtenir des ressources et veiller à ce qu'elles soient mises à la disposition du Conseil, il faut obtenir l'approbation du Conseil du Trésor entre autres instances, de sorte que le processus peut également être long.
    En ce qui concerne les règles de fonctionnement du Conseil à l'interne, nous avons déjà commencé à réfléchir à ce que nous pourrions changer dans le traitement de ces dossiers, mais il est difficile de consulter nos intervenants au sujet des nouvelles règles avant que le projet de loi soit en place ou avant que le Parlement l'ait adopté. Nous ne voulons pas présumer que le Parlement adoptera le projet de loi, et nous aimerions donc avoir un peu de temps pour faire le nécessaire afin d'avoir tous les mécanismes en place pour assurer une mise en oeuvre efficace.
    Tant du côté syndical que du côté patronal, j'ai entendu dire que vous êtes très respectés.
    Quels conseils donneriez-vous aux employeurs et aux syndicats pour se préparer à l'entrée en vigueur du projet de loi C‑58?
    Dans le cas d'un différend dont le Conseil serait saisi, je demanderais aux deux parties de nous dire comment nous pouvons les aider à parvenir à une entente à la table de négociation.
    Je pense — et je vous remercie de votre commentaire à ce sujet — que la réputation du Conseil est due à sa crédibilité, à son expertise et à sa capacité d'intervenir aussi rapidement que la situation l'exige. Si nous ne pouvons plus le faire à l'avenir...
    Les employeurs et les syndicats s'entendent pour dire que les institutions qui appuient la négociation collective sont essentielles au bon fonctionnement du système. Tout projet de loi qui risque de miner notre capacité en ce sens ne manque pas de me préoccuper, et je demanderais à ce que l'on nous offre du soutien en conséquence.
    Merci, madame Brazeau.
    Merci, monsieur Sheehan.

[Français]

    Madame Chabot, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leur présence.
    Madame Brazeau, je vais joindre ma voix à celle des autres pour dire que le Conseil canadien des relations industrielles joue un grand rôle dans l'équilibre de force et dans les relations de travail au Canada. Je vous remercie de votre témoignage.
    Je suis moi-même surprise d'apprendre que vous vous occupez de dossiers qui relèvent de toutes les parties du Code canadien du travail. Au Québec, les dossiers en matière de santé et sécurité du travail sont traités à part, par une commission distincte. Je pense que ce serait heureux que ce soit le cas au fédéral également. J'ai déjà dit que le Code canadien du travail avait besoin d'amour et qu'il avait besoin d'être renforcé. Traiter la santé et la sécurité à part ferait partie des améliorations à apporter, bien que ce ne soit pas proposé dans le cadre du projet de loi C‑58.
    Il s'agit d'un projet de loi qui est souhaité et souhaitable. L'ensemble des organisations syndicales qui ont comparu devant notre comité jusqu'à présent ont réitéré le fait que, pour pouvoir le mettre pleinement en application, il faut des ressources additionnelles au sein du Conseil. C'est un rôle qui revient au gouvernement. J'espère que les bottines vont suivre les babines et que, étant donné qu'on souhaite adopter un projet de loi robuste pour protéger l'équilibre des forces et donner pleine signification au droit de grève, le gouvernement saura mettre les ressources nécessaires pour s'en assurer.
    Je reviendrai sur les délais, parce que c'est une question importante, mais j'aimerais d'abord préciser que beaucoup de témoins nous ont dit aussi qu'il faudrait avoir un mécanisme d'enquête, semblable à celui prévu dans le Code du travail québécois, permettant de se rendre sur les lieux de travail pour s'assurer qu'on ne fait pas appel à des travailleurs de remplacement. Il faut dire que les syndicats ne peuvent pas aller sur les lieux de travail constater si une infraction est commise ou non.
    Est-ce une avenue souhaitable, à votre avis?
