:
Bonjour à tous. Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 56e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
Nous reconnaissons que nous nous réunissons sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Français]
Notre réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022, et les membres seront présents en personne ou au moyen de l'application Zoom. Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle, plutôt que l'ensemble du Comité.
[Traduction]
Je voudrais énoncer quelques règles à l'intention des personnes qui participent de manière virtuelle.
Vous pouvez parler dans la langue de votre choix. Des services d'interprétation sont offerts en français, en anglais et en inuktitut au cours de la présente réunion. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'inuktitut, l'anglais ou le français. Je vous prie de choisir votre langue maintenant. Si vous perdez l'interprétation, veuillez m'en aviser immédiatement, et nous veillerons à ce qu'elle soit rétablie avant de reprendre nos délibérations.
Les membres qui participent en personne peuvent quant à eux procéder comme ils le feraient quand l'ensemble du Comité est présent en personne dans la salle.
Attendez que je vous nomme avant de parler. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône de microphone pour activer votre micro. Pour les membres présents dans la salle, le micro sera contrôlé par l'agent des délibérations et de vérification, selon la procédure normale.
[Français]
S'il vous plaît, adressez vos interventions à la présidence.
[Traduction]
Quand vous intervenez, parlez lentement et intelligiblement. Quand vous ne parlez pas, votre micro devrait être en sourdine.
En ce qui concerne la liste des interventions, la greffière du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions pour tous les membres, qu'ils participent de manière virtuelle ou en personne à la réunion.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 21 novembre 2022, le Comité reprend son étude sur l'amélioration des taux de diplomation et des résultats fructueux des étudiants autochtones.
Notre premier groupe de témoins d'aujourd'hui est composé de Nikki Osborne, enseignante et mentore pour futurs diplômés, de la Keewaytinook Internet High School; Rebecca Mearns, présidente du Collège de l'Arctique du Nunavut; et Shelagh Rowles, rectrice et vice-présidente à l'enseignement, de l'Université du Yukon, qui témoigne par vidéoconférence.
Veuillez me corriger si j'ai prononcé incorrectement vos noms.
Nous commencerons avec Mme Mearns.
Vous lancerez le bal avec une allocution de cinq minutes.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je voudrais vous remercier de m'avoir invitée ici aujourd'hui pour m'adresser à vous. Je m'appelle Rebecca Mearns. Je suis présidente du Collège de l'Arctique du Nunavut et je travaille à Iqaluit.
À titre de renseignement, le Collège de l'Arctique du Nunavut est un établissement postsecondaire et un organisme public relevant du gouvernement du Nunavut. Sa création au titre de la Loi sur le Collège de l'Arctique du Nunavut remonte au 1er janvier 1995. Le Collège est situé dans l'Inuit Nunangat et sert la plus vaste région postsecondaire du Canada. Il est représenté par un réseau de sites, de soutiens et de personnes disséminés dans le territoire, fournissant un éventail diversifié de programmes, y compris de l'éducation aux adultes, des programmes de certificat et divers diplômes, ainsi que des programmes culturels et des formations dans les métiers spécialisés. Les installations du Collège de l'Arctique du Nunavut incluent 25 centres d'apprentissage communautaires, trois campus régionaux, une école culturelle et une école des métiers.
Parmi nos plus anciens programmes figurent le Programme de formation des enseignants du Nunavut, qui permet d'obtenir un baccalauréat en éducation, et le programme de diplôme en technologie environnementale. Ces deux programmes sont offerts depuis plus de 35 ans.
Depuis que je travaille au Collège, j'ai observé les occasions et les difficultés que présente l'éducation postsecondaire au Nunavut. Je vous parlerai aujourd'hui de l'exemple d'un programme qui a reçu un investissement substantiel afin d'en élargir l'offre: il s'agit du Programme de formation des enseignants du Nunavut.
Le Programme de formation des enseignants du Nunavut, ou PFEN, grâce à un groupe tripartite formé du gouvernement du Nunavut, du gouvernement fédéral par l'entremise de Patrimoine canadien et de Nunavut Tunngavik Inc., a reçu 34,7 millions de dollars pour financer le projet phare. Ce projet n'a pas seulement permis au Collège d'élargir l'offre du Programme; une partie des fonds était destinée à le revitaliser. Avec ce financement, le nombre de communautés offrant le programme de baccalauréat en éducation a presque doublé. Cet investissement a été extrêmement important pour le Collège et le Nunavut, car il a permis de fournir de la formation décentralisée aux Inuits et à d'autres Nunavummiuts, et de leur permettre d'acquérir les compétences nécessaires pour devenir enseignants dans nos écoles primaires.
Des cours de langue et de culture inuites sont maintenant offerts pendant les deux premières années de ce programme de cinq ans. Les étudiants ont ainsi la possibilité de quitter le programme après deux ans, ayant obtenu un diplôme en langue et culture inuites. Les points d'entrée et de sortie sont importants pour les apprenants adultes. Le Collège est fier du travail qu'il a accompli pour offrir ces occasions d'apprentissage par échelons. Le financement phare comprenait du soutien à l'éducation et à d'autres égards pour favoriser la réussite des étudiants. Le collège fait notamment appel à des tuteurs universitaires, à des conseillers culturels et à des aînés inuits et aux technologies de l'information.
Je ne saurais trop vanter l'incidence colossale de cet investissement. Au cours des deux dernières années, le Collège a pu faire passer de 8 à 15 le nombre de communautés du Nunavut où il offre le programme de formation des enseignants, le nombre d'étudiants inscrits passant d'environ 90 à plus de 170. Pour un petit établissement comptant un peu plus de 270 employés, c'est une augmentation substantielle.
Cet élargissement ne s'est pas déroulé sans quelques défis, bien entendu. Le plus difficile a été de trouver des espaces pour offrir le Programme. L'investissement dans le programme de formation des enseignants a permis au Collège d'offrir le baccalauréat dans les centres d'apprentissage communautaires de 15 communautés, comme je l'ai souligné. Or, 11 de ces 25 centres d'apprentissage communautaires sont de petits bâtiments d'une ou deux pièces; 17 d'entre eux ont été construits dans les années 1990 ou avant, un datant de 1965 et cinq, des années 1970.
Quand nous offrons le Programme de formation des enseignants du Nunavut, nous occupons ces salles de classe pendant cinq ans. S'il s'agit de la seule salle de classe de la communauté, nous ne pouvons pas donner d'autres programmes tant que celui‑ci n'est pas terminé. Bien entendu, il existe beaucoup de programmes qui intéressent les membres de notre communauté.
Comme le Programme de formation des enseignants du Nunavut recueille de plus en plus de succès grâce à son expansion, il faut visiblement effectuer d'autres investissements importants en infrastructure avant que nous puissions envisager d'élargir nos autres programmes existants ou futurs. Il faut également investir dans le logement. Même si le Collège de l'Arctique du Nunavut est en mesure d'offrir quelques logements pouvant accueillir des personnes seules ou des familles, nous sommes très limités et la demande dépasse souvent de beaucoup l'offre en logements pour nos étudiants.
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[
La témoin s'exprime en oji-cri.]
[Traduction]
Depuis neuf ans, j'occupe le meilleur emploi du monde, qui est celui d'enseignante, bien entendu. J'ai l'honneur de travailler exclusivement auprès d'étudiants autochtones du Nord de l'Ontario, dont la vaste majorité vient de petites communautés uniquement accessibles par voie aérienne. Depuis trois ans, je suis mentore pour futurs diplômés à la Keewaytinook Internet High School.
Je pourrais vous parler toute la journée des taux de réussite et de diplomation des étudiants, alors dites-moi ce que vous faites plus tard. Sans être experte, j'ai observé ce qui influence les notes et change la donne. Cela se résume en un soutien holistique aux étudiants offert par des personnes bienveillantes et dévouées.
J'espère aujourd'hui pouvoir vous parler longuement de notre programme d'éducation des adultes, qui remporte beaucoup de succès. Ce programme est offert en enseignement coopératif par une professeure qui supervise également notre programme de nutrition. Cette approche permet aux étudiants d'avoir accès à des aliments sains et délicieux au déjeuner, au dîner, pendant les cours du soir et lors des sessions de rattrapage données la fin de semaine. Toutes les heures de cours sont, bien entendu, surveillées par nos excellents professeurs. Rappelez-moi de vous parler d'eux plus tard.
