Bonjour à tous. Bienvenue à la 57e séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
Nous soulignons que la séance se déroule sur le territoire non cédé des Algonquins Anishinabes.
[Français]
Notre réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Les membres participeront donc en personne ou par l'intermédiaire de l'application Zoom.
Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
[Traduction]
Voici quelques règles que doivent suivre ceux qui participent à la séance en mode virtuel. Chacun peut s'exprimer dans la langue officielle de son choix. Des services d'interprétation sont disponibles, pendant cette séance-ci, en français, en anglais et en inuktitut. Au bas de l'écran, il est possible de choisir entre les trois langues. Il faut faire ce choix maintenant.
En cas de panne du service d'interprétation, on voudra bien m'en informer immédiatement. Nous veillerons à le rétablir avant de reprendre les délibérations.
Les députés présents en personne doivent appliquer les mêmes règles que d'habitude, lorsque l'ensemble du Comité se réunit en personne dans une salle.
Avant de prendre la parole, les participants doivent attendre que je les désigne par leur nom. En vidéoconférence, il faut cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer. Le micro de ceux qui sont dans la salle est contrôlé comme d'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification.
[Français]
S'il vous plaît, adressez vos interventions à la présidence.
[Traduction]
Il faut parler lentement et distinctement. Lorsqu'on ne parle pas, le micro doit être en sourdine.
En ce qui concerne la liste des intervenants, la greffière du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre d'intervention unique pour tous les membres, qu'ils participent virtuellement ou en personne.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 21 novembre 2022, le Comité reprend son importante étude sur l'amélioration des taux de diplomation des étudiants autochtones.
Nous accueillons aujourd'hui, dans le premier groupe de témoins, Lois Philipp, ancienne enseignante et administratrice, qui témoigne en personne. Merci de vous joindre à nous.
Nous accueillons également David Rattray, ancien enseignant, qui témoigne par vidéoconférence, et Helen Bobiwash, comptable, qui se joint également à nous par vidéoconférence.
Merci beaucoup de nous accorder du temps. Vous aurez chacun cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire.
Madame Philipp, vous serez la première. Vous avez cinq minutes.
Je suis un peu nerveuse. Je n'ai jamais témoigné devant un comité. Il est agréable de distinguer le visage d'un ami dans la foule.
Je viens de Fort Providence et j'ai travaillé pendant 20 ans dans une école que j'avais moi-même fréquentée de la maternelle à la 8e année. À l'époque, elle s'appelait l'Elizabeth Ward School en l'honneur de la première religieuse des Territoires du Nord-Ouest à diriger un pensionnat. L'Église catholique exerçait alors une influence encore très forte. Pendant une bonne partie de mes études, de la maternelle à la 8e année, j'ai donc fréquenté un externat fédéral.
Je vous raconte une histoire liée à une communauté qui est au cœur de tout ce que je fais, l'histoire de nos efforts pour faire de cet établissement une école communautaire, et je vais vous montrer qu'il nous faut revenir à ce type d'établissement.
En ce moment, notre école a beaucoup de mal à cause de la pandémie et des difficultés qui ont surgi ces dernières années. Malgré tout, nous savons tous intuitivement que l'amélioration des taux de diplomation pour les élèves autochtones, de la maternelle à la 12e année et au niveau postsecondaire, aurait d'énormes avantages sur le plan sociosanitaire dans les communautés autochtones et sur celui des indicateurs globaux du PIB au Canada. Ces avantages se chiffreraient en milliards de dollars.
Il faut faire cette affirmation fondamentale, il faut la faire après 157 ans de colonialisme. Comment aborder les défis sans comprendre les débats nécessaires pour se saisir de toutes les politiques institutionnelles qui régissent nos collectivités?
De temps à autre, je regarde ma photo d'école, en 7e et 8e année, et je pense aux 17 ou 18 élèves qui étaient dans ma classe. Seulement quatre d'entre nous ont obtenu leur diplôme, et les trois autres étaient des non-Autochtones. Puis, 40 ans plus tard. Il y a cinq ans, à Fort Providence, une localité de 800 personnes, nous avions 23 étudiants de niveau postsecondaire répartis dans 11 établissements d'enseignement postsecondaire différents. La pierre angulaire de ce succès a été notre vaste programmation axée sur le territoire, notre programme d'immersion en déné et notre programmation alternative.
L'une des choses qui m'animent au quotidien, ce sont les défis que je vois et les solutions que je recherche. J'ai beaucoup lu sur le succès des programmes mis en œuvre ailleurs qui ont piqué ma curiosité. Dans cet état d'esprit, lorsque je suis entrée dans l'administration, en 2004, j'ai cherché ce que nous pouvions faire pour assurer une meilleure adaptation à la communauté.
À ce moment-là, nos élèves de 3e, 6e et 9e année passaient les examens scolaires de l'Alberta, mais j'avais du mal à accepter des examens caractérisés par l'échec. Pourquoi soumettre les élèves à un examen qui leur donnait du fil à retordre? Ils n'étaient pas incapables, mais ils n'étaient pas prêts. C'est ainsi que nous avons lancé notre programme d'immersion en déné zhatie, qui a été étendu de la maternelle à la 3e année.
Lorsque nous avons lancé le programme d'immersion, j'ai trouvé irritant, entre autres sujets d'exaspération, qu'il y ait beaucoup de fonds disponibles si j'avais voulu lancer un programme en français, mais que j'ai dû mendier, emprunter et voler pour mettre en œuvre un programme en langue autochtone.
C'est à Fort Providence qu'a été créé le premier pensionnat des Territoires du Nord-Ouest. Notre traumatisme remonte à la Confédération de 1867.
Les langues autochtones faisaient partie intégrante de ce que nous faisions, et à partir de là, nous sommes passés à un calendrier scolaire étalé sur toute l'année afin de créer un solide programme scolaire axé sur le territoire. Ainsi, la collectivité a adhéré et le nombre de participants a augmenté.
Au plus fort de notre initiative, et là où nous avons eu le plus de succès, nos élèves de la maternelle à la 3e année commençaient le semestre le vendredi après la longue fin de semaine d'août — il durait jusqu'au vendredi précédant la fin de semaine de l'Action de grâces — dans un camp au bord de la rivière. Le déné zhatie était la langue d'enseignement et, à la fin, les cours portaient sur la numératie et la science, dans un programme d'études axé sur le territoire. Ces élèves passaient deux semaines d'hiver dans notre camp, à environ cinq kilomètres de la collectivité. Ils faisaient chaque jour le trajet en motoneige. Ce qui, là encore, est une façon de rendre hommage à la nature cyclique de la communauté. Nous avons fait la même chose au printemps dans un autre camp, dans la direction opposée.
En 4e année, nous avons commencé à emmener nos élèves faire des voyages de plusieurs jours dans la nature. Ils campaient. Chaque année, ils passaient une semaine sur la rivière avec des aînés pour entendre leurs histoires sur leurs origines. Nous avons dit aux anciens qu'ils devaient raconter les histoires qui permettraient aux élèves de s'enraciner, et qu'ils devaient vivre selon les rythmes du printemps. Si les chasseurs voulaient se lever à quatre ou cinq heures du matin pour aller à la chasse, ils devaient amener les enfants.
Nous avons fait la même chose en août pour notre classe de 5-6e année et en juin pour notre classe de 4-5e année. Nous les avons également envoyés dans un camp d'hiver à environ 20 kilomètres en aval de la collectivité, en camping, par des températures de -20 °C à -30 °C, pour poser des pièges et tendre des filets, pour apprendre les techniques de survie de base. Au printemps, ils ont passé une semaine ou deux au camp de printemps, dans la direction opposée.
Dans le programme de premier cycle du secondaire, nous avons demandé aux jeunes hommes de participer à un camp pour suivre un rite de passage, puis de partir à la chasse à l'orignal. Les jeunes femmes ont ensuite eu leur camp de rite de passage où elles devaient préparer tout orignal récolté. Si la chasse à l'orignal était couronnée de succès, la classe était renvoyée dans la collectivité et la viande était distribuée à ses membres. Pendant l'hiver, ils ont également passé une semaine à Horn River, à poser des pièges et tendre des filets et à passer du temps avec des membres qualifiés de la communauté.
Si je vais trop vite, dites-le-moi.
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Merci de m'avoir invité.
Je suis un aîné, un enseignant, un directeur d'école, un directeur de district, un conseiller et un enseignant culturel tahltan. Je vais aborder quelques sujets dont nous n'aimons guère parler. J'ai travaillé avec plus de 1 000 à 2 000 enfants autochtones. Selon eux, quatre facteurs expliquent leur échec.
Le premier est le malaise qu'ils ressentent au foyer. Le deuxième est le choix de compagnons souffrants. Le troisième est le fait que le système scolaire ne sait pas s'adapter à eux. Le quatrième est qu'ils perdent espoir en eux-mêmes.
De mon point de vue, il y a deux questions cruciales auxquelles il faut s'attaquer au niveau scolaire si nous voulons améliorer l'éducation des élèves autochtones.
La première, c'est que les Autochtones doivent s'affranchir du code du silence, en reconnaissant l'énorme impact que le traumatisme intergénérationnel a sur de nombreux membres de notre communauté. Aujourd'hui, nous nous faisons plus de mal les uns les autres que n'importe qui d'autre ne peut nous en faire. Nous n'aimons pas en parler, et encore moins chercher des solutions.
Le deuxième problème, c'est que le système scolaire ne sait pas comment amener les jeunes Autochtones à être prêts émotionnellement à apprendre. Le système ne comprend pas ce traumatisme intergénérationnel ni ses répercussions.
Une étude a été réalisée à la fin des années 1990 sur les expériences négatives de l'enfance, les ENE. Cette étude a examiné la relation entre 10 de ces expériences et leur incidence sur la santé, plus tard dans la vie. Parmi elles, notons la violence, la négligence, le fait d'être témoin de violence familiale, l'incarcération et la toxicomanie. Si un enfant vit au moins quatre de ces expériences pendant l'enfance, il est 32 fois plus susceptible d'avoir des problèmes d'apprentissage et de comportement à l'école. En tant que conseiller et enseignant, j'ai travaillé avec de nombreux élèves autochtones qui avaient connu au moins sept de ces expériences. Ce traumatisme intergénérationnel façonne la vie de nombreux élèves — pas tous autochtones — et les dirigeants autochtones et les divers niveaux des systèmes éducatifs et politiques doivent s'en occuper. Il y a des suicides, de la toxicomanie, de la consommation d'alcool, de la colère, de la violence. Ce sont autant de symptômes apparents de ce traumatisme intergénérationnel dont nous n'aimons pas parler.
J'ai enseigné à Telegraph Creek, dans ma nation, celle dont ma mère est issue, dans le Nord-Ouest de la Colombie-Britannique. Nous avons créé un environnement d'apprentissage stimulant et fructueux pour tous les élèves, « nous » étant la collectivité, le personnel et les élèves.