(0850)
    Au Conseil, nous examinons les plaintes et les demandes qui nous sont présentées. Si une demande au sujet des travailleurs de remplacement nous est présentée, nous avons des pouvoirs d'enquête assez larges. Nous avons des agents dans les régions à qui nous pouvons déléguer le pouvoir d'aller chercher sur le terrain, sur les lieux de travail, des éléments d'information ou de preuve, qui pourront ensuite être présentés au Conseil et sur lesquels les parties pourront s'appuyer pour faire valoir leurs points de vue.
    Alors, nos pouvoirs comprennent déjà un élément d'enquête. Nous réfléchissons cependant à la manière dont nous pourrions, advenant l'adoption du projet de loi C‑58, utiliser ces pouvoirs de façon plus large ou différente, comparativement à ce que nous faisons présentement.
    Je précise que nous faisons ce genre d'enquête en réponse à une plainte. Il faut donc qu'il y ait une plainte, au départ.
    Par contre, si vous faites allusion à un pouvoir d'enquête du ministère, je dois dire que nous avons déjà, en matière de santé, sécurité et normes du travail, un modèle selon lequel le ministère fait une enquête et, par la suite, les dossiers où l'on interjette appel sont acheminés au Conseil.
    Selon moi, c'est une étape qui s'ajouterait au processus.
    Par expérience, l'ensemble du mouvement syndical et moi savons qu'il existe une différence entre l'adoption d'un projet de loi et son entrée en vigueur. Une entrée en vigueur 18 mois après l'obtention de la sanction royale, c'est très périlleux, surtout dans le contexte politique actuel, où le gouvernement est minoritaire.
    Alors que nous luttons depuis des années pour que de telles dispositions législatives voient le jour, le ministre continue de nous répondre qu'il a opté pour le délai de 18 mois en raison des indications fournies par le Conseil canadien des relations industrielles. Est-ce exact?
    Comme je l'ai expliqué, nous avons demandé un délai pour pouvoir mettre certaines règles en place...
    Je parle du délai prévoyant que le projet de loi entre en vigueur 18 mois après l'obtention de la sanction royale.
    Oui.
    Nous avons demandé une période qui nous permettrait de nous organiser et de mettre les règlements en place. Ce délai pourrait-il être plus court? C'est possible, mais encore faut-il que nous ayons les ressources nécessaires pour mettre ça en œuvre sans bousiller notre processus ou faire augmenter nos délais de traitement pour les autres types de dossiers.
    Selon les délais de traitement actuels, ça prend souvent plus de 90 jours pour qu'une décision soit rendue. C'est déjà très long. Comme vous le savez, c'est comme une période de refroidissement. C'est ce qui donne droit à des recours.
    Plusieurs réclament que ce délai soit plus court et que, en outre, une ordonnance provisoire soit rendue si le Conseil n'est pas capable de rendre une décision à temps.
    Êtes-vous en mesure de confirmer qu'il serait préférable que le délai soit plus court?
    Parlez-vous du délai de 90 jours?
    Oui, je parle du délai dans lequel on doit rendre une décision.
    Comme je l'ai indiqué, ce sera un défi de respecter ce délai de 90 jours. Il nous faudra les ressources nécessaires pour mettre le projet de loi en application et traiter ces dossiers lorsque nous les recevrons. Je parle autant de décideurs que d'agents sur le terrain qui travaillent avec nous. C'est une équipe exceptionnelle. Présentement, nous avons 18 agents sur le terrain, ainsi que cinq vice-présidents à temps plein et trois à temps partiel. Cependant, si on parle de 1 000 dossiers par année, c'est difficile. Ça fait 170 dossiers par année pour chaque décideur.
    Si je comprends bien, dans l'état actuel des choses...
    Madame Chabot, votre temps de parole est écoulé.
    Merci, monsieur le président.
    J'y reviendrai plus tard.
    Merci, madame Chabot.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui pour l'étude de ce projet de loi important et historique.