Posez-moi des questions sur notre spécialiste des cours. Elle accomplit des tâches réellement importantes, comme veiller à ce que nos leçons reposent sur une pédagogie qui ferait sourire n'importe quel inspecteur du ministère. Ce qui me plaît le plus, c'est son travail individuel en ligne avec les étudiants. Même un apprenant qui est en isolement ou qui est à l'extérieur de la ville pour recevoir un traitement médical nécessaire non offert dans sa communauté peut bénéficier du soutien d'un professeur. Soit dit en passant, je ne parle pas ici de cas complexes comme la consultation d'un spécialiste, mais de radiographies.
Posez-moi des questions sur nos deux travailleurs en bien-être à temps plein, qui travaillent jour après jour pour aider les étudiants sur le plan de la santé mentale et du bien-être, et qui sont également là en temps de crise. Ils répondent au téléphone littéralement 24 heures par jour, sept jours sur sept, et j'ignore comment notre école pourrait fonctionner sans leur soutien.
Posez-moi des questions sur notre équipe de réussite étudiante composée de notre professeure responsable des ressources en éducation spécialisée, de notre agente de rendement scolaire et de notre professeure responsable de la réussite scolaire.
J'espère que vous aurez le temps aujourd'hui de me poser des questions sur notre formidable professeure de langue autochtone, qui donne six cours de langue en trois dialectes. Elle aide également les professeurs comme moi à améliorer leur prononciation. Elle collabore étroitement avec notre professeur en poste sur les terres afin d'offrir à nos étudiants d'importantes occasions d'apprentissage sur les terres.
Posez-moi des questions sur nos conseillers en orientation, nos administrateurs, nos employés de soutien et nos assistantes en salle de classe, qui sont engagés au sein des communautés. Tout le succès que nous avons observé et que nous continuons de viser à la Keewaytinook Internet High School est entièrement le fruit d'un effort d'équipe.
Si vous me le demandez, je vous expliquerai aussi ce que fait une mentore pour futurs diplômés.
Je peux également vous dire qu'à titre d'investisseurs et d'intervenants, nous savons tous que les interventions précoces seront toujours plus efficaces que les mesures tardives. Je peux vous garantir que l'intervention d'un orthophoniste auprès d'un enfant de la maternelle non verbal sera toujours plus efficace que tous les conseils que je pourrais prodiguer au niveau secondaire. Je vous garantis que l'intervention d'une enseignante désignée en lecture précoce en 2e année sera beaucoup plus efficace pour améliorer les taux de diplomation que n'importe quel plan d'enseignement individualisé élaboré à l'école secondaire.
Nous devons collaborer avec les autorités scolaires locales pour veiller à ce que le soutien en éducation spécialisée dont on a désespérément besoin soit en place. Je n'ai pas besoin de vous expliquer l'effet que la pandémie de COVID‑19 a eu ces dernières années.
Nous devons également donner à mes diplômés potentiels une raison d'obtenir un diplôme. Nous devons travailler avec les bandes et l'industrie locales pour offrir des occasions d'emplois tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves.
Il n'est pas facile d'obtenir son diplôme d'études secondaires, et cela ne devrait pas l'être. Je ne veux pas que cela le soit. Aucun apprentissage sérieux n'est facile. Comme je l'ai dit à un grand nombre de mes étudiants frustrés, s'il était facile d'obtenir un diplôme d'études secondaires, tout le monde en aurait un.
Nous devons prendre des mesures concrètes pour éliminer les obstacles superflus, des obstacles que mes enfants et vos enfants ne rencontreront jamais. Travaillons ensemble pour effacer les inégalités afin que les étudiants puissent se retrousser les manches et décrocher leur diplôme à la sueur de leur front.
Chi-meegwetch.
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Je remercie le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de m'offrir l'occasion de lui parler aujourd'hui de l'amélioration des taux de diplomation et des résultats fructueux des étudiants autochtones.
Je m'appelle Shelagh Rowles, rectrice et vice-présidente à l'enseignement à l'Université du Yukon. J'ai commencé à travailler pour cet établissement quand il s'appelait Collège du Yukon, passant mes six premières années à Old Crow, une communauté accessible uniquement par voie aérienne.
Normalement, je témoignerais depuis mon bureau à Whitehorse, situé dans les territoires traditionnels de la Première Nation de Kwanlin Dun et du Conseil des Ta'an Kwach'an, mais je vous parle aujourd'hui depuis Moab, en Utah, sur les terres traditionnelles et ancestrales des bandes des Utes et des clans du peuple des Anasazis.
Je commencerai en vous en disant plus sur l'Univesité du Yukon. Il s'agit d'un établissement postsecondaire progressiste et de la première et, à l'heure actuelle, de la seule université canadienne située au nord du 60e parallèle. L'Université du Yukon n'est qu'au début de son cheminement en tant qu'université, mais nous offrons de l'éducation postsecondaire dans le Nord depuis 1963. Nos 13 campus se trouvent dans 12 communautés sur les territoires traditionnels de 14 Premières Nations du Yukon. Nous avons pour vision de devenir une communauté d'apprentissage et de recherche florissante qui mène le Nord canadien sur la voie du succès.
Conformément à une des priorités que le premier plan stratégique de l'Université énonce pour les cinq prochaines années, nous entendons prendre notre place pour favoriser la réconciliation. Nous devrons donc renforcer notre collation avec les Premières Nations du Yukon afin de leur permettre d'atteindre leurs objectifs en matière d'éducation.
Roddy Blackjack, aîné et chef de la Première Nation de Little Salmon/Carmacks, a souvent souligné l'importance de laisser les points de vue autochtones et occidentaux cohabiter. Chaque diplômé et chaque employé de l'Université du Yukon doit suivre une formation sur les Premières Nations du Yukon pour être certain de comprendre le contexte particulier dans lequel nous agissons au Yukon.
Il importe également que je vous dise que l'Université du Yukon fonctionne dans un territoire qui, comme bien d'autres endroits au Canada, est touché par plusieurs crises concurrentes: la pandémie, la toxicomanie, le logement abordable et le coût de la vie. Tout cela pour dire que les dernières années ont été extrêmement difficiles pour nos communautés. Les obstacles à l'obtention de l'éducation secondaire et, ultérieurement, à l'éducation postsecondaire ont augmenté considérablement. Les communautés et l'Université du Yukon se sont toutefois adaptées et sont résilientes.
Je voudrais vous donner plusieurs exemples de réussite des dernières années, lesquels découlent des investissements fédéraux effectués dans des domaines clés comme le logement et les infrastructures, la diversification économique, et la protection et l'assainissement de l'environnement. Vous remarquerez un thème commun: nous amenons l'éducation aux gens au lieu d'insister pour qu'ils parcourent des centaines de kilomètres pour accéder aux programmes.
Mon premier exemple est celui du programme de construction d'habitations de l'Université du Yukon, dont les effets s'observent dans les communautés. Au cours des deux dernières années, l'Université a collaboré avec trois gouvernements des Premières Nations pour offrir ce programme à 29 étudiants. Ces derniers ont acquis des connaissances dans les métiers spécialisés et une compréhension de la science du bâtiment moderne. Ils ont pu utiliser les heures de cours pour effectuer un apprentissage s'ils décidaient de rester dans le domaine. En outre, ils ont augmenté la capacité de logements de leurs communautés.
Le programme de certificat en arts des Premières Nations du Yukon offre une occasion extraordinaire aux entrepreneurs et aux artisans émergents. Entre 2019 et 2022, il a été offert dans 13 communautés à 84 étudiants en partenariat avec le gouvernement des Premières Nations du Yukon. Il a été financé dans le cadre du Programme d'éducation de base des adultes du Nord de CanNor. Les cours étaient offerts selon des horaires convenant à chaque communauté et tiraient parti de l'expertise d'artistes locaux. Il a favorisé la création d'entreprises locales et a servi de plateforme aux étudiants pour qu'ils s'entraident pendant les jours difficiles de la pandémie.
L'aménagement du territoire, l'assainissement et la surveillance de l'environnement sont des priorités clés qui découlent des revendications territoriales et des ententes sur l'autonomie gouvernementale du Yukon. Il y a 57 étudiants qui ont terminé ou qui suivent le programme de certificat en surveillance de l'environnement, qui est offert sous forme comprimé plusieurs fois par année aux gens qui sont engagés comme surveillants dans leur communauté ou qui suivent une formation pour devenir surveillants. Tous les diplômés occupent un emploi .