J'ai défini en pédagogie autochtone ce que j'appelle les quatre objectifs de l'éducation autochtone.
Le premier objectif porte sur la sécurité et les besoins émotionnels. La plupart des élèves autochtones — mais pas tous, je le répète — vivent dans des foyers traumatisés. Leurs systèmes limbiques sont en état d'alerte et peuvent être facilement déclenchés par des expériences sensorielles. Si on veut que l'élève puisse apprendre, il faut calmer son système limbique. Dans mon enfance, on m'a enseigné en suivant des approches bienveillantes du traumatisme. C'est admirable, et c'est une pierre angulaire.
Le deuxième objectif est la création d'environnements auquel l'élève se sent appartenir: un endroit sûr pour tout le monde, une dimension relationnelle, un climat de paix, le plaisir, la prise en compte de la famille, par exemple. Les systèmes scolaires n'en sont pas là, mais presque là. L'enseignant y exerce encore un contrôle au sens traditionnel du terme. Dans cet environnement, l'attitude est différente. On s'y demande comme aider tel être humain à réussir. L'une des clés, c'est la recherche de la beauté chez lui. Quand on cherche la beauté chez un être humain, il réagit de façon géniale.
Le troisième objectif, comme quelqu'un l'a déjà dit, est la création d'un environnement riche sur le plan culturel, celui de la collectivité à laquelle on appartient, mais il y a un autre élément, l'éducation biculturelle. C'est la capacité d'enseigner à quelqu'un comment naviguer dans deux mondes. Je peux aller chasser l'orignal avec des raquettes que j'ai fabriquées, abattre un orignal, le ramener, le préparer et tanner la peau. Je peux faire tout cela, mais je peux aussi demander une subvention de 300 000 $ et l'obtenir. C'est une capacité biculturelle. Je navigue dans les deux mondes.
Ces trois objectifs étant atteints, le quatrième, celui des résultats scolaires, est réalisé tout naturellement. C'est parce que les élèves se sentent en sécurité et à leur place. Les résultats scolaires sont au rendez-vous. Tout cela est réalisable dans le système actuel.
Merci de m'avoir écouté.
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Meegwetch.
Nakurmiik.
Merci.
Je vous remercie de me donner l'occasion de parler des leçons tirées de la participation des Premières Nations à l'Entente sur l'éducation de la Nation Anishinabek.
Je me joins à vous aujourd'hui grâce à l'aide fédérale que j'ai reçue pour mon éducation. Je suis membre des Premières Nations, et j'ai appris toute ma vie. Je suis une comptable indépendante, je suis membre de CPA Ontario, négociatrice financière pour le système d'éducation Anishinabek et membre de la Première nation de Thessalon.
L'Entente sur l'éducation de la Nation Anishinabek est le premier accord d'autonomie gouvernementale en Ontario. Elle est entrée en vigueur le 1er avril 2018. Elle concerne 23 Premières Nations participantes. Celles-ci sont situées dans une zone allant de la Première Nation Aamjiwnaang, à la pointe sud du lac Huron, et au nord-ouest, jusqu'à Biinjitiwaabik Zaaging Anishinaabek, au nord du lac Supérieur. Les Premières Nations participantes exploitent 13 écoles des Premières Nations. Il y a deux écoles secondaires et 11 écoles primaires. Elles envoient également leurs élèves dans des écoles de 21 conseils scolaires provinciaux.
Les faibles taux de diplomation et les résultats des étudiants autochtones sont une conséquence directe du colonialisme et des lois et politiques fédérales visant à faire disparaître les peuples autochtones au Canada. L'amélioration des résultats scolaires des Premières Nations exige des investissements supplémentaires si nous voulons surmonter les conséquences de lois et de politiques racistes et tenir compte des coûts propres aux Premières Nations.
L'intégration des langues et des cultures autochtones dans les milieux d'apprentissage est essentielle à l'amélioration des résultats des élèves des Premières Nations. Cela comprend des cours quotidiens de langues autochtones, et des programmes d'immersion et d'apprentissage axés sur le territoire. Il faut aussi documenter des langues qui sont presque perdues dans certaines communautés.
L'exclusion numérique est un problème important dans nos collectivités. De plus en plus, Internet à large bande et les technologies accessibles doivent être considérés comme des droits fondamentaux. Les écoles et les élèves des Premières Nations ont besoin d'une technologie abordable et d'un accès à Internet. Or, elles ont un accès limité aux services Internet et, pour de nombreuses familles, le coût de ces services est prohibitif.
Les enseignants et le personnel scolaire sont en première ligne et sont témoins des besoins en santé mentale des élèves des Premières Nations. Le personnel scolaire doit être équipé pour soutenir la santé mentale des élèves en milieu scolaire. Ils ont besoin de ressources et d'outils pour répondre aux besoins des élèves.
Les coûts de l'éducation spécialisée ne cessent d'augmenter. Les Premières Nations qui participent au système d'éducation anishinabek disent que de 45 % à 55 % de leurs élèves ont besoin de mesures d'adaptation en éducation spécialisée. Les Premières Nations voient de plus en plus d'élèves autistes et exposés aux opiacés in utero. L'investissement fédéral dans le financement de l'éducation spécialisée des Premières Nations ne suit pas l'augmentation des coûts, et cela doit changer.
Les organismes sectoriels autonomes dans le domaine de l'éducation nécessitent également des investissements supplémentaires si nous voulons améliorer les résultats scolaires. Un financement suffisant de la gouvernance est nécessaire pour assumer des responsabilités supplémentaires dans le cadre des systèmes d'éducation autonomes, tant pour les Premières nations participantes que pour l'organisme de coordination.
Il est essentiel de fournir un investissement suffisant pour l'intendance des données. Les systèmes éducatifs sectoriels autonomes doivent développer et gérer des données et les utiliser pour prendre des décisions favorisant la réussite des élèves. L'investissement dans une étude longitudinale à long terme est essentiel pour mesurer les résultats à long terme du système d'éducation.
Enfin, les immobilisations dans le secteur de l'éducation sont importantes, en particulier pour les écoles, les résidences pour enseignants, les véhicules de transport, l'infrastructure de soutien, le fonctionnement et l'entretien. Sans la capacité d'investir dans l'éducation, les Premières Nations sont incapables d'exercer pleinement leur compétence en ce domaine.
Meegwetch.
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Merci, madame la présidente.
Mes questions s'adressent à David Rattray. Monsieur Rattray, bienvenue au Comité.
Votre liste de réponses aux questions a été longue. Il était difficile de suivre et de prendre des notes, mais je peux dire — c'est un peu à cause de vos cheveux gris et un peu parce que j'ai travaillé avec vous, il y a de nombreuses années — que vous travaillez dans ce domaine depuis longtemps. Je vous regardais vous occuper d'étudiants qui avaient du mal à se débrouiller. Vous trouviez le moyen de leur apporter ce qu'il leur manquait de sorte qu'ils puissent réussir dans la vie. C'est ce qui fait la joie d'un enseignant, mais j'ai pu voir que vous excelliez dans votre travail.
En parcourant votre liste, j'ai tellement de choses à dire, mais je vais vous poser une question plutôt générale: si vous étiez ministre des Affaires autochtones... Je sais que vous avez travaillé à une échelle plus modeste, monsieur Rattray, car je vous ai vu à l'œuvre. Comment instaureriez-vous ce que vous nous avez décrit? Comment présenteriez-vous cela au ministre et...? Disons que vous êtes le ministre. Au cours des 100 premiers jours, que feriez-vous pour changer l'orientation de l'éducation des communautés autochtones au Canada?
C'est un vaste programme.
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C'est bien de commencer par une question simple comme celle-là.
Des voix: Oh, oh!
M. David Rattray: Le problème, c'est que nous ne parlons pas des traumatismes que nous infligeons à notre peuple, des traumatismes intergénérationnels. Il faut tenir des discussions sur les traumatismes, l'éducation et les besoins communautaires.
Il y a un autre aspect qui est très difficile. Notre culture fait que, lorsque des agressions sont révélées, nous nous attaquons à la victime et protégeons l'agresseur. Nous avons toutes sortes de structures très puissantes dans nos communautés qui nous permettent d'occulter le traumatisme. Nous devons être ouverts, honnêtes et transparents au sujet des traumatismes intergénérationnels. Si nous voulons aider les enfants autochtones, nous devons discuter du traumatisme intergénérationnel. Devons-nous le faire de façon brusque ou brutale? Non. Nous pouvons dire par exemple: « Nos enfants souffrent. Comment pouvons-nous les aider? Comment le système scolaire ou le système politique peuvent-ils en arriver à aborder ce très grave problème? » Pour l'instant, il y a un tabou. Nous n'en parlons pas.
Aux informations, il est question des problèmes de drogue et d'alcool et des suicides. Le problème ne se situe pas là; il est plus profond. C'est le traumatisme que nous infligeons aux personnes. Il faut pouvoir ouvrir le dialogue en douceur. Je ne suis pas du tout d'accord pour que nous disions: « Nous devons parler de violence sexuelle et conjugale et de violence dans la communauté. » Ce n'est pas la façon de faire. Nous devons discuter avec les dirigeants de la collectivité. Il y a deux types de chefs de file dans nos communautés. Il y a les dirigeants politiques et les dirigeants non officiels. Comment pouvons-nous les amener à en parler? « Notre communauté souffre. Comment pouvons-nous l'aider? »
Alors, pour l'amour de Dieu, aidez-nous.
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Merci, monsieur Rattray.
Au fil des ans, j'ai vu comment vous vous y êtes pris — nous avons parlé ensemble —, tout comme d'autres autour de vous. Je me souviens de Bev et des nombreux enfants que nous avons... Nous pourrions probablement nommer à peu près les mêmes élèves à qui nous avons tous deux enseignés, dont je me souviens encore et qui étaient très prometteurs. D'une certaine façon, ils ont déraillé en cours de route, mais j'ai aussi vu des élèves qui avaient du mal à l'école secondaire venir me dire: « Monsieur Zimmer, devinez quoi? Je suis maintenant soudeur. Vous m'avez appris à souder, et je profite bien de la vie. » Ils ont des enfants et des familles et réussissent cette partie de leur vie.
Nous n'avons peut-être pas assez de temps pour que vous puissiez développer votre réponse et expliquer ce que, selon vous, nous devons faire, mais j'espère que votre honnêteté et votre franchise permettront d'amorcer correctement la discussion.
Monsieur Rattray, j'oserais vous demander comment cela se concrétiserait au niveau secondaire. Prenons une école secondaire où nous avons enseigné tous les deux. En quoi serait-elle différente? Y aurait-il des mesures de soutien supplémentaires pour les étudiants?
Je sais qu'on ne peut se limiter à l'école. Il y a aussi les familles et tout ce qui se passe en dehors des quatre murs d'une école. Par où commencer?