    En introduction, je voudrais faire un commentaire. Monsieur Ghiz, dans votre présentation, qui était assez osée, sinon provocatrice, vous avez dit que le projet de loi C‑58 apportait une solution à un problème qui n'existait pas. Je m'inscris en faux contre ce propos.
    Les débardeurs du port de Québec, qui sont en lockout depuis 18 mois, voient tous les jours des gens prendre leur travail et leur salaire. Ce genre de situation n'arrive pas seulement dans le secteur portuaire. On le voit aussi dans le secteur des télécommunications. Vous avez derrière vous, monsieur Ghiz, quatre employés de Vidéotron qui sont en lockout depuis presque six mois, à Gatineau, et qui se font remplacer par des travailleurs de remplacement. C'est donc un vrai problème. D'ailleurs, je vous invite très aimablement à aller les voir, après la réunion, pour échanger avec eux sur leur situation et sur la façon dont ils vivent leur conflit de travail, alors qu'ils sont dans la rue depuis presque six mois.
    Madame Brazeau, vous avez dit qu'il n'était pas possible de présumer de la décision du Parlement. J'en conviens, mais, puisque tous les partis à la Chambre ont donné leur appui pour adopter le projet de loi C‑58 à l'étape de la deuxième lecture, il est probable qu'il sera adopté jusqu'au bout, à moins que le vent tourne et qu'il y ait de grands changements.
    Est-ce que le Conseil canadien des relations industrielles se prépare actuellement à l'adoption éventuelle du projet de loi?
(0855)
    En effet, nous avons entamé des consultations auprès du Tribunal administratif du travail du Québec, entre autres, pour nous inspirer de son approche et de ses pratiques à l'égard des dispositions anti-briseurs de grève qui existent au Québec. Nous avons passé du temps avec ses représentants pour comprendre le processus du Tribunal et ils nous ont fourni des documents d'information.
    Nous analysons tout ça, ainsi que les pouvoirs qui nous seront conférés par le projet de loi. Nous réfléchissons à la procédure que nous voudrons mettre en place si celui-ci est adopté. Alors, oui, les travaux et les réflexions ont commencé.
    Beaucoup de témoins nous ont parlé de la question des délais, qu'il s'agisse du délai de 18 mois pour la mise en œuvre du projet de loi ou du délai de 90 jours dans lequel une décision doit être rendue. Plusieurs organisations représentant les travailleurs et les travailleuses nous ont dit que, dans les deux cas, ces délais étaient un peu longs, voire trop longs, et qu'elles souhaitaient que le processus soit un peu plus expéditif.
    Au sujet du délai de 18 mois, vous venez de laisser entendre qu'il serait sûrement possible de le raccourcir. Pour ce faire, de quelles ressources auriez-vous besoin? Il faut dire que, depuis 2019, votre budget n'a pas beaucoup augmenté. De quoi auriez-vous besoin pour être en mesure de réduire le délai à 8, 10 ou 12 mois, par exemple?
    Afin de mettre en place les règlements et les procédures, il nous faudrait une période raisonnable pour consulter les intervenants qui utilisent nos services ainsi que pour former et informer les gens au sein du Conseil. Ce serait peut-être possible pour nous de le faire en six mois. Cela dit, c'est surtout la question des ressources qui nous préoccupe. Nous devons avoir l'assurance que des décideurs supplémentaires seront nommés et qu'ils seront prêts à se charger de ces dossiers lorsqu'ils nous parviendront.
    On nous a aussi proposé que la période soit de zéro mois. Est-ce réaliste?
    Je ne pense pas que ce soit réaliste, non.
    D'accord.
    J'aimerais maintenant me pencher sur le délai de 90 jours dans lequel une décision devra être rendue.
    Le Syndicat canadien de la fonction publique, ou SCFP, a demandé que ce délai soit réduit à 45 jours. Encore là, je comprends qu'il s'agit d'une question de ressources, notamment de ressources humaines. De plus, le SCFP demande que, si aucune décision n'est rendue après le délai prescrit, une ordonnance provisoire soit rendue à la demande de l'agent négociateur, c'est-à-dire du syndicat.