Même si certains de ces chiffres peuvent sembler modestes, le fait de conférer des connaissances et des compétences à une seule personne peut avoir une incidence incroyable sur une communauté de 300 ou 400 habitants. Cela peut permettre de surveiller l'eau et d'effectuer des réparations aux lieux de rassemblement ou aux logements de la communauté sans devoir attendre des semaines que quelqu'un vienne de loin pour le faire.
Le gouvernement fédéral a une occasion extraordinaire d'avoir une incidence plus grande et plus profonde dans les petites communautés du Nord dont nous avons parlé. Il faut adopter des modèles de financement stable à long terme pour que nous puissions collaborer avec les Premières Nations du Yukon afin d'élaborer, de renforcer, de mettre en œuvre et d'évaluer les programmes que nous offrons afin de remporter le plus de succès possible, et de les élargir quand nous réussissons.
Je vous remercie de m'avoir offert l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Mes questions s'adressent à Mme Mearns.
J'ai été très heureux de vous rencontrer à la conférence Aurores Boréales, il y a quelques mois. Récemment, nous sommes allés au Nunavut, plus précisément à Cambridge Bay. Nous avons eu l'occasion de découvrir le Collège et certaines des installations qui se trouvent là‑bas.
Je suis en train de lire un article intéressant, dans lequel on mentionne 10 choses au sujet de Becky Mearns, la présidente du Collège de l’Arctique du Nunavut. C'est très intéressant. J'invite les membres du Comité à le lire plus tard.
Vous êtes née à Iqaluit, et vous êtes donc de la région. Je pensais qu'il serait utile d'entendre votre point de vue non seulement à titre de professionnelle de l'éducation, mais aussi à titre de personne qui est passée par le système là‑bas, afin de voir, entre autres, ce que nous pourrions faire pour accroître les taux d'obtention de diplôme.
À titre d'information pour le Comité, je pense qu'il y a encore une chose que j'aimerais ajouter à votre curriculum vitae. En effet, selon cette liste, l'été dernier, vous avez capturé votre premier phoque lors d'une sortie en bateau. C'est l'une des nombreuses autres choses qui sont mentionnées sur votre curriculum vitae.
Bienvenue au Comité aujourd'hui, madame Mearns.
Vous savez que l'étude en cours porte sur l'accroissement du taux d’obtention de diplôme. À la conférence Aurores Boréales, je vous ai entendu parler précisément de l'enseignement postsecondaire, mais je pense que ces deux choses sont liées, car à titre d'ancien enseignant, je pense que si un étudiant n'a pas de débouchés après l'obtention de son diplôme, il risque de ne pas accorder autant d'importance à l'obtention de ce diplôme.
À titre de résidente du Nord et du Nunavut, quelles sont, selon vous, les principales mesures à prendre pour augmenter les taux d'obtention de diplôme dans nos collectivités nordiques?
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Je reprends du début, madame la présidente.
Alors, avec le même enthousiasme, je remercie les témoins de leur présence. Nous avons certaines connaissances, mais c'est toujours essentiel de discuter avec des gens qui sont sur le terrain.
Mme Rowles, par exemple, a dit qu'il fallait apporter l'éducation dans les communautés plutôt que d'envoyer les étudiants à des centaines de kilomètres de chez eux. Je ne veux pas lui mettre des mots dans la bouche, mais je pense que, derrière cela, elle faisait peut-être allusion à tout ce qui permet de garder les jeunes dans le système scolaire et d'assurer les conditions idéales pour leur réussite. C'est quand même l'objet de notre étude.
Pendant les différents témoignages que nous avons entendus au cours des dernières semaines, on a souvent parlé de la langue, des territoires et des communautés en tant que conditions gagnantes pour amener les étudiants, d'abord, à s'intégrer au système scolaire, puis à persévérer, voire à réussir, pour ensuite intégrer le marché du travail, comme l'a dit mon collègue M. Zimmer. En effet, cette question est liée au travail et à la communauté elle-même.
J'aimerais que vous parliez, chacune d'entre vous à tour de rôle, de ces conditions importantes pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis. De façon générale, il peut y avoir des conditions gagnantes pour l'ensemble de la population, mais étant donné que l'étude actuelle porte sur ce qui peut être fait pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits, j'aimerais vous entendre sur certains succès ou des choses à améliorer pour aider les étudiants à avoir un taux de succès à la hauteur de leurs ambitions.
Madame Rowles, vous pouvez commencer. Ensuite, j'aimerais entendre Mme Mearns et Mme Osborne.
:
Je dirais qu'en ce qui concerne les taux de réussite, nous constatons que, surtout pour les jeunes, lorsqu'ils entrent dans nos programmes, pour être honnête, il est important qu'ils aient des choix. Certains étudiants sont tout à fait prêts à poursuivre leurs études postsecondaires — dans notre cas, à Whitehorse, où ils peuvent obtenir un baccalauréat ou un diplôme d'études postsecondaires. Nous devons également être attentifs aux programmes qui doivent être offerts dans les collectivités. Mme Mearns a parlé du programme de formation des enseignants qui est offert dans un grand nombre de collectivités du Nunavut.
Cette année, nous sommes allés dans chaque collectivité pour tenter d'entendre et de comprendre leurs priorités en matière d'enseignement postsecondaire. Les participants aux discussions nous ont dit que dans certains cas, par exemple pour un diplôme en administration des affaires ou un baccalauréat en travail social, les étudiants semblent préférer suivre les cours à Whitehorse. Ce que nous avons entendu dans certains cas, par exemple dans les écoles, c'est que la formation des enseignants est actuellement…
Ce n'est que pendant la pandémie que nous avons commencé à proposer des cours à distance.
Ce que nous avons entendu, c'est que dans certaines collectivités, la pénurie d'enseignants est tellement criante que des personnes qui n'ont pas encore terminé leur formation d'enseignant sont embauchées pour enseigner. Autrement dit, certains de nos étudiants sont embauchés comme enseignants. Si nous insistons pour que ces étudiants fassent leurs études à Whitehorse, ils doivent emmener leur famille avec eux et retirer leurs enfants de l'école qu'ils fréquentent. Cela représente donc non seulement un défi pour les personnes qui doivent déménager dans une plus grande ville, mais cela compromet également le taux de réussite de leur famille et de leurs enfants.
Ce qui fonctionne extrêmement bien, comme nous l'avons constaté, c'est que lorsque nous savons que nous avons des programmes — encore une fois, comme le programme de formation des enseignants… Nous offrons également notre programme en gouvernance des Premières Nations ou en gouvernance autochtone à distance, de sorte qu'un étudiant, peu importe où il se trouve dans le territoire, peut étudier pour obtenir ce diplôme tout en restant dans sa collectivité d'origine pour y travailler. Nous avons constaté que ce modèle fonctionne bien.
Toutefois, je dois dire qu'il n'y a pas de solution universelle et facile à appliquer.
:
[
La témoin s'exprime en inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Je vous remercie pour votre question.
Les étudiants des petites collectivités n'ont pas accès à l'aide sociale, ou ont plus de difficulté à y avoir accès.
[Traduction]
Nous devons assurer la même accessibilité que sur les campus régionaux, mais nous n'atteignons pas toujours la parité. Notre travail vise entre autres à accroître le soutien offert aux étudiants, notamment pour lutter contre l'insécurité alimentaire à la maison. Bien sûr, de nombreux étudiants doivent compter sur l'aide financière pendant leurs études. Nous savons que le coût de la vie et le coût des aliments continuent d'augmenter. Nous tentons donc d'offrir du soutien à ceux qui vivent dans les petites communautés où le prix des aliments est très élevé.
Nos étudiants viennent de tous les milieux et leur situation familiale varie. Il est aussi difficile d'offrir du soutien adéquat en santé mentale dans les petites collectivités.
Nous réévaluons ces éléments sans cesse. Nous tentons constamment de trouver des façons de rendre le soutien plus accessible. Même si les étudiants ont accès plus facilement aux programmes, si nous n'avons pas en place les mesures de soutien nécessaires, cela aura une incidence sur leurs quatre ou cinq années d'études.