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Il faut commencer par voir comment on suscite un sentiment d'appartenance dans les écoles et comment on crée un système limbique qui permet aux enfants qui vont à l'école de se sentir en sécurité. À Telegraph Creek, c'est ce que nous avons fait. Nous avons trouvé des façons d'amener les enfants à se sentir en sécurité et à leur place. Nous avons fait toutes sortes de choses pour montrer à ces enfants que nous nous souciions d'eux et pour donner à la communauté le pouvoir et la responsabilité d'apporter son aide. L'aide de la communauté est essentielle.
Il s'agit de changer les mentalités. Chercher la beauté chez les enfants permet de les voir d'une façon tout à fait différente. Je peux vous raconter des centaines d'histoires qui illustrent cette recherche de la beauté dans les êtres. En voici une très brève.
Un jeune de 15 ans est venu me voir. Il m'a regardé en me disant: « Je déteste ces fichus conseillers. » J'ai répondu: « Tu vas te faire expulser parce que tu t'es battu. » Il a rétorqué: « Et alors? » Je lui ai demandé: « Raconte-moi quelques bagarres. » Il m'a demandé pourquoi. J'ai répondu que je voulais simplement savoir à quel point il était bon. Il a commencé à décrire quelques bagarres. Et je me demandais tout le temps où se trouvait sa beauté propre...
Il a raconté cinq ou six bagarres et voilà que j'ai trouvé. Soudain, c'était clair comme de l'eau de roche.
« Arrête, lui ai-je dit. Chaque fois la bagarre se termine lorsque l'autre type se retrouve par terre. » Il a dit: « Mais oui. » J'ai enchaîné: « Tu pourrais lui donner des coups de pied ou lui pisser dessus. Tu pourrais lui faire n'importe quoi. » Il a répondu: « Ce serait un manque de respect. » Je lui ai fait remarquer: « Voilà une qualité extraordinaire, jeune homme. Comment pourrais-tu faire preuve de respect avant d'utiliser tes poings? »
Après 20 minutes, il s'est levé et est sorti en disant: « Vous êtes cool. J'aimerais vous revoir. » De ce jour-là, il a cessé de se battre. On allait l'expulser.
Il s'agit de changer complètement la façon dont on enseigne et dont on impose une discipline avec dignité. Où en sommes-nous? Nous sommes en train d'instaurer les Kuweganh, c'est-à-dire nos lois anciennes. Nous les intégrons au système scolaire. Ces lois ne dictent pas ce qui est bien et ce qui est mal; elles visent à rétablir l'équilibre, à renouer l'amitié, à favoriser la guérison. Il ne s'agit pas d'imposer des conséquences. Il s'agit de travailler ensemble et de considérer les différends comme une occasion d'apprendre, et non d'imposer des conséquences.
Voilà les deux mentalités. Un profond changement s'impose, car le système scolaire tel qu'il est n'aide pas ces jeunes qui sont traumatisés. Nous devons donc le remettre en question. Comment pouvons-nous transformer toute l'approche pour pouvoir trouver la beauté chez les jeunes, les amener avec douceur à assumer la responsabilité de leurs actes, calmer leur système limbique et les amener à se sentir en sécurité à l'école?
C'est le genre de mentalité que vous devez étudier.
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Merci, madame la présidente.
Merci aux témoins.
Je suis heureux d'accueillir quelqu'un de ma ville natale. Les représentants du Nord se font rares et les habitants de ma ville natale plus rares encore. Je souhaite donc la bienvenue à Lois Philipp.
Madame la présidente, je demanderais également à Mme Philipp de nous remettre son mémoire pour que nous puissions l'intégrer aux délibérations, car elle commençait tout juste à s'échauffer quand vous l'avez interrompue. Elle a beaucoup à dire. Je l'ai connue toute sa vie, à peu près.
Madame Philipp, je sais qu'à Fort Providence, vous êtes devenue la personne-ressource de bien des gens, qu'il s'agisse d'étudiants, de parents, de grands-parents ou d'éducateurs. Beaucoup vous demandent conseil ou soutien. Vous en avez aidé plus d'un à décrocher son diplôme d'études secondaires ou postsecondaires. Je ne sais pas trop ce que vous faites pour obtenir ces résultats dont nous avons besoin. Nous sommes encore loin du but, mais les choses semblent bien se passer quand vous intervenez.
Est-ce parce que nous avons besoin d'un programme d'accompagnement? Avons-nous besoin de gens pour aider les étudiants à trouver leur voie? Vous pourriez peut-être nous parler des obstacles que vous remarquez lorsque vous discutez avec ceux qui sont en éducation, et aussi des moyens d'améliorer l'éducation.
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Le plus grand obstacle au progrès en éducation, c'est la division que je perçois. Dans la salle où nous sommes, je suppose que l'opposition est de ce côté-ci et le gouvernement de l'autre. C'est là qu'il devient un peu difficile de savoir comment aller de l'avant de façon constructive, de comprendre que nous devons être à la recherche de partenariats.
Il faut comprendre que la hausse des taux de diplomation et le rattrapage des Autochtones auraient sur le PIB du Canada un effet qui se chiffrerait en centaines de milliards de dollars. Au départ, c'est la principale raison pour laquelle c'est important. Nous aurions des collectivités plus saines. Je pense à Fort Providence. J'ai eu la chance de vivre dans cette collectivité. J'ai été prise dans la rafle des années 1960 et j'ai fréquenté un externat indien. Je comprends cette réalité.
Je suis dans la collectivité, je vis avec un conjoint qui n'est pas... Ma famille n'est pas autochtone. Cela m'a vraiment sensibilisée aux défis de la conciliation de deux mondes, et m'a fait comprendre que je dois être une voix pour ma communauté.
Au beau milieu de nos programmes, entre 2008 et 2013, notre taux de fréquentation dépassait largement les 95 %. Certains jours, j'aurais voulu que certains enfants rentrent à la maison, mais ils étaient là.
Des voix: Oh, oh!
Mme Lois Philipp: Lorsque les élèves sont présents sur place, ils apprennent, et lorsqu'ils apprennent, les taux de réussite augmentent. Dans une localité de 800 habitants, nous avions 23 étudiants répartis dans 11 établissements d'enseignement postsecondaire. Il y en avait à Carleton, à Algonquin, au Collège militaire royal en Ontario, et aussi dans des établissements en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Ces jeunes reviennent dans la collectivité en sachant qu'ils peuvent être les artisans du changement.
J'ai eu l'immense plaisir de travailler l'été dernier avec la plus jeune fille de Michael McLeod. C'est une fonceuse, et les compétences qu'elle possède sont incroyables. J'aimerais croire que c'est en grande partie grâce aux programmes que nous offrons dans la nature. Au moment où ils obtiennent leur diplôme de 12e année, nos élèves ont accumulé au moins 50 semaines de formation dans la nature. C'est plus d'une année scolaire passée sur le territoire, à pêcher, à chasser l'original ou à suivre les cours de Science 30 — c'est le programme de sciences de la 12e année — dans la nature. C'est incroyable.
J'ai oublié la question.
Il s'agit de travailler ensemble pour définir une vision commune et de mettre de côté nos différences pour comprendre que nous voulons réussir en tant que peuples autochtones. Ce n'est pas toujours réalisable dans les systèmes actuels.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie de nouveau l'ensemble des témoins de leur présence.
J'allais poser une question sur la réussite, mais Mme Philipp m'a enlevé les mots de la bouche. Avant d'être députée, j'étais enseignante au niveau collégial. Je me souviens d'une conversation que j'ai eue avec une étudiante, durant laquelle elle m'a dit avoir l'impression que les professeurs privilégient la performance. Autrement dit, les étudiants doivent avoir de bons résultats le plus rapidement possible, tout en étant en compétition les uns contre les autres. Je ne dis pas que je suis en faveur de cela, mais c'est l'impression générale que cette étudiante avait du système d'éducation.
Cela m'amène à me demander ce que signifie le mot « réussite ».
Madame Philipp, un peu plus tôt, vous en avez donné une définition, et M. Rattray en a aussi parlé. Je m'adresse donc à vous deux, ainsi qu'à Mme Bobiwash: croyez-vous que le mot « réussite » devrait être compris autrement?
Lorsque j'ai des enfants à mon bureau, je demande souvent à leurs parents de me dire quels sont leurs talents, comme espace où comprendre que la relation entre la collectivité et la famille doit être un point de départ essentiel.
La réussite, c'est tellement de choses différentes. Devenir une bonne personne ou avoir les compétences nécessaires pour bien jouer son rôle dans sa collectivité, ce sont les seules mesures de réussite dont j'ai besoin.
Nous avons des étudiants qui ont du mal à apprendre à lire et à compter, mais ce qu'ils apportent à notre collectivité, c'est ce dont nous avons besoin. Nous avons besoin de médecins, d'avocats et de professionnels de la santé et d'enseignants, mais nous avons aussi besoin de gens qui sont des membres de la collectivité qui vont prendre soin de nous, qui vont...
Michael McLeod conviendra qu'à Fort Providence, au cours des huit derniers mois, nous avons subi des pertes incroyables. Ce qui fait la beauté de la communauté, c'est la façon dont nous nous rassemblons autour de cette perte et dont nous assumons les pertes. Pour moi, c'est une réussite.
La réussite, ce n'est pas d'obtenir un diplôme à 16, 17 ou 18 ans, mais d'acquérir les compétences nécessaires pour être une bonne personne, sachant concilier deux mondes.
J'ignore ce que vous pouvez retirer de mes propos, mais j'estime que les peuples autochtones peuvent montrer la voie à bien des égards.
Marsi.
C'est une excellente question. Merci de l'avoir posée.
Les Premières Nations qui adhèrent à l'Entente sur l'éducation de la Nation Anishinabek discutent justement de cette question, de ce que peuvent signifier la réussite et le bien-être dans un système d'éducation.
La Nation anishinabek a une formule avec laquelle on ouvre les assemblées. Elle se traduit en français par: « Nous formons tous une seule famille. » En anishinabek, cela se dit: « Ngo dwe waangizig Anishinaabe. » L'idée, c'est que nous sommes tous là, formant une famille unique dans laquelle nous avons tous une raison d'être. Comme Lois Philipp l'a dit, nous pouvons tous avoir des talents différents, et c'est essentiel à la réussite. Il s'agit d'être reconnu comme faisant partie de la famille, de la relation. C'est le sentiment d'appartenance dont David Rattray a également parlé.
Je veux aussi parler du mot « enfant », qui, en anishinaabemowin, se dit binjoojiihns. Binoojiihnsaag veut dire « nos enfants ». Cela se traduit littéralement par « élever l'esprit ». C'est vraiment ce que font les écoles. Elles ont un rôle important à jouer pour élever l'esprit des étudiants, les aider à s'épanouir et à déployer leurs talents, à en faire profiter le monde et à en ressentir de la fierté.