    La possibilité de rendre une ordonnance provisoire si le Conseil ne respecte pas le délai prescrit par la loi, que celui-ci soit de 45 ou de 90 jours, est-elle envisageable pour vous?
    Ce serait envisageable, puisque le Conseil a déjà le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires.
    Maintenant, il s'agirait de déterminer sur quelle base le Conseil rendrait cette décision provisoire. Si une telle chose était envisagée, je suggérerais d'inclure dans la loi — ça pourrait aussi se faire par voie de règlement; je réfléchis à voix haute — une exigence selon laquelle les parties devraient nous soumettre ce qu'elles considèrent comme étant les services à maintenir. Nous aurions alors la liste de l'employeur et celle du syndicat, et nous pourrions évaluer s'il est possible de rendre une ordonnance provisoire, dans un cas donné.
    Ce serait donc possible, mais, comme je viens de le dire, je ne fais que réfléchir à voix haute.
(0900)
    C'est parfait.
    Monsieur le président, combien de temps de parole me reste-t-il?
    Il vous reste 45 secondes.
    D'accord.
    Madame Brazeau, vous avez dit que, pendant huit mois, il vous avait été impossible de recourir à un arbitre externe. Il s'agit d'une information qui me trouble un peu. Encore une fois, c'est simplement une question de ressources. De tels délais doivent certainement causer des difficultés sur le plan des relations de travail.
    Comme je l'ai expliqué, en 2019, la présidente a obtenu le pouvoir de nommer des arbitres externes pour répondre à la charge de travail supplémentaire que nous connaissions, maintenant que nous étions également responsables des dossiers relatifs aux parties II et III du Code canadien du travail. C'est une charge de travail importante. Des fonds de 3,4 millions de dollars avaient été approuvés pour que nous puissions faire ce travail, mais, comme le démontre le diagramme, ces fonds n'étaient pas disponibles. Pendant huit mois, nous avons donc été incapables d'envoyer ces dossiers à des arbitres externes, ce qui a entraîné des délais supplémentaires.
    Merci.
    Merci, monsieur Boulerice et madame Brazeau.

[Traduction]

    Nous allons passer à Mme Gray pour une période de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je vais d'abord m'adresser à Mme Brazeau du Conseil canadien des relations industrielles.
    J'ai eu le privilège de siéger au sein de la Commission des transports de voyageurs en Colombie-Britannique, un tribunal indépendant. Ayant vécu cette expérience, je sais que l'on peut recevoir toutes sortes de demandes dans ce rôle, comme vous l'avez vous-même confirmé.
    Dans certains cas, il me fallait très peu de temps pour évaluer la demande et rédiger ma décision, tandis que d'autres pouvaient prendre plusieurs mois du fait de leur plus grande complexité.
    Pouvez-vous nous en dire plus long sur les types de demandes et les délais de traitement? Je sais que vous nous avez déjà parlé des divers types de demandes et du temps nécessaire dans chaque cas, mais vous ne nous avez pas fourni d'indications quant aux différentes quantités.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de votre charge de travail actuelle? De plus, pouvez-vous prévoir en quoi la situation va changer pour les différents types de demandes, et dans quelle mesure cela pourrait influer sur votre capacité de planifier votre travail et de traiter tous ces dossiers?
    Je dois souligner que j'ai seulement inclus dans le graphique 2 les trois types d'applications que je jugeais pertinents pour la discussion, mais qu'il y en a plusieurs autres. Comme on peut le voir dans le document, nous recevons chaque année entre 25 et 30 cas touchant le maintien des activités. Les allégations de congédiement injuste sont à l'origine du plus grand nombre de plaintes en vertu de la partie III du Code. Elles représentent environ le tiers de la charge de travail du Conseil, et elles sont normalement aiguillées vers des arbitres externes. Étant donné les difficultés que nous avons connues l'an dernier, les demandes de ce type sont en train de s'accumuler et leur traitement accuse des retards que j'estime déraisonnables, compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons.