Comme je l'ai dit plus tôt, le collège est un organisme public, du gouvernement du Nunavut. Nous recevons donc environ 40 millions de dollars du gouvernement, qui sont consacrés au fonctionnement et à l'entretien dans l'ensemble du territoire.
Nous misons aussi sur un important financement provenant de tiers, qui nous permet d'offrir des programmes supplémentaires. Nous avons donc mis en place un projet exploratoire grâce au financement du gouvernement fédéral et du gouvernement du Nunavut. Nous avons également reçu des fonds par l'entremise de la Makigiaqta Inuit Training, ce qui nous permet d'offrir nos programmes.
Nos étudiants paient des frais de scolarité fixes. S'ils habitent dans les unités de logement pour étudiants, ils versent un loyer au collège également. Ce sont nos principales sources de revenus. Bon nombre d'étudiants ont recours au Programme d'aide financière aux étudiants du Nunavut, un organisme de financement du ministère de l'Éducation, qui finance la formation postsecondaire. Certains de nos étudiants reçoivent des fonds par l'entremise du soutien à l'apprentissage et à la formation des adultes, offert par l'entremise du ministère des Services aux familles, pour d'autres programmes postsecondaires non désignés.
Le montant du financement est établi par ces organismes, qui versent les montants directement aux étudiants, non seulement pour payer les frais de scolarité, mais aussi pour payer leurs frais de subsistance mensuels et leurs déplacements, s'ils sont requis pour participer à un programme.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de prendre part à cette importante discussion.
Mes questions s'adressent à Mme Osborne, de la Keewaytinook Internet High School.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de vous rendre ici pour participer à la réunion, et vous remercie pour le travail que vous faites dans ma circonscription, et dans le Nord de l'Ontario. Votre travail est très important, et j'ai été heureux de pouvoir participer à certaines de vos cérémonies de remise des diplômes. C'est formidable d'entendre parler de toutes vos réussites.
Vous avez soulevé de nombreux points importants. J'espère que nous aurons la chance d'en parler plus en détail, mais de façon générale, vous avez parlé des obstacles superflus qu'il faut éliminer pour améliorer les taux de diplomation. L'un des avantages de votre école, c'est qu'elle permet aux gens de rester dans leur communauté, ce qui est très important, à mon avis. Nous l'avons fait valoir à maintes reprises. Si nous pouvons éviter aux gens de devoir se déplacer vers Sioux Lookout, Thunder Bay ou un autre grand centre, il leur sera évidemment plus facile d'apprendre. Évidemment, pour que l'enseignement secondaire par Internet soit possible, il faut un accès à Internet. Vous savez que ce service n'est pas toujours fiable dans l'ensemble de la région.
J'aimerais commencer par aborder ce sujet. Selon un récent rapport de la vérificatrice générale, en 2021, un peu moins de 43 % des communautés des Premières Nations du Canada avaient accès à un service Internet haute vitesse de qualité et abordable. En Ontario, le pourcentage chute d'environ 10 points, à 33 %, pour ceux qui n'ont pas accès à Internet.
Tout cela pour vous demander si vous pourriez nous éclairer sur l'incidence d'une telle situation sur les collectivités avec lesquelles vous travaillez, et sur les mesures que pourrait prendre le gouvernement pour les aider.
:
Le processus de décolonisation de l'éducation vise plusieurs échelons. Il vise même la loi, et nous en sommes très fiers.
La loi exige que nous travaillions... En vertu de la loi, nous avons le devoir de travailler avec les Premières Nations du Yukon et de veiller à ce que les étudiants aient de bons résultats. Ainsi, les rétroactions et le taux de réussite de nos étudiants des Premières Nations orienteront le financement et la détermination du gouvernement du Yukon à l'égard de notre réussite à titre d'établissement d'enseignement postsecondaire. Il est question des étudiants des Premières Nations de façon précise.
Nous avons mis sur pied divers programmes à la demande des Premières Nations du Yukon. Nous avons un comité consultatif du président sur les initiatives des Premières Nations, qui compte un représentant de chacune des 14 Premières Nations du territoire, et des communautés voisines. Il compte un représentant du conseil tribal de Gwich'in, dans la région du delta du Mackenzie, de la Première Nation de Lower Post, en Colombie-Britannique et de la communauté d'Atlin, également en Colombie-Britannique.
Nous voulons connaître les priorités et les intérêts des Premières Nations. Nous offrons divers services d'aide aux étudiants à cette fin. Nous avons en place des intervenants-pivots des Premières Nations, qui offrent un soutien holistique aux étudiants de l'université, et nous avons mis sur pied d'autres programmes créés en collaboration avec les Premières Nations.
Je dirais que la surveillance environnementale est un bon exemple à cet égard. Les compagnies minières souhaitaient mettre en place un programme de surveillance environnementale, puisqu'elles ont l'obligation fiduciaire de le faire. Les Premières Nations voulaient toutefois que leurs intérêts soient la priorité et que les diplômés de ces programmes exercent le métier de contrôleur environnemental en tenant compte de leur point de vue. Ce modèle s'est avéré exceptionnel, puisque plusieurs diplômés du programme travaillent maintenant pour les ministères des Terres des gouvernements des Premières Nations et, dans certains cas, sont maintenant directeurs des terres au sein des gouvernements.
Je crois avoir fait référence plus tôt au programme de gouvernance autochtone. C'est un autre programme qui a été créé de façon collaborative. Les Premières Nations ont demandé la création d'un tel programme alors qu'ils mettaient en place leurs nouveaux gouvernements. Ils comprenaient le rôle important des politiques, de la surveillance et de la gouvernance générale pour la durabilité de ces gouvernements. Nous avons donc créé un programme qui présentera de façon honnête les défis...
Pour ce qui est du financement, nous avons suffisamment de fonds pour nos activités actuelles, mais les besoins sont plus importants du côté du soutien aux étudiants et du financement des infrastructures. En ce moment, nos besoins les plus criants sont liés aux bâtiments, aux logements et autres choses du genre, ainsi qu'à Internet et à l'accessibilité.
Nous cherchons toujours des façons d'augmenter les années-personnes au collège, ou le financement des programmes. C'est d'ailleurs pourquoi nous recevons beaucoup de financement de tiers en ce moment. Nous avons cerné les secteurs de programmes pour lesquels nous avons besoin de financement supplémentaire. Ce travail se poursuit. Il existe un besoin permanent d'augmenter le financement destiné au soutien aux étudiants. En outre, nous fournissons du soutien en santé mentale, de l'aide alimentaire, etc. Toutes ces choses sont influencées par le quotidien à la maison. Par exemple, si vous habitez dans un logement surpeuplé, si vous vivez dans l'insécurité alimentaire, si vous avez d'autres problèmes à la maison, cela a des répercussions sur votre vie à l'école. Voilà les aspects pour lesquels nous avons besoin de plus de financement, que ce soit au collège, dans nos écoles ou dans nos communautés en général.
Vous vouliez que j'aborde un deuxième point: notre centre de formation culturelle, qui s'appelle Piqqusilirivvik et est situé à Clyde River. La décolonisation de l'éducation est une question importante, je pense que ce centre de formation est un exemple extraordinaire à cet égard. Je dirais qu'il s'agit d'un endroit formidable à visiter si vous voulez aller ailleurs pour en savoir plus sur l'enseignement pratiqué par les Inuits. Au centre Piqqusilirivvik, tout se passe en inuktut. On y offre des programmes culturels. Les étudiants font des recherches, passent du temps sur le terrain, chassent, construisent des choses. Ils apprennent à coudre, à fabriquer des outils et à utiliser ces outils sur le terrain. Le centre authentiquement inuit est axé sur le savoir inuit, la façon d'être inuite et l'enseignement inuit. C'est un endroit absolument incroyable. Il s'agit d'un lieu extraordinaire pour voir l'épanouissement possible chez les étudiants lorsqu'ils ont l'occasion de vivre dans leur langue et leur culture et d'apprendre des anciens et des gardiens du savoir qui les entourent.
Je tiens à préciser que pour cette partie, il n'y aura pas d'interprétation en inuktitut, mais seulement en cri des plaines, étant donné que nous n'avons pas la technologie nécessaire pour la prise en charge de deux langues tierces en ce moment. Nous sommes choyés d'avoir ce service d'interprétation cet après-midi.