David Rattray a tout à fait raison de parler du traumatisme que nous avons subi sur les plans personnel et intergénérationnel. Si nous pouvons élever l'esprit de nos étudiants pour qu'ils se sentent bien dans leur peau et dans leur famille et qu'ils sachent où ils en sont à ce moment-ci avec les ressources dont ils disposent, c'est pour moi le début de la réussite.
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La députée s'exprime en inuktitut ainsi qu'il suit:]
ᖁᔭᓐᓇᒦᒃ ᐃᒃᓯᕙᐅᑕᓖᒃ ᐋ ᐊᒻᒪᓗ ᑕᒪᒃᓯ ᐋ ᖁᔭᓕᕙᒃᓯ ᐅᓂᒃᑳᕆᐊᖅᑐᖅᑐᓯᒍᑦ ᐊᒃᓱᐊᓗᒃ ᑐᓴᕐᓂᖅ−
ᑐᒥᒃ
ᐅᖃᓪᓚᒃᑲᑦᓯ ᓱᓕᔪᓂᒡᓗ ᐋᒻ ᐃᓄᒃᑎᑐᑦ ᐅᖃᓪᓚᒍᒪᖃᑦᑕᕋᓗᐊᕋᒪ ᑭᓯᐊᓂ ᑖᒃᑯᐊ ᐊᐱᖅᑯᑎᒋᔪᒪᔭᒃᑲ
ᑕᐃᔪᓐᓇᖏᓐᓇᒃᑭ ᐃᓄᒃᑎᑐᑦ ᐋ ᖃᓪᓗᓈᑎᑐᑦ ᐊᐱᕆᓂᐊᖅᑕᒃᓯ.
[Les propos en inuktitut sont interprétés en anglais puis traduits ainsi:]
Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins qui sont venus nous parler, parce qu'ils disent la vérité absolue.
Je voudrais m'exprimer en inuktitut, mais comme je ne connais pas, dans cette langue, les questions que j'ai à poser, je vais les poser en anglais.
[Traduction]
J'ai beaucoup aimé toutes vos interventions. Vous nous avez dit très clairement que les répercussions des politiques coloniales demeurent et que nos étudiants subissent encore des traumatismes intergénérationnels.
J'adore la façon dont vous essayez tous d'amener les parlementaires à prendre conscience de ces réalités, de leur faire comprendre que, pour que nos élèves deviennent des adultes en bonne santé et productifs, nous ne pouvons pas nous fier au seul critère de la réussite scolaire. Nous devons aussi nous intéresser à leur bien-être, au mode d'éducation qu'avaient les Premières nations, les Métis et les Inuits avec leurs enfants.
Nous élevions les enfants dans l'amour et la bienveillance, en leur apprenant à protéger l'environnement et la faune, en leur faisant comprendre qu'ils sont importants et qu'il faut faire preuve de respect en tout temps. Le régime des pensionnats a apporté aux Autochtones la colère, la douleur et les mauvais traitements. Ils ont dû subir ces mauvais traitements. Pas étonnant que nous ressentions encore les effets du traumatisme intergénérationnel. Je les ressens moi-même encore aujourd'hui.
Pour avoir des peuples autochtones en bonne santé et productifs, il nous faut peut-être intégrer un système d'éducation qui, à partir des enseignements de ces peuples, inculque l'amour et le pardon au lieu de s'en tenir à la seule réussite scolaire. Êtes-vous d'accord? Si l'amour et le pardon sont si importants, c'est que nos parents et nos grands-parents en ont été privés. Comment peuvent-ils transmettre ce qui leur a été ravi? Voilà ma question. Devons-nous parler davantage de ce que les peuples autochtones ont vécu et essayer de faire plus de place à l'amour et au pardon dans notre système d'éducation?
Les trois témoins pourraient peut-être répondre. Je vous en serais reconnaissante.
:
D'accord. J'allais dire: « Posez la question à quelqu'un d'autre d'abord. »
Pour moi, ce doit être la pierre angulaire. La pierre angulaire de toute éducation doit être la compréhension du fait que, dans les communautés des Premières Nations, nous sommes nés dans un traumatisme. Chaque génération, depuis le contact avec les colons, est née dans un traumatisme. Comment pouvons-nous y échapper par des moyens collectifs, en nous appuyant sur une compréhension dénuée de jugement, une compréhension de notre réalité actuelle et des moyens à prendre pour aller de l'avant?
Il m'est souvent arrivé d'avoir des élèves qui avaient besoin d'une sieste et d'un repas. C'est ce dont ils avaient besoin. Ils n'avaient pas besoin d'un examen d'anglais, ni d'un examen de mathématiques. Ils avaient besoin de comprendre où ils en étaient. Si nous pouvons répondre aux besoins à mesure qu'ils se présentent, de façon bienveillante, sans jugement, alors nous pourrons aller de l'avant.
Le système d'éducation des Anishinabes a été conçu par les Premières Nations pour éviter que leurs jeunes vivent les traumatismes que leurs parents et leurs grands-parents ont subis dans les pensionnats. C'est notre mission.
[La témoin s'exprime en anishinaabemowin et fournit la transcription suivante:]
Ni-wiiji'aamin ni-gikinoo'amaaganaanig ji-bimosewaad, Anishinaabewaadiziwin-gikendaasowin miikana.
Cela veut dire « Nous aidons nos élèves à suivre un parcours d'apprentissage anishinaabe aadziwin ». « Anishinaabe aadziwin », c'est le mode de vie. Il est fait d'amour, de bonté et de respect mutuel — non seulement envers les gens, mais aussi envers la création et toutes les terres et tous les êtres avec lesquels nous partageons la Terre mère. C'est essentiel pour faire apprendre aux élèves ce sens des relations qui leur permettra de réussir leur vie.
Dès qu'ils ont ce sentiment de sécurité, ils peuvent tout accomplir.
Je suis la conseillère par intérim auprès de la présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada. Je tiens à dire aux membres du Comité que je suis très honorée d'être ici.
L'éducation est un enjeu important pour la présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, ou l'AFAC. Combler l'écart en éducation est une priorité absolue pour l'AFAC.
Malheureusement, les séquelles laissées par les pensionnats se font toujours sentir chez nos jeunes. C'est justement pour cela, madame la présidente, que tous les services, éducatifs ou autres, doivent tenir compte des traumatismes.
L'AFAC est d'avis que les femmes autochtones, les filles, les transgenres et les personnes de diverses identités de genre doivent exercer un contrôle sur leur éducation. À cette fin, il est nécessaire d'investir dans l'amélioration des établissements et les services, tout en reconnaissant la compétence des peuples autochtones à décider de leur éducation.
Les peuples autochtones sont autonomes. Le Canada est en train de mettre en oeuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Rappelons-nous l'article 14.1 de la déclaration:
Les peuples autochtones ont le droit d'e´tablir et de contro^ler leurs propres syste`mes et e´tablissements scolaires ou` l'enseignement est dispense´ dans leur propre langue, d'une manie`re adapte´e a` leurs me´thodes culturelles d'enseignement et d'apprentissage.
L'éducation autochtone repose sur les valeurs et les pratiques issues des cultures, des langues et des histoires autochtones. La transmission des modes de vie autochtones offre aux jeunes autochtones un soutien et des ressources qui les aides à réaliser leur plein potentiel.
De plus, madame la présidente, nous ne pouvons pas parler des taux de diplomation sans parler de la revitalisation des langues autochtones. Les langues autochtones reflètent nos visions du monde, nos cultures et nos identités qui, souvent, se recoupent. De l'avis de l'AFAC, la maîtrise des langues autochtones crée de solides liens culturels qui favorisent l'estime de soi, une meilleure santé et de meilleurs résultats scolaires.
L'AFAC a son propre plan d'action pour mettre en oeuvre les 231 appels à la justice énoncés dans le rapport final de la commission d'enquête sur les femmes et les filles disparues ou assassinées. Une partie de ce travail contribuera à promouvoir une initiative d'éducation lancée dans le cadre de l'enquête nationale, appelée « Leurs voix nous guideront ». Cette ressource aidera les enseignants de tous les niveaux à sensibiliser les élèves à la valeur de la vie des femmes et des filles autochtones et à toucher l'esprit et le coeur des jeunes. Elle préparera les enseignants à utiliser une méthode d'enseignement axée sur la décolonisation et la prise en compte des traumatismes.
Au Canada, l'éducation relève des gouvernements provinciaux et territoriaux, mais pour les enfants des Premières Nations, elle est financée par le gouvernement fédéral. Même si ce dernier finance les programmes d'éducation, les communautés des Premières Nations reçoivent moins d'argent pour les écoles.
Les obstacles structurels à l'accès à l'éducation, par exemple les coûts, ont un énorme impact sur les filles autochtones. Il a été démontré que les filles autochtones sont plus susceptibles de fréquenter des écoles sous-financées et dépourvues de ressources de base, ce qui incite bon nombre d'entre elles à quitter leur communauté pour poursuivre leurs études. Ces obstacles exacerbent les risques de pauvreté, de mauvaise santé et de chômage pour l'avenir. Madame la présidente, certaines femmes autochtones ont également invoqué des raisons personnelles pour expliquer leur décrochage scolaire, comme une grossesse et le manque d'accès à des services de garde. Nous devons également parler de l'importance d'offrir des services intégrés, madame la présidente.
Les élèves autochtones du Nord doivent souvent partir loin de leur foyer, de leur famille et de leurs terres pour aller étudier. Ceux qui vont étudier dans le Sud sont nombreux à éprouver un stress mental, émotionnel et financier constant en raison de leur éloignement de la maison.
En résumé, les recherches menées par l'AFAC sur l'éducation des Autochtones ont révélé que les obstacles les plus importants à l'éducation sont les coûts, les contraintes structurelles, l'éloignement géographique et un sentiment de fierté et d'appartenance à leur culture.
Pour l'AFAC les jeunes Autochtones sont les dirigeants de demain. Nous devons entendre et reconnaître leurs voix uniques pour favoriser un changement
Je tiens à remercier le Comité d'avoir entrepris une étude sur le financement et la structure de gouvernance du système d'éducation. Nous leur en sommes très reconnaissantes. Je suis honorée d'être ici.
Je vous remercie.
:
Merci beaucoup au Comité de nous accueillir, Karen et moi, pour discuter avec vous de ce sujet très important.
Je m'appelle Michael Furdyk. Je suis directeur de l'innovation chez TakingITGlobal, un organisme de bienfaisance que j'ai cofondé en 1999 et qui gère le programme Connexions Nord. Je travaille à Toronto, sur le territoire traditionnel des Anishinaabés, y compris des Mississaugas de Credit, des Haudenosaunee et des Wendats.