    Pour ce qui est des autres types de demandes, il y a notamment celles présentées par un syndicat pour être accrédité afin de représenter un groupe d'employés. Nous traitons ces demandes de façon accélérée. Elles comptent pour moins de 5 % de notre charge de travail. Notre objectif est de traiter ces demandes dans un délai de 50 jours, et nous le respectons dans environ 80 % des cas. Les demandes qui font intervenir des questions de compétence exigent plus de temps.
    Les plaintes pour pratiques de travail déloyales, qui figurent sur ce graphique, sont une autre composante importante de nos tâches. Je dirais qu'elles représentent de 10 à 15 % de notre travail, et vous pouvez voir le temps nécessaire pour les traiter. Elles vont de la cessation d'emploi d'un organisateur syndical jusqu'à l'ingérence dans les négociations en passant par les allégations de négociation de mauvaise foi.
    J'espère que cela vous donne un bon aperçu de notre charge de travail.
(0905)
    Merci beaucoup. Je pense que cela nous permet de mieux comprendre le déroulement de vos activités.
    Vous avez également mentionné le nombre de vice-présidents que vous avez, et vous avez fait référence à des arbitres externes, alors je me demande si vous pouvez nous décrire votre structure.
    Dans l'hypothèse où vous disposeriez de ressources supplémentaires, combien de temps vous faudrait‑il pour passer à la vitesse supérieure? Dans mon cas, j'ai dû suivre une formation spécialisée à l'Institut de la justice de Vancouver. Y a‑t‑il des personnes, qu'il s'agisse de vice-présidents ou d'arbitres externes...? Et ce sont peut-être d'ailleurs les mêmes personnes — je l'ignore. Quoi qu'il en soit, pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne et combien de temps il faudrait pour intégrer davantage de personnel et de ressources?
    Les vice-présidents sont nommés à temps plein pour un mandat de cinq ans. Il s'agit d'une nomination par le gouverneur en conseil. Ils sont recrutés dans le cadre d'un processus incluant un avis de poste à pouvoir diffusé par le Bureau du Conseil privé. Nous recherchons des antécédents en relations de travail et de l'expérience en matière de litiges ou d'arbitrage au sein d'un tribunal administratif.
    Ils ont habituellement beaucoup d'expérience, mais ils doivent se familiariser avec les types de dossiers que nous traitons pour en venir avec le temps à prendre confiance et à s'acquitter efficacement de leur tâche d'arbitrage. Les cas touchant le maintien des activités et les travailleurs de remplacement sont très particuliers et nécessitent une approche spécialisée.
    Les arbitres externes sont...
    Madame Brazeau, puis‑je vous demander de conclure?
    Je suis désolée.
    Les arbitres externes sont des arbitres privés qui ont leur propre pratique. J'ai une liste d'une quinzaine d'arbitres externes auxquels je fais appel pour prendre en charge certains dossiers au besoin.
    Merci, madame Gray.
    Merci, madame Brazeau.
    Monsieur Coteau, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'aujourd'hui. Je vous suis reconnaissant pour le temps que vous nous consacrez.
    J'ai une brève question pour M. Ghiz. Vous avez mentionné que le projet de loi pourrait compromettre des services essentiels en interdisant le recours à des travailleurs de remplacement. Je crois toutefois comprendre que les services en question sont dans la plupart des cas inclus dans les protocoles d'entente entre les syndicats et les employeurs, et que les syndicats acceptent habituellement de veiller à ce que ces services essentiels soient maintenus. Est‑ce votre impression également?
    Tout d'abord, permettez-moi de dire que l'amendement que nous proposons ne vise pas le recours à des travailleurs de remplacement. Nous cherchons à faire en sorte que nos employés actuels soient en mesure de continuer à offrir ces services. Je vais demander à mon collègue, M. Smith, de vous expliquer un peu comment cela fonctionne sur le plan juridique.