Nous accueillons M. Kevin Lewis, professeur adjoint à l'Université de la Saskatchewan et des Camps culturels kâniyâsihk. Nous accueillons aussi, de l'Université du Cap-Breton, Mme Marie Battiste, conseillère spéciale au vice-président à l'enseignement et prévôt sur la décolonisation de l'éducation. De l'Université du Québec à Montréal, nous avons M. Marco Bacon, directeur du Bureau de l'inclusion et de la réussite étudiante.
Vous aurez cinq minutes chacun pour vos remarques liminaires.
Nous commençons par M. Lewis.
Merci.
:
[
Le témoin s’exprime en cri et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Bonjour à tous. Je veux m'adresser au Créateur. D'abord et avant tout, je dois remercier le Créateur de nous avoir donné cette journée.
Je suis ici aujourd'hui pour parler du taux de diplomation chez les étudiants des Premières Nations, tant les jeunes que ceux qui fréquentent les universités et les collèges. Je tiens vraiment à remercier le Comité permanent de m'avoir invité de nouveau, et je tiens à vous remercier sincèrement de me permettre de m'exprimer dans ma propre langue.
Si nous devons parler de nos propres enfants, la langue devrait être au cœur de l'enseignement. Je viens de la réserve de Ministikwan. Lorsque nous enseignons à nos enfants, nous prenons toujours nos élèves, nos aînés et nos parents qui participent à notre programme scolaire d'immersion crie... C'est entre les mains des aînés. Ils veulent que nous amenions tous nos enfants à la terre pour qu'ils sachent d'où ils viennent, pour qu'ils essaient de conserver la langue, d'en rétablir l'usage dans ma propre réserve de Ministikwan.
En 1976, et au début des années 1980, lors de l'ouverture de notre école, une école toute neuve, nous enseignions jusqu'à la 9e année, puis jusqu'à la 12e année. Au début, on y enseignait l'anglais. La langue crie n'était même pas enseignée. Puis, nos aînés sont venus pour évaluer le programme. Ils étaient outrés de constater que la langue crie n'était pas enseignée.
À une époque où nous enseignions la langue crie aux enfants de notre école, beaucoup de parents qui venaient aider à offrir nos programmes scolaires savaient lire et écrire dans notre langue. Ce programme était mené sous la direction de l'école d'immersion crie d'Onion Lake. Comment se faisait‑il que ces enfants puissent lire, écrire et compter dans leur langue, la langue crie?
Je tiens à parler de l'Université de l'Alberta, l'endroit où nous avons fait nos études en enseignement de la langue crie. Voilà où nous avons tous appris à enseigner le cri. On nous disait qu'il était préférable d'enseigner aux enfants en cri, car cela favorise la réussite des études secondaires. Il faut leur enseigner en cri et en anglais. Nous avons commencé à la prématernelle, puis à la maternelle, jusqu'à la deuxième année. Rendus à la troisième année, nous avons constaté les progrès. Ces enfants apprenaient l'anglais et le cri en même temps. Ils ont connu beaucoup de succès et ont réussi à conserver leur langue.
Il est essentiel que nous maintenions notre langue vivante dans nos écoles, dans notre communauté et à Ministikwan, d'où nous venons. Dans notre réserve, nous avons beaucoup de chance, car nous avons encore beaucoup d'aînés qui nous poussent à conserver notre langue et à l'enseigner en classe. De nos jours, on constate que notre langue se perd dans nos écoles.
Lorsque la pandémie a frappé, il y a eu beaucoup de problèmes sociaux et de violence familiale. La réserve était très, très [inaudible]. Il y avait beaucoup de problèmes sociaux. La pauvreté entraîne la violence familiale, mais les aînés nous exhortent à continuer d'enseigner nos langues. Nous voulons aussi enseigner à nos enfants. Ils réussiront très bien.
Concernant la parenté, nous devons rétablir la langue. Nous parlons ici de relations, de parenté. Voilà la relation très forte que nous entretenons avec la terre.
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Kwe.
Halu.
Greetings. Bonjour.
Je suis honorée d'avoir été invitée aujourd'hui à vous parler sur le territoire non cédé de la nation algonquine.
Je suis ici pour recommander à votre comité le financement continu de l'enseignement autochtone, de l'apprentissage des perspectives autochtones axées sur la réussite, ainsi qu'une harmonisation et un engagement transsystémique à l'égard du savoir autochtone comme fondement de l'apprentissage et de la réussite des Premières Nations.
Je suis une éducatrice micmaque de la Première Nation de Potlotek, auteure et professeure émérite à l'Université de Saskatchewan, comme mon collègue, M. Lewis, où j'ai enseigné en pédagogie pendant 28 ans. J'ai notamment donné des cours et supervisé des diplômés en éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits, en éducation antiraciste et en décolonisation de l'éducation.
Je travaille actuellement à temps partiel comme conseillère spéciale à l'Université du Cap-Breton sur la décolonisation de l'éducation, dans ma région natale d'Unama'ki.
Pendant une partie de ma carrière à l'Université de la Saskatchewan, à partir de 2005, j'ai été codirectrice de l'un des cinq projets financés à l'échelle nationale par le Conseil canadien sur l'apprentissage — alors appelé le Centre du savoir sur l'apprentissage chez les Autochtones — qui offrait des cours d'apprentissage aux communautés des Premières Nations, Métis et Inuits.
Un des projets avait pour but d'examiner les taux de diplomation à l'échelle du pays et de trouver des moyens de les améliorer. À partir d'analyses documentaires, nous avons examiné les taux de diplomation des étudiants autochtones comparativement à ceux de Canadiens non autochtones. Nous avons constaté que ces données étaient souvent interprétées selon une optique centrée sur les faiblesses des étudiants autochtones ou, autrement dit, sur les lacunes des étudiants autochtones par rapport aux autres, plutôt que sur leurs acquis.
En effet, ces taux illustraient plus clairement l'échec des politiques d'assimilation des pensionnats et de l'école publique, et des dommages intergénérationnels continus sur les familles et les communautés autochtones.
Cette réalisation nous a incités à créer des ateliers communautaires et à établir des collaborations avec les dirigeants et les communautés des Premières Nations, Métis et Inuits pour connaître leur définition du succès et déterminer comment l'apprentissage favorisait ce succès. Ils ont défini le succès dans des processus à niveaux multiples qui ont mené à trois modèles d'apprentissage holistiques pour les Premières Nations, Métis et Inuits. L'apprentissage a été décrit comme étant holistique, continu, fondé sur l'expérience, mû par la communauté, ancré dans la langue et la culture des communautés, lié au territoire, à leur vision spirituelle et relationnelle du monde, ainsi qu'à leurs rôles et responsabilités croissants dans ces lieux, et axés sur leurs relations les uns avec les autres et l'écologie. Cela inclut également l'entrelacement des divers systèmes de savoir autochtone et de l'éducation occidentale conventionnelle.
Ces thèmes ont constitué la base de contrôle par les Premières Nations de leurs systèmes d'éducation, comme vous l'avez entendu, et leurs taux de diplomation se sont améliorés.
Cependant, pour générer de meilleurs résultats, il faut que les fondements du système d'éducation des Premières Nations soient transférés et harmonisés aux réseaux scolaires et postsecondaires provinciaux pour créer ce que j'appelle une meilleure adéquation transsystémique. Sans cela, la capacité des étudiants autochtones de transférer le savoir acquis dans leurs écoles communautaires à l'enseignement public et postsecondaire s'en trouverait limitée.
La décolonisation de l'éducation publique et postsecondaire a pour but de démanteler les structures coloniales, le contenu et les résultats coloniaux, de bâtir de nouvelles structures et d'influencer les traditions des connaissances disciplinaires. Cela demeure une lutte de tous les instants aujourd'hui.
Aujourd'hui, le mandat de réconciliation découlant des appels à l'action de la CVR, les efforts d'autochtonisation et de décolonisation exigent un nouvel apprentissage transsystémique, de nouvelles occasions, des théories et pratiques différentes, dont certaines ne sont pas encore enseignées dans les programmes d'études actuels en enseignement postsecondaire. Un retour aux ressources et aux soutiens pour les savoirs autochtones autrefois offerts par l'ancien Centre du savoir sur l'apprentissage chez les Autochtones pourrait créer la fondation nécessaire à l'établissement d'une architecture pancanadienne pour appuyer les infrastructures nécessaires à l'échelle du pays.