Pour améliorer le taux d'obtention d'un diplôme d'études secondaires et les résultats scolaires des étudiants autochtones, nous devons avant tout leur offrir un accès équitable aux ressources éducatives ainsi qu'à des possibilités d'apprentissage inspirantes et adaptées à leur culture et à leurs objectifs personnels d'apprentissage. Le potentiel de la technologie est un élément incontournable pour créer des possibilités d'accès.
Comme il est difficile d'aller à la rencontre des élèves de certaines collectivités parmi les plus éloignées et isolées du Canada, comme vous l'ont déjà dit de nombreux témoins, beaucoup d'élèves n'ont pas accès aux ressources pédagogiques, aux programmes de mieux-être mental et aux services d'orientation qui sont offerts aux élèves de la maternelle à la 12e année dans le Sud. Le taux de diplomation ne grimpera que si les les élèves sont inspirés et stimulés en classe, et ce, dès le début de leur parcours scolaire. C'est là l'objectif du programme Connexions Nord.
Géré par notre organisme de bienfaisance enregistré, TakingITGlobal, le programme Connexions Nord utilise une approche axée sur la technologie en classe pour relier les élèves et les enseignants inuits, métis et des Premières Nations de partout au Canada et leur faire vivre des expériences et saisir possibilités d'apprentissage qui ne sont pas disponibles chez eux. Auparavant, ces élèves n'auraient probablement jamais eu la possibilité de visiter des campus universitaires ou des musées, d'être initiés à des programmes de codage ou de discuter avec des professionnels autochtones travaillant dans une diversité de secteurs. Grâce à Connexions Nord, ils peuvent maintenant faire tout cela dans le confort de leur communauté.
Après avoir été mis à l'essai dans une première école, le programme a été déployé dans 150 écoles. Il est maintenant accessible à 30 000 élèves de la maternelle à la fin du secondaire et à plus de 500 enseignants actifs. À ce jour, nous avons offert plus de 200 000 minutes d'apprentissage virtuel interactif en direct durant l'année scolaire. Toutes les sessions sont adaptées aux besoins particuliers de chaque école, de chaque enseignant et de chaque classe, idéalement par le biais d'enseignants, de mentors et de modèles autochtones, comme la députée Idlout qui est récemment venue s'adresser aux élèves.
Je pense que Mme Restoule vient de se joindre à nous.
Karen, je vais vous donner un peu de temps pour raconter l'histoire de Connexions Nord.
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Merci, Michael, pour votre introduction.
Je suis ravie de témoigner devant le Comité.
Le programme Connexions Nord est le fruit d'une collaboration entre Cisco Canada et Son Excellence Mary Simon, et s'inspire du travail de cette dernière dans le cadre de la stratégie nationale de 2011 sur la scolarisation des Inuits. C'est un moyen novateur de mettre à profit la technologie dans le but de mobiliser les élèves et leur fournir un accès virtuel aux ressources du XXIe siècle pour combler le fossé en matière d'éducation.
Après le succès du projet pilote mis en oeuvre dans une école d'Iqaluit au cours de l'année scolaire 2013-2014, le programme a été déployé à la grandeur du Canada, ce qui est vraiment formidable. Vers la fin de 2015, l'organisme TakingITGlobal a pris la relève de la gestion des opérations et contribué au rapide essor du programme. Cisco et un écosystème de partenaires technologiques du secteur privé font toujours partie de l'équation en offrant leur soutien et des solutions technologiques de premier ordre.
Ce programme repose essentiellement sur notre engagement à utiliser une approche qui place les perspectives autochtones au cœur du contenu et du processus. C'est ce qui en fait l'originalité. Cela comprend l'élaboration d'un contenu culturellement pertinent qui respecte et valorise les cultures des élèves, tout en appuyant le travail de la Commission de vérité et réconciliation. Les sessions sont élaborées en partenariat avec les enseignants locaux et expressément adaptées à leurs besoins. De plus, des modèles d'identification inuits, métis et des Premières Nations sont mis à contribution dans la mesure du possible comme sources essentielles de savoir et d'inspiration.
Nous proposons actuellement plus de 2 250 sessions, ce qui est incroyable. Elles ont toutes été conçues par l'un des quelque 300 fournisseurs de cours actifs, dont 132 sont des Autochones. Le programme verse une allocation à tous les fournisseurs, ce qui apporte de nouvelles possibilités de développement économique à de nombreux artistes, aînés et scientifiques autochtones et à bien d'autres personnes.
Les sessions interactives, qui ont lieu en temps réel, durent en moyenne environ 45 minutes et couvrent une panoplie de sujets, les plus populaires étant les sciences, l'environnement, les arts et la musique. À titre d'exemples, il peut y avoir des visites virtuelles dans des musées, des centres de sciences, des galeries d'art, des aquariums et autres points d'intérêt, des ateliers de perfectionnement professionnel et de formation pour les enseignants ainsi que des sessions d'information sur divers parcours éducatifs et professionnels, avec la participation de dirigeants autochtones.
Nous offrons également des programmes et des ressources compatibles avec notre cadre de mieux-être. Le programme Connexions Nord est rendu possible grâce à la participation d'un vaste écosystème de donateurs et de collaborateurs, notamment des entreprises partenaires, des administrations régionales, des fondations familiales et des particuliers.
Je cède le micro à mon collègue.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie également nos trois témoins. Nous vous remercions d'être venus et de partager vos connaissances avec nous.
Aujourd'hui, je vais commencer par M. Furdyk.
Monsieur Furdyk, votre curriculum vitae est impressionnant. J'ai fait une recherche sur vous et je suis très impressionné par vos connaissances et votre cheminement professionnel.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le fonctionnement du programme, ce qui vous permettra de nous expliquer plus en détail ce dont ont besoin certaines localités nordiques et éloignés pour se connecter et participer à votre programme. Je sais que vous utilisez la technologie numérique. C'est une application technologique, je crois. J'aimerais que vous nous en parliez plus en détail, s'il vous plaît.
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Au départ, le programme est offert pour répondre à un intérêt de la part des élèves ou pour aider l'enseignant à suivre le programme scolaire. Ce sont deux conditions d'égale importance pour mobiliser les élèves. Par exemple, un enseignant vient rencontrer les membres de notre équipe — qui comprend une vingtaine d'enseignants qui nous assistent dans l'exécution du programme — pour nous dire qu'un de ses élèves s'intéresse à Shakespeare, à la cuisine autochtone ou aux expériences scientifiques. Nous inviterons alors un excellent conférencier à animer une session pour inspirer les élèves et soutenir leur intérêt.
L'une des choses qui font l'originalité de ce programme, c'est que nous envoyons à l'école les fournitures et le matériel didactique nécessaires pour la session. Ce peut être de la saponite pour la réalisation d'une sculpture, ou un calmar — il y a plein de calmars dans notre bureau. Les élèves pourront ainsi disséquer un calmar dans le cadre d'une expérience scientifique. Nous avons également des manuels rédigés par des auteurs autochtones. Cette année, nous avons envoyé plus de 800 colis de fournitures à nos écoles partenaires pour qu'elles puissent participer à nos sessions.
Le programme ne peut évidemment fonctionner sans une bonne connexion à Internet. Nous avons lu cette semaine dans un rapport de la vérificatrice générale qu'il est encore difficile de relier au réseau de nombreuses communautés des Premières Nations — ainsi que des collectivités inuites et métisses. La situation s'est toutefois améliorée au cours des dernières années, car un plus grand nombre d'écoles peuvent maintenant participer à nos sessions alors qu'elles ne le pouvaient pas avant.
En gros, le but premier du programme, c'est d'offrir une expérience d'apprentissage qui répond à un intérêt des élèves. Comme il est également harmonisé à plus de 2 000 objectifs du programme scolaire, les enseignants peuvent facilement voir si les activités que nous proposons s'inscrivent dans leur programme scolaire.
Selon une étude menée par l'Université York durant les premières années du programme Connexions Nord, 89 % des élèves qui y ont participé ont dit que ce genre d'expérience virtuelle en direct rendait l'apprentissage plus agréable. Dans le cadre de notre programme, nous menons également un sondage chaque année auprès de nos enseignants. L'an dernier, sur les quelque 200 enseignants sondés, 96,5 % ont dit que Connexions Nord leur permet, d'une part de stimuler la motivation des élèves et, d'autre part, de les rendre plus assidus. Nous savons que ces deux facteurs sont essentiels à la réussite et à l'obtention d'un diplôme.
C'est un peu comme pour Uber ou eBay. À la fin de chaque session, les enseignants peuvent nous coter sur une échelle de cinq étoiles. Cette année, nous avons obtenu un taux de satisfaction de 94 % et, à ce jour, nous avons reçu plus de 2 000 commentaires.
Nous accordons une grande importance aux données. Nous en faisons toujours l'analyse pour voir comment nous pouvons nous améliorer. Plus important encore, nous collaborons avec des institutions comme des musées, des centres de sciences et des aquariums, et, à partir des commentaires que nous envoient les enseignants et les élèves, nous aidons ces institutions à améliorer les sessions d'apprentissage virtuelles qu'elles offrent à l'ensemble des Canadiens.
Je pense qu'il existe un écart important en matière de préparation. Le gouvernement finance surtout des espaces physiques, mais les établissements qui sont nos partenaires reçoivent très peu de fonds pour la prestation de programmes et pour l'apprentissage virtuel.
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Merci. Je comprends ce que vous dites.
Je vais maintenant aller dans une autre direction que celle que j'avais prévue au début de la réunion.
Durant la première moitié de notre réunion, l'une de nos témoins nous a parlé de l'importance d'acquérir les compétences dont nous avons besoin pour devenir une bonne personne. En tant qu'ancien entraîneur de hockey, c'était quelque chose de très important pour moi. Au-delà des victoires et des défaites, nous voulions former des jeunes gens de qualité qui allaient devenir des membres actifs de la société quand nous ne serons plus là.
Il me reste environ une minute. J'aimerais que me disiez, durant cette minute, comment votre programme aide les jeunes à acquérir des compétences nécessaires dont ils auront besoin pour devenir de bonnes personnes au sein de notre société en général et de leur propre communauté, pour que nous rassemblions tous.
Bienvenue à nos témoins. Je vous remercie pour vos déclarations préliminaires.
Je suis assez nouveau à ce comité. C'est ma deuxième semaine ici et je suis encore en train d'essayer de comprendre la prémisse de cette étude. Si je reviens à la motion qui a été présentée, je constate qu'il est question des écarts des niveaux de scolarisation entre les élèves autochtones et les autres. Je suppose que la prémisse est donc que les taux sont plus faibles chez les adultes ou les élèves autochtones.
Mes premières questions sont pour Mme Smith.
Je me demande si les jeunes filles autochtones sont encore plus désavantagées et ce, pour plusieurs raisons. Savez-vous si ces taux de scolarisation varient entre les jeunes filles autochtones et les garçons? Le cas échéant, avez-vous une idée des facteurs qui pourraient expliquer cet écart ou l'exacerber? Une fois que nous aurons commencé à comprendre si c'est vraiment le cas, nous pourrons alors réfléchir à ces solutions pour nous attaquer à cette inégalité entre les genres.