    Évidemment, nous ne connaissons pas la teneur de tous les protocoles d'entente, mais il est révélateur que dans une cause importante de 2003, l'affaire Aliant Telecom, le Conseil ait conclu que l'article 87.4, qui porte sur le maintien des activités, n'était pas d'assez large portée pour que l'on puisse exiger qu'il y ait un accord en vue du maintien des services nécessaires pour rétablir les pannes et tout le reste. La base n'est pas suffisante.
    Dans sa conclusion, le Conseil a indiqué qu'il ne souscrivait pas à la thèse suivant laquelle une grève ou un lockout pourrait entraîner un risque imminent et grave pour la santé ou la sécurité du public en cas de panne des télécommunications. Il a donc été convenu que l'on n'était pas obligé de conclure une entente de maintien des services.
    Après que cette décision a été rendue, il y a eu un autre litige entre Telus et son syndicat. Dans ce cas particulier, on avait conclu une entente de maintien des activités avant la décision concernant Aliant Telecom. Le Conseil a indiqué que le syndicat avait exprimé sa frustration d'avoir conclu cette entente pour assurer le maintien des services, compte tenu de la décision rendue par le Conseil établissant que l'interruption possible des services de télécommunications ne représentait pas un risque imminent et grave pour la sécurité et la santé du public. Le Conseil a également expliqué que le syndicat considérait que la signature de l'accord affaiblissait sa position de négociation et faisait l'objet de critiques de la part de ses membres.
    Je ne pense pas que vous puissiez conclure qu'il y aura toujours des ententes sur le maintien des activités. C'est tout ce que nous demandons. Nous disons simplement que tous devraient convenir qu'il est d'une importance vitale pour le Canada qu'il y ait, si l'on en vient à interdire le recours aux travailleurs de remplacement en cas de panne, un autre mécanisme qui permet aux entreprises de télécommunication et de radiodiffusion de rétablir les services en quelques heures, voire en quelques minutes.
(0910)
    Merci de ces précisions.
    Nous avons également eu droit — la semaine dernière, je crois — au témoignage de Charles Smith, un professeur en Saskatchewan, qui nous a soumis un argument très convaincant suivant lequel, dans notre société moderne, les employeurs ont toujours bénéficié d'un certain avantage par rapport aux travailleurs. Il a parlé de la façon dont les groupes de l'industrie se sont généralement opposés à des projets de loi comme celui‑ci en faisant valoir que cela pourrait prolonger les grèves. Il a souligné que le Québec et la Colombie-Britannique avaient adopté des lois en ce sens, et nous a indiqué qu'il y aurait en fait moins de grèves lorsque des mesures législatives comme le projet de loi C‑58 sont mises en place.
    Monsieur Carey, votre groupe de l'industrie a‑t‑il fait des recherches pour étayer l'affirmation suivant laquelle une mesure législative comme le projet de loi C‑58 pourrait causer plus de perturbations, contrairement à ce que nous disait M. Smith qui estime que l'on réduit en fait les perturbations en créant ce qu'il a appelé une « paix industrielle » et en parvenant à un plus juste équilibre entre employeurs et travailleurs?
    Nous n'avons pas poussé nos recherches aussi loin. Je peux vous dire que le secteur agricole a des dispositions à cet effet. Ainsi, il est interdit aux débardeurs de faire la grève parce que, au fil des ans, on s'en est servi comme moyen de pression, et le ministre MacAulay, alors au portefeuille du Travail, a changé cela en 1998. Encore une fois, je pense que le point de vue du secteur agricole est semblable à celui des entreprises de télécommunications. Plutôt que de faire appel à des travailleurs de remplacement, nous voulons permettre au personnel actuel des chemins de fer, par exemple, de continuer à faire rouler les trains.