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui est maintenant ratifiée par le Canada, consacre les droits inhérents des Autochtones au Canada, mais seulement comme possibilités d'apprentissage non réalisées en éducation et par l'éducation, tant publique, fédérale que postsecondaire.
Apprendre pour réussir, c'est mettre l'accent sur la construction de l'avenir, la durabilité, les identités collectives et les droits autochtones, une réconciliation à laquelle le Canada et ses institutions doivent continuer à travailler.
Pour les parents autochtones et les aînés autochtones, la transmission du savoir est un geste d'amour, non seulement envers nos enfants, mais aussi envers les sept générations à venir. Pour ce faire, il faut réexaminer les objectifs pédagogiques de l'apprentissage, les exigences en matière d'éducation et les objectifs que l'on souhaite réaliser grâce à la diplomation des étudiants autochtones.
Il faut un suivi et une adéquation continue du contenu du savoir autochtone avec l'apprentissage dans les écoles et avec les systèmes. Il faut honorer les contributions autochtones au progrès cognitif, à l'autodétermination et au bien-être du peuple autochtone. Il faut continuer d'affirmer et d'honorer l'excellence par l'expérimentation, l'exploration et la dissémination du savoir, des langues et des traditions autochtones qui contribuent au caractère unique des institutions et du savoir du Canada, tout en veillant à ce que la diplomation contribue à l'autodétermination et à l'épanouissement des collectivités grâce aux succès obtenus dans divers systèmes de connaissances.
Wela'lin, Nakurmiik, thank you, merci.
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Le témoin s'exprime en nehlueun.]
Bonjour à tous. Je salue chacun d'entre vous.
Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui.
Je suis membre de la nation des Pekuakamiulniuatsh de Mashteuiatsh.
Je vais vous raconter mon histoire. Je pense que ce sera nécessaire pour que vous puissiez comprendre mes propos d'aujourd'hui.
J'ai été un élève, avant la prise en charge de l'éducation par notre communauté. Des congrégations religieuses nous enseignaient. Pour un jeune élève qui commence l'école, il est très important de vivre quelque chose de très marquant, car cela lui donne envie de persévérer dans ses études. Personnellement, ce qui m'est arrivé a été très marquant, mais pas de la bonne manière. J'ai littéralement été marqué: j'avais des marques sur le corps, car les religieuses savaient très bien comment utiliser les outils.
Par la suite, il y a eu la prise en charge de l'éducation par la communauté, mais cette dernière s'est évidemment produite d'un seul coup. Évidemment, une telle prise en charge n'est pas instantanée. Il y a donc eu un long processus avant que l'éducation soit prise en charge par la communauté.
Je dois dire que, pour moi, ces périodes n'ont pas été vraiment joyeuses. Aller à l'école, ce n'était jamais un événement heureux. Cependant, j'ai persisté et j'ai continué mon cheminement. À un certain moment, je me suis retrouvé à l'université. J'ai d’abord fait mon baccalauréat en enseignement des arts, puis j'ai fait une maîtrise en arts, volet transmission, ce qui m'a permis de retourner enseigner dans ma communauté, Mashteuiatsh.
J'ai vraiment été privilégié, car le premier poste que j'ai occupé à Mashteuiatsh, où j'ai enseigné pendant 15 ans, en était un tant d'enseignant au niveau préscolaire, soit au programme de maternelle pour les enfants de 4 ans. Après quelques années, je suis passé au programme de maternelle pour les enfants de 5 ans. Nous avions un projet d'immersion pour les langues autochtones, afin de raviver le feu pour la langue innue dans ma communauté. Par la suite, j'ai pu accéder à mon vrai poste, celui d'enseignant des arts. J'ai enseigné à tous les niveaux du primaire et du secondaire pendant 15 ans.
J'ai aussi enseigné au cégep, pendant une partie de cette période. Par la suite, je me suis retrouvé à Chicoutimi, au Saguenay, plus précisément à l'Université du Québec à Chicoutimi. J'ai été le directeur du Centre des Premières nations Nikanite pendant 10 ans. Les mandats du Centre des Premières nations Nikanite étaient principalement de développer des programmes, de donner accès à la formation universitaire aux membres des communautés, de développer des projets de recherche en collaboration avec les communautés, de développer des offres de service pour les étudiantes et étudiants autochtones et, finalement, de sensibiliser la communauté universitaire aux enjeux des Premières Nations et à leur culture, évidemment.
Pendant ces 10 ans, notre équipe a vécu plusieurs problèmes liés à la formation universitaire, mais j'y reviendrai un peu plus tard.
Après avoir passé 10 années à l'Université du Québec à Chicoutimi, j'ai obtenu le poste de directeur du Bureau de l'inclusion et de la réussite étudiante, à l'Université du Québec à Montréal, l'UQAM. Ce bureau n'est pas nécessairement réservé aux Autochtones, car il s'occupe de plusieurs populations, soit les personnes étudiantes en situation de handicap, les parents qui sont aux études, les personnes étudiantes LGBTQ2A+, les personnes étudiantes issues de l'international ainsi que l'ensemble des étudiants et des étudiantes de l'UQAM.
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Merci, madame la présidente .
Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence aujourd'hui et de leur contribution à cette importante étude.
Monsieur Lewis, je tiens à saluer votre mère, qui est de nouveau avec nous, je crois, pour interpréter vos propos aujourd'hui. C'est vraiment formidable. Elle était présente il y a quelque temps lors de notre étude sur les langues. C'est une belle occasion, et je tenais à le souligner.
Ces dernières semaines, un certain nombre de témoins ont parlé de l'importance de la langue, de la culture et de l'apprentissage axé sur la terre, dans le contexte de la réussite... Je ne veux pas me concentrer uniquement sur les taux de diplomation. Je parlerai plutôt de l'ensemble des résultats positifs pour les étudiants.
Monsieur Lewis, vous avez dit que les enfants réussissent mieux, ou sont plus susceptibles de réussir, si on leur enseigne à la fois le cri et l'anglais à un jeune âge. Pouvez-vous nous aider à établir le lien entre ce que vous entendez par « mieux réussir » et les résultats qui découlent de la capacité, selon votre expérience, de commencer cet apprentissage en bas âge? En quoi cela favorise‑t‑il de meilleurs résultats?
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Le témoin s'exprime en cri et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
J'aimerais vous parler de moi et de mon parcours vers le milieu de l'éducation. Je ne devrais pas vraiment me vanter de ma personne et de mon éducation, mais je suis allé à l'école dans la réserve. J'ai fait mes études là‑bas en grandissant. J'ai ensuite fréquenté l'école voisine, Ernest Lindner. Je suis également allé à l'Université de la Saskatchewan. Je suis aussi allé dans un pensionnat.
Dans les trois établissements que j'ai fréquentés, je n'ai jamais vu une personne issue des Premières Nations ou une femme y travailler, ou même des personnes qui parlaient le cri ou parlaient de relations familiales, des liens de parenté ou du fait d'élever de bonnes familles. C'était la même chose à l'université. Même si on l'appelait le programme d'éducation des enseignants indiens, je n'ai jamais vu qu'on y enseignait des langues ou des savoirs indiens.
Si l'on veut savoir comment enseigner les langues aux enfants, il faut inclure le cri, le nakota, le déné et même le pied-noir. Si l'on offrait des cours dans toutes ces langues à l'université, il serait possible d'évaluer le taux de réussite. Il n'y aurait plus de taux d'incarcération élevé. Il n'y aura même plus de pauvreté si tous les membres des Premières Nations peuvent travailler ensemble dans le domaine de l'éducation. On serait capable d'éradiquer la pauvreté et même la violence familiale dans les demeures.
Nous aimerions voir — et c'est mon rêve — ces femmes, nos matriarches, enseigner dans ces écoles et dans ces établissements et nous servir de modèles. Il est primordial d'avoir ces modèles dans ces écoles et dans ces établissements.
Du côté politique, il faut inclure les Premières Nations; elles doivent avoir voix au chapitre et participer aux changements. Si nous pouvions avoir des modèles ici à la Chambre des communes et dans les comités permanents, ou même dans les commissions scolaires, ils pourraient s'exprimer au nom des Premières Nations.