Je vais d'abord vous demander si, à votre connaissance, cette différence existe et si vous avez de l'information à ce sujet.
:
Oui. C'est une excellente question, je vous en remercie.
Je sais que cette disparité existe, mais je n'ai pas les statistiques devant moi. Je pourrai cependant vous donner plus de détails. Je pense que d'autres députés seront heureux d'avoir ces données.
Je peux vous donner une idée des raisons de cette disparité entre les genres. Quand nous parlons d'éducation autochtone, je pourrais vous en parler longuement, nous devons changer notre façon de mesurer le succès et nous devons décoloniser notre manière de concevoir l'éducation.
Si nous parlons d'une jeune femme autochtone ou d'une personne autochtone transgenre ou ayant diverses identités, certains préjudices coloniaux, comme la transphobie et l'homophobie, entrent en jeu. Nous devons toutefois vraiment parler de la sécurité de ces personnes autochtones.
L'AFAC offre une ressource en ligne, une carte interactive appelée « Passage sécuritaire ». Même là, c'est une question de droits de la personne. Malheureusement, les femmes s'inquiètent souvent pour leur sécurité, et cette inquiétude devient parfois une priorité plus importante pour elles que l'obligation d'étudier en vue d'un examen, par exemple.
Vous m'entendez aussi parler d'un continuum de services. Dans le système d'éducation conventionnel, il arrive souvent que nous soyons obligés de nous écarter de l'approche traditionnelle axée sur les services et les problèmes, au profit d'une approche axée sur les forces et les besoins de la personne. Nous devons tenir compte de nombreux facteurs.
Je sais que je ne réponds pas directement à la question, mais c'est oui, il existe certainement une disparité. Je vous ai donné une brève explication, mais je peux certes faire un suivi avec vous.
:
Bien sûr. J'ai une autre question. Vous pourrez sans doute donner une réponse plus complète en faisant un suivi.
Quand vous parlez de sécurité, j'imagine que le problème varie beaucoup en fonction du contexte. Il y a des femmes qui vivent hors réserve, en milieu urbain ou au sein d'une communauté urbaine. Cela peut poser des problèmes particuliers. Il peut aussi y avoir des filles qui sont scolarisées dans des communautés éloignées, où il peut également exister des disparités. Je pense qu'il serait peut-être plus sécuritaire pour elles de vivre au sein de leur propre communauté, de leur propre famille et de fréquenter l'école du voisinage, avec des membres de leur famille.
Comme nous l'avons entendu, beaucoup de jeunes doivent ensuite quitter leur communauté pour poursuivre des études supérieures, ou même pour terminer leur secondaire. J'ai vécu dans de nombreuses collectivités où les étudiants venaient d'autres localités. Quand je pense à ces jeunes femmes qui vont étudier ailleurs, je pense à mes propres filles qui sont au secondaire. Si elles devaient quitter la sécurité de notre foyer pour aller étudier ailleurs, est-ce que cela nuirait à leurs résultats scolaires?
Là encore, j'aimerais avoir votre avis non seulement sur les disparités de genre, mais sur les disparités géographiques et les milieux où les jeunes femmes autochtones sont parfois obligées d'aller pour étudier. Comment pouvons-nous atténuer ces risques pour assurer leur sécurité dans chacun de ces contextes?
:
Encore une fois, je pense que c'est une excellente question, et je...
Il est beaucoup question, dans l'enquête finale sur les femmes autochtones disparues et assassinées, de transport en commun. Cela fait partie intégrante de la discussion. Nous savons que, pour les Autochtones du Nord, par exemple, il arrive souvent qu'il n'y ait pas de transport en commun fiable, et c'est un problème de sécurité.
Comme vous l'avez dit, lorsque les gens sont loin de leur collectivité, il y a aussi un fossé qui se crée. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que tout ce que nous voulons, c'est de sentir que nous faisons partie d'une communauté, de sentir ce lien — j'adore être ici en personne avec vous en ce moment — et je pense que c'est ce qui se perd un peu.
Nous devons maintenant passer à une méthode d'éducation décolonisée. Comme je l'ai dit, il s'agit en partie de créer l'intelligence et la sécurité émotionnelles, ainsi que le bien-être de la personne autochtone en question. C'est pourquoi nous devons aussi penser à des services complets, pour nous assurer que la personne est soutenue. Je crois avoir mentionné « Leurs voix nous guideront », une ressource en ligne qui a été créée pour les éducateurs.
:
Merci. C'est une excellente question.
Tous ceux qui me connaissent en ont probablement assez de m'en entendre parler, mais je peux faire un suivi auprès du Comité sur un aspect dont je suis vraiment fière, soit l'analyse comparative entre les sexes adaptée à la culture.
J'en parle parce que... C'est vraiment aux décideurs comme vous de poser des questions difficiles et de veiller à ce que toute politique, étude ou stratégie tienne compte de la colonisation et adopte une approche tenant compte des traumatismes subis.
Imaginons simplement une personne transgenre, handicapée et vivant dans une réserve. Assurons-nous que tous les efforts de sensibilisation et tous les efforts en matière de politiques et de lois tiennent compte de cette personne afin qu'elle ne soit pas laissée pour compte.
Vous savez, la vérité et la réconciliation exigent beaucoup de travail. C'est tout notre travail, et nous devons nous demander...
J'ai reçu une formation reconnue en droit. Bien que je sois une femme inuite, j'ai été séparée de ma culture en raison du colonialisme et je lutte chaque jour pour décoloniser mes pensées et ne pas tenir les choses pour acquises. C'est ce que nous faisons tous.
Madame Gill, j'apprécie vraiment votre question. Je pense que c'est une bonne question: où devrions-nous déployer nos efforts?
C'est trop simplifier que de dire qu'il faut un virage vers la décolonisation, car qu'est-ce que cela signifie?
Il faut que les gens comprennent que ce n'est pas seulement l'éducation officielle et les programmes d'études sur lesquels nous devons nous concentrer; ce sont ces services intégrés qui sont également nécessaires pour les femmes et les filles autochtones et les personnes transgenres et de diverses identités de genre.
Il faudrait peut-être offrir plus de services de revitalisation des langues. Lorsqu'une fille autochtone se sent fière de ce qu'elle est, il est prouvé qu'elle obtiendra de meilleurs résultats scolaires.
Ce que j'aime à propos...
Je suis désolée de sauter du coq à l'âne. Je suis très heureuse de pouvoir participer à cette discussion.
« Leurs voix nous guideront » est une ressource à laquelle je fais constamment référence. Ce que j'aime, c'est qu'il s'agit essentiellement d'enseigner aux enfants — aux enfants non autochtones aussi — à quel point les femmes autochtones sont précieuses. Lorsque les enfants ont l'amour dans leur cœur et dans leur esprit pour les femmes et les filles autochtones, ils sont moins susceptibles de tomber dans la violence et dans d'autres choses qui peuvent les empêcher d'atteindre de meilleurs résultats d'études. Il faut aussi intégrer les femmes et les filles autochtones dans l'éducation. Peut-être veulent-elles entendre les gardiens du savoir. Peut-être veulent-elles établir des liens avec la terre par l'enseignement ancestral. Peut-être veulent-elles apprendre des sage-femmes et des guérisseurs. Elles ont peut-être besoin de modèles positifs pour parler de résilience, parce que nous sommes toujours là.
Je sais que je vous ai donné beaucoup d'information et je ne sais pas si j'ai répondu directement à la question, mais je vous remercie de la question.
[Traduction]
Quand je pense à la décolonisation, je pense vraiment à la revitalisation. Il ne s'agit pas de déconstruire, mais plutôt de construire et de revitaliser les façons d'apprendre par l'expérience qui sont très harmonisées avec les façons de faire autochtones en matière d'apprentissage et de perfectionnement.
Pour ce qui est de votre question et de la comparaison entre l'expérience dans les réserves et hors de celles-ci, je pense que, de façon générale, si vous exposez les enfants à un environnement dans lequel ils peuvent apprendre à connaître le monde qui les entoure, où la terre est la terre et l'eau est l'eau, cela leur donne l'occasion d'apprendre d'une manière qui leur est familière, d'une manière qui s'harmonise avec eux sur le plan culturel et idéologique.
Grâce à Connexions Nord, nous mettons à profit la technologie pour tirer parti de l'apprentissage par l'expérience. Bien sûr, cela ne se passe pas précisément sur la terre et sur l'eau — quoique cela peut se produire dans certains cas —, mais cela ne se produit pas précisément dans ce contexte. Nous sommes dans des salles de classe, mais nous mettons les gens en contact avec des enseignants — des enseignants autochtones, dans certains cas — qui transfèrent des connaissances d'une façon qui est familière aux enfants à qui nous nous adressons. Il s'agit en fait de revitaliser les principes de l'apprentissage et du développement qui sont très harmonisés avec une vision du monde autochtone.
En résumé, il ne s'agit pas de décoloniser, mais de mettre en œuvre ce que nous savons être efficace, ce qui a été perdu à cause de la Loi sur les Indiens et, surtout, ce qui remet ces enfants sur la voie de la connaissance de qui ils sont et d'où ils viennent.