    Nous estimons nécessaire d'adopter une approche sectorielle pour la répartition des fonds dans le cadre de mesures d'application générale comme le projet de loi C‑58. Nous n'avons pas de position à proprement parler sur la négociation collective. Nous respectons la capacité des syndicats de s'acquitter de leur mandat. Cependant, la réputation du Canada est mise à mal à l'échelle mondiale en raison du cadre législatif actuel et des difficultés que nous éprouvons quand vient le temps d'expédier nos produits agricoles vers les différents marchés.
    L’agriculture a compté pour un emploi sur neuf, 7 % du PIB et 99 milliards de dollars en exportations l’an dernier seulement. Je suppose que nous craignons que le projet de loi C‑58 crée encore plus d'instabilité, mais je vous rappelle que nos commentaires portent sur le secteur agricole et la capacité des chemins de fer, des sociétés céréalières et des ports d'utiliser le personnel en place, qu'il s'agisse de gestionnaires ou de non-syndiqués, pour assurer la poursuite des activités. Un travailleur de remplacement ne peut pas simplement sauter sur un train et le mettre en marche. C'est carrément impossible. C'est le principal facteur contribuant à l'instabilité. Nous sommes préoccupés par la tendance à l'instabilité de la main-d'œuvre dans nos chaînes d'approvisionnement en céréales.
    Merci.
    Merci, messieurs Coteau et Carey.

[Français]

    Madame Chabot, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je crois qu'il s'agit de la dernière séance de notre étude du projet de loi C‑58 au cours de laquelle nous recevons des témoins.
    Si on veut que ce projet de loi soit historique et qu'il réponde à son objectif, c'est-à-dire interdire les travailleurs de remplacement, il faut s'assurer que ce projet de loi entrera bel et bien en vigueur. Ça n'a aucun bon sens qu'il entre en vigueur seulement 18 mois après la sanction royale. C'est sans compter le délai qu'il faut déjà compter avant l'obtention de la sanction royale. Dire aux travailleuses et aux travailleurs, comme les employés syndiqués de Vidéotron ou du port de Québec, que le projet de loi a été adopté, mais qu'il entrera en vigueur dans 18 mois, c'est une vraie farce. Si le gouvernement est sérieux, il doit accorder toutes les ressources nécessaires à son entrée en vigueur.
    Ce qui est en cause ici, c'est le droit de grève, un droit fondamental et protégé par les chartes. Néanmoins, il y aurait un long délai avant l'entrée en vigueur de toutes les bonifications qui permettraient un réel dénouement du conflit. Pour toute explication, le ministre nous a dit clairement que c'était le Conseil canadien des relations industrielles qui avait recommandé ce délai. Cela nous apparaît totalement inacceptable.
    Par ailleurs, s'il y a grève, c'est sûr que ça crée des perturbations, mais on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. L'important est de respecter les forces en présence. Or, quand on a recours à des travailleurs de remplacement, comme on le voit à Vidéotron, on ne respecte pas les enjeux. Lors d'un lockout, l'employeur est capable de s'organiser, de faire appel à des sous-traitants ou de délocaliser des centres d'appels. Telle est la situation. De plus, on perd de bons emplois pour les travailleurs.
    Monsieur Ghiz, nous sommes très conscients de l'importance que revêt le secteur des télécommunications, tout comme d'autres services essentiels. Toutefois, est-ce que ça légitime le fait qu'on dise à des travailleurs qui veulent exercer leur droit de grève que ça n'a pas d'importance puisque, de toute façon, on va pouvoir les remplacer?
(0915)

[Traduction]

    Merci.
    L'amendement que nous proposons ne vise pas le recours à des travailleurs de remplacement. Comme l'a dit M. Carey, on ne peut pas simplement demander à quelqu'un de conduire un train. On ne peut pas prendre quelqu'un au hasard dans la rue et lui demander de réparer des infrastructures de télécommunications. Il s'agit de s'assurer que les employés de l'industrie des télécommunications possèdent les compétences nécessaires en cas de catastrophe naturelle ou de panne de ces réseaux dont les gens ont besoin pour les soins de santé, l'éducation, le travail ou le service 911. Si les gens ont besoin d'avoir accès à ces services essentiels, nous devons avoir la possibilité de les maintenir.