Je rêve de voir les langues des Premières Nations enseignées dans les écoles et dans les universités. C'est mon objectif.
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Le témoin s'exprime en cri et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Ce que je voulais dire, c'est que nous manquons d'électriciens, de charpentiers, de comptables, et de décideurs. Nous manquons de tout ce dont j'ai parlé.
S'ils pouvaient aller dans une université ou dans un autre établissement d'enseignement supérieur pour apprendre ces différents métiers, nous serions en mesure de subvenir à nos besoins. Nous pourrions être autosuffisants.
Nous voulons que nos enfants soient éduqués dans ces établissements. Cela nous permettra d'avoir des modèles. Nos enfants pourront grandir en suivant ces modèles dans la réserve. Nous pourrions voir ces modèles dans nos réserves, dans nos écoles.
Nous avons besoin de ces gens.
J'aimerais tout d'abord reconnaître que nous nous réunissons aujourd'hui sur les territoires non cédés des Anishinabe Algonquins. Je viens des territoires non cédés des peuples salish de la côte et, en particulier, des nations Kwantlen, Katzie, Semiahmoo et Musqueam en Colombie-Britannique. Pour moi, il est très important de le reconnaître.
Ce n'est que ma deuxième réunion. On ne m'a affecté à ce comité que la semaine dernière pour ma première réunion. Je suis vraiment heureux d'être ici.
J'aimerais remercier mes collègues conservateurs de m'avoir si chaleureusement accueilli. Je suis heureux d'être ici. J'ai hâte de travailler avec tous mes collègues, y compris ceux du NPD et du Bloc.
Je suis encore en période de rattrapage pour cette étude, qui est particulièrement exhaustive. J'aimerais remercier tous les témoins de leurs réflexions d'aujourd'hui.
Je dois vous dire, madame Battiste, que votre fils est assis en face de moi. Je lui ai dit que s'il était ici aujourd'hui, j'allais vous demander quelques histoires personnelles. Je ne vous mettrai pas sur la sellette. J'aimerais plutôt faire appel à votre expertise sur d'autres sujets. Je suis vraiment heureux que vous soyez parmi nous et de pouvoir travailler avec votre fils à la Chambre des communes.
J'ai eu l'occasion de parcourir notre pays exceptionnel et de vivre sur les territoires traditionnels de nombreuses Premières Nations, au Sud et au Nord de l'Ontario, dans les trois provinces des Prairies et dans diverses régions de la Colombie-Britannique, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. L'une des choses que j'ai constatées en matière d'éducation...
Madame Battiste, je me suis vraiment senti interpellé par ce que vous avez dit sur la décolonisation et le démantèlement des structures coloniales.
Les membres de la nation Kwantlen me disent qu'ils veulent que leurs enfants reçoivent une bonne éducation, mais qu'ils ont besoin d'être sur le territoire lorsque les poissons entament leur course. Les horaires scolaires et les modes de vie traditionnels s'entrechoquent continuellement.
Vous nous avez tous parlé de l'importance de la langue, de son développement et de son maintien. Vous êtes d'avis que c'est un élément d'identité et de réussite.
J'aimerais vous donner l'occasion de nous parler un peu plus du démantèlement des structures coloniales. De quoi parle‑t‑on?
Je suis certain qu'il serait possible d'avoir une certaine flexibilité dans les horaires et les programmes scolaires afin que les familles et les communautés puissent vaquer à leurs occupations sur le territoire sans pour autant sacrifier le temps en classe. Il serait important de rendre la langue accessible dès la maternelle et tout au long du parcours scolaire.
De quoi parle‑t‑on outre tout cela? Comment le démantèlement des structures coloniales nous permettrait‑il d'améliorer l'état des choses?
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Je vous remercie de cette question.
Il y a un décalage entre ce que j'aimerais voir et ce qui est présentement offert. Voilà pourquoi je continue de dire qu'il faut mieux harmoniser le tout.
Nous aspirons à des communautés autonomes et florissantes qui possèdent, désirent et conservent tous les fondements de leurs connaissances grâce à leurs langues et aux processus d'apprentissage que je qualifie d'holistiques, de permanents, d'expérientiels et de communautaires. Il faut travailler sur la langue, la culture, la conception du monde spirituel, etc. À l'heure actuelle, on offre cette éducation dans les communautés.
Vous avez entendu parler des diverses communautés qui ont des initiatives formidables chez elles et dans les écoles, par exemple, mais ce qui se passe, c'est que lorsque ces enfants entrent à l'université ou se mettent à fréquenter une école publique, ces établissements créent une dissonance. Ils ne sont pas décolonisés. Ces établissements n'incluent pas de langues des Premières Nations et ont abandonné le contenu autochtone dans certains domaines. Tout cela est structuré dans une école moderne, entre quatre murs. Cette dissonance crée une dissonance permanente chez les étudiants qui arrivent et essaient de développer de nouvelles compétences dans un autre système linguistique, et qui ont de la difficulté à le faire en anglais et à répondre aux attentes dans ce contexte.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il nous faut trouver un moyen de réunir ces structures et ces modes d'apprentissage. Dans les systèmes scolaires publics et dans les universités, il y a cette notion d'autochtonisation et de réconciliation, et cela doit être relié à ce qui se passe dans les écoles communautaires des Premières Nations. Il faut réfléchir à la façon d'intégrer tous ces éléments.
Je crois qu'il est important de tenir compte de l'apprentissage axé sur le territoire. Cet aspect revient constamment. Il s'intègre bien à l'apprentissage global. Nous avons un programme de maîtrise qui mise sur l'apprentissage axé sur le territoire à l'Université de la Saskatchewan, mais ce type de programme se fait rare. Il y en a seulement à l'Université de la Saskatchewan et au Nunavut. On n'arrive pas à convaincre toutes les universités d'offrir cette intégration d'apprentissage nécessaire. Voilà pourquoi je pense que nous avons besoin d'un autre type de structure qui nous aidera à développer ces pratiques prometteuses et à élaborer de nouvelles théories sur les traditions de connaissances autochtones et à les intégrer dans les systèmes modernes contemporains.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais également remercier les témoins qui sont devant nous aujourd'hui.
On a parlé d'éducation sur le territoire, un peu plus tôt.
J'aimerais nous entraîner ailleurs et poser une question à M. Bacon. Dans son témoignage, il nous a parlé, d'une part, de son expérience personnelle. Il est passé par le système de l'éducation, et il a très bien réussi. D'autre part, il nous a parlé de toute son expérience professionnelle, qui est très riche. Il est parti du niveau primaire pour se rendre jusqu'à l'université, que ce soit au Centre des Premières Nations Nikanite, à l'Université du Québec à Montréal, l'UQAM, ou dans sa propre communauté, à Mashteuiatsh.
S'il le veut bien, j'aimerais l'entendre sur tout ce dont on a besoin pour s'assurer de rendre l'éducation disponible et accessible et qu'elle répond aux besoins des étudiants et des communautés, afin que ceux-ci aient envie de s'investir dans leurs études, qu'ils puissent le faire et qu'ils réussissent. La réussite est une notion qui varie selon l'individu, mais entendons-la au sens d'épanouissement et de développement.
Je vous laisse la parole, monsieur Bacon.
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Je parle beaucoup. Là où je voulais en venir tantôt, à propos du cheminement entre le niveau préscolaire et l'université, c'est qu'il y a quelque chose de fondamental pour la réussite des étudiants et des étudiantes autochtones: il faut connaître leur profil. Connaître le profil de l'étudiant ou de l'étudiante est très important, compte tenu de toutes les difficultés que cette personne a accumulées durant son parcours aux niveaux primaire et secondaire. Nous n'avons pas beaucoup de spécialistes qui peuvent intervenir dans nos communautés. Nous manquons de gens pour soutenir les étudiants et les étudiantes, ainsi que les élèves, dans le cas du primaire et du secondaire. Or cela les suit jusqu'à l'université.
Parfois, la persévérance et la réussite scolaire dépendent beaucoup du soutien à l'apprentissage et du soutien psychosocial. En effet, ces élèves arrivent dans un milieu urbain; ils sont donc déconnectés de leur communauté, un peu perdus, sans repères culturels.