:
[
La députée s'exprime en inuktitut ainsi qu'il suit:]
ᐋ, ᖁᔭᓐᓇᒦᒃ ᐃᒃᓯᕙᐅᑕᓖᒃ ᐊᒻᒪᓗ ᖁᔭᓐᓇᒦᒃ ᓖᓴ ᐊᒻᒪᓗ ᖃᕆᑕᐅᔭᒃᑯᑎᒍᑦ ᐃᓚᐅᔪᑦ ᐋ ᓈᓚᒃᓱᑦᓯ
ᑕᒪᑦᓯ ᐋ ᑐᓴᕐᓂᕋᑦᓯ ᐱᒻᒪᕆᐊᓗᓐᓂᒃ ᐅᖃᐅᓯᖃᕋᒃᓯ ᐋᒻ ᓯᕗᓪᓕᕐᒥᖅᑲᐃ ᓖᓴᒧᑦ ᐊᐱᕆᓂᐊᖅᐳᖓ
ᑖᓐᓇ ᐅᖃᐅᓯᕆᔭᑎᑦ ᐋᒻ ᐊᒃᓱᐊᓗᒃ ᑐᓴᕐᓂᕐᒪᑕ ᐃᓕᓐᓂᐊᕐᕖᑦ ᐃᓕᖅᑯᓯᑦᑎᓐᓂᒃ ᐱᖅᑯᓯᑦᑎᓐᓂᒃ
ᐱᑕᖃᖅᔫᒥᔭᕆᐊᖃᕐᒪᑦ ᐋᒻ ᐅᑯᐊ ᐃᓚᖏᑦ ᑲᑎᒪᔨᐅᖃᑎᒃᑲ ᐊᐅᓪᓚᖃᑎᒋᓵᓚᐅᕋᒃᑭ ᓲᕐᓗ ᐋ ᐃᖃᓘᑦ−
ᑑᑦᓯᐊᒧᓪᓗ ᖁᒡᓗᒃᑑᒧᓪᓗ ᐋ ᖁᒡᓗᒃᑑᕐᒦᒃᓱᑕ ᐋ ᐅᓇᓕᒃ ᐅᓇᓕᒃᓴᔭᕐᓂᒃ ᑲᑎᒪᖃᑎᖃᓚᐅᕋᑦᑕ ᑕᐃᒃᑯᐊ
ᐅᓇᓕᒃᓴᔭᐃᑦ ᐋ ᐊᒃᑯᐊᓗᒃᑕᐅ ᑐᓴᕐᓂᓚᐅᕐᒥᒻᒪᑕ ᐃᓕᓐᓂᐊᖅᑎᑕᐅᕚᓐᓂᖅᓱᑕ ᐋ ᖃᓄᖅ ᐱᓕᕆᓲᖑᒻ−
ᒪᖔᑦᑕ ᐋ ᓇᓕᐊᖑᓚᐅᖅᑐᒃᑭᐊ ᐊᐱᕆᓚᐅᕐᒪᑦ ᐋᒻ ᑖᒃᑯᐊ ᐅᓇᓕᒃᓴᔭᐃᑦ ᐋᒻ ᖃᐅᔨᒪᔪᒻᒪᕆᐊᓘᒻᒪᑕ
ᓄᓇᒋᔭᑦᑎᓐᓂᒃ ᓯᓚᑎᒋᔭᑦᑎᓐᓂᒃ ᐊᒻ ᐃᑲᔪᖅᑐᒻᒪᕆᐅᕙᒃᓱᑎᒡᓗ ᐋ ᑖᓐᓇ ᐅᑭᐅᖅᑕᖅᑐᖅ ᐋ ᓇᒻᒥᓂᕆ−
ᔭᐅᓂᐊᕐᓂᕋᖅᑎᒡᓗᒍ ᑲᓇᑕᒧᑦ ᐋ ᐃᒪᓐᓇᖃᐃ ᐊᐱᕆᕗᖓ ᑖᓐᓇ ᑏᑳᓚᓇᐃᔨᖕᒥᒃ ᐅᖃᐅᓯᖃᖅᑎᒡᓗᑎᑦ
ᓲᕐᓗᖃᐃ ᐃᓕᓴᐃᔩᑦ ᓄᓇᓕᖕᒦᓐᖔᕆᐊᖃᖅᐸᑕᖃᐃ ᒫᓐᓇᐅᔪᖅ ᐋ ᓄᓇᖃᖅᑳᖅᓯᒪᔪᐃᑦ ᐃᓕᓴᐃᔨᖏᑦ
ᖃᓪᓗᓈᓃᓐᖔᓲᖑᒻᒪᑕ ᑭᓯᐊᓂ ᐋ ᓲᕐᓗ ᓄᓇᒋᔭᒃᑎᓐᓂ ᓄᓇᖃᖅᑳᖅᓯᒪᔪᐃᑦ ᐋ ᐱᑕᖃᐅᖅᑎᒡᓗᒋᑦ
ᓲᕐᓗ ᐋ ᐅᓇᓕᒃᓴᔭᐃᑦ ᑖᒃᑯᐊᖃᐃ ᐃᓚᒋᔭᐅᑎᑕᔾᔫᒥᒃᐸᑕ ᐃᓕᓐᓂᐊᕐᕕᓐᓂ ᐃᑲᔪᖅᐹᓪᓕᖃᑕᐅᒐᔭᖅᐸ−
ᖃᐃ, ᐃᓕᓐᓄᑦ ᑕᐃᒪᓐᓇ ᐊᐱᕆᖅᑳᖅᑐᖓ.
[Les propos en inuktitut sont interprétés en anglais puis traduits ainsi:]
Merci, madame la présidente.
Merci, Mme Smith et les autres témoins qui sont ici par Zoom. J'entends ce que vous dites et j'aime ce que j'entends, parce que c'est très important.
Ma première question s'adresse à Mme Smith.
Ce que vous avez dit était comme de la musique à mes oreilles. Vous dites que nous avons besoin de plus de programmes culturellement adaptés dans nos écoles.
J'ai récemment fait un voyage avec certains de mes collègues à Cambridge Bay et à Kugluktuk. Nous avons rencontré des Rangers canadiens qui sont venus nous parler. Nous les avons entendus. Ce qu'ils ont dit était très important. Ils disaient ce qui manque. Ces Rangers, parce qu'ils sont autochtones, connaissent l'environnement. Ils survivent dans l'environnement. Ils contribuent à assurer la sécurité de nos frontières au Canada.
Lorsque vous parlez d'apprentissage culturel, je me demande si nous avons besoin de plus de dirigeants autochtones. Bon nombre des enseignants que nous avons au Nunavut viennent du Sud. Il y a des enseignants qualifiés au Nunavut et dans les communautés autochtones. Je me demande si les Rangers ne pourraient pas être pris en considération et utilisés comme enseignants.
Merci.
[Traduction]
Ce que vous dites est de la musique à mes oreilles aussi, parce que, honnêtement, je n'avais pas vraiment pensé à utiliser les Rangers et d'autres gardiens de la faune comme enseignants. C'est parce que, comme je l'ai déjà dit, j'essaie toujours de décoloniser mes propres pensées. Oui, je pense que ce serait... Il faut que ce changement se fasse maintenant pour que les connaissances soient transmises. Le temps presse.
Quelle est la mesure de la réussite scolaire? Beaucoup de gens ne se rendent pas compte, surtout pour les gens du Nord, qu'il en va de la survie sur la terre. Lorsque les enfants autochtones apprennent cela, on ne peut s'imaginer à quel point c'est habilitant. C'est un succès. Nous devons utiliser les ressources à notre disposition pour transmettre ces enseignements. Je suis tout à fait d'accord.
Je vois qu'il y a un changement dans la loi qui, à mon avis, est utile. Par exemple, il y a la Loi canadienne sur l'accessibilité concernant les personnes handicapées. Auparavant, il fallait qu'une personne handicapée subisse un préjudice avant que quelque chose ne soit fait, mais maintenant, avec la Loi canadienne sur l'accessibilité — qu'on appelle aussi la Loi canadienne pour un Canada sans obstacles —, c'est devenu proactif, et nous percevons les préjudices et nous essayons de les prévenir pour que le mal n'arrive pas en premier. J'utilise cet exemple avec vous, les décideurs, pour que ces changements puissent se produire, et il faut changer dès maintenant la mesure de la réussite pour les enfants autochtones.
Je vous remercie non seulement pour cette question, mais pour tout ce que vous avez dit et suggéré. Je vais y réfléchir longuement.
Merci.
:
Je vous remercie de la question.
J'ajouterais qu'il y a des données vraiment solides qui montrent que 95 % des élèves qui font des voyages scolaires ont un taux d'obtention de diplôme d'études secondaires plus élevé et que 59 % ont de meilleures notes. Je pense que cela témoigne de l'importance de l'apprentissage axé sur la terre dont vous ont beaucoup parlé d'autres invités et panélistes, ainsi que des expériences virtuelles, comme Connexions Nord.
Pour répondre à votre question, je dirais que ce dont nous avons besoin, c'est d'un financement plus durable et à plus long terme, en particulier en ce qui concerne le soutien à l'apprentissage numérique pour les étudiants et les écoles. Il y a eu des programmes ici et là, mais souvent — et d'autres témoins vous l'ont dit au cours de séances précédentes —, il peut s'agir d'un financement d'un an à la fois, et c'est difficile. Une fois le programme lancé, on se prépare à en faire rapport et à le fermer.
Ce dont nous avons vraiment besoin, c'est d'un soutien pluriannuel, et nous avons besoin de la reconnaissance de la valeur de l'apprentissage virtuel et non seulement en présentiel, en ce qui concerne les étudiants dans les collectivités éloignées. Comme nous le savons, l'apprentissage virtuel offre d'énormes possibilités et permet aux étudiants de vivre des expériences auxquelles ils ne pourraient accéder autrement en personne. Nous aimerions voir davantage de programmes et de soutien à cet égard.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à tous pour cette excellente discussion jusqu'à maintenant. Je pense que cela a été très utile pour notre comité dans le cadre de cette importante étude.
Au cours de la réunion, on a parlé de la connectivité Internet. Bien sûr, dans un récent rapport, la vérificatrice générale a souligné que le gouvernement est actuellement à la traîne pour atteindre son objectif de 2030, qui consiste à offrir des services Internet haute vitesse abordables et de grande qualité à tous les Canadiens. En 2021, environ 43 % des collectivités des Premières Nations du Canada avaient accès à des services Internet haute vitesse abordables, et ce chiffre n'est que de 33 % en Ontario.
Je représente le Nord-Ouest de l'Ontario. Ma circonscription s'étend de la frontière du Minnesota à la baie d'Hudson. Dans les 42 Premières Nations des municipalités que je représente, nous connaissons trop bien les problèmes liés à Internet.
J'aimerais demander aux représentants de Connexions Nord de nous aider à situer cette question dans son contexte. L'absence d'Internet, de toute évidence, aurait une grande incidence sur vous et sur votre capacité de jouer votre rôle.
Je me demande si vous pouvez nous aider à comprendre à quel point c'est un défi et à quel point il est important que le gouvernement prenne des mesures pour que toutes les collectivités aient accès à Internet haute vitesse le plus rapidement possible.
C'est certes une priorité pour bon nombre de nos partenaires scolaires et même pour nos présentateurs. Pour plusieurs des modèles de réussite et des experts autochtones qui offrent des programmes par l'entremise de Connexions Nord, nous avons dû recueillir des fonds à titre d'organisme de bienfaisance pour financer la connectivité par satellite pour eux parce qu'ils n'avaient pas un accès suffisant et qu'ils n'étaient pas en mesure d'offrir des services à leur propre collectivité. Nous l'avons certes constaté de nos propres yeux, et les étudiants nous l'ont dit aussi, surtout au Nunavut, où il n'y a que le satellite et où les coûts sont extrêmement élevés.
Bien qu'il y ait eu de grandes annonces et beaucoup de financement annoncé, nous avons encore entendu de nombreux témoignages de nombreux étudiants et présentateurs qui nous ont dit que cette connectivité ne parvenait pas encore à bon nombre des collectivités. Compte tenu de l'importance de l'apprentissage et de l'innovation, l'accès à cette technologie pour innover et créer, que ce soit la prochaine Shopify, une production culturelle incroyable ou une expérience de réalité virtuelle, demeure un défi énorme et urgent.