    Même si nous avons dit que nous étions contre le projet de loi, si celui‑ci va de l'avant, comme tous les partis semblent indiquer que ce sera le cas, nous pensons qu'il est capital d'y apporter certains amendements pour assurer la continuité des systèmes de télécommunications en cas de panne.

[Français]

    Merci, madame Chabot.
    Pour terminer, je cède la parole à M. Boulerice pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    En terminant, je dois avouer que je suis très fier de l'étude que nous menons en ce moment. Je suis très fier que ma formation politique, le NPD, ait inscrit l'adoption d'une loi anti-briseurs de grève parmi les conditions de l'accord avec le gouvernement libéral minoritaire. C'est une chose qui nous tient à cœur depuis des années et pour laquelle nous nous sommes longtemps battus aux côtés des hommes et des femmes du mouvement syndical. En effet, il est essentiel de rétablir l'équilibre de force aux tables de négociation dans le secteur fédéral, car c'est par ce moyen que chacune des parties est capable d'exercer une pression économique sur l'autre. Quand il y a des travailleurs de remplacement, la pression économique n'existe que d'un côté, malheureusement.
    Madame Brazeau, ma dernière question s'adressera à vous.
    Selon le libellé actuel du projet de loi, des sous-traitants qui auraient été engagés par un employeur avant la date à laquelle l'avis de négociation a été donné pourraient continuer leurs activités, pour autant qu'elles soient de même nature, qu'elles soient de même mesure et qu'elles soient accomplies de la même manière. Autrement dit, ils pourraient continuer de faire les mêmes tâches qu'avant, pendant le même nombre d'heures par semaine, mais ils ne pourraient pas venir prendre la place des membres de l'unité d'accréditation qui seraient en conflit de travail, en grève ou en lockout.
    Si aucun amendement n'est apporté à cet article du projet de loi, il faudra être capable, en cas de plainte, de vérifier si ces critères sont bel et bien respectés.
    Si la partie syndicale dépose une plainte parce qu'elle soupçonne qu'un sous-traitant a changé ses activités ou modifié l'ampleur de sa tâche ou de ses heures de travail, comment pouvez-vous réagir? Avec quelle efficacité et dans quel délai pouvez-vous le faire?
    C'est une question pointue.
    Comme je l'indiquais, l'article 16 du Code canadien du travail confère au Conseil des pouvoirs d'enquête assez larges. Parmi les choses auxquelles nous réfléchissons présentement, il y a la possibilité de mettre en place des processus d'enquête où nos agents iraient sur place pour essayer d'établir les faits quant à ces questions, à savoir quel travail les gens font, pendant combien d'heures ils travaillent et s'il s'agit du même travail. Nous devrons trouver un moyen d'aller chercher cette information. Est-ce que ce sera au moyen d'une enquête de nos agents ou au moyen d'une audience traditionnelle où de l'information sur le litige est présentée par le syndicat et par l'employeur?
    Pour être efficaces et plus rapides, comme nous le faisons dans le cas des demandes d'accréditation, nous avons un processus d'enquête menée par nos agents.
    C'est ce à quoi nous réfléchissons présentement, afin de déterminer quelle serait la meilleure approche pour répondre à ce genre de plainte.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Boulerice.
    Merci à tous.

[Traduction]

    Cela met fin à la première heure de la réunion du Comité pour ce matin. Ce seront également les derniers témoins que nous aurons entendus concernant le projet de loi C‑58.
    Nous allons interrompre la séance quelques instants avant de poursuivre à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
    Merci, monsieur Carey, madame Brazeau, monsieur Ghiz et monsieur Smith, d'avoir bien voulu comparaître ce matin au sujet de cet important projet de loi.
    Nous reprendrons la séance dans deux minutes.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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