Les centres que les universités ont créés offrent du soutien à ces étudiants en matière d'apprentissage ou sur le plan psychosocial, mais cela comporte une limite. En effet, même si on intervient à l'intérieur de l'université, les étudiants sont souvent confrontés à des problèmes à l'extérieur de l'université. C'est donc hors de notre champ de compétence. Nous ne pouvons pas offrir tous nos services à l'extérieur de l'université. Il est donc important pour nous de créer des partenariats avec le milieu pour que les étudiants et les étudiantes puissent obtenir du soutien à l'extérieur de l'université, en milieu urbain.
La réussite ou la persévérance sont souvent sapées par un incident survenu à la maison. Il peut s'agir de violence conjugale ou de difficulté à se nourrir, par exemple. Les facteurs sont nombreux. Je pourrais en nommer plusieurs. Je pense qu'il faut surtout s'employer à établir des ponts avec le milieu. Nous voyons toutes sortes de situations. Je pourrais vous dire qu'il faut tenir compte du profil des étudiants. Je ne sais pas s'il en va de même dans les provinces autres que le Québec, mais les étudiants et les étudiantes qui arrivent à l'université, au Québec, ont soit un profil régulier, c'est-à-dire qu'ils sont passés par le cégep avant d'arriver à l'université, soit un profil qui leur permet d'être admis sur la base de leur expérience professionnelle, qu'on appelle aussi « base adulte ».
Ce n’est pas la même chose. Ces étudiants ne sont pas passés par le cégep. Ils arrivent directement à l'université après avoir terminé le niveau de 5e secondaire. Leur bagage est souvent très insuffisant pour cheminer à l'université. C'est pourquoi il est important que des spécialistes soutiennent les étudiants et les étudiantes de diverses manières, notamment pour leur apprendre la méthodologie ou la façon d'utiliser l'informatique. Cela touche les apprentissages, mais il y a aussi des situations où ils vivent de l'isolement dans le milieu urbain où ils se trouvent. Il faut que des personnes interviennent auprès d'eux et les accompagnent afin qu'ils persévèrent tout au long de leur cheminement scolaire.
Ce soutien est l'un des éléments très importants, d'autant plus qu'il y a, à l'université, une limite que nous ne pouvons pas dépasser. Il faudrait vraiment réfléchir et essayer de tisser des partenariats avec des organisations qui existent déjà, par exemple les centres d'amitié autochtones. Normalement, on trouve un de ces centres en milieu urbain. Cela pourrait constituer un partenariat. Les étudiants et les étudiantes pourraient être accompagnés par les centres d'amitié autochtones, mais, lorsqu'ils sont à l'université, être accompagnés par les personnes chargées d'aider les Premières Nations.
Il y a donc une réflexion à faire là-dessus. Cela a une grande importance pour la persévérance et la réussite des étudiants et étudiantes autochtones.
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[
La députée s'exprime en inuktitut.]
[Anglais]
Je voulais brièvement vous remercier d'utiliser ma langue. Je m'exprime habituellement en inuktitut avec l'assistance d'un interprète. Vous aurez le plaisir de m'entendre m'exprimer en anglais aujourd'hui grâce à l'excellent travail de M. Lewis.
Je n'ai qu'une seule question à vous poser, et je m'en remets à la présidence pour le chronométrage de vos réponses, parce que j'aimerais que vous puissiez tous y répondre.
Ma question porte sur ce qu'a dit M. Lewis en réponse à une question conservatrice.
En tant qu'Autochtones, nous décelons nos lacunes très rapidement, mais je crois que nous devrions également apprendre à relever les lacunes au niveau fédéral et provincial. Qu'est‑ce qui fait obstacle à la réussite des étudiants autochtones au niveau fédéral et provincial, selon vous? Si vous dites, par exemple, qu'il y n'y pas suffisamment d'Autochtones en comptabilité ou dans d'autres corps de métiers, qu'est‑ce que les gouvernements fédéral et provinciaux pourraient faire de plus pour qu'il y ait davantage d'Autochtones dans des postes bureaucratiques, ce qui permettrait d'avoir des lois et des politiques qui refléteraient davantage les points de vue autochtones?
Qujannamiik.
[Le témoin s'exprime en cri et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
J'aimerais parler de l'épidémie de la COVID‑19 dans notre réserve. Nous n'avons pas pu avoir recours à l'enseignement virtuel bien que chaque foyer ait reçu la technologie à cet effet, parce que nous n'avions pas de réseau cellulaire. Permettez-moi de vous parler des besoins dans le cursus scolaire. Nous manquons cruellement de programmes, mais aussi d'enseignants de langue crie, d'enseignants dénés, d'enseignants nakota-lakota, et de ressources.
Voilà ce dont nous avons cruellement besoin. Nous souhaitons ardemment remédier à la situation et nous avons vraiment besoin de nous mettre au travail pour élaborer notre propre cursus.
C'est notre rêve. Nous avons besoin de traducteurs et d'interprètes dans nos communautés. Comment pouvons-nous parler aux aînés? Nous avons besoin d'eux pour la langue écrite, l'écriture syllabique et l'orthographe latine standard.
J'aurais beaucoup à dire, mais je me contenterai de dire que les besoins sont immenses dans nos communautés.
En Nouvelle-Écosse, nous disposons désormais d'une loi qui reconnaît la langue Mi'kmaq-L'nu. Il s'agit d'une excellente initiative récente. Mais ce que nous n'avons pas... Comme nous avons cette langue, une partie de l'initiative va permettre de soutenir les langues autochtones dans nos propres communautés à Mi'kma'ki et à Unama'ki, entre autres.
Certains ont entre autres traduit certains des résultats scolaires et d'autres éléments en mi'kmaq, mais les lacunes sont liées à l'eurocentricité des programmes d'études. Nous pouvons intégrer la langue mi'kmaq à bien des égards dans un programme eurocentrique, mais cela ne nous aide pas à développer nos connaissances et nos traditions autochtones, ou même à les garder bien vivantes pour la septième génération.
À l'heure actuelle, des couches d'assimilation continuent à soutenir un système de connaissances. On y intègre quelques contenus mi'kmaq, mais cela ne reflète pas vraiment la nature entière et la base des savoirs autochtones que nous tentons de conserver pour nos enfants pour l'avenir.
Je crois que toutes ces mesures provinciales et fédérales ne nous permettent pas de passer au niveau supérieur, comme c'était possible de le faire avec le Aboriginal Learning Knowledge Centre, qui avait permis d'intégrer une autre couche d'apprentissage qui allait au‑delà du simple cursus eurocentrique.
Je crois que tous les gouvernements qui travaillent sur le milieu de l'éducation et sur les méthodes d'apprentissage devraient se baser sur la réconciliation avec les traditions des savoirs autochtones dans tous les systèmes, pas seulement pour nous, mais pour tous les Canadiens. Tous pourraient bénéficier de programmes éthiques dénués d'appropriation.
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J'ai envie de dire que, si les personnes vont à l'école et obtiennent un diplôme, c'est naturellement pour se créer une carrière et travailler. Certaines personnes autochtones poursuivent leurs études. Elles ont un but, un objectif. Elles sont parfois déjà sur le marché du travail et vont chercher un certificat pour améliorer leur situation.
Il pourrait arriver, par exemple, que les facultés de droit diplôment une dizaine d'avocates autochtones. Je dis « avocates autochtones », parce qu'il y a encore beaucoup plus de femmes que d'hommes aux études. Voici le problème qui se produit souvent. Toutes ces avocates ne seront pas embauchées en même temps dans la communauté. Une ou deux vont l'être, mais les autres diplômées n'auront pas de débouchés. Afin que ces personnes ne perdent pas ce qu'elles ont acquis, une des solutions que les gouvernements, qu'ils soient provinciaux ou fédéral, pourraient envisager de créer des programmes d'employabilité pour les avocats, en milieu urbain, dans des organismes, qu'ils soient autochtones ou non, pour qu'ils puissent être embauchés. Les organismes n'ont pas toujours les subventions pour embaucher des personnes, mais, s'il y a des incitatifs et des accès à un programme d'embauche des finissants en attendant qu'ils puissent retourner dans la communauté, ces derniers pourraient au moins travailler dans leur domaine, pour des organismes autochtones ou autres, pour éviter de perdre la main. Ce serait une bonne solution. Les gouvernements pourraient créer des programmes d'accès à l'emploi pour des finissants. Il pourrait y avoir des stages, à la limite, mais c'est une autre histoire.