Mme Restoule et moi avons cofondé un site Web appelé Whose Land, qui aide les gens à se renseigner sur les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Il compte plus de deux millions de pages vues et aide les collectivités à produire du contenu sur elles-mêmes. Certaines ne sont toutefois pas en mesure de le faire à cause de ce manque de connectivité.
Mme Restoule, je sais que vous avez autre chose à ajouter, mais c'est certes un défi urgent dont nous entendons parler tous les jours de la part de nos communautés partenaires.
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Il y a une nuance que j'aimerais ajouter au sujet de ce qui constitue un résultat positif. Je pense que nous avons tous nos propres idéaux de réussite que nous imposons aux jeunes d'aujourd'hui en général, mais surtout aux jeunes Autochtones.
La façon dont je vous encouragerais tous à voir cela, c'est que le succès consiste vraiment à fournir le bon cadre et l'égalité des chances, pour que les enfants puissent participer à l'apprentissage et au développement et qu'ils puissent ensuite grandir de manière à honorer les dons qu'ils ont reçus. Lorsque je parle de « dons », je parle des compétences qu'ils possèdent naturellement et qu'on leur a donné l'occasion de développer au fil du temps, et de l'accès aux bons enseignants et aux bons entraîneurs grâce à l'utilisation de la technologie, comme nous le faisons à Connexions Nord.
Qu'il s'agisse d'un avocat, d'un mécanicien ou même d'un député, il est important que nous offrions des possibilités diverses et variées à ces enfants. À Connexions Nord, c'est ce que nous visons. Nous visons à uniformiser les règles du jeu en matière de technologie et à donner aux enfants des chances égales d'obtenir de l'encadrement et du mentorat et d'être inspirés par une variété d'enseignants et de dirigeants partout au pays, autochtones et non autochtones, pour qu'ils puissent se reconnaître dans le monde et autour d'eux et se positionner pour atteindre leurs objectifs et, surtout, réaliser leurs rêves.
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Merci. C'est une excellente question.
Nous sommes vraiment chanceux d'avoir un partenariat à long terme avec Cisco, qui a fondé le programme dans une école avec un projet pilote. À ce jour, ce groupe a fait don de près de 10 millions de dollars en technologie professionnelle — qui est habituellement utilisée dans les salles de conférence des entreprises, et non dans des salles de classe — afin que les étudiants puissent profiter de ce genre de solution de haute qualité, basée sur Webex.
C'est en partie grâce à la technologie utilisée en classe, mais pour les présentateurs, pour les gens qui donnent ces séances — cela pourrait se faire sur le terrain —, nous avons pu obtenir du financement par l'entremise du programme de soutien à l'apprentissage des étudiants de manière à leur fournir les subventions pour la bande passante dont j'ai parlé, ainsi que des appareils. Il peut s'agir d'un iPad ou d'une tablette, et ils peuvent se trouver dans l'environnement ou sur le terrain, que ce soit en faisant une expérience scientifique ou en parlant aux étudiants des médecines traditionnelles. Ils peuvent travailler de partout.
Il y a beaucoup de séances qui ne sont toujours pas possibles dans ces environnements, mais nous travaillons avec Polar Bears International sur la toundra dans le nord du Manitoba, à partir de Churchill, pour parler de la recherche sur les ours polaires et des changements climatiques dans la toundra.
Il y a beaucoup de possibilités qui se présentent, surtout en ce qui concerne la revitalisation des langues. Nous travaillons avec le Rainy River District School Board dans le Nord de l'Ontario. Ils utilisent en fait Connexions Nord pour offrir des cours de langue, parce que certaines écoles n'ont pas accès à des enseignants ojibwas. Grâce aux séances de Connexions Nord, ils peuvent avoir un enseignant d'une école où travaille cet enseignant pour les aider à combler cette lacune et à appuyer l'apprentissage des langues.
À ce jour, nous avons également travaillé avec des étudiants de cinq communautés pour publier des livres pour enfants en langue autochtone, grâce à Kindle Direct Publishing d'Amazon, ici au Canada.
Nous cherchons également des façons créatives de donner vie à ces ressources linguistiques et d'aider les étudiants dans les collectivités à en créer lorsque c'est pertinent et possible.
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Nous avons fait un peu de cela. Nous servons la Wandering Spirit School ici à Toronto. Il y a un certain nombre d'étudiants qui sont en mesure d'établir des liens dans un environnement urbain avec des collectivités éloignées et d'avoir un peu d'échanges culturels.
Nous avons également lancé un programme appelé Fireside Chats. Dans le cadre de ce programme, nous avons maintenant interviewé plus de 300 professionnels, gardiens du savoir, experts, artistes et auteurs des Premières Nations, Inuits et Métis. Ils communiquent leurs histoires sur demande. Nous avons un journaliste autochtone qui écrit ses articles et les illustre.
Nous cherchons également à créer plus de ressources sur demande qui peuvent servir à chaque étudiant. À Connexions Nord, nous nous concentrons sur les collectivités éloignées, mais nous avons entendu beaucoup de demandes, comme vous l'avez dit, de la part de collectivités urbaines. Nous avons créé plusieurs programmes et ressources, y compris Fireside Chats, Créer pour apprendre et Ta voix est puissante, pour essayer de fournir des ressources à ces collectivités urbaines également.
Oui. Je n'arrête pas d'en parler. À l'Association des femmes autochtones du Canada, l'AFAC, nous avons notre propre plan d'action pour mettre en oeuvre les appels à la justice, et en faire la promotion en est un, mais je crois vraiment en la ressource. Elle permet d'offrir une pédagogie différente. Je n'ai pas vu une autre ressource de ce genre, et c'est pourquoi je veux que les enseignants sachent qu'elle existe. C'est une ressource. Vous pouvez trouver l'âge de l'enfant à qui vous enseignez et vous rendre directement à cette source.
C'est très instructif de voir comment on parle des femmes autochtones et comment le colonialisme a vraiment affecté leur valeur et leur rôle dans l'esprit des gens. On y parle des stéréotypes qui découlent du colonialisme et de ce genre de choses. Cela montre à quel point les femmes autochtones sont précieuses. On y parle du rôle des femmes autochtones dans le commerce de la fourrure. On y parle des sage-femmes, des guérisseuses et de ce genre de choses. Ce ne sont pas des sujets dont nous entendons parler dans la pédagogie et l'enseignement traditionnel et officiel. C'est une ressource très précieuse.
Il y a ce message de vérité, mais aussi de résilience. Il est très important que les femmes autochtones, les personnes de diverses identités de genre et les transgenres le ressentent, mais l'éducation porte aussi sur la façon de rester en sécurité en tant que femme autochtone qui existe dans le monde. C'est aussi très important, et c'est aussi un élément clé de cette discussion.
Cette ressource est en ligne. Je n'en parlerai jamais assez. Cela vous donne une idée de ce dont les filles, les femmes et les personnes de diverses identités de genre autochtones ont besoin pour réussir.
:
[
La députée s'exprime en inuktitut ainsi qu'il suit:]
ᖁᔭᓐᓇᒦᒃ ᐋ ᐃᒃᓯᕙᐅᑕᓖᒃ ᓯᕗᒡᓕᕐᒥᒃ ᐋ ᑐᓵᔨᒋᖃᑦᑕᑕᒃᑲ ᐊᒃᓱᐊᓗᒃ ᖁᔭᓕᒍᒪᕙᒃᑲ ᐋ ᐃᓄᒃᑎᑑ−
ᕈᓐᓇᖅᑎᑕᐅᓲᖑᒐᒪ ᐊᒻᒪᓗ ᐃᖅᑲᓇᐃᔭᖅᑏᑦ ᐊᒃᓱᐊᓗᒃ ᖁᔭᓕᕙᒃᑲ ᑕᕝᕙᓂ ᐃᓄᒃᑑᕈᓐᓇᖅᑎᑕᐅᖃᑦ−
ᑕᕋᒪ ᐋ ᑖᓐᓇ ᐋ ᐃᓄᒃᑑᕈᓐᓇᐃᓐᓇᕐᓂᖅ ᐋᒻ ᓄᓇᖃᖅᑲᖅᓯᒪᔪᖅᑎᒍᑦ ᓴᓐᖏᓂᕆᔭᒃᑎᓐᓂᒃ ᓴᖅᑭᔮ−
ᖅᑎᑦᓯᒻᒪᑦ ᐋ ᖁᔭᓐᓇᒦᕈᒪᒃᑲᓐᓂᑐᐃᓐᓇᖅᑐᖓ ᑐᓵᔨᑦᑎᓐᓄᑦ. ᐋᒻ ᑭᐅᕋᓐ ᑭᐅᒋᐊᕈᓐᓇᕐᓂᐊᖅᑲᐅᒻᒪᑦ
ᐱᕕᖃᖅᑎᑦᑐᒪᕙᕋ ᐋ ᑭᐅᖃᑕᐅᔪᓐᓇᖅᐸᑦ ᐋ ᐊᐱᕆᖅᑲᐅᔭᓐᓂᒃ ᐊᐱᕆᒃᑲᓐᓂᕆᐊᖃᖅᐳᖓᖃᐃ
ᐅᒡᕙᓘᓐᓃᑦ ᐃᖅᑲᐅᒪᕚ ᖃᓄᖅ ᑭᐅᓂᐊᖅᑲᐅᒻᒪᖔᖅ.
[Les propos en inuktitut sont interprétés en anglais puis traduits ainsi:]
Merci, madame la présidente.
Je remercie mes interprètes grâce à qui je peux m'exprimer dans ma langue autochtone, ma langue maternelle.
Je remercie également les employés qui sont ici, parce qu'ils m'ont laissé parler l'inuktitut.
Pouvoir parler notre langue, notre langue maternelle, est un autre exemple de notre force. Je tiens simplement à montrer à mon interprète à quel point je lui en suis reconnaissante.
Vous souvenez-vous de ma question de tout à l'heure? Avez-vous encore la réponse que vous vouliez donner à ma question de tout à l'heure?
Merci.
[Traduction]
Je vais commencer à répondre, puis je vais céder la parole à Monsieur Furdyk pour les données concrètes.
Il semble que le gouvernement actuel ait financé des avancées technologiques, mais qu'elles n'aient pas nécessairement été appliquées aux bons endroits, et la qualité des services offerts grâce à la technologie dans laquelle ils ont investi n'est pas assez élevée pour faciliter l'apprentissage et le développement dans nos collectivités du Nord.
C'est une énorme lacune, et je comprends que, pendant que nous faisons des efforts, nous ne voyons peut-être pas tout le monde. Pour moi, c'est vraiment une question de résultats. C'est une chose que de financer de grands programmes ambitieux, mais nous devons nous assurer qu'ils fonctionnent et qu'ils atteignent les gens qu'ils sont censés servir, et, surtout, que nous pouvons utiliser ces outils, cette technologie, la connectivité, pour travailler ensemble à l'atteinte de résultats, dans ce cas-ci, les jeunes Autochtones.
Je cède la parole à M. Furdyk.